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Dans le meeting pour la paix de ce dimanche 9 avril à Marseille J Luc Melanchon terminait par ces mots avant de lire le poème du grec Yannis Ritsos : La paix.
« A la Grèce vers laquelle se tournent à cet instant nos pensées, qui une nouvelle fois plongée dans les sacrifices et les souffrances, se demande comment et par où commencera la fin de cet épisode horrible qu’ils sont en train de vivre. Parents qui voient leurs enfants partir, retraités qui croupissent dans la misère et le talon de fer du capital et des banques qui presse.
Les Grecs, si nous autres les français nous nous libérons les premiers des chaînes de l’argent soyez assuré que nous viendrons à la rescousse, les espagnols de même , les portugais, les italiens, les 12 millions de pauvres en Allemagne.
Et avant que j’achève, c’est à la Grèce encore que je vais emprunter des mots. Hier je cherchais quoi vous dire pour conclure et voila qu’un ami plus lettré que moi me dit : j’ai pensé à un poète grec, il s’appelle Yannis Ritsos ça s’appelle La paix «
Voici le poème en grec et sa traduction en français.
Le rêve de l’enfant, c’est la paix.
Le rêve de la mère, c’est la paix.
Les paroles de l’amour sous les arbres
c’est la paix.
Quand les cicatrices des blessures se ferment sur le visage
du monde
et que nos morts peuvent se tourner sur le flanc et trouver
un sommeil sans grief
en sachant que leur sang n’a pas été répandu en vain,
c’est la paix.
La paix est l’odeur du repas, le soir,
lorsqu’on n’entend plus avec crainte la voiture faire halte
dans la rue,
lorsque le coup à la porte désigne l’ami
et qu’en l’ouvrant la fenêtre désigne à chaque heure le ciel
en fêtant nos yeux aux cloches lointaines des couleurs,
c’est la paix.
La paix est un verre de lait chaud et un livre posés devant
l’enfant qui s’éveille.
Lorsque les prisons sont réaménagées en bibliothèques,
lorsqu’un chant s’élève de seuil en seuil, la nuit,
à l’heure où la lune printanière sort du nuage
comme l’ouvrier rasé de frais sort de chez le coiffeur du quartier,
le samedi soir
c’est la paix.
Lorsque le jour qui est passé
n’est pas un jour qui est perdu
mais une racine qui hisse les feuilles de la joie dans le soir,
et qu’il s’agit d’un jour de gagné et d’un sommeil légitime,
c’est la paix.
Lorsque la mort tient peu de place dans le cœur
et que le poète et le prolétaire peuvent pareillement humer
le grand œillet du soir,
c’est la paix.
Sur les rails de mes vers,
le train qui s’en va vers l’avenir
chargé de blé et de roses,
c’est la paix.
Mes Frères,
au sein de la paix, le monde entier
avec tous ses rêves respire à pleins poumons.
Joignez vos mains, mes frères.
C’est cela, la paix.
Yannis Ritsos (1909 – 1990)
Texte traduit du grec par l’auteur,
11/4/17 A Chios, les camps de réfugiés sont au bord de l’implosion : Nous sommes dans l’un des deux camps de réfugiés installé sur l‘île grecque de Chios. Le camp de Souda accueille environ 800 migrants. La majorité vient de Syrie, les autres d’Afrique du Nord, d’Afghanistan ou d’Iran. Tous ont traversé la mer Egée depuis la région turque de Cesme, de l’autre côté de la rive.
Recrudescence des arrivées à Chios
Depuis l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, le nombre de migrants débarquant a Chios a reculé d’environ 25 %. Mais les chiffres de l’ONU montrent une recrudescence des arrivées ces derniers mois : 270 en février, plus de 800 en mars. Des chiffres qui inquiètent la population locale, dont le maire de Chios, Emmanouil Vournos : “C’est peut-être lié aux bonnes conditions météos ou à des raisons politiques. Mais ça ne m’intéresse pas de connaître les causes. Je constate les faits et c’est très dur pour les habitants de l‘île comme pour les réfugiés. Je ne veux pas me plaindre ou faire des reproches à la Turquie. La Turquie est un État indépendant, qui agit comme il l’entend. Et nous, dans l’Union européenne, nous devrions avoir notre propre politique.”
Les incidents dans les camps se multiplient
Les deux camps de réfugiés de Chios sont pleins à craquer. Les conditions de vie y sont très difficiles pour les migrants, contraints d’attendre des mois avant d’obtenir une réponse à leur demande d’asile. Dans ce contexte, les incidents se multiplient. Les migrants expriment leur ras-le-bol et leur frustration. “La nourriture n’est pas bonne, ce que l’on boit n’est pas bon. Et les hôpitaux sont délabrés”, dit un jeune.
On nous montre la vidéo d’un réfugié syrien qui s’est immolé par le feu ici à Chios quelques jours plus tôt.
“C’est un lieu très dangereux”, dit un Syrien.
“J’ai pris trois coups de couteau : un dans la poitrine, un dans le dos, un dans la jambe. Trois coups de couteau ! Je suis resté quinze jours à l’hôpital. Les gens de l’ONU ne sont même pas venus me voir”, explique Majid, âgé de 25 ans. Originaire du Soudan, il est arrivé à Chios il y a trois mois. Sa famille est toujours en Turquie. Elle a tenté à plusieurs reprises la traversée mais a été interceptée par la police turque à Cesme, à seulement huit kilomètres de Chios.
“Chaque jour, nous essayons d’intercepter des migrants”
Ici, les autorités turques disent veiller au grain afin d’empêcher les traversées clandestines, comme l’explique le maire de Cesme Muhittin Dalgic : “Malheureusement, les gens parviennent à s‘échapper d’ici. Mais nous faisons notre possible pour empêcher que cela arrive, grâce à nos forces de sécurité et nos garde-côtes. Chaque jour, nous essayons d’intercepter des migrants avant qu’ils ne soient en mer.”
De notre correspondante, Senada Sokollu : “Les dirigeants politiques turcs ont déjà menacé de déchirer l’accord sur les migrants et même d’envoyer jusqu‘à 15.000 réfugiés par mois en Europe.
Les réfugiés et aussi les autorités grecques ici à Chios se plaignent des conditions de vie dans les camps où les ressources sont particulièrement limitées.”
11/4/17 Réfugiés : selon Kathimerini, de mars 2016 à aujourd’hui 30 000 réfugiés sont arrivés en Grèce, seuls 944 ont été renvoyés vers la Turquie alors que seulement 1 300 demandes d’asile ont connu une issue favorable.
Blog de Romaric Godin. Le gouvernement d’Antonio Costa a déjoué tous les pronostics sur son incapacité à survivre entre les exigences des marchés et de Bruxelles et celles de ses alliés de gauche. Il fait désormais figure de modèle d’une gauche sociale-démocrate européenne à la recherche d’un second souffle. Mais ce modèle est-il pertinent et transposable ?
Décidément, rien ne s’est passé comme prévu au Portugal. Le gouvernement d’Antonio Costa, gouvernement socialiste minoritaire soutenu par trois formations de gauche, les Verts, le Parti Communiste (PCP) et le Bloc de Gauche (BE), ne devait d’abord pas voir le jour après les élections du 4 octobre 2015, puis, ne devait pas durer plus de quelques mois, puis, enfin, devait succomber face aux « réalités » économiques. Et pourtant, aucun de ces scénarios ne s’est réalisé.
Mieux même, le gouvernement Costa a eu les honneurs d’une forme de mea culpa du très libéral hebdomadaire britannique The Economist qui, dans son édition du 1er avril, a dû reconnaître que ce que « beaucoup » (entendez la rédaction du magazine) « appelaient de l’économie vaudou » (c’est le nom que la même rédaction donne à toute forme de pensée keynésienne) avait en partie fonctionné. Le Portugal a réduit son déficit budgétaire à 2,1 % du PIB en 2016, année où il a eu entièrement les rênes de l’Etat, ce qui constitue un record depuis la fin de l’ère salazariste. Et parallèlement, il est parvenu à maintenir sa coalition et à tenir plusieurs de ses engagements concernant le retournement des mesures d’austérité imposées par la troïka : les salaires des fonctionnaires ont été revalorisés, les heures travaillées réduites, les pensions relevées, tout comme le salaire minimum.
Une naissance mouvementée
Le gouvernement portugais n’a donc pas satisfait les anticipations des milieux conservateurs européens qui voyaient dans cette expérience Costa un « accident de l’histoire » dont la page aurait été vite tournée. Après les élections du 4 octobre 2015, la presse européenne avait (presque) unanimement applaudi à la « victoire » de la coalition conservatrice de l’ancien premier ministre Pedro Passos Coelho. Mais si son alliance Portugal à Frente, regroupant les deux partis de droite, le Parti social-démocrate (PSD) et le CDS-PP, était effectivement arrivée en tête avec 38 % des voix, elle avait perdu près de 12 points ainsi que sa majorité absolue.
La gauche, dépassant les vieilles inimitiés de la transition, semblait vouloir s’unifier pour chasser Pedro Passos Coelho du pouvoir. Le président de la République d’alors, l’ancien premier ministre PSD Aníbal Cavaco Silva avait tenté cependant de passer en force. Renommant Pedro Passos Coelho premier ministre, il espérait détourner les Socialistes de l’alliance de gauche et les contraindre à une « grande coalition », si prisée des partisans des « réformes structurelles » en Europe. Peine perdue, Antonio Costa a continué à négocier avec le PCP et le BE. Le 10 novembre, le PS déposait une motion de défiance qui était adoptée et renversait Pedro Passos Coelho. Deux semaines plus tard, le gouvernement Costa était formé, non sans s’être engagé auprès de la présidence à demeurer dans l’euro et à respecter les engagements du pays vis-à-vis de Bruxelles.
L’échec des pressions de Bruxelles et Berlin
Cette expérience était cependant alors vue comme éphémère. Le PS portugais est un des plus « centristes » d’Europe et est fortement pro-européen, alors que ses nouveaux alliés, PCP et BE, sont opposés à la monnaie unique. Une crise budgétaire pouvait faire voler en éclat cette fragile construction. Cette dernière pouvait venir des demandes de Bruxelles, mais aussi de l’attitude de la petite agence de notation canadienne DBRS, la seule qui notait encore le pays en catégorie « investissement » et qui lui permettait ainsi de demeurer dans le programme de rachats de titre de la BCE, le fameux « QE ».
Bruxelles a en effet demandé plus de mesures de consolidation budgétaire, en février 2016, puis en juillet 2016, lorsque le pays a évité de peu une sanction pour des dérives réalisées par… le gouvernement précédent. Mais, à chaque fois, le gouvernement a réussi à maintenir le soutien des deux formations de gauche.
Quant à l’agence DBRS, elle n’a pas bronché, malgré les attaques régulières du ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. Ce dernier ne manque pas une occasion de menacer Lisbonne. Le 7 mars dernier, encore, il a indiqué que le pays pourrait avoir besoin d’un nouveau programme de renflouement et a appelé le gouvernement à resserrer la vis budgétaire. Quelques jours avant que l’on apprenne la bonne performance budgétaire lusitanienne pour 2016… La stratégie est celle de la prophétie auto-réalisatrice : faire monter les taux en faisant peur et contraindre ainsi à un changement de politique brisant la coalition. Mais cette stratégie a échoué jusqu’ici : DBRS n’a pas dégradé le Portugal malgré la hausse des taux et le pays reste donc sous la protection de la BCE. Au final, la coalition a tenu bon.
Modèle pour la social-démocratie européenne ?
Désormais, à l’heure où la plupart des partis sociaux-démocrates européens engagés dans l’austérité et les « réformes structurelles » s’effondrent (le dernier d’entre eux, le PvdA néerlandais est passé le 15 mars dernier de 24,8 % à 5,7 % des voix), l’expérience portugaise apparaît comme exemplaire : le PS a su conserver ses convictions européennes tout en ne sacrifiant pas à une politique aveugle et en maintenant le soutien d’une gauche que l’on croyait irréconciliable. Mieux même, le PS est désormais largement en tête dans les sondages. Le dernier, réalisé en mars par Eurosondagem le donne à près de 42 % contre 31 % pour les deux partis de droite. Et PCP et BE reculent également. Rien d’étonnant à ce que le « voyage à Lisbonne » soit devenu le passage obligé des Socialistes européens en quête d’alternatives et de modèles. En 2016, le socialiste espagnol Pedro Sánchez avait proposé à Podemos une « coalition à la portugaise ». En mars, c’est Benoît Hamon qui est allé à Lisbonne pour préparer la demande d’unité de la gauche qu’il a par la suite formulé en France. Les deux hommes n’ont pas su, cependant, imposer le scénario portugais. C’est que la situation est fort différente au Portugal.
« Moindre mal »
Le ciment principal de la coalition portugaise est le souvenir de la très violente cure d’austérité qu’a subie le pays entre 2011 et 2014. Pedro Passos Coelho a voulu être un exemple aux yeux de l’Europe et n’a pas hésité à faire du zèle en allant au-delà des demandes de la troïka. La droite a donc fait figure d’épouvantail pour le PCP et le BE, d’autant qu’elle promettait un nouveau tour de vis budgétaire. C’est seulement cette politique qui a permis qu’un parti comme le PCP, resté très « orthodoxe », oublie la « trahison » du PS envers la révolution en 1975-1976 pour soutenir le gouvernement Costa. Reste que ce soutien externe au PS, comme celui du BE, est avant tout perçu comme un « moindre mal » : les deux partis de gauche ne sont souvent pas tendres avec le gouvernement et réclament plus de fermeté face à Bruxelles et plus d’audace sur la politique sociale. Les situations politiques françaises et espagnoles ne sont, de ce point de vue, pas comparables : la question catalane a empêché une telle alliance en Espagne, où elle était possible. En France, le PS est le parti au pouvoir, ce qui empêche toute comparaison.
Faible croissance
L’horizon semble donc se dégager pour Antonio Costa. The Economist évoque même un relèvement à terme de la note du pays par les agences qui le placent encore en catégorie « pourrie » (« junk »). Mais la situation économique reste difficile. La croissance demeure faible : 1,4 % en 2016, peut-être 1,6 % cette année et 1,5 % en 2018, selon la Commission européenne. Cette faible croissance réduit forcément la capacité de redistribution du gouvernement. Pour le moment, Antonio Costa s’est principalement attelé à revenir sur les mesures les plus sévères des gouvernements précédents. Il n’est pas sûr qu’il puisse aller beaucoup plus loin et c’est pourquoi le ministre des Finances Mário Centeno demande à Bruxelles de faire sortir le pays de la procédure de déficit excessif, afin de disposer de nouvelles marges de manœuvre.
Un endettement immense
Il n’est pas certain, cependant, que cette démarche soit cependant suffisante. La politique de la troïka et de Pedro Passos Coelho a, en effet, fait exploser le ratio d’endettement public du pays qui était à 133,4 % du PIB à la fin septembre 2016, soit le deuxième plus élevé de la zone euro. Le Portugal doit faire face à un service de la dette considérable et Bruxelles, comme elle le fait pour l’Italie, ne se contentera pas d’un simple retour dans les clous de Maastricht. Le « pacte budgétaire » impose un rythme de désendettement pour l’Etat portugais qui est intenable à terme, compte tenu de la dynamique des intérêts. Le gouvernement d’Antonio Costa n’est donc pas sorti d’affaire. D’autant qu’il a hérité d’un redoutable problème, celui des banques, qui pèse sur son déficit et son endettement.
Le problème bancaire, pomme de discorde à gauche
Le Portugal, on l’a vu, a une croissance chroniquement faible. C’était, du reste, déjà le cas avant la crise. A la différence de la Grèce ou de l’Espagne, le pays n’a pas connu de « bulles » dans les années 2000. Il a principalement vécu d’un endettement public et privé devenu progressivement intenable. Les banques portugaises sont donc confrontées, davantage encore désormais que les banques italiennes, au problème des créances douteuses, les fameuses « non performing loans » (NPL). Le gouvernement précédent avait clairement joué la montre, préférant ne pas utiliser l’argent de « l’aide » européenne pour le système bancaire afin de privilégier une « sortie exemplaire » du programme. Les créanciers européens et le FMI avaient laissé faire. Antonio Costa a hérité de ce problème sérieux et il doit désormais faire face aux pressions européennes pour régler au plus vite le problème. Il a ainsi dû renflouer à hauteur de 2,5 milliards d’euros la banque publique, la Caixa Geral do Depósitos, ce qui pèsera en 2017 sur le déficit public.
La question de Novo Banco
Mais, à présent, la pomme de discorde est la privatisation de Novo Banco, la banque issue de la restructuration de Banco Espírito Santo. La banque centrale a décidé de céder 75 % de cette banque au groupe financier étasunien Lone Star. La « vente » est gratuite et s’accompagne d’un engagement de Lone Star d’injecter un milliard d’euros dans Novo Banco sur deux ans, mais, parallèlement, l’Etat portugais assure une garantie sur une grande partie des NPL, pour un montant global de près de 4 milliards d’euros. Cette décision a provoqué une levée de boucliers du PCP et du BE qui ont demandé un contrôle parlementaire et le maintien de Novo Banco dans le giron public. Le ton est vite monté, augmentant la tension au sein de la coalition et relançant les rumeurs d’élections anticipées. Un tel scrutin pourrait, du reste, être tentant pour Antonio Costa dont le parti s’approche désormais de la majorité absolue des sièges dans les sondages. Mais ce pourrait être une victoire à la Pyrrhus : un gouvernement socialiste majoritaire pourrait être tenté de reprendre une politique d’austérité et de « réformes » pour faire baisser la dette et rassurer les marchés. C’est cette même politique qui, en 2011, avait conduit à une défaite claire du PS.
Des « réformes » pour sauver l’économie du pays ?
Car, quel que soit le jeu politique à Lisbonne, l’économie portugaise semble plus que jamais dans une impasse. Sa croissance potentielle demeure trop faible, freinée principalement par le niveau d’endettement de l’Etat, mais aussi des agents privés (qui est de près de 181,5 % du PIB en 2015) et par un outil productif trop faible, principalement centré sur le bas de gamme. La solution prônée par Bruxelles et la plupart des économistes, reprise à la fin de son article par The Economist, est celle, désormais habituelle, du mantra des « réformes structurelles ». Mais ces réformes, déjà largement appliquées dans le pays, n’ont fait que renforcer le phénomène en réduisant le coût du travail et en aggravant le poids de la dette sans produire de la croissance. Cette politique a, par ailleurs, profondément appauvri le pays. Ce dernier affichait en 2010 un PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat équivalent à 82 % de la moyenne de l’UE. Il était en 2015 de 77 % de cette moyenne, un chiffre équivalent à la Slovaquie et à certains pays baltes. Les Portugais, notamment les plus éduqués, mais pas seulement, ont massivement émigré à nouveau, provoquant une perte de richesse dans un pays démographiquement en déclin.
Le problème de l’investissement
Le Portugal a donc besoin d’une stratégie de sortie de crise par le haut. Le pays a besoin d’investissements, y compris d’investissements publics puisque, malgré les réformes, le secteur privé investit encore trop peu dans l’outil productif. Or, le gouvernement Costa a principalement rempli ses objectifs budgétaires en taillant dans l’investissement public, donc dans la croissance future. Une stratégie de courte vue, qui permet d’éviter un nouveau plan d’austérité, mais qui hypothèque l’avenir. Parallèlement, si le « plan Juncker » a accéléré ses investissements au Portugal, parfois dans des secteurs porteurs comme les énergies nouvelles, ces sommes restent réduites. Pour le moment, les projets « signés » de ce plan auraient permis, selon la BEI, de mobiliser 1,3 milliard d’euros d’investissements, soit 0,7 % du PIB annuel. Pas de quoi changer la donne alors que l’Etat coupe dans les budgets.
Impasse de la coalition actuelle
Le Portugal est donc dans une impasse bien plus préoccupante que les tensions politiques au sein de la coalition. La dette freine l’investissement, ce qui fait croître la dette. Aucune « réforme » ne pourra casser cette logique. Le pays ne peut réellement sortir de l’ornière et sa classe politique tente d’éviter le pire en naviguant à courte vue dans une stratégie du « moindre mal », la seule qui lui est aujourd’hui possible, en espérant que le pays finisse par profiter de l’amélioration conjoncturelle mondiale. Mais sans une vraie reprise des investissements productifs, l’économie lusitanienne est condamnée à végéter. C’est sans doute le constat le plus décevant de la coalition de gauche au Portugal : soumise à des contraintes externes importantes, elle a assuré une alternance certes réelle, mais a minima, incapable de véritablement faire face aux problèmes du pays.
Le collectif Grèce-austérité de Grenoble vous invite à la projection-débat du film
Aube dorée : une affaire personnelle
Que se passe-t-il dans la tête du néo nazi de tous les jours ?
Le Lundi 10 avril 2017 à 19h45
au cinéma Le club 9 bis rue Phalanstère à Grenoble
suivie d’un débat avec Angélique Kourounis réalisatrice
correspondante de Radio France en Grèce, de Charlie Hebdo, Politis .
Synopsis
Mon homme est juif, un de mes fils gay, un autre anar et moi féministe de gauche, fille d’immigré. Si Aube Dorée vient aux affaires notre seul problème sera dans quel wagon nous monterons.
Une journaliste enquête depuis des années sur l’organisation du parti néo nazi grec Aube Dorée
L’effondrement économique, l’instabilité politique, et les relations familiales sont au premier plan de ce documentaire qui essaie de comprendre ce qui se passe dans la tête des Aubedoriens qui se posent en victimes du système.
Une Aube Dorée qui ne s’est jamais cachée quant à son idéologie. Ses scores aux élections dans le passé étaient peut être négligeables, mais cette idéologie défendue par une partie du clergé, cultivée par la plupart des média, et transmise par le système politique est devenue le terreau sur lequel l’organisation a pu se développer.
La réalisatrice approche la question d’Aube Dorée via ses propres obsessions, ses inquiétudes et ses peurs. Elle a dédié plusieurs années de travail à ses recherches autour du parti néo nazi grec qui occupe toujours la troisième place sur l’échiquier politique grec après des décennies d’actions meurtrières. C’est son troisième film sur la question, et le premier documentaire d’auteure.
Documentaire de 90′ d’Angélique Kourounis
Une production d’ OmniaTV en coproduction avec Arte et Yemaya Productions
Avec le soutien de : Reporters Sans Frontières-Hellenic League for Human Rights -Rosa Luxemburg Stiftung – Grèce, Charlie Hebdo- Politis- Attac 38- CADTM 38.
La Grèce et ses créanciers sont sur le point de trouver un « accord ». Il faudra encore faire des économies, cette fois à hauteur de 2 % du PIB. Athènes est encore une fois sacrifiée sur l’autel des intérêts de ses créanciers et de la fiction du « succès des réformes ». Une fuite en avant inquiétante.
Ce vendredi 7 avril au matin, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, toujours en place en dépit de ses provocations depuis quelques jours, se disait de « bonne humeur » sur l’issue de la énième « réunion décisive » du conseil des ministres des finances de la zone euro. Voici donc où en est réduit la Grèce : voir son sort dépendre de « l’humeur » d’un responsable largement discrédité dans son pays (où son parti a vu son électorat divisé par cinq) et au niveau européen (le parlement européen l’a déclaré persona non grata mardi après un refus de se présenter devant les élus). Et, pour s’assurer ses faveurs, demander que l’on oublie ses insultes, comme l’a fait le ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos qui a affirmé vouloir passer l’éponge sur les déclarations injurieuses récentes de Jeroen Dijsselbloem.
Prétexte
La Grèce est plus que jamais dans l’attente de la conclusion de la « seconde revue » de son « troisième programme ». Cette « revue » n’est, en réalité, qu’un prétexte. Le vrai enjeu se situe ailleurs : dans les mesures futures qui feront entrer le FMI dans ce troisième programme. L’institution de Washington s’y est longtemps refusée, affirmant non sans raison, que la dette grecque était insoutenable à son niveau actuel (174 % du PIB) et qu’elle était une entrave au développement du pays. Le FMI tentait également ainsi de ne pas reproduire les erreurs de 2010 où il avait ignoré les mises en garde de ses propres équipes et où ses règles internes avaient été ignorées et modifiées à dessein. Mais l’Allemagne a toujours insisté pour que le FMI s’implique dans ce troisième programme. Angela Merkel a reçu en mars Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds, et, depuis, la présence du FMI semble acquise. Mais le prix de cette présence est élevé, et il sera porté par la Grèce. Et c’est bien le niveau de ce prix qui est actuellement en discussion.
Le FMI comme « père fouettard »
Le FMI accepterait donc de fermer les yeux sur l’insoutenabilité de la dette publique hellénique, mais, pour assurer cette « soutenabilité » au moins sur le plan théorique, il exige logiquement que la Grèce dégage pendant longtemps des excédents primaires élevés et qu’elle réduise un de ses principaux postes de dépenses : les retraites. Toute la question des discussions actuelles est donc de faire accepter au gouvernement d’Alexis Tsipras une nouvelle réforme des retraites, après celle qui est entrée en vigueur cette année. Une « réforme » qui se concentre sur un seul point : celui de la baisse des dépenses, jugées trop élevées par le FMI.
Les exigences du FMI ont plusieurs fois fait échouer les négociations et provoqué cette semaine la colère d’Alexis Tsipras. Mais elles ne sont que les conséquences de la position initiales des créanciers européens : celle de vouloir et la présence du FMI et l’absence de coupe dans le stock de dettes publiques qu’ils détiennent. Dès lors que le FMI accepte – pour des raisons apparemment politique – de rejoindre le programme, il devient le « père fouettard » de la Grèce. C’est évidemment ce que les créanciers européens attendent de lui. En maintenant dès la signature du mémorandum en août 2015 une position ambiguë sur le FMI, ces derniers se sont préservés les moyens d’utiliser le FMI à l’avenir pour faire pression sur la Grèce.
Athènes n’a pas le choix
Un accord semble désormais en vue, même si Jeroen Dijsselbloem a indiqué qu’il n’aura pas lieu lors de cet Eurogroupe du 7 avril. Les mines soulagées à Athènes et à La Valette (où se tient l’Eurogroupe) ne doivent pas tromper : le gouvernement grec n’a aucun choix alternatif. Il doit rembourser en juillet 2 milliards d’euros de dettes détenus par des investisseurs privés et 4 milliards d’euros à la BCE. Il ne peut faire face à ses engagements. Et comme Alexis Tsipras ne dispose d’aucune volonté désormais d’engager un rapport de force, il va devoir céder, moyennant quelques menues concessions, l’essentiel. C’est du reste ce qui s’est passé depuis l’été 2015 puisque ce troisième programme n’a cessé de se durcir.
Facture salée
La facture cette fois s’annonce cependant sévère : il s’agira de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économie après la fin du programme prévu en 2018. Le système des retraites sera mis à contribution en 2019 avec des économies de 1 % du PIB. Puis en 2020, il faudra relever l’impôt sur le revenu pour qu’il rapporte encore 1 % du PIB de plus. Les créanciers et le FMI se lamentent souvent sur le poids des pensions dans la dépense publique grecque. Il est réel, puisque la Grèce consacre 17,1 % de son PIB aux retraites, selon Eurostat, contre une moyenne de 13,5 % du PIB pour la zone euro. Mais ce phénomène est lié au fait que le reste des transferts sociaux sont plus faibles. L’ensemble des dépenses sociales s’élèvent à 26 % du PIB contre 29,5 % dans le reste de la zone euro. Le tout avec une situation sociale critique. Les pensions sont donc souvent utilisées pour jouer un rôle redistributif dans les familles. Elles ont, du reste, été déjà lourdement frappée par les économies.
Politiquement suicidaire pour Syriza
Politiquement, cette décision est un acte suicidaire de plus pour Syriza qui accuse déjà dans les sondages un retard de 19 points sur le parti conservateur Nouvelle Démocratie. Le montant des retraites était une « ligne rouge » du parti qu’il avait, bon gré mal gré, tenté de maintenir dans son projet de réformes de 2016. Ce projet avait, du reste, eu également un coût : celui d’une baisse automatique des dépenses publiques en cas de déviation de l’objectif budgétaire d’un excédent hors service de la dette de 3,5 % du PIB en 2018. Bref, la capacité de résistance d’Alexis Tsipras, sur laquelle il a fondé sa stratégie, n’a pas prouvé son efficacité. Mais il est vrai qu’il n’a guère de moyen de pression réel.
Persister dans l’échec
Économiquement, l’arrivée du FMI et ces nouvelles mesures traduisent une fuite en avant dans l’échec. Le refus des créanciers européens de reconnaître l’échec patent de leur politique grecque, leur insistance à appeler « réforme » des mesures d’austérité et leur capacité à entraîner le FMI dans leur folie sont autant de signes extrêmement inquiétants pour l’avenir de la Grèce. Ce pays est plus que jamais soumis à un « péonage de la dette » où elle doit, dans des conditions dantesques, produire de la richesse pour la transférer à ses créanciers. C’est la meilleure façon de rendre la dette grecque encore plus insoutenable en détournant les investissements de ce pays. Et de tromper, au passage, les contribuables européens à qui l’on fait croire l’impossible : celui d’un remboursement de la dette grecque.
La Grèce accepte des réformes pour sortir de l’impasse avec ses créanciers
Par AWPAthènes ses créanciers sont parvenus à un accord à la réunion de l’Eurogroupe, après des mois d’un surplace.
Athènes s’est entendue vendredi avec ses créanciers sur les réformes qu’elle doit encore faire pour parvenir à un accord, après des mois d’un surplace qui suscitait une inquiétude grandissante sur le redécollage de l’économie grecque.
« La bonne nouvelle aujourd’hui, c’est que nous avons résolu les gros problèmes concernant les réformes à faire et maintenant, nous n’avons plus qu’à parcourir la dernière ligne droite », a déclaré le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion des 19 ministres des Finances de la zone euro à La Valette.
« Je veux saluer l’accord de principe qui intervient après plusieurs mois de travail difficile (…) Le moment est venu de mettre fin à l’incertitude sur l’économie grecque », a renchéri le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici.
Le gouvernement grec a accepté de s’engager sur des mesures économiques qu’il devra mettre en œuvre en 2019 et 2020 pour satisfaire ses bailleurs de fonds, ce qui devrait dégager la voie au versement d’une nouvelle tranche de crédit.
Une manne d’argent frais dont Athènes aura bientôt besoin puisqu’elle doit rembourser des créances de plus de sept milliards d’euros en juillet.
Depuis des mois, les discussions piétinaient entre Athènes et ces bailleurs de fonds (zone euro et FMI), ce qui bloquait la poursuite du troisième plan d’aide de 86 milliards d’euros consenti en juillet 2015, qui court jusqu’en juillet 2018.
Selon M. Dijsselbloem, le gouvernement grec est maintenant prêt à effectuer des coupes supplémentaires dans les retraites en 2019 et augmenter les impôts en 2020.
M.Dijsselbloem qui est également ministre néerlandais des Finances, a souligné l’importance d’arriver rapidement à un accord final: « la situation ne s’améliore pas en Grèce et c’est quelque chose dont nous sommes responsables. Cela prend trop de temps », a-t-il dit.
Le retour présumé de la Grèce à la croissance en 2016 – sur lequel tablait Bruxelles – a en effet d’ores et déjà été démenti par les dernières estimations, début mars, de l’Office grec des statistiques, selon lequel le Produit Intérieur Brut (PIB) a stagné l’an passé.
De son côté, le ministre grec des Finances, Euclid Tsakalotos, a promis que les réformes sur lesquelles il s’était engagé pour 2019 et 2020 seraient examinées aussi tôt que possible par le parlement grec, où le parti de gauche -Syriza- auquel il appartient dispose d’une majorité très étroite.
‘Nous serons prêts’
M.Tsakalotos a souligné que les créanciers avaient accepté que si la Grèce parvenait à réaliser les objectifs budgétaires demandés, elle pourrait accroître ses dépenses à caractère social.
Et, selon lui, l’épineuse question de l’allègement de la dette grecque devrait être réglée avant l’été. « Nous serons prêts pour que toutes les pièces du puzzle soient en place pour la discussion sur l’allègement de la dette », a-t-il dit.
« Si les discussions s’enlisent, l’incertitude va revenir », a souligné M. Tsakalotos. « Personne ne veut le retour de la crise grecque », a-t-il martelé, faisant référence au psychodrame de l’été 2015 où la Grèce avait bien failli sortir de la zone euro.
Les créanciers de la zone euro sont divisés sur la question de la dette grecque. Le Fond monétaire international (FMI), pour l’instant simple conseiller technique dans le troisième plan d’aide alors qu’il avait eu un rôle majeur dans les deux premiers, préconise un allègement substantiel de la dette.
Ce que l’Allemagne, principal créancier de la Grèce, refuse. Berlin insiste cependant pour que le FMI participe financièrement au programme.
Ces questions seront très certainement au menu des discussions le 21 et 22 avril lors de la réunion annuelle du FMI à Washington, où participent les ministres de la zone euro.
Déjà tendues, les négociations sont rendues encore plus difficiles par l’approche de l’élection présidentielle en France, le 23 avril et le 7 mai, et surtout des législatives allemandes en septembre.
Publié le 4/4/17 dans le petit journal d’Athènes : Le plus grand risque est attendu pour les retraités touchant des pensions supérieures à 1000 euros par mois, qui sont environ 750 000.
« L’ajustement » des retraites étudié par le gouvernement infligera des réductions allant de 5 à 620 euros par mois pour au moins 1,4 million de retraités lorsque l’écart entre la pension calculée selon l’ancienne réglementation et le nouveau système sera imposé à tous les retraités.
Les experts du gouvernement préfèrent envisager cette solution pour que les créanciers du pays, et en particulier le Fonds monétaire international, n’exige une réduction immédiate des retraites.
En dépit des propos rassurants tenus par le ministre des Finances Euclide Tsakalotos et le ministre du Travail Effie Achtsioglou cette semaine devant les députés, le projet de loi doit mener à une réduction des pensions d’environ 14 % pour plus de 1,4 millions de retraités.
Ceux qui subiront les baisses les plus importantes : les retraites les plus élevées versées seulement après quelques années de travail avec une réduction de 40 % dans certains cas. Cependant, certaines personnes aux pensions très faibles pourraient s’attendre à une augmentation de leurs prestations mensuelles, atteignant dans certains cas 20 %, s’ils ont pris leur retraite après de nombreuses années d’emploi.
Les retraités aux pensions supérieures à 1000 euros par mois, qui sont environ 750 000 perdront en 2019 18 %. Ils comprennent les fonctionnaires avec 35 années d’emploi, les policiers, les médecins, les professeurs d’université et les anciens salariés du système de santé ESY.Les indépendants, dont les retraites sont versées par TBE subiront la plus grande baisse (environ 620 € /mois). Même les pensions minimales actuellement à 484,64 euros pour 15 ans d’emploi, perdront 22 %.
Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque .
Hors cadre
Histoires de notre humanité alors hors cadre. Quotidien répété, crise régurgitée, le tout sous un soleil que l’on perçoit encore heureusement comme radieux. “La Grèce ne se relèvera plus jamais. Son économie ne sortira nullement de sa tombe, et quant au pays déjà colonie de Schäuble, il finira… par être dépecé”. Constants et craintes que l’on répète sans cesse… oraison funèbre bien d’ici, devenue permanente et ambiante, non pas celle de Périclès, mais l’autre, propagée autant par les ondes radio, à l’instar de cette complainte extraite de zone matinale du 31 mars 2017 (radio 90.1 FM).
Galerie marchande, boutiques en faillite et drapeaux. Athènes, mars 2017
Les médias répètent à souhait que “le prochain accord technique (‘staff level agreement’) entre le gouvernement et les institutions (Troïka élargie) n’est qu’une affaire de temps, d’ailleurs bien court. Et par conséquent, le gouvernement vient d’entreprendre dans l’urgence son habituel ‘massage’ préparatoire… des parlementaires de sa majorité pour ainsi faire avaler la énième pilule mémorandaire. D’autant plus, que parmi les mesures pressenties, figurent, l’abaissement du seuil d’imposition ramené à 5.900€ de revenus par an (au lieu de 8.636€ actuellement), autant que la nouvelle diminution du montant des retraites (plus de 900.000 retraités actuels seront concernés), une baisse d’ailleurs estimée à 30% en moyenne” (voir par exemple le quotidien “Kathimeriní” du 31 mars.
Accord qui ne peut être que “technique” et qu’il le demeurera à jamais… jusqu’à l’effondrement à venir que l’on pressent… fort chaotique sous l’Acropole. En tout cas, pour rendre nos affaires humaines décidément hors cadre plus claires, il faut préciser qu’en Grèce, l’employé moyen du secteur privé restant et qui gagnant pour un temps plein 400€/mois, ce qui devient de règle, deviendra ainsi imposable.
Les journées passent, le Printemps avance et nos touristes se demandent (et me questionnent) parfois au sujet de la crise grecque. Car de temps à autre ils ont du mal à distinguer cette crise décidément grecque du premier regard, sauf à se promener en Grèce de manière à peine plus approfondie et cela d’abord à Athènes. Maigre consolation pourtant (crise ou pas) pour les badauds d’où qu’ils viennent, sur les hauteurs du mont Hymette on y découvre encore quelques rares troupeaux. Puis, près du jardin botanique, des travaux de restauration ont pu reprendre sur le site des thermes romains, cette fois en plein centre-ville. Tout n’est pas sombre alors. La découverte de ces thermes avait d’ailleurs contraint dans les années 1990 le constructeur du métro à modifier ses plans. Autres temps ?
Troupeau du mont Hymette. Attique, mars 2017
Sur le site des thermes romains. Athènes, mars 2017
Sur le site des thermes romains. Athènes, mars 2017
Rappelons que les historiens et les archéologues retiennent que ces thermes romains ont été fondés après le raid des Hérules, ethnie comme on sait germanique ayant pillé Athènes vers l’an 267 de notre chronologie, mettant ainsi fin à la tradition sculpturale de la ville. Peut-être que les historiens et les archéologues du futur, de toute évidence les… paléo-informaticiens du temps d’après, retiendront qu’à la suite du… raid de la Troïka élargie sur Athènes en ce début du troisième millénaire, le pays ne s’est plus jamais relevé.
Histoires de notre humanité décidément hors cadre. L’Union syndicale des journalistes d’Athènes a déclenché jeudi 30 mars un mouvement de grève du personnel à la radio de SYRIZA 105,5, dénonçant très précisément, le licenciement abusif d’une journaliste. Le communiqué adopté de manière quasi-unanime par l’assemblée générale du personnel de la radio de SYRIZA 105,5 FM est clair:
“Nous condamnons fermement la décision de licenciement de notre collègue Katerina Kanaki. Il lui a été annoncé qu’elle ne pourra plus continuer à travailler à notre radio, à compter du 31 mars. Nous condamnons et nous dénonçons autant, la tentative entreprise de la part de la direction, consistant à présenter ce licenciement comme relevant plutôt d’une ‘non-embauche’. Notre collègue travaillait à la radio 105,5 FM, pour d’ailleurs de besoins confirmés et permanents depuis le 1er juin 2016. Pour ces dix mois de travail et jusqu’à présent, elle n’a reçu que deux versements de 400 euros chaque fois.”
Manifestation place de la Constitution. Athènes, mars 2017
Manifestation place de la Constitution. Athènes, mars 2017
Touristes à Athènes, mars 2017
“Ainsi, nous condamnons avec indignation la méthode utilisée par la direction, car après neuf mois d’obstruction, et alors prétendant ‘examiner les moyens, tout comme le cadre de son recrutement’ promis, elle lui fait signer en trompe l’œil un contrat d’apprentissage d’une durée de 15 jours seulement le 17 Mars, en réalité dans le but de faire valoir le cadre juridique qui en découle, et pour aussitôt y mettre fin.” “Nous considérons que le licenciement de notre collègue inaugure une période bien funeste pour les salariés de la radio SYRIZA 105,5 FM, menaçant directement les relations au travail, étant donné en outre des propos abominables ouvertement tenus par certains membres de la direction, du genre: ‘ceux qui ne tiennent pas le coup, ils peuvent partir’ etc.”, presse grecque, le 30 mars 2017, par exemple “IEfimerida”.
Vue… d’Athènes. Mars 2017
Et comme le ridicule tue rarement… hormis la gauche, le député et… intellectuel organique du parti ANEL (partenaire de SYRIZA au gouvernement), vient de déclarer (31/03): “Je ne suis pas d’accord avec toutes ces nouvelles mesures (d’austérité), d’autant plus que le pays est sous occupation. Il s’est transformé en une colonie de la dette, et certes, la politique du gouvernement, c’est bien une politique de gauche, sauf que sa mise en œuvre ne l’est pas”, journal “To Pontíki”.
Les Grecs n’ont plus l’air de prêter la moindre attention aux déclarations des Tsiprosaures, sur la place de la Constitution seul le soleil brille encore ou sinon, quelques rares manifestants héroïques et symboliques. Ceux dénonçant par exemple la mise en vente de l’importante compagnie d’assurance filiale de la dite Banque Nationale de Grèce, qui n’est plus une banque, et encore moins nationale, ni… de Grèce, car bradée à de funds étrangers (sous la… gouvernance Tsipras II en automne 2015) au 2% de sa valeur. Nos touristes, déjà assez nombreux à Athènes, observent la scène, “Athens, very beautiful sightseeing”, en effet !
“NON à l’euro”. Athènes, mars 2017
Un euro symbolique ? Athènes, mars 2017
Rencontre… au mont Hymette. Mars 2017
Devant le siège de l’Union syndicale des journalistes d’Athènes, une grande banderole déployée croit rappeler aux passants restés indifférents, les luttes menées depuis déjà un moment “Pour la liberté, comme pour la dignité” de notre société. Sauf que la Troïka est passée par là, et ensuite… SYRIZA. Ce n’est tout de même pas rien, sept ans d’histoires vécues et pratiquées depuis 2010, crise dite grecque.
Et pour rendre ce “futur” mieux compréhensible à nos amis Français (bien justement occupés et même préoccupés par le Printemps électoral qui est le leur), je dirais que l’affaire SYRIZA se résumerait alors tout simplement dans un certain cas tout à fait hypothétique et imaginaire: Jean-Luc Mélenchon est élu et aussitôt il se comporte comme un… François Hollande, pour ensuite ouvertement revendiquer et même imposer, le programme bancocrate et européiste d’Emmanuel Macron (on pourrait imaginer pareillement un cas équivalant à droite, avec Marine Le Pen). Inimaginable dirions-nous tout cela !
Athènes, tout de même sous un soleil radieux. La Garde Evzone (République)… gardera, particulièrement les apparences, les équipes sportives iront toujours se rencontrer dans les gymnases, et les touristes admireront comme il se le doit le stade antique d’Athènes, rénové pour les premières Jeux olympiques de l’ère moderne, en 1896. Notre existence, la plus élémentaire qu’elle soit parfois, elle ne demandera pas tant d’imagination pour… se loger volontiers dans une si petite boîte du temps présent.
“Pour la liberté, comme pour la dignité”. Athènes, mars 2017
La Garde Evzone. Athènes, mars 2017
Équipes sportives. Athènes, mars 2017
Le stade des Jeux olympiques de 1896. Athènes, mars 2017
Dans une petite boîte. Animal de Greek Crisis, Athènes, mars 2017
“Nous savons concilier le goût du beau avec la simplicité et le goût des études avec l’énergie. Nous usons de la richesse pour l’action et non pour une vaine parade en paroles. Chez nous, il n’est pas honteux d’avouer sa pauvreté ; il l’est bien davantage de ne pas chercher à l’éviter. Les mêmes hommes peuvent s’adonner à leurs affaires particulières et à celles de l’État ; les simples artisans peuvent entendre suffisamment les questions de politique. Seuls nous considérons l’homme qui n ‘y participe pas comme un mutilé et non comme un oisif.”, c’était l’autre oraison funèbre, d’après Thucydide celle de Périclès… décidément aujourd’hui totalement hors cadre.
“Athens, very beautiful sightseeing”. Vraiment !
“Athens, very beautiful sightseeing”. Athènes, mars 2017
* Photo de couverture: Hors cadre ? Athènes, mars 2017
Communiqué (en anglais) du collectif de City Plaza concernant les rumeurs d’évacuation imminente de squats de réfugiés et de l’escalade de la politique anti-réfugiés.
La troisième impasse dans laquelle se trouve la Grèce est politique. Après que Syriza eut perdu de peu les élections législatives de juin 2012, ses responsables jugèrent que, l’accession au pouvoir devenant probable, il convenait de renoncer à un programme radical au profit d’une approche qu’ils pensaient (ou feignirent de penser) acceptable par l’UE. L’aggiornamento s’opéra donc au profit d’un réformisme néokeynésien, en vérité très modéré, appuyé sur l’idée que les partenaires européens comprendraient que, pour que la question de la dette trouve une solution pérenne et raisonnable, le pays devait sortir de la spirale déflationniste résultant des politiques imposées par le FMI et l’UE depuis 2009-2010. Syriza faisait du même coup l’impasse sur le fait qu’il était fort peu probable que les gouvernements allemand et européens (conservateurs ou prétendument socialistes, mais tous acquis aux dogmes néolibéraux) fassent à un gouvernement de gauche qui s’affichait radicale (bien qu’il ne le fût déjà plus vraiment) un cadeau qu’ils avaient refusé à son prédécesseur conservateur, envoyant celui-ci à l’abattoir électoral alors même qu’il était leur allié idéologique.
Ce que Syriza n’a pas voulu comprendre (ou qu’elle a feint de ne pas comprendre), c’est la nature profondément idéologique de ce qu’il est convenu d’appeler la « construction européenne » dès l’origine, mais de manière bien plus brutale depuis la décennie 1986-1995 (Acte unique européen, traité de Maastricht, création de l’Organisation mondiale du commerce). Ce que Syriza, comme l’ensemble des partis socio-démocrates, feint d’ignorer, c’est que la moindre politique de gauche – fût-elle extrêmement modérée – est désormais impensable dans ce cadre. Et que ce cadre-là a précisément été conçu pour servir à cela. Qu’il est donc irréformable.
Avant comme après la victoire électorale de 2015, j’ai écrit et dit que si les dirigeants de Syriza pensaient ce qu’ils proclamaient, ils iraient dans le mur. Car la position de l’UE n’était pas rationnelle (ce qu’a confirmé l’ex-ministre des Finances Varoufakis dans ses témoignages sur les « négociations » de l’Eurogroupe) mais bien idéologique. Dès lors, le discours de Syriza n’était justifiable que dans la mesure où il permettait d’accéder au pouvoir, dans un pays où la peur des conséquences d’une sortie de l’euro était encore forte, puis de faire la démonstration devant le peuple qu’aucune solution raisonnable n’étant acceptable dans la logique qui sous-tend l’euro, la question qu’il reviendrait à ce peuple de trancher était de savoir s’il préférait rester dans l’euro, ce qui supposait la poursuite des mêmes politiques, ou changer de politique, ce qui supposait de sortir de l’euro. Et nous fûmes un certain nombre à croire, lors de l’annonce du référendum de juillet 2015, que c’était bien la stratégie du gouvernement – jusqu’à ce que celui-ci trahisse, presque immédiatement, le mandat qu’il avait sollicité et reçu.
Je n’avais pas envisagé la troisième solution quant à l’explication du discours de Syriza : qu’il était le paravent, au niveau du petit groupe de dirigeants, ou d’une partie de celui-ci, d’un opportunisme dont le but était d’occuper la place d’un système politique failli et effondré – celui de la Nouvelle démocratie (ND, droite) et du Parti socialiste panhellénique (PASOK) qui avaient alterné au gouvernement depuis le rétablissement de la démocratie en 1974 –, puis de se maintenir au pouvoir à n’importe quel prix.
Combien de mesures exactement contraires aux convictions affichées de Syriza ont été ratifiées par le deuxième gouvernement Tsipras ? Une capitulation n’est jamais que l’acte initial d’une série sans fin de capitulations. Jusqu’à l’automne 2016, celles-ci ont été justifiées par la perspective d’obtenir, en échange, un allègement de la dette – perspective fallacieuse, puisque le refus allemand d’une telle opération est tout autant idéologique que le refus de tout « accommodement raisonnable » en 2015 – idéologique et électoral, car dans une situation où elle se trouve concurrencée sur sa droite par l’AfD, la chancelière Merkel ne peut consentir la moindre concession à la Grèce.
Comme il était prévisible, la négociation sur la dette n’a donc abouti qu’à des mesures symboliques, en aucun cas susceptibles de permettre un rebond de l’économie grecque. Ces mesures ont d’ailleurs été suspendues par l’UE aussitôt que Tsipras a annoncé, en décembre 2016, quelques « cadeaux de fin d’année » pour les plus pauvres, pourtant eux aussi symboliques, manifestant ainsi que la Grèce était en réalité devenue – comme on disait au XIXe siècle pour des États formellement indépendants mais tenus dans une étroite dépendance par leurs créanciers d’Europe occidentale – une « colonie sans drapeau ».
Dans ces conditions, les discussions de ces dernières semaines ne pouvaient qu’aboutir au résultat auquel elles ont abouti. On sait depuis longtemps déjà que le FMI n’aurait pas dû participer aux plans indûment nommés « plans d’aide », puisqu’ils ne font que maintenir la Grèce dans un état de dépendance et aggravent la situation des Grecs. Pour le faire, le Fonds a en effet enfreint ses propres règles, en même temps qu’il a ignoré les analyses produites en son sein prouvant que les effets récessifs des politiques imposées à la Grèce avaient été massivement sous-évalués, puis que les politiques appliquées ne pouvaient qu’échouer sans une véritable restructuration de la dette permettant sa soutenabilité – une restructuration à laquelle se refuse le gouvernement allemand. Et il semble bien que, au nom des convenances électorales de Mme Merkel, le FMI soit une fois de plus en passe d’accepter ce qu’il devrait refuser au regard de ses propres principes, l’absence de restructuration le conduisant, une fois de plus et de manière absurde, à exiger davantage de mesures récessives dont on sait qu’elles ne feront qu’aggraver encore et toujours la situation.
La course à l’abîme et aux « réformes » structurelles, à la baisse des pensions (alors qu’en raison du chômage de masse, des familles entières n’ont plus que la pension de l’aïeul comme seul revenu régulier) et à la liquidation de ce qui reste d’État social aussi bien que de patrimoine national va donc se poursuivre. À la Vouli (le Parlement), le Premier ministre Tsipras a présenté cette nouvelle capitulation comme un « compromis honorable » consistant à aller « au-delà de l’austérité », à « en finir avec les plans d’aide » et à « faire sortir le pays de la crise ». Alors qu’il s’agit juste du contraire : cette inversion de la parole politique posant la question désormais centrale en Grèce : celle de la démocratie.
Déjà, l’adoption des trois mémorandums avait constitué une négation du droit d’amendement des députés et des prérogatives du Parlement, fondements de la démocratie représentative qui figurent parmi les principes dont se réclame l’UE. Puis, au lendemain de la victoire électorale de Syriza en janvier 2015, Jean-Claude Juncker affirma qu’il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. Aujourd’hui, le même président de la Commission répond par lettre à deux députés grecs au Parlement européen – qui arguaient des principes mêmes de l’UE pour demander le rétablissement des conventions collectives abolies par les mémorandums – que « les mesures convenues dans le cadre d’un programme d’ajustement n’ont pas nécessairement à se conformer à l’acquis européen » et que « lorsque des mesures nationales sont convenues dans le cadre d’un programme d’ajustement, la Grèce ne met pas en œuvre la législation européenne et, par conséquent, la Charte des droits fondamentaux de l’UE ne s’applique pas comme telle dans les mesures grecques ». Autrement dit, l’UE est habilitée, en Grèce, à violer les principes sur lesquels elle prétend se fonder.
Dans ces conditions que reste-t-il des droits fondamentaux, économiques et sociaux, proclamés et garantis par la Constitution du 9 juin 1975 ? Quelle est encore la crédibilité de Syriza, dont toute la campagne pour les élections de janvier 2015 fut axée sur la volonté de rendre sa dignité au peuple grec, Tsipras annonçant, le soir même de la victoire, que son gouvernement serait « chaque mot de la Constitution » ? Que subsiste-t-il, en Grèce, d’un État de droit que l’UE prétend ranger au nombre de ses principes fondateurs et qu’elle a vaporisé, en Grèce, depuis 2010 ? Quelle est encore la crédibilité des mécanismes démocratiques – vidés de sens et de contenu par l’UE – et la crédibilité de la parole des formations politiques ?
On sait que, après 2009, le PASOK qui, depuis les années 1980 réunissait autour de 40 % des suffrages, s’est effondré sous les 10 %, et que la ND, dont l’audience électorale était du même ordre est tombée à 18,85 % en mai 2012 pour se stabiliser entre 27,8 % et 29,7 % aux trois scrutins suivants (juin 2012, janvier puis septembre 2015). Alors que beaucoup de Grecs pensent que le gouvernement Tsipras est en sursis et que de nouvelles élections législatives se tiendront à plus ou moins brève échéance, les sondages donnent la ND et le PASOK à des niveaux du même ordre (sous les 30 % pour la ND, autour de 6 % pour le PASOK). D’autant que la ND est désormais dirigée par Kyriakos Mitsotakis, rejeton d’une des familles les plus caricaturales du vieux système clientéliste, qui affiche sa grande proximité avec l’Allemagne afin d’accréditer l’idée qu’on lui concédera, à Berlin, ce qu’on a refusé à ses prédécesseurs, ce qui, vu l’état de l’opinion grecque et le fort ressentiment à l’égard de l’Allemagne, est à double tranchant. De surcroît, ce leader, à la popularité déjà bien faible pour un chef du principal parti d’opposition candidat au poste de Premier ministre, est périodiquement mis en cause pour son implication présumée dans le plus grand scandale de corruption qu’ait jamais connu la Grèce – celui des innombrables pots-de-vin versés par l’Allemand Siemens. C’est dire combien le discrédit frappant Syriza, qui a obtenu 16,8 % en juin 2012, 36,3 % en janvier 2015, 35,4 % en septembre et se retrouverait autour de 15 %, ne profite pas aux formations de l’ancien système.
Les sondages semblent indiquer aussi que disparaîtrait de la Vouli le parti centriste pro-européen Potami (Le Fleuve), dont la fonction, comme Ciudadanos en Espagne ou Macron en France aujourd’hui, est de fournir une « roue de secours » à des majorités épuisées, en se réclamant de la nouveauté et de la modernité. Il en irait de même de l’Union des centres, entrée à la Vouli en septembre 2015, ainsi que des Grecs indépendants, scission de la ND qui s’affichait souverainiste, mais qui, partenaire de coalition de Syriza, subit logiquement les conséquences du rejet de la politique du gouvernement.
Dans l’état actuel, seuls les néonazis d’Aube dorée (prétendument partisans d’une sortie de l’euro et de l’UE) et les communistes orthodoxes du KKE (favorables la sortie de l’euro et au « désengagement » de l’UE) semblent en position de tirer une partie des marrons du feu – les uns et les autres restant néanmoins en-dessous de 10 %. Enfin les différentes formations qui se trouvent à la gauche de Syriza – l’EPAM, qui défend depuis le plus longtemps une sortie de l’euro ; ANTARSYA, gauche anticapitaliste et libertaire ; Unité populaire, issue de l’aile gauche de Syriza, et Cap sur la liberté de l’ancienne présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, qui ont quitté Syriza après la capitulation de juillet 2015 – admettent désormais tous, plus ou moins ouvertement, la nécessité, avant ou après une négociation, d’une sortie de l’euro, voire de l’UE. Mais ces partis sont pour l’heure incapables de présenter un front commun et aucun d’entre eux ne semble en mesure d’obtenir une représentation parlementaire.
Dans ce paysage politique ravagé, par les injonctions européennes et les reniements de Syriza, beaucoup de Grecs estiment que si des élections intervenaient, elles ne serviraient à rien. Elles seraient les septièmes depuis 2007, aucune assemblée n’étant depuis cette date allée au terme de son mandat : ce qui montre à quel point les politiques européennes ont rendu le pays ingouvernable.
Le score étriqué que les sondages accordent à la ND et au PASOK risque en outre de ne pas leur permettre de pouvoir reconduire une coalition qui a gouverné le pays entre 2011 et 2015 (il faut totaliser autour de 40 % des suffrages pour obtenir une majorité absolue à la Vouli). À moins que le véritable but de Tsipras ne soit aujourd’hui de revenir avec assez de députés pour être indispensable à une formule de « grande coalition » qui se généralise en Europe à mesure que le rejet, par les peuples, des politiques induites par l’appartenance à l’euro et à l’UE réduit l’audience électorale des anciens partis de gouvernement : si l’on ajoute aujourd’hui les scores donnés à ces trois partis qui ont gouverné la Grèce depuis 1974, on parvient à peine à 50 % du corps électoral ! Et quelle serait d’ailleurs la viabilité d’une telle combinaison, dès lors qu’il s’agira, de toute façon, de poursuivre la même politique sous la même tutelle ? Ne serait-ce pas, surtout, la meilleure façon de permettre l’ascension électorale d’Aube dorée ?
Quant à l’abstention qui a atteint 43,5 % en septembre 2015, dans un pays où le vote est obligatoire et où la participation tourna longtemps autour de 80 %, elle sera le meilleur baromètre du discrédit, non de tel ou tel parti, mais bien de la démocratie elle-même. Sur le terrain en tout cas, l’épuisement psychique et parfois physique, en même temps que le rejet de toute parole politique, est sensible chez beaucoup.
Les perspectives apparaissent dès lors bien sombres. L’échec de Syriza a en réalité tué, et sans doute pour longtemps, l’idée qu’une alternance soit autre chose qu’un leurre permettant de poursuivre une politique déterminée ailleurs et hors de tout contrôle démocratique. La contestation sociale ne s’est jamais éteinte. Mais les niveaux de mobilisation sont loin des hautes eaux de 2010. Si les grèves et les manifestations sont permanentes, elles restent catégorielles, éclatées, elles ne coagulent pas (encore ?) en un mouvement populaire puissant capable d’emporter le régime comme ce fut le cas en Argentine, dans des conditions économiques et politiques assez comparables, en 2001 – depuis le début de la crise, remarquons que l’image d’un hélicoptère survolant le Parlement grec, en référence à celui qui exfiltra alors le président De la Rua de la Casa Rosada, est un classique de l’iconographie des manifestants.
De même, l’armée a-t-elle été dépolitisée depuis le retour de la démocratie en 1974, alors que, depuis l’indépendance, elle était intervenue maintes fois dans la vie politique, qu’il s’agisse de « coups » d’extrême droite (le plus connu étant celui des Colonels en 1967) ou d’officiers modernisateurs (en 1909, le coup de Goudi inaugura une des périodes de modernisation et de démocratisation les plus intenses de l’histoire du pays). Peut-on pour autant exclure que, si Erdogan envenimait la situation en mer Égée – dans une stratégie de fuite en avant classique pour des régimes autoritaires en difficulté intérieure –, une partie de l’armée considère que les gouvernements successifs, qui ont accepté le carcan imposé par l’UE, ont mis en danger les intérêts supérieurs de la nation ? Il est certain, en tout cas, que la fragilisation de la démocratie par l’UE rouvre un champ des possibles qui semblaient ne plus l’être depuis longtemps.
Un autre possible paraît d’ailleurs s’ouvrir avec l’arrivée au pouvoir du nouveau président américain et la dernière pseudo-négociation sur la poursuite de la participation du FMI au processus de mise en tutelle de la Grèce appelé « plan d’aide », qui a donné l’occasion au ministre des Finances allemand Schäuble d’agiter une fois encore la menace d’un Grexit forcé. Sur la chaîne Bloomberg, l’économiste Ted Malloch, pressenti par le président Trump pour représenter les États-Unis auprès de l’UE (où certains s’activent à empêcher cette nomination considérée hostile), a déclaré le 5 février dernier que la Grèce ne pouvait continuer à souffrir ainsi de stagnation, ajoutant : « je ne veux pas parler à la place des Grecs, cependant du point de vue d’un économiste, il y a de très fortes raisons pour la Grèce de quitter l’euro », ce qui devrait, selon lui, être assorti d’un plan d’accompagnement.
Venant peu après l’entretien accordé par le président Trump au Times (16 janvier) dans lequel ce dernier se prononçait en faveur de la conclusion rapide d’un accord commercial bilatéral avec le Royaume-Uni et d’une aide américaine aux pays qui choisiraient de quitter l’UE, la déclaration de Malloch a bien sûr été entendue à Athènes. Il faut rappeler ici combien une partie des « élites politiques » grecques, quelle que soit leur appartenance partisane – y compris des membres du groupe dirigeant de Syriza et de l’actuel gouvernement –, est intimement liée aux États-Unis où nombre d’hommes politiques grecs (qui parlent parfois mieux l’anglais que leur langue « maternelle ») ont été formés, où ils ont souvent accompli tout ou partie de leur vie professionnelle.
C’est dans cette perspective qu’il faut dès lors considérer ce que, dans son précieux blog, l’historien et ethnologue Panagiotis Grigoriou, relevait récemment quant aux rumeurs de plus en plus insistantes d’un retour à la drachme – une drachme adossée au dollar. Pour l’observateur de la politique grecque, il ne serait pas très étonnant de voir une partie de ces élites, à la fois coincées dans l’impasse de l’euro allemand et habituées à être les courroies de transmission d’un étranger dominant, envisager de troquer une tutelle euro-allemande inflexible, et de plus en plus impopulaire, contre un retour à la tutelle américaine espérée moins contraignante, plus bienveillante – à un moment où, pour les États-Unis, l’importance géostratégique de la Grèce (et donc l’intérêt d’y être plus présents) pourrait être réévaluée alors que le régime islamo-autoritaire d’Erdogan devient de plus en plus imprévisible.
En Grèce en tout cas, la magie de l’euro semble désormais ne plus vraiment fonctionner : pour la première fois, un sondage donne une majorité, et très nette : 54,8 % (soit 29,6 % des électeurs de la ND et 66,2 % de ceux de Syriza lors des dernières élections législatives) sinon pour une sortie de l’euro par principe, du moins pour un rejet des nouvelles mesures exigées par les créanciers, même si cela doit conduire à une sortie de l’euro et un retour à la drachme, 32,2 % des personnes interrogées se prononçant pour l’acceptation et le maintien à tout prix dans l’euro.
Pour ceux qui, comme moi, pensent depuis le début de la « crise grecque » que l’euro en a été la cause essentielle, la prise de conscience de l’opinion que semble traduire ce sondage est sans doute une raison d’espérer que le peuple grec trouve enfin une issue à la triple impasse actuelle. Il reste que le temps perdu ne se rattrape pas et que la sortie – de toute façon inéluctable – serait plus dure aujourd’hui qu’elle ne l’aurait été en 2010, 2012 ou 2015 parce que, tout au long de ces années sacrifiées, le potentiel productif – et donc de rebond – n’a cessé de fondre. Pour les mêmes raisons, cette sortie sera plus difficile demain qu’aujourdhui ; elle le sera d’autant plus qu’elle sera imposée ou/et improvisée, au lieu d’être choisie, préparée et négociée.
Pour aller plus loin, on peut également regarder ce reportage sur la Troïka :