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Grèce Résistance à la frénésie pétrolière

En Grèce, face à la frénésie pétrolière, la résistance s’organise

6 juillet 2019 / Andrea Fuori et Raphaël Goument (Reporterre)

Depuis 2014, 72 % des eaux et 13 % des terres de la Grèce sont destinées à la recherche et l’exploitation des hydrocarbures, bien souvent à l’insu des populations locales. Mais, avec l’aide d’associations environnementales, la résistance s’organise, notamment dans l’Épire.

  • Région de Ioannina (Grèce), reportage

« C’est impossible que ça arrive pour de vrai. Non, je ne peux pas imaginer qu’il n’y ait plus d’arbres ici. Si les travaux se font vraiment, s’ils commencent à sortir du pétrole de la terre, nous les bloquerons. Nous n’avons pas le choix. » Costas, prof de maths à la retraite, nous dit ça tout en déchargeant d’énormes sacs d’engrais et de terre de sa voiture. Et, comme chaque jour, pose la même question à sa fille, qui gère le commerce : « Et les ouvriers de la prospection, on a eu des nouvelles aujourd’hui ? » Son visage est doux, son front cuivré luit sous le soleil. « Non rien. Je crois qu’ils ont été aperçus ce matin vers Zagori [un village voisin d’une trentaine de kilomètres], mais le maire est venu protester en personne, les ouvriers ont tout replié et sont partis. »

Costas, prof de maths à la retraite : « Tout le monde a peur de ce changement, pas juste nous, les retraités. »

Difficile d’imaginer que leur village, Zitsa, petit bourg d’environ quatre-cents habitants perdu dans un massif montagneux de l’Épire, soit au cœur des appétits de grands groupes pétroliers. Et pourtant, le sous-sol de cette région du nord-ouest de la Grèce, la plus pauvre du pays, pourrait regorger d’hydrocarbures (pétrole, gaz et gaz de schiste). Tout comme un gros tiers du pays, à la fois dans les terres et en milieu marin. « Le gouvernement a ouvert tout l’ouest du pays aux compagnies pétrolières, il y en a pour des années, nous en sommes encore aux toutes premières phases », se désole Takis Grigoriou, chargé de mission chez Greenpeace Grèce. L’ONG, après un engagement historique contre l’extraction du lignite, a décidé de placer le pétrole au cœur de ses activités fin 2017. « C’est devenu clair qu’il fallait s’en soucier, que ça devenait un enjeu majeur. »

Vingt « blocs » ont été délimités comme on coupe un gâteau, le long de la côte occidentale, des Balkans à la Crète

L’hypothèse de présence d’hydrocarbures dans les sous-sols de l’Épire n’est pas nouvelle. L’armée italienne fut la première à y mener des recherches durant la Seconde Guerre mondiale, avant qu’Athènes ne reprenne le flambeau dans les années 1960, puis 1980. Mais le paysage, difficile et escarpé, avait rendu les prospections infructueuses. Les récentes innovations technologiques, notamment le traitement des données sismiques, ont rebattu les cartes. La seule concession de Ioannina, qui couvre une partie de l’Épire, promet ainsi aujourd’hui de produire entre 3.000 et 10.000 barils par jour.

 

Zitsa, bourg de 400 habitants, en Épire, dans le nord-ouest de la Grèce.

À en croire les déclarations en 2014 d’Antonis Samaras, alors Premier ministre (droite) : en 30 ans, pas moins de 150 milliards d’euros d’entrées fiscales pourraient bénéficier à la Grèce. Une manne pour un État qui peine toujours, neuf ans plus tard, à sortir son économie du marasme dans lequel l’a plongée la crise de la dette publique, qui lui a fait perdre près du tiers de son produit intérieur brut (PIB).La suite est connue : 20 « blocs » ont été délimités comme on coupe un gâteau, le long de la côte occidentale, des Balkans à la Crète. Les sites en mer couvrent au total 58.000 km2, soit 72 % des eaux grecques. À terre, 17.000 km2 sont concernés, soit 13 % du territoire. Tous les blocs ont été attribués ou sont en cours d’attribution sous la forme de concessions de 25 ans. Au rendez-vous, deux compagnies nationales : Hellenic Petroleum et Energean. Mais aussi des grandes compagnies occidentales : Total, ExxonMobil, Repsol ou encore Edison, une filiale d’EDF.

Carte des « blocs » attribués et en voie d’attribution.

Pour l’instant, au cœur des massifs épirotes, ni forage ni puits de pétrole, seulement la chaleur et les nuées de papillons. Pour apercevoir les travaux préparatoires, une seule solution : suivre les pistes. Costas, le vieux prof de maths, ne se fait pas prier. Petrus, son vieux copain, un ancien boulanger à Athènes, insiste pour nous accompagner. Il faut s’éloigner du village, quitter la route et ralentir l’allure sur les chemins rocailleux, s’enfoncer à pied dans le maquis escarpé, traverser les forêts de noyers et de châtaigniers. « Peu de gens viennent jusqu’ici. » La zone est reculée, à peine parcourue par les chasseurs, qui y traquent lièvres et sangliers. Difficile de comprendre comment les ouvriers peuvent l’atteindre.

Petrus, l’ami de Costas. Boulanger à la retraite, il est lui aussi revenu couler ses vieux jours dans les montagnes de l’Épire.

Soudain, le vrombissement d’un hélicoptère se répand dans le ciel. À basse altitude, il hélitreuille des caisses volumineuses. « C’est comme ça qu’ils transportent leur matériel et tous leurs outils, certaines zones ne sont même pas accessibles par la route », précise Costas, visage tourné vers les cimes. Lorsqu’on lui demande comment il peut être sûr qu’il s’agit bien d’ouvriers de la compagnie pétrolière, il rit jaune. « Pourquoi y aurait-il un hélicoptère ici autrement ? » Son copain rigole à son tour.

Un des hélicoptères utilisés pour déplacer outils et matériel dans le maquis de Zitsa, une zone escarpée et difficile d’accès.

Après un bon moment à crapahuter, le vieux professeur s’immobilise. Il pointe du doigt un petit ruban jaune qui flotte au vent, noué à la branche d’un arbuste. « C’est comme ça qu’ils balisent leurs chemins jusqu’aux zones où ils font leurs explosions. » Effectivement, tous les 20 mètres, un ruban conduit à un autre. À la fin du jeu de piste, des trouées artificielles autour desquelles la végétation a été arrachée. Au milieu, des sacs de sable couvrent les orifices qui ont servi à introduire des explosifs dans le sol. Depuis un an, des milliers de ces trouées clairsèment la région.

Des sacs de sables ont été déposés à l’endroit ou les explosifs ont été utilisés.

« D’ici un an, ils auront fini les tests sismiques, ensuite ce sera le moment des premiers forages » 

Les habitants des dizaines de hameaux dispersés dans le massif de l’Épire semblent parfois à peine au courant du destin qui a été négocié pour eux, à des centaines de kilomètres de là, à Athènes. C’est le cas de Stavros, originaire de Kalahori, patelin d’une quarantaine d’âmes. « J’ai découvert ce projet seulement fin 2016, en tombant sur un reportage sur Alpha [une télévision privée] qui vantait les aspects positifs de l’exploitation pétrolière de Prinos [l’ancienne et unique exploitation grecque, dans l’est du pays, exploitée depuis le début des années 1970]. La seconde partie du reportage, c’était mon village ! Tu imagines ? Il montrait les traces de pétrole qui remontent à la surface, près de la rivière. » Personne alors, dans les communautés locales, ne se soucie réellement du problème. C’est seulement l’année suivante, avec l’arrivée des premiers ouvriers et le lancement des recherches à l’automne 2017, que les locaux prennent conscience de la situation, sans n’avoir jamais vu l’esquisse d’une consultation publique.

Les massifs montagneux proches de Zitsa.

La région abrite pourtant un des blocs à l’agenda le plus avancé. Le Parlement grec a ratifié le lancement des opérations dans la zone en octobre 2014. 4.187 km2 sont concernés, faisant craindre un désastre écologique d’ampleur. Pas moins de 20 espaces naturels protégés pourraient être touchés, rien que pour ce bloc. Deux autres sites, cette fois dans le Péloponnèse, inquiètent aussi les ONG : Katocolo (cinq millions de barils espérés) et le golfe de Patras (200 millions de barils espérés). « L’extraction pétrolière est un danger imminent. D’ici un an, ils auront fini les tests sismiques, ensuite ce sera le moment des premiers forages », dit Takis, de Greenpeace.

Vassiliki, 65 ans, née à Zitsa, où elle ouvert une boulangerie en 1992. Avec l’exploitation pétrolière, « il y aura du travail seulement pour quelques-uns et pour quelques temps, ça ne changera rien au problème du chômage dans notre village ».

Aucun des partis politiques représentés à la Vouli (le Parlement grec) ne semble désireux de remettre en question cette frénésie pétrolière. Ni même la formation de gauche radicale Syriza, au pouvoir depuis 2015, qui s’était pourtant fait élire avec un programme ne laissant guère de place à l’extractivisme. « C’est une trahison inacceptable, ils étaient contre. Une trahison qui aura des conséquences désastreuses sur l’économie locale et l’environnement ! » dit Dimitris Ibrahim, engagé avec WWF. Et d’ajouter : « Les seuls qui nous soutiennent, c’est le MeRA25 et Varoufakis [le Front réaliste européen de la désobéissance, formation fondée en 2018 par l’ancien ministre des Finances du premier gouvernement Tsipras]. » Après avoir approché les 3 % aux élections européennes, la jeune formation pourrait espérer faire son entrée à la Vouli lors des élections anticipées le 7 juillet prochain.

« Il y a toujours eu ici un sens très fort de la communauté, de l’attachement à la terre » 

Au cœur des maquis, les communautés épirotes se sont faites à l’idée qu’il fallait s’organiser sans rien attendre de personne. En 2017, Lila, une habitante de la région lance le premier groupe Facebook dédié au sujet. Deux ans plus tard, Save Epirus compte plus de 16.000 membres des quatre coins du pays. « Il n’y avait aucune information pour les habitants. On a créé ce groupe pour informer et aussi pour s’organiser. C’est compliqué de se croiser ici, il n’y a pas forcement beaucoup de contacts entre les communautés », explique Lila. Âgée de 44 ans aujourd’hui, elle a quitté Athènes en 2007 pour se lancer dans les chambres d’hôtes. Comme elle, les jeunes de la capitale ou de Thessalonique, la deuxième ville la plus peuplée du pays, sont nombreux à envisager de s’installer dans le massif de l’Épire, reprenant parfois des terres familiales. Sans compter les retraités, comme Costas ou Petrus, qui reviennent au village pour leurs vieux jours. « Il y a un réseau de la diaspora épirote en Grèce. Il y a toujours eu ici un sens très fort de la communauté, de l’attachement à la terre. Les jeunes reviennent tous passer l’été dans leur village », nous confirme Anastasis, un jeune étudiant investi dans l’opposition au projet à Ioannina, chef-lieu de l’Épire adossée au lac Pamvotis. « Cette région fait office de laboratoire pour les industries pétrolières : si le projet parvient à être accepté ici, alors ils pourront le faire partout », analyse le jeune homme.

Le lac Pamvotis, que borde Ioannina.

Dans les villes d’Athènes, de Thessalonique ou encore de Ioannina, les milieux militants et écologistes grecs se sont rapidement mobilisés. L’Alimura, centre social autogéré au cœur de la petite capitale régionale, accueille chaque semaine depuis février 2018 une assemblée ouverte. Jusqu’à 60 ou 70 personnes font parfois le déplacement, parfois de communes éloignées. Un rôle de relais essentiel, mais que Dimitris Ibrahim, de la WWF, veut nuancer : « Ils [les réseaux anarchistes et antiautoritaires grecs] sont très actifs, ils ont des réseaux très développés, mais ils ne touchent pas tout le monde, les Grecs ne s’y retrouvent pas forcement. »

Vassilis, 85 ans, né à Zitsa : « Je suis tout de même inquiet pour la pollution, est-ce qu’ils maitrisent vraiment ce qu’ils font ? »

Les petits villages semblent en tous cas mobiliser au-delà de leurs maquis. Les premières manifestations organisées à Ioannina ont fait le plein de soutiens. Plus de 2.000 personnes défilaient en mai 2018 dans le chef-lieu de l’Épire, qui ne compte que 65.000 habitants. Puis, à nouveau en juin 2019. Un exploit sans le soutien d’un parti politique. La manifestation organisée à Athènes, en février, n’a en revanche rassemblé que quelques centaines de personnes. « Ils doivent prendre conscience que ce problème nous concerne tous, il faut que tout le monde se rende compte et se mobilise », dit Lila.

« Tout le monde est d’accord pour travailler ensemble. On se structure peu à peu » 

Des réunions publiques et des assemblées se multiplient un peu partout sur les territoires concernés. L’idée émerge d’une grande coordination de toutes les assemblées contre les exploitations pétrolières de Grèce pour le mois de septembre. Un mouvement vu avec enthousiasme par les ONG. « Bien sûr que nous y participerons, si nous avons la chance d’être invités. Mais ce sont des mouvements citoyens, portés par des collectifs très divers, cela n’a rien à voir avec nos structures, notamment en matière d’organisation, il ne faut pas tout mélanger », dit le chargé de mission de la WWF.

L’Alimura, centre social de Ioannina, accueille chaque soir des discussions et des assemblées, notamment celle des opposants à l’extraction pétrolière.

Bien qu’elles tiennent à s’afficher en retrait, les organisations Greenpeace et WWF demeurent très actives et cherchent à faire décoller le mouvement. Samedi 22 juin, 13 délégations de dix différentes zones promises à l’exploitation d’hydrocarbures se sont ainsi rendues à bord du mythique Rainbow Warrior afin de tenter de coordonner les différents collectifs. « Je pense que c’était un succès, tout le monde est d’accord pour travailler ensemble. On se structure peu à peu. Maintenant, comment trouver des idées concrètes rapidement ? » résume Takis, chargé de mission de Greenpeace.Les deux organisations ont aussi essayé d’emmener la bataille sur le terrain juridique, sans guère de garantie de succès. Deux recours déposés par les ONG sont en cours d’examen par les plus hautes institutions du pays. L’un a été lancé en 2018 et concerne le bloc de Ioannina, l’autre, cette année, pour le bloc marin au sud-ouest de la Crète. À chaque fois, les organisations mettent en cause des infractions à la législation existante sur les études des conséquences environnementales. Les décisions sont attendues pour la rentrée. Ni le ministère grec de l’Environnement et de l’Énergie ni l’entreprise Repsol, qui gère les recherches dans le bloc de Ioannina, n’ont pas pour l’instant donné suite à nos sollicitations.

Grèce Le projet de mine d’or de Skouries

« Enthousiasme chez Eldorado pour le « changement de climat » en Grèce

Selon un reportage de capital.gr, la prise de contrôle du gouvernement par Mitsotakis, associée à la hausse importante du prix de l’or et à l’achèvement du refinancement, ont créé un élan positif pour le groupe canadien.

Selon le directeur général de la société, le ministère de l’environnement a mis en place un comité mixte avec la société, le dialogue entre les deux parties étant positif.
« La décision de mettre en place un comité conjoint entre le ministère et l’entreprise témoigne d’une volonté de coopérer, d’une manière mutuellement acceptable. «Nous sommes déterminés à créer un investissement sûr, moderne et de classe mondiale en Grèce. Cela inclut l’application des meilleures technologies disponibles, telles que la méthode des résidus secs en tas à Skouries, qui réduit l’empreinte environnementale de 40%. Nos investissements créeront des emplois bien rémunérés pour les familles et les entreprises locales, conduiront à la responsabilité sociale des entreprises, paieront des taxes importantes et généreront des revenus d’exportation pour des générations. Le gouvernement partage ces objectifs avec nous « , a déclaré en particulier le chef de la division Eldorado Gold.

« Nous sommes vraiment enthousiasmés par le changement de climat », a déclaré George Burns dans son message.

Toutefois, il convient de rappeler que la société canadienne utilise des filiales à l’étranger depuis des années pour éviter toute imposition via les Pays-Bas et, par la suite, jusqu’aux îles de la Barbade. Cette pratique a été divulguée depuis 2014 avec les recherches de l’ONG néerlandaise SOMO, tandis que les documents de Paradise Papers ont confirmé que ces sociétés restaient actives, au moins jusqu’en 2016. »

source : thepressproject.gr

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L’histoire de Konstantína Koúneva

L’histoire de Konstantína Koúneva, militante syndicale défigurée fin décembre 2008 dans un quartier d’Athènes à la suite d’une attaque à l’acide, est traversée par l’histoire grecque de ces dix dernières années et la traverse en retour d’une façon oblique, singulière et sensible.

Travail, non féminin Publié le par dimitris alexakis sur Ou la vie sauvage

à Nádia, Vásso, Beáta, Sýlvia, Christína et Yánnis

« Cet événement m’a marquée à vie. Il a mutilé mon visage, mon corps et a fait de moi quelqu’un d’autre. Il a plongé ma famille dans la peine ; pour mon fils, il a marqué la fin de l’enfance. Mais je ne me suis pas arrêtée là, je n’ai pas été neutralisée, je vis en en portant les conséquences et j’avance. » [1]

L’histoire de Konstantína Koúneva, militante syndicale défigurée fin décembre 2008 dans un quartier d’Athènes à la suite d’une attaque à l’acide, est traversée par l’histoire grecque de ces dix dernières années et la traverse en retour d’une façon oblique, singulière et sensible.

Elle invite à repenser cette séquence de dix ans à partir de l’expérience de celles et ceux qui sont en apparence sans pouvoir et relègue au second plan le vocabulaire économique ou financier qui en a dominé la lecture.

Elle lie la question de la violence à celle du travail précaire. Malgré sa gravité, l’acte dont elle a été victime n’est pas un cas à part. Sous des formes multiples (insultes sexistes, racistes, chantage au licenciement, au non-renouvellement de la carte de séjour et à l’expulsion, pressions diffuses, menaces, passages à l’acte…), la violence est le mode par lequel les entrepreneurs du nettoyage ont cherché à imposer en Grèce une précarité proprement invivable.

La violence était présente avant le début officiel de la crise de la dette et a été chaque fois une réponse opposée à des pratiques de résistance — dans les secteurs du nettoyage, du bâtiment ou de l’agriculture saisonnière, sur des quais de métro, des chantiers ou dans les champs de fraises de la région d’Ilía, à l’ouest du Péloponnèse.

Elle jette un jour cru sur la collusion entre entreprises privées d’une part, services étatiques et personnes morales de droit public de l’autre : avant d’être portés par un « projet » politique, la flexibilité, la précarisation, le démantèlement du cadre législatif et des autorités de contrôle sont d’abord apparus sous une forme presque nue, sans oripeaux ou apparats idéologiques, et ne se sont développés que parce que certains, à l’intersection des secteurs privé et public, y trouvaient intérêt.

les mobilisations du prolétariat largement féminin et immigré auquel elle appartient ont joué un rôle essentiel dans la dynamique qui a porté la « gauche radicale » au pouvoir en janvier 2015

Elle invite à penser le contournement et l’évidement des garanties légales à partir des pratiques de sous-traitance et d’externalisation. L’expérience de Konstantína Koúneva, employée immigrée en Grèce dans le secteur du nettoyage, est solidaire de celle des couturières de Dacca, Bengladesh, qui peuvent apparaître comme des « travailleuses immigrées employées à domicile » : il s’agit toujours de découvrir ou de créer des zones de non-droit, d’externaliser la production là où un certain état du droit n’a pas ou n’a plus cours.

Elle rappelle que les mobilisations du prolétariat largement féminin et immigré auquel elle appartient ont joué un rôle essentiel dans la dynamique qui a porté la « gauche radicale » au pouvoir en janvier 2015 et signale que le courage et l’initiative politiques ont à des moments-clefs été le fait de celles et ceux qui étaient le plus vulnérables ; elle marque une autre dette.

Le parcours de Konstantína, passée en 2014 du terrain syndical à une action politique plus institutionnelle, éclaire aussi l’histoire de la gauche radicale grecque, marquée coup sur coup par le succès d’un référendum d’opposition aux plans d’austérité (5 juillet 2015) puis par la ratification de ces plans (13 juillet 2015). Elle invite ainsi à interroger, sous l’angle de la sous-traitance et du travail précaire, la stratégie et les actes du gouvernement d’Alèxis Tsípras dont le mandat, avec la tenue d’élections législatives anticipées, le 7 juillet 2019, arrive aujourd’hui à son terme.

« Tu n’es pas seule »

Autour de 2012, mon cousin, Yánnis, s’est trouvé à quelques pas d’elle dans un wagon de métro et l’a reconnue avec une sorte d’effroi et de respect silencieux ; le terme qu’il emploie pour décrire la rencontre, δέος, traduit le sentiment éprouvé face à ce qui relève du sacré. Sans l’avoir jamais vue, il a immédiatement mis un nom sur ce visage séparé des autres par ses lunettes noires et sa peau abîmée. Il l’a regardée descendre du train avec l’aide d’une femme plus âgée, se mêler à la foule sur le quai de Sýntagma et l’a suivie des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse. Il était à deux doigts de lui parler ou de lui adresser un geste de sympathie mais est resté immobile. La femme qui, 4 ans auparavant, avait suscité un élan de solidarité sans pareil et cette silhouette anonyme étaient la même personne. Il s’est remémoré la phrase qui était apparue sur les murs et avait été criée par des dizaines d’inconnus sous les fenêtres de l’hôpital où elle a été conduite dans la nuit du 22 au 23 décembre : « Konstantína, tu n’es pas seule. »

En grec, le travail, η εργασία, est un mot féminin. Travail précaire se dit : επισφαλής εργασία, et le travail en alternance : εκ περιτροπής εργασία. Le mot μετανάστευση, « immigration », est féminin dans les deux langues. Le mot « enfant », lui, est du genre neutre, το παιδί.

Tous les mots qui concernent le visage sont neutres, eux aussi : το μάτι, l’œil, το στόμα, la bouche, το πρόσωπο, le visage, το δέρμα, la peau.

Le liquide qu’on lui a lancé au visage et qu’on lui a fait ingérer de force porte le nom d’acide sulfurique concentré, θειικό οξύ, et est le plus souvent désigné sous son nom archaïque, vitriol.

L’infinitif ayant à peu près disparu de la grammaire grecque, le nom des verbes se formule à la première personne : « lutter » se dit « je lutte » (αγωνίζομαι), « survivre » « je survis » (επιβιώνω).

Son prénom, Костадинка, est toujours prononcé ici à la manière grecque. Elle choisit, elle — sur son compte Twitter, sur la page du Parlement européen qui lui est consacrée — de restituer la prononciation bulgare en l’écrivant Kostadinka.

Son nom est parfois associé dans la presse au mot « affaire », υπόθεση, qui ravale l’événement au rang d’une procédure. Quelque chose pourtant résiste. On ne se débarrasse pas comme ça de la violence, du désir de vivre, des mots, des sujets, des histoires, des corps et des visages et des blessures qu’ils portent.

La phrase « Konstantína, tu n’es pas seule » avait, à l’hiver 2008, plusieurs sens. Elle suggérait que la violence dont elle avait été victime n’était pas un cas isolé ni un accident ; qu’elle était en passe de se généraliser sous une forme ou une autre à l’ensemble de ce « monde du travail » qui n’est justement plus un monde mais une multitude de trajectoires diffractées. Elle signifiait à rebours que Konstantína faisait partie d’une société qui pouvait sortir de l’ombre pour la défendre — et se défendre elle-même — en affirmant un « nous ». C’était aussi une phrase qui venait après-coup : il est probable que l’attaque n’aurait pas eu lieu si Konstantína n’avait pas été laissée seule face aux menaces et à la violence patronales. « Tu n’es pas seule » était l’expression d’un monde qui se ressaisissait, prenait ou reprenait conscience de lui-même à partir d’un défaut, d’un manque (de solidarité, de présence, d’attention, de réflexes ou d’humanité, de temps à consacrer à l’autre), d’un vide qui se serait ouvert à la surface du monde et à travers lequel on aurait aperçu, un bref instant, l’horreur.

Cette phrase renfermait ainsi, comme en creux, un « nous » ; c’est singulièrement à partir de la mort d’un adolescent de 15 ans tué par la police le 6 décembre de la même année et de la tentative de meurtre perpétrée contre elle que ce « nous », en Grèce, a commencé à prendre forme. Le collectif est apparu pour s’adresser à celui et à celle qui en avaient été séparés ; ce « nous » n’a pas commencé par dire « nous », mais « tu » : un « nous » sous-entendu, à la deuxième personne.

Comme l’a pressenti Yánnis quelques années plus tard, cette phrase était aussi un slogan qui, 4 ans après avoir été scandé, semblait être retourné à l’indifférence initiale.

« Τu n’es pas seule » se dit en grec δεν είσαι μόνη. La deuxième personne est fréquemment employée pour s’adresser aux inconnus comme si la langue grecque incitait à briser la glace. « Où vas-tu ? » demande volontiers le conducteur du taxi ou le chauffeur du bus à celle ou celui qui vient d’y monter. L’oralité prime en grec jusque dans l’écriture romanesque — chez Kavvadías, Tachtsís, Tsírkas, Míssios. Les luttes de ces dernières années ont partie liée à cette manière de se défaire des formules et clivages faits pour tenir l’autre à distance ; il y a dans la langue une résistance à la ville où personne ne se parle. L’assemblée de la place Sýntagma, en 2011, a été par excellence un lieu de parole, de rupture de l’anonymat. « Tu n’es pas seule » vient aussi de là : même écrite sur les murs, c’est une phrase parlée, qui convoque l’autre de manière physique, où le tutoiement marque un rapport au corps.

Le souvenir de la petite foule rassemblée en décembre 2008 sous les fenêtres de sa chambre évoque d’autres rassemblements, comme cette veillée sur le parvis d’un hôpital aux fenêtres grillagées organisée à la fin de l’année 2014 en soutien à Níkos Romanós, emprisonné à la suite d’une tentative de braquage, arbitrairement privé de son droit aux études et en grève de la faim. « Tu n’es pas seule » est une injonction à tenir, à ne pas basculer de l’autre côté. Il s’en faut parfois d’un message ou d’un geste.

Les deux slogans les plus marquants de cette période de violence patronale, de violence policière et d’émeutes — Αυτές οι μέρες είναι του Αλέξη (« Ces journées sont celles d’Alèxis »), Κωνσταντίνα, δεν είσαι μόνη (« Konstantína, tu n’es pas seule ») — sont ainsi liés par deux prénoms.

« Location d’ouvrières »

Le début remonte à 1989 et à l’effondrement du Mur ; à l’entrée de la Grèce, pays de quelque 11 millions d’habitants, moins industrialisé que ses voisins du Nord et à la monnaie infiniment moins forte, dans le concert des pays de l’euro (2002) puis dans le cercle restreint des nations olympiques.

À la veille de 2004, le pays est à la fois censé renouer avec son héritage antique (« Les Jeux reviennent à la maison ») et être reconnu comme une nation du XXIe siècle — en se pliant aux méthodes de management contemporaines, en lançant une politique de grands travaux dispendieux et sans utilité sociale, en faisant des termes de croissance et d’investissements le fin mot de toute politique, en favorisant la collusion entre responsables politiques locaux et dirigeants de grandes multinationales et en démultipliant sa dette.

Pour soutenir sa « modernisation », le pays fait appel en masse à une main-d’œuvre venue en particulier de l’ancien bloc de l’Est (Albanie, Bulgarie, Géorgie, Pologne, Russie, Ukraine, Moldavie, Roumanie…). Konstantína, qui est née en 1964 dans la ville bulgare de Silístra, entre en Grèce en 2001.

Elle a fait des études d’histoire et d’archéologie à l’université Cyrille et Méthode de Velíko Tírnovo et travaillé dans une boutique de vêtements et une usine de papier. Les problèmes de santé de son fils, qui doit depuis l’âge de deux ans subir une opération de cœur indéfiniment reportée, ont joué un rôle déterminant dans sa décision de partir s’installer en Grèce.

L’enfant a 4 ans, et elle 37, lorsqu’ils arrivent à Athènes.

Elle intègre OIKOMET, une société de nettoyage et de « location d’ouvriers », autrement dit de sous-traitance, qui a décroché l’appel d’offres pour l’entretien de la ligne de métro reliant Kifissiá au Pirée, la plus ancienne de la capitale.

Les services de nettoyage d’hôpitaux, de tribunaux, d’aéroports, d’installations portuaires, d’universités et d’écoles, de dépôts de bus ou de trains sont depuis le début des années 90 confiés par des administrations étatiques, des collectivités territoriales ou des entreprises d’intérêt public à des sociétés privées employant tantôt une petite dizaine, tantôt plus d’un millier de personnes. Cette tendance à l’externalisation (outsourcing) s’accélère au tournant des années 2000. La société anonyme OIKOMET, qui compte plusieurs centaines de personnes, est alors une des plus importantes du secteur.

Konstantína travaille beaucoup plus que les huit heures légales et est fréquemment appelée, dans la même journée, sur 2 ou 3 sites.

« Elle avait encore du mal à parler le grec, au début, se souvient une collègue, mais elle lisait beaucoup. »

Dans un texte publié quelques années plus tard, elle se souvient qu’elle conduisait son fils sur la colline de Philopáppou qui fait face à l’Acropole ; ils pique-niquaient, l’enfant faisait ses devoirs, l’enfant et la mère discutaient au retour avec des inconnus qui promenaient leurs chiens, « c’était comme un conte ».

Syndiquée depuis 2002, elle est deux ans plus tard élue secrétaire de l’Union des employées de maison et de nettoyage de la région d’Attique — une de ces unions professionnelles qui se développent alors dans le monde du travail précaire et dont le nombre, quelques années plus tard, s’élèvera à plus de 60.

Le secteur du nettoyage compte des employé·e·s de deuxième, de troisième voire de quatrième catégorie. Une femme seule avec enfants est plus susceptible d’y être soumise à la pression patronale, un homme parlant mal le grec plus souvent pressé de signer un contrat dont il ne comprend pas les termes ; dans certains dépôts de bus, les femmes de ménage immigrées sont systématiquement harcelées. Il est quelquefois demandé à celle ou celui qui ne parle pas ou ne sait pas lire le grec de signer un contrat en blanc. En conditionnant le droit au séjour à l’emploi, les textes qui régissent le séjour des étrangers en Grèce accroissent leur vulnérabilité.

Konstantína est bien placée pour le savoir : dépendante du renouvellement de ses titres de séjour, elle a débuté son activité syndicale à l’insu de ses employeurs, de manière quasi-clandestine, par crainte des représailles.

Elle étudie les pratiques et les textes, repère la façon dont les employeurs enfreignent la loi ou mettent à profit ses lacunes et ses imprécisions — en maintenant notamment les heures de travail déclarées en-dessous du taux obligeant au versement des cotisations liées à l’exercice d’un « métier pénible et à risque ».

Elle recense les heures supplémentaires impayées, les omissions et négligences en matière de sécurité, le non-acquittement des cotisations de Sécurité sociale, les accidents du travail camouflés, dénonce le manque de contrôles, pointe les risques que fait peser sur la santé la manipulation de certains produits et les cas d’agressions sexuelles dont les employées femmes, dispersées dans la ville et souvent isolées, font l’objet. Elle dénonce l’existence de « listes noires » visant à exclure de la branche tout·e employé·e récalcitrant·e. Elle documente la pratique du « clonage » : sur un chantier donné, une entreprise déclare employer 20 personnes alors qu’elle n’en emploie que 10 ; en cas de contrôle de la Sécurité sociale ou de l’Inspection du travail, les 10 employé·e·s manquant·e·s sont réquisitionné·e·s et transféré·e·s sur place depuis un autre site. La pratique a pour effet de gonfler artificiellement la facture des appels d’offres ; des milliers d’euros s’évaporent ainsi dans une zone grise, à l’intersection des secteurs privé et public.

Konstantína réagit, écrit, interroge : son travail constituera la base de l’enquête publiée en 2009 [2] par l’Institut du travail sous l’égide du syndicat GSEE [3] et qui lui est dédiée.

Identifiée comme déléguée syndicale à la suite d’une tentative de licenciement, elle est consignée aux horaires de nuit alors qu’elle a un jeune garçon entièrement à sa charge. Elle touche un peu moins de 600 euros par mois.

« Nous ne sommes pas en Colombie »

Sa mère déclare lors d’un entretien : « Parce que j’étais malade, Konstantína me cachait ses soucis, mais je n’étais pas dupe. De temps en temps, elle sortait pour un travail et revenait très angoissée. »

Son activité syndicale a une incidence directe sur le quotidien de son fils et les conditions de travail de sa mère :

« Lorsqu’ils ont appris son activité syndicale, ils m’ont déplacée jusqu’à la gare de Rèndi. Nettoyer simultanément les trains, les toilettes, les bureaux : j’ai eu droit à tout. Lorsque je faisais mine de protester, c’étaient immédiatement des mises en demeure. Les courriers prétendaient que je n’avais pas fait du bon travail, que j’avais par exemple oublié de nettoyer un WC. Je refusais de signer. La responsable me disait : “Je te virerai et tu ne trouveras de travail nulle part.” Je lui répondais : “Je le sais, je suis une femme âgée.” »

À la station de Maroússi, un chef d’équipe tire un jour Konstantína par les cheveux en gueulant :

« Tu n’as pas de papiers, tu n’as rien à faire ici, retourne dans ton pays. »

L’Union des employées de maison et de nettoyage contraint le gouvernement grec à prendre position. Le ministre du Travail publie en mai 2006 une circulaire rendant tout organisme public comptable de la légalité des sociétés de nettoyage avec lesquelles une convention de sous-traitance est signée.

Face à la pression syndicale, les employeurs de l’OIKOMET déposent en mai 2007 les statuts d’un syndicat d’employé·e·s devant le Tribunal de première instance d’Athènes ; « contre-syndicat » dont les membres fondateurs sont des cadres, des chefs de service et des surveillants — certains liés à la direction par des liens de parenté.

Le 20 novembre 2008, une rencontre tripartite réunit au ministère de l’Emploi le syndicat, l’État et la société sous-traitante. À l’extérieur du bâtiment, plusieurs de ses confrères conspuent les syndicalistes femmes : « Elles vont fermer l’entreprise et nous faire perdre notre emploi. » Dans la foule se trouve un immigré, qui hue avec les autres ; il sera pourtant licencié au premier de l’An sans préavis ni prime de Noël. À la fin de la rencontre, quelques manifestants s’en prennent à elle et commencent à la malmener. Elle fuit, se réfugie dans les ruelles voisines et, quelques jours plus tard, reçoit de nouvelles menaces anonymes.

Ses alarmes ne sont pas prises au sérieux par les directions syndicales ni — moins étonnant — par la direction d’OIKOMET, qui rejette ses demandes visant à passer sur la grille du matin et à être réaffectée à la station de Thisseío, plus proche de chez elle et de son fils.

« Elle avait en permanence un surveillant sur les talons, se souvient une militante syndicale. Ça devenait de plus en plus pénible. On ne savait pas qu’elle recevait des menaces de mort, seulement qu’un homme avec une petite moustache la suivait lorsqu’elle prenait le train pour rentrer : il lui arrivait de changer de wagon. Elle n’allait pas bien, était à bout, faisait de l’hypertension ; ça se voyait. On se dit aujourd’hui qu’elle nous dissimulait, pour nous protéger, une partie de la vérité. Beaucoup, à son travail — surtout des surveillants — disaient qu’elle était folle. Ils étaient parvenus à la culpabiliser. Elle pensait peut-être que personne ne la croirait. »

Le 26 novembre 2008, elle rencontre le journaliste belge Jacky Delorme, missionné par le Bureau international du travail. Sur l’enregistrement, la voix de Konstantína déclare distinctement : « Ils me disent qu’ils vont me tuer. »

L’interview, se souvient Delorme, n’a pas été réalisée sans mal car « elle pensait être surveillée ». Il termine l’entretien, prend discrètement une photographie d’elle à la station de Maroússi avant de partir poursuivre son enquête dans d’autres pays. La référence aux menaces ne retient pas davantage l’attention du traducteur de l’entretien, spécialiste du droit du travail :

« Je n’y ai pas fait plus attention que ça car c’était quelque chose qu’elle répétait souvent. Je n’ai pas cru qu’ils oseraient s’attaquer à une syndicaliste. Nous ne sommes pas en Colombie, me disais-je. »

Le 6 décembre 2008, Alèxandros Grigorópoulos, 15 ans, est tué sous les yeux de son meilleur ami, Níkos Romanós, qui l’avait invité pour sa fête à boire un coup dans le quartier d’Exárcheia. Alèxandros est assis sur un plot au moment où la balle tirée par un policier l’atteint à la poitrine. Une foule où on note pour la première fois la présence de très jeunes adolescents se déverse dans le centre d’Athènes, prenant pour cibles les vitrines, les guichets bancaires et les commissariats, enflammant voitures et poubelles. L’émeute durera un mois et marque un moment de cassure.

Le 23 décembre, Konstantína revient chez elle de nuit, comme à son habitude, dans le quartier d’Àno Pètrálona. Aux pieds de son immeuble, elle aperçoit un homme appuyé à un mur et qui semble être pris d’un malaise. Elle s’approche de lui pour lui venir en aide. L’homme se retourne, projette en direction de son visage le contenu d’une bouteille, l’immobilise, l’oblige à avaler le reste du liquide puis prend la fuite. La scène, se souviendra-t-elle dix ans plus tard, dure « deux ou trois secondes ». Elle tente de poursuivre l’agresseur, d’apercevoir son visage, de noter le numéro de la mobylette sur laquelle il s’éloigne. Les premiers témoins rapportent qu’elle parle encore mais que des lambeaux entiers se détachent de sa peau. Des voisins balancent un tuyau par-dessus un balcon, descendent, l’aspergent d’eau, l’entourent d’une couverture. On attend l’ambulance.

Sa mère, Èlèna, est confrontée en arrivant à l’hôpital au milieu de la nuit à un visage détruit.

Dans les jours qui suivent, elle décline la demande des journalistes qui souhaitent publier des photographies de sa fille : « Cela ne fera qu’attiser la haine. »

Lors de la manifestation organisée aux Propylées par les syndicats de base, le jeudi 22 janvier 2009, Èlèna marche en tête de cortège derrière une banderole qui réclame la fermeture des « entreprises esclavagistes ».

Delorme, bouleversé, envoie ses enregistrements aux médias grecs en leur enjoignant de les publier : « Je pensais qu’elle exagérait. » La police, de son côté, s’évertue à présenter l’attaque comme un crime passionnel, passe au crible sa vie personnelle à la recherche de l’amant éconduit qui aurait cherché à attenter à ses jours — pratique comparable à celle qui suivra l’assassinat de Zak, activiste LGBTQI, en septembre 2018 [4].

Amnesty International dénonce le caractère lacunaire et partial de l’enquête. Selon son avocate, plusieurs témoins cruciaux n’ont pas été interrogés ou l’ont été à la va-vite. Dans un entretien accordé 9 ans après les faits, Konstantína dira :

« L’enquête a été close précipitamment. Les enregistrements des caméras de surveillance n’ont pas été examinés, aucun prélèvement biologique n’a été effectué, les appels téléphoniques et les comptes bancaires de suspects n’ont pas été contrôlés. »

Le propriétaire d’OIKOMET, qui dirige également une société de surveillance, se tait.

Konstantína est hospitalisée au neuvième étage de l’hôpital Evanguèlismos et communique avec le monde extérieur par l’intermédiaire de notes manuscrites, souvent destinées aux femmes du syndicat, qu’elle transmet à sa mère. Sur un bout de papier qu’elle griffonne alors qu’elle est encore en soins intensifs, elle indique la couleur du vêtement d’hiver que portait son agresseur : gris. Une note à l’intention de journalistes porte simplement les mots : « J’ai vu. »

Elle ne disparaît pas.

Elle a presque perdu la vue — aucune vision d’un œil, moins de 30% de l’autre.

Plusieurs opérations lui permettent peu à peu d’améliorer son état, mais son œsophage est détruit et elle respire difficilement. Les cordes vocales ont été atteintes ; sa voix porte jusqu’à aujourd’hui les marques de l’attaque.

Les premières interventions de chirurgie plastique donnent forme à un semblant de visage ; les médecins l’invitent à ne pas en espérer plus. Le fait qu’elle ait survécu et que les fonctions corporelles essentielles aient pu être rétablies tient déjà du miracle. En dépit de la reconnaissance qu’elle voue aux membres de l’équipe soignante de l’hôpital Èvanguèlismos, elle décide de poursuivre ailleurs sa lutte pour la réappropriation du visage.

« Amis inconnus » et collègues se relaient pour garder l’enfant et permettre à Èlèna de rendre visite à sa fille. L’enfant « sait presque tout », rapporte sa grand-mère. « Il reste silencieux et réfléchit. Il essaye de comprendre. »

Elle est soutenue au long de cette période par un immense mouvement de solidarité ; les fonds collectés lui permettront, en 2012, de s’installer en France, où une chirurgienne esthétique a accepté de poursuivre les soins.

Après la tentative d’assassinat dont elle a été victime, le gouvernement de l’époque précise en 2010 le cahier des charges auquel devront se tenir les sous-traitants [5] et annonce la création d’un registre des sociétés en infraction.

Mais les services de l’Inspection du travail ne sont pas renforcés et les entrepreneurs continuent de contourner la loi en intimidant les employé·e·s. D’autres mesures prises un peu plus tard leur seront par ailleurs favorables : la durée maximale d’emploi en continu d’une personne « prêtée » par une société de location de main-d’œuvre au même « employeur indirect » sera bientôt étendue de 12 à 36 mois.

Mémorandums

Les années 2010 – 2014 sont marquées par l’adoption de deux mémorandums qui, à la faveur de la crise de la dette, généralisent le démantèlement du droit du travail — et par une série de mobilisations et de scandales dans le secteur du nettoyage. Un dimanche de décembre 2010, Aziz Emad, ouvrier égyptien, perd la vie à la suite d’une chute dans l’enceinte du ministère du Travail, alors qu’il nettoyait des vitres. Les femmes de ménage d’un hôpital athénien découvrent que l’entreprise qui les employait ne leur doit pas d’indemnités de licenciement et qu’elles ne peuvent s’inscrire au chômage : l’employeur a fait d’elles, à leur insu, des actionnaires de la société. La nouvelle secrétaire de l’Union des employées de maison et de nettoyage dénonce la pression à laquelle sont soumises les femmes de service des hôpitaux sommées, pour pallier le manque de personnel, de passer « des toilettes aux cuisines puis aux salles d’opération ».

Suite à la publication d’un appel d’offres par le ministère de la Santé, la question de la transparence des appels d’offre, du clientélisme et de l’influence des « cartels » (groupements illicites d’intérêts entre grandes entreprises du secteur) est posée en septembre 2012. Loin d’être périphérique, la question de la sous-traitance met en cause le fonctionnement même des services de l’État, des municipalités et des collectivités locales, comme celui des partis : le personnel d’une société de sous-traitance est réquisitionné, un soir, pour faire la claque et remplir la salle d’un meeting où une personnalité de droite s’exprime.

Konstantína refait une apparition publique à Athènes au mois de mai 2014 pour soutenir l’occupation symbolique du ministère des Finances par les 595 femmes de ménage licenciées un an plus tôt [6].

On apprend qu’elle a porté plainte contre la société OIKOMET au titre des articles sur les accidents du travail, signifiant ainsi que son agression est indissociable des violences moins visibles ou de plus basse intensité qui caractérisent le secteur.

Elle se présente peu après aux élections européennes en tant que candidate indépendante associée au parti Syriza, et est élue — première femme immigrée d’un pays de l’Union à accéder à cette fonction. De 2014 jusqu’aux élections récentes, elle siège à Strasbourg au sein du groupe de la Gauche unitaire (GUE/NGL).

Les dossiers qu’elle défend sont liés à son expérience de femme, d’immigrée, d’employée du nettoyage, de mère et de personne handicapée. Rapporteuse devant la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres, elle porte un projet de résolution sur « les femmes employées de maison, auxiliaires de vie et gardes d’enfants » et est associée au rapport « pour une meilleure égalité des genres » dans le cadre des services de soins. Elle formule des propositions visant à rétablir l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, défend la création d’une plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré, promeut l’application au niveau européen de la Convention de l’ONU sur les droits des personnes handicapées et fait campagne en faveur d’une extension du congé maternité. Ses responsabilités lui permettent aussi de promouvoir l’interdiction de la vente libre d’acide sulfurique. [7]

Elle est confrontée aux limites de son mandat et à celles du Parlement qui, malgré une préséance toute protocolaire, dispose de pouvoirs législatifs moins importants que le Conseil de l’Union. Elle se conforme aussi à la discipline de parti — comme lors du vote de la directive européenne sur le droit d’auteur (mars 2019), ratifiée à Strasbourg en l’absence des députés grecs de Syriza, au grand dam de celles et ceux pour qui elle demeure une référence éthique, la seule figure peut-être de la « gauche radicale » ayant échappé au désaveu qui a suivi le revirement de juillet 2015.

Les gants jaunes

La fin de l’externalisation et l’embauche des employé·e·s de service par des contrats à durée indéterminée constitue un des engagements du gouvernement de « gauche radicale » élu en janvier 2015. Face au vide juridique dans lequel se déploient les pratiques du secteur, Pános Skourlètis, nouveau ministre de l’Emploi, déclare en avril 2015 que son administration s’apprête à « mettre en place des règles strictes, à interdire les pratiques illégales, à introduire une législation rétablissant les conventions collectives et à renforcer les mécanismes de contrôle, indépendamment des négociations en cours » — quelques mois avant que son gouvernement ne revienne sur le résultat sans appel du référendum de juillet et ne ratifie le troisième mémorandum.

Le 7 mai 2015, l’Union des employées de maison et de nettoyage adresse au gouvernement grec un ensemble de revendications articulées autour de l’intégration des personnels de nettoyage à la fonction publique. Ces revendications, qui se heurtent à une disposition centrale des mémorandums (le gel des embauches par l’État, les collectivités locales ou les organismes de droit public), sont en phase avec les efforts alors déployés par ce gouvernement pour libérer le marché du travail local du carcan des politiques d’austérité (négociations à l’Eurogroupe) et seront reprises par l’ensemble des collectifs de la période.

Les mobilisations de « gants jaunes » ne sont pas freinées par le tournant « réaliste » du gouvernement Tsípras : lutte des employées de nettoyage du ministère du Travail, grève et fondation du syndicat des employées chargées de l’entretien des bus, mobilisation dans les hôpitaux Sismanógleio, Metaxás et Dromokaïteio, soutien des enseignants et des agents administratifs de l’Université Capodistrienne au personnel de la société MyServices, lutte des employées de ménage des écoles publiques et de l’école Polytechnique, campagne en faveur de la libération d’une femme de ménage condamnée à 10 ans de prison pour avoir déclaré un niveau scolaire supérieur d’une année au sien.

Les employées de nettoyage, souvent impayées depuis des mois, dénoncent les ponctions arbitraires de salaire, l’obligation qui leur est faite de nettoyer toujours plus de véhicules ou de mètres carrés, l’absence de gants, de masques, de blouses et de chaussures de travail et même de sacs poubelle pour collecter les déchets, l’insuffisance des contrôles, l’absence de droits au chômage, le manque de formation et de prévention, l’indifférence et l’inaction des donneurs d’ordre. Elles constatent qu’un abîme les sépare de ces derniers (« Comment ce responsable pourrait-il comprendre ce que signifie de ne pas être payée pendant 4 mois ? Son salaire à lui n’est pas de 450 euros. Nous vivons dans des mondes entièrement différents… ») et témoignent de l’invisibilisation particulière qui découle de la sous-traitance :

« Tandis que les sociétés auxquelles l’ouvrage est sous-traité changent, les travailleuses qui nettoient les bus restent les mêmes. Nous sommes nombreuses ici à nettoyer depuis 15 ans les bus d’une entreprise de transports dont nous ne faisons pas partie. »

Cette invisibilisation se traduit fréquemment par la non-reconnaissance des années travaillées.

Leurs actions sont à plusieurs reprises réprimées par les forces de l’ordre mais enregistrent aussi quelques victoires. Depuis l’attaque de décembre 2008, aucun gouvernement — a fortiori de « gauche radicale » — ne peut sans risques réprimer les luttes des employées du nettoyage. En 2016, le financement de l’entretien des écoles publiques est rehaussé de 18%. Les employées du nettoyage du ministère du Travail sont réembauchées par l’État à l’issue de la convention de sous-traitance. La femme de ménage de Vólos est libérée au bout de quelques jours et la décision à son encontre finalement annulée par la Cour de cassation.

La loi 4430/2016, qui autorise l’État et les personnes morales de droit public à conclure des contrats individuels à durée déterminée dans « des circonstances exceptionnelles, imprévues et urgentes » et en présence « de dysfonctionnements graves affectant l’attribution et l’exécution des marchés publics » est la première mesure prise par le gouvernement Syriza en matière de sous-traitance. Son application est aussitôt bloquée par les entrepreneurs du secteur, qui contestent en justice les embauches décidées par les conseils d’administration de deux hôpitaux publics.

L’affaire est portée devant le Conseil d’État grec puis devant la Cour de justice européenne, qui conclut le 25 octobre 2018 que ces contrats peuvent être « exclus du champ d’application » de la directive européenne en vigueur sur la passation des marchés publics. L’arrêt rappelle cependant que ces contrats ne pourront être transformés en contrats à durée indéterminée et que cette exclusion ne constitue donc pas une entorse au cadre mémorandaire (« l’impossibilité de créer des postes statutaires conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la Constitution, en raison de la crise économique en Grèce et des engagements internationaux de celle-ci »). L’affaire est indicative des biais que le gouvernement en exercice doit emprunter pour contourner l’esprit et la lettre des mémorandums et de l’étroitesse de sa marge de manœuvre.

la singularité de Konstantína est de se trouver, tout au long de cette période, des deux côtés, au plus près de la faille qui traverse la gauche

En 2018, 260 femmes de ménage — dont la plupart travaillaient jusqu’alors pour la société de sous-traitance locale — intègrent l’hôpital Evanguèlismos, le plus grand du pays. Le changement de statut marque une amélioration nette de leurs salaires et de leurs conditions de travail.

Si elles obtiennent l’assurance orale que leur contrat sera renouvelé au bout de 12 mois, le gouvernement renvoie à plus tard la création de postes à durée indéterminée tout en faisant de leur embauche un cas emblématique de sa capacité à changer les choses et à rester fidèle à ses promesses initiales : l’heure est venue, pour le gouvernement Tsípras, d’envoyer des signes à la « majorité sociale ». Mais ce nouveau cadre, circonscrit au secteur public, n’est appliqué que partiellement, essentiellement dans des unités dépendant du ministère de la Santé, et dépend largement de décisions prises par les conseils d’administration de chaque établissement ; précaire, il est à la merci d’un changement de majorité. Les mémorandums, eux, sont sanctuarisés par des lois-cadres et des articles constitutionnels.

La question de la fin de la sous-traitance se pose dans de nombreux autres domaines liés à l’administration publique ou relevant du privé : dans les transports, l’université, la construction routière, le tourisme — qui ne réunit pas moins, selon une organisation syndicale du secteur, de 14 formes d’emploi précaire —, l’énergie, les banques — où les exemples de travail dissimulé sont légion —, la téléphonie, les compagnies pétrolières mais aussi les ports, comme celui du Pirée, dont la privatisation a été parachevée par le gouvernement en place, ou les aéroports : l’énorme majorité des employé·e·s présent·e·s à l’aéroport d’Athènes travaillent eux aussi pour des sous-traitants. Si la fin du mandat de la « gauche radicale » est marquée par une baisse des chiffres du chômage, elle voit aussi une recrudescence de l’emploi précaire [8], une augmentation du nombre de travailleurs pauvres et une augmentation des accidents du travail. [9]

Le projet de loi soumis à l’Assemblée en mai 2019 a pour ambition proclamée de corriger certaines des mesures austéritaires les plus injustes en matière de droit du travail et de réaffirmer l’existence d’une ligne de démarcation — entre « droite et « gauche » — devenue indiscernable sur la question de la dette, du modèle de développement ou en matière de politique étrangère. [10] Comme l’affirme la ministre en charge du projet, la question des droits du travail est celle qui, à l’approche des élections, pourrait permettre au gouvernement Tsípras de rappeler sa différence. Trop tard : la loi est votée à quelques jours des scrutins européens, régionaux et municipaux de mai 2019 qui voient le parti au pouvoir subir une défaite écrasante.

Malgré quelques dispositions positives (mesures techniques en faveur des livreurs-coursiers, mesures plus substantielles sur les salaires impayés [11] et les heures supplémentaires, « coresponsabilité » du donneur d’ordre et du sous-traitant, renforcement des services de l’Inspection du travail [12]), la stratégie du gouvernement qui, au bout de quatre ans d’exercice, prétend que « tout commence aujourd’hui » suscite plus de perplexité, d’incrédulité ou de colère que de reconnaissance ; difficile d’oublier que ce même gouvernement a, un peu plus d’un an auparavant, fait voter des mesures restreignant drastiquement le droit de grève au niveau des syndicats d’entreprise et vient de refuser que les employé·e·s de la sous-traitance puissent être couvert.e.s par la convention collective de branche à laquelle leur activité devrait les rattacher.

La démarche consistant à articuler l’action gouvernementale en deux temps contradictoires, dissociés ou désaccordés (un premier consacré à la signature et l’application des plans d’austérité, un second consacré à la « défense du monde du travail » et des plus précaires) ne convainc pas. Ce qui manque, entre le premier et le deuxième temps du gouvernement Tsipras, ce qui a disparu, c’est la dimension même de la rupture — comme si le gouvernement grec feignait de se persuader que la « défense du monde du travail » pouvait se passer du conflit, voire résulter de l’application des « programmes d’aide » européens.

La singularité de Konstantína est de se trouver, tout au long de cette période, des deux côtés, au plus près de la faille qui traverse la gauche ; députée européenne associée au parti Syriza, elle continue de se définir comme une syndicaliste immigrée et confie qu’elle souhaite maintenir le lien entre « ceux qui sont restés » et « ceux qui sont partis » — réparer les blessures.

Strasbourg, Bruxelles, Athènes, Paris

Entre Strasbourg, Bruxelles, Athènes et Paris, son action se développe désormais sur trois plans : celui d’une politique de parti et de groupes, avec ses concessions, ses alliances, sa bureaucratie et son isolement singulier, à l’échelle supranationale et dans le contexte inédit créé par la capitulation de l’été 2015 ; celui du procès en cours et d’une exigence de réparation symbolique ; celui de la réhabilitation au point le plus intime de l’identité et du corps : le visage à restaurer, à récupérer, à soigner, opération après opération — plus de 30.

En juillet 2013, le tribunal de première instance du Pirée condamne les responsables de l’ancienne OIKOMET à lui verser une indemnité de 250 000 euros. La tentative de meurtre est reconnue comme un accident du travail et la société sous-traitante taxée de « négligence » pour avoir refusé de prendre en compte ses cris d’alarme répétés. Le jugement de première instance est annulé en février 2016 par la Cour d’appel du Pirée qui la somme de rembourser les sommes déjà perçues. Elle porte l’arrêt devant la Cour de Cassation qui confirme le jugement d’appel ; elle décide alors de saisir la Cour européenne des droits de l’homme.

« Je me bats, déclare-t-elle neuf ans après les faits, pour qu’aucun patron ne puisse plus menacer ses employées en leur disant : Souvenez-vous de ce qui est arrivé à Koúneva. »

Le fait est que ces menaces, proférées à l’hôpital psychiatrique Dromokaïteio en juillet 2014 ou, autour de 2016, dans l’enceinte de la Cité universitaire, sont devenues monnaie courante.

Dix ans après les faits, elle confie qu’elle commémore chaque année le 23 décembre comme « le jour où j’ai survécu ; j’aurais pu ne jamais atteindre 55 ans, j’aurais pu perdre la vie il y a 10 ans. »

L’auteur de l’agression n’a pas été identifié. « Le mal dont je souffre est visible, dit-elle, celui dont il souffre est invisible. Je suis certaine que cette histoire le tourmente plus que moi ». Elle note : « Ce qui m’est arrivé aurait pu se produire dans n’importe quel pays. » Elle se souvient de la mobylette et « des vêtements du jeune homme », en employant une expression typiquement grecque et étrangement tendre. [13] Elle s’efforce de décrire ses difficultés sensorielles : ayant perdu l’essentiel de sa vision, il lui faut faire effort pour comprendre son environnement ; elle ne sait pas toujours d’où viennent les sons. Son sens du goût et son sens du toucher ont été considérablement réduits. Elle ne peut avaler qu’un petit nombre d’aliments, et toujours avec peine. Elle dort assise dans un fauteuil ou sur une chaise pour éviter que les sucs gastriques ne l’étouffent. Elle se sent plus forte quand elle marche. Elle doit encore, dit-elle, « s’apprendre elle-même » : « J’observe mon corps, j’apprends à le diriger. »

La musique l’accompagne. Elle écoute du disco, de la musique classique, des chorales et du jazz dans le train qui la conduit à Strasbourg. Elle danse un peu le matin en guise de gymnastique. Elle déclare élever son fils « avec humour, comme j’ai grandi moi-même. » Elle ne croit pas en Dieu mais « en la nature ». « Nous faisons tous partie d’elle ; nous y avons tous la même part. »

« Konstantína, tu n’es pas seule » : la phrase de décembre 2008 réapparaît ces jours-ci, au lendemain du scrutin qui voit le parti au pouvoir perdre une grande partie de ses sièges à la tête des régions et des villes et subir un net recul au Parlement européen. Konstantína n’est pas reconduite. Dans un tweet publié le 28 mai dernier, un responsable du parti de droite Nouvelle Démocratie déclare après l’annonce de sa défaite que cette nouvelle tombe à pic, qu’il cherchait justement une boniche — les mots « je cherche une femme », Ψάχνω γυναίκα, sont en grec d’une violence presque invisible, tant elle est quotidienne ; « une femme », dans ce contexte, c’est « une femme de ménage » — inutile de le préciser.

en Grèce, les luttes des employé·e·s de la sous-traitance continuent

Le fait que cette agression verbale intervienne au lendemain de sa défaite, à un moment où Konstantína peut doublement apparaître comme une « femme battue », ne doit rien au hasard.

Un ami écrit peu après :

« Hier soir, dans le centre d’Athènes, j’ai dépassé Konstantína Koúneva. Elle était seule et marchait tout près de l’endroit où l’agression contre elle a eu lieu. Il y avait de la solitude dans cette image. Le fait que quelqu’un ait pu tenir sur elle aujourd’hui des propos orduriers n’a aucune importance ; ce qui compte, c’est qu’elle était debout. »

La citoyenneté grecque lui a été accordée par décret en décembre 2018. La cérémonie a lieu à Athènes le 31 mai 2019, quelques jours après les élections, dans un petit bureau : « Les événements les plus importants ont parfois lieu dans les lieux les plus humbles », note-t-elle. Au moment de prononcer les 24 mots du serment, les personnes présentes se touchent l’une l’autre à l’épaule.

De 2008 jusqu’à ces derniers jours, elle s’est constamment efforcée de contourner le statut d’héroïne, d’icône, de femme exemplaire, de mère courage ou de victime médiatisée auquel beaucoup ont voulu l’assigner et de déjouer les pièges d’une visibilité et d’une exposition imposées. Cette position émerge dès ses premières prises de paroles, quelques semaines après l’attaque : l’attention du public ne doit pas se concentrer sur elle ni sur la cruauté inédite de l’attaque mais sur le sort commun des femmes qu’elle représente. Elle ne veut pas plus, selon ses propres mots, devenir un emblème qu’un repoussoir ; elle cherche à définir elle-même sa propre place. La lutte consiste toujours à « reprendre le contrôle de sa vie ». Inutile d’être d’accord en tous points avec elle et avec son action pour percevoir qu’elle a ainsi donné à la représentation politique une vérité et une consistance singulières.

En juillet 2018, Danièla Prèlorèntzou, 62 ans, qui travaillait pour la municipalité de Zográfou, à l’Est d’Athènes, « une municipalité de gauche », a perdu connaissance au lendemain de la grève des éboueurs, dans le local réservé au personnel de nettoyage, et n’est pas revenue à elle.

En Grèce, les luttes des employé·e·s de la sous-traitance continuent.

Dimitris Alexakis, 5 juillet 2019 // première publication: Vacarme, édition en ligne, 6 juillet 2019

Notes

[1] Konstantína Koúneva, Dix ans après

[2] https://www.inegsee.gr/ekdosi/OiErgasiakesSxeseisstonKladotoyKatharismoy/

[3] Confédération générale des travailleurs de Grèce (secteur privé).

[4] https://vacarme.org/article3181.html

[5] Nombre d’employé·e affecté·e·s sur chaque chantier, jours et heures de travail, montant des salaires et des cotisations sociales, surface dévolue à chaque employé·e, bénéfice escompté.

[6] Leur réintégration sera une des mesures-phares du gouvernement Syriza élu en janvier 2015.

[7] Lire aussi la Pétition n° 0368/2015, présentée par Patricia Lefranc, de nationalité belge, sur l’interdiction de la vente d’acide sulfurique (vitriol) aux particuliers.

[8] L’emploi à temps partiel, de 5% avant la crise, dépasse aujourd’hui les 25%.

[9] L’année 2017 constitue une année record pour les accidents du travail ; 7 357 — chiffre le plus élevé depuis 2000 —, dont 76 mortels.

[10] Accords de « coopération stratégique » avec le gouvernement d’extrême-droite de Benyamin Netanyahou.

[11] Mais qui ne s’appliquent qu’aux petites et moyennes entreprises et laissent hors champ les grandes entreprises anonymes et leurs actionnaires.

[12] Conséquent si on se réfère à la destruction de l’Inspection du travail opérée par les gouvernements précédents, insuffisant eu égard à la situation du marché du travail après 8 ans de crise et de programmes d’austérité…

[13] Τα ρούχα του παιδιού signifie, littéralement, « les vêtements de l’enfant ».

Source https://oulaviesauvage.blog/2019/07/28/travail-nom-feminin/?fbclid=IwAR0y8qndjZ30lyoH8KVhQhmJT0R7Nc94zK5Dk3I0EaV0AQsnWPMy88P-dkY

Sur la réforme de l’assurance chômage

Réforme de l’assurance chômage : l’insécurisation des demandeurs d’emploi

Cette note analyse la réforme de l’assurance chômage décidée par le gouvernement, qui s’apprête à la mener par décret. Elle revient tout d’abord sur son contexte institutionnel : un processus qui consacre un affaiblissement sans précédent de la gouvernance paritaire de l’Unedic. Elle se penche ensuite sur les principales mesures, à savoir la réduction des droits des demandeurs d’emploi les plus précaires, la dégressivité des allocations chômage des « cadres » et une tarification de type bonus-malus pour certaines entreprises dans des secteurs dont les pratiques de gestion de la main d’œuvre alimentent la précarité de l’emploi. Sachant que l’analyse du projet de décret est encore en cours et qu’on ne dispose pas encore de véritable étude d’impact de la réforme, cette note repart des arguments des économistes orthodoxes qui l’ont promue et des leçons des expériences passées pour en interroger les logiques.

Pour lire la note dans son intégralité, téléchargez le PDF ci-dessous.

Conseil d’Etat sur l’usage des LBD

CONSEIL D’ÉTAT : CARTE BLANCHE AU GOUVERNEMENT POUR CONTINUER À BLESSER DES MANIFESTANTS

Communiqué commun LDH, Confédération CGT et UD CGT de Paris

La Ligue des droits de l’Homme (LDH), la CGT et son Union départementale CGT du 75, avec de nombreuses autres organisations (le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, l’Unef, l’UNL-SD, et l’Union syndicale solidaires) avaient saisi le Conseil d’État pour faire interdire l’usage des Lanceurs de balle de défense 40 (LBD 40) par les forces de l’ordre pendant les manifestations.

Les LBD 40 ont déjà fait 193 blessés dont certains très grièvement. Ces armes ne sont pas appropriées à une utilisation lors de manifestation et mettent les citoyens gravement en danger.

En effet, ces armes sont prévues pour être utilisées dans certaines conditions uniquement (cibles non mobiles, pose d’un genou à terre, les tiers à la cible doivent être hors d’atteinte, etc.). Conditions qui ne sont, par définition, presque jamais réunies pendant les manifestations lors desquelles les personnes se déplacent en permanence et en groupes resserrés. Il est donc très difficile de viser précisément une personne en particulier et une partie du corps. C’est ainsi que nous comptons aujourd’hui 189 personnes touchées à la tête, sur les 193 blessés par LBD, alors qu’il est interdit de viser la tête.

C’est ce que nos organisations ont soutenu devant le Conseil d’État qui n’a pas retenu notre argumentaire pour interdire l’usage de ces armes. Le Conseil d’État considère, quant à lui, dans son arrêt du 24 juillet 2019, que l’usage de la violence par certains manifestants justifie pleinement l’utilisation des LBD 40. Enfin, son utilisation serait parfaitement proportionnée et les blessures graves relèveraient exclusivement de la responsabilité individuelle des membres de force de l’ordre qui auraient éventuellement mal respecté les conditions d’utilisation.

Il renvoie donc les responsabilités à des individus alors que c’est bien la doctrine de maintien de l’ordre prônée par le ministère de l’Intérieur qui pose problème et l’utilisation d’armes dangereuses lors de manifestation.

La LDH et la CGT continueront de dénoncer l’usage de toute arme dangereuse qui porte atteinte à l’intégrité physique et à la liberté de manifester et continueront de se battre pour les faire interdire.

Le 31 juillet 2019

Source ligue des droits de l’homme https://www.ldh-france.org/conseil-detat-carte-blanche-au-gouvernement-pour-continuer-a-blesser-des-manifestants/

Entretien Yannis Youlountas

J’ai fait une exception à la règle en parlant pour la première fois à un média mainstream grec (mais pas n’importe lequel), et ce, à la demande de mes compagnons de luttes à Exarcheia. Pourquoi me direz-vous ? L’explication est dans l’article en question : un grand entretien paru hier dans Popaganda. N’hésitez pas à me dire sincèrement votre avis dans les commentaires.

« YANNIS YOULOUNTAS : NOUS N’AVONS PLUS D’AUTRES CHOIX QUE L’UTOPIE OU LA DYSTOPIE

Suite à l’attaque fasciste qu’il a subi il y a un mois au Pirée, l’écrivain, activiste, antifasciste et anarchiste Yannis Youlountas répond à Maria Louka, une invitation à lutter pour un monde meilleur.

Journaliste : Maria Louka / Photographe : Alexandros Katsis / Traduit du grec par Marietta Simegiatou.

[Intro]

Le 13 juin, un groupe de fascistes a attaqué un homme au Pirée. À la nuit tombée, dans un lieu isolé, à quatre contre un. C’est comme ça que les fascistes font leur sale besogne. Dans l’obscurité et en bande, dans le seul but de blesser et de terroriser leurs victimes.

Yannis Youlountas a sans doute eu mal durant l’affrontement, il a aussitôt après été emmené à l’hôpital, mais très rapidement, sans faiblir, il est retourné dans son espace de prédilection : sur la route, parmi ceux qui luttent. Il n’est pas de cette gauche bobo qui circule avec des vestes bien repassées sur les plateaux de télévision, qui mettent en avant leur titres dans la haute société, et qui font des sourires promotionnels. Il n’est pas non plus de ces artistes neutres qui se cachent à l’abri de la forme artistique pour ne pas se mêler de l’incendie qui ravage tout autour d’eux.

Il fait partie de ceux que Kerouac a qualifiés « les fous, les inadaptés, les fauteurs de troubles, les révolutionnaires … qui sont assez fous pour croire qu’ils peuvent changer le monde et qui, à la fin, y parviennent. »

Partageant sa vie entre la France et la Grèce, mais avant tout citoyen d’un monde dont il ne reconnait pas les frontières, réalisateur, écrivain et poète, activiste, antifasciste et anarchiste, Yannis Youlountas a, depuis un très jeune âge, pris position dans les conflits sociaux en faveur des opprimés.

Avec un long parcours dans les mouvements sociaux français et grecs, et toujours en première ligne du front antifasciste, il incarne ces dernières années tout ce que le gouvernement et son discours médiatique diabolise. Il est un fervent participant des collectifs autogérés, telles que les occupations pour les réfugiés que le nouveau ministre de l’intérieur Michalis Chryssochoidis menace de démolir comme il a autrefois démoli la dignité des femmes séropositives. Il est un relais crucial dans la construction d’un mouvement de solidarité international, lié à des personnalités insoumises de notre temps, comme Pia Klemp, la capitaine de navire qui sauve des réfugiés en Méditerranée. Il organise les campagnes internationales de soutien politique et économique à Rouvikonas pour couvrir les frais juridiques supportés par ses membres et croit profondément que la véritable forteresse à anéantir n’est pas Exarcheia mais le capitalisme.

Tout cela et beaucoup d’autres choses encore sont racontées dans son entretien avec Popaganda.

[Entretien]

Maria Louka — Yannis, raconte-nous quelque chose à propos de ton histoire personnelle. Comment la France et la Grèce se croisent dans ta vie ?

Yannis Youlountas — Je suis né en France le 21 septembre 1970, d’une mère française et d’un père grec de Rethymnon en Crète. Ouvrier, issu d’une famille très pauvre de huit enfants, il a quitté l’école dès 11 ans et a reçu sa première paire de chaussures fermées à 13 ans. De l’autre côté, ma mère est issue d’une famille d’enseignants. Elle a étudié la philosophie et a rejoint le mouvement Freinet pour une pédagogie coopérative et libertaire. Ils se sont rencontrés en 1969, pendant la junte des Colonels, et sont ensuite partis pour la France. C’est là que je suis né. Ils se sont ensuite séparés au bout de quelques années. J’ai grandi entre deux logements dont l’un était plein de livres jusque dans les toilettes, et l’autre sans même un dictionnaire. Depuis lors, j’ai compris que les inégalités sont non seulement économiques, mais aussi culturelles. Comme Bourdieu l’a écrit, la lutte n’est pas seulement une affaire de classes sociales, aussi de connaissance.

M.L. — Tu penses donc que les différences dans ta famille ont été le premier stimulant de ta politisation ?

Y.Y. — Oui, les inégalités entre mes parents ont été déterminantes dans ma prise de conscience. Mon père a passé de longues périodes de chômage durant lesquelles j’ai cherché avec lui des champignons, des escargots et des asperges sauvages par nécessité, pour avoir assez à manger. Bien avant de lire des ouvrages analysant les rapports de classes, j’avais déjà développé ma propre représentation.

L’éducation a également joué un rôle important dans ma vie. J’ai étudié de trois façons différentes. Tout d’abord dans une école autoritaire où régnait la violence et compétition. Ensuite, j’ai vécu deux années sans aller du tout à l’école aux côtés de mon grand-père français, durant la séparation entre mes parents. Puis, je me suis familiarisé avec la pédagogie Freinet, coopérative et libertaire, d’abord en tant qu’enfant, puis en tant qu’adulte. Des expériences passionnantes.

La vie est faite de temps et de mouvement. Et c’est précisément ce que confisque le système éducatif aux enfants : la vie elle-même. Alors que les parents ont appris aux enfants à parler et à se tenir debout, le système éducatif leur apprend aussitôt après à se taire et à s’asseoir. C’est pourquoi je participe aux mouvements d’éducation coopérative et libertaire en France et en Grèce, notamment au sein du réseau École Buissonnière-Pédagogie Freinet en Grèce. Je trouve ça très important. Pour changer la société, la lutte contre le gouvernement et l’État ne suffit pas. Les dés idéologiques sont jetés très tôt dans l’existence. La libération des enfants de l’éducation autoritaire est donc une étape indispensable vers un autre futur.

M.L. — Sur cette base, ton identité politique est donc antiautoritaire ?

Y.Y. — Oui. J’aime beaucoup les textes de Marx quant à son analyse du capitalisme, mais je suis convaincu avec Bakounine qu’il faut dissoudre l’État et basculer dans l’autogestion, car le pouvoir finit toujours par corrompre ceux qui le détiennent. Les travaux de Foucault sur la normalité, la surveillance, les prisons et la technologie m’ont également influencé. Tout ce qu’il a écrit se confirme : car chaque jour, nous cédons une partie de notre liberté à la technologie et nous acceptons de mettre notre vie quotidienne sous contrôle. Imaginons un instant si Hitler et sa Gestapo avaient disposé de pouvoirs technologiques de surveillance aussi sophistiqués : un cauchemar !

En France, je suis membre d’un groupe libertaire près de Toulouse, dans le département du Tarn, un groupe composite avec des membres venus de divers horizons, dont la plupart sont fédérés à la fédération anarchiste, Son nom, groupe ELAFF, signifie : écologistes, libertaires, antifascistes et féministes. Je fréquente aussi les mouvements libertaires catalans, en particulier à Barcelone.

M.L. — Tu as réalisé plusieurs films documentaires en Grèce. Cette activité a-t-elle une vocation historique, est-ce une sorte d’enregistrement de choses vues et vécues pour rétablir des faits historiques occultés ou déformés ?

Y.Y. — Depuis sept ans, j’ai réalisé trois documentaires : Ne vivons plus comme des esclaves, Je lutte donc je suis et L’Amour et la Révolution. Et j’ai commencé le tournage d’un quatrième. Je ne fais pas des films pour faire œuvre ou me faire connaître. Ce qui m’intéresse, c’est d’utiliser les outils de l’art pour bâtir de quoi comprendre et, peut-être, changer la société. Je me fiche de l’art pour l’art. Ce qui m’importe, c’est la vie elle-même. Nous pourrions aisément obtenir des subventions de l’État pour produire nos films, les uns après les autres, vu qu’ils ont toujours bien circulé dans les cinémas et qu’ils nous donnent donc le droit de le faire. Mais, avec mes proches, nous avons choisi de refuser toute collaboration avec l’État de même qu’avec les chaînes de télévision auxquelles nous avons systématiquement refusé les rares propositions de passer nos films. En agissant ainsi, nous nous rendons bien sûr la tâche plus difficile, mais nous restons authentiquement indépendants. Nous avons choisi, contre vents et marées, de rester modestes et à bonne distance du pouvoir et de la société spectaculaire. Nos films sont disponibles gratuitement sur Internet et tout le monde peut les voir et, par exemple, organiser des projections dans des lieux de luttes. C’est la même chose pour tous les livres que j’ai publiés. Je n’ai jamais utilisé le copyright, mais le creative commons, donnant la liberté de reproduire à des fins non commerciales. Je ne suis pas non plus rémunéré pour les films, uniquement défrayé. Mon travail professionnel est différent. Je travaille un peu partout pour des structures qui aident des groupes sociaux très vulnérables : sans-abris, prisonniers, élèves renvoyés de leur collège (dans le cadre d’ateliers relais), personnes souffrant de tendances suicidaires ou de dépendance à des drogues, et surtout je travaille dans des médiathèques et des écoles sous forme d’ateliers de philosophie qu’on appelle aussi goûters philo. Voilà pourquoi je ne veux pas gagner d’argent avec ce que je fais pour aider le mouvement. Mais je ne critique pas ceux qui se font payer ou reçoivent des subventions, c’est leur choix et souvent une nécessité. Je suis radical mais je ne veux pas être sectaire.

M.L. — Dans cette vie quotidienne partagée entre la France et la Grèce, tu soutiens beaucoup les squats de réfugiés. Qu’est-ce qu’ils représentent pour toi ?

Y.Y. — Je suis membre de l’assemblée du premier squat ouvert durant la crise des réfugiés, le Notara 26. Je le soutiens politiquement, financièrement et, bien sûr, en matière de communication. En effet, il y a un énorme fossé au niveau de l’information, car les médias du pouvoir déforment la vérité. Ils présentent une image d’Exarcheia qui se concentre uniquement sur la drogue et la mafia. Je ne dis pas qu’il n’y aucun problème à Exarcheia, le jeu obscur de l’État aux côtés de la mafia dans le quartier nous complique souvent la tâche, mais Exarcheia c’est beaucoup plus que tout ça. Les squats de réfugiés, par exemple, sont une grande cause, car ils montrent à la fois notre réponse immédiate à un besoin vital et la société solidaire que nous voulons construire tous ensemble. Lorsque vous ouvrez un squat pour accueillir des réfugiés, vous ne soulagez pas seulement des êtres humains en souffrance, vous apportez aussi un supplément d’égalité et de liberté dans cette société profondément injuste. La société que nous désirons ne peut pas être uniquement décrite dans des textes. Les gens sont fatigués des paroles non suivies d’actes. Nous devons montrer des exemples concrets de la société que nous désirons. Les squats de réfugiés en Grèce en sont un parfait exemple.

M.L. — Dans ce contexte, tu as été la principale personne qui a organisé des convois solidaires internationaux à destinations des structures autogérées en Grèce. Est-ce que ce fut l’une des expériences les plus intenses de ces quatre années ?

Y.Y. — J’ai noté tous les besoins dans les différents squats, dispensaires médicaux, cuisine sociale, etc., autant de lieux que je connais bien, parfois même en tant que membre, puis nous avons apporté, avec mes camarades de l’autre bout de l’Europe, de plus en plus de choses transmises par des personnes solidaires en France et dans d’autres pays alentours. Nous avons toujours pris soin d’amener uniquement des choses correspondant aux besoins précis des lieux, bien rangées dans chaque fourgon, et à ne jamais livrer du débarras. Ce point est très important. Nous agissons comme des égaux, des solidaires, respectueux de nos camarades grecs et réfugiés, et nous n’avons rien à voir avec des initiatives de charité. Je comprends, bien sûr, que chacun participe à sa manière et apprenne progressivement, mais le fond est aussi dans la forme. Nos convois, bâtis en grande partie sur les moyens de communication et financiers de nos films, sont politiques, solidaires, internationalistes.

Parmi ce que nous avons apporté, il y a du matériel médical, des couches pour bébés, ou encore du lait en poudre car les mamans allaitantes étaient épuisées par le long voyage, la peur et la violence, et n’avaient souvent plus de lait pour nourrir leurs enfants. Le premier grand convoi s’est déroulé en mars 2017 avec 26 fourgons en provenance de France, de Belgique, de Suisse et d’Espagne. Dès la première fois, les médias de masse ont beaucoup parlé de nous en diffusant toutes sortes de mensonges, par exemple que nous n’amenions que des choses pour les réfugiés et rien pour les grecs, alors que, outre les squats, nous avons toujours également soutenu les dispensaires médicaux autogérés, la cuisine sociale L’Autre Humain, divers groupes de résistance, des luttes environnementales et une bonne quinzaine de lieux autogérés hautement politiques, comme le K*Vox, Favela, Nosotros, Evangelismo ou Mikropolis. Les chaînes de télé ont également raconté que nous amenions des armes.

Nous avons toujours été au cœur d’une énorme désinformation à cause du danger que nous représentions dans l’imaginaire social. Durant le deuxième grand convoi, en novembre 2017, nous avons été arrêtés par la police au péage de Megara, entre Corinthe et Athènes. Les policiers ont demandé les pièces d’identité à tous les membres du convoi (sauf à moi), mais ils ne sont pas allés jusqu’à ouvrir les cartons. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils savaient très bien que nous ne transportions pas d’armes. Notre arme, c’est la solidarité. Ils n’ont pas ouvert le moindre carton, car sinon, ils auraient été contraints de cesser de nous calomnier et de nous harceler, notamment en nous suivant un peu partout avec des véhicules banalisés de façon très grossière. Au total, nous avons effectué 12 convois, dont 4 grands convois avec plus de 10 fourgons. À chacune de nos arrivées, une bonne moitié de mes compagnons de voyage ont, tôt ou tard, essuyé quelques larmes d’émotion. Ce sont des moments très intenses et inoubliables, de part et d’autre, qui nous rappellent que les frontières ne sont rien. Le pouvoir les utilise pour nous diviser et nous contrôler.

M.L. — Le nouveau gouvernement du parti Nouvelle Démocratie a annoncé une grande opération d’évacuation et de « nettoyage » à Exarcheia. Cette éventualité t’inquiète ?

Y.Y. — Nous allons être les témoins d’un véritable totalitarisme politique. Mais ce ne sera pas aussi facile que le pouvoir l’imagine. Le nouveau premier ministre grec est un descendant de la dynastie Mitsotakis et plusieurs membres de son gouvernement sont issus de l’extrême-droite. Ils ont promis de détruire tout ce qui faisait la substance et la réputation d’Exarcheia et vont tout faire pour y parvenir. Il y a une trentaine d’années, les flics avaient déjà occupé la place centrale du quartier durant des mois, avant de renoncer.

Depuis, les choses ont changé. Nous avons construit des relations internationales plus fortes que jamais, un puissant réseau de solidarité par-delà les frontières, des échanges d’informations rapides sur un plan horizontal, à l’écart des médias dominants et de leurs mensonges le plus souvent par omission, de fréquents convois et tournées dans un sens et dans l’autre pour mieux nous connaître et présenter ce que nous faisons. Nous sommes avons commencé à construire quelque chose ensemble. Quelque chose d’historique peut-être.

C’est pourquoi, si j’ai accepté pour la première fois de parler à un média de masse qui n’est ni autogéré ni membre de notre réseau, c’est parce que nous avons décidé d’interpeller la société, d’avancer d’un pas vers elle, de faire un effort d’ouverture en direction de gens qui, par exemple, ne nous lisent pas ailleurs. Qu’est-ce que nous voulons dire avec tout ça ? Qu’il y a un monde qui va réagir devant l’attaque et que « nous n’avons pas peur des ruines ». C’est le titre que nous avons choisi à l’unanimité pour le nouveau documentaire que je prépare avec mes compagnons d’Exarcheia et ailleurs en Grèce. Ce titre-slogan est tiré d’une phrase célèbre de Durruti. Pourquoi nous n’avons pas peur des ruines ? Tout simplement parce que c’est nous qui avons tout construit et que, si tout venait à être détruit, nous saurions tout reconstruire en mieux.

M.L. — Tu veux dire que la société capitaliste n’est pas la seule possible ?

Y.Y. — Le capitalisme prétend que l’Histoire est terminée. Autrement dit : chaussez vos pantoufles, asseyez-vous confortablement dans votre canapé, allumez la télévision, gavez vous de chips et soyez heureux que ce que vous voyez aux infos du JT ne vous arrive pas à vous, personnellement. Sauf que ça ne se passera pas comme ça. Rien n’est fini. Il existe des poches et des modèles proposant d’autres façons de vivre dans de multiples régions du monde, du Rojava au Chiapas. Le pouvoir sent de plus en plus qu’il y a quelque chose de puissant et d’insaisissable qui commence à se dessiner en face de lui, c’est pourquoi il se durcit et glisse un peu partout vers le fascisme. Le fascisme est le stade ultime du capitalisme quand il se sent menacé, quant ses illusions perdent en efficacité, quand il éprouve la nécessité de démasquer son vrai visage profondément autoritaire. Partout dans le monde, les pouvoirs se durcissent et le fascisme gagne du terrain. Au Brésil, aux États-Unis, en Hongrie, en Italie, dans trois ans en France…

Pourtant, comble de la réthorique des médias, c’est nous qui sommes traités d’extrémistes. En réalité, en réfléchissant un peu, en ouvrant les yeux sur les actes des uns et des autres, il est clair que ce qui est extrémiste c’est de détruire la Terre, saccager la vie et faire le malheur des gens. La liberté que le pouvoir propose est une liberté de pacotille. Être libre ne signifie pas choisir ce qu’on va acheter dans un rayon de supermarché, mais inventer sa vie, sans opprimer autrui ni détruire la nature, et contribuer réellement à la construction d’un espace commun de réflexion et d’action à commencer par l’entraide. Je ne parle pas seulement d’anarchie, je parle de respect, de dignité, d’humanité, d’amour de la vie et du droit irrépressible de choisir comment nous désirons traverser ce court moment qu’est l’existence.

M.L. — Il y a quelque temps, un groupe de fascistes t’a attaqué au Pirée. Veux-tu nous parler un peu de cette expérience et de l’empreinte qu’elle t’a laissée ?

Y.Y. — C’était il y a un mois. J’étais allé aider le centre social Favela qui avait déjà été la cible d’attaques fascistes par le passé. En sortant du lieu en portant un tee-shirt qu’on venait de m’offrir, j’ai vu quatre fascistes fondre sur moi. Trois ont tenté de me rouer de coups pendant que le quatrième surveillait la seule issue. Heureusement, j’ai tenu bon jusqu’à ce que des témoins arrivent et me viennent en aide. Cela m’est aussi arrivé en France, mais de façon un peu moins violente. Depuis deux ans, je suis également en procès avec les fascistes qui ont organisé l’opération Defend Europe à bord du navire C-Star pour tenter d’empêcher le sauvetage en mer des migrants. Ils n’ont pas supporté notre campagne antifasciste sur toutes les rives de la Méditerranée pour les empêcher d’arriver à leurs fins. D’échec en échec, notamment à Chypre puis en Crète, grâce à la mobilisation de mes camarades de Ierapetra et d’Héraklion, ils ont été forcés de rentrer chez eux en avion. Ensuite, ils m’ont presque aussitôt poursuivi devant les tribunaux parce que j’étais le seul membre visible du collectif Defend Mediterranea qui s’opposait à eux, étant donné que je publiais nos communiqués. L’affaire est en cours. J’attends une éventuelle cassation.

Qu’importe les attaques, les insultes, les menaces, les procès, et peut-être même la mort, s’ils mettent leurs menaces à exécution. Pour chacun d’entre nous, participer au mouvement social est un risque et je l’accepte. Après l’attaque des fascistes, j’ai répondu à mes camarades et amis venus me voir à l’hôpital puis dans mon lieu de convalescence à Exarcheia que j’allais bien et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Non seulement parce que nous avons librement choisi d’être des cibles potentielles, mais aussi parce qu’en ayant l’habitude d’aider des personnes affamées, malades, sans-papiers ou dormant dans la rue, nos problèmes à nous paraissent vraiment très petits par rapport aux leurs.

M.L. — Tu as des relations étroites avec Rouvikonas pour lequel tu as organisé des actions de soutien. Pourquoi penses-tu que ce groupe est décrit comme le mal absolu dans le discours dominant ?

Y.Y. — Rouvikonas a été diabolisé parce qu’il est la voie à suivre. Si des centaines, des milliers de Rouvikonas agissaient un peu partout, le pouvoir tremblerait sur son piédestal et finirait par tomber. Malgré la propagande immense contre ce groupe, en Grèce comme ailleurs, il y a beaucoup de gens et de collectifs qui aiment Rouvikonas et qui sont diversement inspirés par son action. Ces dernières années, les différentes formes de résistances en Grèce ont joué un rôle très important dans le développement d’un nouveau mouvement international anticapitaliste et, de plus en plus, antiautoritaire. Nous avons créé énormément de liens d’un bout à l’autre de la Grèce et de l’Europe, parfois même au-delà. Rouvikonas en est le parfait exemple. Avec sa façon particulière de remettre au goût du jour l’action directe, le groupe montre tout simplement que le pouvoir n’est pas invincible. En conséquence, il est constamment l’objet de poursuites et de l’ire des médias. D’un bout à l’autre du continent, nous sommes nombreux à le soutenir financièrement pour l’aider à couvrir ses frais de Justice. Nous avons récemment contribué au dépôt de garantie énorme exigé suite à l’attaque du parlement : 60 000 euros réunis en moins d’un mois pour empêcher l’emprisonnement de nos camarades.

Personne parmi nous ne rêve d’être un martyr. Personne ne veut aller en prison. Mais si l’État grec choisit d’envoyer des membres du Rouvikonas en prison, il en assumera les conséquences. Il montrera, une fois de plus, son vrai visage, en privant de liberté des personnes qui luttent contre les inégalités, les accidents du travail, la tyrannie des employeurs, les ventes aux enchères des logements des familles surendettées, les exploitations minières et pétrolières dévastatrices pour l’environnement et tant d’autres causes éminemment justes.

M.L. — Dernière question, quel est selon toi le dilemme de notre temps ?

Y.Y. — Utopie ou dystopie. Nous n’avons plus d’autres choix que l’utopie ou la dystopie dans l’impasse où nous nous trouvons. Et je suis convaincu que nous sommes capables de faire ce grand pas en avant : choisir l’utopie et vivre mieux. »

[Sur le site de Popaganda, l’entretien se termine avec les films Ne vivons plus comme des esclaves, Je lutte donc je suis et L’Amour et la Révolution, en version grecque, intégrés tour à tour dans la page]

Version grecque de l’entretien :
https://popaganda.gr/people/o-giannis-gioulountas-pistevi-oti-to-dilimma-tis-epochis-mas-ine-outopia-i-distopia-ki-epilegi-to-proto

Source http://blogyy.net/2019/07/25/un-entretien-pas-comme-les-autres/

Editeurs avec les sans-papiers de Chronopost

Nous, éditeurs et éditrices, sommes des usagers réguliers de la Poste, et notamment de Chronopost. Nous envoyons de nombreux livres par la voie postale. Depuis plusieurs années, nous avons constaté et subi la dégradation de la qualité de ce service public. Cette régression s’est notamment manifestée, et nous en sommes témoins, par la détérioration des conditions de travail des employé.es de tous les services de la Poste, ce qui a aussi pour conséquence de nuire à la qualité des services rendus.

Aujourd’hui, nous voyons que la Poste sous-traite une partie de ses activités à des entreprises qui « emploient » des sans-papiers, exploité.es et méprisé.es ; c’est une pratique courante, et l’État actionnaire principal de la Poste – couvre cette forme de travail indigne.

Nous nous rangeons résolument aux côtés des travailleurs et travailleuses sans papiers qui se battent pour leur régularisation. Ces travailleurs et travailleuses qui, tous les jours, transportent nos livres ont le droit à notre respect et à notre solidarité.

Nous exigeons que la Poste réinternalise toute la sous-traitance en son sein et qu’elle remplisse les documents de régularisation des travailleurs et travailleuses sans papiers.

Paris, le 31 mai 2019

Éditions Acratie

Éditions Alternative libertaire

Éditions Arcane 17

Éditions Atelier de création libertaire

Éditions Chant d’orties

Éditions de l’Asymétrie

Éditions Divergences

Éditions du Coquelicot

Éditions du Croquant

Éditions du Monde libertaire

Éditions du Sextant

Éditions Entremonde

Éditions La Brèche

Éditions La Découverte

Éditions La fabrique

Éditions Les Nuits rouges

Éditions Nada

Éditions Noir et Rouge

Éditions Recherches 36

Éditions Sociales

Éditions Syllepse

Éditions Syndicalistes

Source https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/06/01/editeurs-avec-les-sans-papiers-de-chronopost/

Grèce Le surendettement lié à la crise

Le surendettement lié à la crise – Profil type de l’emprunteur : employé, actif, avec un prêt pour une résidence principale

La Confédération Syndicale du Privé GSEE, avec l’Union des Consommateurs et Travailleurs de Grèce EEKE vient de publier une enquête révélatrice sur la gestion du surendettement des personnes physiques fondée sur les dizaines d’affaires défendues par le pouvoir judiciaire au cours des années de crise, s’appuyant sur des données de consommateur-débiteur instruites par E.E.K.E. en vue de régler leurs dettes au cours de la période 2009-2019.

Pour l’exportation de résultats statistiques, seules les données des débiteurs introduites par le dépôt d’une demande d’affiliation aux dispositions légales de la loi 3869/2010 (loi Katseli) ont été utilisées.
Le total des dettes d’emprunts non productifs des débiteurs qui ont demandé à bénéficier de la loi avec le soutien de l’EEKE. s’élève à 62 000 000 €.

Le profil type de l’emprunteur surendetté en ces temps de crise est un employé, en âge de travailler, qui dispose d’un prêt immobilier pour acquérir sa résidence principale, incapable de faire face à ses obligations et qui a fini par être incapable de rembourser ce prêt.

Un emprunteur sur trois a reçu des prêts d’un montant maximal de 50 000 € et un sur quatre, de 100 000 €.

Un exemple emblématique de l’irresponsabilité de la gestion du risque de crédit par les banques, une banque a accordé à la même personne 9 prêts au logement et à une autre personne, 11 autres prêts professionnels.

Voici les points clés de l’étude :

1. Le profil des Emprunteurs de Prêts non productifs :
La plus grande proportion des débiteurs ayant connu des problèmes de remboursement de prêt sont en âge de travailler économiquement (61,72% ont entre 40 et 59 ans).
Dans la plupart des cas, les débiteurs ayant des problèmes de surendettement ont un emploi 38,36%, sont des chômeurs 35,84% et des retraités 17,38%, ce qui témoigne de la détresse économique causée par les réductions successives des salaires et des retraites.
71,20% des débiteurs sont propriétaires d’une résidence principale sans aucun actif supplémentaire. Seulement 15,92% des débiteurs ont des actifs autres que la résidence principale, le plus souvent des parcelles.
73,85% des emprunteurs sont des propriétaires dont la valeur objective n’excède pas 100 000 €. Seuls 2,49% des débiteurs ont une résidence principale supérieure à 250 000 euros.
Le revenu annuel moyen des débiteurs en 2008, au début de la crise et lorsque les effets n’étaient pas encore particulièrement ressentis, était de 28 418 €. En 2017, le revenu annuel moyen le plus faible est de 7 956 €, soit une diminution de 20 462 € sur 10 ans. Compte tenu de ce qui précède, on peut parler de « pauvreté » de la population du pays.

2. Description des Prêts non productifs :
En ce qui concerne le montant de leur dette, 35,6% des emprunteurs ont reçu des emprunts allant jusqu’à 50 000 €, contre 24,33% à 100 000 €, ce qui indique que les emprunteurs n’ont pas bénéficié d’emprunts excessifs visant des conditions de vie luxueuses.

En étudiant les produits de prêt, les prêts privilégiés ont été accordés à 62% des emprunteurs, suivis du consommateur avec un taux nettement inférieur de 24,98%. En fin de compte, les emprunteurs souhaitaient faciliter leur vie quotidienne et la sécurité élémentaire de leur famille.

En examinant la tactique des banques, il est conclu que la moitié des prêts ont été accordés par deux établissements de crédit seulement. Par exemple, un établissement de crédit a consenti 9 prêts au logement au même consommateur et à une autre personne, 11 prêts professionnels, ce qui soulève des doutes quant à la gestion responsable du risque de crédit par les banques.

3. Corrélation des prêts et des emprunteurs :
35,07% des débiteurs sont des emprunteurs qui, au moment de saisir la Cour, étaient au chômage, incapables de trouver du travail, avec une dette totale de 21 637 406,95 €, suivis des employés du secteur privé (27,38%) avec une dette de 16 890 776,16 €.

Ce sont des prêts professionnels et des prêts aux entreprises d’un montant total de 86 297,29 EUR qu’ont touché la majorité d’entre eux – au moment de la demande – sans emploi.

La valeur moyenne des cartes de crédit détenues par les emprunteurs s’élève à 3 608 euros, les prêts à la consommation reçus à 14 704 euros et les emprunts hypothécaires à 62 404 euros.

Le montant le plus important de prêts (65,12%), d’une valeur totale de 40 178 402,60 €, a été mis à la disposition des emprunteurs mariés.

4. Le processus judiciaire des réclamations :
Le délai d’attente des débiteurs qui n’ont pas encore été jugés à compter de la date du dépôt de la demande jusqu’à la date de l’affaire devant la Cour varie de 212 à 2 127 jours. Ainsi, le requérant devra attendre 49 mois en moyenne pour que sa cause soit entendue.

Le délai d’attente des débiteurs qui ont été finalisés à compter de la date de dépôt de la demande jusqu’à la décision finale est compris entre 336 et 1 942 jours. Le demandeur devrait donc attendre 38 mois en moyenne pour avoir sa décision, demeurant dans l’incertitude pendant toute cette période.

5. La présentation des résultats des décisions judiciaires définitives :
Sur le total des dettes gérées par EEKE, 67,75% ont réussi à être effacées et 32,25% à être ajustées.

Le montant ainsi réglé sera remboursé – en moyenne – sur 169 mensualités, soit 14 ans, donnant une profonde respiration aux concitoyens qui souffrent des politiques énoncées dans les mémorandums.

Le risque de confiscation et de mise aux enchères de la résidence principale et des biens de bon nombre des concitoyens sans aucun cadre de protection efficace demeure une conséquence dévastatrice du profond ralentissement économique et, en même temps, du problème le plus grave de la société grecque qui appelle une résolution directe, au principe constitutionnellement consacré de l’État providence.

CK

La Grèce va mieux… infox !

La Grèce va mieux… infox !

A Nîmes ils vont en parler avec E Toussaint mardi 4 juin 19h Maison du protestantisme, rue C.Brousson

Historien et docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris 8, porte-parole du CADTM international (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes). Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont le plus récent Le système dette (Éditions LLL).

Il a notamment coordonné les travaux de la Commission pour la vérité sur la dette publique de la Grèce, créée en 2015 par la présidente du Parlement grec.

Source http://www.cadtm.org/La-Grece-va-mieux-infox

 


Mémoire d’Athènes La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Mémoire d’Athènes

Matinales athéniennes, moments furtifs. Nos vielles peluches sont parfois de la partie, tout comme nos touristes ou nos politiciens du mois de mai. Sous un soleil de plomb devant la tombe du Soldat Inconnu, on commémore la bataille de Crète, rapide évocation de l’invasion allemande de bien triste mémoire, c’était en mai 1941. Soleil imparable d’Attique, et qui lave même les réalités, celles de la ville, les nôtres, et peut-être bien autant celles de l’histoire.

Touristes en fin de matinée. Athènes, mai 2019

Réalités donc, de la ville et alors les nôtres. Dans le désordre, immeubles à vendre, maisons déjà acquises, agences immobilières faisant la promotion du visa accordé aux acquéreurs étrangers comme aux autres, parfois blanchisseurs criminels financiers du dit vaste monde. Civilisation en fonds perdus. Et on n’aurait pas pour l’instant touché le fond, paraît-il.

Dans la foulée, les Grecs s’empressent devant les tribunaux compétents… pour notifier leur refus d’hériter les biens immobiliers de leurs aïeux. Paupérisés, ils ne peuvent plus faire face aux impôts, aux taxes et encore moins aux frais qui en découlent. Dans certaines régions, rien qu’en quatre mois, les déclarations sur l’année 2019 en cours, excèdent alors en nombre, celles enregistrées sur l’ensemble de l’année 2018, presse grecque du 13 mai 2019. Soleil… ainsi imparable de la Grèce.

Ensuite, il y a toute cette actualité en fausses nouvelles, fabriquée par les médias et par les politiciens quant à la prétendue reprise de l’économie grecque. Actualité qui relève de plus en plus d’un autre système solaire, voire, plutôt lunaire. La semaine dernière, le salopard (politique) Aléxis Tsípras a même annoncé tout une série de fausses mesures, qui plus est, présentées comme populaires, à savoir et essentiellement, une certaine baisse de la TVA de manière sélective, doublée d’un “cadeau” de 300€ à 500€ par an au bénéfice des retraités, ceci bien entendu, à quelques jours du pseudo-scrutin européiste du 26 mai. Civilisation en fonds perdus.

Peluches. Athènes, mai 2019
De la prédation… immobilière. Athènes, mai 2019
Saisies et liquidations. De la prédation… immobilière. Athènes, mai 2019

Dans les rues d’Athènes, de nombreux immeubles, même ceux en bien piètre état sont à vendre. D’autres encore, alors bâtiments d’habitation élevés dans les années 1950 à 1970 ayant signifié non sans une certaine fierté l’accession à la propriété pour la classe moyenne naissante, eh bien, ils se transforment en petits hôtels, ou en… continuums d’Airbnb. Le… polype Airbnb se repend-il ainsi partout, méta-capitalisme ainsi usurier et d’abord usurpateur.

“Quelle résistance les habitants de la capitale ont-ils eue pour sinon, protéger leur mode de vie et leurs biens ?” La question n’est pas rhétorique, elle est même désormais posée par certains éditorialistes de la pesse, cette semaine par exemple.

Et la réponse qui suit, n’a rien de rhétorique non plus. “À l’occasion des élections municipales, quelques réflexions me sont venues au sujet de l’abandon du centre-ville d’Athènes et de certains des quartiers historiques qui l’entourent. Ces réflexions, elles ont ainsi été provoquées bien sûr au contact des brochures luxueuses, préélectorales et élégantes des candidats, ainsi que des programmes des candidats aux fonctions de maire. Je dirais que leur lecture, laisse plutôt un fort sentiment d’appartenance à… bien d’autres villes, comme à d’autres problèmes que ceux d’Athènes.”

“Athènes est une ville en grande partie inconnue pour tous ceux qui décident d’en parler de la sorte. Le manque de présence des résidents est visible à l’œil nu, car ses rues sont à moitié vides, sans voitures, et de nombreux immeubles restent sans lumière la nuit. La fréquentation des squares, des enfants qui jouent comme tant d’autres activités urbaines connexes, c’est alors ce… conglomérat historique, que les Grecs actuels ne perçoivent aujourd’hui qu’uniquement et pareillement à une filmographie documentaire, à travers notamment les films en noir et blanc du vieux cinéma grec.”

Immeuble à vendre. Athènes, mai 2019
Immeuble vendu et transformé en hôtel. Athènes, mai 2019
Maison vendue et restaurée. Athènes, quartier de l’Acropole, mai 2019

“Certes, il y a ces reportages faussant les réalités, et en ce moment ils sont pléthore. Ils font état de la prétendue ‘Renaissance du centre-ville’, de ‘nouveaux lieux de rencontre pour les jeunes’, de ‘promenades dominicales sous l’ombre du Parthénon’, de ‘visites accrues des sites archéologiques et des musées’, de sorte que l’on se dit que la ville est alors habitée par des étudiants en Lettres. Le tout, essayant de nous convaincre des effets d’une cosmogonie actuelle et imminente. Grâce à elle, le centre historique de la ville ira bientôt renaître. Hélas, la vérité se situe alors très loin. Et la vérité, c’est qu’Athènes se périt sous l’effet d’un voile de silence assourdissant, semblable à celui accompagnant alors la nécrose de tout organisme vivant. Et nous allons bientôt découvrir quels sont donc les… initiateurs d’une telle nécrose.”

“Je me demande pourquoi les Grecs sont-ils partis. Comment sinon peut-on expliquer autrement, tant de maisons fermées, mais aussi tant d’autres, mises à la disposition des nouveaux habitants du centre, en particulier les migrants Considérons bien entendu que leurs conditions de vie évoluaient vers le pire pour les Grecs. Quelle résistance ces habitants ont-ils eue pourtant pour protéger leur mode de vie et leurs biens? Qu’ont-ils fait sinon pour les soutenir, leurs représentants élus au niveau local, puis l’État, ou encore les organismes régionaux compétents, voire, même les médias ?”

Grecs et… rescapés de leur quartier. Athènes, mai 2019
Prospectus d’un candidat au Conseil municipal. Athènes, mai 2019

“Comment se fait-il alors que dans ces quartiers, des Grecs, ils subsistent seulement les personnes âgées et en détresse ? Et que peut-il signifier toute cette mutation pour le psychisme de ceux ayant déménagé ? Il y a aussi en cette situation quelque chose de cruel ou d’inhumain. Comment leurs habitudes quotidiennes ont-elles été affectées dans leurs nouveaux quartiers ? Puis, pour tous ces anciens quartiers vivants de la ville, n’est-il peut-être gênant que de ne plus voir un seul kiosque, si ce n’est que tous les deux kilomètres, ni même un seul passant ?”

“Comment sinon vivre et travailler, quand on est dépossédé des représentations acquises dès le plus jeune âge dans son quartier, sans pour autant pouvoir les remplacer par de nouvelles?”, quotidien “Dimokratía” du 12 mai.

Meeting pour les élections locales et régionales. Athènes, mai 2019

Les temps courent… les peuples s’enlisent. Notre actualité en fausses nouvelles, fabriquée et mal ficelée par les médias et par les politiciens quant à la prétendue reprise de l’économie grecque, Aléxis Tsípras et ses fausses mesures comprises, ne parviendra plus à ôter l’amertume, voire, le poison qui se repend partout entre vie prétendument publique ou encore supposée privée.

Place Sýntagma, c’est-à-dire, de la “Constitution”, mille fois violée et bafouée, le “parti politique” d’Aléxis Tsípras a osé installer son stand, de même que celui de son candidat pour la ville d’Athènes. “L’heure est venue, celle du plus grand nombre, et nous avons la force pour”, peut-on lire, slogan Syrizíste, mensonge à répétition, hybris et surtout dégoût.

Trois cent mètres plus loin seulement, les Athéniens forcément anonymes se recueilleront toujours devant les lieux de mémoire que constitue le bâtiment situé au 23 de la rue Stadíou. Ces anonymes en ont fait depuis 2010, un authentique lieu de mémoire, jamais officialisé bien entendu par le pouvoir. Ils y déposèrent leurs messages, leurs fleurs, leurs dessins, en somme, toute leur douleur et autant indignation. Même si depuis 2017, le bâtiment avait été refait… pour accueillir désormais… la boutique d’une enseigne… mondialisatrice, spécialisée dans la commercialisation des articles de sport. Et trois cent mètres encore plus loin, des retraités de la Banque Nationale de Grèce, banque qui n’est ni nationale ni de Grèce actuellement, manifestent-ils dans le désespoir devant il faut dire, l’énième diminution de leur pensions. L’heure est venue, celle du plus grand nombre bien entendu.

L’heure est venue. Slogan et mensonge Syrizíste. Athènes, mai 2019
Lieu de mémoire. Au 23 de la rue Stadíou. Athènes, mai 2019
Retraités de la Banque Nationale et manifestants. Athènes, mai 2019

C’était alors le 5 mai 2010, l’incendie criminel de cette succursale de la banque chypriote Marfin, rue du Stade, à Athènes, faisant trois morts, dont une femme enceinte. Ces décès suscitent aussitôt une vague d’indignation dans tout le pays. En juillet 2013, trois responsables de la banque Marfin sont condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis pour négligence et homicide involontaire. Les auteurs directs des faits sont restés impunis, des témoins ont été menacés, l’affaire a été en somme étouffée. Depuis, une certaine vie a pu reprendre comme toujours, on anime de débats littéraires dans le même quartier, comme on distribue des tracts au sujet des élections dites “européennes” : “L’Union européenne, Paradis ou alors Enfer ?” Bonne blague.

C’était donc ce 5 mai alors maudit de 2010. La rue Stadíou était remplie de gens qui manifestaient dans l’une des plus importantes manifestations dans la capitale, contre l’adoption imminente du premier protocole signé entre la Troïka et le “gouvernement” Papandréou. Soudain, de cette foule, se détache un groupe de douze personnes cagoulées qui se dirigent vers la librairie “Ianos” et vers l’agence de la banque “Marfin Bank”. Ces individus cagoulés brisent alors les fenêtres et lancent à l’intérieur de nombreux cocktails Molotov.

Chez Marfin, huit employés de la banque resteront piégés à l’intérieur qui est ravagé par le feu et où une épaisse fumée rend l’air irrespirable, puisque la seule issue de sortie restera verrouillée, d’autres issues possibles, tout comme l’arrivé des secours ont été entravées par des “manifestants”. Des employés joignent leurs proches par téléphone… pour leur dire adieu, tandis que d’autres, ils essaient de repérer une fenêtre pour sauter si possible du côté de la rue. Cinq employés ont été sauvés par les pompiers, mais pas tous. Trois jeunes employés et un enfant qui n’était pas encore né ont-ils trouvé la mort: Épaminondas Tsakális (36 ans), Paraskeví Zoúlia (35 ans) et Angelikí Papathanassopoúlou (32 ans), enceinte.

J’y étais presque au moment des faits, je me trouvais de l’autre flanc de la manifestation, à trois cent mètres de la rue Stadíou. La nouvelle a été aussitôt diffusée très rapidement entre nous. Nos cœurs, nos réactions, ont été figés, et ce fut le premier des chocs apportés à la Résistance des Grecs contre le nouveau Régime de la Troïka. Hystérie imposée, collective… comme collectée. De même que bien plus tard, lors de l’incendie volontaire ayant causé plus de 100 morts à Mati près d’Athènes en juillet 2018, le trauma est immense, les politiciens dont surtout Tsípras ont sciemment menti dès le soir du crime quant aux morts déjà connus mais occultés par les médias, rien pour permettre à Tsípras tout un show télévisé, macabre et ignoble.

L’Union européenne, Paradis ou Enfer ? Athènes, mai 2019
Débat littéraire. Athènes, mai 2019
Petit… commerce. Athènes, mai 2019
Au sujet du crime perpétué à Mati. Athènes, mai 2019

Athènes, quelque part déjà… ville morte. Et elle est morte, parce que la seule activité qui se développe actuellement dans la plus grande partie de son centre, à part le tourisme, a trait à une illégalité et criminalité alors incontrôlables. Le tout, sous une misère galopante et qui se nourrit des vagues gonflées de tant de naufrages humains, désormais marginaux et antisociaux bien entendu.

Des quartiers, qui récemment encore étaient vivants, ils ont à leur tour sombré, et ils se sont transformés en baraquements, zones de guérilla urbaine, ou sinon, en cimetières du petit commerce. Même non loin de la place Kolonáki, quartier historiquement bourgeois d’Athènes, c’est plutôt la tristesse qui prévaut. Graffitis, volets fermés, magasins murés, saleté, abandon. Et on a parfois du mal à cheminer dans une telle ville. En fait, Athènes se compose désormais d’îlots scindées, où seulement on se sent parfois autorisé à se déplacer et encore.

Athènes-centre, souvent limitée à sa zone piétonne et touristique sous l’Acropole, et tout le reste de sa destinée humaine, demeurant plutôt dans une zone crépusculaire. Airbnb achèvera le processus alors comme ailleurs, en Europe et dans le monde, réalités donc, celles de la ville et ainsi les nôtres. “Le tourisme a besoin de toi”, comme le fait-elle remarquer cette affiche issue des syndicats des travailleurs dans le domaine du tourisme pour dénoncer le travail dur et mal payé.

La bataille de Crète commémorée. Athènes, mai 2019
Le tourisme a besoin de toi. Athènes, mai 2019
Matinales athéniennes, moments furtifs, animaux adespotes. Athènes, mai 2019

Sous un soleil de plomb devant la tombe du Soldat Inconnu, on a commémoré la bataille de Crète, rapide évocation de l’invasion allemande de bien triste mémoire, c’était en ce lointain mai 1941. Mémoire aussi d’Athènes en quelque sorte.

Nos vielles peluches sont parfois de la partie, tout comme nos touristes ou nos politiciens du mois de mai. Matinales athéniennes, moments furtifs, animaux adespotes. Civilisation humaine !

Animal adespote. Athènes, mai 2019

* Photo de couverture: La bataille de Crète commemorée. Athènes, mai 2019

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