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Des conséquences de la coordination du sauvetage en mer confiée à la Libye.

Le manque de coordination dans la région de recherche et de sauvetage libyenne, dans les eaux internationales, dure depuis un an et demi maintenant, soit depuis que la responsabilité a été confiée aux autorités maritimes libyennes .

DÉCLARATION de SOS MEDITERRANEE :   « Il est inacceptable de n’avoir pas pu compter, cette fois encore, sur un centre de coordination de sauvetage efficace »

Nicola Stalla, coordinateur des sauvetages à bord de l’Ocean Viking, commente le sauvetage de ce vendredi 20 décembre, au cours duquel 112 personnes ont été mises en sécurité à bord de l’Ocean Viking dans le cadre d’une opération qui s’est avérée difficile.

« Au petit matin, d’abord dans l’obscurité la plus totale, une opération de sauvetage difficile a été menée par l’Ocean Viking à environ 35 milles nautiques des côtes libyennes. Après avoir reçu une alerte à l’effet qu’une embarcation se trouvait en détresse dans le secteur, notre navire s’est dirigé à toute vitesse dans sa direction pour s’enquérir de la situation. Environ une heure et demie plus tard, nous avons finalement repéré un bateau pneumatique blanc. Il était vraiment surchargé et l’avant était complètement dégonflé.

L’Ocean Viking a immédiatement essayé de contacter le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (JRCC) libyen afin de les informer de l’urgence de la situation et d’obtenir des instructions. Bien qu’il ait également reçu ce même message de détresse, le JRCC n’a cependant pas partagé l’information avec tous les navires dans la zone, comme le prévoient les conventions maritimes. En outre, sur les huit appels que nous avons adressés au JRCC libyen, sept sont restés sans réponse. Un seul de nos appels a reçu une réponse, mais aucune personne ne parlant anglais n’a été en mesure de coordonner cette opération de sauvetage, pourtant urgente.  

Conformément au droit maritime international, l’Ocean Viking a alors informé le JRCC libyen par courrier électronique que ses équipes allaient procéder au sauvetage, en mettant en copie les MRCC maltais et italien ainsi que EUNAVFORMED.

L’opération s’est avérée particulièrement difficile pour l’équipe de marins-sauveteurs de SOS MEDITERRANEE. Manœuvrant dans l’obscurité totale, nous avons dû agir rapidement et anticiper un scénario où le bateau pneumatique, surchargé et partiellement dégonflé, risquait de se détériorer davantage. Nous avons donc déployé deux rafts et utilisé l’un d’entre eux pour y transférer une partie des occupants du bateau en détresse afin de le délester. Dans le cas où la situation serait devenue critique, nous avions aussi positionné un second raft.

Les équipes de sauvetage pouvaient entendre les pleurs des bébés. La plupart des naufragés étaient très agités. Heureusement, les sauveteurs ont réussi à les calmer et personne n’est tombé à l’eau. Enfin, toutes les personnes en détresse ont été ramenées en toute sécurité à bord de l’Ocean Viking.

Notre navire compte donc désormais 112 rescapés à son bord. Parmi eux, on compte 24 femmes dont trois enceintes et sept bébés. Le plus jeune n’a que trois mois. Pas moins de 27% des personnes secourues sont des mineurs non accompagnés. D’après les premiers témoignages que nous avons pu recueillir, le bateau avait quitté Zawiyah, en Libye, en fin de soirée hier.

Les conditions météorologiques, qui étaient assez calmes ce matin, se sont ensuite rapidement détériorées. Si nous n’avions pas été présents dans le secteur et que nous n’avions pas réussi à localiser le bateau en détresse, tous ces hommes, ces femmes et ces enfants étaient voués à un naufrage certain en raison de cette météo épouvantable.

Nous le répétons : il est inacceptable de n’avoir pas pu compter, cette fois encore, sur un centre de coordination de sauvetage efficace pour nous guider durant cette opération de secours délicate. Le manque de coordination dans la région de recherche et de sauvetage libyenne, dans les eaux internationales, dure depuis un an et demi maintenant, soit depuis que la responsabilité a été confiée aux autorités maritimes libyennes. Une solution pour restaurer la coordination adéquate des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale doit être trouvée sans tarder, incluant un mécanisme stable et systématique de débarquement des rescapés.

A 14 heures cet après-midi, nous avons demandé un lieu sûr pour débarquer les naufragés au JRCC libyen, avec copie aux MRCC maltais et italiens. Notre État du pavillon en a également été informé. Comme le prescrit le droit maritime, toutes les personnes secourues doivent être débarquées en lieu sûr dès que possible.

Source http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/declaration-20122019

Pour soutenir SOS et sauver des vies http://www.sosmediterranee.fr/

Enfants réfugiés en Grèce

Des personnes réfugiées près du camp de Moria, en Grèce, le 29 novembre 2019 (ARIS MESSINIS / AFP)

Réfugiés en Grèce : “Les enfants ont le regard de ceux qui ont perdu tout intérêt pour la vie”

Médecins sans frontières (MSF) alerte depuis des années sur les conditions de vies inhumaines dans les camps de réfugié.e.s des îles grecques. Enfants aux pensées suicidaires, politiques européennes délétères… Le président international de l’ONG, le docteur Christos Christou, revient pour “Les Inrocks” sur cette situation, tout en enjoignant l’UE d’agir.

A priori, il n’y a pas plus oxymorique que les mots “enfant” et “suicide”. Et pourtant, d’après le témoignage du président international de Médecins sans frontières (MSF) Christos Christou, sur les îles grecques, des petits garçons et des petites filles réfugié.e.s sont de nos jours confronté.e.s à des pensées suicidaires – trois enfants ont même tenté de mettre fin à leurs jours cet été d’après l’ONG. En cause : les conditions de vie inhumaines sur les camps installés sur les îles de Lesbos ou encore de Samos, où, selon MSF, près de 40 000 personnes vivent. En effet, la Grèce est redevenue, depuis 2019, le pays par où arrivent le plus de migrants tentant de se réfugier dans d’autres pays européens.

Si les autorités grecques ont annoncé mi-novembre qu’elles comptaient évacuer d’ici la fin 2019 les trois camps les plus surpeuplés en les remplaçant par des structures fermées, Christos Christou, chirurgien de profession, appelle de son côté à une “évacuation immédiate” de ces endroits dont il est revenu “profondément choqué”. Mineur.e.s s’auto-mutilant, crise humanitaire, “faillite collective des états européens”… Dans un entretien aux Inrocks, le docteur Christou fait le point sur la situation tout en appelant l’Union européenne a, enfin, “traiter ces personnes comme des humains plutôt que comme un fardeau”.

Dans une lettre ouverte aux dirigeants européens, vous écrivez avoir été “choqué” par ce que vous avez vu lors de votre séjour sur les îles grecques. Pourquoi ?

Christos Christou – Quand j’ai visité les îles grecques de Lesbos et Samos, j’ai été profondément choqué de constater l’étendue de l’urgence sur place, sans compter les témoignages livrés par mes collègues. C’est la raison principale pour laquelle j’ai souhaité envoyer cette lettre aux dirigeants européens.

Au-delà des conditions de vie inhumaines dans lesquelles 40 000 personnes vivent, et l’état d’urgence chronique auquel elles sont confrontées, j’ai été également choqué de voir notre staff médical se sentir si impuissant. Chaque membre de nos équipes ressent de la frustration mais aussi du désespoir : ils et elles doivent soigner des patients atteints de maladies physiques ou psychologiques complexes, mais, au lieu de les orienter vers des centres spécialisés afin que ces personnes puissent recevoir les soins adéquats, ils et elles n’ont d’autre choix que de les raccompagner dans leurs tentes en plastique, sous les arbres.

Ce que j’ai vu est comparable à ce que MSF constate ailleurs dans le monde dans des zones de guerre, ou après des catastrophes naturelles. C’est inacceptable de voir de telles conditions de vie en Europe, un continent censé être sûr. Et c’est par ailleurs scandaleux de réaliser que tout cela est le résultat de choix politiques délibérés.

Quelle est la situation des personnes réfugiées actuellement en Grèce ? Particulièrement pour les enfants ? Dans votre lettre, vous évoquez des cas d’auto-mutilation ou des pensées suicidaires chez des jeunes garçons et filles, quand vos collègues basés sur place, eux, évoquent même des tentatives de suicide…

C’est très difficile de trouver les mots pour décrire la situation. Dans certaines sections du centre d’accueil pour réfugiés du camp de Moria (Lesbos), il y a par exemple une latrine pour 200 personnes. Sur l’île de Samos, c’est une pour 300 personnes, alors que les standards internationaux du HCR prévoient une latrine pour 20 personnes. A Samos, certaines personnes n’ont même pas accès à suffisamment d’eau potable, MSF a donc dû installer un système de camions citernes – soit des dispositifs que nous mettons habituellement en place dans les pays en voie de développement, lors de graves situations d’urgence.

J’ai eu l’occasion de visiter une tente utilisée pour les personnes en attente d’enregistrement dans le camp de Moria. Plus de 50 personnes dormaient là, à même le sol, sur des cartons, sans même que les femmes et les hommes n’aient leurs espaces propres. La majorité de nos patients vivent dans ce camp depuis plusieurs mois, voire depuis plus d’un an et demi pour certains. A Samos, j’ai rencontré des personnes qui vivent depuis trois ans sous des bâches en plastique.

Concernant les enfants, nos équipes sont les témoins des dommages de long terme qui leur sont infligés. Un des psychologues m’a parlé d’un garçon de 12 ans qui, ayant perdu toute forme d’espoir, avait commencé à se couper le visage avec un couteau : à travers ces souffrances auto-infligées, il essayait de trouver un sens à sa situation, qui n’en a justement aucun. Ce n’est qu’un exemple parmi les nombreuses situations désespérées d’enfants, qui en viennent à s’automutiler ou à avoir des pensées suicidaires.

En tant que chirurgien impliqué auprès de MSF, je me suis rendu dans des pays marqués par des conflits, et j’ai déjà été exposé à de nombreuses situations très dangereuses. J’ai été confronté à énormément de souffrance humaine. Et le plus difficile est toujours de regarder les yeux des petits enfants. Dans leur regard, vous pouvez voir la peur, la souffrance, ou encore le dénuement. Mais ce que j’ai vu en Grèce est pire : chez les enfants, là-bas, j’ai vu des regards vides. Le regard d’enfants qui ont perdu tout intérêt pour la vie, un regard sans espoir. Ce qui me rend dingue, c’est que ces enfants ont fui des zones de guerre, mais que c’est en Europe qu’ils ont perdu leur enfance.

Selon l’UNICEF, 23 000 enfants (réfugiés ou demandeurs d’asile) sont arrivés en Grève, en Italie et en Espagne en 2018. Et selon la Convention internationale des droits de l’enfant, tout enfant a le droit à une protection jusqu’à sa majorité. En Grèce actuellement, c’est donc loin d’être le cas…

Les enfants demandeurs d’asile qui arrivent en Grèce sont confrontés à un système de négligence, qui ne leur garantit ni un endroit sûr pour dormir, ni de la nourriture, ni un accès aux services médicaux. En tant que docteur, c’est de ma responsabilité de protéger les enfants abusés ou maltraités, de même que de rapporter de telles situations. Cependant, pour de nombreux enfants à Athènes, mais aussi pour ceux retenus sur les îles grecques, le système étant censé les protéger les met plutôt en danger.

Le camp de Moria est d’après MSF particulièrement problématique, avec un taux de surpopulation extrêmement élevé [environ 13 000 personnes pour une capacité de 3 000 places, ndlr]. Sur votre site web, il est écrit ceci : “En créant une nouvelle crise humanitaire, en Grèce cette fois-ci, il semblerait que l’Europe essaie de décourager les arrivées dans le pays.” Que voulez-vous dire par là ?

Depuis des années, les équipes de MSF traitent les conséquences extrêmement néfastes de cette situation, où la santé des personnes les plus vulnérables est affectée par les politiques européennes, sans aucune considération pour leurs besoins. Nous sommes obligés de faire le travail que les autorités européennes, et particulièrement grecques, refusent tout simplement de faire.

Plutôt que de s’occuper de ces énormes besoins en termes médicaux, hommes, femmes et enfants sont de plus en plus confrontés à des murs, que ce soit pour accéder à des services médicaux ou à des médicaments basiques. Ils et elles demandent l’asile, mais se retrouvent finalement coincé.e.s dans un labyrinthe fait de restrictions légales toujours plus importantes, sans compter les obstacles liés à l’argent, le langage ou la culture. Les autorités grecques et européennes devraient mettre ces besoins au coeur même de leur agenda politique, plutôt que d’essayer de trouver tous les moyens possible pour réduire la protection de ces personnes et les renvoyer d’où elles viennent.

Que demandez-vous à l’Union européenne ? Vous dénoncez notamment l’accord controversé passé entre l’Union européenne et la Turquie en 2016 [lequel prévoit qu’en échange du renvoi d’un migrant arrivant en Grèce depuis la Turquie, un autre migrant basé en Turquie soit envoyé dans un pays de l’UE, ndlr]

En 2016, MSF avait déjà alerté sur le fait que l’accord entre l’Union européenne et la Turquie allait avoir de graves conséquences humanitaires, tout en mettant le statut de réfugié ou de demandeur d’asile en grand danger. A l’époque, en guise de protestation, nous avions même refusé des financements européens. Malheureusement, nos peurs sont devenues réalité.

Ce qui se passe en Grèce est le symbole d’une faillite collective des états européens concernant l’accueil de demandeurs d’asile sur le continent. Nous avons demandé à la nouvelle Commission européenne de reconnaître le caractère nuisible et attentatoire des politiques visant à tenir ces personnes éloignées. Nous avons demandé à l’Union européenne et au gouvernement grec d’évacuer immédiatement les îles grecques, en apportant aux personnes concernées un logement sûr sur le continent, et en augmentant la solidarité des autres Etats européens, de façon à ce qu’ils accueillent plus de personnes [jeudi 12 décembre, après cette interview, la France a annoncé l’accueil prochain de 400 demandeurs d’asile, ndlr].

Ce n’est pas en niant le problème et en essayant de dissuader par tous les moyens les réfugiés et demandeurs d’asile de venir que se réglera l’enjeu actuel du déplacement de populations. C’est complètement irréaliste, tout en menant à des politiques et des mesures inhumaines. Nous demandons donc aux dirigeants européens de changer de paradigme, de changer complètement leur approche globale concernant les migrations. Ils doivent cesser de traiter ces gens comme des envahisseurs, comme une menace, un problème à régler, un fardeau à porter. Ils doivent enfin commencer à les traiter comme des humains : hommes, femmes, enfants, qui doivent pouvoir recevoir assistance et protection. Le tout en respectant leur dignité, comme n’importe quel être humain.

Propos recueillis par Amélie Quentel

Source https://www.lesinrocks.com/2019/12/13/actualite/monde/refugies-en-grece-les-enfants-ont-le-regard-de-ceux-qui-ont-perdu-tout-interet-pour-la-vie/

Avocats exclus des auditions en zone d’attente

« Longue vie à l’arbitraire ! » Les avocats exclus des auditions en zone (…)

Par une décision du 6 décembre, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître le droit d’être assistées d’un avocat aux personnes étrangères qui font l’objet d’auditions par la police à leur arrivée aux frontières. Encore une preuve du régime dérogatoire réservé aux personnes étrangères aux frontières !

Saisi par une ressortissante nicaraguayenne qui avait subi ces auditions et par nos organisations, le Conseil constitutionnel n’a pas saisi l’opportunité qui lui était ainsi donnée de consacrer l’application du principe fondamental des droits de la défense pendant les auditions de personnes étrangères précédant ou suivant la notification d’une décision de refus d’entrée sur le territoire et de maintien en zone d’attente.

En déclarant les articles L.213-2 et L.221-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile conformes à la Constitution, il a fait de la zone d’attente le seul lieu où la contrainte et la privation de liberté peuvent s’exercer sans la présence d’un avocat.

Or, ces auditions en zone d’attente – autrement dit ces interrogatoires, parfois musclés – sont lourdes de conséquences pour les personnes étrangères, qui risquent non seulement d’être refoulées avant même d’avoir pu entrer en France mais aussi d’être préalablement enfermées pour une durée qui peut aller jusqu’à vingt-six jours. En dépit de la gravité de ces enjeux, la zone d’attente restera hors d’atteinte des droits de la défense.

«  Dis que tu viens travailler ! Avoue ! » : ceci n’est pas un témoignage isolé de pressions policières fréquemment subies par les personnes qui se présentent aux frontières pour leur faire déclarer les raisons présupposées – voire fantasmées – de leur venue sur le territoire Schengen. En refusant que ces auditions soient menées sous le regard des avocats le Conseil constitutionnel permet que de tels comportements perdurent.

Les « sages » du Conseil constitutionnel ne sont-ils pas, pourtant, les garants des libertés constitutionnellement protégées ? Il faut croire que – pas plus que les droits de la défense – la sagesse n’a sa place en zone d’attente.

Dénonçant un inquiétant déni des droits des personnes retenues aux frontières, nos organisations continueront d’exiger la mise en place d’une permanence gratuite d’avocats en zone d’attente, seule garantie d’un véritable accès aux droits pour les personnes qui y sont enfermées.

Organisations signataires
Conseil National des Barreaux
ADDE
Anafé
Gisti
SAF

Source http://www.anafe.org/spip.php?article548

Pour une commission d’enquête parlementaire pour le respect des droits des exilées

Nous demandons une commission d’enquête parlementaire pour le respect des droits des personnes exilées à nos frontières

Amnesty, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans frontières et le Secours catholique se mobilisent dans plusieurs villes et demandent la création d’une commission d’enquête parlementaire pour le respect des droits des personnes exilées à nos frontières.

Aujourd’hui, des mobilisations vont avoir lieu dans plusieurs villes-frontières afin d’appeler les député·e·s à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire pour que soient respectés les droits fondamentaux des personnes migrantes et réfugiées aux frontières intérieures. À midi, au moment où les sirènes des pompiers retentissent partout en France comme autant de symboles de nos alertes, des centaines de personnes seront rassemblées aux frontières à Briançon, à Calais, à Dunkerque ou encore à Hendaye et à Menton mais aussi à Londres, devant l’ambassade de France.

De Grande Synthe à Menton, en passant par la vallée de la Roya et par Hendaye, les frontières françaises sont les lieux d’atteintes inacceptables aux droits fondamentaux des personnes exilées. Absence de tout dispositif sanitaire et social, destruction d’abris, obstacles à la demande d’asile, non-protection des mineur·e·s isolé·e·s, refoulements systématiques, comportements brutaux, harcèlement des personnes qui, par solidarité, tentent d’apporter une aide aux exilé·e·s… La liste d’atteintes aux droits humains est longue.

Malgré les dizaines de rapports venant d’autorités publiques indépendantes et d’ONG qui documentent ces violations, le gouvernement reste sourd à ces alertes. Pourtant, la protection des droits et libertés fondamentales de toute personne constitue un impératif commun sur lequel nous ne pouvons transiger et dont nous appelons la représentation nationale à s’emparer.

Nos associations s’adressent aujourd’hui aux député·e·s pour demander la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de procéder à des investigations aux frontières et surtout de proposer des mesures pour que les droits des personnes migrantes et réfugiées soient enfin respectés.

Partout sur les territoires frontaliers, des dizaines d’associations agissant en soutien aux personnes exilées se joignent à cet appel.

Les constats de nos cinq associations et de tous les acteurs locaux sont alarmants. L’état de santé physique et/ou psychologique de ces personnes est dramatique, que ce soit, comme à la frontière italienne, en raison de leurs arrestations, refoulements et privations de liberté dans des conditions indignes, ou en raison du harcèlement et de la destruction de leurs abris, notamment à la frontière britannique.

Rares sont les obligations, prévues par la loi française et le droit international, qui sont respectées aux frontières italienne et espagnole : les personnes ne sont pas informées de leurs droits, ne peuvent pas demander l’asile et certaines sont même détenues pendant des heures sans fondement légal. Ces frontières sont devenues des zones de non-droit, à l’image du lieu d’enfermement situé à Menton, où même des élu·e·s de la République se sont vues refuser l’accès, en octobre et novembre dernier. Sur le littoral nord, les personnes exilées se font expulser de leurs campements précaires sans solution digne d’hébergement.

Tous les jours, les acteurs de terrain recueillent des témoignages de mineurs isolés : leur minorité est rarement prise en compte par les forces de l’ordre aux frontières, qui les refoulent, au mépris des lois françaises et des conventions internationales, aggravant leur précarité et leurs traumatismes. Une fois sur le territoire, leur situation n’est pas meilleure, comme le dénoncent les associations de terrain, notamment à Calais et à Grande Synthe, où ces jeunes survivent en attendant d’essayer d’aller au Royaume-Uni.

Face aux manquements de l’État, de nombreux citoyens, des collectifs et des associations viennent en aide aux personnes exilées. Mais, au lieu de voir leurs missions encouragées, ils doivent faire face à des pratiques d’intimidation, de harcèlement, des poursuites et, dans certains cas, à des condamnations en justice. Le droit international est pourtant très clair : aider des personnes réfugiées et migrantes n’est pas une infraction et aucune poursuite pénale ne devrait avoir lieu.

Source https://www.lacimade.org/presse/nous-demandons-une-commission-denquete-parlementaire-pour-le-respect-des-droits-des-personnes-exilees-a-nos-frontieres/

Télécharger le dossier de presse ici.

Signataires :
Amnesty International France
La Cimade
Médecins du Monde
Médecins sans Frontières
Secours Catholique-Caritas France
Anafé
MRAP
Syndicat des avocats de France

Frontière franco-espagnole
Diakité
Collectif Etorkinekin – solidarité migrants
Ongi Etorri Errefuxiatuak – Pais Vasco
SOS Racismo – Bizkaiko SOS Arrazakerria

Frontière franco-italienne
Adn Association pour la démocratie à Nice
Collectif Kesha Niya
Diaconia Valdese
Emmaüs Roya
Ligue des droits de l’homme – Nice
OdV Caritas Intemelia
Pastorale des migrants du diocèse de Nice
Roya Citoyenne
Tous Migrants
WeWorld

Frontière franco-britannique
ADRA France antenne de Dunkerque
AMIS (Aide Migrants Solidarité Téteghem)
ASR adhérents
Auberge des Migrants
Bethlehem
Cabane Juridique
Cercle de Silence Hazebrouck
Collectif Cambresis pour l’Aide aux Migrants
ECNOU
Emmaüs Dunkerque
Flandre Terre Solidaire
Fraternité Migrants Bassin Minier 62
Help Refugees
Ligue des droits de l’Homme – Dunkerque
Refugee Women’s Centre
Refugee Youth Service
Salam Nord /Pas-de-Calais
SAVE
Solidarity Border
Terre d’Errance Steenvoorde
Terre d’Errance Norrent-Fontes
Utupia56 Calais

Rapport sur les refoulements d’Evros et les centres de détention

Rapport sur les refoulements d’Evros( I) et sur la création des centres de détention sur les îles grecques (II)

(I)  [Migreurop] Rapport « ILLEGAL PUSHBACKSIN EVROS »  Illegal+Evros+pushbacks+Report_Mobile+Info+Team_final(1)

Un petit résumé ici:  traduit par Natalie Barsacqrapport du « Mobile Info team » (novembre 2019)

« Mobile Info Team a publié un nouveau rapport sur les refoulements de la Grèce vers la Turquie dans la région d’Evros. Mobile Info Team recueille des données depuis août 2018 et a rassemblé 27 témoignages de personnes ayant vécu cette pratique illégale.

La procédure, dans tous les cas, est similaire. Tout d’abord, l’arrestation et la capture par la police grecque à l’intérieur du territoire grec, puis la détention et la confiscation des biens personnels, suivies de transferts coordonnés aux autorités et enfin, l’expulsion collective de l’autre côté du fleuve Evros dans de petits bateaux.

Les pratiques violentes de la police grecque sont extrêmement préoccupantes. Les procédures légales établies stipulent que la police grecque doit rencontrer les demandeurs d’asile sur le territoire grec, les escorter jusqu’aux postes de police, prendre leurs données personnelles et enregistrer leurs demandes d’asile. Les actions signalées vont cependant de transferts complices à des groupes de  » commandos  » non identifiés, en passant par des actes de violence et des vols.

Nombre de ces témoignages sont profondément troublants, alors même que tous les refoulements sont illégaux, qu’un individu ou un groupe soit soumis à la violence ou non. Souvent, les gens ont rapporté des privations de nourriture et d’eau, des vols de biens, des détentions dans des espaces sales et exigus, des coups violents non provoqués et même des chocs électriques. »

II. Sur la création des centres de détention

Traduit et envoyé par Natalie Barsacq

Suite au nouveau projet de la Grèce de créer des centres de détention sur les îles, Eva Cossé, chercheuse grecque à Human Rights Watch répond :

« L’engagement du gouvernement de transférer rapidement des milliers de personnes hors des conditions inhumaines et surpeuplées des îles est juste, mais enfermer tout le monde ne l’est pas… La Grèce devrait assurer des conditions adéquates dans des installations d’accueil ouvertes sur les îles et un processus équitable et efficace de transfert régulier pour éviter une surpopulation chaotique et dangereuse ».

https://medium.com/are-you-syrious/ays-daily-digest-27-11-19-evros-pushbacks-report-human-rights-abuses-at-greece-turkey-border-dec9c89045fe

Afin de renchérir avec des statistiques, Aegean Boat Report ajoute :

« Le gouvernement grec a annoncé le 22 octobre qu’il transférerait 20.000 personnes sur le continent d’ici la fin de cette année. Depuis lors, ils ont transféré 5600 personnes. Au cours de la même période, 10600 personnes sont arrivées sur les îles, ce qui a augmenté la population de 5000 personnes. Si les arrivées et les transferts se poursuivent à ce rythme, près de 45 000 personnes seront piégées sur les îles d’ici la fin de l’année.

Depuis que le nouveau gouvernement a pris le pouvoir en juillet, la population des îles a augmenté de 22200 personnes, passant de 17200 à 39400.

L’hiver dernier, la situation sur les îles était critique, avec une population totale de 15 000 personnes. Cet hiver, il y aura plus de 40000 personnes sur les îles, vivant dans des conditions encore pires. Je crains que le temps à venir, alors que l’Europe construit des murs encore plus hauts, de nombreuses vies seront perdues sur les îles grecques de la mer Égée. »

Par ailleurs, au moins 5 bateaux sont arrivés sur les îles de la mer Égée mardi (26/11/) avec 178 personnes, selon Aegean Boat Report :

Bateaux 1, 2 et 3→ Lesvos ; 38 personnes, 41 personnes et 20 personnes.

Bateau 4 → Chios ; 39 personnes (13 enfants, 8 femmes et 18 hommes)

Bateau 5 → Samos ; 40 personnes

De plus :

Une femme de 35 ans est morte d’une urgence médicale en Moria tard lundi soir. Une autre tragédie pour un camp dont la population a déjà dû faire face au pire des milliers de fois.

Enfin, le 21 novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a arrêté l’expulsion d’un Afghan de Lesvos vers la Turquie. Le tribunal craignait sérieusement que l’homme ne soit soumis à un traitement inhumain ou dégradant en Turquie s’il était renvoyé. La Cour examinera plus avant le manque de considération du gouvernement grec pour l’article 3 et le Centre juridique de Lesvos espère que cette intervention servira d’avertissement au gouvernement grec, qui rejette de plus en plus de demandes d’asile.

Plus d’informations ici : https://dm-aegean.bordermonitoring.eu/2019/11/25/legal-centre-lesvos-press-release-deportation-of-legal-centre-lesvos-client-halted-by-intervention-of-the-european-court-of-human-rights/?fbclid=IwAR3P8cAPcn7NwaU8iAotC5iOgoBhEPzh6IHEr5kaspDN8IuXNz9H5k6t8pQ

Soutenez SOS MEDITERRANEE

Jeudi 21 novembre à la Maison des associations de Grenoble le collectif en partenariat avec SOS MEDITERRANEE proposait la projection du film  » 10 jours en mer , la véritable histoire de l’Aquarius  » support au débat.

La présence de deux membres de l’association , Syphax ( délégué régional mobilisation territoriale ) et Laurence (chargée de communication sur le bateau ou à terre) a permis de faire un point d’actualité depuis l’arrêt des sauvetages suite à l’immobilisation de l’Aquarius et la reprise avec le nouveau bateau Océan Viking . Le public a pu échanger sur toutes des questions techniques liées au sauvetage lui même mais ce qui les interpellaient le plus étaient d’ordre politique.

A l’issue du débat le public a pu apporter son soutien financier à l’association. Si vous n’avez pas pu assister à cette soirée vous pouvez toujours le faire sur le site de SOS MEDITERRANEE   https://don.sosmediterranee.org


215 rescapés secourus par l’Ocean Viking en trois jours

Nicholas Romaniuk, coordinateur des opérations à bord de l’Ocean Viking, navire de sauvetage affrété par SOS MEDITERRANEE et opéré en partenariat avec Médecins Sans Frontières (MSF) :

« Hier, l’Ocean Viking a secouru 90 personnes. Le sauvetage s’est déroulé dans les eaux internationales, à 82 milles nautiques (152 km) des côtes libyennes.

Nous avons cherché ce bateau sans arrêt pendant près de 24 heures, ce qui a été très éprouvant pour les équipes à bord de l’Ocean Viking. Alarm Phone a signalé l’embarcation en détresse mercredi aux autorités libyennes en mettant l’Ocean Viking en copie.

Heureusement, nous avons pu repérer l’embarcation pneumatique à l’aide de jumelles depuis la passerelle du navire. Les survivants nous ont indiqué que le bateau avait quitté Khoms, en Libye, mardi soir. Il avait fait route vers l’est et se dirigeait vers le milieu de la Méditerranée. Quasiment toutes les personnes à bord de cette embarcation auraient péri si l’Ocean Viking n’avait pas été dans la zone ou s’il n’avait pas été en capacité de les secourir.

D’après mon expérience, la situation actuelle en Méditerranée centrale est pire qu’elle ne l’a jamais été ces dernières années. Il n’y a pas de coordination dans la région. Il semble y avoir un mépris total pour les personnes fuyant la Libye par bateau et qui risquent ainsi de perdre la vie. C’est extrêmement frustrant et très dangereux pour les personnes elles-mêmes. Ces deux derniers jours, il a été reporté sur les réseaux sociaux qu’une embarcation aurait fait naufrage et que de nombreuses personnes auraient péri. L’Ocean Viking a effectué trois opérations de sauvetage et mis en sécurité 215 personnes au cours des trois derniers jours : une embarcation pneumatique mardi, une embarcation en fibre de verre mercredi et une autre embarcation pneumatique hier. Nous avons dû travailler d’arrache-pied et parcourir de grandes distances pour réussir à les secourir.

L’Ocean Viking se dirige actuellement vers le nord. Il a demandé aux centres de coordination de sauvetage en mer (MRCC) italiens et maltais d’assigner un lieu sûr pour y débarquer les 215 survivants, après que les autorités libyennes aient attribué Tripoli comme “lieu sûr”. Nous avons dû répondre que nous ne pouvions pas y aller, puisqu’aucun port en Libye n’est actuellement considéré comme un « lieu sûr » selon le droit international. »

Photos: Avra Fialas / SOS MEDITERRANEE

Source http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/decl-22-11-2019

 

Maraudeur ce que dit la cour d’appel de Grenoble

La relaxe pour Pierre Mumber prononcé par la Cour d’appel de Grenoble

Un accompagnateur en montagne des Hautes-Alpes qui avait porté assistance à des migrants à l’hiver 2018 a été relaxé jeudi par la cour d’appel de Grenoble jeudi 21 novembre. Il avait été interpellé lors d’une maraude près de la frontière italienne. Le ministère public avait requis trois mois de prison avec sursis à son encontre, le jugement avait été placé en délibéré.

Pierre Mumber, 55 ans, avait été condamné en première instance à Gap à 3 mois de prison avec sursis pour « aide à l’entrée irrégulière » d’étrangers et pour les avoir « aidés à se soustraire » à un contrôle de police, ce qu’il avait toujours nié. Le Briançonnais comparaissait fin octobre pour avoir également aidé des étrangers à « se soustraire » à un contrôle de police en les aidant à s’enfuir de la voiture où ils avaient été placés. Il avait nié les deux motifs de poursuite.

A l’audience en appel, les magistrats avaient accepté de visionner des images d’une équipe italienne de télévision qui avait accompagné la maraude au col de Montgenèvre, contredisant la version policière. Ce que la cour d’appel a mis notamment en exergue dans sa décision. « Les mentions des procès-verbaux apparaissent au vu des images visionnées particulièrement dénuées de véracité », a estimé la cour d’appel, allant à l’encontre de l’interprétation de l’avocat général.

De plus, ajoute-t-elle, « aucun élément ne permet de forger la conviction que Pierre Mumber est intervenu directement pour empêcher les policiers d’appréhender les étrangers en situation irrégulière, ces difficultés d’interpellation tenant manifestement plus aux moyens en présence qu’à l’obstruction alléguée ».

Enfin, sur les éléments de téléphonie, sur lesquels l’avocat général s’était appuyé pour prouver le passage de la frontière du maraudeur même s’il a été expliqué que les portables bornent aussi bien en Italie qu’en France dans cette zone frontière, la cour a tranché : « rien ne permet de démontrer que Pierre Mumber a accompagné (les migrants) lorsqu’ils ont franchi la frontière ».

Joint par l’AFP, Pierre Mumber a fait part de son « soulagement ». « C’était tellement incohérent ! C’est difficile de se sentir incriminé sur des faits faux », a ajouté ce militant aux multiples engagements que ce soit auprès de SDF, de personnes handicapées ou d’exilés, depuis qu’ils ont commencé à franchir massivement les Alpes par le col de Montgenèvre.

« Je garde une sorte d’incompréhension et un peu de dégoût par rapport au fait que des policiers se permettent de provoquer ce genre de situation (…) alors que les maraudeurs apportent juste une aide humanitaire qui n’a rien d’illégal », a poursuivi Pierre Mumber. « On fabrique de l’illégalité mais elle n’est pas de notre côté », a-t-il souligné. Porte-parole de Tous Migrants, Michel Rousseau a salué « une victoire pour nous et pour la justice qui redore son blason ».

Aide aux migrants : la cour d’appel de Grenoble diminue la peine d’un maraudeur à 2 mois avec sursis  

Selon lui, ces procès à répétition amènent à « se rendre compte qu’on n’est pas les seuls à subir une répression policière et judiciaire et cela favorise des rapprochements entre mouvements sociaux confrontés à la dérive autoritaire du pouvoir », a analysé M. Rousseau.

Un autre maraudeur des Hautes-Alpes, Kevin Lucas, avait vu sa culpabilité confirmée le 23 octobre mais sa peine ramenée de 4 à 2 mois de prison avec sursis en appel. Pour ces deux procès, des manifestations de soutien avaient été organisées à l’appel de nombreuses associations de défense des étrangers.

La Cour européenne des droits de l’homme et les hotspots grecs

Action collective

Pour la Cour européenne des droits de l’Homme, tout va bien dans les hotspots grecs

La Cour européenne des droits de l’Homme vient de rejeter pour l’essentiel la requête dont l’avaient saisie, le 16 juin 2016, 51 personnes de nationalités afghane, syrienne et palestinienne – parmi lesquelles de nombreux mineurs -, maintenues de force dans une situation de détresse extrême dans le hotspot de Chios, en Grèce [1].

Les 51 requérant.es, soutenu.es par nos associations*, avaient été identifié.es lors d’une mission d’observation du Gisti dans les hotspots grecs au mois de mai 2016 [2]. Privées de liberté et retenues dans l’île de Chios devenue, comme celles de Lesbos, Leros, Samos et Kos, une prison à ciel ouvert depuis la mise en œuvre de la Déclaration UE-Turquie du 20 mars 2016, les personnes concernées invoquaient la violation de plusieurs dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme [3].

Dans leur requête étaient abondamment et précisément documentés l’insuffisance et le caractère inadapté de la nourriture, les conditions matérielles parfois très dangereuses (tentes mal fixées, serpents, chaleur, promiscuité, etc.), les grandes difficultés d’accès aux soins, l’absence de prise en charge des personnes les plus vulnérables – femmes enceintes, enfants en bas âge, mineurs isolés -, aggravées par le contexte de privation de liberté qui caractérise la situation dans les hotspots, mais aussi l’arbitraire administratif, particulièrement anxiogène du fait de la menace permanente d’un renvoi vers la Turquie.

La seule violation retenue par la Cour concerne l’impossibilité pour les requérant.es de former des recours effectifs contre les décisions ordonnant leur expulsion ou leur maintien en détention, du fait du manque d’informations accessibles sur le droit au recours et de l’absence, dans l’île de Chios, de tribunal susceptible de recevoir un tel recours.

Pour le reste, il aura fallu plus de trois ans à la Cour européenne des droits de l’Homme pour juger que la plainte des 51 de Chios n’est pas fondée. Son argumentation se décline en plusieurs volets :

  • s’agissant du traitement des personnes mineures, elle reprend à son compte les dénégations du gouvernement grec pour conclure qu’elle n’est « pas convaincue que les autorités n’ont pas fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection » ;
  • elle reconnaît qu’il a pu y avoir des problèmes liés à l’accès aux soins médicaux, à la mauvaise qualité de la nourriture et de l’eau et au manque d’informations sur les droits et d’assistance juridique, mais les relativise en rappelant que « l’arrivée massive de migrants avait créé pour les autorités grecques des difficultés de caractère organisationnel, logistique et structurel » et relève qu’en l’absence de détails individualisés (pour chaque requérant.e), elle « ne saurait conclure que les conditions de détention des requérants [y ayant séjourné] constituaient un traitement inhumain et dégradant » ;
  • s’agissant de la surpopulation et de la promiscuité, elle n’en écarte pas la réalité – tout en relevant que les requérant.es n’ont « pas indiqué le nombre de mètres carrés dans les conteneurs » – mais pondère son appréciation des risques que cette situation entraîne en précisant que la durée de détention « stricte » n’a pas dépassé trente jours, délai dans lequel « le seuil de gravité requis pour que [cette détention] soit qualifiée de traitement inhumain ou dégradant n’avait pas été atteint ».

***

L’appréciation faite par la Cour de la situation de privation de liberté invoquée par les requérant.es est en effet au cœur de sa décision, puisqu’elle s’en sert pour relativiser toutes les violations des droits qu’elles et ils ont subies. C’est ainsi que, sans contester les très mauvaises conditions matérielles qui prévalaient au camp de Vial, elle (se) rassure en précisant qu’il s’agit d’« une structure semi-ouverte, ce qui permettait aux occupants de quitter le centre toute la journée et d’y revenir le soir ». De même, « à supposer qu’il y eut à un moment ou à un autre un problème de surpopulation » au camp de Souda, elle estime « ce camp a toujours été une structure ouverte, fait de nature à atténuer beaucoup les nuisances éventuelles liées à la surpopulation » [4].

Autrement dit, peu importe, pour la Cour EDH, que des personnes soient contraintes de subir les conditions de vie infrahumaines des camps insalubres du hotspot de Chios, dès lors qu’elles peuvent en sortir. Et peu importe qu’une fois hors de ces camps, elles n’aient d’autre solution que d’y revenir, puisqu’elles n’y sont pas officiellement « détenues ». Qu’importe, en effet, puisque comme dans le reste de « l’archipel des camps » de la mer Égée [5], c’est toute l’île de Chios qu’elles n’ont pas le droit de quitter et qui est donc leur prison.

En relayant, dans sa décision, l’habillage formel donné par les autorités grecques et l’Union européenne au mécanisme des hotspots, la Cour EDH prend la responsabilité d’abandonner les victimes et conforte l’hypocrisie d’une politique inhumaine qui enferme les exilé.es quand elle devrait les accueillir.

Contexte

Depuis trois ans, des dizaines de milliers de personnes sont confinées dans les cinq hotspots de la mer Égée par l’Union européenne, qui finance la Grèce afin qu’elle joue le rôle de garde-frontière de l’Europe.

Dès leur création, des associations grecques et des ONG, mais aussi des instances européennes et internationales comme, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), le rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme des migrants, le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe, l’Agence de l’UE pour les droits fondamentaux, n’ont cessé d’alerter sur les nombreuses violations de droits qui sont commises dans les hotspots grecs : des conditions d’accueil marquées par la surpopulation, l’insécurité, l’insalubrité et le manque d’hygiène, des violences sexuelles, des atteintes répétées aux droits de l’enfant, le défaut de prise en compte des situations de vulnérabilité, un accès à l’information et aux droits entravé ou inexistant, le déni du droit d’asile. On ne compte plus les témoignages, rapports et enquêtes qui confirment la réalité et l’actualité des situations dramatiques engendrées par ces violations, dont la presse se fait périodiquement l’écho.

Signataires

  • AEDH (Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme)
  • ASGI (Associazione per gli Studi Giuridici sull’Immigrazione)
  • EuroMed Droits
  • Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré.es).
  • Migreurop

[4On peut lire dans le rapport du Gisti cité en note 2 un descriptif précis des deux camps à la date de la requête. Pour le camp de Souda, par exemple : « Deux hangars servent de lieux de couchage collectif ; les occupants sont contraints d’y dormir à même le sol et en toute promiscuité. Le HCR fournit couvertures, bâches en plastique et des tapis de sol en nombre toutefois insuffisant. Pour ne pas dormir dans ces hangars bondés, certaines personnes ont construit des tentes de fortune insalubres et dangereuses. Les rares bâches qui protègent de la pluie tiennent à l’aide de branches d’arbre ou de barres de métal qui ne sont pas fixées. »

En France durcissement politique migratoire

Ouverture de nouveaux CRA, réduction de la couverture santé… : la France serre la vis question immigration

Par La rédaction Publié le : 06/11/2019

Quotas d’immigrés pour certains emplois, trois mois de carence pour les demandeurs d’asile avant d’accéder à une couverture santé, réduction du délai d’instruction des demandes d’asile… Le Premier ministre a égrené une vingtaine de mesures, ce mercredi 6 novembre, sur l’immigration en France. InfoMigrants fait le point.

Le sujet est particulièrement sensible et déchaîne la classe politique française. L’immigration a été une nouvelle fois au centre des débats avec l’annonce, ce mercredi, de nouvelles mesures censées repenser l’accueil des migrants en France. Le Premier ministre Edouard Philippe souhaite « reprendre le contrôle » de la politique migratoire française et rétablir un « juste équilibre » entre les « droits et les devoirs » des immigrés. Voici les principaux points du nouveau plan immigration.

– Mise en place de quotas d’immigrés pour certains emplois

Des « quotas » ou « objectifs chiffrés » d’immigrés « professionnels » vont être fixés chaque année, dès l’été 2020, pour que la « France recrute » des étrangers en fonction de ses besoins.

La liste des métiers en tension ouverts aux étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne devra donc être réactualisée. La dernière date de 2008 : on y trouve des métiers tels que dessinateur du BTP, pilote d’installation de production cimentière ou encore dessinateur de la construction mécanique.

Cette liste sera « fixée l’été prochain », a assuré la ministre du Travail Muriel Pénicaud. « On fixera les besoins par métiers et par territoires », a-t-elle encore expliqué. « Ce sont les partenaires sociaux et les régions qui diront, par exemple, en Alsace, on manque de charpentiers. »

Pour rappel, ils étaient 32 000 immigrés à obtenir un titre de séjour pour raisons économiques en 2018 sur près de 255 000 titres de séjour octroyés.

– Mise en place de trois mois de carence pour les demandeurs d’asile avant d’accéder à la Sécurité sociale de base

Les demandeurs d’asile devront désormais attendre trois mois avant de pouvoir accéder à la Protection universelle maladie (PUMa), la sécurité sociale de base, sauf en cas d’urgence. Jusqu’à présent, ces personnes pouvaient bénéficier d’une protection santé dès lors que leur demande d’asile était en cours d’examen.

Pour toute personne détentrice d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français), l’accès aux soins sera interrompu. Pour les déboutés du droit d’asile, qui ne sont pas sous le coup d’une OQTF, l’accès à la PUMa sera par ailleurs réduit de 12 mois à 6 mois.

La ministre de la Santé Agnès Buzyn s’était récemment élevée contre un « dévoiement » de la PUMa par des demandeurs d’asile venant de Géorgie et d’Albanie « qui sont a priori des pays sûrs ».

Ce délai de carence ne s’appliquera pas aux enfants mineurs, a assuré la ministre.

– Accord préalable avec la Sécurité sociale pour certains actes médicaux de l’Aide médicale d’Etat (AME)

Dispositif réservé aux sans-papiers, et régulièrement au cœur de controverses, l’Aide médicale d’Etat (AME) n’est pas directement touchée par les nouvelles mesures gouvernementales. Mais désormais, avant de pratiquer certains actes médicaux, considérés comme non-urgents (chirurgie de la cataracte, poser une prothèse de hanche…), la Sécurité sociale devra donner son accord au préalable.

Actuellement, la loi stipule que l’une des conditions pour bénéficier de l’AME est de résider de façon stable depuis plus de trois mois en France (excepté Mayotte). « Nous renforcerons nos contrôles pour vérifier qu’il n’y a pas de dissimulation de visas », a assuré Agnès Buzyn.

L’idée serait donc de préciser qu’il faut être en situation irrégulière pendant ce laps de temps, pour éviter que des personnes venues en France en tant que touristes puissent profiter du système français de santé ensuite. « Nous serons intraitables sur les fraudes », a prévenu la ministre.

– Ouverture de 3 nouveaux centres de rétention administrative (CRA)

« Nous voulons des expulsions rapides pour les déboutés du droit d’asile venant de pays sûrs », a encore expliqué le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. Pour ce faire, trois nouveaux centres de rétention administrative (CRA) vont voir le jour, à Bordeaux, Lyon, ainsi qu’à Olivet, près d’Orléans.

Le ministre a en outre annoncé vouloir faire en sorte que les « transferts Dublin » soient « plus efficaces ».

– Réduction du délai de l’instruction de l’asile

La réduction des délais d’instruction des dossiers pour les demandeurs d’asile est toujours au programme du gouvernement. L’objectif est de réduire ce délai, actuellement de 12 mois en moyenne, à 6 mois. La loi asile et immigration, votée en 2018, prévoyait déjà une telle réduction mais n’a pas obtenu les effets escomptés dans un contexte de « forte augmentation des demandes » dixit Matignon.

« Nous ne toucherons pas au regroupement familial », a déclaré Christophe Castaner. « Mais nous lutterons contre les fraudes au regroupement familial. »

– Création de 200 postes à l’Ofpra et 59 à la CNDA

Le ministre de l’Intérieur a annoncé que 200 postes seraient créés à l’Ofpra, l’instance chargée de délivrer les statuts de protection, et 59 à la CNDA (Cour nationale du droite d’asile). Selon Édouard Philippe, ceux-ci ont déjà été prévus dans le plan Finances 2020.

– Création de 16 000 logements pour les réfugiés statutaires partout en France

– Évacuation des campements informels du nord-est parisien avant la fin de l’année

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/20650/ouverture-de-nouveaux-cra-reduction-de-la-couverture-sante-la-france-serre-la-vis-que

Le parlement grec adopte une loi durcissant la législation sur les demandeurs d’asile

Adoptée précipitamment, une nouvelle loi complique fortement la vie des demandeurs d’asile en Grèce

Par La rédaction Publié le : 04/11/2019

Le Parlement grec a adopté dans la nuit du jeudi 31 octobre au vendredi 1er novembre un projet de loi controversée durcissant la législation sur les demandeurs d’asile malgré les critiques émises par le Conseil de l’Europe et de nombreuses ONG, dont Amnesty International.

Avec sa nouvelle loi sur l’asile, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis compte bien “envoyer un message clair” : “Ceux qui savent qu’ils ne peuvent pas obtenir l’asile et entreprendront de venir pour rester dans notre pays, seront renvoyés dans leur pays et perdront l’argent investi dans leur voyage », a-t-il déclaré à la tribune du Parlement jeudi 31 octobre, peu avant l’adoption du texte controversé.

Celui-ci prévoit :

  • de réduire les possibilité de faire appel après avoir été débouté du droit d’asile en première instance,
  • de prolonger de trois à dix-huit mois la durée possible de rétention des demandeurs d’asile,
  • de limiter le concept de « vulnérabilité » (comme la clause du stress post-traumatique) qui rend plus facile l’octroi d’asile,
  • d’élargir la liste des pays tiers jugés « sûrs » pour y expulser des migrants,
  • de confier, en partie, les entretiens pour demandeurs d’asile à la police et à l’armée,
  • de mettre en place une procédure accélérée pour les mineurs non-accompagnés,
  • ou encore de faciliter le rejet des demandes pour vice de forme.

>> À (re)lire : La Grèce veut supprimer le droit d’appel pour les demandeurs d’asile déboutés

Au pouvoir depuis juillet dernier, le nouveau gouvernement conservateur avait déjà laissé entendre qu’il souhaitait réformer l’asile au plus vite. Ainsi, les autorités grecques ont mis en place une procédure accélérée pour envoyer les 237 pages du projet de loi au Parlement, après seulement six jours de consultations publiques. Un laps de temps particulièrement limité dont se sont plaintes de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme.

Une loi qui « compromet les droits des migrants et réfugiés »

Parmi elles, Amnesty International, dont le directeur de la recherche au bureau régional européen Massimo Moratti, estime que la nouvelle loi constitue “une tentative précipitée et inquiétante de résoudre les problèmes migratoires en Grèce aux dépens de la protection des personnes”.

Le Conseil de l’Europe, par la voix de sa Commissaire aux droits de l’homme Dunja Mijatovic, s’est également dit particulièrement inquiet. Elle a notamment mis en garde contre l’extension de la durée de détention des demandeurs d’asile et souligné le risque d’une évaluation « superficielle » des demandes d’asile par les autorités grecques, ce qui compromettrait les droits des migrants et réfugiés.

>> À (re)lire : À Moria, l’attente sans espoir de milliers de migrants abandonnés à leur sort

En face, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a réaffirmé sa volonté de « distinguer les réfugiés des immigrés ». Mais aussi celle de renforcer les contrôles frontaliers de façon à garantir « la sécurité » du pays, estimant que le précédent gouvernement de gauche d’Alexis Tsipras avait fait preuve de « laxisme » sur la question.

Avec plus de 70 000 demandeurs d’asile en Grèce, dont près de 33 000 sur les îles égéennes proches de la Turquie, la Grèce est redevenue cette année la principale porte d’entrée des migrants en Europe, devant l’Espagne.

Devant la multiplication des arrivées, le gouvernement grec avait indiqué fin septembre que le pays vivait sa « pire période » migratoire depuis l’accord UE-Turquie de 2016. Il avait alors annoncé sa volonté de renvoyer 10 000 migrants en Turquie d’ici fin 2020 – contre un peu plus de 1 800 en quatre ans et demi, sous le précédent gouvernement de gauche.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/20572/adoptee-precipitamment-une-nouvelle-loi-complique-fortement-la-vie-des-demandeurs-d-asile-en-grece

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