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CR réunion collectif du 3 septembre 2018

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe »
du 03/09/2018

Présents : Lucienne, Christine, Georges, Christophe, Max
Excusés : Liliane, Marie-Claude, Béatrice

– Nouvelle projection débat au cinéma le Club du film « L’amour et la révolution » de Yannis Youlountas le lundi 8 octobre 2018 en présence du réalisateur.
La projection a été calée avec le club par l’intermédiaire d’Isabelle.
Le film a été actualisé en juin -juillet.
Nous organiserons un buffet avant la projection dans la petite salle du Club. Chacun d’entre nous pourra apporter quelque chose à manger et à boire.
Il faudra prévoir un moment de discussion avec Yannis au sujet du devenir de la coordination des divers collectifs qui fonctionnent encore.
Affiche à faire à partir du visuel du Club : Max
Info Tamis et Ici Grenoble : Christine
Info les Antennes : Georges
Voir le site du CRIC proposé par Christophe.
Envoi de l’affiche aux différents partenaires (associations, syndicats, partis) : semaine du 17/9 : Max
L’hébergement de Yannis et Maud a été trouvé.

– Commande de produits VIOME
La campagne commencera le 8 octobre lors de la projection du film L’amour et la révolution.
Le catalogue et le bon de commande seront distribués à chaque spectateur.
Traduction du catalogue : Christine.
Modification du bon de commande : Max.
Date limite de réception des commandes vendredi 16 novembre.
Distribution des produits dans les 15 premiers jours de décembre.
Local de réception et de distribution des produits : Christine contacte le PG, si le local du PG n’est pas disponible Christophe essaiera de trouver une solution de rechange.

– Soirée SCOP + VIOME du 7 novembre à Maison des associations de Grenoble
Titre de la soirée : Les SCOP : de Thessalonique à Grenoble, une autre manière de gérer une entreprise
Liliane a recontacté Meyrem Yilmaz de l’Union régionale des Scop qui est toujours d’accord pour intervenir. Meyrem contacte les 2 autres intervenants (Hervé Charmettant, universitaire et Cyril Zorman de la société Probesys).
Christine demande à Mattheos de prendre contact avec les Viome pour avoir les dernières nouvelles.
Cette soirée est incluse dans le programme du Festival des solidarités de Grenoble, Max participera à la réunion de coordination de ce festival qui aura lieu le 5/09.
Information à prévoir.

– Prochaine réunion du collectif
Lundi 15 octobre 2018 de 17h à 19h salle 223 de la Maison des associations de Grenoble.

En Grèce aussi criminalisation de la solidarité

Grèce: une réfugiée syrienne célèbre inculpée pour aide à l’immigration irrégulière


AFP
Publié le

La réfugiée syrienne Sarah Mardini, célèbre pour avoir, avec sa sœur nageuse olympique Yusra, sauvé des réfugiés en mer, a été inculpée en Grèce de participation à un réseau criminel d’aide à l’immigration irrégulière, a indiqué son avocat mercredi.

Arrêtée le 21 août sur l’île de Lesbos, en mer Egée, où elle aidait les réfugiés au sein d’une ONG, la jeune femme de 23 ans a été placée en détention provisoire à la prison athénienne de Korydallos, a précisé à l’AFP son avocat, Haris Petsikos.

Son cas a été rendu public mardi par le site grec Protagon, après l’annonce par la police du démantèlement d’un « réseau criminel » d’aide à l’immigration irrégulière, impliquant au total 30 membres de l’ONG ERCI (Emergency response centre international) déployée à Lesbos.

La jeune femme, et un autre volontaire, le germano-irlandais Sean Binder, arrêté avec elle et placé en détention sur l’île de Chios, près de Lesbos, « rejettent toutes les charges » qui les visent, a déclaré Me Petsikos.

Ils ont notamment été inculpés des crimes de « participation à une organisation criminelle », « violation de secrets d’Etat » et « recel », passibles de la réclusion à perpétuité, a-t-il précisé.

Le troisième membre de l’ONG arrêté, un de ses dirigeants, le Grec Nassos Karakitsos, devait lui être présenté dans la journée au juge d’instruction.

‘Criminalisation’ de la solidarité

« Pour moi, il s’agit clairement d’un cas de criminalisation de l’aide aux réfugiés », a commenté Me Petsikos. Il a relevé que ses deux clients étaient absents de Grèce à plusieurs dates où des faits leur sont reprochés.

L’avocat a déposé mercredi une demande de remise en liberté de Sarah, qui vit en Allemagne avec sa famille et y est boursière au collège Bard de Berlin en première année de sciences économiques et sociales.

« Sarah est profondément idéaliste et engagée dans l’aide aux réfugiés, c’est cela sa motivation », et « la priorité est de la faire sortir de prison » a réagi pour l’AFP le directeur de Bard, Florian Becker.

Il a jugé son placement en détention « disproportionné par rapport à la qualité des charges » retenues contre elle, qui « incluent beaucoup d’erreurs factuelles ».

Ces charges « sans fondement semblent surtout avoir pour but de stopper les opérations de l’ONG » mise en cause, a-t-il ajouté.

Selon la police, les membres impliqués de l’ONG offraient « un concours direct aux réseaux organisés de trafic de migrants », en s’informant à l’avance des arrivées sur les îles et en organisant l’accueil des exilés mais sans transmettre leurs informations aux autorités.

Elles recherchaient ainsi « un gain financier via des donations à l’ONG », a précisé la police dans un communiqué.

Sarah et sa sœur, Yusra, étaient devenues célèbres pour avoir mené à bon port, grâce à leurs compétences de nageuses, le bateau en difficulté qui les amenait de Turquie à Lesbos en août 2015, avec 18 autres personnes à bord.

Yusra a participé aux jeux Olympiques de Rio en 2016 dans l’équipe des athlètes réfugiés et elle est depuis 2017 ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU.

L’entraîneur allemand de Yusra, Sven Spannekrebs, a également apporté son soutien à Sarah. Elle et Sean Binder sont « des bénévoles de longue date de l’ONG ERCI et n’ont jamais pris part à des activités illégales », a-t-il affirmé à l’AFP.

Les autorités grecques avaient déjà accusé trois Espagnols et deux Danois d’avoir contribué à l’entrée irrégulière de migrants à Lesbos par leur action au sein de l’ONG espagnole Proem-Aid mais ces volontaires avaient été relaxés en mai à l’issue d’un procès très suivi par le monde humanitaire.

Plus de 10.000 exilés restent parqués dans des conditions dénoncées comme indignes par les ONG à Lesbos, par où avait transité le plus gros de l’exode du Moyen-Orient vers l’Europe en 2015 et 2016.

Source http://www.lepoint.fr/insolite/grece-une-refugiee-syrienne-celebre-inculpee-pour-aide-a-l-immigration-irreguliere-29-08-2018-2246768_48.php

La Belgique rétrocédera 222 millions à la Grèce

La Belgique rétrocédera 222 millions à la Grèce par Frédéric Rohart,


La zone euro a convenu en juin de procéder sous conditions à la rétrocession des gains faits par les banques centrales sur les obligations grecques. La Belgique va ainsi rendre d’ici 2022 un total de 221,8 millions d’euros à Athènes.

Personne ne veut faire de profits sur la crise grecque », affirmait ce week-end le ministre allemand des Finances au quotidien grec Ta Néa. Le social-démocrate Olaf Scholz a beau être arrivé aux commandes de son ministère en expliquant qu’il poursuivrait l’œuvre de son prédécesseur (de gauche ou de droite, un ministre des Finances allemand reste un ministre des Finances allemand), il n’a pas besoin face à la Grèce d’adopter l’austère posture de Wolfgang Schaüble. Peut-on pour autant affirmer avec lui que les Européens ne feront aucun profit sur les mesures de sortie de crise grecque? C’est l’esprit, mais ce n’est pas tout à fait la lettre.

« L’objectif est que tous les bénéfices«  que les banques centrales européennes ont fait sur la Grèce « soient régulièrement rendus à l’État grec« , expliquait le ministre allemand dans son interview. C’est précisément ce que lui et ses collègues de la zone euro avaient convenu le 22 juin dernier, au moment de sceller les modalités de la fin du 3e plan de refinancement de la Grèce. Athènes fait face à un endettement de 178% de son produit intérieur brut (PIB), et les grands argentiers européens avaient convenu d’une série de mesures pour tenter de rendre cet endettement « soutenable »: allonger le délai de remboursement d’une partie des prêts, diminuer des taux d’intérêt et – c’est la mesure qui nous occupe – rétrocéder les intérêts perçus par leurs banques centrales.


L’amende de Varoufakis

En pleine crise des dettes souveraines, la Banque centrale européenne (BCE) avait procédé à partir de 2010 à des rachats de dette publique grecque dans le cadre de son Securities Market Program (SMP) – des achats sur le marché secondaire destinés à faire baisser les taux d’intérêt. « Ils les avaient acheté sous leur valeur de remboursement, l’Eurosystème a donc réalisé des gains en plus-value et en coupons », rappelle Eric Dor, directeur des études économiques à l’Ieseg School of Management de Lille.
En 2012, les États de la zone euro avaient convenu de rétrocéder ces dividendes à la Grèce, mais le patron de la BCE, Mario Draghi, avait suspendu ces versements face à l’arrivée d’un nouveau gouvernement grec, celui d’Alexis Tsipras, qui refusait de se fondre dans le moule validé par ses prédécesseurs. Le montant déjà versé sur un compte commun pour l’année 2014, 1,9 milliards d’euros, était gelé – la somme s’y trouve toujours.

Deux années se sont ensuite écoulées avant que les États membres conviennent de réactiver le mécanisme de rétrocession. Dans l’intervalle, la zone euro avait gagné 2,6 milliards d’euros d’obligations SMP, plus 1,1 milliard d’obligations dites Anfa (Agreement on Net Financial Assets). Le refus du gouvernement Tsipras de s’inscrire dans la continuité de ses prédécesseurs aura en somme été frappé d’une « amende » de 3,7 milliards d’euros – même si l’Eurogroupe ne l’a jamais présenté de cette manière. De cette enveloppe, la Belgique aura de facto « touché » 148,8 millions d’euros.

« Carotte » et conditions

Parenthèse faite de ce montant définitivement perdu pour l’État grec, l’Eurosystème (BCE et banques centrales nationales) ne garderont donc pas les profits faits sur les obligations grecques. Les versements auront lieu en décembre et juin à partir de cette année et jusqu’en 2022 au travers du compte du Mécanisme européen de stabilité (MES). L’argent devra servir à réduire des besoins de financement de la Grèce ou à financer des investissements qui auront reçu le feu vert des créanciers.

La ventilation par pays n’a pas été rendue publique. Mais on sait par exemple que l’Allemagne a engrangé 2,9 milliards d’euros d’intérêts depuis 2010 dans le cadre du programme SMP grec.

Pour ce qui concerne la Belgique, L’Echo a obtenu auprès du ministère des Finances le détail des rétrocessions prévues.

De l’enveloppe de 2014 gardée sur le compte commun du MES, la Belgique va payer 68 millions d’euros. La réactivation des transferts de fonds SMP pour les années budgétaires 2017 à 2022 totaliseront pour la Belgique un versement à la Grèce de 102 millions d’euros. Contrairement à la Bundesbank, la banque centrale belge est par ailleurs (avec celles de France, du Portugal et des Pays-Bas), l’une des rares à détenir sur ses propres comptes des obligations de type Anfa. Elle en remboursera les bénéfices à Athènes pour un montant total de 51,8 millions d’euros. Au total, la Belgique remboursera donc 221,8 millions d’euros à la Grèce.

Ou plutôt: elle devrait rembourser. Car cette mesure reste conditionnée à la poursuite de la mise en œuvre des réformes que l’Union européenne attend d’Athènes. Aux « men in black » de la troïka succèdent les équipes européennes de contrôle rapproché de l’état des comptes grecs, qui se rendront à Athènes tous les trois mois – avec ces quelques milliards de « carotte ».

Dette grecque : la poule aux œufs d’or

La dette grecque reste une poule aux œufs d’or pour les banques centrales européennes et les privés

Des profits sur la Grèce

21 août par Eric Toussaint , Thanos Contargyris , Thierry Jacolet


Le dernier des plans d’aide qui régissent la Grèce depuis 2010 s’est achèvé le 20 août 2018. Le pays était le dernier pays de la zone euro encore sous programme d’assistance depuis la crise. Keystone

J’ai perdu beaucoup de plumes dans la crise de la dette depuis 2010. Ce qui ne m’empêchera pas de voler de mes propres ailes dès aujourd’hui. Et les créanciers de faire encore des bénéfices sur mon dos. Je suis, je suis ? La poule aux œufs d’or grecque.

Le pays en convalescence retrouve sa liberté ce lundi. Une liberté conditionnelle. Si la sortie de la tutelle européenne lui permet de se financer seule à nouveau sur les marchés financiers, Athènes reste soumise aux conditions et à l’austérité imposées par Bruxelles.

Remboursés à 100%

Après trois bouées de sauvetage lancées par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) d’un total de 260 milliards d’euros (295 milliards de francs suisses), la Grèce nage encore dans les dettes (343 milliards d’euros, soit 180% du PIB) qu’elle devra rembourser, tout comme de colossaux intérêts. De nouveaux profits en perspective pour ses créanciers.

A commencer par la Banque centrale européenne, principale bénéficiaire de la crise de la dette grecque. Elle a encore annoncé en février dernier avoir empoché 154 millions d’euros de revenus d’intérêts sur les emprunts grecs. Des cacahuètes comparé aux 7,8 milliards d’euros de bénéfices nets réalisés grâce aux intérêts encaissés de 2012 à 2016 sur les obligations d’État grecques acquises entre 2010 et 2012 dans le cadre du SMP (Securities Market Purchase), un programme de rachat de titres de pays en difficulté de la zone euro. « Ces bénéfices proviennent du différentiel entre les taux des titres grecs à 9% au début et à 6% après 2012 », précise Thanos Contargyris, consultant indépendant, à Athènes.

La BCE va encore faire des profits sur le reste de cette dette grecque jusqu’en 2037 – Eric Toussaint

Sans parler de la juteuse plus-value (7,5 milliards d’euros) obtenue sur la revente d’obligations grecques achetées 42,7 milliards. Le mécanisme ? « Entre fin 2010, 2011 et 2012, la BCE a acheté aux grandes banques privées des titres de la dette publique grecque à en moyenne 70% de leur valeur d’émission », explique Eric Toussaint, coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette grecque, instituée par la présidente du Parlement grec en 2015. « Seulement, la BCE a exigé que les titres grecs achetés soient remboursés à 100% de leur valeur à leur échéance. Depuis, elle perçoit d’Athènes 100% de la valeur des titres restants. »

Des 35 milliards d’euros de titres souverains grecs acquis jusqu’en 2011, la BCE en détient encore 13. « Elle s’est déjà fait rembourser l’autre partie », explique Eric Toussaint, auteur du Système dette, (Ed. Les Liens qui libèrent). « Elle va encore faire des profits indus sur le reste de cette dette grecque jusqu’en 2037, à l’échéance des derniers titres. »

Selon un accord, l’institution gardienne de l’euro basée à Francfort devait restituer à Athènes les bénéfices réalisés à partir de 2012, en échange des réformes grecques. « Une infime partie a été rendue : 3 milliards en 2014 pour les bénéfices de 2012 et 2013, détaille Thanos Contargyris. L’accord a ensuite été annulé unilatéralement par la BCE, pour sanctionner le gouvernement Syriza en 2015. »

6 milliards jamais rendus

Une politique immorale aux yeux d’Eric Toussaint : « La BCE planque des milliards de bénéfices abusifs dans un fonds spécial du Mécanisme européen de stabilité (MES), déplore-t-il. Ils devraient être rétrocédés dans un fonds de relance économique à la Grèce. » L’Euro-groupe (cénacle des 19 ministres des Finances de la zone euro) a toutefois annoncé en juin dernier qu’il allait réactiver les transferts de bénéfices vers la Grèce, mais seulement pour la période dès 2017. La Grèce ne verra jamais la couleur des bénéfices de 2014 et 2015, soit plus de 6 milliards, ni de 2016.

La BCE a aussi redistribué une partie du pactole aux banques centrales européennes qui ont transféré l’argent aux trésors nationaux. Ce qui s’ajoute aux profits déjà engrangés par les États européens via 50 milliards d’euros de prêts bilatéraux octroyés à la Grèce. « Ils ont bénéficié des taux d’intérêt de 5%, bien au-dessus des taux auxquels ces pays empruntent eux-mêmes », constate Thanos Contargyris. Chantre de l’orthodoxie budgétaire, l’Allemagne a ainsi empoché plus de 1,3 milliard d’euros de bénéfices grâce à son prêt bilatéral.

Mieux, le gouvernement a reconnu en juin dernier avoir encaissé 2,9 milliards d’euros en intérêts sur les obligations grecques depuis 2010. Sans parler des effets indirects : l’Institut Leibnitz de recherche économique (IWH) a calculé en 2015 que Berlin avait réalisé près de 100 milliards d’euros d’économies budgétaires entre 2010 et 2015. Il faut dire que la crise grecque a favorisé la baisse du coût de financement des pays de la zone euro, comme l’Allemagne, actuellement à 0,3% pour les emprunts à dix ans contre 2,7% en 2011.

Fonds vautours

Autre bénéficiaire de la perfusion à Athènes, le Fonds monétaire international. « Il a fait 5 milliards d’euros de profits, en lui prêtant à un taux élevé », calcule Eric Toussaint. Et que dire des fonds d’investissement pour qui la Grèce a été le jackpot ? Au début de la crise, les banques affolées se sont débarrassées de leurs obligations grecques jugées trop risquées. Les investisseurs privés comme les fonds spéculatifs ont racheté pour une bouchée de pain des titres décotés qui ont pris de la valeur, avec des rendements qui pouvaient aller jusqu’à 100% dans certains cas.

« Les fonds vautours ont acheté des carcasses à bas prix », souligne Charles Wyplosz, professeur d’économie internationale à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), à Genève. Et ils continuent de faire main basse sur une partie de la fortune mobilière et immobilière du pays.

Eric Toussaint :  Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015. Suite à sa dissolution annoncée le 12 novembre 2015 par le nouveau président du parlement grec, l’ex-Commission poursuit ses travaux et s’est dotée d’un statut légal d’association sans but lucratif.

Source http://www.cadtm.org/Des-profits-sur-la-Grece

Pays maritime La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Pays maritime

Septembre déjà. Au Pirée, les habitués du samedi contemplent depuis la terrasse du seul café demeurant aux goûts musicaux humains, les entrées et les sorties au plus grand port grec, acquis par COSCO, le géant chinois. On y discerne même la fumée, ainsi que cette odeur de flexible brûlé émanant des entrailles du ferry ELEFTHERIOS VENIZELOS amarré dans urgence juste en face. Un incendie s’est déclaré dans son garage en pleine mer mardi dernier vers minuit ; le navire avait fait demi-tour vers le Pirée, où ses passages ont été évacués. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse. Grèce pays maritime.

Les habitués du samedi. Le Pirée, septembre 2018

“Notre chance fut que la mer était relativement calme, et que le Pirée n’était guère trop loin”, peut-on lire dans la presse du moment. Surtout, le dispositif anti-incendie automatique s’est exactement déclenché comme prévu, et le sinistre avait ainsi été contenu au garage du navire. Durant toute cette semaine, le pays maritime s’est très légitimement occupé et préoccupé des détails du feuilleton lié à l’aventure du grand ferry crétois blessé.

Entrées et sorties du port. Le Pirée, septembre 2018

Il faut préciser que dans le meilleur de la culture néohellénique, nos navires des lignes de l’Égée et de son l’archipel grec font partie de la famille, autrement-dit, ils posséderaient une certaine âme.

Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018

Mais il y a aussi, le… pire de cette culture néohellénique, redoutablement vacillante. Le pseudo-gouvernement de la marionnette Tsípras vient d’être partiellement remanié, il faut dire dans l’indifférence, ou sinon, sous le sarcasme du peuple privé de son destin. Nominations hétéroclites, entre jeunes femmes “bimboïdes” et qui s’affichent de la sorte très volontairement pour en rajouter (Notopoúlou), ou encore, entre hommes et femmes très largement compatibles Sóros. Du personnel politique voué… à la destruction de la culture, de la société, comme de la nation grecque. Telle est singulièrement, la nomination de la PASÓKienne Myrsini Zorba au ministère de la Culture.

Il s’agit de la compagne de l’historien Antónis Liákos, connu pour incarner le patriarche actuel du révisionnisme “décoloriste” de l’histoire grecque, poulain en son temps du Premier ministre du PASOK et de Berlin Kóstas Simítis , et enfin depuis 2012, mentor alors très familier d’Aléxis Tsípras, un habitué des ateliers très rentables des modalisateurs.

Comme le remarque Státhis Stavrópoulos, caricaturiste et journaliste de la trop vieille gauche, c’est un gouvernement où les anciens PASÓKiens du cercle de Simítis détiennent alors une place de premier choix, à l’instar de Liákos et de sa femme, Zorba. C’est le ministère de la Culture, c’est-à-dire, “la culture grecque aux mains de Sóros”, précise Státhis Stavrópoulos, “To Pontíki”, le 30 août .

Sans parler du cas l’indescriptible Katerina Papakosta redevenue ministre, une arriviste, ancienne député et même ministre de la supposée droite Nouvelle Démocratie, qui en rajoute à l’arrivisme et au ridicule ambiants des criminels Syrizístes. Papakosta, dont la dextérité politique se résume au remplissage régulier et généreux de sa seule poche, elle s’est même présentée à la cérémonie d’investiture accompagnée par sa fille, autre jeune femme dans le vent actuel volontairement “bimboïde”, (presse grecque de la semaine) .

Katerína Notopoúlou, ministre… bimboïde. Athènes, août 2018
Aléxis Tsípras et Katerína Notopoúlou. Athènes, août 2018
Tsípras… Persona non grata. Affiche, Thessalonique, septembre 2018

En quelque sorte, “nos politiciens, hommes ou femmes, incarneraient très exactement ces prostitués à la solde des violeurs et autres occupants escrocs venus de la mondialisation, Mitsotákis de la relève supposée prochaine compris.” Tel est le discours d’une bonne partie du peuple d’en bas, forcément d’en bas, y compris sur les terrasses des café du Pirée donnant face à la mer.

Ainsi va la vie et la mort au pays maritime, entre vents et surtout marées. Dans la série imaginaire si chère au bouffon politique Tsípras, “la Grèce sort du régime de la Troïka”, le gouvernement vient d’annoncer la mise en place prochaine d’un mécanisme de recensement des tous mes biens meubles comme de l’immobilier des Grecs (voitures, embarcations, motos, meubles, œuvres d’art, bijoux etc.), presse grecque, septembre 2018 .

Ceci, histoire d’instituer très officiellement un futur nouvel impôt sur l’ensemble des biens que détiendrait encore le bien bas peuple, en somme, c’est une disposition impériale et totalitaire exigée depuis un moment par le FMI, dans le but de tout contrôler… et sans doute un jour de dépouiller les peuples indigènes… alors jusqu’au bout.

Septembre alors et certains des nôtres ont déjà quitté le pays blessé, comme s’ils étaient évacués de force du ferry en flammes dans le port du Pirée. Au village thessalien, ma nièce qui n’était pas revenue au pays depuis plus de deux ans, elle raconte alors volontiers sa nouvelle vie en Allemagne. Expatriée depuis quatre ans en compagnie de son époux et de leur enfant, ils n’ont eu guère de choix comme ils le disent en soupirant. Thessalie ainsi profonde.

Touristes aux Météores. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018

“Notre famille a été en quelque sorte anéantie. Ma sœur, mon frère et moi nous avons quitté notre patrie au bout de quatre ans de crise et de chômage. Ma sœur vit à Londres, et nous en Allemagne. Rien de commun avec le sort des anciens, des oncles et tantes ayant émigré en Allemagne de l’Ouest entre les années 1960 et 1970. Eux du moins, ils revenaient chaque année au pays pour les vacances, leurs revenus augmentaient au fil des années, et même à présent, ils perçoivent encore leurs retraites, plutôt décentes”.

“Nous, nous ne prétendons et nous ne prétendrons plus jamais à un destin pareil. Nos salaires de misère nous permettent tout juste la survie, nous voyageons alors à peine à l’intérieur de l’Allemagne chez nos divers relais… famille grecque, et pour tout dire, la Grèce nous manque toujours énormément. Et même si nous n’y revenons guère trop souvent, je n’ai jamais voulu mettre ma maison ici en location, location longue ou très à la mode désormais du type Airbnb. Non, jamais. Cette maison c’est mon ultime refuge, ma toute petite patrie, ma solution même d’un retour disons imposé en cas d’urgence. Que dire de plus ?”

Allemands et retraités. Grèce, septembre 2018
Grèce, pays réel. Athènes, septembre 2018

“L’Allemagne non plus, elle n’est point celle que nos parents et grands parents avaient pu expérimenter. Notre bourg… allemand n’a par exemple plus d’enfants allemands. Dans la classe de mon fils âgé de six ans, il s’y trouve un autre enfant originaire d’un pays de l’UE, puis, un seul enfant allemand. La vingtaine des autres enfants sont issus d’une immigration alors très récente, ils sont d’origine arabe et ils sont venus de tant de pays comme la Syrie, l’Irak et bien d’autres. L’ambiance qu’y règne est disons alors étrange quant à la socialisation de mon petit. Nous souhaitons déménager dans une ville allemande où il y a encore une école grecque, mais ce n’est pas évident. Depuis la crise, la Grèce ne finance plus ses écoles à l’étranger et elles ferment l’une après l’autre alors que les jeunes quittent le pays, leurs enfants compris. C’est dramatique”.

“L’année dernière, j’ai pu trouver un billet d’avion pas cher, ainsi j’ai rendu visite à ma sœur à Londres. Elle travaille certes, et elle est, supposons-le, correctement payée. Cependant, elle vit en colocation comme du temps de sa vie d’étudiante, son salaire ne lui permet pas de fonder un foyer et encore moins de revenir en Grèce pour ses vacances. Cela fait près de quatre ans qu’elle n’y a pas retournée. Au même moment, Tsípras a écarté une fois de plus que d’accorder la possibilité du vote aux Grecs de l’étranger. Comme si nous ne devrions plus être concernés par les affaires du pays… tandis que les ressortissants des autres pays européens, voire les Turcs vivant en Allemagne peuvent très naturellement le faire. Le système politique grec a peur de nous, la pays nous a crachés… Reviendrions-nous alors un jour ?”

Au pays des tente millions de touristes, les moines thessaliens transportent encore leurs couvertures et tapis jusqu’aux rares lavoirs traditionnels de la si belle région de ma nièce, tandis que les touristes patientent devant les monastères des Météores… pour un pèlerinage alors bien de masse et pour tout dire, plus stérile que jamais. Peu importe, ma nièce aura déjà quitté le pays à bord d’un vol entre Thessalonique et le pays d’Angela Merkel.

Touristes. Grèce, août 2018
Touristes. Grèce, août 2018
Plage. Péloponnèse, août 2018

Hasard du calendrier, c’est justement en cette même fin août que les nouveaux voisins ayant acquis l’appartement d’en face à Athènes… ont fait leur apparition. Il s’agit d’une famille allemande et heureuse de l’être, des expatriés de luxe, lesquels, et d’après les… normes culturelles grecques parmi les plus récentes, ces gens visiblement, ils jubilent. Tout le voisinage aura remarqué que ces nouveaux arrivants alors fredonnent de leurs chansons fréquemment dans la journée, ce que les Grecs du quartier ne font plus du tout depuis des années. Question de… géopolitique, ainsi heureux ressortissants du principal pays colonisateur du seul européisme réellement existant, gens au demeurant bien accueillis dans le quartier, et manifestement amateurs de musique classique.

Grèce alors, si beau pays des voiliers sous le pont du Canal de Corinthe, mer Égée des régates, terroir enfin des estivants et des retraités qui s’y installent depuis les pays de l’Europe du Nord, ton sort serait ainsi scellé et pour tout dire gravé, non pas dans les marbres du Parthénon… mais plutôt, dans le granite tombal des Traités européistes. Et quant aux… locaux qui travaillent par exemple dans le tourisme… certains d’entre eux, ils n’ont pas pu par exemple quitter leur île de Naxos depuis près de dix ans.

Au pays pourtant maritime, les horizons se ferment et se vident, surtout pour les nationaux lorsque les mondialisateurs auront fini par parfaire toutes les conditions du nouvel et dernier indigénat à l’échelle de l’UE, tel est d’ailleurs entre autres son projet et aucun Plan-B supposé “réformateur” des Traités n’est alors possible. C’est aussi de cette réalité qu’il a été question à travers notre discussion, lorsque j’ai eu l’occasion certes brève mais toujours si heureuse, de rencontrer à Athènes, mon ami, écrivain, historien et vaillant analyste, Olivier Delorme.

Avec mon ami Olivier Delorme. Athènes, août 2018
Voilier empruntant le Canal de Corinthe. Août 2018

Les symboles de saison en Grèce s’affichent en ce moment plus entiers que jamais: vacanciers de retour depuis les îles, décollages ininterrompus depuis les aéroports de Grèce, et qui appartiennent le plus souvent à FRAPORT AG, compagnie allemande , c’est entre autres, le retour obligé à l’Europe du Nord.

Les symboles et autant certaines réalités grecques, alors il faut dire jusqu’au bout de la décomposition souvent cachée et volontairement des touristes. Ainsi, la belle île d’Hydra a été privée de courant électrique et d’eau courante durant plus de trente-quatre heures en cette fin août. Remarquable alors pagaille en ce temps de la dérision, où il est devenu extrêmement difficile de choisir les événements dans un temps étrange où l’existence du monde n’est plus qu’un tumultueux torrent crisique. Des touristes et des Grecs ayant été largement scandalisés, surtout en quête désespérée de bateau de retour précipité, certains ont même porté plainte, car “c’est impossible que d’être privés de courant de la sorte durant nos vacances”.

Litanie habituelle de la suffisance comme de l’ignorance ainsi revendiquées. Pauvres gens, les coupures de courant électrique en Grèce deviendront de plus en plus fréquentes, comme les années précédentes à Santorin, comme en cette fin août à Athènes même. Comme dans toute expansion… coloniale bâclée, les infrastructures ne suivent pas toujours, qui plus est, en cette Grèce où le PIB a été diminué de 30% en huit années de dite crise, et où les investissements dans l’économie réelle ne représentaient en 2017 que 40% de ce qu’elles avaient été en 2008 (presse économique du moment) .

Dans la foulée, les Smartphones des vacanciers ont été branchés d’urgence… alors bien vitale et par dizaines, sur les rares prises à Hydra fonctionnant en bout de chaîne aux rarissimes générateurs électriques disponibles. Urgences d’une civilisation… de l’urgence ainsi jusqu’au néant.

Rares prises. Hydra, août 2018, reportage de l’Agence Sputnik
Curiosité grecque. Athènes, août 2018

Je dirais même que pour décidément combattre l’hybris que représente alors cette condition de débauche et de goinfrerie de toute sorte qui règne à Mýkonos et à Santorin, des activistes de la vraie Grèce comme du vrai Monde, devraient durablement… saboter l’alimentation en électricité des deux îles durant l’été: déjà pour commencer !

Septembre déjà au pays des fantômes et des parasites du réel. Aléxis Tsípras, la marionnette des colonisateurs, prépare alors sa rentrée politique à Thessalonique d’où il prononcera son “grand discours” à l’occasion de la Foire commerciale annuelle de la capitale de la Grèce du Nord. Au même moment, des manifestations s’y organisent et des affiches présentent déjà Tsípras comme étant largement indésirable à Thessalonique. Somme toute, pour ce qui tient du remaniement ministériel à travers le dernier sarcasme des Grecs, certaines vielles photos des murs aux slogans PASÓKiens des années 1980 circulent alors allégrement sur Internet: “PASOK, sauve-nous”.

PASOK sauve-nous. Photo des années 1980, île de Syros (Internet grec)
Le retour des vacanciers. Péloponnèse, août 2018

Septembre déjà au pays réel au Pirée ou à Athènes. Terrasses donnant sur la mer et symboles de la nation devant le Monument du Soldat inconnu installé sous le “Parlement”, la Garde Evzone et surtout, cette présence des animaux adespotes, sous le regard très numérique il faut dire des touristes de la saison.

Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018
Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018

Ma nièce est rentrée en Allemagne, Hercule, son chat mi-adespote, mi-adopté est désormais soigné par son père, mon cousin Kóstas resté au village. Dans cette piètre Europe tout ne serait sans doute pas perdu. Les nouveaux voisins Allemands ont également leurs deux chats et ils fredonnent de la musique classique… sous le regard interrogatif de Kokkinos (Rouquin), notre matou adespote des lieux, nourrit par une partie du voisinage.

Régate d’Andros. Golfe Saroníque, août 2018

Grèce, pays des régates en mer Égée. On aurait même définitivement maîtrisé l’incendie déclaré à bord du ferry. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse.
Grèce pays maritime !

Kokkinos, notre matou adespote des lieu

Grèce : après la dépression, la «déprime»

  par Fabien Perrier

 

Lors d’une manifestation contre l’austérité à Athènes, le 30 mai. (Photo Angelos Tzortzinis. Picture Alliance. DPA)

Alors qu’Alexís Tsípras se réjouit que son pays soit sorti du programme d’assistance économique, les Grecs restent pessimistes sur leur situation. Retraites minimales, exode des jeunes, fécondité au plus bas… les indicateurs sociaux sont toujours alarmants.

« Nous, les Grecs, nous ne nous en sortirons jamais », lance Virginia, 56 ans. Dans son agence immobilière, elle discute de la sortie, ce lundi, du troisième plan de sauvetage du pays avec une collègue, Athina. Toutes deux s’agacent des déclarations de l’entourage d’Alexís Tsípras, le Premier ministre issu de la gauche grecque, reprises en boucle par les médias : le pays vit, selon lui, le « dernier acte du drame des mémorandums » signés pour éviter à tout prix une sortie de la Grèce de l’euro, aux conséquences vraisemblablement encore plus dramatiques. Et il vante « un nouvel horizon qui se profile pour la société ». Virginia, elle, n’y croit plus : « Je me sens terriblement déprimée… » A tel point qu’à ses yeux, il n’y a plus qu’une option : « Partir, car la Grèce n’a plus d’avenir. » Elle le répète à son aîné, étudiant à Athènes. Quant au cadet, qui s’est installé en France le bac en poche : « Il a bien fait ! » tranche-t-elle.

Entre 300 000 et 500 000 des 10 millions d’habitants, essentiellement des personnes de moins de 25 ans, ont quitté le pays depuis 2010 et le premier plan de sauvetage accompagné de son corollaire : les mesures drastiques d’austérité

Angoisse de l’avenir, sentiment de déclassement, impression que l’exode est l’unique option : de plus en plus de Grecs jettent sur leur pays un regard désolé et inquiet. Entre 300 000 et 500 000 des 10 millions d’habitants, essentiellement des personnes de moins de 25 ans, ont quitté le pays depuis 2010 et le premier plan de sauvetage accompagné de son corollaire : les mesures drastiques d’austérité. L’économie s’est effondrée. Pour comprendre quel est l’impact de la chute du produit intérieur brut de 25 % depuis huit ans, un chiffre, édifiant, suffit. La moitié des 900 000 entreprises de moins de 10 salariés ont fermé. Le chômage, d’à peine 10 % en 2010, a culminé à 27,9 % en juillet 2013 ; il est certes enfin descendu sous les 20 % mais reste deux fois plus ravageur chez les moins de 25 ans. Les chômeurs ne sont maintenus hors de la pauvreté que par un fil : une indemnité chômage qui, en terre hellène, ne s’élève qu’à 360 euros, et à 504 euros pour une famille de quatre personnes. Une indemnisation versée pendant un an maximum après la perte du travail. Du coup, seuls 8 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés. Les autres ne doivent leur survie qu’à leur famille, au système D ou à la vente de leur bien immobilier.

Travail à temps partiel

« Les Grecs bradent leurs biens, appartements et maisons… Et les étrangers les achètent à bon prix », explique Virginia, qui ajoute : « Ceux qui vendent ne le font pas de gaieté de cœur. Leurs revenus ont chuté ; ils ne peuvent plus payer les impôts ni l’entretien de leur maison. » Les revenus ont en effet considérablement chuté depuis huit ans. Les rémunérations ont diminué de 35 % en moyenne. Le salaire minimum grec, de 750 euros en 2010, a fondu à 586 euros, et même à 510 euros pour les moins de 25 ans. La plupart des emplois créés, à temps partiel ou à durée déterminée, ne permettent pas de sortir de la précarité ou de la pauvreté. Aujourd’hui, un tiers du 1,7 million d’employés travaillent à temps partiel, pour 394 euros net par mois, soit à peine plus que le seuil de pauvreté national (380 euros).

Et difficile de se projeter ou de penser à de vieux jours paisibles, car la possibilité de prétendre à une retraite décente s’est pour le moins amoindrie. Et pour cause : le pays a connu pas moins de 27 diminutions des retraites depuis 2010. En moyenne, elles ont baissé de 45 %. La retraite minimale garantie, de 345 euros pour quinze années de cotisation, se situe sous le seuil de pauvreté. « Ma mère a cotisé vingt ans, et se retrouve avec une retraite de 400 euros, se désole Athina. Comment peut-elle vivre avec ça ? » Mais cette question en cache en réalité une autre : comment la famille peut-elle continuer à jouer le rôle d’amortisseur social qui lui a longtemps été dévolu, suppléant ainsi un État au bord de la faillite ? Il y a urgence car « la pauvreté est une bombe pour la cohésion sociale et l’économie grecques », prévient Savas Robolis, professeur émérite d’économie à l’université Panteion d’Athènes.

Anxiolytiques et antidépresseurs

Car la crise sociale tient désormais de la crise sociétale. Différentes enquêtes menées dans ce petit bout d’Europe révèlent ainsi l’explosion des phénomènes de dépression, voire de suicides depuis 2010. Ce que confirment… les eaux usées de la capitale. En effet, des chercheurs de l’Université capodistrienne d’Athènes ont constaté lors de tests sur celle-ci un boom de la consommation de psychotropes (multipliée par 35 entre 2010 et 2014), d’anxiolytiques (multipliée par 19) et d’antidépresseurs (multipliée par 11). Le pays vit une dépression collective où l’absence de perspective ajoute à l’angoisse du quotidien. Un sondage réalisé par la société Nielsen révèle ainsi que plus de 7 Grecs sur 10 doutent que le pays sorte de la crise économique dans les douze prochains mois. Résultat : ils continuent de sabrer dans leurs dépenses consacrées aux loisirs, aux sorties ou à l’habillement. Un autre sondage, mené par le Centre du travail d’Athènes, décrit la souffrance au quotidien. Ainsi, 43 % des ménages déclarent ne pas avoir les moyens de payer le chauffage de leur logement ; 52 % disent qu’ils ne pourraient pas faire face à une dépense imprévue de 500 euros, et 49 % assurent qu’ils ne peuvent partir en vacances. Enfin, « seuls » 42,5 % des salariés affirment percevoir leur salaire en retard.

Les rémunérations ont diminué de 35 % en moyenne. Le salaire minimum grec, de 750 euros en 2010, a fondu à 586 euros, et même à 510 euros pour les moins de 25 ans

Beaucoup ont vu leurs projets brisés. Athina est retournée vivre chez sa mère. Son ancien ami est parti en Allemagne. Ses projets de mariage et d’enfants ont été remisés. D’ailleurs, le taux de fécondité, de 1,8 enfant par femme en 2010, a chuté à 1,3 en 2018. Le plus faible, et de loin, en Europe. Bien insuffisant pour assurer le renouvellement des générations. « Même si le taux passe à 1,5, la population grecque, de 10,8 millions d’habitants aujourd’hui, ne sera plus que de 8,6 millions en 2060 », explique Savas Robolis.

Et cette baisse de la population aura des effets en chaîne sur le développement économique, sur le financement des retraites, etc. Désormais, le gouvernement espère utiliser les quelques marges de manœuvre dont il disposera pour stabiliser le marché du travail. Bref, essayer de recréer un espoir dans une Grèce éreintée. En attendant, Ta Nea, le quotidien proche de l’opposition, préfère jouer sur l’ironie : « 21 août. […] Le plan d’aide est terminé. Le cauchemar continue. » Virginia et Athina ne disent pas autre chose en fermant la devanture de l’agence immobilière : « Le pays est transformé en supermarché pour les étrangers. Et nous, en main-d’œuvre bon marché. »

Source http://www.cadtm.org/Grece-apres-la-depression-la-deprime

Désintox sur la fin de la crise grecque

Désintox à partager contre la propagande officielle : LA CRISE GRECQUE EST ELLE FINIE ?

20 août 2018, c’est la fin officielle du plan d’aide à la Grèce qui, selon les dirigeants européens et les médias, serait enfin sortie de la crise grâce à la cure d’austérité.

Qu’en pensent les premiers concernés ? La crise grecque est-elle vraiment finie ?

Pourquoi la Grèce n’est pas encore sortie d’affaire

Par Jacques Adda

Ce lundi 20 août est une date particulière pour la Grèce. Le pays met un terme à huit années d’une assistance financière massive conditionnée par la mise en œuvre de la politique d’austérité la plus draconienne jamais imposée à une nation souveraine. Alors qu’expire le troisième plan de sauvetage mis en place en juillet 2015 dans le cadre du mécanisme européen de stabilité (MES)1, la Grèce se prépare à voler de ses propres ailes, ce qui signifie faire face à ses besoins de financement par l’emprunt sur les marchés financiers, comme l’ont fait avant elle l’Irlande, le Portugal ainsi que Chypre.

Budget excédentaire

Elle dispose pour cela de plusieurs atouts. Son budget, tout d’abord, qui était déficitaire à hauteur de 15 % du produit intérieur brut (PIB) en 2009, est depuis 2016 légèrement excédentaire. Hors intérêts de la dette, le solde primaire des finances publiques2 a dégagé un excédent de 4,2 % du PIB en 2017, soit plus du double de l’objectif fixé par le programme d’ajustement du MES. ­Selon les prévisions de la Commission euro­péenne, il devrait atteindre 3,8 % du PIB en 2018 et 2019.

Deuxième atout, l’accès aux marchés est facilité par la décrue des taux d’intérêt. Début 2018, le rendement sur les obligations3 à dix ans du gouvernement était revenu en dessous de 4 %, le niveau le plus bas depuis 2010 (mais encore bien au-dessus des taux sur les emprunts dus aux institutions européennes qui se situent entre 1 % à 2 %). Deux ans plus tôt, ce taux approchait encore 12 %. Un premier test de retour sur les marchés a été passé avec succès à l’été 2017, suivi d’un second en février dernier, le gouvernement parvenant à emprunter près de 10 milliards d’euros sous forme d’obligations à cinq et sept ans. Grâce à ces fonds, entre autres, le gouvernement va pouvoir constituer une réserve de 24 milliards d’euros qui devrait suffire à couvrir ses besoins de financement en 2018 et 2019.

FMI contre UE

Le problème est qu’avec une dette publique de 320 milliards d’euros, soit 179 % du PIB, le service de la dette (principal et intérêts) est tellement élevé que même avec un taux d’intérêt de 4 %, la trajectoire de la dette devient vite insoutenable. Selon une définition généralement acceptée, celle-ci est considérée comme soutenable si le ratio de la dette au PIB est décroissant ou stable, et si les besoins de financement du secteur public ne dépassent pas 15 % du PIB.

Ces besoins de financement correspondent à la différence entre le service de la dette et l’excédent primaire des finances publiques. Dans le cas de la Grèce, le profil des échéances de la dette est tel que, dans un scénario favorable, avec une croissance nominale du PIB de 3 % par an et un excédent budgétaire primaire de 3,5 % du PIB jusqu’en 2022 et de 2 % ensuite, les besoins de financement dépasseraient 15 % du PIB à partir de 2027 et 20 % du PIB à partir de 2032.

Ce diagnostic d’insoutenabilité de la dette a été mis en avant par le Fonds monétaire international (FMI) dès 2015, ce qui l’avait conduit à l’époque à demander une réduction de la dette grecque. Devant le refus des Européens, le FMI n’avait pas voulu participer au troisième plan de sauvetage, ne pouvant engager l’argent de ses actionnaires sur des prêts dont il est convaincu qu’ils ne pourront être remboursés.

Trois ans plus tard, le problème reste le même : un accès durable de la Grèce aux marchés financiers n’est guère réaliste si ses besoins de financement ne sont pas réduits. Si la Commission européenne reconnaît depuis janvier 2018 le caractère insoutenable de la dette à moyen et long termes, elle n’accepte pas pour autant le principe de sa réduction, principe rejeté catégoriquement par l’Allemagne et les Pays-Bas, pour lesquels la notion de transfert budgétaire entre Etats de la zone euro demeure taboue.

Plutôt que de réduire la valeur de la dette due aux institutions européennes, qui représente les trois quarts de la dette publique grecque, l’Eurogroupe, le Conseil des ministres des Finances de la zone euro, a entériné le 21 juin le principe d’un reprofilage de la dette, autrement dit d’une réduction de son service par un allongement des échéances et le report de dix ans des intérêts et du principal dus.

L’Eurogroupe a également entériné la rétroversion à la Grèce des quelque 4 milliards d’euros d’intérêts perçus par la Banque centrale européenne (BCE) sur les titres de sa dette acquis depuis 2012. En contrepartie, la Grèce a dû s’engager à ne pas remettre en cause les réformes accomplies et à maintenir un surplus de 2,2 % du PIB de l’excédent primaire de son budget jusqu’en… 2060, le tout dans le cadre d’une surveillance renforcée de la part de la Commission européenne.

Des entreprises et des banques mal en point

Une indépendance toute relative donc, mais qui devrait permettre au gouvernement d’Alexis Tsipras d’exploiter ses nouvelles marges de manœuvre budgétaires en allégeant la pression fiscale et en amorçant la remise à niveau des dépenses sociales, dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la pauvreté notamment. Avec un taux de croissance de 1,4 % en 2017, l’économie a un long chemin à parcourir pour effacer la contraction de 26 % du PIB intervenue depuis 2007.

Si la décrue du chômage est bien amorcée (20 % en mars depuis un sommet à 28 % en 2013), la plupart des emplois créés correspondent à des emplois à temps partiel ou à durée déterminée qui ne permettent pas aux anciens chômeurs de sortir de la pauvreté. A 22 %, le taux de pauvreté, qui a doublé en dix ans, est trois fois plus élevé que la moyenne européenne.

Or, si l’équilibre des comptes publics a pu être rétabli, les déséquilibres financiers ont largement été reportés sur le secteur privé et, par ricochet, sur le système bancaire. Au terme de neuf années de récession, de coupes budgétaires drastiques et de relèvement de la pression fiscale, l’investissement n’atteint pas la moitié de son niveau d’avant-crise. Sevrées de débouchés, les entreprises ont accumulé les retards de paiement, quand elles n’ont pas fait faillite. En conséquence, les créances douteuses se sont accumulées aux bilans des banques et représentent près de la moitié de l’encours des prêts bancaires, soit quatre fois plus que l’Italie.

Grâce au soutien de la BCE et aux restrictions apportées aux mouvements de capitaux, les banques ont pu être maintenues à flot jusqu’à présent. Les dépôts bancaires ont bien commencé à refluer, mais ils sont encore inférieurs de 45 % à leur niveau de 2009. Une reprise du crédit, et avec elle de l’investissement, n’est toutefois pas envisageable tant que les bilans bancaires ne sont pas assainis, un processus qui risque de s’étaler sur plusieurs années. En attendant, la croissance repose essentiellement sur la demande extérieure (produits agroalimentaires et tourisme notamment) et demeure extrêmement vulnérable à un ralentissement de l’activité dans la zone euro.

Les banques grecques plombées par les créances douteuses

Créances douteuses dans les bilans des banques au troisième trimestre 2017, en % de l’encours total des crédits et en milliards d’euros

Un risque qui s’ajoute au regain de tension sur les marchés financiers qui a suivi la formation du nouveau gouvernement italien. Depuis un point bas à 3,7 % fin janvier, les taux sur la dette publique grecque à dix ans sont remontés à 4,8 % début juin, avant de revenir à 4,1 % à la fin du mois. Quelle que soit l’évolution du scénario italien, ils risquent de se tendre à nouveau avec l’arrêt attendu de la politique d’assouplissement quantitatif4 de la BCE en décembre. Une perspective qui pourrait inciter le gouvernement grec à avancer les élections de façon à capitaliser politiquement sur l’indépendance financière retrouvée.

Cet article a initialement été publié le 27 juin 2018.

  • 1. Mécanisme européen de stabilité (MES) : institution financière créée au sein de la zone euro en septembre 2012 dans le but de fournir une aide financière aux Etats membres confrontés à de graves problèmes de financement. Doté de 80 milliards d’euros de fonds propres, le MES peut mobiliser jusqu’à 700 milliards d’euros.
  • 2. Solde primaire des administrations publiques : solde financier de l’ensemble des administrations publiques hors charges d’intérêt sur la dette publique.
  • 3. Obligation : reconnaissance de dette émise par un emprunteur, généralement un Etat ou une entreprise, assortie d’un intérêt fixe appelé coupon, et qui peut être cédée par son acquéreur sur le marché obligataire.
  • 4. Assouplissement quantitatif : politique consistant pour la BCE à acquérir des titres de la dette des Etats membres sur le marché obligataire de façon à favoriser la baisse des taux d’intérêt auxquels les Etats se financent.

Source https://www.alternatives-economiques.fr/grece-nest-sortie-daffaire/00085193

Stathis Kouvelakis sur France culture au sujet de la « sortie de crise »

La Grèce est-elle sortie de crise ?

Le 20 août, Athènes est officiellement sortie du programme d’aides européen, après huit ans de tourmentes bancaire, économique et sociale. La Grèce est-elle pour autant sortie de la crise ?

Ci-dessous le lien vers l’émission ( durée 43mn) de France culture sur la (prétendue) « sortie de crise » de la Grèce, à laquelle a participé Stathis Kouvelakis aux côtés de Jean-Arnaud Dérens face à la défenseure de la Troïka Nathalie Janson.

https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre-dete/emission-du-mardi-21-aout-2018

  • Stathis Kouvélakis  Professeur de philosophie politique au King’s College de Londres
  • Jean-Arnault Dérens rédacteur en chef du Courrier des Balkans
  • Nathalie Janson  économiste, spécialiste de la banque libre et de la régulation bancaire, enseignante à la Neoma Business School de Rouen
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