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Grèce et détention migrants

Grèce : « la légitimité » de la détention des migrants mise en cause,

La « légitimité » de la mesure de détention des migrants ou demandeurs d’asile, utilisée fréquemment ces dernières années en Grèce, a été mise en cause dans un rapport publié jeudi par le Conseil grec des réfugiés (GCR), évoquant « la violation des droits fondamentaux ».

Dans un rapport de 40 pages, cette ONG exprime « son inquiétude sur la hausse du nombre des migrants et demandeurs d’asile en détention, une mesure utilisée de plus en plus par les autorités (grecques) surtout après l’application de la déclaration commune UE-Turquie en mars 2016 » visant à limiter le flux migratoire en Europe.

« En 2017 le nombre des détenus en Grèce a augmenté de 60% par rapport à l’année précédente et en 2018 cette tendance a été confirmée: 32.718 décisions de détention contre 25.810 en 2017 », relève ce texte.

Elaboré dans le cadre du programme européen pour l’intégration et la migration (EPIM), le rapport souligne que le nombre des détenus en Grèce est l’un des plus élevés dans l’Union européenne (UE).

Selon ses conclusions, la détention est souvent à l’origine de « violations des droits fondamentaux, entravant surtout l’accès à la demande d’asile ou causant des retards dans l’achèvement de cette procédure ».

« L’imposition de la détention a une façon punitive, ce qui est contre la nature de cette mesure administrative » et suscite des « problèmes de légitimité » car « ces personnes risquent d’être traitées d’une façon humiliante et honteuse », estime l’ONG.

La Grèce a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des camps de rétention « inappropriés » ou « des « commissariats de police absolument inaptes » où sont parfois détenus des migrants, dont des mineurs, rappelle ce texte.

L’accord UE-Turquie, signé après la crise migratoire de 2015, a réussi à limiter le nombre des personnes fuyant guerres et pauvreté à destination de l’Europe mais a provoqué la surpopulation des camps sur cinq îles grecques en mer Egée, portes d’entrée vers l’Europe.

Environ 15.000 personnes s’entassent actuellement dans des conditions insalubres, surtout dans les camps de Samos et Lesbos.

En 2018, près de 48.000 réfugiés ou migrants sont entrés en Grèce dont environ 32.000 via les îles de la mer Egée en provenance des côtes turques proches.

Ces traversées restent toujours dangereuses. Jeudi, 36 personnes ont échappé au naufrage de leur embarcation de fortune au large de Chios. Les autorités sont en train de rechercher deux personnes portées disparues.

Manifeste : Médicament un bien commun

Pour un monde de solidarité, de coopération, de fraternité et de liberté

Nous proposons à tous les acteurs et usagers du secteur de la santé, à se mobiliser pour l’appropriation sociale et publique de la chaine du médicament.

Il est nécessaire et urgent de faire valoir les valeurs de solidarité et d’universalité au fondement de nos systèmes de santé. Il faut donc arracher le pouvoir de décisions à une infime minorité d’humains, actionnaires et décisionnaires, pour obtenir une réponse réelle aux besoins de milliards d’humains

Pour une appropriation sociale du médicament
Manifeste

Nous affirmons :

  • La santé est un droit universel : les Etats, les pouvoirs publics, tous les acteurs agissant dans le domaine de la santé, doivent garantir un égal accès de toutes et tous aux soins et traitements de qualité.
  • L’accès aux médicaments est un droit de la personne fondé sur le droit inaliénable aux soins.
  • L’égalité d’accès aux médicaments est une condition indispensable à la jouissance du droit à la santé. En ce sens, le médicament est un bien commun de l’humanité, sous condition d’une appropriation collective et démocratique des peuples, dans chaque pays et à l’échelle planétaire.
  • La nécessité de supprimer la notion de propriété privée et de monopole des droits de propriété intellectuelle sur les médicaments attribués par les brevets d’invention.
  • Vouloir rompre avec la logique de la rentabilité financière pour donner la primauté à la protection de la santé publique.
  • Le principe d’une santé publique et environnementale à l’échelle planétaire, la création d’un nouvel écosystème, la refondation des coopérations internationales et la mise en place d’une sécurité sociale à vocation universelle

Contexte : La production des médicaments, analysée comme une production de marchandises,ne répond pas aux besoins des populations :

Le marché mondial du médicament représente un chiffre d’affaire dépassant les 1000 milliards d’Euros avec une rentabilité de 20%, le plus rentable du capitalisme, donnant aux industries pharmaceutiques un pouvoir considérable dans le secteur économique.Considérant le médicament comme un simple bien marchand, les industries pharmaceutiques dépensent plus en frais de commercialisation, marketing, lobbying qu’en Recherche & Développement (R&D) tout en justifiant les prix de vente par le coût de la R&D.

Sous prétexte de traitements innovants, un jeu de dupes s’établit entre les gouvernants, les décideurs de la santé et les dirigeants des multinationales du médicament qui obtiennent que leur soient payées au prix fort des molécules au service médical parfois modeste. Ils ponctionnent ainsi partout dans le monde les systèmes de prévoyance et les fonds publics comme celui de la Sécurité Sociale en France. Au mépris de la santé publique,et dans un manque total de transparence, les groupes pharmaceutiques s’assurent ainsi une source de profits confortables, à la grande satisfaction des actionnaires.

L’industrie pharmaceutique, propriétaire des brevets de molécules championnes dela profitabilité, les blockbusters, a exploité à son maximum cette politique pour dominer le marché, générant des milliards de dollars. Au point de saturer par des molécules équivalentes certains domaines thérapeutiques alors que d’autres fondamentaux sont délaissés. A la recherche de nouvelles stratégies, les Big Pharma externalisent d’une part leur recherche vers les laboratoires publics ou de petites sociétés, et d’autre part, se réorientent vers le développement de produits biologiques, plus difficiles à copier, leur permettant ainsi d’exiger des prix exorbitants. Ces nouvelles thérapeutiques ne pourront bénéficier qu’aux marchés solvables. Cette logique commerciale oriente la recherche de manière discriminée conduisant à l’arrêt des recherches dans plusieurs axes thérapeutiques essentiels.

L’application du système juridique des brevets aux médicaments donne un pouvoir discrétionnaire aux multinationales pour fixer les prix de vente. Le médicament est soumis au droit commun des produits brevetables. Sous l’argument d’inciter l’investissement en R&D dans les secteurs privés, l’application du système juridique des brevets aux médicaments préserve les firmes pharmaceutiques de toute concurrence durant les 20 années d’exclusivité. Depuis les années 1980, à l’instigation des grandes entreprises pharmaceutiques, les droits de la propriété intellectuelle sur les médicaments ne cessent d’être renforcés. Ainsi, sous l’égide de l’OMC, les accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC – Marrakech, 1994) fixent un modèle d’exploitation agressif de la propriété intellectuelle à l’échelle internationale, aggravé par les dispositions ADPIC+. Enfin sous couvert de développement de thérapies géniques et via les partenariats public-privé, les entreprises privées ont obtenu l’exploitation des titres de propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche publique universitaire, leur permettant ainsi d’étendre la brevetabilité au domaine du vivant ((Bay-Dole-Act ; US : 1980 – Europe : au cours des années 1990). C’est souvent le cas des thérapies ciblées dans le traitement des cancers (en fonction des caractéristiques génétiques), dont les prix sont tellement faramineux que seules des populations étroites ayant les moyens financiers pourront en bénéficier. Le prix de vente des médicaments, les marges qui en sont issues, ne s’expliquent que par l’application des brevets et le monopole qui en découle. La principale conséquence est d’avoir rendu difficile voire impossible l’accès de populations entières aux médicaments.

Ce que nous voulons :

  • L’accessibilité universelle aux soins de santé et aux médicaments. Les autorités publiques doivent garantir ce droit selon les critères d’égalité, de qualité et de sécurité, ce qui implique une politique publique de santé, des services publics et des budgets de recherche à la hauteur des besoins.
  • Refuser la marchandisation des soins de santé dont les médicaments pour que les objectifs de santé publique ne soient plus dominés par le consumérisme des produits pharmaceutiques. Les médicaments essentiels lorsqu’ils sont « disponibles,économiquement abordables, de bonne qualité et bien utilisés » permettent de répondre aux besoins prioritaires de la population en matière de santé.
  • Refuser l’utilisation de population comme cobayes humains, contre nourriture ou toute autre rétribution, pour l’expérimentation de nouvelles molécules.
  • La sortie des stratégies de l’industrie pharmaceutique qui ont pour objectif la profitabilité du capital et exercent de fortes pressions sur les politiques publiques de santé. Pour ce faire,doivent se mettre en place de nouveaux modèles de R&D, de production et de distribution de produits de qualité, contrôlés par les citoyens.
  • Libérer et promouvoir la recherche : L’organisation et les orientations de recherche fondamentale doivent être libres de toute contrainte et ne pas être assujetties aux visées financières des firmes pharmaceutiques. L’utilisation des résultats de la recherche et le développement des innovations pouvant conduire à des améliorations thérapeutiques doivent être définies en fonction des besoins de santé publique de la population mondiale,dans l’intérêt général et sous maitrise citoyenne. Les coopérations internationales doivent être encouragées et les financements publics fournis à la hauteur nécessaire. Les résultats,au fur et à mesure de nouvelles découvertes ou innovations, doivent être rendus publics afin que le fond de connaissances scientifiques du monde soit enrichi et les savoirs partagés.
  • Refonder la législation internationale en matière de propriété intellectuelle et industrielle appliquée aux médicaments, sur la base de la primauté de la santé publique.

o Le système des brevets sur les médicaments doit être abrogé. Les dérogations obtenues par certains pays permettant de contourner les brevets (licence obligatoires), ont certes fait temporairement reculer les firmes aux exigences exorbitantes, mais sans régler le problème sur le fond et le long terme.

o Dénoncer les Accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) et les dispositions ADPIC+ qui font perdre toute latitude en matière de politique de santé publique aux pays en voie de développement, et limitent celle des pays développés potentiellement producteurs.

o Le système des brevets sur les médicaments doit être abrogé. Les dérogations obtenues par certains pays permettant de contourner les brevets (licence obligatoires), ont certes fait temporairement reculer les firmes aux exigences exorbitantes, mais sans régler le problème sur le fond et le long terme.

o Dénoncer les Accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) et les dispositions ADPIC+ qui font perdre toute latitude en matière de politique de santé publique aux pays en voie de développement, et limitent celle des pays développés potentiellement producteurs.

o Revenir sur la directive Européenne 98/44 relative à la brevetabilité des séquences génétiques et des organismes contenant des entités brevetables.

Nous proposons à tous les acteurs et usagers du secteur de la santé, à se mobiliser pour l’appropriation

Pour signer http://medicament-bien-commun.org/

E.Toussaint au sujet de Yanis Varoufakis 8e partie

  Série : Le témoignage de Yanis Varoufakis : accablant pour lui-même

À qui profite la dette grecque ? Le FMI

21 janvier par CADTM Belgique , ZinTV

Crise grecque. On nous parle d’une dette grecque insoutenable, impayable… mais au fait : à qui cette dette profite ? Qui sont les créanciers de la Grèce ? Pourquoi ont-ils prêté de l’argent à la Grèce et à quelles conditions ? Pourquoi la Grèce n’a pas été « sauvée » ?

Cette courte vidéo animée vous propose quelques éléments de réponses sur le Fonds monétaire international (FMI). Élaborée à partir du travail d’audit de la dette grecque, elle fait partie d’une série d’autres vidéos sur les créanciers de la Grèce.

Aidez-nous à diffuser cette vidéo auprès de vos contacts pour que les mensonges sur la dette grecque cessent (n’hésitez pas à l’inclure dans vos newsletters, la publier sur vos sites internet, sur vos réseaux sociaux, etc.)


Revoir :
Le premier épisode : Les prêts bilatéraux
Le second épisode : Les banques privées
Le troisième épisode : La Banque centrale européenne – Questions pour du pognon

Encore 170 disparus en Méditerranée

Migrants: encore 170 disparus en Méditerranée Par Mathilde Mathieu Mediapart

« On doit faire cesser cette tragédie », a réagi un responsable du Haut Commissariat aux réfugiés, après que 170 personnes ont disparu en Méditerranée, dans deux naufrages distincts. Au large de la Libye, trois rescapés ont été hélitreuillés, faute de navires sur zone.

Une fois de plus, ce week-end, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) a tapé du poing sur la table, après la disparition de près de 170 personnes en Méditerranée, dans deux naufrages distincts ces derniers jours. Entre l’Espagne et le Maroc, c’est d’abord une patera de 54 passagers qui a chaviré, avec 53 disparus, et un seul rescapé, selon une association.

Puis un bateau pneumatique avec 120 personnes a visiblement sombré corps et âme avant d’atteindre la Sicile, à l’exception de deux Soudanais et un Gambien sauvés par des militaires italiens, à l’issue d’opérations théoriquement placées sous la responsabilité des garde-côtes libyens.

« On doit faire cesser cette tragédie, a réagi Vincent Cochetel, l’envoyé spécial du HCR pour la Méditerranée, samedi 19 janvier au soir. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur un si grand nombre de personnes qui meurent aux portes de l’Europe. Aucun effort ne devrait être épargné ni entravé pour sauver des vies humaines en détresse en mer. »

Dans un communiqué, l’agence de l’ONU, qui se dit « atterrée », a semblé pointer des responsabilités européennes : « Le HCR est préoccupé par les mesures prises par les États qui ont un effet dissuasif croissant sur les ONG souhaitant mener des opérations de recherche et de sauvetage. Le HCR demande qu’elles soient immédiatement levées. »

En creux : notamment une critique des stratégies de criminalisation des humanitaires menées par Malte ou l’Italie, avec un procureur de Catane qui a demandé la saisie de l’Aquarius en novembre, au motif que l’équipage aurait dissimulé la nature « contaminée » de certains déchets (dont les vêtements des migrants rescapés)

Il y a quelques jours, l’ONG qui affrète l’Open Arms a aussi affirmé que l’État espagnol l’empêchait de reprendre la mer, après une escale à Barcelone qui avait permis le débarquement de 311 migrants (repêchés au large de Malte et de l’Italie, mais refusés par ces deux pays). « Nous empêcher de sauver des vies est irresponsable et cruel », a tonné le fondateur de l’ONG, Oscar Camps, à l’intention du gouvernement espagnol.

À l’entendre, les autorités portuaires reprocheraient à l’Open Arms de violer les règles internationales en matière de sauvetage en mer.

Alors le HCR tape du point sur la table, mais après ? Combien d’États européens, lundi 21 janvier, seront encore assis à la table commune ? Combien le nez dans leur assiette verront à peine leur fond de soupe frémir ? Quatre ans après le début de la crise des réfugiés, combien de chaises déjà vides ?

Les drames, eux, se répètent. En l’occurrence, un pneumatique chargé de 120 personnes s’est lancé jeudi dernier du port de Garabulli, en Libye, avec notamment une quarantaine d’exilés du Soudan à son bord (un pays dont les ressortissants obtiennent majoritairement l’asile en France quand ils ont la chance de déposer un dossier), mais aussi dix femmes, dont une enceinte, et deux enfants, dont un bébé de deux mois, selon les témoignages des survivants.

Après dix heures en mer, le rafiot aurait commencé à se dégonfler, à prendre l’eau, livrant les passagers aux eaux glacées. Seule une poignée a réussi à se maintenir à flot, des heures durant, jusqu’à être repérée par un avion de patrouille italien. D’après un officier, Fabio Agostini, interviewé sur la chaîne RaiNews24, cet avion a largué deux radeaux de secours, avant de repartir illico faute de carburant.

C’est finalement un hélicoptère, toujours de la marine italienne, qui est venu hélitreuiller les survivants, emmenés ensuite à Lampedusa et soignés, en hypothermie sévère. Ils n’étaient que trois.

Interrogés sur l’île par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM, une agence de l’ONU), les deux Soudanais et le Gambien ont raconté avoir passé trois heures environ dans l’eau.

Samedi, Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur italien, a réagi en se félicitant d’avoir fermé, l’été dernier, tous les ports du pays aux humanitaires, accusés de faire le jeu des trafiquants. « Ce dernier naufrage est la preuve que si vous rouvrez les ports, davantage de personnes mourront », a déclaré le leader de la Ligue, parti d’extrême droite.

En l’occurrence, parce que le naufrage est survenu dans la « zone de recherche et de sauvetage » (SAR) libyenne, sous responsabilité de Tripoli, les Italiens n’étaient pas en charge d’organiser les secours, de repérer et de mobiliser les bateaux les plus proches. La marine italienne a donc expliqué avoir alerté les garde-côtes libyens, qui auraient ordonné à un navire marchand de se rendre sur zone, sans succès.

Mais comme Mediapart l’a raconté, la création de l’énorme « SAR » libyenne ne remonte qu’à juillet dernier – jusque-là, c’est Rome qui s’en chargeait. Et elle doit beaucoup à l’Italie et à l’Union européenne, qui l’ont encouragée : l’UE a même budgété plus de 8 millions d’euros en 2017 pour aider Tripoli à la déclarer officiellement, alors même que les garde-côtes libyens sont régulièrement accusés de violences, et certaines de leurs unités soupçonnées de complicité avec des trafiquants de migrants.

Au large du Maroc, la proportion de survivants n’aura pas été meilleure : 1 pour 53 disparus. D’après le récit confié par l’unique rescapé à l’association d’aide aux migrants Caminando Fronteras, l’embarcation aurait pris la mer le 12 janvier, avant d’errer pendant six jours, avec trois femmes à bord et des exilés mauritaniens. Alertée par téléphone depuis la patera, c’est l’association qui aurait averti les secours, à la fois espagnols et marocains, qui ont patrouillé plusieurs jours sans jamais réussir à repérer le bateau.

Et puis, jeudi 17 janvier, en pleine nuit, « il y a eu un accident », selon ce rescapé. « Quelque chose nous a renversés, qui a fait noyer tout le monde », soit 53 personnes. Lui aurait flotté une journée au moins, avant d’être sorti de l’eau par des pêcheurs, d’être hospitalisé au Maroc, puis de contacter l’association.

Sur les seize premiers jours de 2019, le nombre de migrants et réfugiés qui ont débarqué sur les côtes européennes a presque doublé par rapport à l’an dernier, avec 4 216 arrivées contre 2 365 sur la même période, d’après le recensement de l’OIM. 200 sont déjà morts.

Sans compter les dizaines de personnes interceptées en mer par les garde-côtes libyens et ramenées en arrière, comme ils le font systématiquement, pour être expédiées en détention. Loin du « port sûr » de débarquement imposé à tous les sauveteurs, les vrais, par le droit maritime international.

Dimanche, en début de soirée, au large de la Libye, un nouveau bateau avec 100 personnes à bord environ était signalé en panique, et, et en attente de secours.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/200119/migrants-encore-170-disparus-en-mediterranee

Les Grecs, otages fiscaux de la Troïka et des banquiers

7 janvier par Louv Coukoutsi CADTM Grèce

En Grèce, une Autorité Autonome des Ressources Publiques (Anexartiti Archi Dimosion Esodon, AADE), où siègent deux représentants de la Commission européenne, a remplacé le Trésor Public et récupéré toutes les attributions du Ministère des Finances [1]. Résultat : de plus en plus de contribuables modestes se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs impôts. Pour recouvrer les arriérés de paiement et dettes envers l’État, l’Agence Autonome opère des saisies directement sur les comptes bancaires des particuliers, sans crier gare. Pourtant les objectifs fiscaux fixés par l’AADE sont largement atteints pour la troisième année consécutive.

En septembre 2018, date de la deuxième échéance du paiement de l’impôt sur le revenu, ce sont 500 000 contribuables grecs supplémentaires, personnes physiques ou morales, (sur un total de 6 348 353) qui se sont retrouvées à leur tour endettées auprès de l’AADE, portant à 4,2 millions le nombre de contribuables en cessation de paiement de leurs impôts [2].En conséquence, plus de 1,15 million de contribuables, personnes physiques ou morales, se sont vus imposer des mesures de « prélèvements directs » sur le versement de leur salaire, de leur pension de retraite ou sur leur compte bancaire (autrement dit, des saisies sur les revenus des ménages).
L’AADE annonce encore plus de 700 000 mesures de saisie dans les mois à venir.

Plus de 1,15 million de contribuables ont subi des « prélèvements directs » sur leur salaire, leur retraite ou sur leur compte bancaire

En trois ans, le chiffre des dettes des contribuables grecs envers les impôts est passé de 74 milliards d’euros [3] – en février 2015 dus par environ 3,9 millions de contribuables (dont 400 000 entreprises) – à 103,36 milliards d’euros en décembre 2018. (Ce chiffre ne prend pas en compte les majorations qui dépassent les 80 milliards d’€.)« Les institutions créancières considèrent que l’économie grecque doit être saignée à blanc et que les contribuables sont des machines à payer, tels les condamnés d’une colonie de la dette », selon Nadia Valavani, ministre des Finances pendant le premier gouvernement Syriza entre janvier et août 2015. D’après ses archives, une grosse part de la dette fiscale a été créée après 2010, début des mesures d’austérité qui conditionnent les « plans d’aide » – à l’époque, 47 milliards sur les 74 milliards de dette fiscale de l’époque. Les 29,36 milliards de nouvelles dettes ajoutées entre 2015 et 2018 portent donc ce chiffre à 76,36 milliards. Pour résumer, les mesures d’austérité sont la cause de 74% du total de la dette des contribuables grecs.

Les mesures d’austérité sont la cause de 74% du total de la dette des contribuables grecs
Or pour l’essentiel, ces dettes d’impôt sont comprises entre 50 euros et 1000 euros. L’Autorité AADE a d’ailleurs remis en service les 100 versements pour faciliter les rentrées d’impôts, dans un contexte où le nombre des foyers qui se heurtent à une impossibilité de paiement augmente de trimestre en trimestre.En effet les Grecs ont été soumis à des baisses des salaires et retraites allant jusqu’à 40% de leurs revenus, le chômage a explosé, les allocations et aides diverses se sont évaporées dans le même temps où les impôts directs et indirects étaient multipliés de manière exponentielle. Finalement, en 2018, un Grec sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté ramené à 382 euros par mois, d’après le site d’information [4] citant une étude de mars 2018 du Ministère du Travail grec.Si en 2000, la dette des contribuables grecs envers les impôts s’élevait seulement à 3,5 % du PIB, elle s’élevait déjà à 40% du PIB en 2014, pour atteindre 55,5% du PIB en 2018. (Le PIB étant passé de 242 milliards d’Euros en 2009 à 186,4 milliards d’euros en 2018 [5].)Pourtant l’État grec a encore dégagé un excédent primaire estimé à 7,626 milliards d’€ dans les 11 premiers mois de 2018, dépassant significativement l’objectif initial de 4,071 milliards d’€ inscrit pour la même période dans le budget prévisionnel.  [6].

Les excédents primaires records sont aussi le résultat de la terreur fiscale qui règne en Grèce
C’est bien la preuve que les contribuables grecs, ponctionnés à la source pour 80% d’entre eux (tous les salariés et pensionnés du public et du privé) sont les otages d’un système fiscal inique, qui ne tient pas compte de la réalité économique des citoyens.Rappelons que pour dégager un excédent primaire le gouvernement prolonge la politique antisociale brutale voulue par la Troïka. Les excédents primaires records sont aussi le résultat de la terreur fiscale qui règne en Grèce.À la lumière de la crise sociale qui secoue la France devant l’injustice fiscale imposée par les pactes européens et la politique de la monnaie unique, il est temps d’en finir définitivement avec la propagande médiatique qui a décrit les Grecs comme de mauvais payeurs et mauvais contribuables, accusés injustement d’être ainsi responsables de leur dette publique par leur indigence.
Notes
[1« L’Autorité jouit d’une autonomie de fonctionnement, elle est autonome administrativement et économiquement, et elle n’est soumise au contrôle ou à la tutelle d’aucun organe du gouvernement ni d’institution d’État ni d’autres autorités administratives ». De même dans la loi qui fonde cette institution, on note que « le président, les membres du Conseil d’administration, le Conseiller (nommé sur proposition de la Commission européenne) et l’Administrateur, exercent leurs fonctions selon la loi et leur seule conscience ; ils ne sont soumis à aucun contrôle hiérarchique ni aucune tutelle administrative, à aucun organe du gouvernement ni à d’autres autorités administratives ni autre organisme public ou privé. » in Dikaiologitika.gr

Que disent exactement les textes des Memoranda grecs ?

Que disent exactement les textes des Memoranda grecs ? 9 janvier par Ariane G. CADTM

Athènes, Place Syntagma, Grèce, le 30 juin 2011 (CC – Wikimedia)

Cet article est tiré d’un mémoire de fin de master en sciences politiques, dont l’objectif principal était de démontrer les préceptes idéologiques néolibéraux, philosophiques comme socio-économiques, qui ont sous-tendu la réponse apportée par la Troïka (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Commission européenne) à la crise en Grèce dès 2010.

En octobre 2009, dans un contexte de crise économique mondiale, furent révélés des taux d’endettement et de déficit public de la Grèce bien plus élevés que ceux présentés officiellement jusqu’alors. Cette situation fut immédiatement suivie d’une réaction de méfiance de la part des marchés financiers qui fixèrent les taux d’intérêts vis-à-vis de la Grèce à un niveau extrêmement élevé, sous l’argument de l’insoutenabilité de ses finances publiques, et donc de son incapacité à rembourser ses emprunts. Par conséquent, le gouvernement grec fit appel à la Commission européenne et au FMI en vue de demander une aide financière. Ce fut le déclencheur, dès 2010, d’un important programme d’austérité (contenu dans les Memoranda of Understanding) élaboré par la Troïka et imposé à la Grèce comme condition à l’octroi de prêts. L’objectif officiel était de rendre l’état des finances de la Grèce conforme aux normes budgétaires de l’Europe en vue de garantir ses capacités à rembourser sa dette et de restaurer la « confiance des marchés » afin qu’ils permettent un retour à un taux d’intérêt « normal » pour la Grèce.

À ce sujet, il faut questionner la naissance, dans ce contexte, de la Troïka, alors que le Parlement européen, dans une résolution datant de 2014 [1], rapporte son inexistence juridique ainsi que celle de l’Eurogroupe (un groupe informel rassemblant les Ministres des finances de la zone euro). De fait, le Parlement rappelle l’importance du rôle qu’a joué l’Eurogroupe, malgré une absence de légitimité démocratique, dans les négociations et dans la prise de décisions finales relatives aux conditionnalités de l’assistance financière, adoptées sur la base des recommandations de la Troïka : selon le Parlement, ce groupe « assume donc la responsabilité politique des programmes ». D’ailleurs, la Commission n’a signé les Memoranda qu’au nom des Ministres des finances qui composent cet Eurogroupe. Le Parlement explique par ailleurs que la Troïka forme une entité « ad hoc » ne pouvant se fonder sur aucune base juridique européenne, ce qui le mène à déclarer que la responsabilité politique des activités de la Troïka revient in fine aux Ministres des finances de la zone euro, et donc à leurs gouvernements.

Une analyse lexicométrique des textes des trois Memoranda élaborés respectivement en 2010, 2012 et 2015, qui comportaient les conditions politiques, législatives, économiques, fiscales, budgétaires et sociales aux prêts financiers accordés à la Grèce, a donc été nécessaire aux fins de cette recherche. L’analyse lexicométrique est une analyse quantitative de textes, opérée grâce à un logiciel, qui permet d’étudier les spécificités et tendances lexicales et langagières d’un ou de plusieurs discours. Cette méthodologie a ainsi permis de répondre à la question suivante : comment expliquer le choix des réformes structurelles contenues dans les Memoranda au-delà de leur dimension purement économique ? La réponse était en effet à trouver dans le système idéologique néolibéral prédominant dans les institutions qui ont décidé des politiques à imposer à la Grèce. L’objectif était donc de déceler les rapports de pouvoir qui régissaient l’application de ces réformes en Grèce, et qui expliquent que les objectifs économiques portés par les Memoranda ne formaient pas l’objectif ultime mais constituaient plutôt des instruments permettant l’exportation du modèle socio-économique néolibéral au sein de la société grecque.

L’analyse qui suit a donc été basée sur une étude statistique des textes des trois Memoranda dans leur version anglaise et a permis d’en tirer des indices de la prédominance de la doctrine néolibérale dans les réformes qu’ils prônent.

La neutralisation de la puissance publique : un État grec sous programme

Discipliner et réduire l’incertitude des comportements de l’État grec en interférant dans ses choix

Alors que le mot will (en anglais) apparaît être la forme la plus fréquente au sein des trois textes (1371 apparitions), l’analyse de son environnement lexical immédiat, à savoir les mots qui le précèdent ou le suivent directement, montre qu’au niveau des mots qui le précèdent directement, le mot authorities y apparaît 124 fois, le mot government, 122 fois, et le mot Greece, 47 fois. Par ailleurs, les termes 2015, 2016, by, apply, continue ou encore program figurent parmi ceux qui apparaissent le plus fréquemment dans son réseau lexical, c’est-à-dire les mots qui apparaissent régulièrement dans son environnement lexical plus large, non-immédiat. Ces données laissent penser que l’État grec, détenteur de l’action publique, voit ses décisions politiques dictées à travers ce mot « will », dont l’analyse lexicale montre qu’il s’accompagne de verbes déterminant la direction à suivre ainsi que d’indicateurs temporels qui dictent les délais précis de l’application des mesures. Cette programmation élaborée au niveau européen permet de discipliner et de réduire l’incertitude des comportements de l’État grec en interférant dans ses choix tout en contrôlant ses ressources et leur utilisation (budget, fiscalité, dépenses, entreprises). En effet, l’adjectif public se retrouve en quatrième position d’apparition dans les textes (421 apparitions) : l’analyse de son réseau lexical démontre qu’il se rapporte particulièrement au secteur public, à l’administration publique, aux finances publiques, à l’emploi public, aux entreprises publiques. Les principaux noms communs et les verbes qui accompagnent le mot public démontrent les préférences de la Troïka à leur sujet : ils évoquent la modernisation, la réforme, l’investissement, le management, la réduction. L’objectif est de rétablir l’équilibre des finances publiques grâce à une réduction des dépenses qui sont considérées comme excessives (« overspending ») : cette réduction permet la dépossession de l’État social, c’est-à-dire de la prérogative publique qui vise à intervenir dans la société en vue de diminuer les inégalités. On retrouve ces tendances dans cet extrait :

  • « Le gouvernement devra identifier toutes ces mesures d’ici juin 2012 et les adopter dans ses budgets de 2013 et de 2014 afin d’atteindre les objectifs. Etant donné que les possibilités de réduction horizontale des dépenses ou d’augmentation d’impôts sont épuisées (…), ces économies devront venir de réformes structurelles des dépenses. » (MoU2012)

On note que, paradoxalement, certaines mesures budgétaires précises élaborées par la Troïka et concrètement mises en œuvre par le gouvernement grec sont parfois qualifiées d’« automatiques », tout comme les objectifs qu’elles visent sont parfois évoqués comme s’ils étaient issus de mécanismes automatiques. Par exemple, dans l’accord de 2012 :

  • « L’objectif du solde primaire pour 2012 était fixé à -1,0% du PIB. L’objectif était défini d’une façon qui nécessite un effort budgétaire similaire à celui d’avant, tout en laissant les stabilisateurs automatiques opérer. (…) Afin d’atteindre l’objectif budgétaire révisé pour 2012, le gouvernement s’est engagé à réduire les dépenses de 1,5% du PIB. (…) De plus, le gouvernement met en place un mécanisme de récupération automatique (à savoir une remise qui sera facturée aux entreprises pharmaceutiques sur une base trimestrielle) qui garantira que les dépenses pharmaceutiques ambulatoires pour 2012-2015 n’excéderont pas l’enveloppe budgétaire annuelle disponible. » (MoU2012)

Ce faisant, les décideurs laissent penser qu’ils fondent leurs choix sur des préceptes rationnels et naturels de l’économie réelle, incarnés dans l’idée de l’automaticité.

C’est sur la base de cette opposition entre l’arbitraire et l’objectivité que les Memoranda enjoignent également de réduire la main de l’État sur l’économie. Ils rejettent en théorie toute forme d’intervention étatique dans les domaines économique et social au profit de mécanismes de marché qui seraient neutres et rationnels ; pourtant, chacune des réformes composant ces accords ne peut être mise en œuvre que par la main du gouvernement.

L’adoption, la modification ou la suppression de lois ou de mesures législatives dans le système grec sont prépondérantes dans les conditionnalités

La nature des domaines dans lesquels est exigée une réduction de l’intervention publique appuie l’idée que, en réalité, l’opinion de la Troïka vis-à-vis du principe de l’intervention étatique dépend en fait de l’enjeu. S’il s’agit de redistribution des richesses et d’égalisation des conditions socio-économiques, l’action étatique est contrôlée, sous l’argument du nécessaire équilibre budgétaire et du caractère néfaste de politiques qui seraient « arbitraires ». S’il s’agit de mesures qui permettent d’instituer la norme de la concurrence entre les individus ou entre les pays, alors l’action gouvernementale est indispensable. C’est ce que la Troïka prône quand elle affirme ceci : « Nous examinerons en permanence les effets de ces mesures sur le marché du travail et sur les coûts unitaires du travail (…) afin d’assurer la flexibilité des salaires et l’augmentation de l’emploi. Si à la fin de l’année 2012, les effets sur le marché du travail restent difficiles à atteindre, nous envisagerons des interventions plus directes. » (MoU2012)

La Troïka interfère donc non seulement dans les politiques grecques en matière budgétaire, fiscale, économique et sociale mais également dans le système législatif et constitutionnel de la Grèce, afin d’y insérer des normes indispensables au système que l’on veut exporter dans la société grecque. Sur ce point, il apparaît que les mots law et legislation apparaissent en 14e et 29e position dans les textes. On observe également que la fréquence d’apparition du mot law au fil des textes augmente de manière constante dès la fin du Memorandum de 2010 jusqu’à la fin du Memorandum de 2015. La même tendance est à observer pour la famille de mots qui sont issus de la racine legislati-. On découvre ainsi que l’adoption, la modification ou la suppression de lois ou de mesures législatives dans le système grec sont prépondérantes dans les conditionnalités. En 2012, il est décidé ceci :

  • « Nous sommes déterminés à contrôler plus étroitement toutes les dépenses de l’administration publique et à empêcher l’accumulation d’arriérés. Cela nécessitera d’améliorer chaque étape de notre processus de dépenses : procédures de budgétisation, contrôles des dépenses vis-à-vis des engagements, rapports financiers, surveillances budgétaires. Afin d’améliorer les budgétisations à moyen et court terme, nous (…) adopterons les lois et règlement d’ici octobre 2012 (…). À la fin du mois d’avril 2012, le gouvernement introduira dans la structure légale grecque une disposition garantissant la priorité accordée aux paiements du service de la dette. Cette disposition sera introduite dans la Constitution grecque dès que possible. » (MoU2012)

Ces observations témoignent d’une stratégie de contrôle politique bien précise : les futurs choix étatiques sont ainsi limités à long terme grâce à l’insertion, dans le droit national grec, de règles qui resteront a priori en vigueur après que les programmes de prêts auront pris fin. Ce processus de restriction politique est renforcé par des échéances (« à la fin du mois d’avril 2012 », « d’ici octobre 2012 »…) attachées à presque toutes les réformes, ainsi que par les rapports que la Grèce doit fournir pour prouver leur bonne mise en œuvre (« les autorités fournissent à la Commission et à la BCE des rapports de conformité sur le respect des conditionnalités (…)  »).

La même tendance se trouve dans le réseau lexical de la famille de mots issus de la racine sustain-, dont les membres apparaissent 750 fois dans les trois textes. Au sein de ce réseau, les mots long-term, return et restore cadenassent les politiques concernant les finances, la dette et la croissance, et ce à travers l’injonction de la durabilité, de la stabilité et de l’équilibre.

À ce sujet, la debt est renvoyée à la responsabilité de l’État grec : sur 273 apparitions, ce mot est précédé à 72 reprises des adjectifs government, greek, public ou sovereign. De plus, les mots sustainability (soutenabilité/durabilité) et ceiling (plafond) apparaissent régulièrement dans son environnement ; la nécessité d’un contrôle et d’un plafonnement du taux d’endettement public en vue de sa soutenabilité apparait ici comme logique et incontestable.

La crédibilité vis-à-vis des marchés constitue donc un critère essentiel pour considérer une politique publique comme légitime

Par ailleurs, la préoccupation vis-à-vis du « sentiment » des marchés illustre la dépendance financière de l’État grec vis-à-vis du jugement de ces marchés : les marchés jouent en effet un rôle important dans l’évolution de la situation économique grecque selon le « sentiment » que le contexte politique ou budgétaire leur inspire. Par exemple, le lendemain de l’annonce de la tenue des élections anticipées par le Premier ministre grec, en décembre 2014, et alors que Syriza était en tête de tous les sondages, les marchés faisaient grimper les taux d’intérêts sur les obligations grecques, et la Bourse d’Athènes chuta de 13% (et de 9% après les premières déclarations de Tsipras suivant son élection). À quelques jours du référendum grec de 2015, plusieurs Bourses européennes chutaient également. La crédibilité vis-à-vis des marchés constitue donc un critère essentiel pour considérer une politique publique comme valide ou légitime. En 2010, la Troïka décidait ceci :

  • « La crise mondiale de 2008-2009 a révélé les vulnérabilités de la Grèce. En conséquence, le sentiment des marchés vis-à-vis de la Grèce s’est fortement dégradé au début de l’année 2010. La récession économique a eu de lourdes conséquences sur les finances publiques. Des dépenses excessives et une forte baisse des recettes publiques ont porté le déficit des administrations publiques à environ 13,6% du PIB en 2009. La dette publique a atteint 115% du PIB à la fin de l’année 2009. De plus, l’ampleur de la détérioration de la situation budgétaire a été révélée relativement tard à cause de sérieuses déficiences des systèmes comptable et statistique de la Grèce. Cette mise en œuvre tardive des mesures correctives a surpris les marchés, qui se sont préoccupés de la soutenabilité des finances publiques. Les principales agences de notation ont déclassé la dette publique. (…) La priorité immédiate est de contenir les besoins de financement du gouvernement et de rassurer les marchés sur la détermination des autorités à tout mettre en œuvre pour assurer la soutenabilité des finances publiques à moyen et long terme. (…) Il ne fait aucun doute qu’une mise en œuvre disciplinée du programme garantirait la soutenabilité de la dette extérieure et souveraine et contribuerait à restaurer la crédibilité de la Grèce vis-à-vis des investisseurs étrangers, ainsi qu’à aider le pays à avoir à nouveau accès aux marchés internationaux de capitaux. » (MoU2010)

On observe également, dans les Memoranda, une utilisation massive de seuils et d’indicateurs numériques. En effet, % et percent sont respectivement la 3e et la 8e forme à apparaître le plus fréquemment au sein des trois textes. L’environnement de % renvoie principalement au domaine fiscal, ce qui appuie l’idée que cette mobilisation importante d’indicateurs numériques devient un instrument, dans le système néolibéral, de contrôle de l’action de l’État, en particulier ses prérogatives fiscales et budgétaires. Les mesures austéritaires que l’on retrouve dans les Memoranda s’en trouvent, en apparence, dépolitisées et formulées de manière extrêmement technique : elles semblent former des solutions rationnelles et pragmatiques vis-à-vis des diagnostics posés pour la Grèce, tels des remèdes médicaux vis-à-vis d’un diagnostic scientifique, et non de préférences idéologiques et subjectives. Ces indicateurs chiffrés permettent ainsi la délimitation des actions de l’État (prévision de futures conséquences chiffrées et/ou injonction de réformes chiffrées à mener).

La privatisation : contre l’intérêt général, pour la compétitivité

Ajoutons que des finances et un taux d’endettement public qualifiés d’insoutenables peuvent mener à des privatisations de biens publics en même temps qu’au contrôle des dépenses publiques, les deux ayant pour but de rétablir l’équilibre et de rembourser la dette. Ici, la fréquence d’apparition des mots issus de la racine privati- illustre une augmentation régulière de leur utilisation dès le Memorandum de 2012, et jusqu’à la fin du Memorandum de 2015. En l’occurrence, les Memoranda enjoignent l’État grec de privatiser, de manière « irréversible », les secteurs de l’eau, de l’électricité et du gaz, le secteur minier, certains ports, chemins de fer, autoroutes et aéroports, le secteur touristique et des télécommunications, certains biens immobiliers, ou encore, la poste. Le secteur privé est considéré comme la solution efficace par nature :

  • « Les privatisations peuvent contribuer à rendre l’économie plus efficace et à réduire la dette publique. Alors que le processus de privatisations avait été stoppé au début de l’année, le gouvernement s’est désormais engagé à lancer un programme ambitieux de privatisations et d’explorer toutes les possibilités afin de réduire l’enveloppe de financement, grâce à une trajectoire fiscale alternative ou des recettes plus importantes de privatisations. » (MoU2015)

Les privatisations contribuent non seulement à la suppression de l’autorité de l’État grec sur une part croissante des entreprises et des services, mais aussi à l’extension de la norme de la performance compétitive jusque dans les biens d’intérêt général, dès lors qu’ils sont placés sur le marché. Par ailleurs, la privatisation n’est pas toujours présentée comme nécessaire si ces biens publics sont libéralisés de sorte d’être soumis à une logique concurrentielle et rentable.

Si les Memoranda plafonnent précisément les dépenses budgétaires grecques,ce seuil ne concerne pas les dépenses de recapitalisation des banques privées

Prenons l’exemple du secteur de l’énergie grecque : on observe une évolution entre le Memorandum de 2010, qui appelle d’abord à sa libéralisation – et qui n’évoque que très peu l’idée de la privatisation (5 fois sur l’ensemble du texte) :

  • « Améliorer le climat des affaires et renforcer les marchés concurrentiels. (…) Les industries du réseau seront progressivement libéralisées, en particulier dans le secteur de l’énergie et des transports (…) » (MoU2010)

Et le Memorandum de 2015, qui décide définitivement de la privatisation de certaines entreprises énergétiques à moins que l’État grec ne propose une alternative qui engendrerait les mêmes résultats en termes de logique compétitive :

  • « Les marchés grecs de l’énergie ont besoin de vastes réformes afin de les rendre conformes aux politiques et à la législation européennes, de les rendre modernes et compétitifs, de réduire les monopoles et les inefficacités, de promouvoir l’innovation (…). D’ici octobre 2015, les autorités prendront des mesures irréversibles en vue de privatiser l’entreprise de transport d’électricité, ADMIE, à moins qu’un schéma alternatif ne soit fourni avec des résultats équivalents en termes de concurrence et de perspectives d’investissement (…). » (MoU2015)

De plus, le Memorandum de 2015 décide que les recettes engendrées par les privatisations seront destinées au remboursement du dernier prêt du Mécanisme européen de stabilité (un dispositif européen qui accorde des prêts à l’Etat grec), tandis que la moitié de ce prêt sera destiné à la recapitalisation des banques, un quart au remboursement de la dette, et un quart à l’investissement. Si les Memoranda plafonnent précisément les dépenses budgétaires grecques, ils précisent toutefois que ce seuil ne concerne pas les dépenses de recapitalisation des banques privées :

  • « Les dépenses primaires de l’administration centrale (…) excluent tous les paiements en espèces relatifs à la restructuration bancaire, lorsqu’ils sont effectués dans le cadre du programme de la stratégie de restructuration du secteur bancaire. Les coûts qui peuvent être exclus du solde budgétaire incluent les prêts à des institutions financières et les placements dans les fonds des institutions financières (…). » (MoU2010)

Les Memoranda veillent ainsi au bien-être financier d’institutions privées grâce à leur recapitalisation, commencée dès 2009. On observe ici la priorité accordée à la protection d’institutions privées sous couvert de l’argument de la stabilité financière. Tout comme l’injonction de réduire les dépenses publiques et de vendre les biens publics afin d’en transférer les ressources vers le secteur privé, ces mesures font pencher la balance en défaveur du bien-être collectif et en faveur de propriétaires de capital privé. De fait, parmi les objectifs figurent ceci :

  • « Nous visons à accomplir un transfert fondamental des actifs publics vers le secteur privé. Transférer des actifs des secteurs clés de l’économie (tels que les ports, les aéroports, les autoroutes, l’énergie et l’immobilier) vers des utilisations plus productives à travers des privatisations et des concessions (…). » (MoU2012)
  • « Il est nécessaire de préparer et de mettre en œuvre un ambitieux agenda de réformes structurelles afin de renforcer la compétitivité externe, d’accélérer la réaffectation des ressources du secteur non-marchand vers le secteur marchand (…). Des réductions de dépenses équivalent à 7% du PIB seront mises en œuvre. (…) Ces réductions et le déblocage conséquent de ressources pour le secteur privé devraient également contribuer à restaurer la compétitivité. » (MoU2010)


La réforme du marché du travail : une main d’œuvre grecque précarisée

Ensuite, la recherche de compétitivité des entreprises mais aussi des individus s’impose en vue de relancer la croissance. Cela se traduit dans une politique visant à flexibiliser le marché du travail et à réduire les coûts de production (salariaux ou non). Selon le texte de 2012, cette compétitivité :

  • « ne se matérialisera que si la réforme du marché du travail s’accompagne d’une action visant à promouvoir la compétitivité sur le marché des biens et des services afin de permettre de répercuter la réduction des coûts du travail sur les prix à la consommation. » (MoU 2012)

À ce sujet, le mot competitiveness (76 apparitions dans les textes) est précédé 21 fois des verbes boost, enhance, improve, promote, recover, restore/ing. De plus, son réseau lexical dépeint une nécessité (need) urgente (accelerate, quickly) de restaurer une compétitivité perdue (gap, weak) des entreprises nationales (external) et des travailleurs (employment, labour), et ce, à travers une politique de désinflation compétitive (price, deflation, policies). Quant au mot competitive, une partie de son environnement lexical renvoie plus particulièrement au processus de privatisation (privatisation et privatised), ce qui appuie l’idée de privatisations comme moyen de renforcer toujours plus la compétitivité des entreprises.

En ce qui concerne la politique de la réduction des salaires, on observe que le travail (labour, 155 apparitions) renvoie la plupart du temps à son marché, à son coût ou à sa réserve. En effet, le travail étant désormais considéré comme un bien marchand comme un autre, son « coût » (les salaires) est ajusté en fonction de son niveau d’offre et de demande. D’ailleurs, les mots référant à la réduction (reduc-) trouvent dans leur environnement les mots costs, pensions, employment, wage(s) et expenditure (coûts, pensions, emploi, salaire(s) et dépenses). De plus, l’analyse de l’environnement des mots issus de la racine flexib- montre que les mots more, facilitate, impediments ainsi que wage et price y sont parmi les plus fréquents. Cette politique se concrétise ainsi :

  • « Le gouvernement a légiféré une réduction des salaires minimums. Les seuils salariaux dans la Convention Collective Générale Nationale (NGCA) ont été réduit de 22%, ou même de 32% pour les moins de 25 ans. Ceci est important car le niveau des salaires minimums et des autres salaires réglementés par la NGCA est devenu plus contraignant alors que le salaire moyen décline. Par conséquent, la réduction du salaire minimum crée une marge supplémentaire pour qu’un ajustement à la baisse des salaires soit décidé par les employeurs et les employés dans chaque entreprise ou secteur. (…) Les mesures décidées par le gouvernement reposent sur deux piliers : un ajustement des niveaux de salaire et une révision du système de négociation collective (…). Une action anticipée est justifiée au vu des rigidités dans les systèmes de fixation des salaires, qui ont empêché l’ajustement des salaires du secteur privé et ont contribué à une forte augmentation du chômage, en particulier chez les travailleurs peu qualifiés et les jeunes. (…) La flexibilité à la baisse des salaires aide les entreprises viables à réduire leurs coûts de production, créant ainsi un gain potentiel des parts de marché extérieur, favorisant les investissements et accélérant le changement indispensable de la structure de l’économie. La mission a noté, cependant, que les réformes des marchés du travail et des produits nécessitent d’être menées en parallèle afin d’éviter que les réductions de salaires ne résultent en une augmentation des marges de profits, ce qui serait socialement préjudiciable. » (MoU2012)

En réalité, la réduction de 24% des « coûts salariaux » opérée entre 2009 et 2014 n’a pas été répercutée sur les prix à l’exportation, alors que c’est l’objectif officiel de cette réduction salariale ; en revanche, les bénéfices à l’exportation ont augmenté [2]. Le dernier extrait montre que la discipline salariale s’accompagne d’une certaine culpabilisation des travailleurs, avec l’idée de la « préférence collective pour le chômage » selon laquelle le chômage serait dû à des salaires trop élevés ou trop rigides, et que par conséquent, le seul moyen de sauver ou créer des emplois serait d’accepter une réduction des salaires. En 2012, la Troïka affirmait ainsi que
« des réformes supplémentaires du marché du travail sont nécessaires pour permettre aux salaires et aux heures de s’ajuster plus rapidement et en fonction des besoins des entreprises et de l’activité économique au sens large, contribuant ainsi à sauver des emplois et à créer de nouvelles opportunités d’emplois. » (MoU2012)

En ce qui concerne les « coûts du travail non-salariaux », leur diminution passe par la baisse de contributions sociales des entreprises ; et afin de compenser cette perte budgétaire, les textes enjoignent de réduire davantage les dépenses sociales « non-essentielles » (sans préciser quelles dépenses sont visées) :

  • « Des réductions des coûts du travail non-salariaux contribueront également à rendre l’économie plus compétitive. Au cours des prochains trimestres, les taux des cotisations sociales devraient être réduits de 5%. Compte tenu des besoins d’assainissement budgétaire, cela devra se faire de manière neutre pour le budget, via une réduction parallèle des avantages sociaux non-essentiels. » (MoU2012)

Dans le même temps, les travailleurs grecs font face à une individualisation de leurs droits, de leurs rémunérations et des contrats de travail, non seulement sur la base de leur situation économique individuelle mais également en fonction du degré de leur performance individuelle et de responsabilité au travail. Une tendance à la responsabilisation des travailleurs se met ainsi en place :

  • « Les autorités, d’ici octobre 2015, légiféreront des réformes supplémentaires qui prendront effet à partir du 1er janvier 2016 : améliorations spécifiques en termes de conception et de paramètres afin d’établir un lien plus étroit entre les cotisations et les allocations (…). Le gouvernement adoptera d’ici mars 2016 une série supplémentaire de régimes de soutien à l’emploi pour 150 000 personnes (…) avec des mesures individualisées du marché du travail actif pour les participants (…). D’ici octobre 2015, les autorités réformeront la grille salariale unifiée, qui sera mise en œuvre dès le 1er janvier 2016 (…) avec une application complète dans le secteur public, y compris en décompressant la répartition des salaires sur tous les salaires en fonction de la compétence, de la performance, de la responsabilité et de la position du personnel. (…) La réforme basera le recrutement des cadres sur le mérite et la compétence (…) ; les autorités (…), d’ici novembre 2015, légiféreront le nouveau cadre d’évaluation des performances de tous les employés, afin de construire une culture orientée vers les résultats. » (MoU2015)

Cette institution de la concurrence sociale, c’est-à-dire entre les individus, résulte de l’application du critère de la performativité vis-à-vis des individus. C’est à partir de cette conception que sont élaborées certaines politiques publiques pour la Grèce, notamment dans le domaine de l’éducation et des formations : elles sont pensées comme des investissements dans la rentabilité potentielle des travailleurs, eux-mêmes désormais considérés comme « capitaux humains » :

  • « La stratégie de croissance, qui pourrait notamment viser à créer un environnement des affaires plus attractif, à améliorer le système éducatif aussi bien que la formation du capital humain grâce à la formation et l’enseignement professionnels, au développement de la recherche et du développement, et à l’innovation. » (MoU2015)

Par ailleurs, la réduction des salaires a été rendue possible grâce, notamment, à l’affaiblissement des institutions de négociations collectives et de protection sociale. Les extraits suivants tirés des Memoranda montrent que ces mécanismes sont mis en œuvre en Grèce à travers diverses mesures législatives de déconstruction du droit du travail grec : procédures de licenciement facilitées, emplois partiels ou temporaires favorisés, négociations des salaires décentralisées, tranche de salaires au-dessous du salaire minimum légal instituée, ou encore, salaires globalement réduits ou gelés. De plus, et particulièrement dans les Memoranda de 2010 et de 2012, la comparaison avec des concurrents voisins de la Grèce est souvent utilisée afin de préconiser des réformes d’ajustement à la baisse (« alignement ») :

  • « Premièrement, le gouvernement lancera un pacte social avec les partenaires sociaux afin de parvenir à un consensus sur la décentralisation des négociations salariales (afin de permettre, au niveau local, de déroger aux accords d’augmentation des salaires au niveau sectoriel), l’introduction de salaires en dessous du seuil de salaire minimum pour les jeunes et les chômeurs de longue durée, la révision d’aspects importants des règles et des coûts de licenciement, et la révision des réglementations du travail à temps partiel et temporaire. (…) Le gouvernement modifie la législation sur la protection de l’emploi afin d’étendre la période probatoire pour les nouveaux emplois à un an, de réduire le niveau général des indemnités de licenciement (…), de relever le seuil minimal d’activation des règles en matière de licenciement collectif, en particulier pour les grandes entreprises, et de faciliter une plus grande utilisation de contrats temporaires et travail à temps partiel. » (MoU2010)

« L’ensemble des mesures en matière de marché du travail qui seront mises en œuvre comprend :

  • Des mesures structurelles visant à uniformiser les règles du jeu en matière de négociations collectives (…) : la durée des contrats collectifs et révisions des ‘conséquences’ des contrats collectifs (…) ; la suppression de la ‘titularisation’ de tous les contrats existants dans toutes les entreprises (…) ; le gel de ‘l’échéance’ garantie par la loi et/ou les accords collectifs (référant à toutes les augmentations automatiques des salaires en fonction du temps) (…) ; l’élimination du recours unilatéral à l’arbitrage, et l’autorisation des demandes d’arbitrage uniquement si les deux parties y consentent (…)
  • Adaptation des niveaux de salaire (…) : Nous légiférerons : (i) un réalignement immédiat du niveau de salaire minimum déterminé par la Convention Collective Générale Nationale de 22 % à tous les niveaux (…) ; ii) son gel jusqu’à la fin de la période du programme ; et (iii) une nouvelle baisse de 10 % pour les jeunes, qui s’appliquera généralement sans conditions restrictives (pour les moins de 25 ans). Ces mesures permettront de réduire l’écart entre le niveau du salaire minimum et celui des pairs (Portugal, Europe centrale et du Sud-est). (…) De concert avec les partenaires sociaux, nous préparerons d’ici fin juillet 2012 un calendrier clair pour la révision de la Convention Collective Générale Nationale. Cela alignera le cadre de salaire minimum de la Grèce sur celui des pays de comparaison et lui permettra de remplir sa fonction de base consistant à assurer un filet de sécurité uniforme pour tous les employés.
  • Travail de suivi. Nous examinerons en permanence les effets de ces mesures sur le marché du travail et sur les coûts unitaires de main-d’œuvre et, le cas échéant, (…) adopterons des mesures correctives supplémentaires pour faciliter la négociation collective, afin de garantir la flexibilité des salaires et la création d’emplois. Si, à la fin de l’année 2012, les effets sur le marché du travail restent difficiles à atteindre, nous envisagerons des interventions plus directes. » (MoU2012)


L’imposition de l’universel : quand l’idéologique prend la forme du logique

Quand l’idéologique prend la forme du logique

Dans certains extraits, on observe l’utilisation des expressions « dialogue social », « forger le consensus », et « partenaires sociaux ». Ainsi, le « dialogue constructif entre les partenaires sociaux », selon les termes du texte de 2015, remplace le véritable débat politique, neutralisant le conflit démocratique et social au sein de la communauté européenne. La philosophie individualiste de l’idéologie néolibérale a pour conséquence l’impossibilité de considérer l’institutionnalisation du conflit social et le compromis qui en découle. En effet, en 2012, il est décidé qu’en cas d’échec du dialogue social, le gouvernement grec utiliserait tout de même le système législatif national en vue de l’ajustement des salaires et des coûts de production :

  • « Si le dialogue social en cours ne permet pas d’identifier des solutions concrètes, alors, pour atteindre l’objectif, le gouvernement prendra des mesures législatives dans l’intérêt public urgent afin de permettre aux coûts salariaux et non-salariaux de s’ajuster en fonction des besoins ». (MoU2012)

L’objectif de compétitivité ne tolèrerait donc pas d’opposition : tout le monde devrait convenir de son caractère primordial et supérieur. Dans une telle optique, le fait que certains s’opposent encore à cet objectif s’expliquerait par leur méconnaissance de cette supériorité : il y aurait donc lieu de la leur imposer. On retrouve cette idée de l’incontestabilité des politiques décidées par le Troïka dans cette formulation de 2010 : « Il y avait une compréhension similaire (…) du nombre limité d’options de politiques disponibles ». Plus précisément, « d’importantes réductions des pensions et des salaires publics sont inévitables. »

Par conséquent, les décisions économiques sont formulées, dans les Memoranda, en termes techniques, occultant ainsi leur nature idéologique : cette dépolitisation des décisions se justifierait par le rejet de l’arbitraire et est présenté, dans le discours néolibéral, comme une mise en œuvre de solutions objectives et universelles, voire mathématiques – les très nombreux graphiques et indicateurs chiffrés que l’on retrouve dans les Memoranda illustrent ce fait.

  • « Les autorités entendent moderniser et renforcer significativement l’administration grecque (…) en dépolitisant l’administration grecque. (…) La réforme basera le recrutement de cadres sur le mérite et la compétence, en dissociant la mise en œuvre technique de la décision politique (…), en vue de permettre une dépolitisation et une meilleure mémoire institutionnelle. » (MoU2015)

On retrouve également cette stratégie dans le discours de la Troïka lorsqu’elle affirme :

  • « les conditionnalités politiques structurelles pour la Grèce reposent sur une analyse fondée sur des preuves. L’analyse comparative des politiques structurelles, basée sur des méthodologies développées par le comité de politique économique européen, révèle que la Grèce est moins performante (…). » (MoU2010)

Enfin, on peut déceler, dans les trois Memoranda, une appropriation d’une partie du vocabulaire contestataire de la politique néolibérale imposée à la Grèce – contestation qui cible particulièrement ses effets sociaux désastreux : l’objectif est d’absorber les idées qui critiquent les décisions de la Troïka, ce qui rend le caractère idéologique de ces décisions encore plus difficile à distinguer. Aussi, lorsque la Troïka aborde la lutte contre l’évasion fiscale, elle précise son utilité comme permettant une meilleure acceptation sociale du programme : cette mesure laisserait en effet penser à un juste partage des efforts et à une certaine justice sociale, ce qui permettrait d’apaiser les contestations :

  • « Ce n’est pas seulement à cause de la nécessité d’augmenter les recettes et de réduire le déficit budgétaire (…). C’est aussi important pour l’acceptabilité sociale du programme d’ajustement, car la réduction de l’évasion fiscale permettra un partage plus équitable de l’effort d’ajustement. » (MoU2012)

Les réformes pour les programmes sociaux grecs ne sont accompagnées d’aucune donnée chiffrée ni d’aucune date d’échéance

On notera ici que, contrairement à toutes les autres réformes fiscales, budgétaires, économiques ou législatives, les réformes préconisées par la Troïka pour les programmes sociaux grecs ne sont accompagnées d’aucune donnée chiffrée ni d’aucune date d’échéance. Ceci illustre bien les priorités politiques de la Troïka. Qui plus est, les déficiences grecques en matière de politiques sociales mènent la Troïka à conclure, paradoxalement, que c’est un secteur qui doit réduire ses dépenses et faire des économies, tout en assurant la justice sociale :

  • « Etant donné le mauvais ciblage des programmes sociaux, il y a une possibilité de générer des économies supplémentaires dans ce domaine, tout en protégeant de manière plus efficace les plus vulnérables. Jusqu’ici, les politiques sociales en Grèce semblent manquer d’une stratégie claire en matière de ciblage des parties de la société qui ont vraiment besoin de l’aide publique. (…) L’examen de l’OCDE, en cours de préparation, devrait mettre en évidence les domaines dans lesquels il y a des possibilités de réaliser des gains d’efficacité importants et de générer des économies, tout en améliorant l’équité sociale des politiques respectives. » (MoU2012)

Ici, alors que le véritable objectif des mesures tirées de cet extrait est de réduire les budgets des programmes sociaux, la Troïka y a attaché la finalité de l’équité sociale afin de légitimer cette réduction. Pourtant, cette finalité est incompatible avec l’objectif principal, puisque celui-ci vise clairement l’affaiblissement des ressources qui auraient justement permis plus d’équité sociale, en tendant à la réduction des inégalités socio-économiques des diverses classes sociales grecques.



Notes

[1Résolution du Parlement européen du 13 mars 2014 sur le rapport d’enquête sur le rôle et les activités de la troïka (BCE, Commission et FMI) dans les pays sous programme de la zone euro : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2014-0239+0+DOC+XML+V0//FR

[2Comité pour la vérité sur la dette publique, « Rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque », 2015 : http://www.cadtm.org/Rapport-Preliminaire-de-la

Prostitution politique La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Prostitution politique

Nous arrivons à un tel point grave, à un point de rupture. La parodie SYRIZA s’ajoute à la parodie méta-démocratique pour enfin poignarder le pays prétendument paisible, et ceci jusqu’à l’os, et ceci manifestement de manière irréversible. Sans majorité conforme à la lettre et encore moins à l’esprit de la Constitution après le départ programmé du gouvernement des opportunistes de Kamménos et entre le soir du 15 et celui du 16 janvier, SYRIZA se maintiendrait-il sollicitant la confiance de la Chambre par un vote de confiance, uniquement grâce à ces arrivistes apostats élus de Kamménos, comme autant, grâce aux élus itinérants d’autres partis politiques. Un “Parlement” et une Chambre d’enregistrement de décisions prises partout ailleurs sauf en Grèce, Chambre devenue autant celle de la prostitution politique, des Syrizístes et des autres. La politique, le plus vieux métier du monde.

Pays prétendument paisible. Ville de Tríkala, Thessalie, janvier 2019

Les moments sont dramatiques car ensuite, très probablement vers la fin de la semaine ou durant la semaine prochaine, SYRIZA et les itinérants… essaieront de faire passer l’accord Macédonien de Tsípras, ce qui équivaut à offrir à terme du territoire national sans guerre, en tout cas classique, aux voisins Slaves de l’ex République Yougoslave de Macédoine et en réalité aux Puissances ouvertement intervenues dans le processus du pseudo-accord. Essentiellement il faut dire l’Allemagne avec son dessein balkanique, d’où le voyage de la Chancelière à Athènes il y a quelques jours… ordonnant l’accélération du processus pour la ratification de l’accord, comme il se dit ouvertement à Athènes dans la rue et dans les médias, et ensuite les États-Unis, via la… finalisation de l’élargissement de l’OTAN aux pays des Balkans, toujours et encore, contre l’influence historique et culturelle de la Russie slave et orthodoxe dans cette même région.

Notons que ce mercredi 16 janvier, l’administrateur colonial Moscovici est en visite à Athènes, hasard du calendrier ? La balkanisation est comme on sait ce plat traditionnel que les antagonismes intra-européens ont parfois et d’abord fait chauffer, avant que leur coin cuisine ne prenne alors feu. Et c’est exactement ce que fait l’européisme actuel alors sous un Kominterm il faut dire berlinois. Donc, il y a feu.

Désormais à Athènes, c’est la lutte finale… contre cette gauche avariée du para-culturalisme et de l’ultra libéralisme, en somme, contre l’ensemble du système politique grec, car “eh bien sinon, c’est notre fin” comme on entend dire un peu partout en Grèce en ce moment. Le Putsch permanent comme mode de gouvernance austéritaire a pleinement tourné en Occupation avec ses traîtres plus obligeants que jamais, pour enfin livrer l’essentiel de la souveraineté, de l’histoire et de l’identité hellénique, autrement-dit, le noyau dur de notre essence, tel est en tout cas le ressenti des Grecs à plus de 80%, ce que les Ambassades impliquées n’ignorent pas, d’où finalement cette accélération dans le crime très organisé que Tsípras et sa bande voudront ainsi parachever avant de disparaître de l’histoire.

Vue d’Athènes, janvier 2019
Terrasses à Athènes, janvier 2019

“Ces gens de SYRIZA, ils ont ainsi vendu leur mère, et ils en sont fiers, car cette gauche est mondialiste, apatride et accessoirement vendue”, peut-on entendre depuis les ondes de la radio 90.1 FM au soir du 15 janvier, par le journaliste Mazarákis, et par les analystes Karambélias et Aposkítis, tous trois pourtant issus de la trop vielle gauche. “Nous arrivons à un tel point de rupture, où il va falloir nous battre pour notre liberté comme à chaque fois que nous étions en guerre, car nous sommes en guerre. Et il faut dire que notre arme pacifique, à savoir le Référendum sur la question macédonienne n’est visiblement réclamé par aucune force politique, ni de gauche, ni de droite, à l’exception du petit parti centriste de Levéntis. Donc nous savons à qui nous avons à faire.”

“Et admettre ainsi ce Mal alors absolu, voilà ce qui nous rend encore mieux déterminés, tous nos sens en alerte, nous devenons des fauves à notre tour, voilà ce que nous sommes devenus dans les turbulences des mutations actuelles. Les paroles doivent cesser et les actes doivent prendre le pas. Face à nous, il y a un régime déterminé à livrer le pays et pour ce faire, il a autant assassiné la démocratie. Donc c’est le peuple qui se doit agir alors seul pour prendre les choses en main, pour défendre à la fois la démocratie, la patrie et sa liberté, devant les nains politiques et les marionnettes du système des partis dont le fascisme reste alors la seule et unique pratique”

Le Maire de Meneméni de Thessalonique est intervenu lors de l’émission pour dire “qu’au niveau régional à travers tout le Nord de Grèce, on s’organise pour descendre à Athènes et manifester déjà durant les prochains jours, pour que cet accord ne puisse pas passer, et qui constitue une défaite diplomatique et nationale, ouvrant la porte toute grande à l’irrédentisme des voisins. Et après tout, ce gouvernement n’a pas aucunement négocié, j’ai posé directement a question à deux collaborateurs de Kotziás le ministre des Affaire Étrangères au moment de la signature, collaborateurs ayant pris part aux prétendues négociations, et ils nous ont dit qu’ils avaient exprimé de nombreuses réserves et que Kotziás leur a aussitôt répondu ‘laissez tomber les arguments diplomatiques et scientifiques et suivez ma ligne’. J’ai également posé la question à un député SYRIZA de Thessalonique, ‘pourquoi n’avez-vous pas organisé un référendum’ et il m’a cyniquement répondu qu’il était hors de question car un tel référendum nous allons bien entendu le perdre, voilà pour ces gens.”

Désolation et paupérisation, Athènes, janvier 2019
Désolation et paupérisation, Athènes, janvier 2019

Rappelons ici ce que les médias internationaux n’évoquent jamais, à savoir l’irrédentisme et le nationalisme alors officiels et autant agressifs, très ouvertement affichés par les représentants de l’ex République Yougoslave de Macédoine (FYROM), lorsque par exemple son Ambassadeur au Canada s’affiche et alors prononce des discours devant la carte de la Macédoine géographie… unifiée, au détriment des pays voisins, comme au Canada et en 2017, c’est triste et ce n’est pas constructif.

Ambassadeur FYROM au Canada. Presse gréco-américaine, mars 2017

Non, les Grecs ne sont pas devenus fous subitement, et il n’y a aucune velléité de changement des frontières du côté grec, comme d’ailleurs du côté bulgare. Aux yeux des Grecs, le nom historique de la Macédoine grecque ne peut pas être ainsi offert aux voisins Slaves, arrivés dans la région plusieurs siècles après Alexandre le Grand mais se réclamant de ce personnage historique, en réalité pour donner prétexte à leur irrédentisme. Reconnaitre ainsi ce pays sous le nom de Macédoine du Nord est alors fort dangereux er préjudiciable pour les relations bilatérales à terme, et c’est tout le contraire de l’apaisement dont se réclame Tsípras par exemple. Nos voisins Bulgares et Serbes le savent autant, et ils font part de leur inquiétude. Sauf que les Puissances ont sans doute décidé la modification les frontières dans la région, c’est plus violent dans les Balkans, et c’est plus sournois à travers le système néocolonial de la dite Union Européenne, joli monde.

Pour le maire de Meneméni il n’y a plus de doute. “Le système politique grec n’a plus cette légitimé, même relative comme en 2015, pour décider quoi que ce soit, sauf que tout est préparé pour que leur décision, autrement-dit, la décision imposée par les Puissances étrangères puisse être cautionnée même par 150 ou 151 élus (sur un total de 300). De notre côté, nous réfléchissons en tant qu’élus locaux de la manière, la nôtre pour par exemple, pour ne plus laisser fonctionner l’État grec, une sorte de grève politique, accompagnée de la fermeture des entreprises et des écoles, voilà pour certaines idées. Toute la Grèce doit déjà converger à Athènes pour le rassemblement du 20 janvier. Cette fois, tout le monde doit sortir et manifester, car c’est notre futur et le futur des générations qui nous suivront qui est en jeu.”

“Après tout, ce gouvernent n’a jamais annoncé une telle politique et en plus, il n’a pas voulu consulter le peuple sur une question si cruciale, existentielle même. Notre droit d’exprimer notre position a été ainsi bafoué, donc nous sommes considérés aux yeux des SYRIZA et de Tsípras, dont la baby-sitter n’est autre que Merkel, que comme esclaves pour le dire ainsi. Oui, et il s’en réjouit, car rien que par amour du pouvoir et par vanité, Tsípras et les autres doivent ainsi lécher les bottes des chefs étrangers, plutôt que de défendre, si ce n’est qu’au minimum, les intérêts du pays et de son peuple. De ce fait nous tous ici, nous nous retrouverons pour livrer ainsi notre bataille, dans les tranchées comme on dit. Et nous pouvons affirmer que le peuple, celui ayant déjà prononcé le NON au referendum de 2015 que Tsípras a trahi, c’est pratiquement le même peuple largement majoritaire qui descend dans les rues actuellement partout en Grèce, pour s’opposer à cet accord comme à ce gouvernement.”

Mouvement des enseignants, Athènes, janvier 2019
Mouvement des enseignants, Athènes, janvier 2019 (presse grecque)

Moments ainsi graves, immenses. Sans masques, sans démocratie, et au final comme seul dominant l’instinct de survie pour agir. Beau… résultat ! Plus explicite, le représentant de la diaspora grecque des États-Unis, joint par téléphone sur le même thème lors de l‘émission de Lámbros Kalarrýtis sur les ondes de 90.1 FM, a rappelé cette évidence alors historique: “Au besoin, il faut risquer et même donner sa vie pour arrêter ce crime”, émission du 15 janvier 2019.

C’est vrai que quelque chose dans l’air du temps est en train de changer. Et tous les grands médias font tout pour endormir les Grecs mais en vain, car ceux qui nous gouvernent sont des marionnettes d’intérêts nationaux ou mondialistes des puissances étrangères, et cela se voit. Par exemple, les médias grecs “autorisés”, ne disent presque rien des déclarations officielles de la part de la Bulgarie, “mettant en garde contre cet accord qui ne devrait pas modifier à terme les frontières de la région, et que si il est ratifié, il laisse la porte ouverte à ceux de l’ex-République Yougoslave de Macédoine pour poursuivre dans l’usurpation de la culture, de l’identité et la langue des pays voisins”, déclarations cités lors de l’émission, 90.1 FM au soir du 15 janvier.

Comprendre… l’Histoire. Athènes, janvier 2019

Les masques sont tombés et les autres voisins Slaves le savent. La Serbie aussi a émis ses réserves, ainsi que de manière également officielle aussi la Russie. Le gouvernement “grec” a répliqué en déclarant “que de telles positions constituent une ingérence aux affaires internes de la Grèce”, au matin du 16 janvier, on ironisait sur les ondes de 90.1 FM, “les positions analogues, voire beaucoup plus radicales des pays comme l’Allemagne ou les États-Unis ne le sont pas autant aux yeux du gouvernement grec ? Étrange conception alors de l’ingérence, et manifestement orientée.”

Ce régime de la Junte de Tsípras comme des autres… Munichois de notre siècle, avait organisé cette semaine une fiesta politique, soi-disant scientifique dans une grande salle musicale à Athènes au sujet de l’accord Macédonien. Aux entrées de cette salle, des hommes de la Sécurité policière interdisaient l’accès aux contradicteurs politiques, et fait relativement nouveau, des potentiels opposants ont été interpelés, menacés et poussés de force sans d’ailleurs le moindre acte de résistance physique de leur part. Devant par exemple des avocats interpelés de la sorte, les policiers ne déclinaient pas leur noms, et n’offraient aucune explication quant à ces interpellation car aucune acte ne les motivait, témoignage direct à la radio 90.1 FM, le 15 janvier.

Mouvement des enseignants, Athènes, janvier 2019 (presse grecque)

Ce sont des pratiques légalisées via un nouveau service dit “de la Défense du régime démocratique”, et c’est aussi par cette forme de service de Police politique, que par exemple, le chef de l’Unité Populaire Lafazánis, avait été interpellé et interrogé au sein des locaux de la Police Centrale à Athènes, pour avoir manifesté devant les instances opérant les saisies immobilières de la priorité privée populaire et de la classe moyenne, saisies initiées par les banques, les fonds rapaces, ces derniers sont d’ailleurs représentés en Grèce par une société appartenant à un cousin du ministrion des Finances Tsakalótos, presse grecque en 2017. Travail, famille, mondialisation ! Comme dans toute dictature, le pouvoir abuse, falsifie, terrorise, pratique l’arbitraire et alors il hait le peuple. De l’autre côté, devant les menaces proférées d’abord à l’encontre de députés et autres néo-ministrables volants et autant volatiles, offrant la dernière pseudo-majorité à SYRIZA, ainsi qu’à l’encontre de l’ensemble de députés SYRIZA de la Macédoine grecque, Katerina Papakósta transfuge à SYRIZA depuis la Nouvelle Démocratie, a proposé sa démission du poste ministériel qu’elle occupe à l’Intérieur, toutefois, Tsípras n’a pas accepté sa démission.

La Tour Blanche, Thessalonique, 2018
Trésor Macédonien. Musée Archéologique de Thessalonique, 2018

Il faut dire que Papakósta a aussi reçu une enveloppe contenant certaines photographies fort horribles… aux têtes de femmes massacrées, accompagnées du message “Tu connaîtras la même fin si tu votes en faveur de l’accord” http://www.topontiki.gr/article/305071/ypevale-paraitisi-i-papakosta-logo-ton-apeilon-den-egine-dekti, le député Zouráris (ANEL) a reçu des menaces de mort, tandis que… l’apostat issu du parti “To Potámi” (“Rivière”), Danélis, celui que la presse grecque a déjà surnommé “le 151ème Apostat” a été menacé d’être tué, lui, tout comme son épouse et leur fille, peut-être que la politique devrait être finalement réservée aux seuls célibataires, presse grecque du 15 janvier 2019.

Dans toutes les villes du Nord de la Grèce, Thessalonique comprise, au soir du 15 janvier, des affiches ont fait leur apparition, et on y découvre les photographies des élus SYRIZA et pro-accord, accompagnées de la question: “Tu vas alors trahir notre Macédoine ?”, presse grecque du 15 et du 16 janvier. La Police a déjà arrêté un petit nombre parmi ces colleurs d’affiches, bien entendu ces affiches sont jugées illégales.

Café du coin. Athènes, janvier 2019

Le système et ses médias dont évidemment SYRIZA s’en insurgent, “de telles pratiques tiennent du fascisme”, l’argument ne prend plus lorsque ceux qui l’utilisent usent en abusent de l’essence du totalitarisme mondialisateur entre autres péchés minables, en dépit finalement des efforts de la presse mainstream à l’instar de “Kathimeriní” du 16 janvier.

Tu vas alors trahir notre Macédoine ? Nord de la Grèce, janvier 2019 (presse grecque)
Tu vas alors trahir notre Macédoine ? Nord de la Grèce, janvier 2019 (presse grecque)

Oui, les Grecs sont outrés, et le mot est même faible, car leur colère vient désormais tout droit du fond de leurs tripes. Tout le monde ressent l’hybris de cet ultime théâtre méta-démocratique, dont la fabrication de la nouvelle “majorité”, en dysharmonie flagrante avec les résultats électoraux comme avec les rapports supposés de force entre les partis prétendument distants au Parlement. Pratiques faisant même suite à la violation permanente de la Constitution, sans oublier le referendum que les salopards politiques dont d’abord Aléxis Tsipras.et Pános Kamménos ont ignoré, avec l’aimable collaboration de tout le système politique. “Aucun respect pour Aléxis Tsípras en huit raisons”, c’est le titre de l’article du jour chez les gens de gauche du “Plan B” et d’Alavános au 16 janvier.

Enfin, ces arguments ne prennent plus, autant parce que de bien nombreux Grecs comptent parmi leurs proches ces morts attribués à la crise, en réalité à la guerre que la Grèce est en train de subir et tel avait été un des arguments de ce blog dès 2011. Il y a ces pertes des 600.000 Grecs ayant quitté le pays, puis tous ces autres morts… mieux palpables, comme cet ouvrier âgé de 60 ans et père de deux enfants qui s’est suicidé sur le lieu de son travail au chantier du stade de l’AEK d’Athènes en construction. Il avait appris que son contrat de travail ne serait plus reconduit, et c’est alors grâce à la presse sportive que la nouvelle de ce nouveau suicide a pu être connue et par la suite diffusée, puisque dans un premier temps, la… grande presse avait alors évoqué un accident de travail, presse grecque de la semaine. .

Pays brûlé depuis 2012. Athènes, janvier 2019

Et dans ma famille, nous comptons deux par exemple deux morts, mon cousin Kóstas qui s’est suicidé en janvier 2014 à Athènes, suite à la faillite de sa petite entreprise, puis, mon cousin Sotíris, il est décède à l’hôpital de Rhodes par manque de soins et de médecins spécialistes pour cause de mesures d’austérité. Inutile de dire que les parents très proches des cousins ayant ainsi quitté ce bas monde de manière si… politique, à chaque discussion politique justement, ils souhaitent ouvertement la mort… physique des dirigeants du pays, tout autre argument “logique”, leur semble alors complètement dénué de sens.

“Après tout, dans une guerre, il y a des morts des deux côtés non ?”, me disait-elle l’autre jour ma cousine, et voilà ce qui pourrait un jour motiver en Grèce… le changement, ou bien le bain de sang, c’est comme on dit, un constat anthropologique quand les derniers arguments des politologues s’effaceront des réalités qui nous restent encore à vivre.

Plus politiquement corrects en tout cas, ceux du “Plan B”, ils rappellent combien et comment SYRIZA et Tsípras en personne, ont bradé les avoirs de l’État et ainsi les biens du peuple grec, les offrant en gage comme garantie de remboursement de la dette aux dits “créanciers internationaux”, et ceci, pour une période de cession de 99 ans, notamment près de 80.000 biens immobiliers de l’État relevant du bâti, ainsi qu’une superficie en terrains publics d’environ 52.000 ha, ce n’est pas rien. Hasard du calendrier ou presque, en ce 16 janvier 2019, l’hyper-caisse des privatisations et agence fiduciaire calquée sur le modère de la Treuhand dans la liquidation des biens de la Grèce au profit des fonds et de autres rapaces institutionnels de l’UE, gouvernance de l’Allemagne en tête, vient de saisir la Haute Cour de Justice à Athènes pour confirmer le contrôle de la Caisse des 2.329 biens grecs à caractère archéologique, sites, Musées, voire des îles entières comme Spinalonga, Makrónissos, voire Délos.

Les salopards politiques du gouvernement Tsípras, le ministrion aux Finances Tsakalótos en tête, avaient une fois de plus menti il y a quatre mois, en prétendant que c’était par erreur que les 2.329 biens à caractère archéologique avaient été inclus dans la liste des 10.119 biens supplémentaires dont la propriété est transférée aux gangsters de la mondialisation.

Trésor Macédonien. Musée Archéologique de Thessalonique, 2018

D’après le reportage du jour, “les archéologues grecs soulignent ce double langage du gouvernement, étant donné qu’au cours de ces quatre derniers mois, le gouvernement a continuellement assuré que le problème était ‘résolu’, qu’il n’y avait aucune intention de transférer la propriété enter autres de Cnossos en Crète, de l’ile de Spinalonga, du Musée archéologique de Thessalonique, ainsi que de la Tour Blanche, toujours à Thessalonique, pourtant c’est la vérité”, presse grecque du 16 janvier et communiqué de l’Ordre des Archéologues Grecs.

Mouvement des enseignants, Athènes, janvier 2019 (presse grecque)
Tombe Macédonienne. Musée Archéologique de Thessalonique, 2018

Et si j’écris que comme par hasard, cette trahison de la Macédoine grecque coïncide étrangement avec la mise à disposition au profit des seules Puissances étrangères via l’Occupation par la dette (en plus dette non prouvée et largement illégale) du Musée Archéologique de Thessalonique, là où une partie des Trésors Macédoniens antiques y sont exposés, des journalistes mainstream, iront peut-être prétendre que je pratique par exemple le populisme et que l’Europe existe pour promouvoir la Paix et les échanges culturels.

Et au pays très réel de la Grèce actuelle, c’est en attendant la prochaine accalmie de plus en plus incertaine et improbable, que les mesures policières se renforcent pour protéger ces élus caméléons, et que les bâtiments gouvernementaux sont plus que jamais gardés, beaucoup mieux même que du temps des funestes Colonels d’après les souvenirs des plus anciens. L’histoire n’a jamais peur des mutations et visiblement même, elle en a rajoute. Donc c’est un Putsch et c’est alors le Putsch permanent qui est en cours. Pour faire face à une telle guerre hybride et totale à sa manière, la question ce n’est pas pour qui voter, mais comment se débarrasser de cette pègre, tout en balayant d’un coup tous les partis politiques… au moyen d’un gouvernement de salut national mais qui n’incarnera pas une réponse autoritaire pour ainsi répondre à une question désormais totalitaire. Ce n’est pas évident du tout, sauf pour ce qui est de la haine qu’une telle situation ne fait qu’attiser.

Musée de Delphes, 2018
Musée de Delphes, 2018

Ainsi c’est un Putsch et c’est alors le craquement permanent du dossier Macédonien, aux manifestations des enseignants dans les rues d’Athènes. En cette même semaine, la violence des prétoriens a également trouvé toute son application repoussant les enseignants, et surtout les vacataires qui manifestaient et qui avaient même occupé dès dimanche en partie l’édifice de l’Université d’Athènes. Oui, le Putsch permanent. De manière récurrente la question des suites à donner à la situation actuelle revient sans cesse, et elle reviendra de plus en plus souvent. L’universitaire Chrístos Yannáras, dans son éditorial publié au quotidien “Kathimeriní”, et qui est plutôt un grand quotidien mainstream, il estime que tous les partis politiques devraient cesser de gouverner et qu’un gouvernent composé de sages devrait alors prendre les commandes pour deux ans, sous le contrôle toutefois du Parlement, édition datée du 30 décembre 2018.

Donc on sait. Aux bistrots d’Athènes ou de Thessalonique on évoque alors directement “ce grand besoin d’un Putsch militaire et salvateur et qui fusillera voyons les politiciens, à commencer par ceux de SYRIZA”. Parfois, ce propos est moins extrême, “il suffit de les juger et les mettre en prison comme dans l’immédiat de l’après-Colonels”. Athènes, autant ville aux bâtiments néoclassiques brûlés, aux sans-abri désormais perpétuels, comme ville aux avenues ou aux cafétérias parfois peu remplies. Cependant, les cafés on dirait, ils sont moins sensibles aux variations de la dite crise. Finalement, en lieu et place des “tchats” des réseaux considérés comme sociaux (et non pas des chats qui miaulent) dont il faudrait paraît-il effacer l’historique, c’est l’histoire du pays qui est effacée, sauf que la Résistance, la persistance et la résilience, caractérisent encore quelque part les peuples et les ethnies du monde contemporain.

Musée de Delphes, 2018

Nous ne connaissons bien entendu guère les suites dans l’histoire grecque comme européenne, car tout est lié d’un bout à l’autre de la pétaudière européiste, si ce n’est qu’en Grèce par exemple, le climat peut virer à l’affrontement et à la Guerre Civile, entre le plus grand nombre du peuple et alors… le plus petit nombril des politiciens et de leur clientèle immédiate. Le processus est en cours, sans que l’on sache trop avec quel il peut se déclencher ou pas. Nous arrivons à un point grave, à un point de rupture. La parodie méta-démocratique aurait ainsi épuisé son dernier stock connu d’apparences. Sur un mur d’Athènes, près du Musée de la Guerre un nouveau slogan, plutôt Syrizíste et subversif a été aperçu en ce janvier 2019: “Tsípras ou les chars”. En réalité, Tsípras et les chars. Les chars et non pas les chats, animaux comme on sait adespotes par excellence !

Chat, animal adespote. En Attique, janvier 2019

* Photo de couverture: Mouvement des enseignants, Athènes, janvier 2019

En Grèce, des conditions d’accueil toujours inhumaines pour les réfugiés

Par Amélie Poinssot Mediapart

Sur l’île grecque de Lesbos, un jeune Camerounais est mort dans la nuit de lundi à mardi. Plusieurs rapports d’ONG font état de conditions d’accueil dramatiques dans les camps proches de la frontière avec la Turquie. Les populations vulnérables n’ont pas accès aux soins nécessaires.

 

Chaque dimanche, c’est lui qui lisait les psaumes en anglais à l’église des environs. Sur l’île orthodoxe de Lesbos, une petite communauté catholique a grandi ces dernières années avec la population des réfugiés et des employés des organisations internationales. Originaire du Cameroun, Jean-Paul A. s’est éteint dans la nuit de lundi à mardi. Le container du centre d’accueil de Moria où vivait ce jeune homme de 24 ans n’était pas chauffé alors que le froid s’est abattu sur l’île grecque depuis quelques jours.

Cette mort brutale vient une nouvelle fois confirmer l’état délétère, en Grèce, des structures d’accueil et des centres de rétention pour les demandeurs d’asile. Régulièrement surpeuplés, sous-dotées en matériel de soins et en personnel médical, ils ne respectent pas les normes internationales et mettent cruellement à l’épreuve les populations vulnérables que constituent les femmes enceintes ou allaitantes, les mineurs non accompagnés, les personnes âgées, malades, ou encore victimes de torture ou de troubles post-traumatiques.

Publié mercredi 9 janvier, un rapport d’Oxfam dénonce précisément, à partir du cas de Lesbos et du camp de Moria, l’échec du système grec à protéger les demandeurs d’asile vulnérables. Il vient s’ajouter à la longue liste de rapports d’ONG qui déplorent, depuis des années, les mauvaises conditions d’accueil dans ce pays situé aux frontières extérieures de l’Union européenne et qui s’est trouvé, en 2015 et 2016, en première ligne de l’arrivée en Europe des exilés de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan.

Dans le camp de Moria, à Lesbos, en novembre 2018 © Reuters Dans le camp de Moria, à Lesbos, en novembre 2018 © Reuters

L’organisation internationale de développement constate à Moria un manque critique d’accès aux soins et de nombreux dysfonctionnements dans l’enregistrement des demandeurs d’asile qui font que les personnes vulnérables ne sont pas identifiées en tant que telles : les procédures ont changé trois fois en un an, le nombre d’interprètes est insuffisant, et les délais sont extrêmement longs pour obtenir une consultation au centre médical du camp (qui dépend du ministère grec de la santé). En novembre dernier, écrit l’ONG, il n’y avait même plus de médecin affecté à Moria.

Dans ce contexte, la surpopulation du lieu est un facteur aggravant dans un pays où le secteur de la santé a été durement touché par les restrictions budgétaires en vigueur depuis neuf ans. D’après les chiffres du ministère grec de l’intérieur, au 7 janvier 2019, 8 164 demandeurs d’asile résidaient à Moria, que ce soit à l’intérieur du camp ou dans le campement informel aménagé à côté. C’est trois fois plus que la capacité de ce « hotspot », officiellement de 3 000 places. Le programme de relocalisation des réfugiés en provenance de Grèce et d’Italie, mis sur pied par la Commission européenne en 2015, n’a pas permis de soulager durablement les autorités helléniques. Fin 2018, 21 999 exilés avaient été réinstallés depuis la Grèce dans d’autres pays européens.

L’absence de solidarité européenne a des conséquences très concrètes : d’après le rapport d’Oxfam, aujourd’hui à Moria des personnes doivent attendre jusqu’en 2020 pour voir examiner leur demande d’asile. Cela signifie plus d’un an d’hébergement dans ces conditions susceptibles d’aggraver leur santé. L’ONG rapporte le témoignage d’un Ivoirien, aveugle d’un œil et souffrant de problèmes aux reins et à un genou, à qui les autorités du hotspot ont autorisé un déplacement à Athènes afin qu’il soit correctement pris en charge… « Mais c’était il y a cinq mois, dit le jeune homme, et mon transfert n’a toujours pas été organisé. »

Non seulement les personnes vulnérables n’ont pas accès aux soins ou aux conditions d’hébergement auxquelles elles ont droit (foyers spécifiques ou appartements en dehors du camp), mais les règles basiques ne sont pas respectées. Ainsi des femmes seules et des mineurs non accompagnés sont parfois mélangés avec le reste de la population. « Ces personnes, dont beaucoup ont déjà souffert d’abus sexuels ou d’expériences traumatiques, risquent une sérieuse détérioration de leur santé mentale si elles sont forcées de vivre dans une peur constante », écrit Oxfam.

Problème : les personnes qui ne sont pas identifiées comme vulnérables au moment de l’examen de leur demande d’asile voient leur dossier entrer ensuite dans une procédure de traitement rapide. Elles courent le risque d’être renvoyées en Turquie en raison de l’accord négocié par l’Union européenne avec le pays d’Erdogan en février 2016.

Dans le camp informel qui jouxte le centre d’accueil de Moria et que les habitants de l’île ont surnommé l’Oliveraie, les conditions de vie décrites par Oxfam sont encore plus déplorables. Scorpions, rats et serpents se baladent alors que les gens dorment sous tente à même le sol. Plusieurs dizaines de personnes sont obligées de partager un même W-C. À Moria et aux alentours, des cas fréquents de diarrhée et d’infections cutanées ont été observés.

95 personnes dans une cellule

La période hivernale ayant commencé, les risques de maladie et d’accidents se multiplient. Les résidents du camp n’ont pas accès à l’eau chaude, et ceux qui sont sous tente ont parfois installé des petits chauffages de fortune sous leur toile. Les gens sont en outre obligés de faire la queue dehors parfois pendant des heures lors des distributions de repas.

Contactées par Mediapart, plusieurs personnes qui ont eu accès au campement ces derniers jours nous ont expliqué qu’il y avait également de fréquentes coupures d’électricité et que de nombreux bâtiments n’étaient pas chauffés correctement. Elles nous ont confirmé avoir été en contact avec de nombreuses personnes présentant des problèmes de santé.

Ce diagnostic accablant n’est malheureusement pas le premier. En septembre, l’International Rescue Committee (IRC) et Médecins sans frontières s’étaient alarmés de l’état de la santé mentale à Moria. Trois mois plus tôt, c’était Human Rights Watch (HRW) et le Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (organisation dépendant du Conseil de l’Europe) qui faisaient état des conditions de détention des migrants, ciblant cette fois les établissements du nord-est de la Grèce situés à proximité de la frontière terrestre avec la Turquie.

L’organisation IRC, qui assure dans le camp de Moria un travail constant depuis 2015 avec à l’heure actuelle une équipe de neuf personnes, dont quatre psychologues, mettait l’accent dans son rapport sur les tendances suicidaires des personnes hébergées sur place. Sur les 126 patients qu’elle prenait en charge, elle notait que 29 % d’entre eux avaient fait une tentative de suicide et que 64 % souffraient de dépression.

IRC révélait en outre l’importance des violences sexuelles et de genre à l’intérieur de Moria. La moitié de ses patientes, mais aussi 33 % des hommes qu’elle suivait, ont dit en avoir été victimes. Une information à mettre en parallèle avec la décision de la municipalité de Lesbos prise cet été : les réfugiées et demandeuses d’asile ne sont plus acceptées dans son foyer d’accueil pour les femmes victimes de violences, à l’exception de circonstances « extrêmes » et pour un séjour maximum de deux jours…

Les résidents de Moria vivent dans un climat anxiogène où les agressions sont légion, alors qu’ils ont rejoint l’Europe pour justement fuir la violence dans leurs pays. « Les demandeurs d’asile avec des problèmes de santé mentale et les personnes ayant subi des violences sexuelles ne peuvent pas trouver les soins dont elles ont besoin à Lesbos, écrit IRC. Mais elles n’ont d’autre choix que de rester là, dans des conditions qui exacerbent leur santé mentale. »

Les conditions d’hébergement dans le camps de Lesbos, peut-on encore lire dans le rapport, « ne se sont pas améliorées depuis novembre 2016, lorsqu’une femme et sa petite fille ont été tuées à Moria parce que la bouteille de gaz qu’elles utilisaient pour cuisiner a explosé dans leur tente ».

De son côté, MSF mettait l’accent sur la souffrance des enfants dans le camp, constatant chez eux des phénomènes d’automutilation et des tentatives de suicide. D’autres, expliquait l’ONG, sont touchés par du mutisme, des crises de panique ou d’anxiété, ou des excès d’agressivité. « C’est la troisième fois cette année que MSF appelle les autorités grecques et celles de l’UE à prendre leurs responsabilités suite à leurs échecs collectifs », regrettait la cheffe de mission de l’organisation en Grèce, Louise Roland-Gosselin.

Au début de l’été, deux rapports successifs de HRW (ici et ) revenaient sur les conditions d’accueil « inhumaines » observées dans le nord-est de la Grèce. Dans cette région, il n’y a pas de hotspot comme sur l’île de Lesbos, mais différents commissariats le long de la frontière ainsi qu’un centre de rétention, à Fylakio. Aucun de ces endroits ne respecte les normes internationales en vigueur. Ils sont caractérisés par un surpeuplement régulier et un mélange des populations, ce qui rend le séjour particulièrement difficile pour les femmes et les filles.

L’ONG publiait ainsi le témoignage de différentes femmes qui se sont retrouvées à partager pendant plusieurs semaines un même espace avec une majorité d’hommes avec qui elles n’avaient aucun lien de parenté. Elle racontait notamment l’histoire de Maha, une Irakienne restée pendant plus de deux semaines avec son compagnon dans une cellule où résidait une soixantaine d’hommes.

Le Comité européen pour la prévention de la torture, quant à lui, faisait état de conditions « inacceptables » pour la partie rétention de Moria ainsi que pour le centre de rétention de Fylakio, alors que d’autres établissements, dans le pays, présentent des conditions tout à fait correctes (notamment ceux d’Amygdaleza, proche d’Athènes, et de Pyli, sur l’île de Kos). À Fylakio, il a ainsi pu observer une cellule occupée par 95 étrangers, dont des familles avec enfants, des mineurs non accompagnés, des femmes enceintes et des hommes seuls. Il en résultait un espace d’un mètre carré par personne en moyenne. Le Comité notait également un manque d’accès aux soins et remarquait qu’aucune amélioration n’avait été faite pour combler le manque d’interprète depuis sa dernière mission, en 2016.

Au total, sur l’ensemble du territoire grec, plus de 50 000 demandeurs d’asile sont en attente du traitement de leur dossier. D’autres routes migratoires se sont recréées depuis 2016, s’orientant davantage vers l’Italie et l’Espagne, et la Grèce est sortie des radars médiatiques. Mais elle n’est pas sortie d’affaire. Depuis le début de l’année, d’après les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNCHR), 259 personnes sont déjà arrivées sur le sol grec en provenance de la Turquie. Toutes les ONG le soulignent : il est plus que jamais nécessaire d’activer les mécanismes européens de solidarité et de réformer le système de Dublin afin de soulager la péninsule hellénique.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/100119/en-grece-des-conditions-d-accueil-toujours-inhumaines-pour-les-refugies?page_article=2

Trêve de Noël La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Trêve de Noël

En ce moment dans l’autre pays réel c’est le temps des amours. Rivalités et alors bagarres entre nos braves matous qui se battent dans les rues et sous les immeubles athéniens. Cela étant dit, c’est reculer pour aussitôt revenir à la charge sans évidemment jamais finir dans… l’extermination mutuelle. Chez les humains, pratiquement technoïdes mais pas encore entièrement, les formes de luttes vraies ou fausses trouvent toujours leurs formes diverses et variées. Nous y sommes encore, entre, tantôt l’amorce d’un rassemblement… finalement plutôt approximatif des gilets-jaunes samedi 15 décembre place de la Constitution, tantôt, sur les mêmes lieux, de la manifestation organisée à l’initiative des… automates du syndicalisme des retraités du PC grec. Le tout, sous… l’arbre, forcement celui de la municipalité et de Noël. Marchands sans Temple.

L’arbre de Noël en construction. Athènes, place Sýntagma, décembre 2018

Dans les quartiers même périphériques, et pas qu’à Athènes, on installe les marchés dits de Noël. Entre autres objets de pacotille, ce sont surtout les dégustations, épiceries et autres pâtisseries, si besoin traditionnelles qui se taillent la part du lion de la consommation. Mais ce n’est presque que 30% de la population du pays qui reste concerné on dirait. Les médias systématiquement… systémiques reproduisent alors ce reportage de la Deutsche Welle… de la métropole, où il est question d’une enquête récente du “Transnational Institute” néerlandais, au sujet de la pauvreté des Grecs… devenue endémique.

D’après cette enquête sur la situation générale… de la Colonie grecque en ce moment, “14% des enfants grecs souffrent de malnutrition car ils ne peuvent même pas disposer d’un plat de viande, de poulet ou de poisson tous les deux jours. Le reportage débute par la description de la situation chez un poissonnier central à Marathon. ‘C’est déjà midi et je n’ai pas vu un seul client. Personne n’a franchi notre porte dit son propriétaire María Hassíotou. Comme les clients ne sont pas encore venus, ils ne viendront probablement plus du tout de la journée, encore un autre jour pour les gens… au régime légumes secs et pâtes, ajoute-t-elle.”

“L’histoire met en lumière la réalité de milliers de ménages dont la subsistance est désormais basée sur le revenu des grands-parents. Seulement, les retraites ont été réduites à treize reprises depuis 2009, laissant les familles avec des revenus considérablement moindres, sans même avoir accès au nécessaire.”, reportage repris par les médias grecs, samedi 15 décembre.

Sur les trottoirs d’Athènes, les produits locaux attendent ainsi longtemps leurs clients, et sur cette même photo à droite… un retraité paupérisé “fait ses courses” dans la petite poubelle accrochée au lampadaire. L’arbre qui ne cache plus la forêt, Noël et ses marchands sans Temple. D’autres nouvelles crisiques, apparaissent alors dans la rubrique des faits trop divers pour ensuite disparaître à jamais. La dépouille pendue et décomposée de Syrmó Kanlídou, une femme travailleuse pauvre de 60 ans, disparue depuis trois mois, vient d’être retrouvée dans une forêt non loin de son village en Thrace, région située au nord-est du pays, près de la Bulgarie et de la Turquie. Le reportage disponible évoque les difficultés de survie, ainsi que celles au sein de sa famille, presse locale du 14 décembre. De la situation disons générale… de la Colonie grecque en ce moment.

Installation du marché de Noël. Athènes, décembre 2018
Installation du marché de Noël. Athènes, décembre 2018
Produits locaux et… retraité paupérisé. Athènes, décembre 2018
Photo de Syrmó Kanlídou. Presse de Thrace, le 14 décembre 2018

Cette nouvelle “normalité”, savamment construite durant toutes ces années de mutation, dites “années de crise”, n’est en réalité que l’illustration de la décomposition recherchée du corps social. Des liens entre les Grecs qui ne sont plus, des lambeaux du système politique et des marionnettes de tout calibre qui sont les siennes, sans parler de l’espionnite exacerbée, comme du temps des guerres mondiales du siècle dernier, et c’est autant, une des raisons ayant conduit à la discrétion des luttes, dont ces manifestations devenues muséales et totalement inoffensives du PC grec, membre à part entière du théâtre à travers sans doute l’ultime conversion cosmétique du régime de la dite démocratie représentative, avant sa disparition complète et même confirmée dans les formes, c’est pour bientôt.

Hasard peut-être du calendrier, tout comme des tristes symboles, le rassemblent de ceux du PC samedi 15 décembre à Athènes, avait débuté près du bâtiment historique du Front National de Libération (EAM) pro-communiste, attaqué en décembre 1944 par les troupes et les blindés britanniques. C’était durant la deuxième phase de la Guerre civile en Grèce, entre 1944 et 1949, ayant opposé ceux de gauche à ceux de la droite. Jusqu’à nos jours et étant donné que certaines archives ne sont toujours pas accessibles, des zones d’hombre subsistent quant à la terrible double décision ayant conduit à une guerre fratricide et de trop, faisant ainsi suite à la barbarie de l’Occupation allemande laquelle a largement détruit le pays. On sait déjà depuis longtemps que les Balkans avaient été partagés à l’époque entre Staline et Churchill, et que dans ce partage, la Grèce n’allait pas quitter le giron occidental. Mais disons alors… que l’histoire ne se répète pas toujours.

Et pour revenir à la discrétion des luttes actuelles, notons tout de même, que plus de 27.000 rassemblements populaires importants ou mineurs ont eu lieu en Grèce, rien qu’entre 2011 et 2015, d’après les éléments disponibles, presse grecque par exemple le quotidien “Kathimeriní” en 2016. Ce n’est pas rien, sauf que le résultat n’a pas été à la hauteur, et aujourd’hui nous savons pourquoi. En tout cas actuellement, et comme ces luttes ont été historiquement celles initiées sous l’impulsion de la gauche et que la gauche en l’occurrence Syrizíste a ainsi trahi le peuple, ses luttes et la patrie avec, ce n’est que par le biais du patriotisme, traditionnellement de droite, voir l’affaire Macédonienne par exemple, que les Grecs se mobilisent, lorsqu’ils se mobilisent, en tout cas pour le moment.

Vendredi 14 décembre donc, et les mandarins Tsiprosaures se sont réunis dans un stade fermé à Thessalonique pour écouter Tsípras évoquer sa petite musique Macédonienne. Des participants sont arrivés depuis Athènes en autocars payés par le parti, tandis que le service d’ordre aux brassards rouges filtrait les participants au cas où, et tout participant porteur du drapeau national, ou suspect de ne pas être en phase avec le Syrizísme et ses apocryphes, il se voyait alors aussitôt refoulé et même livré aux forces de l’ordre… après un “Face control” rapide, presse grecque du 15 décembre.

Rassemblement des retraités à l’initiative du PC grec. Athènes, le 15 décembre 2018
Blindés britanniques devant le siège de l’EAM. Athènes, décembre 1944
Même endroit dans les années 2010 (photo presse grecque)

Il faut dire que pour l’immense majorité des Grecs du Nord et des régions grecques de la Macédoine et de la Thrace, l’arrivée même de Tsípras est ressentie comme une insulte. Pour garder à distance le pays réel, les prétoriens de la “Gauche radicale” ont mobilisé 2.000 policiers, 18 compagnies de CRS, des hommes de la Police des renseignements et des missions spéciales, des drones et des hélicoptères de la police, ainsi que deux blindés de la police, presse du 14 décembre 2018.

Le Syrizísme tangible plus la matraque. Ou comme l’écrit Státhis Stavrópoulos dessinateur de presse et éditorialiste issu de la gauche d’antan dans “To Pontíki” : “Tsípras est devenu puéril, il aborde les problèmes nationaux dont les relations entre la Grèce et les autres pays n’ayant en tête que la simple et unique planification politicienne face aux autres partis, ses adversaires à abattre. En vain ! Cependant et en ce moment même, l’Accord Macédonien de Tsípras de l’été dernier est uniquement perçu comme un catalyseur des évolutions politiques et non pas à la hauteur d’un enjeu national d’une importance alors primordiale.”

“On aurait pu à propos de Tsípras, évoquer le cas d’un apprenti sorcier lequel n’est pas en mesure de maîtriser les conséquences de ses actes dans l’affaire Macédonienne. Eh bien non, on aurait tort que de l’exprimer ainsi, tout simplement parce que Tsípras c’est la marionnette de Geoffrey Pyatt, l’Ambassadeur des États-Unis. Tsípras se montre alors très dur vis-à-vis du peuple, et il devient parfaitement docile devant ses maîtres, à savoir, ses patrons: Soros, Rothschild, Merkel, Trump et compagnie”, “To Pontíki” du 15 décembre 2018.

Discours donc à la noix de Tsípras, accolades avec Notopoúlou sa ministre bimbo, candidate SYRIZA aux prochaines municipales à Thessalonique, et surtout, il faut le rappeler illégalement promue (d’après même ses propres déclarations) au sein du service Tourisme de la Municipalité de Thessalonique, et depuis, propulsée jusqu’au poste de Ministre. Notopoúlou, dont la mère est la compagne du père de Nikos Pappás, ce dernier également ministre et évidemment ami de Tsípras depuis les années de l’école. On retrouve alors il faut dire l’équivalent dans le clan des Mitsotákis par exemple… le népotisme valeur sûre, et autant ultime stade peut-être sous le régime de la colonisation. Ainsi, à Thessalonique, en dehors du cénacle, les CRS “s’occupaient” alors du peuple, lequel n’avait l’air de vouloir perdre son identité culturelle et encore moins son pays.

Thessalonique sous surveillance. Discours de Tsípras, le 14 décembre (presse grecque)
Le pays réel et son identité. Thessalonique, le 14 décembre (presse grecque)
Tsípras et Notopoúlou. Thessalonique, le 14 décembre (presse grecque)
Accueil… de Tsípras à Thessalonique, le 14 décembre (presse grecque)

Le pays se cherche et il ne se retrouve pas. Début décembre, une réunion ouverte avait été initiée par le mouvement “Ardin”, sous son initiateur Yórgos Karambélias, à la marge de sa réunion nationale et annuelle. “Ardin” est un mouvement d’abord culturel très actif dans le domaine également de l’édition, il est comme son initiateur, issu de la gauche, devenue… méta-gauche patriotique.

Ni plus ni moins, l’analyse et en même temps appel de Karambélias et de son mouvement, développe l’idée qu’actuellement en Grèce il y a urgence pour un mouvement à la fois démocratique et patriotique, ce n’est pas tout à fait nouveau, sauf que ce type d’analyse (dont “Ardin” n’a pas le monopole), est dans l’air du temps en Grèce.

“L’aventure grecque sous le memoranda et sous la Troïka, un régime qui dure depuis près de 10 ans, a achevé de manière violente et alors dévastatrice ce que les gouvernements, entre autres ceux de Simítis – PASOK des années 2000 – avaient en leurs temps initié, en promettant une Grèce du XXIe siècle forte et sous un régime apportant aussi la prospérité sociale. En lieu et place de cela, ces gouvernements ont parachevé l’intégration parasitaire de la Grèce au sein de la mondialisation conduisant le pays vers son effondrement profond, non seulement économique, mais aussi social, voire total et pour tout dire existentiel. En somme, par la transformation de la Grèce en une colonie économique, qui plus est, menacée par le néo-ottomanisme de la Turquie actuelle. Nous assistons aussi à l’effondrement démographique et productif du pays, comme aux phénomènes de la paupérisation et de la marginalisation des classes populaires et moyennes, ainsi qu’à son déclin culturel.”

“Ou bien le peuple grec va renverser ces conditions négatives, ou sinon, il mènera alors la lutte devant le spectre de son propre éclipse, clôturant ainsi de manière terrible, son pari fait sur la liberté, consacré il y a 200 ans avec la Révolution de 1821 lorsqu’il était question de se libérer du joug ottoman.”

Yórgos Karambélias, ‘Ardin’, Athènes, le 8 décembre 2018
Sur le site de Delphes. Années 1960 (photo presse grecque)
Ouvrier sur l’Acropole dans les années 1960 (photo presse grecque)

“Aujourd’hui, la société est profondément divisée en deux grandes fractions sociales et somme toute, politiques. D’une part, les il y les ‘mondialisateurs’, s’agissant des élites économiques, politiques et intellectuelles, des ‘bobos bohèmes’ des médias et du spectacle, des riches hyper-mobiles et privilégiés, toutes ces classes ayant relié leur propre prospérité à l’ethno-nihilisme, autrement-dit, la négation revendiquée et autant active des nations, allant jusqu’à livrer notre pays à la mondialisation, tout en aggravant naturellement les inégalités sociales. Le rôle pionnier dans cette impulsion revient actuellement au gouvernement SYRIZA-ANEL, et son allié objectif n’est autre que le parti de la très ethno-nihiliste et néolibérale Nouvelle démocratie de Mitsotákis.”

“Les autres alliés de SYRIZA-ANEL sont évidemment, la social-démocratie européiste issue des restes du PASOK ainsi que le parti de Stávros Theodorákis ‘To Potámi’, sans oublier l’aile NATOoïste de la gauche extraparlementaire et des Antifa. Ce bloc, malgré les disparités en son sein, constitue alors un écosystème de pouvoir, lequel monopolise tous les postes possible, allant du Parlement aux médias, en passant par l’État et les ministères, sans oublier les universités, marginalisant ainsi économiquement, socialement et culturellement la très grande majorité de la société grecque.”

“Et en ce qui concerne la Gauche, eh bien dans sa plus grande partie, elle a subi une mutation fondamentale au passage précis entre le siècle qui nous a précédés et le nôtre. Elle récuse les réalités telles que la nation, l’identité nationale, la souveraineté nationale et populaire, ainsi que la communauté démocratique qui en résulte. Ainsi, la Gauche abandonne la défense de l’État-nation aux mains de l’extrême-droite, comme elle abandonne par la même occasion toute référence fondamentale aux réalités collectives, telles, que le peuple ou les non-privilégiés. Ces allusions pourtant, elles ont historiquement été celles de la Gauche durant toute la deuxième moitié du siècle passé en Grèce, sauf qu’elles sont abandonnées car la Gauche a radicalement changé.”

“Désormais, elle s’aligne de plus en plus ouvertement sur les vues et préceptes des néolibéraux, ainsi qu’à leur agenda, entre autres, ‘l’ouverture des frontières’, l’installation sur le devant de la scène des visions et des demandes de la part des minorités culturelles ou du genre par exemple, elle s’aligne autant sur la dislocation programmée du caractère national du système éducatif.”

Períssa à Santorin, 1963 (photo presse grecque)
Períssa à Santorin, années 2010 (photo presse grecque)
Publicité pour des investisseurs Chinois. Kiosque à Athènes, décembre 2018

“De cette manière, la Gauche perd tout son rôle passé, libérateur et patriote – laissons de côté le PC grec, lequel n’est autre qu’un parti musée – et elle devient ainsi une composante de la mondialisation. Cette Gauche va désormais œuvrer pour la mise en place et la généralisation de ‘l’Homme nouveau’ des mondialisateurs, à savoir, un individu consommateur sans attaches, c’est-à-dire hors-sol, apatride, dépourvu de ses qualités d’être social, foncièrement egocentrique, sans défense devant les forces du totalitarisme techno-féodal. Ce dernier, voudrait même désormais intervenir même dans l’essentiel biologique de l’existence humaine par le transhumanisme méta-anthropique. Et ce n’est pas un paradoxe lorsque donc à travers le nouveau positionnement et ainsi rôle de cette Gauche que de la voir contribuer et de manière essentielle, au déferlement de la mondialisation ; d’où d’ailleurs depuis peu en Grèce, l’invention de la formule alors inédite: ‘Gauche NATOoïste’.”

“Ainsi, la Droite néolibérale incarne le néolibéralisme économique et la mondialisation économique quand la Gauche incarne le néolibéralisme idéologique et culturel, ainsi que la corruption volontaire des identités collectives, lesquelles sont remplacées quasi-exclusivement par de droits des individus et des minorités. Il va de soi que dans un tel monde, la mise en place d’un marché mondialisé est facilité par le fait qu’en face de lui, il ne trouvera, ni nations, ni classes sociales, mais seulement des individus.”

“Avec l’arrivée de SYRIZA au pouvoir, ce partage des tâches entre la Gauche et la Droite a pris fin de manière sans doute provisoire, puisque SYRIZA est chargé d’incarner, à la fois le néolibéralisme économique et autant culturel, ainsi que les dictats de la mondialisation économique, en suivant à ce niveau cette même double politique de Georges Soros, ce dernier comme on sait, il a assemblé ces deux composantes dans son action mondialisatrice.”

Naufragés en ville. Athènes, décembre 2018
Le Mont Olympe. Novembre 2018
Reserve naturelle. Nord de la Grèce, novembre 2018

“De l’autre côté, se trouvent tous ceux qui défendent l’enracinement de la société grecque, la cohésion de sa communauté, l’autonomie de l’État, le rétablissement de sa viabilité, ainsi que la poursuite de la civilisation grecque dans le présent comme dans l’avenir – ni plus ni moins, ceux qui souhaite que l’hellénisme puisse rester actif dans l’histoire durant ce nouveau siècle. Ce pôle du patriotisme rassemble la majeure partie de la société grecque, autrement-dit, les perdants et les paupérisés de la crise, et en même temps, tous ceux qui résistent et qui donc œuvrent alors au quotidien pour que les dynamiques internes, spirituelles et productives du pays puissent encore en quelque sorte exister. Eh bien, cette majeure partie de la société grecque demeure toujours exclue de la scène politique, autant que des institutions du systémisme culturel et spirituel.”

“Il y a donc un manque de concentration comme d’expression frontale pour cet espace démocratique et patriotique. Et cette incapacité à se regrouper, sa fragmentation, n’est pas seulement le fait de la responsabilité des ‘chefs’, mais elle reflète un manque de vision et de plan communs et qui pourraient répondre à la demande patriotique. Car il faut dire, dans l’espace du patriotisme démocrate, aux yeux de certains, prédominent alors la dimension économique et sociale, et pour d’autres, c’est l’aspect strictement national et géopolitique qui prévaut, sans alors parvenir à la composition pourtant nécessaire entre ces deux éléments.”

Mémoire Paléochrétienne. Macédoine grecque, novembre 2018

“C’est aussi pour ces raisons, qu’au cours de la dernière décennie, et durant l’intensification de la crise, les forces politiques ayant pris le devant de la scène, sont celles qui ont tiré profit, surtout via l’usurpation, de l’indignation des Grecs comme de la psychologie collective correspondante; à savoir: SYRIZA, ANEL et aussi l’Aube dorée. Et en ce moment, ce sont les escrocs et les aventuriers qui veulent également monter sur la vague paneuropéenne du populisme de droite.”

“Cependant, notre adversaire, la mondialisation, devrait être traité d’abord sur le champ pratique de la politique créatrice de l’avenir du pays. C’est pourquoi nous devons répondre aux vrais besoins collectifs de la société grecque. C’est-à-dire, réponde à la multiple question du grand ‘comment’, quant à la stratégie nationale pour la défense des droits et de l’intégrité du pays, quant au rétablissement de la souveraineté, de la justice sociale et de la démocratie, sans oublier le rétablissement de sa production, de son Éducation, de sa démographie, de sa Défense, de la préservation de la cohésion nationale et de l’environnement, et pour finir, à la restauration de toute sa dimension culturelle”, texte et intervention de Yórgos Karambélias dont une version courte est consultable sur le site du mouvement “Ardin”, décembre 2018.

Toute prévision s’avère de moins en moins évidente. Et l’intérêt de l’analyse de Karambélias ne présage alors rien de très discernable, quant à son initiative politique. En tout état de cause, la coupure grecque n’est plus celle savamment entretenue entre une certaine Droite et une certaine Gauche, c’est bien clair. Dans le même ordre d’idées, le mouvement des gilets-jaunes, relève autant de cette dichotomie alors radicale, entre les uns et les autres, tous les autres.

Arbre de Noël illuminé. Athènes, décembre 2018 (photo presse grecque)

Les masques sont suffisamment tombés, sauf que le système peut encore en fabriquer. C’est bien connu, chez les humains, pratiquement technoïdes mais pas encore entièrement, les formes de luttes, vraies ou fausses trouvent leurs formes diverses et variées. Le pays réel du temps des premiers engagements politiques de la génération de Yórgos Karambélias, ayant même connu directement les luttes des années 1960, n’est plus du tout le même. On mesure la distance en feuilletant… de façon numérique certaines photos permettant la comparaison qui n’est d’ailleurs pas qu’esthétique. Ainsi et au niveau politique, depuis SYRIZA, la Gauche grecque est définitivement morte, et les Grecs se montrent autant dubitatifs devant la nouvelle… Galaxie des partis et mouvements politiques situés à droite et qui se déclarent plus patriotes que jamais. Marché… de Noël.

Et comme le ridicule ne tue plus, voilà que Lafazánis, chef de l’Unité Populaire (ancienne aile gauche de SYRIZA jusqu’à 2015), a fait son apparition samedi 15 décembre à Paris, déguisé en gilet-jaune, histoire de récupérer l’irrécupérable et ceci, après avoir défilé avec ses amis, toujours en gilet-jaune à Athènes deux semaines plus tôt, il faut dire dans l’indifférence la plus totale, pis encore, sous le rire moqueur et forcement jaune des Athéniens amusés devant un tel théâtre. Pauvres gens pour qui, les élections qui s’approchent semblent alors être si cruciales pour… retrouver un siège chauffant et surtout payant au “Parlement”, il faut dire, pendant bien entendu que la grande mascarade “démocratique” trouve encore ses spectateurs.

Lafazánis à Paris le 15 décembre 2018 (photo presse grecque)

De toute façon et cas de besoin… très systémique, l’avenir immédiat conduira après des élections plus cosmétiques que jamais, à une coalition entre les différents partis alors comparses et complices car tout ce petit monde il incarnant alors les rôles voulus et complémentaires dans cette pièce du dernier peut-être théâtre de la pseudo-démocratie représentative, sauf certaines rares exceptions.

En ce moment et dans l’autre pays réel, c’est heureusement le temps des amours. Rivalités et bagarres entre nos braves matous qui se battent sous les immeubles athéniens, entre une… “Trêve de Noël” pour des croquettes. Et sur la Place de la Constitution, l’arbre de la municipalité et de Noël vient d’être illuminé.par les humains.

Marchands sans Temple et nouvelle “normalité”, savamment construite durant toutes ces années de mutation, dites “années de crise”.

Trêve… pour des croquettes. Athènes, décembre 2018
* Photo de couverture: Rivalités et alors bagarres. Athènes, décembre 2018
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