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Responsabilité de l’Europe – Charnier en Méditerranée

Crimes sans châtiment – ou comment l’UE transforme la Méditerranée en charnier liquide

Le naufrage du 14 juin en mer Ionienne est venu s’ajouter à la longue série noire de tragédies similaires dont une partie seulement bénéficie de couverture médiatique, ou même d’un quelconque signalement. Avec sans doute plus de 650 morts (104 survivants sur un total de 750 à 800 personnes à bord), ce naufrage est d’ores et déjà le second plus meurtrier jamais enregistré en Méditerranée, après celui du 19 avril 2015 (plus de 900 morts) au large des côtes libyennes mais dépassant la « tragédie de Lampedusa » d’octobre 2013 (366 corps retrouvés).

Pourtant, aussi terrifiantes soient-elles, ces tragédies ne représentent qu’une fraction des pertes humaines occasionnées par les traversées de la Méditerranée que tentent quotidiennement réfugié·es et migrant·es venant du Sud global à bord d’embarcations de fortune. Les estimations varient mais ce qui est certain c’est qu’elles se comptent par dizaines de milliers rien que pour la dernière décennie : 27000 depuis 2014 selon Missing Migrant Project, entre 17 et 18000 pour la période 1993-2014 selon d’autres estimations, parmi les plus modérées. Il s’agit donc d’une véritable hécatombe, qui s’est produite et se déroule quotidiennement, sans que cela soulève d’émotion particulière en dehors d’événements perçus comme exceptionnels à l’instar des naufrages évoqués ci-dessus.

Au-delà de la comptabilité macabre, il y a bien sûr la question des responsabilités politiques. Celles des États bien entendu, mais s’agissant de notre continent, celle de l’instance qui définit dans le détail et met en œuvre le cadre d’ensemble, à savoir l’Union européenne (UE). Car, contrairement à ce qui est souvent dit les frontières européennes n’ont pas toujours été létales pour les populations venues du Sud, et, en tout cas, certainement pas à l’échelle à laquelle les opinions publiques se sont habituées depuis des décennies. Le phénomène cesse d’être marginal à partir de 1990, lorsque commencent à se mettre en place les dispositifs de l’espace Schengen, et il ne prend de l’ampleur qu’à partir de 1995, lorsque le dispositif s’applique pleinement.

C’est donc la politique dite d’ « externalisation des frontières », revers de la « libre circulation » (fort relative) à l’intérieur de celles-ci qui, en réduisant drastiquement (et de façon croissante), les voies d’accès régulières aux Etats-membres de l’UE pour les personnes venant en particulier du Sud global a conduit à des trajets de plus en plus dangereux et mortels. La méthodique construction de ce qu’on appelle couramment l’« Europe forteresse » s’est ainsi traduite par une politique délibérée de « laisser mourir » à une échelle de masse.

Cette politique est désormais justifiée par la « promotion de notre mode de vie européen » selon la dénomination officiellement adoptée par l’UE pour désigner le domaine au sein duquel prend place la politique d’asile et de migration. Implicitement mais non moins clairement, une vie non-européenne, en particulier si elle est non-blanche et/ou non-chrétienne, peut passer par pertes et profits, au nom de la défense des prétendues « valeurs » qui fondent l’« Europe » telle que les divers traités du néolibéralisme constitutionnalisé l’ont façonnée au fil des décennies.

 À vrai dire, une telle escalade meurtrière ne saurait surprendre de la part d’une construction issue d’un continent d’où est partie l’expansion coloniale et impérialiste, avec le cortège d’horreurs qui l’a accompagnée. C’est de cette Europe que parlait Frantz Fanon quand il écrivait, en conclusion des Damnés de la terre : « Voici des siècles que l’Europe a stoppé la progression des autres hommes et les a asservis à ses desseins et à sa gloire ; des siècles qu’au nom d’une prétendue ‘aventure spirituelle’ elle étouffe la quasi-totalité de l’humanité. Regardez-la aujourd’hui basculer entre la désintégration atomique et la désintégration spirituelle. (…) L’Europe s’est refusée à toute humilité, à toute modestie, mais aussi à toute sollicitude, à toute tendresse. Elle ne s’est montrée parcimonieuse qu’avec l’homme, mesquine, carnassière, homicide qu’avec l’homme. »

C’est avec cette Europe – et avec cet « Occident »-là – qui aujourd’hui encore osent parader en modèles de morale et de civilisation sur la scène internationale, qu’il nous faut radicalement et définitivement rompre.

Pour notre commune humanité, il y a urgence.

Stathis Kouvélakis

Athènes, 16 juin 2023, manifestation de protestation contre les politiques de migration et d’asile

Source https://www.contretemps.eu/crimes-frontex-europe-exil-migrations-morts-grece-naufrages/

Suisse,Frontex : la vérité «après» le vote

Par Guy Zurkinden

La publication d’un rapport confirme la participation active de l’agence européenne de garde-côtes à des refoulements illégaux d’exilé·e·s. Tout indique que le Conseil fédéral était au courant, mais a caché ces informations lors de la votation populaire sur le financement de Frontex.

Le 15 mai dernier, la conseillère fédérale (PLR) Karin Keller-Sutter (KKR), épaulée du ministre UDC Ueli Maurer, affichaient leur satisfaction. Le renforcement du financement de l’agence de garde-côtes européenne Frontex, qu’ils avaient soutenu bec et ongles, était accepté par 71,5% des votant·e·s. Tout au long de la campagne, Karin Keller-Sutter et Ueli Maurer avaient minimisé les violations des droits humains perpétrés par Frontex, dénoncées par le collectif Migrant Solidarity Network, à l’origine du référendum.

Le «sérieux» de Frontex

Au début de la campagne, le Département fédéral de justice et police, chapeauté par la libérale-radicale Karin Keller-Sutter, ex-membre du comité de direction de l’Union patronale suisse, évoquait de «prétendues violations des droits humains». Karin Keller-Sutter faisait ainsi sienne l’argumentation du directeur de Frontex, Fabrice Leggeri, qui niait toute responsabilité dans des «pushback», ces refoulements illégaux de migrant·e·s dénoncés par de nombreuses ONG [1]. Fin avril, Fabrice Leggeri devait pourtant annoncer sa démission de Frontex, acculé par les scandales à répétition ainsi qu’un rapport dévastateur sur sa gestion, réalisé par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Mis sous pression par la démission de Fabrice Leggeri ainsi que par la publication de plusieurs enquêtes sur la question des «pushback» par des médias européens de référence, le tandem Keller-Sutter/Maurer devait ensuite ajuster le tir. Ueli Maurer affirmait que de tels cas seraient «l’exception et non la règle»[2]. De son côté, Karin Keller Sutter affirmait que ces illégalités ne seraient pas le fait de Frontex mais de certains Etats, et réitérait son plein soutien à l’agence [3]. Quant à Marco Benz, un des deux membres suisses siégeant au conseil d’administration de Frontex, il indiquait que «Frontex prend la protection des droits fondamentaux très au sérieux»[4].

Mouillée jusqu’au cou

Fin juillet, plusieurs quotidiens regroupés au sein de la plateforme de journalisme d’investigation Lighthouse reports publiaient des extraits du rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Jusque-là tenu secret, ce document se penchait notamment sur la complicité de Frontex dans les refoulements illégaux de migrant·e·s aux frontières de l’Union européenne (UE). Bilan des courses: le rapport «confirme l’utilisation massive de la technique illégale du “pushback” par les autorités grecques pour décourager les migrants de pénétrer sur le sol européen» [5].

Or, selon les enquêteurs de l’OLAF, ces faits «étaient largement connus, et même dénoncés au sein de Frontex». Au moins six bateaux grecs, cofinancés par l’agence, auraient même été impliqués dans plus d’une dizaine de refoulements entre avril et décembre 2020. Au sein même de l’agence, plusieurs voix, dont celles de sa «tour de contrôle», le centre de situation de Frontex, avaient suggéré l’ouverture d’une enquête interne sur la question. La réponse de la direction? Une «interdiction formelle d’enquêter en interne», fruit d’une volonté ferme de «couvrir» la Grèce «en raison du contexte international». En 2020, l’agence décidait même de retirer ses avions survolant les eaux grecques pour éviter d’être témoins des «pushback» perpétrés par les garde-côtes grecs! Loin des yeux, loin du cœur.

Une position proche de l’extrême-droite

Le rapport de l’OLAF confirme ainsi que «Frontex n’a pas respecté les lois ou les droits fondamentaux, et encore moins la transparence, au cours des dernières années. Et que la structure de l’organisation est donc conçue de manière à permettre des délits aussi drastiques – parce qu’elle n’est pas soumise à un contrôle démocratique»[6]. «Partisans d’une ligne dure en matière de gestion des frontières extérieures de l’Union européenne», les dirigeants de Frontex ont ainsi «enfermé l’agence dans un mensonge: les refoulements de migrants en mer Egée n’existent pas. Ils seraient une invention d’ONG «soutenues par les Turcs». Une position proche de celle défendue par l’exécutif grec, mais aussi par l’extrême droite européenne», résume Le Monde [7].

Les mensonges de la «Berne fédérale»

Que savaient les autorités fédérales de ce constat accablant, au moment où elles menaient une campagne véhémente pour blanchir Frontex? Interpellée sur la question par la Woz, l’administration fédérale des douanes, chapeautée par le Département des finances d’Ueli Maurer, répond que les représentant·e·s helvétiques au conseil d’administration de Frontex – y compris Marco Benz – avaient pris connaissance du rapport réalisé par l’OLAF, et ce dès le 7 mars! Le ministre UDC des Finances a donc vraisemblablement aussi eu connaissance des conclusions désastreuses de l’enquête à la même période. Il serait extrêmement étonnant que KKR n’en ait pas eu vent.

Tout indique donc que le Conseil fédéral a délibérément soustrait des informations capitales à la population durant la campagne de votation, tout en tenant délibérément un discours mensonger sur Frontex afin d’assurer son orientation lors de la votation.

On connaît aujourd’hui la vérité. Mais le scrutin est déjà passé, de même que l’intérêt médiatique sur la question. Conclusion: dès 2027, la Suisse financera à hauteur de 61 millions de francs par an (contre 24 millions aujourd’hui) une agence qui refoule hommes, femmes et enfants au large de la mer Egée. Au mépris des droits humains les plus fondamentaux – et notamment celui à la vie. (17 août 2022)

Source https://alencontre.org/europe/suisse-frontex-la-verite-apres-le-vote.html

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[1] Lire le décryptage de Sophie Malka sur la question, sur le site asile.ch: https://asile.ch/2022/04/12/frontex-de-pretendues-violations-des-droits-fondamentaux

[2] NZZ, 3 mai 2022.

[3] Idem.

[4] Wochenzeitung, 3 août 2022.

[5] Le Monde, 28 juillet 2022.

[6] Wochenzeitung, idem.

[7] Le Monde, 28 juillet 2022.

Communiqué de SOS MEDITERRANEE, MSF et SEA-WATCH

Méditerranée centrale, mercredi 3 août 2022 – En cette saison estivale, SOS MEDITERRANEE, MSF et SEA-WATCH appellent de toute urgence au déploiement de moyens maritimes de recherche et de sauvetage des États européens en Méditerranée centrale afin d’éviter de nouveaux décès.

En à peine cinq jours, le Geo Barents, un navire de recherche et de sauvetage opéré par Médecins Sans Frontières (MSF), et l’Ocean Viking, un navire de recherche et de sauvetage affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC), ont secouru seize embarcations en détresse. La semaine précédente, le Sea-Watch 3 avait également secouru cinq embarcations en détresse en mer, avec un total de 444 rescapé.e.s. Sans la présence de moyens civils de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale, les enfants, femmes et hommes secouru.e.s lors de ces opérations de sauvetage auraient été abandonné.e.s à leur sort dans les eaux internationales au large de la Libye, la route migratoire maritime la plus meurtrière au monde depuis 2014.

Le désengagement de moyens européens de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale, ainsi que les délais dans l’attribution d’un lieu sûr de débarquement ont affaibli la capacité du dispositif de recherche et de sauvetage, et donc sa capacité de sauver des vies. Bien que, comme le prescrit le droit maritime, nous recherchions systématiquement une coordination pour nos opérations, les autorités maritimes libyennes ne répondent presque jamais, négligeant leur obligation légale de coordonner l’assistance. Par ailleurs, lorsqu’elles interviennent et interceptent des embarcations en détresse, les autorités maritimes libyennes renvoient systématiquement de force les personnes en Libye, qui ne peut être considérée comme un lieu sûr selon les Nations unies.

Pendant ce temps, malgré l’absence critique de moyens de recherche et de sauvetage adéquats dans cette région maritime, les personnes continuent de fuir la Libye par la mer et de risquer leur vie en quête de sécurité. Durant l’été, lorsque les conditions météorologiques sont les plus favorables pour tenter un voyage aussi dangereux, les départs de Libye sont plus fréquents et une importante flotte de recherche et de sauvetage est donc nécessaire.

« Depuis le début de la saison estivale, notre équipe a effectué trois missions en mer. Malheureusement, le premier sauvetage a connu une fin tragique, avec près de 30 personnes disparues et une femme qui n’a pas survécu. Les deux autres missions ont été très intenses, avec six sauvetages en douze heures et onze autres en 72 heures, portant secours à un total de 974 personnes. Cette succession de sauvetages nous contraint actuellement à accueillir 659 personnes à bord du Geo Barents, ce qui est supérieur à la capacité du navire. Nous n’avons cessé de recevoir des alertes restées sans réponse ou de repérer des embarcations en détresse depuis notre passerelle et il est de notre devoir légal et moral de ne pas laisser ces personnes se noyer. Nous ne pouvons pas combler le vide laissé par l’absence de flotte étatique de recherche et de sauvetage, face à l’étendue des besoins ; il est plus que nécessaire d’accroitre la capacité de secours en Méditerranée centrale », explique Juan Matias Gil, représentant MSF pour la recherche et le sauvetage.

Photo : Anna Pantelia / MSF

Alors que le Sea-Watch 3 a débarqué 438 personnes à Taranto, en Italie, le 30 juillet, et que l’Ocean Viking a débarqué les 387 femmes, enfants et hommes secouru.e.s entre le 24 et le 25 juillet à Salerne, en Italie, le 1er août, le Geo Barents attend toujours qu’une solution soit trouvée pour les rescapé.e.s dont certain.e.s ont été secouru.e.s il y a déjà sept jours. « Garder les rescapé.e.s bloqué.e.s en mer pendant des jours en attendant de débarquer dans un lieu sûr est une violence supplémentaire imposée à des personnes déjà extrêmement vulnérables. Les rescapé.e.s secouru.e.s par l’Ocean Viking au cours des six dernières années ont raconté à nos équipes des histoires terrifiantes de violence et d’abus. Le dernier et seul espoir pour ces personnes est de réussir à fuir la Libye, qu’ils qualifient souvent d’« enfer sur terre », par la mer, quels qu’en soient les risques. La suppression des moyens européens de recherche et de sauvetage adéquats et compétents dans les eaux internationales au large de la Libye s’est avérée meurtrière et inefficace pour prévenir les traversées dangereuses », déclare Xavier Lauth, directeur des opérations de SOS MEDITERRANEE.

« Tandis que les autorités européennes refusent de remplir leur devoir de sauvetage en mer, elles retardent également le débarquement des personnes secourues par les ONG. Cette attente inutile épuise les personnes secourues : elles ont survécu à la Méditerranée, mais plutôt que de trouver la sécurité, elles doivent attendre pendant des jours devant les portes closes de l’Europe pour que leurs droits humains soient respectés », déclare Mattea Weihe, porte-parole de SEA-WATCH.

Photo : Nora Boerding/Sea-Watch.org

SOS MEDITERRANEE, MSF et SEA-WATCH demandent aux États membres et aux États associés de l’Union européenne de mettre en place une flotte de recherche et de sauvetage adéquate, dirigée par les États, dédiée et proactive en Méditerranée centrale, ainsi qu’une réponse rapide et adéquate à tous les appels de détresse, et un mécanisme de débarquement prévisible des personnes rescapées.


Note aux rédactions

SOS MEDITERRANEE Depuis 2014, plus de 24 000 hommes, femmes et enfants sont morts en Méditerranée en tentant la traversée sur des embarcations de fortune. SOS MEDITERRANEE est une association humanitaire européenne de sauvetage en mer constituée de citoyens mobilisés pour la recherche et le sauvetage des personnes en détresse en mer. Depuis le début de ses opérations en février 2016, SOS MEDITERRANEE a secouru plus de 36 000 personnes avec l’Aquarius puis l’Ocean Viking. Le quart d’entre elles étaient mineures. L’association est basée en France, en Allemagne, en Italie et en Suisse. Elle a reçu le Prix Unesco Houphouët-Boigny 2017 pour la Recherche de la Paix.

Dossier de presse : https://bit.ly/3yXRV5q

Médecins Sans Frontières (MSF) mène des activités de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale depuis 2015, en travaillant sur huit navires de recherche et de sauvetage différents (seuls ou en partenariat avec d’autres ONG). Depuis 2015, nos équipes ont apporté une aide vitale à plus de 80 000 personnes en détresse en mer. MSF a relancé ses activités de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale en mai 2021, en affrétant son propre navire, le Geo Barents, pour sauver des vies, fournir des soins médicaux d’urgence aux personnes secourues, ainsi que pour faire entendre la voix des rescapé.e.s depuis la frontière maritime la plus meurtrière du monde.

SEA-WATCH e.V. est une organisation civile à but non lucratif (ONG) qui mène des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale depuis plus de six ans, documente les violations des droits de l’homme et signale les personnes en détresse à l’aide d’avions de reconnaissance civils.


Photo : Anthony Jean /SOS MEDITERRANEE

Source https://sosmediterranee.fr/communiques-et-declarations/sosmediterranee-msf-seawatch-juillet-2022/

L’horreur des refoulements des réfugiés

25 personnes dont 17 enfants de bas âge ont été arrêtées à Lesvos, battues, dépouillées de leur bien et laissées à dériver en pleine mer sur un radeau de sauvetage (life raft). la nuit du 10 janvier. Cette opération de refoulement d’une violence extrême qui  par miracle n’a pas coûté la vie à un bébé jeté en mer et qui a eu comme résultat l’hospitalisation en Turquie de deux bébés et d’une jeune fille avec une jambe cassée, est décrite d’une façon très documentée, photos, vidéos et archives sonores à l’appui par Aegean Boat Report. Voir ci-dessous la traduction du texte d’origine aaegeanboatreport.com/2022/01/13/17-children-left-drifting-at-sea/   17 Children Left Drifting At Se

et se reporter au blog de l’organisation pour avoir accès aux documents.

Merci de penser à relayer le plus largement possible La « normalisation » de cette horreur va finir par nous déshumaniser complètement toutes et tous.   


17 enfants laissés à la dérive en mer

Vingt-cinq personnes, dont 17 jeunes enfants, ont été arrêtées à Lesvos, battues et maltraitées avant d’être abandonnées à la dérive en pleine mer, dans le cadre du dernier outrage commis par des agents grecs en uniforme. Et le « crime » commis par ces 25 personnes, pour justifier leur expérience horrible aux mains de personnes qui sont payées pour sauver et protéger des vies humaines ? Rien du tout. Elles tentaient simplement de trouver un endroit sûr pour vivre, apprendre et travailler.

Dans l’après-midi du dimanche 9 janvier, un bateau transportant 25 personnes a accosté au sud de Tsonia, au nord-est de Lesvos. Immédiatement après leur arrivée, le groupe s’est caché dans les bois des environs, craignant d’être renvoyé illégalement en Turquie s’il était découvert par la police. À 17 heures, ils ont contacté Aegean Boat Report pour demander de l’aide.

Dans les heures qui ont suivi, ils ont fourni des photos, des vidéos, des messages vocaux et des données de localisation, afin de documenter leur présence sur Lesvos : il ne faisait aucun doute qu’ils étaient sur l’île.

Le groupe avait désespérément besoin d’aide, mais malgré mes efforts pour trouver quelqu’un, je n’ai pu localiser personne qui puisse les aider sur Lesvos. Aegean Boat Report a publié un message public sur les médias sociaux, avec un appel à l’aide urgent, mais aucune organisation ne s’est manifestée, personne ne pouvait protéger ces personnes, pas même les 17 enfants.

De nombreuses organisations s’empressent de critiquer lorsque des personnes se noient dans la mer Égée, pointant du doigt les responsables. Mais lorsqu’elles ont la possibilité d’intervenir, avant que les gens ne soient mis dans des situations potentiellement dangereuses, elles ne disent et ne font rien.

La prochaine fois que des personnes se noieront dans la mer Égée, ces mêmes organisations profiteront de l’occasion pour « montrer leur sympathie » aux victimes, car cela correspond à leur « profil humanitaire », il est financièrement rentable de sembler être du côté de l’humanité. Le mot hypocrisie vient à l’esprit.

Mais il y a aussi des raisons.

À Lesvos, ou sur n’importe quelle autre île d’ailleurs, il n’y a personne capable d’aider, même s’il le voulait, aucune organisation locale, aucune ONG, aucun bénévole, aucun journaliste ou avocat, qui se rendrait sur place pour aider des personnes qui viennent d’arriver, pas même pour documenter leur présence. Parce que s’ils le font, et que la police les trouve, ils risquent d’être arrêtés sur place, accusés d’avoir facilité l’entrée illégale en Grèce, d’entrave aux enquêtes de police et de tout autre chef d’accusation qu’ils pourraient trouver, ceci juste parce qu’ils ont essayé d’aider des personnes vulnérables cherchant la sécurité en Europe.

Telle est, malheureusement, la réalité aux frontières de l’Europe. Les politiciens européens ne défendent plus « nos valeurs européennes » : ces valeurs ont disparu. Ce ne sont que des mots sans substance, utilisés dans des discours pour donner l’impression qu’ils font quelque chose. Ce n’est pas le cas.

Le groupe de 25 personnes est resté caché dans les bois toute la nuit, attendant la lumière du jour. Il faisait froid, ils n’avaient ni vêtements secs, ni nourriture, ni eau. C’était particulièrement difficile pour les nombreux petits enfants.

Aux premières lueurs du jour le lundi 10 janvier, ils ont commencé à se diriger vers le village le plus proche, Tsonia, afin d’être vus par les habitants, dans l’espoir que la sensibilisation du public empêcherait la police de les repousser.

À 8 heures le 10 janvier, Aegean Boat Report a envoyé un courriel aux organisations, ONG, autorités et au médiateur grec, pour leur dire que le groupe souhaitait demander l’asile en Grèce et avait besoin d’une protection internationale. Nous n’avons reçu aucune réponse. La lettre a également été publiée sur Facebook et Twitter pour sensibiliser le public :

« 25 réfugiés sont arrivés à Lesvos hier et ont été annoncés aux autorités, au médiateur grec et au HCR Grèce par Aegean Boat Report ce matin. Nous avons exhorté le HCR et le médiateur à jouer un rôle de médiateur direct pour s’assurer que leurs droits humains seront respectés. 17 des 25 personnes du groupe sont des enfants ».

À 10 h 20, ils sont arrivés à la périphérie du village, mais ils avaient trop peur pour continuer à marcher. Ils ont vu plusieurs voitures et des habitants du village.

Une heure plus tard, à 11 h 20, ils ont informé Aegean Boat Report que la police les avait trouvés. Tout contact a alors été perdu avec le groupe, tous les téléphones sont tombés en panne, tout ce que nous pouvions faire était d’attendre et d’espérer qu’ils soient emmenés dans un camp. Cela ne s’est pas produit. Aucun nouvel arrivant n’a été enregistré par les autorités de Lesvos ce jour-là, ni les jours suivants.

Nous avons appris plus tard par des résidents locaux que la police circulait dans la région dans des voitures civiles – un minivan gris avec quatre hommes en uniformes sombres a particulièrement attiré leur attention. Cette voiture s’est arrêtée à la périphérie du village, et quatre hommes en sont sortis. Tous portaient des cagoules, que les habitants de la région n’utilisent pas pendant la récolte.

La voiture a été filmée, et on peut clairement voir la plaque d’immatriculation IZH:1548 à l’arrière, ainsi qu’un homme debout derrière elle.

Les réfugiés ont ensuite expliqué que ceux qui les avaient trouvés c’étaient quatre hommes cagoulés, en uniforme de couleur foncée et tous armés. Après avoir vu des photos de la voiture, ils ont confirmé qu’il s’agissait de la même que celle utilisée par les « commandos » qui les ont trouvés.

Lorsque les personnes ont été repérées dans la banlieue de Tsonia par ces « commandos », certaines d’entre elles ont tenté de s’enfuir, a déclaré l’un des réfugiés. Quatre coups de feu ont été tirés pour les forcer à rentrer dans le rang. Tout le monde avait très peur, les enfants pleuraient, c’était une épreuve horrible.

Les gens ont été tenus en joue dans cet endroit pendant plus d’une heure. Tout le monde a été fouillé de force, et tous leurs effets personnels, sacs, papiers, argent et téléphones leur ont été arrachés.

Les habitants de la région ont vu une grande camionnette blanche arriver dans le secteur vers midi, puis repartir environ une heure plus tard, précédée d’un minibus gris. Tous les réfugiés qu’ils avaient vus plus tôt avaient disparu, et ils ont donc supposé que la camionnette les avait emmenés. La même camionnette blanche a été utilisée pour transporter des réfugiés lors de plusieurs débarquements précédents, et dans tous ces cas, les personnes ont été évacuées de force de l’île et refoulées vers la Turquie.

Les habitants de Lesvos savent que ces véhicules « civils » sont utilisés par la « police secrète » pour se fondre dans la masse, mais tout le monde sait que les hommes qui s’y trouvent sont des militaires chargés par les autorités grecques de « chasser » les réfugiés.

Lundi 10 janvier, en fin d’après-midi, Aegean Boat Report a reçu un message vocal désespéré de l’une des personnes du groupe auquel nous avions parlé à Lesvos plus tôt dans la matinée. Ils avaient réussi à cacher un téléphone à la police de Lesvos, et avaient juste assez de batterie sur le téléphone pour passer un appel d’urgence aux garde-côtes turcs, et envoyer un message vocal à Aegean Boat Report. Aucune localisation n’a été reçue, et le téléphone était à nouveau hors ligne.

Nous avons immédiatement contacté les garde-côtes turcs (TCG), mais sans localisation, ils ne pouvaient pas faire grand-chose. Le TCG a déclaré qu’il n’avait trouvé personne dans la région de Lesvos, mais qu’il venait de recevoir des informations sur un groupe de personnes en détresse à l’extérieur de Seferihisar.

Nous avons écarté la possibilité qu’il s’agisse du même groupe, en raison de la distance de Lesvos ; nous pensions qu’ils ne transporteraient pas des personnes sur plus de 200 km pour effectuer un repli.

Mais après minuit, les garde-côtes turcs ont informé Aegean Boat Report qu’ils avaient localisé et secouru le groupe pour lequel nous les avions contactés plus tôt : 25 personnes avaient été trouvées à la dérive dans un radeau de sauvetage près de Seferihisar, en Turquie, dont 17 enfants.

Les garde-côtes helléniques avaient transporté ce groupe sur plus de 200 km pour pouvoir les refouler, ce qui montre la détermination des autorités grecques à éloigner quiconque par tous les moyens possibles. Alors, pourquoi ne les ont-ils pas simplement refoulés à la proximité de Lesbos, comme ils le font habituellement dans ces cas-là ? L’explication est assez simple, la direction du vent à ce moment-là était le nord-ouest, et s’ils avaient placé le radeau de sauvetage dans la mer, il aurait dérivé vers les eaux grecques.

Hier, nous avons repris contact avec le groupe, qui se trouve désormais dans une installation de quarantaine à Seferihisar, en Turquie, et ils nous ont expliqué ce qui leur était réellement arrivé.

Leur expérience est tout simplement horrible.

La police les a trouvés à la périphérie du village, où ils ont été fouillés, et tous leurs biens ont été confisqués. Après une heure, une camionnette blanche est arrivée et tout le monde a été forcé de monter à l’arrière : « Ils nous ont traités comme des ordures », nous a dit une femme. « Ils nous ont donné des coups de pied et nous ont battus, même certains enfants ont été battus ».

Il est difficile d’en être sûr, mais ils pensent que la voiture a roulé pendant plus d’une heure. Lorsqu’elle s’est finalement arrêtée, ils se trouvaient dans une sorte de port, où un petit bateau gris à deux moteurs attendait sur un quai en bois. Lorsqu’ils sont sortis de la camionnette, il y avait 10 à 15 hommes masqués, tous en uniforme  foncée, portant des armes. Les gens ont reçu l’ordre de baisser les yeux et de rester silencieux, et il y a eu beaucoup de cris. Les enfants pleuraient, terrifiés par les hommes masqués. Le bateau pneumatique semi-rigide gris à deux moteurs emmène les gens par petits groupes vers un plus grand navire. Dans le  bateau pneumatique, il y avait trois hommes masqués et armés.

Le grand bateau était gris, avec des rayures bleues et blanches à l’avant. Après avoir regardé des photos de navires des garde-côtes helléniques (HCG), ils ont identifié le bateau comme étant un navire de patrouille offshore de classe Sa’ar 4 appartenant aux garde-côtes helléniques.

Tout le monde a été placé à l’extérieur, au milieu du bateau, ont-ils expliqué : « Ils nous ont mis sous une bâche en plastique blanc, pour que personne ne puisse nous voir, et nous ont dit qu’ils allaient nous emmener à Athènes ».

C’était bien sûr un mensonge, mais les gens voulaient désespérément croire que c’était vrai.

Après 7-8 heures, le bateau s’est arrêté. Il faisait nuit dehors et il y avait beaucoup de vent, et le bateau de patrouille HCG était déplacé d’avant en arrière par les vagues. Un étrange bateau a été mis à la mer, ont-ils dit : « Tout le monde a été forcé de descendre dans ce bateau, le bateau n’avait pas de moteur, ceux qui refusaient ou ne bougeaient pas assez vite étaient jetés dans le bateau« .

Vingt-cinq personnes, dont 17 enfants, ont été embarquées de force dans un radeau de sauvetage par les garde-côtes grecs.

Une femme explique qu’un petit bébé a fini dans la mer : « La police grecque a jeté le bébé en bas du bateau grec, mais a manqué le radeau de sauvetage, heureusement nous avons réussi à remettre le bébé dans le radeau.  Une autre fille a été poussée du navire grec et s’est cassé la jambe, c’était barbare, ils y prenaient plaisir, comme si nous n’étions pas des humains. »

Vers 22 heures le 10 janvier, le groupe a été laissé à la dérive dans un radeau de sauvetage à l’extérieur de Seferihisar par les garde-côtes grecs. Ils ont réussi à appeler à l’aide et, une heure plus tard, à 23 h 15, ils ont été retrouvés et secourus par les garde-côtes turcs.

Lorsqu’ils sont arrivés au port de Seferihisar, deux bébés et une fille de 13 ans, Harir, ont été emmenés à l’hôpital. Les bébés souffraient de problèmes respiratoires, de vomissements et de fièvre, et Harir avait une jambe cassée après avoir été jeté du navire des garde-côtes grecs.

Plusieurs autres personnes avaient des bleus et des blessures. Un garçon de 16 ans a été battu au visage et a subi des coupures aux yeux et à la bouche, un autre avait des bleus sur tout le dos après avoir été battu. Une petite fille a montré son bras, plein d’ecchymoses après avoir été piétinée par l’un des hommes masqués à bord du navire des garde-côtes grecs.

Après avoir entendu leurs témoignages, vu les photos et les vidéos, je ne peux m’empêcher d’avoir honte.

Comment pouvons-nous expliquer cela à qui que ce soit, alors que nous ne faisons rien pour l’empêcher : nous laissons faire.

Il n’y a absolument aucun doute sur l’identité des responsables de ces refoulements illégaux, ni sur le fait que la Commission européenne et ses représentants ne lèvent pas et ne lèveront pas le petit doigt pour tenter de mettre fin à ces violations.

C’est un embarras, non seulement pour la Commission européenne, mais pour toute l’Europe.

Cela dure depuis plus de 22 mois. Plus de 25 000 personnes ont été repoussées illégalement dans la mer Égée, 485 radeaux de sauvetage ont été retrouvés à la dérive, transportant 8 400 personnes, tout cela aux mains du gouvernement grec, béni et soutenu par la Commission européenne.

Il s’agit de violations du droit international et des droits de l’homme financées par les contribuables européens.

La commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a dit un jour : « Les refoulements ne devraient jamais être normalisés, les refoulements ne devraient jamais être légalisés. »

Mais les refoulements sont normalisés, et se produisent tous les jours en Grèce, en Italie, en Espagne, en Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie, en Slovaquie, en Pologne, en fait sur toute la route des Balkans et à la frontière extérieure de l’UE. C’est illégal. C’est immoral. C’est de la barbarie, et nous – le peuple de Grèce, le peuple d’Europe et le peuple du monde – méritons beaucoup, beaucoup mieux.

Posted byTommy OlsenJanuary 13, 2022Posted inBlog

Un nuage néofasciste plane (toujours) au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie

1er juillet par Eva Betavatzi


Image du camp de Kara Tepe en janvier 2021

Le 12 mars 2020, j’écrivais un article intitulé « un nuage néofasciste plane au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie » – voir extraits plus bas – publié sur le site du CADTM [1]. « À l’époque » je pensais que la situation ne pouvait pas être pire pour les personnes demandeuses d’asile en Grèce, sauf que les évènements décrits dans mon précédent article ont eu lieu il y a moins d’un an, « l’époque » n’est donc pas si lointaine. Depuis, les choses ont empiré. Les images qui nous parviennent de Moria 2.0 (le premier camp de Moria a été incendié le 8 septembre 2020) en attestent.

Le camp Moria 2.0 (ou Kara Tepe) situé sur un ancien champ de tir militaire est aussi inhumain que le précédent : manque d’eau, d’électricité, des tentes qui ne protègent ni contre la pluie, ni contre les tempêtes, ni contre la neige. Des personnes atteintes de Covid-19 y vivent avec des enfants, des femmes enceintes, des personnes handicapées, des personnes âgées, etc. Au total, ce camp accueille 10 000 personnes.

Peu avant la signature du Pacte sur la migration et l’asile, présenté le 23 septembre 2020, l’Union européenne avait laissé entendre qu’un quota obligatoire d’accueil de personnes demandeuses d’asile par pays serait envisagé. Sans surprises, les forces xénophobes des gouvernements européens ont été plus fortes que celles des milliers de voix qui se sont élevées pour un pacte solidaire, un accueil humain et la fin de Moria [2]. Les quotas sont tombés à l’eau. La Commission européenne présentait son nouveau Pacte en disant avoir trouvé « la balance entre solidarité et responsabilité », une manière de dire que les choses ne changeront pas. Les xénophobes avaient gagné une bataille importante.

Lorsque l’incendie s’est déclaré au camp Moria 1, la Commission européenne annonçait ‘‘NO MORE MORIAS’’ (plus de Morias), mais, comme l’écrivait un journaliste quelques jours plus tard : « ‘‘No More Moria’’ turned into ‘‘flooded Kara Tepe’’ » (« Plus De Moria » s’est transformé en « Kara Tepe inondé ») [3].

Depuis mars 2020, les conditions de vie des personnes demandeuses d’asile aux frontières de la Grèce se sont dégradées, le camp de Moria a ressurgi malgré les flammes, le nuage néofasciste s’est renforcé grâce au Pacte européen sur la migration et l’asile.


PREMIER EXTRAIT DE L’ARTICLE « UN NUAGE NÉOFASCISTE PLANE AU-DESSUS DES FRONTIÈRES ENTRE LA GRÈCE ET LA TURQUIE »

L’Europe vit une période sombre, la situation aux frontières entre la Grèce et la Turquie en atteste. Les discours se multiplient et l’heure est à la confusion. Chacun·e apporte « son soutien » à l’une ou l’autre partie « victime », tantôt de la dictature d’Erdogan, tantôt d’une prétendue « invasion » de personnes migrantes, tantôt d’une folie humaine déjà installée depuis bien trop longtemps. Une folie humaine qui est restée dans l’ombre des préoccupations grâce à un gros chèque que l’Union européenne s’est accordée à verser à Erdogan. Six milliards d’euros, c’est le montant reçu par la Turquie à la suite de l’accord signé entre son État et l’UE en 2016. Six milliards d’euros, c’est le prix que l’Europe de « l’Union » a payé pour son incapacité à exprimer son refus « d’accueillir » des personnes en exil. Des personnes qui fuient les nombreuses guerres et conflits qui sévissent dans leur pays. Six milliards d’euros c’est bien plus que ce que l’UE n’aurait accepté de rembourser à la Grèce sur les intérêts de sa dette. Dépenser pour refouler des personnes extrêmement vulnérables, oui, annuler la dette illégitime de la Grèce pour éviter le massacre social, non. On ne peut plus clairement résumer les politiques de l’UE.

Nulle question de « place disponible à l’accueil », nulle question « d’origine », que ces personnes migrantes viennent de Syrie, de Palestine, d’Irak, d’Afghanistan ou d’ailleurs peu importe, il s’agit de créer une Europe de l’investissement vide de sens et pleine d’argent, vide de gens et pleine de morts.

Les mots ne sont pas encore assez durs et la colère est légitime

La Grèce est devenue aujourd’hui un territoire de toutes les batailles. Des personnes tentent de sauver ce qu’il reste de notre humanité, en sauvant des vies aux larges des côtes grecques et turques tandis que d’autres se lancent dans une croisade contre l’« étranger » et ses « allié·es ». La police anti-émeute grecque (MAT), chargée de canons à eau, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes, avait été envoyée par bateau par ordre du gouvernement à la fin février sur les îles de la mer Egée pour réprimer la population locale, en colère d’apprendre la réquisition par le gouvernement de leurs petites propriétés (terrains) pour la construction de nouveaux centres fermés. Ce même gouvernement avait annoncé quelques jours plus tôt son plan en trois points : construire de nouveaux centres fermés pour 20 000 demandeurs et demandeuses d’asile (alors que les camps comptent au total plus de 40 000 personnes aujourd’hui), renforcer les frontières physiques, refuser presque automatiquement les potentielles nouvelles demandes d’asile. S’en sont suivies des images de guerre civile – des affrontements violents ont éclaté entre la population et les autorités locales et la police de l’État – qui laissaient présager le pire.

Les partis néofascistes d’Europe n’ont pas manqué d’y voir une opportunité à leur propagande raciste et hypocrite. Le 10 mars dernier, le parti flamand Vlaams Belang (Parti d’extrême droite flamand en Belgique) organisait un rassemblement devant l’ambassade de Turquie à Bruxelles pour soutenir les grec·ques qui « résistent avec vigueur » au « déboulement » des milliers de personnes migrantes envoyées par le « dictateur turc Erdogan ». Il se vantait d’être le seul parti « solidaire du peuple grec » ! Ce discours écœurant a été lu sur les réseaux sociaux par au moins des centaines de sympathisant·es dont des grec·ques qui remerciaient le Vlaams Belang de son soutien au pays ! À l’heure où le peuple grec luttait pour sa survie contre les mesures d’austérité imposées par la Troïka, le Vlaams Belang tenait un discours radicalement opposé.

Article extrait du magazine AVP – Les autres voix de la planète, « Dettes & migrations : Divisions internationales au service du capital » paru en mai 2021. Magazine disponible en consultation gratuite, à l’achat et en formule d’abonnement.

Source https://www.cadtm.org/Un-nuage-neofasciste-plane-toujours-au-dessus-des-frontieres-entre-la-Grece-et

Frontex, 15 ans d’impunité

Frontex, 15 ans d’impunité : l’agence hors-la-loi doit disparaître !

L’agence de garde-côtes et de garde-frontières européens Frontex est accusée par divers médias [1] d’avoir eu connaissance ou de s’être rendue complice du refoulement d’au moins six bateaux d’exilé·e·s en mer Egée, entre mars et septembre 2020 dans le cadre de l’opération Poséidon. Pour la première fois, l’agence a été sommée de s’expliquer auprès de la Commission et du Parlement européens. Il était temps !

Accusations nombreuses et récurrentes
De multiples acteurs documentent depuis dix ans déjà l’incompatibilité du mandat et des activités de Frontex [2] avec le respect des droits fondamentaux, et l’impunité structurelle dont elle jouit.
Depuis 2011, Migreurop dénonce les violations des droits dont Frontex se rend coupable : non-respect du droit d’asile, entraves au droit de quitter tout pays, mauvais traitements et actes de violence, discriminations, manque de transparence en matière de protection des données personnelles [3]. A partir de 2013, la campagne inter-associative Frontexit a montré comment la montée en puissance de Frontex (budget et autonomie) accroissait sa dangerosité. En 2019, l’enquête d’un collectif de médias révélait déjà de nombreux cas de violences lors d’opérations coordonnées par Frontex [4]. L’agence y est également accusée d’avoir classé sans suite des cas de mauvais traitements envers des exilé·e·s en Bulgarie, en Hongrie et en Grèce, s’en rendant ainsi complice [5].
Accusations mensongères ? C’est sans compter les nombreux « rapports d’incidents » effectués par l’agence elle-même. Depuis 2012, l’Office de protection des droits fondamentaux de Frontex répertorie les plaintes qu’elle reçoit, sans qu’il y soit donné suite.

Déni de responsabilité de Frontex
Car ces accusations sont systématiquement balayées d’un revers de communication par Frontex dont l’attitude n’a jamais varié : se retranchant derrière les États hôtes de ses opérations sur qui elle rejette la responsabilité de leur déroulement, elle se contente d’affirmer, à grand renforts de codes de conduites non contraignants et de formations de ses agents sur les « bonnes pratiques », qu’elle respecte scrupuleusement les droits fondamentaux des personnes exilées.
A ce déni de responsabilité systé(mat)ique s’ajoute une « Stratégie de respect des droits fondamentaux », brandie comme un étendard par l’agence depuis 2011. Pourtant, les instruments de contrôle qu’elle prévoit sont bien faibles y compris durant les expulsions [6], et le mécanisme de plainte mis en place pour dénoncer les violations des droits commises par Frontex elle-même dans les pays où elle opère n’est pas effectif car il ne peut aboutir qu’à d’éventuelles sanctions disciplinaires individuelles, donc internes, et non à la mise en responsabilité de l’agence. Pire, Frontex décourage toute velléité de porter ces griefs devant la justice [7].
A ce jour, ni l’agence ni aucun de ses agents n’ont jamais été mis en cause, et, depuis des années, les témoignages accablants qui s’accumulent ne semblent pas remettre en question l’augmentation constante de ses moyens, de ses effectifs et de son pouvoir de décision [8].

Les éléments de langage de Frontex ne suffisent plus
Ces nouvelles accusations de complicité dans des cas de refoulement en mer Egée s’ajoutent aux préoccupations émises au fil des ans par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, la Commission LIBE du Parlement européen, le Médiateur de l’UE.
Le 10 novembre 2020, à la demande de la Commission européenne, une enquête interne a été ouverte au sein de Frontex. Lors d’une réunion ad hoc, le directeur exécutif de l’agence s’est contenté de proposer un renforcement de l’équipe en charge des droits fondamentaux et d’accroître la « sensibilisation des agents opérationnels aux exigences juridiques qu’ils doivent appliquer au quotidien sur le terrain » [9]. Le contraste est criant entre ces garde-fous de façade et la gravité des accusations à son encontre.
Le 1er décembre 2020, lors de son audition devant la Commission LIBE, le directeur a présenté Frontex comme une sentinelle des droits fondamentaux [10], tout en assimilant des cas de refoulement à des opérations de « prévention au départ », lesquelles constituent bien évidemment une entrave au droit de quitter tout pays y compris le sien, en violation des normes internationales et européennes auxquelles l’agence est encore soumise. A la suite de cette audition, certain·e·s parlementaires ont sollicité une commission d’enquête parlementaire et d’autres la démission du directeur de Frontex [11].

L’impunité de l’agence doit cesser et il doit être mis fin à son mandat
Depuis des années [12], les refoulements violents – voire mortels [13] – d’exilé·e·s à la frontière gréco-turque, sont notoires et documentés, y compris par Frontex. L’incompatibilité de ses activités avec le respect des droits fondamentaux n’est plus à démontrer. Cependant son impunité reste totale : l’UE et ses États-membres ont progressivement mis en œuvre une stratégie « d’irresponsabilité organisée » en matière de politique migratoire [14], dont Frontex est l’une des composantes sécuritaires essentielles. Le contrôle des frontières n’est pas et ne sera jamais une variante de la mobilité. Il est urgent que cesse la stratégie mortifère aux frontières de l’UE, que les pratiques illégales de Frontex soient enfin sanctionnées et qu’un terme soit définitivement mis au mandat de cette agence européenne dont l’impunité n’a que trop duré.

Source http://www.migreurop.org/article3012.html

Rejet de Berlin de l’appel à l’embargo sur les importations d’armes de la Turquie

La Grèce reproche à Berlin d’ avoir rejeté l’appel à l’embargo sur les importations d’armes de la Turquie
L’Allemagne échoue au test de leadership de l’UE, selon le ministre grec des affaires étrangères.

PAR NEKTARIA STAMOULI

ATHENES – Le ministre grec des affaires étrangères, Nikos Dendias, a accusé l’Allemagne de ne pas être à la hauteur de son rôle de leader au sein de l’UE en rejetant les appels d’Athènes à imposer un embargo sur les armes à la Turquie.

« Je ne comprends vraiment pas la réticence de l’Allemagne à utiliser l’énorme puissance de son économie pour montrer clairement aux pays qu’ils doivent respecter le droit international », a déclaré Dendias dans une interview avec POLITICO.

Dans un contexte de tensions accrues en Méditerranée orientale, la Grèce a lancé un appel à ses partenaires européens ces dernières semaines pour qu’ils mettent fin aux ventes d’armes à la Turquie. Athènes soutient que de telles armes pourraient être utilisées contre deux pays membres de l’UE, la Grèce et Chypre, en cas d’escalade des différends concernant les eaux territoriales.

La Grèce a spécifiquement demandé à l’Allemagne de ne pas autoriser la livraison de six sous-marins de type 214 commandés par la Turquie. Athènes soutient que ces navires bouleverseraient l’équilibre des pouvoirs en Méditerranée orientale.

Dendias a noté que l’accord pour les sous-marins datait de 2009, lorsque le gouvernement turc et sa politique étrangère étaient très différents.

« Je comprends la question financière, mais je suis sûr que l’Allemagne comprend aussi l’énorme contradiction que représente la fourniture d’armes offensives à un pays qui menace la paix et la stabilité de deux pays de l’UE. C’est la définition du mot contradiction », a-t-il déclaré.

M. Dendias a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi la Grèce devrait même soulever la question avec Berlin « au lieu que l’Allemagne réalise par elle-même, à partir des contrôles de son propre système, que cela n’est pas compatible avec son rôle en Europe ».

La Grèce et la Turquie sont toutes deux membres de l’alliance de l’OTAN, mais avec des désaccords de longue date sur diverses questions, notamment les frontières maritimes. Leurs relations ont atteint un point bas au cours des derniers mois.

Au cours de l’été, les deux pays ont frôlé le conflit militaire, puisque l’Oruç Reis, un navire sismique appartenant à la Direction générale de la recherche et de l’exploration minières de la Turquie, a commencé des activités de recherche dans les eaux contestées. Les flottilles navales turque et grecque se sont affrontées pendant des semaines. La Turquie a également mené des recherches et des forages au large de Chypre au cours des derniers mois.

L’Allemagne a essayé de jouer le rôle de médiateur, le ministre des affaires étrangères Heiko Maas s’étant rendu à plusieurs reprises à Athènes et à Ankara pour pousser à la reprise des pourparlers diplomatiques. La chancelière Angela Merkel a contribué à éviter un conflit potentiel en appelant le premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et le président turc Recep Tayyip Erdoğan.

Mais la Grèce a exprimé son mécontentement face à ce que Dendias a qualifié de politique d' »apaisement » menée par l’Allemagne à l’égard de la Turquie. Athènes soutient que l’Allemagne devrait être fermement du côté de ses collègues de l’UE, la Grèce et Chypre.

Appel au sommet

Dans cette interview, M. Dendias a appelé les dirigeants européens à envoyer un message clair à la Turquie lors du sommet du Conseil européen du mois prochain. Mais il n’est pas allé jusqu’à exiger explicitement des sanctions de l’UE contre Ankara.

Il a déclaré que l’Europe devrait donner une « réponse logique » aux récentes actions de la Turquie qui correspondrait à la promesse du président de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de diriger une Commission « géopolitique ».

Peu avant le dernier sommet européen, le navire turc est rentré chez lui, et les deux parties ont convenu de reprendre les discussions. Lors du sommet du 2 octobre, les dirigeants de l’UE ont averti Ankara qu’elle pourrait faire face à des sanctions pour ses activités en Méditerranée orientale, mais se sont abstenus de toute action – seulement pour que le navire turc reprenne sa mission quelques jours plus tard.

Cette fois-ci, la Turquie a de nouveau signalé que le navire reviendrait au port avant le sommet, en précisant que sa mission durerait jusqu’au 29 novembre. Le sommet devrait commencer le 10 décembre.

Selon M. Dendias, si les dirigeants européens suivaient la même voie que la dernière fois, cela signifierait qu’ils n’ont pas appris leur leçon.

« Si vous faites les mêmes choses que par le passé et que vous attendez un autre résultat à l’avenir, c’est quelque chose qui est décrit avec le mot « naïf » – et c’est un terme doux pour cela, je dirais », a déclaré M. Dendias.

« L’Europe enverrait un mauvais message à tous les pays de la région. Quiconque agit arbitrairement, quiconque viole le droit international, quiconque fait du chantage, est en fin de compte laissé impuni ou même récompensé ».

Dendias a refusé de préciser quel devrait être le message de l’UE. Selon lui, cela devrait dépendre de la question de savoir si la Turquie montre un réel changement d’attitude dans les jours et les semaines à venir.

M. Dendias a déclaré qu’il se réjouissait de travailler avec la prochaine administration américaine. Le président élu Joe Biden et son candidat au poste de secrétaire d’Etat, Antony Blinken, connaissent tous deux très bien la région et les problèmes gréco-turcs, a-t-il dit.

« Je crois que la région a besoin de la présence des États-Unis et en particulier de leur présence militaire, d’une manière qui compenserait le manque de présence militaire européenne dans la région », a-t-il déclaré.

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Source https://www.politico.eu/article/greece-blasts-berlin-for-shunning-plea-for-turkey-arms-embargo/

Olivier Delorme : « L’Allemagne est l’allié du régime islamo-impérialiste d’Erdogan »

ENTRETIEN. Historien et romancier, Olivier Delorme est notamment l’auteur de La Grèce et les Balkans (3 tomes Gallimard, 2013) et de 30 bonnes raisons pour sortir de l’Europe (H&O, 2017). Il fait le point avec nous sur la politique européenne d’Erdogan et sur le jeu trouble de l’Allemagne de Merkel.

Front Populaire : Fin octobre, le gouvernement grec a adressé une lettre à Berlin pour demander l’arrêt des exportations militaires vers la Turquie en raison des menaces d’Erdogan. Or nous avons appris il y a quelques jours que Berlin semble continuer à livrer Ankara en sous-marins (214T). Les Verts allemands s’en offusquent d’ailleurs. L’Allemagne serait prête à mettre en danger la Grèce pour sauvegarder ses intérêts ?

Olivier Delorme : Sans aucun doute ! Depuis dix ans, l’UE à direction allemande a imposé une déflation sans fin dont la principale conséquence est d’alourdir le poids de la dette par rapport au PIB, qui a été le prétexte de cette politique. En dépit des déclarations mensongères répercutées par les médias, la Grèce ne va pas mieux. Son économie n’a cessé de s’affaiblir, 500 000 Grecs parmi les plus jeunes et les mieux formés ont dû partir en exil, le budget de la Défense a subi des coupes désastreuses comme tous les autres, les biens communs du peuple grec ont été mis à l‘encan – les entreprises allemandes se taillant la part du lion dans cette grande braderie. Tandis que l’UE arrosait avec l’argent des contribuables européens le régime islamo-impérialiste d’Ankara qui déversait un flot de migrants – pas de réfugiés – sur les îles grecques et la frontière terrestre. Àfonds perdus et sans jamais exiger de contrepartie sur la cessation des provocations à l’égard de la Grèce et de Chypre.

Quant à la réponse de Berlin à la lettre du ministre des Affaires étrangères grec, elle est un monument de cynisme puisqu’elle mentionne que l’Allemagne vend très peu d’armes à la Turquie, que ces ventes sont soumises à autorisation gouvernementale et qu’il n’y a donc aucune raison de modifier quoi que ce soit. Or si les sous-marins grecs disposent aujourd’hui d’une supériorité technologique qui leur permet d’assurer la sécurité de l’espace égéen, vendre de nouveaux sous-marins à la Turquie, c’est obliger la Grèce à passer un marché équivalent pour maintenir l’équilibre actuel !

FP : Les ambitions de la Turquie dans l’espace méditerranéen interrogent. Pourriez-vous résumer à grands traits le comportement de la Turquie en Méditerranée orientale depuis août ? A quoi joue Erdogan ?

OD : Erdogan est porteur d’un projet à la fois islamiste et impérialiste. Mais l’économie est en récession depuis la fin de 2018 et le système de clientélisme islamique sur lequel reposait la fortune électorale de son parti, l’AKP, manque de carburant. Les milliards déversés par l’Union européenne au titre de la préadhésion, de la réalisation de l’union douanière et du chantage aux migrants ne suffisent plus à financer ce système, notamment par les commissions que génèrent des travaux pharaoniques et souvent inutiles. La monnaie s’effondre (-40 % face au dollar en un an), les prix des importations flambent, l’inflation s’emballe et le déficit de la balance commerciale se creuse car la Turquie exporte des produits à faible valeur ajoutée alors qu’elle importe des produits à forte valeur ajoutée et la quasi-totalité de son énergie. Erdogan interdit à la Banque centrale de relever des taux d’intérêt déjà supérieurs à 10 % afin de ne pas ralentir davantage l’activité : les réserves de change s’épuisent à soutenir la monnaie et ne couvriraient plus que deux mois d’importations. Quant aux recettes touristiques, elles sont en chute libre du fait de la crise sanitaire dont la gestion a été catastrophique.

Du coup, comme tout régime despotique dans une impasse intérieure, celui d’Erdogan cherche à ressouder l’opinion derrière lui dans des aventures extérieures : la deuxième orientation du régime – renouer avec le passé impérial ottoman – se trouve ainsi suractivée par les circonstances. Mis en échec en Syrie par la Russie, bloqué en Libye par l’Égypte (sans doute avec le concours des Émirats arabes unis, de la France et encore de la Russie), Erdogan s’est retourné durant l’été contre deux membres de l’Union européenne – la Grèce et Chypre, dont la Turquie occupe et colonise 37 % du territoire depuis 1974 –, puis il a poussé le despote d’Azerbaïdjan à rallumer en Artsakh (Haut-Karabagh) une guerre contre les Arméniens en réalité dirigée par Ankara.

Depuis 1973, la Turquie prétend s’arroger le droit d’exploiter les ressources de toute la moitié orientale de la mer Égée, au mépris du droit international qui reconnaît à la Grèce une zone économique exclusive (ZEE) autour de ses îles. Cette prétention a généré plusieurs « épisodes chauds » – ainsi que les Grecs les nomment. Puis, dans les années 1990, la Turquie élabora la « doctrine des zones grises » qui, par une interprétation insoutenable des traités de 1923 et 1947 fixant les frontières gréco-turques, nie la souveraineté grecque sur des centaines d’îlots en Égée. Et en 1995, l’Assemblée nationale d’Ankara a donné à l’exécutif une autorisation permanente de déclarer la guerre à la Grèce si celle-ci procédait à l’extension à 12 milles de ses eaux territoriales prévue par la convention internationale de Montego Bay (1982) – bien que la Grèce se fût engagée à ne pas y procéder unilatéralement et que la Turquie, non signataire de cette convention, l’ait fait en mer Noire comme en Méditerranée. Enfin, l’actuel pouvoir a adopté le concept de « Patrie bleue » qui permet d’étendre de manière quasi illimitée les prétentions turques dans l’espace maritime.

Et Erdogan est passé aux actes, au début d’août, envoyant des navires de prospection d’hydrocarbures, escortés par des flottilles de guerre, dans les ZEE grecque et chypriote, notamment autour de Kastellorizo, la plus orientale des îles grecques. La Grèce a répliqué en dépêchant sur zone sa marine afin d’entraver ces actions illégales et le face-à-face a failli à plusieurs reprises dégénérer en affrontement, tandis que la Turquie multipliait partout en Égée les violations des eaux territoriales et de l’espace aérien grecs (qui ne cessent jamais), des sous-marins turcs étant débusqués à proximité immédiate des côtes de la Grèce continentale.

FP : L’attitude de l’Allemagne est plus qu’ambiguë depuis août. Merkel cherche clairement à ne pas faire de vague avec la Turquie et refuse de condamner Erdogan avec le reste de l’UE. Quelles sont les raisons d’un tel positionnement de l’Allemagne par rapport à la Turquie ?

OD : Vous êtes charitable en parlant de position ambiguë ! En réalité, depuis le début de la crise, Merkel s’est alignée sur Erdogan, au mépris du droit international, de la position du Conseil de sécurité de l’ONU, des principes de bon voisinage et de règlement pacifique des différends affichés par l’Union européenne ainsi que des intérêts vitaux de deux de ses membres !

En 1975, les Premiers ministres grec et turc avaient convenu de recourir à l’arbitrage de la Cour de justice internationale de La Haye, seule instance compétente pour régler les différends de ce type. Mais le Turc s’est rétracté sous la pression des Loups gris, un groupe ultra violent d’extrême droite dont le gouvernement français vient d’interdire l’activité dans notre pays et dont le chef était alors vice-président du gouvernement. En 1976, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est prononcé en faveur de cet arbitrage et la Cour s’est affirmée compétente, mais seulement dans la mesure où les deux parties la saisiraient. On sait approximativement ce que serait sa décision au vu des arrêts qu’elle a déjà rendus dans des situations comparables de mer semi-fermée. Et tous les gouvernements grecs, quelle que soit leur orientation politique, ont depuis demandé à la Turquie d’aller à La Haye.

Pourquoi l’UE, si prompte à brandir le droit – y compris là où elle n’a rien à faire –, n’a pas plus conditionné l’ouverture des négociations d’adhésion de la Turquie à l’acceptation de cet arbitrage qu’à la cessation de l’occupation et de la colonisation illégales du nord de Chypre, alors que deux États de l’Union sont en cause ? Pourquoi Merkel n’exige-t-elle pas aujourd’hui de la Turquie qu’elle accepte cet arbitrage ? Pourquoi Merkel tente-t-elle d’obtenir une négociation bilatérale entre un pays de moins de 11 millions d’habitants et un pays de plus de 80 millions dont les responsables ne cessent de menacer et d’imposer leur volonté par la force, contre le droit, alors que cette négociation bilatérale est, depuis 1975, l’exigence… d’Ankara ?

Il faut donc cesser de se voiler la face. L’Allemagne bloque les sanctions contre la Turquie qui pourraient contribuer à ramener le calme et contraindre le tyran turc à revenir à un peu de raison. Elle n’est pas un arbitre ; elle est l’allié objectif du régime islamo-impérialiste turc.

À cause de ses 2,5 milliards d’excédent commercial ? Ou des 3 millions de Turcs d’Allemagne, dont certains sont électeurs dans les deux pays, alors que, comme en France, en Belgique, aux Pays-Bas ou en Autriche, les politiciens locaux ont favorisé le contrôle de cette communauté par l’AKP d’Erdogan et son allié le MHP – émanation politique des Loups gris – en échange de services électoraux.

FP : L’UE sera-t-elle un jour capable de parler d’une seule voix ? N’est-ce pas un nouvel exemple que les intérêts stratégiques des différents pays de l’UE divergent inexorablement ? A cette aune, que dire du « couple » franco-allemand ?

OD : Quelle voix ? L’UE n’est pas et ne peut pas être une addition de volontés ; elle n’est et ne sera jamais qu’une soustraction d’objections. Ce mantra de nos « élites » – « on est plus forts à plusieurs » – est grotesque. Les États n’ont ni le même passé, ni les mêmes intérêts, ni la même vision du monde, ni les mêmes moyens d’action. Par quel miracle voudrait-on que cela fasse une volonté d’agir ?

Toute décision au sein de l’UE n’est jamais que le plus petit dénominateur commun entre 27 positions divergentes ; avec un plus petit dénominateur commun, on ne fait pas l’histoire, on regarde passer les trains !

Quant au couple franco-allemand, c’est une autre fantasmagorie des mêmes « élites » ! L’ancien directeur des Études et recherches de l’Institut Charles de Gaulle que je suis vous dira que sitôt que le Bundestag ratifia le traité de l’Élysée (1963) en y ajoutant un préambule unilatéral le vidant de tout contenu politique, tandis que la CDU congédiait le chancelier Adenauer, qui l’avait signé, au profit du francophobe Ehrard, le général de Gaulle n’a plus eu la moindre illusion sur une entente politique avec l’Allemagne ! Pour la suite, mon amie Coralie Delaume l’a parfaitement analysée dans son magistral Le Couple franco-allemand n’existe pas (Michalon, 2018).

Et à l’égard de la situation actuelle, je fais l’hypothèse que le président Macron a pensé que son éclatant génie suffirait à faire bouger une Allemagne dont la politique est conditionnée par le rapport pathologique à la monnaie qu’elle a hérité de l’histoire. Mais le sommet des marchands de tapis sur les conséquences économiques de la crise sanitaire l’a sans doute ulcéré. Car tout en affichant son soutien à Macron, Merkel n’a cessé de pousser ceux qui lui étaient opposés et a promu un compromis typiquement européen, c’est-à-dire insignifiant au regard des nécessités du moment et impraticable dans les faits parce que l’usine à gaz qui en résulte ne fonctionnera pas.

Aussi le soutien salutaire – et que je salue ! en espérant que des actes suivront les paroles – de Macron à la Grèce me semble-t-il en partie motivé (outre les intérêts de Total dans le gisement de gaz découvert entre Chypre, le Liban, Israël et l’Égypte, dont les prétentions turques menacent l’acheminement vers l’Europe occidentale) par le désir de prendre sa revanche sur cette humiliation que lui infligée la chancelière, en faisant usage du seul atout, avec le siège permanent au Conseil de sécurité, dont les « élites » françaises n’ont pas encore dépouillé la nation : la force armée. La force armée que l’Allemagne a sacrifiée à ses stupides dogmes budgétaires.

FP : Si l’on ajoute à ce climat les accusations d’islamophobie qu’Erdogan profère à l’encontre de la France en général et de Macron en particulier, sommes-nous face à un choc des civilisations aux portes de l’Europe ?

OD : Le projet d’Erdogan est la diffusion de l’islam radical par tous les moyens. Il a fait tirer dans le dos des Kurdes en lutte contre Daesh qu’il a soutenu en important et revendant son pétrole. Il a recyclé comme supplétifs de son armée les restes d’al Qaida et Daesh et dissémine ces terroristes de la Libye à l’Artsakh. Il finance la réislamisation sur un mode radical des minorités musulmanes des Balkans. Il envoie des prêcheurs radicaux en Autriche, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, en France. Les consulats turcs en Europe occidentale organisent dès l’enfance l’endoctrinement des communautés émigrées dans la haine des valeurs occidentales. Aujourd’hui, des Turcs descendent dans les rues de France pour appeler au meurtre de nos concitoyens d’origine arménienne et achever le génocide de 1915… dont ils nient l’existence et vandalisent les mémoriaux. Comment voulez-vous appeler ça autrement ?

Nous devrions comprendre que les Arméniens, les Grecs, les Chypriotes victimes de cet islamo-impérialisme turc mènent un combat qui est le nôtre et qu’il est dans notre intérêt de les aider. Alors que l’UE continue à financer ce régime devenu l’un des plus dangereux du monde. Mais Erdogan n’a pas d’ennemi plus résolu que le maréchal Sissi qui a réuni les chefs d’État jordanien et irakien pour élaborer avec eux une position commune hostile à l’impérialisme turc ; Al Azhar, la plus grande autorité intellectuelle sunnite, a condamné la réislamisation de Sainte-Sophie ; et l’Égypte a signé avec la Grèce un accord sur leurs ZEE respectives déniant les exorbitantes prétentions turques. L’Arabie Saoudite est outrée par la prétention turque de prendre la tête du monde sunnite et on y boycotte les produits turcs. Les Émirats arabes unis ont envoyé des avions de chasse en Crète. Il est quand même paradoxal de constater que la Grèce et Chypre ont aujourd’hui bien davantage d’appuis de la part d’Israël, de l’Égypte et des Émirats que de la part de l’Union européenne !

FP : Dans ce contexte, quelle est encore la crédibilité d’une défense collective comme l’OTAN, quand un pays comme la Turquie en fait partie ?

OD : Si Macron a dit un jour une chose juste, c’est que l’OTAN est en état de mort cérébrale. Reste à en tirer les conséquences ! Même lorsqu’une frégate turque accompagnant un navire qui viole l’embargo de l’ONU sur les armes à destination de la Libye « illumine » la frégate française Courbet chargée de veiller au respect de cet embargo, l’OTAN apparaît aussi paralysée devant la Turquie que l’UE !

Pour autant, la relation turco-américaine, longtemps si étroite, ne cesse de se dégrader. La Turquie a été exclue du programme d’avions F-35 en raison de l’achat de systèmes d’armes russes, et les activités de la base OTAN d’Incirlik, autrefois essentielle au dispositif américain dans la région, continuent de se réduire, tandis que la présence américaine ne cesse de se renforcer sur la base de Souda en Crète ainsi que, au nord de la Grèce, à Alexandroupoli près de la frontière turque.

Les responsables américains se sont succédé à Athènes ces dernières semaines, affirmant l’excellence des relations gréco-américaines et le rôle essentiel de la Grèce pour la stabilité régionale. Les exercices militaires conjoints se multiplient et le Département d’État a plusieurs fois réaffirmé son soutien à la position de la Grèce comme la responsabilité de la Turquie dans les tensions actuelles. Des sénateurs influents, démocrates ou républicains, demandent désormais des sanctions contre la Turquie et l’on voit mal comment Washington pourrait être étranger à la chute de la livre turque.

Une victoire de Biden à la présidentielle changerait-elle quelque chose ? Un think tank proche des démocrates recommandait récemment de durcir significativement la position américaine à l’égard de la Turquie et d’évacuer au plus vite les armes nucléaires entreposées à Incirlik.

Source https://frontpopulaire.fr/o/Content/co294612/olivier-delorme-l-allemagne-est-l-allie-objectif-du-regime-islamo-imperiali?fbclid=IwAR2zPOLTs6Xy9XfjKs3f7qGOSeruO5P0y-1leLtwSW-RDphruDMmbIT5TZo

Accord de libre-échange : grâce à la mobilisation, une première victoire

par Maxime Combes

Jamais un accord de libéralisation du commerce n’a été aussi contesté. Le 9 novembre, sous la pression de l’opinion publique, les ministres des 27 États-membres n’ont pas pu avaliser le projet entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Une première victoire qui peut en amener d’autres, selon Maxime Combes, chroniqueur de Basta !.

Le lundi 9 novembre aurait dû marquer l’ouverture du processus de ratification de l’accord de libéralisation entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay). Cela n’a pas été le cas. La mobilisation citoyenne et le rejet toujours plus massif de ces accords visant à approfondir la mondialisation néolibérale et productiviste ont empêché dans l’immédiat la Commission européenne et les lobbys économiques européens de parvenir à leurs fins. C’est une victoire, certes partielle et non définitive, comme il y en a peu.

Opacité des négociations

Rembobinons le film. Cela fait 20 ans que les négociations pour un accord d’association entre l’UE et le Mercosur sont sur les rails. En 1999, date où la Commission européenne obtient des États-membres de l’UE mandat de négocier, près de 70 % du commerce mondial était l’apanage des États-Unis, de l’UE, du Japon et du Canada. La Chine, le Brésil ou l’Inde n’étaient pas encore des puissances mondiales. La crise climatique, l’effondrement de la biodiversité ou l’aggravation des inégalités mondiales passaient sous le radar médiatique d’une période où les élites nous promettaient une « mondialisation heureuse » (selon le titre du livre d’Alain Minc publié en 1997).

Interrompues à de multiples reprises, ces négociations ont été marquées d’une grande opacité. Il a fallu attendre que ce soit la société civile qui rende public en 2019 le mandat de négociation avec lequel la Commission négocie. Il ignore allègrement le défi climatique et fleure bon les réflexes néolibéraux pavloviens des années 1990. Quant à l’étude d’impact commandée par la Commission, de médiocre qualité, elle n’a été rendue publique qu’une fois les négociations finalisées alors qu’elle est supposée éclairer le débat public et les négociateurs.

« Jamais un accord de libéralisation du commerce n’a été aussi contesté »

C’est en juin 2019 que la Commission a annoncé que l’essentiel du contenu de l’accord était finalisé. La quasi-totalité des gouvernements européens ont alors salué un « bon accord commercial, bon pour nos entreprises et nos emplois », selon les mots d’Emmanuel Macron [1]. L’histoire semblait alors écrite : écologistes et altermondialistes allaient critiquer l’accord, mais la Commission et les États-membres tiendraient bon et l’accord serait ratifié rapidement, créant un vaste marché entre deux blocs régionaux qui représentent un quart du PIB mondial et près de 775 millions d’habitants.

Mais rien ne s’est passé comme prévu. Jamais un accord de libéralisation du commerce n’a été aussi contesté : selon un sondage publié le 10 septembre 2020, et réalisé dans quatre pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas et Espagne), près de 80 % des personnes interrogées souhaitent que cet accord soit abandonné [2]. Depuis juin 2019, on ne compte plus les chefs d’État européens et membres de gouvernements, Emmanuel Macron en tête, obligés de prendre leurs distances.

Une majorité de citoyens aspire à des formes de relocalisation des activités économiques et d’autonomie alimentaire

Vendre des voitures pour importer plus de viande ne fait plus recette . Déstabilisation des marchés agricoles, destruction d’emplois dans les secteurs industriels, aggravation des dérèglements climatiques et pollution aux pesticides, droits humains sacrifiés, multinationales s’arrogeant de nouveaux marchés au détriment des entreprises locales, les critiques documentées ne manquent pas [3]. Elles ont rendu cet accord toxique et anachronique.

La multiplication des violations des droits humains et des feux de forêts depuis l’élection de Jair Bolsonaro au Brésil et la pandémie de Covid-19 ont aussi contribué à amplifier cette lame de fond. L’opinion publique semble avoir massivement basculé sur tous ces sujets : il y a désormais 8 à 9 sondés sur 10 qui aspirent à des formes de relocalisation des activités économiques et d’autonomie alimentaire pour ne plus dépendre des marchés mondiaux.

La Commission européenne avait pourtant bon espoir de passer outre. Le 6 juillet dernier, elle indiquait avoir « terminé le nettoyage juridique » du texte et entamé sa traduction afin que la phase de ratification puisse débuter à l’automne. L’Allemagne avait d’ailleurs fait de la ratification de cet accord une priorité de la présidence de l’UE qu’elle exerce pour six mois depuis le 1er juillet.

Mais lors du Conseil de l’UE des ministres des Affaires étrangères consacré aux affaires commerciales de ce lundi 9 novembre, les ministres des 27 États-membres ne vont pas pouvoir avaliser ce projet d’accord et le transmettre pour ratification au Parlement européen. Celui-ci vient d’ailleurs de voter contre « sa ratification en l’état », un vote indicatif qui s’ajoute à ceux de plusieurs Parlements nationaux (Autriche, Pays-Bas, Irlande, Wallonie).

Engager les collectivités territoriales dans la bataille

Ne nous y trompons pas : que les États-membres de l’UE ne puissent avaliser 20 ans de négociations menées par la Commission est une victoire. Les arguments du mouvement altermondialiste et pour la justice climatique ont marqué les esprits : l’heure n’est plus celle d’une mondialisation qui fait de l’intérêt des multinationales un objectif supérieur à la protection de la planète, aux droits sociaux et aux droits des populations.

Certes, la Commission européenne et les ministres du Commerce des États-membres de l’UE, qui ne veulent pas « jeter à la poubelle 10 ans de travail », s’activent pour sauver ce projet d’accord : vont-ils chercher à le compléter d’un protocole additionnel ou d’une déclaration interprétative, comme ce fut le cas pour le CETA sans que cela ne change la nature de l’accord ? Sans doute. Mais de telles difficultés illustrent les contradictions dans lesquelles ils sont en train de se débattre.

Il est donc de notre responsabilité collective de ne rien lâcher et d’appuyer les initiatives en cours pour interpeller Emmanuel Macron et le gouvernement [4] et pour engager les collectivités territoriales dans la bataille en leur proposant de voter une résolution disant : « Non à l’accord UE-Mercosur – Oui à la Relocalisation écologique et solidaire » [5]. Pour que cette première victoire en amène d’autres.

Maxime Combes, économiste, en charge des enjeux commerce/relocalisation à l’Aitec, et porte-parole d’Attac

- Cette chronique a initialement été publiée dans Politis, la semaine du 2 novembre 2020, et actualisée par la rédaction de Basta !, en accord avec son auteur.

Photo : CC Rock Cohen

Source https://www.bastamag.net/Accord-libre-echange-liberalisation-commerce-UE-Mercosur-mobilisation-citoyenne-premiere-victoire-relocalisation

Succès de la mobilisation anti fasciste à Athènes

Le CADTM se réjouit du succès de la mobilisation unitaire anti fasciste à Athènes du 7 octobre 2020 et de la condamnation du parti néonazi Aube Dorée 7 octobre par CADTM International

 

Le CADTM salue le succès de la mobilisation unitaire anti-fasciste à Athènes de ce mercredi 7 octobre ainsi que la décision de la cour pénale d’Athènes de qualifier le parti néonazi Aube dorée « d’organisation criminelle ».

C’est dans la rue que le combat a été mené contre le groupuscule néonazi Aube Dorée, responsable des violences parfois mortelles commises depuis des années contre des personnes sans-papiers et des militant-e-s de la gauche radicale. Ce combat du mouvement anti-fasciste grec contre les violences néonazies a conduit à une victoire historique, une victoire pour la Grèce mais aussi pour l’ensemble des peuples d’Europe.

(Photo credit : Anna Muchin)

La Cour pénale a tranché, les dirigeants du parti ont été condamnés. Il s’agit des membres du « Conseil politique » du parti, ainsi que de ses représentants au parlement. D’autres inculpés ont été condamnés pour leur appartenance à l’organisation mais aussi pour les violences (meurtre de Pavlos Fyssas, attaque violente contre des pêcheurs égyptiens, attaques contre des membres du syndicat PAME). Le chef du parti, Nikos Michaloliakos, et celui qui en a été le numéro 2 pendant des années, Ilias Kasidiaris, tous deux admirateurs du national-socialisme, ont été reconnus coupables. À l’annonce de cette décision, la foule explosait de joie.

(Photo credit : Anna Muchin)

Javied Aslam, un pakistanais anti-néonazi, avait réussi à récolter des milliers de témoignages des agressions d’Aube Dorée notamment entre 2010 et 2013. Pourtant, ces témoignages ont été ignorés pendant des années, notamment par les commissariats et administrations « compétentes » alors que les agissements du groupuscule étaient connus de tous.

(Photo credit : Anna Muchin)

Aujourd’hui le silence s’est enfin brisé.

Selon le site rapportsdeforce.fr : « Un rassemblement antifasciste énorme, boulevard Alexandras devant le tribunal d’Athènes. Ce mercredi 7 octobre, des milliers (jusqu’à 20 000 selon certaines sources) de militants de gauche, d’extrême gauche et anarchistes sont venus attendre le verdict du procès d’Aube dorée, le parti néonazi entré au parlement en 2012 à la faveur de la crise grecque. Un parti mis en accusation après le meurtre par un de ses membres en 2013 de Pavlos Fyssas, un rappeur antifasciste. Mais aussi après les tentatives de meurtre perpétrées à l’encontre de deux pêcheurs égyptiens. A savoir, trois des exactions et violences les plus connues d’Aube Dorée.

Cinq années de procédure, 400 audiences, 68 accusés, 154 témoins, 129 avocats, pour un procès hors norme. Et de premiers verdicts qui tombent. Le parti est considéré par la cour d’Athènes comme une organisation criminelle, ce qui ouvre la voie à d’autres condamnations. Notamment celle de Nikos Michaloliakos, le chef négationniste d’Aube dorée. Celui-ci est reconnu coupable de « direction d’une organisation criminelle ». Mais aussi celle de Yorgos Roupakias, le meurtrier de Pavlos Fyssas. Les peines n’ont pas encore été prononcées ce midi, mais elles seront probablement lourdes. Au même moment, la police dispersait à coup de gaz lacrymogènes et de canons à eau les manifestants rassemblés devant le tribunal. »

Les membres du CADTM ont participé activement au mouvement de solidarité internationale qui demandait à la justice grecque de condamner Aube Dorée notamment en soutenant l’appel « Ils ne sont pas innocents » https://www.cadtm.org/Grece-Proces-d-Aube-doree-Ils-ne-sont-pas-innocents.

Rappelons que Mamadou Bah, membre du CADTM avait été brutalement agressé par un commando d’Aube Dorée en 2013 dans les rues d’Athènes et avait dû chercher refuge en Belgique voir https://cadtm.org/Droit-d-asile-pour-Mamadou-Bah et https://www.cadtm.org/Victoire-Mamadou-Bah-obtient-le

Merci à Anna Muchin pour son reportage photographique.

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