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Retour illégal de réfugiés à Evros

« Rapport au procureur de la Cour suprême sur le retour illégal des réfugiés à Evros par le Conseil hellénique des réfugiés »

Le Conseil hellénique pour les réfugiés a adressé au procureur de la Cour suprême une requête, accompagnée d’un dossier contenant toutes les informations dont il disposait, concernant des plaintes concernant le refoulement illégal, informel et violent de réfugiés de la région d’Evros.

Dans une déclaration, il indique que les plaintes concernent des citoyens turcs et se réfèrent en particulier à la période du 27 avril 2019 à aujourd’hui.

Parallèlement, comme il a été noté, il a soumis au bureau du procureur de la première instance d’Athènes trois plaintes à renvoyer au bureau du procureur d’Orestiada, avec cinq réfugiés turcs et leur enfant mineur. Les six réfugiés représentés par le Conseil hellénique pour les réfugiés ont fait appel à la justice grecque pour obtenir des réponses aux actes dont ils se sont plaints d’avoir été commis.

Parmi les concernés se trouve une jeune réfugiée, détenue dans des prisons turques à la suite de son prétendu retour illégal de Grèce en Turquie. Le procès en cause comprend de nombreuses preuves et le témoignage de son frère, qui vit à Athènes.

Le Conseil grec pour les réfugiés appelle les autorités judiciaires compétentes à enquêter efficacement sur ces plaintes. Comme il l’a souligné, il a demandé à plusieurs reprises l’ouverture d’une enquête sur les violations des droits de l’homme dans la région d’Evros, se déclarant profondément préoccupé par des plaintes similaires. « Cependant, aucune réaction officielle n’a été enregistrée à ce jour et les plaintes concernant la pratique illégale de refoulement continuent à augmenter », a-t-il ajouté. »

Criminalisation italienne des sauvetages en mer ?

Sauvetages de migrants en Méditerranée : la capitaine Pia Klemp risque 20 ans de prison en Italie

Pia Klemp, l’ancienne capitaine allemande des navires de sauvetage de migrants Iuventa, puis Sea Watch-3, est accusée par la justice italienne de « suspicion d’aide et de complicité à l’immigration illégale ». Alors que son procès a lieu en ce moment en Italie, se pose la question de la judiciarisation du sauvetage des migrants.

Pia Klemp, ancienne capitaine des navires Iuventa et Sea Watch-3 est jugée en Italie pour des soupçons d’aide et complicité d’immigration illégale. Cette ancienne « matelot de pont » a commencé sa carrière il y a six ans à bord du navire Iuventa (appartenant à une autre ONG humanitaire de sauvetage de migrants, Jugend Rettet), et gravi les échelons pour en devenir capitaine.

C’est d’ailleurs en août 2017 que les autorités italiennes confisquent le navire Iuventa commandé par cette humanitaire de 35 ans, au large de Lampedusa. Les ordinateurs et les téléphones portables qui étaient à bord sont saisis. Une enquête était en cours depuis 2016. 

Les droits de l’homme ne sont pas seulement pour notre bénéfice personnel. C’est une obligation. Si les droits de l’homme ne s’appliquent pas à tous, ils ne s’appliquent à personne.Déclaration de Pia Klemp, capitaine du Iuventa et du Sea Watch, humanitaire allemande jugée en Italie, sur le journal en ligne ze.tt

La décision de justice de pouvoir lire les contenus des appareils du Iuventa — repoussée plusieurs fois — est finalement prise en mai 2018 par le procureur sicilien ayant ordonné la saisie, Ambrogio Cartosio.

D’après les dossiers auxquels Pia Klemp a eu accès par son avocat (comme le relate le journal en ligne ze.tt le 30 mars 2019), ce sont au moins quatre autorités d’enquête italiennes différentes qui ont travaillé contre elle et son équipage, dont les services secrets italiens. Le plus inquiétant reste que son navire a été mis sur écoute, tout comme les téléphones et les ordinateurs portables de l’équipage, le tout doublé d’une surveillance opérée par des informateurs présents sur d’autres navires.

Le gouvernement ayant autorisé ces surveillances est celui de Paolo Gentiloni, le successeur de Matteo Renzi du Parti démocrate, deux ans avant l’arrivée au pouvoir de l’alliance entre la Ligue et le parti 5 étoiles.

L’enquête qui a mené au procès actuel doit donc déterminer si la capitaine Pia Klemp aurait « collaboré » avec des passeurs libyens afin de sauver les migrants perdus en mer grâce à son bateau : cette « complicité », si elle était démontrée par la justice italienne, transformerait le statut de l’ex-capitaine du Sea Watch « d’humanitaire sauveteuse de milliers de personnes en mer » à « complice d’immigration illégale ». L’avocat italien de Pia Klemp a prévenu sa cliente qu’elle risquait 20 ans de prison. Les soutiens à Pia Klemp fleurissent sur les réseaux, à l’instar de ce tweet : 

Criminalisation italienne des sauvetages en mer ?

Le Sea Watch-3 — que Pia Klemp ne peut plus commander par crainte d’une arrestation préventive — a été immobilisé en Italie  le 20 mai dernier pour avoir secouru des migrants au large de la Libye.

Il a pu néanmoins repartir une nouvelle fois en mer, sur ordre de la justice italienne ce 1er juin 2019. L’ONG allemande qui possède le navire a tweeté sa satisfaction à propos de cette décision, plus qu’inattendue dans le contexte actuel : 

« Le Sea-Watch 3 est libre ! Nous avons reçu une notification formelle sur la libération du navire saisi et son retour aux opérations.« 

Ce nouveau « blocage » puis « déblocage » judiciaire du Sea Watch-3 est la continuation d’une politique italienne tendant à criminaliser les sauvetages de migrants par les ONG au large de la Libye, en les accusant de complicité avec les passeurs et dont Pia Klemp fait les frais aujourd’hui.

Cette dernière opération du Sea Watch-3 a permis de sauver 67 migrants en détresse, ramenés par le navire sur l’île de Lampedusa, contournant ainsi la politique de Matteo Salvini de « fermeture des ports ». Le ministre de l’Intérieur italien n’a d’ailleurs pas mâché ses mots sur cette opération au moment du débarquement des migrants, après avoir demandé la saisie du navire et l’arrestation du capitaine :  

Salvini : « Un navire a été saisi, alors j’avais peut-être raison. Ils ont aidé des trafiquants d’êtres humains et j’espère que le capitaine de ce navire sera arrêté.« 

Les propos de Matteo Salvini souhaitant l’arrestation du capitaine du Sea Watch-3, font écho à ceux sur la complicité des ONG avec les passeurs « dans certains cas » de Christophe Castaner qui avaient fait polémique en France, et dont il s’était expliqué sur Twitter :  

Dix jours avant le blocage du Sea Watch-3, Matteo Salvini avait quant à lui présenté un nouveau projet de loi anti-immigration . Parmi les mesures de cette loi, la possibilité de sanctionner financièrement les navires qui portent assistance aux migrants par une amende de 3 500 à 5 500 euros avait été mise en avant.

Que dit le droit en matière de secours en mer ?

Le droit maritime international est très précis : La Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer prévoit qu’un capitaine de navire qui reçoit un message de détresse doit porter secours aux personnes concernées. « Par personne en détresse, on entend toute personne qui risque la noyade et nécessite en urgence un sauvetage en mer », explique Patrick Chaumette, professeur de droit à l’Université de Nantes.

Europe : renvoyer les migrant(e)s au viol et à la torture en Libye

La bataille judiciaire à l’encontre de Pia Klemp est parallèle au changement de politique européenne face au drame des traversées clandestines de Libye vers l’Italie, faites d’embarcations pleines à craquer de femmes, d’enfants et d’hommes en détresse. Désormais le Conseil de l’Europe prône une collaboration avec les autorités libyennes. L’Union européenne a annoncé il y a trois mois qu’elle mènerait désormais l’opération navale « Sophia » (EUNAVFOR Med, lancée en 2015)… sans navires et qu’elle « n’observerait la mer que depuis les airs ». L’Allemagne a d’ailleurs stoppé la mise à disposition de navires pour cette opération.

L’objectif affiché de l’UE en 2019 est de « démanteler le modèle économique des passeurs et des trafiquants d’êtres humains dans la partie sud de la Méditerranée centrale. L’opération remplit également des tâches de soutien. Elle forme la marine et les garde-côtes libyens et contrôle l’efficacité de la formation sur le long terme; elle contribue à la mise en œuvre, en haute mer, au large des côtes libyennes, de l’embargo des Nations unies sur les armes. » 

Aujourd’hui, les gardes-côtes libyens patrouillent donc en Méditerranée et ramènent les bateaux de migrants en Libye, soutenus dans cette action par l’opération « Sophia », ce que dénonce Pia Klemp, qui n’accepte pas que les droits de l’Homme soient devenus des droits « à sens unique ». « Les droits de l’Homme ne sont pas seulement pour notre bénéfice personnel. C’est une obligation. Si les droits de l’Homme ne s’appliquent pas à tous, ils ne s’appliquent à personne.« 

Il est en effet avéré que s’il y a moins de traversées depuis la mise en place de cette nouvelle politique de retour en Libye, les agressions brutales, la torture et les violences sexuelles contre les migrants ont augmenté dans une proportion dramatique dans ce pays, comme le souligne une étude publiée par une ONG basée à New York, la Women’s Refugee Commission (WRC, Commission des femmes réfugiées).

L’étude a révélé que les violences sexuelles perpétrées contre des migrants et des réfugiés le long de la route méditerranéenne incluent la torture sexuelle, la violence génitale et la castration, et contraignent des hommes et des garçons à violer autrui – y compris des membres de la famille et des cadavres – ainsi que des violences sexuelles meurtrières.

Humanitaires contre politique migratoire

Pia Klemp a témoigné il y a peu à une réunion d’ONG au Parlement européen. L’humanitaire a alors raconté une expérience en mer où elle a dû naviguer pendant des jours dans les eaux internationales avec un petit garçon de deux ans, mort et « entreposé » dans la chambre froide du navire, parce qu’aucun pays européen n’avait accepté de laisser entrer son bateau.
La mère du garçon était aussi à bord, vivante. Pia Klemp a alors posé cette question à la fin de son témoignage : « Que dois-je dire à une femme traumatisée dont l’enfant mort gît dans mon réfrigérateur, au sujet de l’UE, lauréate du prix Nobel de la paix ? ». Cette question pourrait être reposée par l’humanitaire, lors de son procès en Italie.

Les accusations de « trafic humain » à l’encontre des ONG en Méditerranée ont débuté avant même la judiciarisation du cas de Pia Klemp, par la voix d’un autre magistrat, le procureur italien Carmelo Zuccaro. Celui-ci avait en effet lancé le premier dans le quotidien La Stampa début 2017 des interrogations sur une « concentration anormale de navires en Méditerranée » et soupçonné certaines ONG de nouer des contacts avec des « trafiquants d’êtres humains », après avoir ouvert une enquête sur les activités des ONG en mer « pour comprendre comment elles se financent et dans quel but. »

Le procureur Ambrogio Cartosi,  à l’époque de la saisie du Iuventa, avait quant à lui expliqué que des membres d’équipage du Iuventa étaient soupçonnés d’avoir « pris à bord à plusieurs reprises des migrants sur des canots pneumatiques amenés directement par des trafiquants« , et que « dans un cas, les passeurs étaient même arrivés à la rencontre du Iuventa avec une vedette des gardes-côtes libyens« . Mais il avait confessé ensuite que cette pratique, bien que « fréquente », l’était pour « des motifs purement humanitaires ».  L’ONG avait malgré tout nié ces accusations

Une pétition pour soutenir Pia Klemp a été ouverte en ligne il y a une semaine, des récoltes de fonds sont en cours pour l’aider à payer des frais de justice pour son procès, qui pourrait durer des années et coûter des centaines de milliers d’euros.
Des accusations aux preuves, le pas n’est pas encore franchi, mais si Pia Klemp est condamnée, une question importante se pose : quelle image donnerait alors l’Europe au reste du monde dans le cadre de sa politique de défense des droits de l’Homme ? 

Publication vidéo de Pia Klemp pour la promotion de l’ONG Iuventa le 24 mai 2019 :

https://www.facebook.com/iuventa10/videos/597284144079176/

Source https://information.tv5monde.com/info/sauvetages-de-migrants-en-mediterranee-la-capitaine-pia-klemp-risque-20-ans-de-prison-en-italie

Editeurs avec les sans-papiers de Chronopost

Nous, éditeurs et éditrices, sommes des usagers réguliers de la Poste, et notamment de Chronopost. Nous envoyons de nombreux livres par la voie postale. Depuis plusieurs années, nous avons constaté et subi la dégradation de la qualité de ce service public. Cette régression s’est notamment manifestée, et nous en sommes témoins, par la détérioration des conditions de travail des employé.es de tous les services de la Poste, ce qui a aussi pour conséquence de nuire à la qualité des services rendus.

Aujourd’hui, nous voyons que la Poste sous-traite une partie de ses activités à des entreprises qui « emploient » des sans-papiers, exploité.es et méprisé.es ; c’est une pratique courante, et l’État actionnaire principal de la Poste – couvre cette forme de travail indigne.

Nous nous rangeons résolument aux côtés des travailleurs et travailleuses sans papiers qui se battent pour leur régularisation. Ces travailleurs et travailleuses qui, tous les jours, transportent nos livres ont le droit à notre respect et à notre solidarité.

Nous exigeons que la Poste réinternalise toute la sous-traitance en son sein et qu’elle remplisse les documents de régularisation des travailleurs et travailleuses sans papiers.

Paris, le 31 mai 2019

Éditions Acratie

Éditions Alternative libertaire

Éditions Arcane 17

Éditions Atelier de création libertaire

Éditions Chant d’orties

Éditions de l’Asymétrie

Éditions Divergences

Éditions du Coquelicot

Éditions du Croquant

Éditions du Monde libertaire

Éditions du Sextant

Éditions Entremonde

Éditions La Brèche

Éditions La Découverte

Éditions La fabrique

Éditions Les Nuits rouges

Éditions Nada

Éditions Noir et Rouge

Éditions Recherches 36

Éditions Sociales

Éditions Syllepse

Éditions Syndicalistes

Source https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/06/01/editeurs-avec-les-sans-papiers-de-chronopost/

Message de SOS Méditerranée

3 QUESTIONS À Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS MEDITERRANEE

Frédéric Penard revient sur la situation plus qu’alarmante en Méditerranée centrale aujourd’hui et sur l’urgence de trouver un navire au plus vite. Pour autant, chercher et trouver un navire adapté aux activités de recherche et de sauvetage de SOS MEDITERRANEE prend du temps. Le cahier des charges est conséquent. Pour y parvenir, il rappelle que le soutien de tous les citoyens mobilisés contre cette tragédie est indispensable.

Soutenir SOS Méditerranée  http://www.sosmediterranee.fr/

Non à la guerre aux migrants

Dans le cadre des élections européennes, Migreurop a réalisé deux courtes vidéos (en anglais, sous-titré en français/italien) sur les politiques européennes de non-accueil. Ces vidéos visent à mettre en lumière les obstacles érigés par l’Union européenne sur le parcours des migrant·e·s (une femme et un homme).

Ces deux vidéos sont sur notre site internet : http://www.migreurop.org/article2919.html et sur nos réseaux sociaux : Facebook (https://www.facebook.com/Migreurop/?ref=bookmarks) et Twitter (https://twitter.com/Migreurop?lang=fr).

L’équipe de Migreurop

Réfugiés en Grèce

Pour les réfugiés arrivés en Grèce en 2015, l’étape de l’intégration est encore loin

Par

Depuis la fin de l’hiver, plusieurs décisions des autorités grecques mettent en péril les conditions d’hébergement déjà précaires des réfugiés et demandeurs d’asile dans la capitale. Maintenus dans une urgence de survie matérielle, ces exilés arrivés en 2015 rêvent de stabilité dans un pays où l’accès au travail reste pour eux quasi impossible.

 

Quand il est arrivé sur l’île de Lesbos en mars 2016 – deux jours avant la signature de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, qui a brusquement freiné les entrées sur le territoire grec –, Safi ne pensait pas que trois ans plus tard, il serait toujours en Grèce. Son objectif, avec ses parents, était de rejoindre l’Allemagne et de démarrer là-bas sa nouvelle vie, loin de sa Syrie natale, enfoncée dans une guerre qui a fait plus de 370 000 morts et 13 millions de déplacés à ce jour.

Mais avec la fermeture de la « route des Balkans » et la mise en place de contrôles plus stricts en Grèce pour enregistrer les demandeurs d’asile, ce jeune homme originaire d’Alep s’est petit à petit résolu à s’installer dans la péninsule hellénique. Parfaitement anglophone, il décide d’y reprendre des études, et de tout faire pour trouver un travail. En 2017, il obtient le statut de réfugié, reçoit dans le courant de la même année une bourse du Collège américain de Grèce qui lui permet de suivre un cursus d’informatique jusqu’à mi-2018, et bénéficie d’un programme d’hébergement dans Athènes. Ce n’est pas le grand luxe, il est obligé de partager sa chambre avec deux compatriotes, mais c’est déjà un premier pas vers l’intégration.Depuis l’année dernière toutefois, les mauvais signaux s’accumulent. Sa bourse n’a pas été prolongée (« une conséquence directe de la politique de Trump », dit-il). Les petits boulots qu’il a trouvés comme traducteur auprès d’avocats ou d’associations se sont taris. Et pour finir, la nouvelle est arrivée par courrier, ce mois de mars : début juin, il devra quitter son logement. Deux mois, seulement, pour se retourner.

Au camp de réfugiés d'Elaionas, dans la banlieue ouest d'Athènes. © Amélie Poinssot

Au camp de réfugiés d’Elaionas, dans la banlieue ouest d’Athènes. © Amélie Poinssot

Comme Safi, ils sont 900 aujourd’hui à ne plus avoir droit, théoriquement, à être logés. Le programme du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), financé par l’UE et dont la gestion a été confiée à plusieurs ONG grecques, s’était engagé, à l’origine, à loger pendant six mois les demandeurs d’asile. Par la suite, en l’absence d’autre solution pour ces personnes sans ressources, l’hébergement de ces personnes avait été reconduit après l’obtention de leur statut de réfugié.

Mais sur les îles grecques proches de la Turquie, où les arrivées n’ont jamais complètement cessé depuis 2016, les centres d’accueil sont aujourd’hui remplis bien au-delà de leurs capacités. À Lesbos (6 885 exilés actuellement pour 3 100 places au 25 avril, selon les chiffres du ministère grec de l’intérieur) et à Samos (3 322 exilés pour 648 places), la situation est devenue particulièrement critique – nous l’écrivions au sujet de Lesbos en janvier dans Mediapart –, à tel point que les autorités grecques ont décidé cet hiver de faire venir une partie de ces demandeurs d’asile sur le continent. L’urgence est donc à les loger dans la capitale, que ce soit en appartement ou dans les centres d’accueil, déjà tous pleins. Et aucune autre solution n’a été envisagée pour leur faire de la place que d’expulser les personnes actuellement hébergées qui ont le statut de réfugié depuis 2017.

Face à ce changement de doctrine, seules les personnes vulnérables (victimes de violence, souffrant de problèmes de santé, personnes âgées, femmes enceintes) et familles avec enfants scolarisés pourront bénéficier d’une modeste prolongation de leur bail, de trois mois.

Pour les autres, retrouver un appartement au prix du marché relève de la mission impossible. Les locations de courte durée Airbnb qui ont explosé ces deux dernières années à Athènes ont complètement remodelé le marché du logement. Les Grecs des classes moyennes eux-mêmes ont toutes les peines du monde à se loger dans le centre de la capitale… Pour un exilé sans travail qui ne parle pas le grec, les difficultés sont décuplées.

« Cette décision de ne pas prolonger les hébergements actuels, même si elle est légitime d’un point de vue gouvernemental, risque de mettre tous ces réfugiés à la rue et de les jeter dans les bras du trafic d’êtres humains et des marchands de sommeil », dénonce Iro Dioti, de l’ONG grecque ARSIS, qui gère 92 logements à Athènes, et a vu passer, depuis 2016, 1 400 réfugiés dans ce programme d’hébergement.

« Deux mois pour trouver un nouveau logement à Athènes, c’est impossible vu le contexte du marché immobilier actuel. Mais au-delà de ce problème, il n’y a aucune stratégie sur le long terme : on est toujours dans une gestion d’accueil d’urgence, pas dans une politique d’intégration. Or ces exilés sont des gens qui ont des talents, un savoir, ils travaillaient dans leur pays… Il faut mettre en place des programmes pour les intégrer au monde du travail grec et les mélanger à la population locale. Le risque, sinon, c’est que l’on crée des formes de ghetto. »

Dans un squat du quartier athénien d'Exarcheia, occupé par des réfugiés. © Amélie Poinssot
Dans un squat du quartier athénien d’Exarcheia, occupé par des réfugiés. © Amélie Poinssot

Récemment, les autorités grecques ont en outre durci leur attitude vis-à-vis des squats d’Exarcheia, quartier de toutes les luttes à Athènes, où de nombreux réfugiés étaient hébergés avec le soutien de différents groupes anarchistes et autonomes. Coup sur coup, trois espaces autogérés ont été fermés pendant la première quinzaine d’avril. Des motifs de trafic de drogues et de violences ont été invoqués. Les activistes impliqués dans ces squats y voient plutôt des motivations politiques à la veille des élections européennes et locales, pour lesquelles le gouvernement Tsipras veut s’attirer l’électorat du centre, moins sensible à la cause des réfugiés et à la tolérance accordée jusque-là aux collectifs autogestionnaires.

Mais au squat « Clandestina », installé dans d’anciens bureaux juste derrière l’université Polytechnique, les locaux était très bien tenus, assure Nafissa, photos à l’appui dans son smartphone. « On s’y sentait bien, on avait organisé une gestion tournante des tâches ménagères… », raconte-t-elle.Nafissa est très en colère. Quand nous la rencontrons, cette jeune femme afghane partage, avec son compagnon et ses deux tout jeunes enfants, un conteneur avec une quarantaine de personnes – toutes expulsées du squat – dans le camp officiel d’Eleonas, dans la banlieue ouest d’Athènes. Elle dit avoir été expulsée avec brutalité par les forces de l’ordre, lesquelles étaient plus nombreuses que les réfugiés eux-mêmes. Elle a été obligée, comme ses compatriotes, de laisser toutes ses affaires personnelles sur place. « C’est ça l’Europe ? », lance-t-elle.Nafissa a dû quitter Herat, sa ville d’origine (ouest de l’Afghanistan), pour échapper à un mariage forcé. Elle est partie seule, sur une route semée d’embûches. Elle a coupé tout contact avec sa famille. Elle avait réussi en 2015 à atteindre la Serbie, d’où elle a été renvoyée en Grèce, après un an et demi d’incarcération. « Savez-vous combien d’hommes ont porté atteinte à mon corps jusqu’à ce que j’arrive ici ? »

Nafissa n’a pas encore obtenu le statut de réfugiée. Elle a fait une demande d’asile et sera entendue par les autorités grecques le mois prochain. À ses côtés, Alex, un jeune Iranien, est tout aussi remonté. Cela faisait un an qu’il vivait à « Clandestina ». « La police nous a expulsés à 5 heures du matin, ce n’est pas correct de nous traiter de cette manière. » Lui dort actuellement sous une tente, juste à côté du conteneur.

Première étape dans un parcours d’intégration, l’accès à un logement digne est pourtant primordial pour ces réfugiés arrivés en Grèce en 2015-2016. La fermeture de la route des Balkans et l’échec du programme de répartition décidé en 2015 par la Commission européenne – qui n’avait relocalisé fin 2018 dans les autres États membres que 21 999 réfugiés en provenance de Grèce – font que ces réfugiés se sont retrouvés coincés dans la péninsule hellénique en pleine crise économique. Quatre ans plus tard, le taux de chômage s’y élève encore à 18 % de la population active.

« Pour recommencer sa vie, on a besoin de stabilité, reprend Safi. C’est pour cela que, malgré la situation économique du pays, j’ai fait le choix de rester en Grèce, et de ne pas prendre le risque d’un nouveau voyage plein de dangers pour déposer une demande d’asile ailleurs en Europe. Et puis il y a une autre raison : ce pays m’a plu, j’ai eu envie d’y rester. Mais comment vais-je faire, aujourd’hui que je n’ai plus de boulot, pour me payer un nouveau logement ? Je ne veux pas me faire exploiter en travaillant au noir. »

Au-delà des camps, 26 000 hébergements sont actuellement gérés par le UNHCR en Grèce. Appartements partagés, chambres d’hôtels : dans toute la Grèce, d’Athènes à Larissa en passant par Tripoli, plusieurs centaines de personnes venues chercher une protection en Europe risquent, demain, de se retrouver à la rue.

Open Arms : autorisation de sortie mais pas de sauvetage maritime

Open Arms : le gouvernement espagnol autorise la sortie mais pas le sauvetage maritime

Notre navire, l’Open Arms, pourra quitter le port de Barcelone pour acheminer l’aide humanitaire aux îles grecques de Lesbos et Samos, mais ne pourra pas atteindre la région de Sar Libye pour poursuivre ses missions de surveillance et de sauvetage, sous peine d’une amende de 300 à 900.000 euros.

Après avoir été bloqué pendant 100 jours dans le port de Barcelone, sans raison légale apparente, le gouvernement espagnol a donné son autorisation à l’Open Arms pour naviguer ce matin.

Le départ, prévu pour le week-end, visera à livrer des couvertures, de la nourriture et du matériel humanitaire de divers types (environ 20 tonnes) aux îles grecques de Lesbos et Samos, où la situation dans les camps de réfugiés est de plus en plus dramatique et où les conditions inhumaines dans lesquelles les personnes acceptées sont contraintes de vivre exigent des interventions urgentes.

Bien que nous considérions cette mission comme urgente et indispensable, nous réitérons notre désarroi lorsque nous voyons que notre départ est soumis à l’obligation de ne pas effectuer d’étapes intermédiaires, sous peine d’une amende allant de 300 à 900.000 euros.

Ainsi, le gouvernement espagnol nous refuse la possibilité de sauver les centaines de personnes qui, aujourd’hui plus que jamais, fuient la violence et la guerre en Libye.

Nous ne pensons pas qu’il soit acceptable que nous soyons contraints de négocier sur la vie des femmes, des hommes et des enfants, c’est pourquoi nous appelons à nouveau tous les gouvernements européens à trouver dès que possible des solutions structurées qui permettront aux navires des organisations non gouvernementales de retourner au travail, coordonnées et assistées par les institutions démocratiques que ces pays représentent.

Pour notre part, nous continuerons à faire ce que nous avons toujours fait, à savoir respecter les conventions internationales et le droit de la mer.

Qui composent Open Arms

POA, est une organisation non gouvernementale qui lutte pour les droits humains en mer. Elle a commencé ses missions de sauvetage en septembre 2015 à Lesbos (Grèce), où elle a sauvé un millier de personnes en mer Égée. A l’hiver 2016, elle a étendu ses missions en Méditerranée centrale, où elle a sauvé en 4 mois 15.000 vies à bord du voilier Astral. Depuis le début de ses missions en Méditerranée centrale, elle a sauvé 26.500 personnes, dont 5.000 à bord du navire Open Arms. Tout cela grâce aux dons de la société civile.

Source Proactiva Open Arms  Cet article est aussi disponible en: Espagnol, Italien

Grèce: bateau de migrants refoulé en Turquie

Un bateau transportant 35 voyageurs migrants en détresse dans les eaux grecques a été refoulé en Turquie

Aux premières heures du 11 avril,  Alarm Phone a été contacté par un bateau avec 35 personnes à son bord qui avaient fui la Syrie, l’Irak, la Palestine et la Somalie et se trouvaient en détresse en mer. Le groupe comprenait dix enfants, y compris des nourrissons, et cinq femmes, ainsi que des personnes gravement blessées par la guerre. Notre équipe a rapidement alerté les garde-côtes grecs de la situation, à 4 h 57, heure locale, alors que le bateau se trouvait clairement dans les eaux territoriales grecques (près de l’île Agathonisi). Bien que nous ayons par la suite reçu plusieurs autres coordonnées GPS des passagers, que nous avons transmises aux garde-côtes grecs, les autorités grecques nous ont informés que le bateau avait été «retrouvé» dans les eaux turques.

Toutefois, selon les positions GPS et les témoignages directs des migrants, leur bateau était entré dans les eaux territoriales grecques.

Les garde-côtes grecs ont été les premiers présents sur le site du bateau en détresse et ont donc été obligés d’intervenir et de mener une opération de sauvetage. Cependant, comme l’ont indiqué les migrants à bord, les autorités grecques les ont dupés en leur demandant de suivre le navire des garde-côtes grecs « vers la Grèce », alors qu’il se dirigeait effectivement vers la Turquie. Quand ils ont compris ce qui se passait, ils ont cherché à faire demi-tour et à se diriger à nouveau vers la Grèce. À ce moment-là, ils avaient atteint les eaux turques et les garde-côtes grecs les ont empêchés de s’échapper tout en laissant le soin aux gardes-côtes turcs d’approcher pour mener une opération de «sauvetage». Les demandes d’aide et de sauvetage des réfugiés n’ont pas été entendues par les garde-côtes grecs.

Lorsque notre équipe  Alarm Phone s’est renseignée sur ces mesures, les garde-côtes grecs ont tenté de nous convaincre par un coup de téléphone qu’ils avaient en fait trouvé le bateau migrant à l’endroit où il avait été récupéré. Ils nous ont demandé de clore l’affaire car une opération de sauvetage avait été menée avec succès par les garde-côtes turcs. Nous n’avons pas tenu compte de leur demande, car nous ne réglons généralement les cas de détresse qu’après confirmation définitive par les  migrants eux-mêmes. Dans leur témoignage, les migrants ont confirmé ce que la position GPS transmise avait déjà indiqué: les garde-côtes grecs avaient refusé une opération de sauvetage et renvoyé le bateau dans un lieu situé dans les eaux turques. Après cette tentative contrariée de fuir la Turquie, où ils craignent un refoulement dans leur pays d’origine et la guerre, ils tenteront probablement encore une fois d’atteindre la Grèce par la mer, ce qui signifie que, pour assurer leur sécurité, ils devront risquer  leur vie encore une fois. En 2019, déjà 14 personnes sont mortes aux frontières turco-grecques lors d’une telle tentative.
….

The Alarm Phone dénonce avec force ces mesures illégitimes prises par les garde-côtes grecs qui ont trompé des personnes en détresse extrême en mer pour les ramener dans un endroit où elles ne pouvaient pas trouver de protection.

https://alarmphone.org/en/2019/04/15/refoulment-alarm-phone-migrants-distress-greece-turkey/

 

SOS Méditerranée : Exigeons le respect du droit en mer Méditerranée !

Edito

Chers amis,

Il est insupportable à l’heure où des hommes, des femmes et des enfants en détresse continuent de mourir noyés en Méditerranée de retirer des bateaux susceptibles de venir les secourir. C’est pourtant ce qui vient d’être décidé par l’Union Européenne avec l’interruption de la partie navale de l’opération Sophia.

Il est intolérable d’entendre un représentant de l’Etat déclarer publiquement que « les ONG se font complices des passeurs.» Formuler des accusations infondées sur les ONG de sauvetage en mer sans apporter aucune preuve ni précision est une nouvelle tentative pour jeter le discrédit sur les acteurs du sauvetage en Méditerranée. Ce sont pourtant les propos tenus par Mr Castaner, ministre français de l’intérieur lors d’une réunion du G7 le vendredi 5 avril dernier.

A l’approche des élections européennes, il est plus que temps d’exiger de nos dirigeants qu’ils prennent leurs responsabilités. La période électorale qui s’ouvre est propice pour porter nos demandes. Nous attendons de nos Etats européens qu’ils mettent tout en œuvre pour sauver des vies en mer et que les rescapés soient débarqués dans des lieux sûrs, qu’ils cessent les campagnes diffamatoires contre les ONG de sauvetage et qu’ils s’accordent sur un système de débarquement efficace, cohérent et transparent des survivants vers un lieu sûr.

Nous, citoyens européens, exigeons le respect du droit en mer Méditerranée !
#RespectLawOfTheSea

http://www.sosmediterranee.fr/


Pour mémoire la lettre à M Castaner https://www.grece-austerite.ovh/sos-mediterranee-lettre-a-m-castaner/

 

Quand cette horreur finira

 

Transmis par Yannis Youlountas

Un texte anonyme qui tourne en ce moment.

 

QUAND CETTE HORREUR FINIRA

Quand cette horreur finira (parce qu’elle finira), on fera des musées et, dans les vitrines, il y aura des chaussures, des lettres, des petites photos, des cartes, des mèches de cheveux, des tas de vêtements déchirés.

Et il y aura des classes d’école qui se demanderont comment cela a été possible.

Et il y aura des survivants qui réécriront « si c’est un homme » en pensant à Primo Lévi.

Et il y aura des intellectuels, des bien-pensants, des quidams de tous bords qui scanderont « plus jamais ça ! »

Il y aura des émissions de télé où on interviewera nos contemporains.

Et il y aura ceux qui diront qu’ils ont obéi aux ordres.

Et il y aura ceux qui expliqueront qu’ils ont eu le courage de désobéir.

Et il y en a même qui, toute honte bue, diront « on ne savait pas. »

Et il y aura des petits-enfants qui demanderont à leurs grands-parents de quel côté ils étaient.

Et il y aura des grands-parents, quelques-uns, qui répondront sincèrement « J’étais du côté de l’humanité. »

Et il y en aura d’autres qui baisseront les yeux et ne répondront pas.

(auteur.e inconnu.e)

Source http://blogyy.net/2019/04/13/quand-cette-horreur-finira/

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