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Mémoires du large : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Mémoires du large


On se croit en été. Il faut déjà y croire et y faire croire. Pour une fois, c’est vrai quelque part. Nos touristes admirent Athènes, et la Place de la Constitution devant le “Parlement” se révèle un domaine de prédilection pour la réalité augmentée… déjà celle des “selfies”. Cependant, à l’intérieur du bâtiment, la Constitution n’est plus. Été, temps des baignades et des immersions !

Baignades au Pirée. Juin 2017

En ce vendredi 9 juin, la “majorité” Tsipras, a même introduit certains amendements et modifications grammaticales aux lois… adoptées pourtant il y a à peine dix jours. Modifications bien entendu qui ont été imposées par la Troïka élargie. Il faut surtout y faire croire.

À travers les ondes des radios on évoque donc avec amertume cette ultime (?) ridiculisation du régime parlementaire (90,1 FM zone matinale du 9 juin): “Lorsque la moindre virgule ou tournure de phrase doit désormais être directement dictée par les émissaires de la Troïka, le gouvernement grec atteint désormais les sommets de la bouffonnerie. Et cette ridiculisation, elle tient aussi au fait que les textes ainsi modifiés (autant dictés par la Troïka) avaient été votés seulement dix jours auparavant.”

Alexis Tsipras et les siens, (tout comme les Mitsotakis ou les funestes Pasokiens), incarnent alors jusqu’à la moelle ces petites élites locales fort conciliantes, fabriquées et/ou recrutées pour seconder à l’asservissement de “leur” pays, participant de leur manière à la dernière en date… technologie disciplinaire, imposée notamment par le financierisme globalisant.

Cependant, cette dimension… technocoloniale des réalités grecques (et ce n’est qu’un exemple), ne peut plus être dissimulée sous les verbiages à peine tenables des politiciens, et encore moins à travers leur outrance… autant preuve de leur grossièreté. “Nos” calculs en algorithmes… dépasseraient ainsi et de loin, ceux du vieux Diophante d’Alexandrie, à l’instar de son célèbre Épitaphe et à son énigme, sitôt solutionné .

Nos touristes admirent Athènes. Juin 2017
Vieille affiche… oubliée. Athènes, juin 2017
La réalité. “Quotidien des Rédacteurs”, 28 mai 2017
Diophante d’Alexandrie chez un bouquiniste. Athènes, juin 2017

J’avais d’ailleurs soutenu très tôt ici sur ce blog, et cela dès sa création en octobre 2011, que cette “crise grecque” n’est pas une crise, mais seulement et plus exactement, une (nouvelle) forme de guerre, entreprise contre la société grecque et contre le pays (sans parler de la suppression des droits sociaux et du régime de type parlementaire). Avec sept années d’amère expérience depuis… l’avènement troïkan, je dirais alors que l’espace postmoderne à travers ce type de guerre, il comporte décidément de bien nombreuses dimensions: économiques, symboliques, psychologiques, informationnelles (médiatiques), de même que son terrain strictement humain… de la société ciblée.

J’utilise certes également le terme de “crise grecque” car (signe des temps), le champ sémantique (à l’exacte symétrie de celui de la guerre) nous est pareillement suggéré, c’est-à-dire imposé. Les Grecs réalisent seulement à présent que “leur crise” est sans limite de temps (sauf réaction radicale de leur part), car l’objectif à satisfaire peut prendre des années ou des décennies. La “Treuhand” dans sa transposition grecque par exemple, elle contrôlera potentiellement les biens du pays pour une durée de 99 ans, et les mesures adoptées par les Tsiprosaures (ou par les Papandréou et Samaras), se… déclencheront et se suivront sur plusieurs décennies. Cela, très indépendamment des pseudo-scrutins électoraux.

Librairie Grigoríou (homonymie) fermeture définitive. Athènes, juin 2017
Café à Athènes. Juin 2017
Imprimerie. Athènes, juin 2017

La dite “crise” c’est un changement de régime alors durable. Pratiquement toutes les administrations de l’État grec sont tutélisées par les contrôleurs troïkans, et d’ailleurs, les contribuables grecs remplissent et déposent déjà très officiellement leurs déclarations de revenus auprès cette Autorité (dite) Indépendante des Recettes Publiques (conçue directement et contrôlée par la Troïka et par Bruxelles), et non pas, auprès de l’administration fiscale de leur pays dont le caractère régalien et (supposons démocratiquement contrôlée) vient d’être tout simplement supprimé (loi 4389 – 94/Α/27-5-2016 “gouvernement” SYRIZA).

D’après cette loi, (…) “est instituée l’Autorité Administrative Indépendante sans forme juridique sous le nom l’Autorité Administrative Indépendante (A.A.D.E.) dont la mission consiste à l’évaluation et à la perception des impôts, des douanes et autres organismes publics, des recettes relatives à la portée de ses prérogatives. L’Autorité jouit de son entière indépendance opérationnelle, de son autonomie administrative et financière et elle n’est pas soumise au contrôle, ni à la surveillance des organismes gouvernementaux, des agents ministériels ou d’autres autorités administratives.”

“L’Autorité est soumise à un contrôle parlementaire, tel que défini par les Règles de la Chambre et l’article 4 de la présente loi. (…) Par cette institution de l’Autorité, le Secrétariat Général du ministère des Finances (imposition des revenus, taxes est supprimé” (loi 4389 – 94/Α/27-5-2016) . Notons ici que le prétendu contrôle parlementaire de l’Autorité n’est que fumisterie. D’après l’article 4 de cette même loi, “les membres et le président de l’Autorité peuvent être amenés à s’exprimer devant l’Assemblée pour des éclaircissements, voire de collaborer le cas échéant”. Syntaxe suffisamment vague, tout simplement, pour (presque) dire que l’Autorité n’est pas soumise au contrôle du “Parlement”.

Le chat de l’imprimerie. Athènes, juin 2017
Retour à la mer. Marina de Kalamaki (Athènes Sud, mai 2017
La “Villégiature” de Carlo Goldoni. Spectacle à Athènes, mai 2017

Notons surtout, que… l’Autorité n’a pas de forme juridique, ce qui devraient inciter les contribuables de la colonie à ne plus verser un seul sou d’impôt à cette Autorité, et plutôt mettre en place un autre organisme où leurs impôts et autres taxes seraient ainsi versés, organisme citoyen et provisoire (le temps du rétablissement de l’État grec) ; l’idée a été publiquement suggérée, mais comment alors la réaliser concrètement ?

Sauf que dans leur présumée “vraie vie”, les Grecs n’ont plus tout le courage nécessaire pour ainsi suivre à la trace ces tératogenèses engendrées par “leur Parlement”. La vie est un combat (c’est le maître-mot), le pays, tout comme sa société sont suffisamment décousus, autant que leurs secteurs d’activité. La librairie… Grigoríou (homonymie !) au centre-ville d’Athènes a fait faillite, tandis que les professionnels de la croisière en voilier remettent leurs bateaux en mer… en espérant une bien meilleure saison qu’en 2016. C’est aussi le moment tant attendu des premières baignades au Pirée, à défaut d’autres possibilités, sauf que bien souvent le cœur n’y est pas.

Kóstas imprimeur, que je n’avais pas vu depuis près de trois ans et qui ne suit plus vraiment le fil de l’actualité des medias, est accablé par la situation et il n’ira pas se baigner avant longtemps comme il le dit lui-même. “Nous tournons encore, sauf que l’imposition et les cotisations ont considérablement augmenté. Mes salariés embauchés depuis trois ans ne gagnent guère plus que 600€ par mois, je ne peux pas faire mieux… et de leur côté, ils ne sont pas très motivés non plus”.

Les pâtes artisanales de Pavlos. Béotie, juin 2017
Chez Pavlos. Béotie, juin 2017
Le fameux Lion de Chéronée, juin 2017

“Les maisons d’édition produisent… et produisent tant de livres, je sais par contre qu’une bonne partie de cette production reste et restera invendue. En plus, et là c’est grave, ils ne nous payent pas toujours et comme on sait, les banquent ne nous prêtent plus du tout. Ensuite… il y a toujours et surtout en ce moment les circuits parallèles de l’argent que l’on pourrait emprunter mais à de taux alors usuriers. Nous sommes sortis de l’économie réelle dans un sens, rien ne sera plus comme avant, sauf sans doute pour le chat de notre imprimerie.”

Changement de décor, Pavlos, fabricant de pâtes sèches artisanales en Béotie depuis les années 1990 rencontré chez lui, se dit satisfait de la commercialisation de sa production. “Je vends partout aux alentours, toutes les superettes du coin ainsi que certaines autres en Grèce Centrale et à Athènes me connaissent. Je viens de lancer un nouveau produit plus haut de gamme que je commercialise à Mykonos via un traiteur. Oui, c’est par le luxe… lié au tourisme que je vais pouvoir m’en sortir, voire m’enrichir… l’imposition alourdie des entreprises ne me fait pas peur. Ici dans les campagnes, nous nous connaissons tous et nous nous débrouillons”.

Pavlos se montre optimiste, bien plus d’ailleurs que son épouse Rena, optimisme alors seulement de façade ? Il rêve… d’acquérir une Jaguar d’occasion… comme de l’immatriculer en Bulgarie via une société de leasing. En tout cas, rencontrer Pavlos et discuter avec lui, c’est un peu “voyager” dans la Grèce des années 1990-2010.

La demeure de Psipsinos. Athènes Nord, juin 2017
Psipsinos, Athènes Nord, juin 2017

Non loin de chez Pavlos, s’y trouve toujours le fameux Lion de Chéronée, monument thébain, en souvenir de la bataille de Chéronée, en 338 avant notre chronologie Philippe II de Macédoine y remporta la victoire sur la coalition des cités grecques du Sud, dont Athènes et Thèbes. Les… Jaguar mécaniques n’existaient pas encore, le leasing non plus.

On se croit donc en été en dépit des orages, ceux de la météo, comme ceux du… “Parlement”. Dans les quartiers aisés d’Athènes Nord, les amis des bêtes… ont-ils investi pour offrir une demeure à Psipsinos, l’animal adespote (sans maître) du coin, tandis que dans les quartiers des chantiers près du Pirée où certains ouvriers travaillent encore, on y vend ces autres maisons pour chiens au prix de 15€.

Les gros navires y naviguent évidemment, autant que les gros mensonges du “gouvernement grec” on dirait, car il faut ainsi y croire et y faire croire. Nos touristes admirent nos monuments, comme nous pouvons aussi admirer nos tortues de mer, il faut dire invisibles depuis l’Acropole.

Un travailleur. Port de Pérama, près du Pirée, juin 2017
Maisons pour chiens à partir de 15 €. Pérama, juin 2017
Tortue de mer. En Golfe Saronique, juin 2017

Et quant à Mimi, le chat de Greek Crisis, il se montre très attaché en ce moment… aux “Mémoires du large” d’Éric Tabarly . C’était aussi en juin (1998), que le grand navigateur disparaissait en mer d’Irlande, projeté paraît-il dans l’eau, par le pic de la voile aurique de son bateau.

Mimi et… les “Mémoires du large” d’Éric Tabarly. Athènes, juin 2017
* Photo de couverture: Navire quittant la zone industrielle près du Pirée. Juin 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Vivre avec 400€ par mois en Grèce : témoignage

GENERATION400″- De jeunes grecs qui vivent avec un salaire mensuel de 400 euros – Rencontre avec Christos Xagoraris

Christos Xagoraris est membre du collectif « Generation400 ». Âgé de 25 ans, ce diplômé en droit vit chez ses parents. Contraint et forcé par son salaire de 400 euros. Comme beaucoup de jeunes grecs. Depuis la crise économique : il lutte contre les mesures d’austérité.

Pourquoi avez-vous créé le groupe « Generation400 » ?

Depuis le début de la crise économique en Grèce, il y a eu une réduction significative des salaires et une forte hausse du chômage. Le premier signe de la force de cette crise intervient en 2008. De nombreuses discussions ont lieu autour de la génération qui aura un salaire de 700 euros par mois. Progressivement, après l’intervention de la Commission européenne et du Fond monétaire international sur la dette grecque, en 2010, et les mesures d’austérité, le revenu mensuel des jeunes travailleurs a atteint les 400 euros, une fois les taxes payées.

En conséquence, les conditions de travail et le niveau de vie des jeunes sont devenus des sujets brûlants. Tout le monde parle de cette fameuse génération 400 euros.

Nous avons débuté « Generation400 », sur internet et sur le terrain, à travers l’activisme et le tractage. Nous avons voulu mettre le sujet en avant, lui donner plus d’importance, Tout le monde peut comprendre que les mesures et la politique d’austérité en Grèce menacent les espoirs, les rêves, la motivation, la créativité. Le niveau de vie est très bas. Et ce, tout spécialement pour les jeunes grecs, pour cette fameuse génération qui vit avec seulement 400 euros par mois.

La situation en Grèce est donc très difficile pour la jeune génération. Qu’est-ce qui a vraiment changé depuis la crise économique ?

Comme expliqué avant, depuis la crise économique, les facteurs qui affectent les conditions de travail et le niveau de vie des jeunes, c’est la crise de l’emploi. Il y a 50% de chômage chez les jeunes à l’heure où nous parlons. La diminution du revenu mensuel, autour de 400 euros, à temps plein, et bien moins à temps partiel. Les emplois à temps partiels représentent 60% des emplois, alors qu’il est de 40% à temps plein. Ce sont les estimations depuis les recrutements de fin d’année 2016. Nous subissons aussi la déréglementation agressive du droit du travail. En particulier depuis l’accord signé en 2012. Le plus visible, c’est l’augmentation du taux de chômage chez les jeunes diplômés, les jeunes scientifiques. Ce facteur contribue à la « fuite des cerveaux« , c’est-à-dire à l’immigration massive de jeunes gens instruits dans d’autres pays du centre de l’Europe : Allemagne, France, Pays-Bas. On estime qu’environ 500 000 jeunes gens instruits, âgés de moins de 35 ans, ont migré vers d’autres pays, à la recherche d’emplois dans leur domaine d’études.

« Il y a 50% de chômage chez les jeunes à l’heure où nous parlons »

Sur la page facebook Generation400, vous critiquez le Premier ministre Alexis Tsipras. Pour vous, qui sont les vrais coupables de cette situation ?

Pour nous, il est clair que le cas grec est un « crime organisé« , avec de nombreux auteurs. Chaque gouvernement grec, qui a signé des mesures d’austérité et des accords depuis 2010, y compris le gouvernement Syriza et Alexis Tsipras, est responsable de la situation actuelle. Avec eux, l’Union européenne et le Fond monétaire international sont également coupables. Ils ont promu des politiques d’austérité, demandant le paiement intégral de cette dette nationale. Cherchant à satisfaire d’énormes bénéfices pour les marchés financiers. Il a été prouvé que les pratiques de l’Union européenne, soit les inspirations du Fond monétaire international, entraînent l’étouffement de l’économie nationale, de la productivité, de la motivation, et de la créativité de notre population. Leur expérience a échoué encore et encore, mais cela ne semble pas les inquiéter, tant que l’austérité en Grèce continue.

Comment peut-on s’en sortir avec 400 euros par mois en Grèce ?

Personne ne peut vivre avec un tel revenu. Vous pouvez survivre avec un niveau de vie de base, un confort de base, satisfaisant tout au plus vos besoins vitaux. En un mot, vous ne pouvez pas vivre avec dignité. Permettez-moi de vous donner un exemple. En supposant que vous avez un revenu mensuel de 400 euros, que vous quittez le foyer familial et devez payer un loyer. Un loyer ne coûte pas moins de 200 euros. Si vous partagez ce loyer avec une autre personne, dans un appartement plus grand, vous ne payez pas moins de 125 euros. Vous payez 50 euros vos factures d’électricité, 10 euros pour vos factures d’eau, minimum 20 euros pour votre téléphone portable, 30 euros pour une carte mensuelle de transports publics.

En fin de compte, il vous reste de 90 euros à 165 euros pour satisfaire d’autres besoins. Chaque jour, vous pouvez dépenser de 3 euros à 5,50 euros. Ce montant équivaut à une tasse de café et un sandwich ou à moins d’un repas complet. Vous pouvez acheter des produits de base dans un supermarché, pour 50 euros.

Après avoir calculé, il est clair qu’il n’y a aucun moyen de satisfaire vos envies, en tant que jeune personne. Simplement vos besoins vitaux. Vous ne pouvez pas vous permettre de boire un verre, de faire un voyage, d’acheter un cadeau à un ami, d’aller au cinéma, de bien manger. Sinon, vous aurez des ennuis financiers pendant un ou plusieurs jours.

En tant que jeune grec, parlez-nous de votre situation personnelle.

Pour le moment, je suis diplômé de la faculté de droit d’Athènes. Je suis avocat stagiaire, dans un bureau d’avocats. Je vis avec moins de 400 euros par mois. Heureusement, ou pas, je vis toujours avec mes parents, à Athènes. Je n’ai donc pas à payer de loyer ou d’autres biens de base, bien sûr. Je suis capable de faire face à mes dépenses chaque mois. Généralement, avec une petite aide financière de mes parents. Bien qu’il soit clair pour moi que, sans cette aide de mes parents, je n’aurais pas le moindre espoir de payer un loyer, la nourriture, les factures, et d’autres dépenses.

« Vous ne pouvez pas vivre avec dignité »

Face à la crise économique, les Grecs font preuve d’une grande solidarité, à l’image de « Generation400 ». Pensez-vous que cette solidarité vous aide à supporter la situation ?

La solidarité entre amis et l’aide familiale sont définitivement un facteur crucial. Je l’ai souligné en ce qui concerne ma propre situation. Donc, c’est une des raisons de la survie de nombreux jeunes, comme moi. Après avoir fait les calculs, il n’y a aucune chance de vivre en Grèce aujourd’hui, avec 400 euros ou moins, sans l’aide financière de sa famille ou de ses amis.

Cependant, même cette aide est de plus en plus courte. Les politiques d’austérité persistantes ont peu à peu raccourci les revenus de la majorité des familles grecques, y compris les salaires des parents et les pensions des grands-parents. Une chose est certaine : il existe une « bombe temporelle sociale« , dans ce modèle d’organisation des conditions de travail et des salaires en Grèce.

Gardez-vous espoir pour l’avenir de la Grèce ?

Comme je l’ai dit, la solidarité entre les gens est une arme contre la pauvreté, la solitude et la dépression massive. D’autant que nous avons besoin de plus que cela si nous voulons vivre des jours meilleurs dans notre pays. Il faut un mouvement massif, une action. Nous devons nous battre, aujourd’hui et maintenant, contre les politiques de notre gouvernement, contre les accords et les plans de l’Union européenne. Ainsi que contre le reste des technocrates qui cherchent à appauvrir la vie des gens. Personnellement, je n’ai pas perdu espoir. Je crois que les Grecs, et surtout les jeunes grecs, finiront par s’opposer à la situation actuelle.

Mais nous aurons besoin de beaucoup de force et de courage. Notre initiative, « Generation400 », essaie de jouer son rôle dans cette direction. Bien sûr, nous aurons besoin de soutien ! C’est là que la solidarité entre les personnes de différents pays peut jouer un rôle crucial. Il est très important pour les peuples d’Europe de connaître la situation réelle que nous vivons, ici en Grèce. Savoir que les gens, et surtout les jeunes, souffrent de ces politiques. Nous travaillons beaucoup. Tout ce que nous voulons, c’est vivre dans la solidarité, l’égalité et la justice sociale. Satisfaire les besoins de la grande majorité des travailleurs de ce pays. Non les désirs des banques et des gouvernements européens.

Plus d’infos sur Generation400 :  Sitehttp://g400.gr/ Facebook : https://www.facebook.com/400generation/

Twitterhttps://twitter.com/generation400

publié par http://www.lepetitjournal.com/athenes/accueil/actualite/282614-generation400-de-jeunes-grecs-qui-vivent-avec-un-salaire-mensuel-de-400-euros-rencontre-avec-christos-xagoraris

Grèce 4e mémorandum : 7 amères vérités

7 amères vérités au sujet du 4e mémorandum signé par le gouvernement Tsipras

Par Despina Charalambidou (1)

Les mesures prévues dans l’accord concernant la clôture de la deuxième évaluation, constituent de manière essentielle le corps principal du 4e mémorandum. Il s’agit d’un paquet de mesures insupportable, anti-populaire et antisocial, résultant d’une politique néolibérale.

Le démantèlement institutionnel du travail et des dispositions institutionnelles se poursuit, les charges continuent de peser avec une partialité de classe cohérente sur les épaules des travailleurs et des retraités, tandis que les fameuses « contre-mesures » doivent attendre la réalisation des super-excédents au-dessus de 3,7% du PIB pour voir le jour et fonctionnent fondamentalement comme mécanisme de redistribution de la pauvreté au sein de la classe ouvrière.

Les objectifs principaux de ces nouvelles attaques cruelles menées contre les franges populaires des travailleurs sont les suivants :

  1. Retraites

Les premières grandes victimes du 4e mémorandum s’élèvent à 1,1 million de retraités. Il a été établi que soient diminués, à compter du 01/01/2019 :

Α) La prestation familiale des retraités du Public ainsi que l’allocation du conjoint.

Β) La différence personnelle (2) qui avait été prévue pour les principales retraites versées, selon la loi 4387/2016.

C) Les différences personnelles pour tous ceux qui ont procédé à leur demande de pension depuis le 01/01/2016 et pour tous ceux qui la feront jusqu’au 31/12/2018, conformément à cette même loi (Katrougalos).

Selon les éléments de l’inspection générale des finances, les pertes cumulées pour les retraités depuis toutes ces interventions sont de 7,8 milliards d’euros et non de 1,8 milliard d’euros comme le soutient le gouvernement. Le gouvernement soutient de façon mensongère que cette baisse moyennement équilibrée ne sera que de 9%.

Mais la réalité est cruelle, car l’écrasante majorité des retraités va subir une perte de revenu pouvant équivaloir jusqu’à 2 pensions par an ! Il s’agit de la 23e mesure mémorandaire en 7 années de coupes budgétaires touchant les retraites. Au moment même où, en termes de politique un tant soit peu économique, ce sont précisément ces mesures de récession qui nuisent à la durabilité et à la mise en perspective du système de protection sociale, en liaison avec le chômage très élevé, la flexibilité, et le travail « au noir » comme alternative, qui tendent à devenir la règle.

  1. Allocations

Conformément à l’article 57 du projet de loi de la cohabitation Syriza-Anel, dans le cadre de la 2e évaluation, les allocations suivantes sont IMMÉDIATEMENT supprimées :

  1. a) l’aide financière pour les familles à bas revenus, qui ont des enfants en âge de scolarisation (loi 3016/2002, article 27, paragraphe 3).
  2. b) l’allocation des nouveaux arrivants sur le marché du travail, des jeunes de moins de 29 ans, en cas de licenciement (loi 1545/85, article 2).
  3. c) l’allocation de providence pour les enfants non protégés (loi 4051/1960, article 2, paragraphe 3).
  4. d) l’aide financière des personnes en situation d’extrême pauvreté (décret de loi 57/1973, article 1, paragraphe 1)

Les coupes budgétaires exposées ci-dessus permettraient, d’après l’inspection générale des finances, de réaliser des économies d’un montant de 8,8 millions d’euros cette année et de 11,8 millions d’euros pour 2018.

  1. Impôts

À compter du 01/01/2020 (ou 2019 si les objectifs ne sont pas atteints) la déduction fiscale devrait être abaissée de 1 900 euros, soit le niveau actuel, à 1 250 euros. Le seuil de non- imposition sera également abaissé, passant de 8 636 euros à 5 681 euros. Une charge fiscale lourde est directement prévue pour l’ensemble des travailleurs salariés, au point que le nouveau revenu non imposable concerne un salaire mensuel de 405 euros. Le prélèvement de l’impôt sur le salaire va augmenter d’environ 50 euros par mois, en tenant compte de l’abrogation de la déduction spécifique en place (1,5% actuellement).

Le gouvernement soutient de façon mensongère que cette charge fiscale va être amortie en baissant d’environ 2% le taux d’imposition (au moment même où on promeut pour les entreprises une baisse de 3%) et en supprimant le prélèvement de solidarité pour les revenus de moins de 30 000 euros. Toutefois, tout cela ne s’appliquera que si leur objectif concernant l’excédent est atteint. Tandis que l’ΕΝFΙΑ (Impôt foncier unique) restera fondamentalement inchangé pendant toute la durée du nouveau programme mémorandaire.

  1. Travail

La fameuse « bataille au sujet des accords par branches » a abouti à l’extension du cadre juridique existant, propice à la dissolution, tel qu’il a été défini par les premiers mémorandums. Sans compter la législation du cumul et de l’extensibilité qui renvoient régulièrement ces accords aux calendes grecques et, dans tous les cas, à l’achèvement du programme.

Par conséquent, les obstacles concernant les négociations collectives sont maintenus et amplifiés, dans la mesure où ils ont conduit à l’extinction des conventions collectives sectorielles, qui ne se comptent déjà plus que sur les doigts d’une main. La position de la SEV (Fédération hellénique des Entreprises et des Industries) est adoptée solennellement : la suprématie des accords d’entreprise sur les branches est soi-disant « dans l’intérêt de l’économie et du développement ».

Pour tout ce qui concerne les licenciements collectifs, il se pourrait que leur seuil mensuel (5%) ne soit pas relevé, la suppression de leur approbation obligatoire par le ministère compétent a cependant été décidée, et le contrôle de la procédure se voit quant à lui conféré au conseil supérieur du travail, un organisme à caractère non politique et non gouvernemental.

  1. Ouverture des établissements commerciaux le dimanche

L’ouverture des établissements commerciaux est étendue à 32 dimanche par an, par rapport aux 8 dimanches actuels. Cette mesure sera adoptée non par l’intermédiaire d’une nouvelle loi, mais par deux simples modifications de la loi existante. D’une part, l’ouverture des commerces 32 dimanches par an sera libéralisée dans les zones touristiques, d’autre part, Athènes, la zone côtière de l’Attique et de Thessalonique ainsi que d’autres endroits entreront dans ce découpage géographique. Grâce à cet expédient, la libéralisation concernera un nombre incalculable de commerces, un phénomène qui va très rapidement gagner les entreprises qui s’établissent dans les communes non qualifiées. La voie vers l’abolition universelle de la pause dominicale est désormais ouverte.

  1. Privatisations

Lors de sa première déclaration après l’accord conclu au Hilton, Tsakalotos a qualifié de « positif » le fait qu’« un certain nombre d’entreprises venant du  HRADF (Fonds de développement des actifs de la République hellénique) entrent à l’ΕDIS (Superfund de dénationalisation), où règne une tout autre logique, comme ce fut le cas pour les aéroports ». En l’espèce, le processus de privatisation violente de tout ce qui reste s’accélère. Avec pour modèle « d’accélération » le cas des aéroports pour lequel l’intervention du Parlement européen s’est même avérée nécessaire.

La première entreprise dans le viseur est la DEI (Entreprise publique d’électricité), qui doit vendre 40% de ses unités au lignite et 17% de son capital social. Ce qui fait encore davantage pencher la balance en faveur de la concurrence montante sur le « marché » des biens publics qu’est l’énergie, engendrant des conséquences incalculables pour les ménages populaires qui font déjà face à des difficultés pour payer leurs factures d’énergie en hausse constante.

  1. Mesures institutionnelles et budgétaires

Un « plafond » est nécessaire concernant le nombre d’agents contractuels du Public, chose que le gouvernement n’a de cesse de dépasser en réajustant les promesses de recrutement à 1 nouvel employé pour chaque départ de 3 personnes, au lieu de 4 tel que c’est le cas actuellement. L’avenir de ceux qui « sont en trop » reste incertain, quel que soit le calcul effectué.

Le fameux scalpel financier reste manifestement en vigueur, jusqu’à « garantir » les excédents approuvés. Au-delà, des mesures financières d’un montant de 447 millions d’euros sont prévues pour 2018, tandis que le récit du gouvernement préconisait l’absence de nouvelles mesures. La manière dont elles seront précisées n’est pas encore accessible.

La pleine application du compromis extrajudiciaire, avec la mise en place d’enchères électroniques, devrait faciliter et accélérer les procédures de subtilisation des garanties de logement pour les ménages populaires.

Traduction:Vanessa de Pizzol

 (1) Despina Charalambidou est ancienne députée et vice-présidente du Parlement, membre de l’Unité Populaire.

(2) « La différence personnelle est le terme qu’a « inventé » le ministère du Travail pour désigner le montant-« différence » qui ressort du nouveau calcul des anciennes retraites sur la base des nouveaux taux de remplacement permettant d’atteindre le niveau des nouvelles retraites ».

https://unitepopulaire-fr.org/2017/06/08/7-ameres-verites-au-sujet-du-4e-memorandum-signe-par-le-gouvernement-tsipras/#_edn1

Grèce : la violence imbécile des créanciers

2 juin 2017 par Michel Husson pour Alencontre

Euclide Tsakalotos et Mario Draghi

Le 18 mai 2017, le Parlement grec a voté à une courte majorité (les députés de Syriza et ANEL : soit 153 députés sur 300) un nouveau train de mesures d’austérité qui couvre la période 2018-2021. En réalité, il s’agit de la transposition d’un volumineux document de 941 pages préparé par les créanciers et de la mise en musique de « l’accord » conclu avec la Commission européenne le 2 mai. Le document préparatoire, le Draft Preliminary Agreement |1| (que le site Keep Talking Greece a fait fuiter) donne un aperçu de l’étendue des champs couverts. La Grèce n’est plus une démocratie : ce sont les créanciers qui rédigent les lois.

L’acharnement

Cela n’a pourtant pas suffi. La réunion du 22 mai de l’Eurogroupe (la réunion des ministres des finances) devait acter la bonne mise en œuvre des réformes en cours. Cela aurait permis de débloquer une nouvelle tranche de prêt de 7,5 milliards d’euros permettant de faire face à une échéance de 7 milliards en juillet et de rendre les titres de la dette grecque éligibles à la BCE (Banque centrale européenne). Mais les ministres européens ont refusé de donner quitus à leur collègue grec, certaines des réformes, notamment des retraites, n’étant pas assez avancées à leurs yeux.

La position des Européens était dictée par Wolfgang Schäuble et le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. Elle consiste à maintenir une pression constante sur les Grecs et à repousser autant que possible toute discussion sur un nouvel allègement de la dette grecque que demande le FMI. Les motivations sont évidemment d’ordre politique (les prochaines élections en Allemagne), doctrinal (le respect des règles) et punitif (tuer toute velléité de politiques alternatives).

Il existe par ailleurs une divergence de vues entre les institutions européennes et le FMI. Ce dernier souffle le chaud et le froid : il déclare que la dette grecque est insoutenable, mais préconise en même temps des mesures supplémentaires encore plus dures que celles des Européens. Cette position difficile à interpréter renvoie à la volonté de ne plus reproduire l’erreur commise en 2010, qui avait consisté à violer ses statuts qui lui interdisent de prêter à un pays dont la dette est insoutenable |2|. A l’appui de cette interprétation, on peut remarquer que le FMI débat actuellement des State-contingent Debt Instruments for Sovereigns. Il s’agit de titres de la dette publique dont les intérêts et le principal sont indexés sur le PIB (GDP-linked bonds) ou à maturité variable (sovereign ‘cocos’ contingent convertibles). Mais les directeurs exécutifs sont partagés comme le montre le compte-rendu de la discussion sur le rapport du staff du FMI |3|, publié par coïncidence le même jour que la réunion de l’Eurogroupe. Le FMI est donc divisé, en butte aux obstructions des représentants européens en son sein.

La feuille de route de Bruno Le Maire

Yanis Varoufakis rappelait récemment |4| les promesses de soutien en faveur d’une « solution durable » que lui avait faites Emmanuel Macron, alors qu’ils étaient tous deux ministres. Mais Hollande et Sapin avaient mis leur veto. Aujourd’hui, rien n’empêche plus Macron de tenir ses promesses. Selon Mediapart |5| son projet est toujours de « trouver un accord prochainement pour alléger dans la durée le poids de la dette grecque. » Telle était donc « la feuille de route » du nouveau ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Grâce au site grec Euro2Day qui a fait fuiter les minutes |6| de la réunion de l’Eurogroupe, on peut constater que le nouveau ministre (Lemaire dans le compte-rendu) n’a pas réussi à se faire un nom et que sa prestation a été aussi lamentable que celles de son prédécesseur. Comme Michel Sapin il a, pour reprendre une formule de Varoufakis, émis « quelques bruits discordants mais très subtils (…) pour finalement se plier à la ligne de Doc Schäuble. » |7|

Dans sa première intervention, Le Maire félicite la Grèce pour les mesures adoptées et se plaint du « manque de clarté » qui fait obstacle à un compromis que la France est prête à soutenir. Il a des difficultés avec les hypothèses de croissance du FMI (mais pas avec celles de la Commission européenne), bref c’est le FMI qui bloque.

Vers la fin de la réunion, Le Maire précise qu’il est d’accord (« en même temps ? ») avec ses deux nouveaux copains, Euclide (Tsakalotos) et Wolfgang (Schäuble) et que, décidément, le FMI doit faire un geste. Mais sa vraie préoccupation est ailleurs : il espère que « nous serons capables de communiquer positivement à la réunion de ce soir [la conférence de presse], c’est important pour les marchés. » C’est après tout ce qui compte vraiment, et de manière très cohérente, Le Maire s’est empressé, dès la sortie de la réunion, d’annoncer qu’il fallait reporter toute décision concernant le projet de taxe sur les transactions financières et « attendre de mesurer toutes les conséquences du Brexit. » |8|

Des prévisions de croissance « fake »

Dans ses prévisions de février dernier |9| la Commission européenne faisait preuve d’un optimisme débordant. Elle discernait « des signes de reprise en lien avec la mise en œuvre du programme ». Selon elle, les perspectives s’amélioraient sur tous les fronts : demande intérieure, le marché du travail, finances publiques. Bref, la Commission n’hésitait pas à prévoir une croissance de 2,7 % en 2017, puis de 3,1 % pour 2018.

Patatras, les chiffres de la croissance tombent : le PIB a reculé de 1,2 % au dernier trimestre de 2016, et de 0,1 % au premier trimestre de 2017. La Commission européenne remet alors l’ouvrage sur le métier et, en mai dernier, révise ses prévisions à la baisse : ce sera dorénavant 2,1% en 2017 et 2,5 % en 2018 |10|. Elle est même un peu en dessous des prévisions du FMI d’avril (respectivement 2,2 % et 2,7 %) |11|. Mais elle ne renonce pas à son bel optimisme : « Après un recul au quatrième trimestre de 2016, la reprise devrait redémarrer cette année. » Ce n’était donc qu’un incident de parcours.

Tout cela est affligeant. La réalité est qu’après avoir baissé d’un quart, le PIB de la Grèce est plat depuis le début de 2013, soit quatre années pleines. Comment dans ces conditions oser parler d’amélioration, sans prendre en compte l’émigration, les retraités, la précarisation, la grande braderie des privatisations, la charge des réfugiés ? Comment ignorer les réactions du peuple grec à ce qui n’est rien d’autre qu’un nouveau mémorandum ? |12|.

Même en restant dans le domaine de l’économie « pure », comment postuler que, par miracle, la croissance va faire un bond en avant dans les années à venir ? Le graphique ci-dessous permet de vérifier que le volume trimestriel du PIB oscille autour de 46 milliards d’euros de 2010 depuis 2013. Selon les prévisions de la Commission, il devrait franchir une marche d’escalier dès cette année, suivie d’une autre en 2018. Mais il n’y a aucune raison de penser que l’application d’un programme d’austérité forcené pourrait produire un tel résultat. Il y a au contraire toutes les raisons de penser que ces prévisions sont faites au doigt mouillé par des tricheurs qui n’ont rien à voir, de près ou de loin, avec l’économie.

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Source : Elstat |13|, Commission européenne[9] [10]

Est-ce d’ailleurs une coïncidence si l’OCDE, moins impliquée dans les « négociations » avec la Grèce, est beaucoup plus prudente ? Dans ses dernières Perspectives économiques parues en décembre 2016 |14|, elle table sur une croissance de 1,3 % pour 2017, puis de 1,9 % en 2018. Quant au Parliamentary Budget Office du Parlement grec, son dernier rapport publié en mars 2017 |15| évoquait avec raison la menace de « nouveaux cercles vicieux et de stagnation durable », si les hypothèses de croissance n’étaient pas vérifiées. On ne saurait mieux dire.

En réalité, le programme ne fonctionnera pas si tant est qu’il s’agisse de relancer l’activité économique en Grèce. Il n’est pas conçu pour cela, et c’était déjà le pronostic de la Commission pour la vérité sur la dette grecque dès septembre 2015 : le troisième mémorandum est aussi insoutenable que les deux précédents |16|.

En plus, « ils » le savent depuis le début. On ne peut résister à la tentation de rapporter ici la confidence de Christine Lagarde à Yannis Varoufakis lors de leur première rencontre le 11 février 2015 (un mois après la nomination de ce dernier comme ministre des finances). Dans le passionnant récit qu’il vient de publier |17|, Varoufakis rapporte leurs échanges – privés – après l’entrevue officielle : « Christine a approuvé mon plaidoyer en faveur d’un allègement de la dette comme condition préalable à une reprise de l’économie grecque. Puis elle s’adressa à moi avec calme et franchise : “vous avez bien sûr raison, Yanis. Ces objectifs sur lesquels ils insistent ne peuvent pas fonctionner. Mais vous devez comprendre que nous avons trop investi dans ce programme pour pouvoir faire marche arrière. Pour être crédible, il vous faut accepter de travailler dans le cadre de ce programme”. »

L’acharnement incohérent des créanciers

L’enjeu réel du « programme », c’est la mise en place d’un gigantesque roll over de la dette grecque : tout l’argent qui est prêté à la Grèce est immédiatement affecté aux remboursements. La fonction des « réformes » et de l’austérité est de garantir la capacité de la Grèce à faire face aux échéances à venir. Cela passe par l’obtention d’excédents primaires démentiels : Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe n’hésite pas à exiger un excédent primaire d’au moins 3,5 % du PIB pendant cinq ans à partir de 2018. Même un économiste de banque (en l’occurrence Ilias Lekkos, de la Piraeus Bank |18|) peut comprendre cette vérité élémentaire qu’il faut sans cesse rappeler : « On n’a jamais vu un pays non-exportateur de pétrole qui puisse maintenir un excédent primaire de 3,5 % systématiquement pendant plusieurs années (…) Cet objectif ne pourrait être atteint qu’au prix d’une énorme récession. »

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Grève et manifestation, le 25 mai 2017, des motocyclistes livrant de la nourriture

Il faut donc cesser de parler de « négociations » avec la Grèce. Le ministre grec pourrait aussi bien être absent des débats qui opposent deux positions doctrinales : celle du FMI et celle de la Commission européenne. Les voies d’un compromis ne sont pas discutées, alors même que le FMI lui-même les explorait en détail dans son examen de l’économie grecque de février 2017 |19|. Pour rétablir la soutenabilité de la dette grecque, le FMI proposait les mesures suivantes : allongements de maturité allant de 10 à 30 ans ; report des paiements d’intérêt jusqu’en 2040 ; plafonnement des taux d’intérêt à 1,5% pendant 30 ans ; restitution automatique à la Grèce des profits tirés de la détention de titres de la dette grecque par la BCE (programme SMP, Securities Markets Programme ) et par les banques centrales programme ANFA, Agreement on Net Financial Assets).

Ces pistes, et d’autres en discussion aujourd’hui au FMI, rappellent irrésistiblement la logique du plan présenté par Yanis Varoufakis |20| lors de ses premières réunions avec la troïka au printemps 2015. Ce plan était fondé sur l’échange des titres de la dette grecque contre des obligations perpétuelles ou indexées sur la croissance, et il aurait sans doute permis (dans l’abstrait) de trouver un accord raisonnable sans qu’aucune des parties ne perde la face. La distance entre ce possible compromis et l’acharnement désordonné des créanciers permet de mesurer la violence faite au peuple grec.

Source : A l’encontre

Notes

|1| European Commission ; Supplemental Memorandum of Understanding, Draft Preliminary Agreement, 2 mai 2017. Source : « Keep Talking Greece », 9 mai 2017.

|2| Michel Husson, « Grèce : les mea culpa du FMI », A l’encontre, 22 août 2016.

|3| « State-Contingent Debt Instruments for Sovereigns », IMF, mai 2017.

|4| Yanis Varoufakis, « Emmanuel Macron a voulu sauver la Grèce, votez pour lui ! », Le Monde, 2 mai 2017.

|5| Martine Orange, « Les Européens continuent de mettre la Grèce au supplice », Mediapart, 23 mai 2017.

|6| Eurogroup Flash Report, 22 May 2017. Source : « Euro2Day », 25 mai 2017.

|7| Yanis Varoufakis, « Our battle to save Greece », New Statesman, 13 juillet 2015.

|8| Anne-Sophie Jacques, « Taxe sur les transactions financières : la France demande un report. Le Brexit, nouveau prétexte », Arrêt sur images, 26 mai 2017.

|9| European Commission, European Economic Forecast, février 2017.

|10| European Commission, European Economic Forecast, mai 2017.

|11| IMF, World Economic Outlook, avril 2017.

|12| Charles-André Udry, « Grèce. Trois journées de mobilisation face au coup de massue du 4e mémorandum », A l’encontre, 17 mai 2017.

|13| ELSTAT, Hellenic Statistical Authority, Quarterly National Accounts, 15 mai 2017.

|14| OCDE, Perspectives économiques, décembre 2016.

|15| Parliamentary Budget Office, « Quarterly Report October-December 2016 », Parliamentary Budget Office, Hellenic Parliament, mars 2017.

|16| Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Le troisième mémorandum est aussi insoutenable que les deux précédents », 1er octobre 2015.

|17| Yanis Varoufakis, Adults in the Room : My Battle With Europe’s Deep Establishment, 2017.

|18| Cité dans Marcus Bensasson et Sotiris Nikas, « Greek Economy Limps Onto Launchpad After Late-Night Vote », Bloomberg, 19 mai 2017.

|19| IMF, Greece : 2017 Article IV Consultation, février 2017.

|20| Tony Barber, « Greece finance minister reveals plan to end debt stand-off », Financial Times, February 2, 2015 ; Thibaut Le Gal, « Grèce : Tout comprendre au plan du gouvernement pour résorber la dette », 20minutes.fr, 4 février 2015.

Grèce. La trajectoire du PIB grec et celle du QI des journalistes économiques

par Romaric Godin Publié par Alencontre le 3 – juin – 2017

Alors que l’économie hellénique continue à s’enfoncer sous le poids des réformes et de l’austérité, les médias français dominants feignent l’incompréhension et les éditorialistes regardent ailleurs. Il est vrai que la Grèce est une épine dans le pied de leurs certitudes…

Il est des silences très parlants. Ainsi celui des éditorialistes et chroniqueurs économiques français sur la situation grecque depuis quelques mois. Regardons le sommaire de la semaine passée: on n’y trouvera que des réflexions assez semblables sur la façon dont Emmanuel Macron a ensorcelé Angela Merkel ou sur les défis des deux nouveaux locataires de Bercy. De Grèce, point. Et, à vrai dire, l’Olympe du journalisme économique ne s’est plus guère penchée sur le sort de ce pays depuis ce 13 juillet 2015 où le Premier ministre grec, a «dû accepter» un troisième programme.

Pourtant, la semaine dernière, l’occasion était bonne d’aider nos concitoyens à «décrypter» cette tragédie économique et sociale en plein cœur d’une zone euro que l’on nous dit en pleine refondation.

Le 17 mai 2017, en effet, le parlement grec a approuvé, sous la pression des créanciers, une nouvelle série de mesures d’austérité, touchant notamment les retraites (pour la treizième fois !) et prévoyant un tour de vis budgétaire jusqu’en 2021. [Voir à ce propos sur notre site l’article de Michel Husson publié en date du 1er juin 2017 : «La violence imbécile des créanciers».]

Cette nouvelle purge est la quatrième pour le seul troisième protocole d’accord signé en août 2015 avec les détenteurs européens de la dette publique européenne. Le vote a donné lieu à des manifestations importantes devant le parlement athénien. Deux jours plus tôt, on avait pris connaissance de la première estimation de la croissance grecque du premier trimestre. Un recul de 0,1 %, le second de suite, ce qui signifie que la Grèce est à nouveau «techniquement» en récession alors même que la croissance du reste de la zone euro s’accélère. Dans la foulée, le 16 mai, la Commission européenne a revu sa prévision de croissance 2017 de 2,7 % à 1,8 %. [Après avoir révisé la croissance à -1,1% au quatrième trimestre 2016, le résultat du premier trimestre 2017 – après ajustement saisonnier – est qualifié, triomphalement, d’une croissance de 0,4% selon Macropolis, 2 juin 2017. Réd. A l’Encontre]

La reprise AFP, cette forme moderne d’indifférence

Or, ce qui est frappant dans le traitement médiatique de ces quelques faits, c’est l’incapacité à les lier entre eux ou l’insistance à les séparer. La croissance ne reprend pas, l’austérité continue. Mais rien ne semble lier les deux. Chaque acte de la crise grecque est traité séparément, avec l’aide de cette forme moderne d’indifférence qu’est la reprise de la dépêche AFP ou Reuters.

Aussi chercherait-on en vain dans ce traitement de l’actualité grecque un lien de cause à effet entre ce chiffre de la croissance et les mesures d’austérité votées sans cesse depuis des mois. Par exemple, Le Figaro publie le 16 mai un papier plus fouillé que ceux des autres médias français, quoiqu’assez court et descriptif. Mais il se contente cependant d’un constat en forme de mystère : «Après sept années de crise, autant de récessions et de multiples cures de rigueur, la Grèce n’arrive toujours pas à sortir du tunnel. Le chômage plafonne à 23%, rares sont les entreprises qui rémunèrent leurs employés dans les temps. Et l’économie tourne au ralenti alors que les réformes structurelles peinent à voir le jour.»

Et il y a là en effet un vrai mystère auprès duquel la trinité est une partie de Cluedo [Il s’agit célèbre un jeu de société dans lequel les joueurs doivent découvrir parmi eux qui est le meurtrier d’un crime commis dans un manoir anglais]. Car les «cures d’austérité» ont bien vocation à «réformer» et chaque loi votée par le parlement grec sous la pression des créanciers comporte des «réformes». Depuis 2014, l’OCDE reconnaît que la Grèce est un des pays à avoir le plus «réformé». Dès lors, comment les «réformes structurelles» peineraient-elles à voir le jour? C’est qu’elles n’ont pas peiné: elles ont été mises en place et elles ont causé la situation actuelle du pays. C’est peut-être que l’on a alors découvert ce fait inouï: les «réformes» pourraient ne pas être bonnes pour la croissance? Le fait étant évidemment inacceptable, il ne sera pas énoncé.

Le cancre grec, encore et toujours

Mieux encore : le même Figaro économie publie le 21 mai sur son site un nouvel article assez long et brillamment infographié pour expliquer que les créanciers européens s’attaquent enfin au problème de la dette dans l’Eurogroupe de ce lundi 22 mai. Et l’article de préciser que «le niveau d’allégement de la dette dépendra des prévisions de croissance de la Grèce et des excédents budgétaires qu’Athènes pourra dégager sur plusieurs années sans pour autant étrangler son économie». Nouveau mystère à vrai dire puisque, précisément, l’économie grecque est étranglée depuis sept ans par les excédents budgétaires (plus précisément, les excédents primaires, qui excluent le service de la dette).

Or, les nouvelles mesures votées le 17 mai ont imposé les mêmes objectifs pour trois ans de plus, justement pour rendre, croit-on, la dette «soutenable». Quel que soit le niveau d’allègement de la dette (qui ne sera en fait qu’une protection contre une future hausse des taux), les créanciers ont déjà décidé d’étrangler l’économie hellénique. Mais il est vrai que la clé de ce mystère repose dans le titre de l’infographie qui résume les niveaux de dette européenne et est titré : «la Grèce, cancre de l’Union européenne». Dès lors, tout devient simple: la Grèce est un pays cancre qui ne sait pas comment faire baisser sa dette et il faut donc encore lui «venir en aide». Une fois de plus, le lien entre la croissance et l’austérité est totalement nié.

Du reste, la très mauvaise croissance grecque du premier trimestre ne sera traitée par les médias français que sous la forme d’une reprise de dépêches. Dans l’ensemble de ces traitements, la raison de cette récession est simple, c’est celle énoncée par la Commission à Bruxelles: le retard dans les discussions entre le gouvernement et les créanciers qui ont «causé de l’incertitude», comme le souligne, par exemple, le site de L’Express qui reprend la dépêche AFP. L’article du Monde, réalisé avec l’AFP et Reuters, se contente de constater que «les trois plans d’aide consécutifs accordés à la Grèce depuis 2010 par l’Union européenne et le Fonds monétaire international, en échange de réformes, n’ont toujours pas remis le pays sur les rails de la croissance.» Mais pourquoi diable? Ces trois plans, ces réformes auraient-elles une part de responsabilité dans cette affaire ? On n’en saura pas davantage.

La Grèce, mauvaise conscience de la magie des réformes

Dans le monde des médias français, la croissance grecque semble vivre dans un monde séparé des plans d’austérité et des excédents budgétaires. C’est d’ailleurs bien ce que sous-entendait cet extraordinaire éditorial du Monde du 22 avril dernier titré majestueusement «la bonne surprise grecque» qui se réjouissait avec emphase de l’excédent budgétaire primaire grec, largement supérieur aux attentes, et y voyait la certitude pour la Grèce d’une restructuration de la dette. La nouvelle récession du pays est pourtant bien le fruit de cet excédent qui n’est rien d’autre qu’une ponction de la richesse nationale pour le seul bénéfice de ses créanciers, alors même que l’outil productif du pays est inexistant. Ce sont les hausses d’impôts, les baisses de retraites, les coupes budgétaires diverses qui ont causé cet excédent dont Le Monde se réjouissait tant et qui, partant, ont détruit l’économie grecque. Mais qu’importe, dans le monde des médias français, l’excédent budgétaire n’a que des vertus.

Ce refus entêté de faire le lien entre réforme, austérité et récession est évidemment symptomatique du biais idéologique du traitement de l’actualité économique. Et, dès lors, le silence de nos chroniqueurs et éditorialistes de tous poils, toujours prompts à nous vendre la lessive austéritaire si bonne pour nous, se comprend. Certes, l’intérêt de la chronique économique devrait être de faire le lien entre des faits liés que l’on voudrait voir séparés. Mais, plus que jamais, la Grèce est la mauvaise conscience de la «magie des réformes», alors même que les ondes et les pages françaises débordent de louanges pour ces mêmes réformes qui régleront tout. Il est donc plus simple d’éviter de parler de cas gênant. Et si l’on y revient dans les jours qui viennent, gageons que ce sera pour insister sur la magnanimité des créanciers qui acceptent de renoncer à des intérêts futurs qu’ils sont certains de ne pas toucher, compte tenu de la politique qu’ils imposent à la Grèce, et non pour dénoncer et démonter cette politique.

Surtout, tous ont défendu avec acharnement la dureté des Européens en 2015 face au «premier» Alexis Tsipras, celui de janvier 2015, qui ne disait pourtant que ce qui est évident désormais: la priorité au remboursement des créanciers, première justification de l’austérité, tue l’économie grecque et donc la capacité de remboursement des Grecs. L’échec du troisième programme, largement prévisible, est aussi l’échec des chroniqueurs économiques et de leurs croyances [1]. La leçon est sans doute encore trop amère pour qu’elle soit acceptée. Les Français attendront donc encore pour comprendre ce qui se passe en Grèce. (Article pour Arrêts sur Images du 22 mai 2017; titre de la rédaction A l’Encontre)

[1] Car, au-delà des croyances, les «réformes» ont abouti à ce que le docteur Babis Zabatis, chef de service oncologie et chimiothérapie d’Ágios Sávvas d’Athènes, grand Hôpital de la Santé Publique, a confié au réalisateur et journaliste Italien Fulvio Grimaldi: «La crise pour nous, c’est surtout le manque cruel de personnel. Plusieurs milliers de médecins ont quitté la Grèce. Au lieu de onze internes dans mon service par exemple, je n’en dispose que de deux actuellement, nous ne pouvons plus faire face aux besoins des patients… alors ils meurent, ou ils meurent plus rapidement car souvent ils restent longtemps sans traitement. Fait alors nouveau… nous avons remarqué une surmortalité, jamais vue jusque-là chez les médecins. Depuis ces trois ou quatre dernières années de la crise, nous ne tenons plus la route de notre mission, nos efforts sont surhumains, j’ai perdu ainsi cinq collègues, d’un cœur qui lâche, d’un AVC… voire, d’un cancer fulgurant. C’est terrible…» (Greek Crisis)

Grèce. La trajectoire du PIB grec et celle du QI des journalistes économiques

 

Athènes menacée de trébucher avec le FMI

publié le 30 mai2017  sur la tribune de Genève

Crise de la dette. Le premier ministre grec reste confiant de trouver une solution avec les créanciers d’ici au 15 juin.

Poussée par Berlin au mariage forcé avec le FMI, malgré scènes et amorces de rupture, la Grèce est désormais confrontée au risque d’une union bancale avec ce gendarme financier, ne réglant pas les lourds arriérés de sa dette.

En décembre 2015, après sa réélection pour un deuxième mandat, le premier ministre Alexis Tsipras lançait l’offensive contre l’implication du FMI dans son programme de redressement conclu en juillet avec les Européens, la jugeant «non constructive et non nécessaire».

Un an et demi plus tard, le virage est complet: pour le ministre des Finances, Euclide Tsakalotos, la participation du FMI est «le meilleur choix». Car entretemps, Alexis Tsipras a tablé sur le FMI pour arracher à la zone euro l’engagement d’alléger la dette publique du pays dont il a fait son cheval de bataille.

Il se fondait sur les règles de l’institution, qui ne lui permettent pas en principe de participer au renflouement d’un pays insolvable. Le «pire choix» selon Euclide Tsakalotos, serait du coup une union bancale, soit un ralliement formel du FMI au programme grec mais sans garantie préalable sur la dette, qui caracole à près de 180% du PIB.

Compromis boiteux

C’est un tel compromis qui a été proposé le 22 mai par l’Eurogroupe, contraignant la Grèce à faire de l’obstruction pour le bloquer. Une telle solution ne réglerait rien pour la Grèce, selon Euclide Tsakalotos, n’apportant pas aux marchés la «clarification» nécessaire sur la dette pour qu’ils refinancent le pays comme prévu à partir de l’été 2018.

Vu d’Athènes, le compromis apparaît juste calibré pour permettre au gouvernement allemand de se présenter aux élections de septembre arqué sur son refus de toute concession envers la dispendieuse Grèce. Athènes se prépare du coup à un nouveau rendez-vous difficile avec ses créanciers, lors de la prochaine réunion des ministres des Finances de la zone euro du 15 juin.

Le tout alors que l’échéance de juillet, quand le pays devra s’acquitter de créances de plus de 7 milliards approche, sans qu’il y ait encore de déblocage de nouvelle tranche de prêts à Athènes.

Euclide Tsakalotos s’est affirmé lundi «confiant» qu’un accord sera finalement dégagé le 15 juin «clarifiant comment la dette grecque peut être rendue viable». Mais Athènes ne dispose pas de beaucoup d’atouts.

La Grèce a été entrainée dans cette partie complexe par le choix de Berlin, soutenue par La Haye et Helsinki, d’imposer la participation du FMI comme condition au renflouement du pays, souligne Georges Pagoulatos, professeur d’Études européennes à la faculté économique d’Athènes.

Le FMI bras armé de Berlin

«Le FMI a servi d’acteur utile à l’Allemagne pour imposer à la Grèce un ajustement très dur», faisant peu de cas de l’acquis communautaire et des règles sociales européennes, face à une Commission européenne dont Berlin «se méfie», juge Georges Pagoulatos.

«Demandes aberrantes», «mauvaise foi», experts «plutôt idiots», données «mensongères»: le gouvernement grec de gauche a longtemps regimbé contre ce mariage forcé, imputant au FMI d’être l’empêcheur numéro un de sortie de crise. La rhétorique était «surtout à consommation interne» visant l’électorat de gauche de Alexis Tsipras, juge Kostas Melas, professeur en finance internationale à l’université Panteion d’Athènes.

Mais elle a fait long feu: Alexis Tsipras s’est finalement résigné à proroger l’austérité jusqu’en 2021, comme l’exigeait le Fonds, en faisant voter à la mi-mai de nouvelles mesures d’économies d’un montant de 4,9 milliards.

Défauts d’expertise

Faute d’arracher en échange des engagements sur sa dette, le gouvernement grec, en chute dans les sondages et à la majorité parlementaire étriquée, est confronté au risque de sérieuses turbulences. Le FMI a aussi laissé des plumes dans l’aventure, contraint à plusieurs reprises de confesser des défauts d’expertise sur la Grèce.

Pourtant, le FMI «a non seulement accepté mais exigé plus de rigueur, pour que le pays puisse tenir des objectifs budgétaires qu’il ne considère pourtant comme ni réalistes ni souhaitables», relève M. Pagoulatos.

Pour M. Melas, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble pourrait au final réussir à imposer ses vues, en ayant «utilisé à la fois Tsipras et le FMI». (ats/nxp)

http://www.tdg.ch/economie/Athenes-menacee-de-trebucher-avec-le-FMI/story/27502380

Grèce : l’édito de solidarité ouvrière du S.E.K

Depuis Athènes l’édito de « Solidarité Ouvrière », paru dans le  N° de cette semaine. « Solidarité Ouvrière » est l’hebdo du S.E.K., un des courants d’ANTARSYA (ce long sigle signifie littéralement : « coopération anticapitaliste de gauche pour le renversement »  et désigne un regroupement de forces anticapitalistes).

  Edito « Solidarité Ouvrière », 24/5/17

L’impasse de la « voie obligatoire »

La session de l’Eurogroup du lundi 22 Mai, qui avait été annoncée comme « le sommet » pour la conclusion de l’évaluation et de l’accord sur la dette, s’est soldée par un report de la discussion à la prochaine session du 15 Juin. Tout le camp en faveur du mémorandum, qui s’apprêtait à tourner la page, est resté dans l’expectative. Même des journaux de droite comme Démocratie se demandent à leur première page, à propos de Schäuble : « Mais que veut-il d’autre ? ».

En ce qui concerne le camp gouvernemental de SYRIZA, il a réussi encore une fois à récolter à la fois la colère de la classe ouvrière et le mépris des « partenaires ». Le Parlement « devait » se dépêcher de voter les lois avec toutes leurs mesures barbares, afin d’être prêt pour l’Eurogroup « crucial » du 22 Mai. Puis l’Eurogroup a découvert qu’il avait le temps jusqu’à la mi-juin…

Le ridicule de la servitude d’Alexis Tsipras et de son gouvernement, dans la logique de la « sortie de la crise » à travers la « voie obligatoire » de la politique mémorandaire de l’U.E., est incontestable. Mais cela ne doit pas nous conduire à la conclusion que Schäuble & Cie sont tout-puissants. Le fait que les « évaluations » traînent ne constitue pas une preuve de toute-puissance mais le contraire : cela montre les problèmes et les faiblesses que provoque la continuation de la crise jusque dans les états-majors les plus puissants.

Un premier élément est la crise politique. Schäuble veut afficher son autorité jusqu’aux élections allemandes. Comme l’ont montré les élections en France, les partis traditionnels gouvernementaux, presque partout, font face à la colère des électeurs, ce qui peut aller jusqu’à leur naufrage. Les fantômes de Sarkozy, de Hollande, de Fillon, planent au dessus de Merkel et de ses partenaires gouvernementaux, même si les sondages les rassurent. L’attitude dure du gouvernement allemand dans toutes les directions, depuis les désaccords avec le FMI jusqu’à la mise de Tsipras en position de quémandeur soumis, a de telles motivations politiques.

Mais ce qui est le plus décisif est l’étendue de la crise économique. Les scénarios sur le niveau que va atteindre la dette grecque les prochaines années diffèrent à un point dramatique. Le FMI prévoit qu’elle va s’envoler à plus de 200% du PNB, alors que l’U.E. calcule qu’elle va tomber à long terme en dessous des 60%. Une partie du désaccord reflète des considérations politiques : il y a concurrence entre les intérêts des U.S.A et de l’Allemagne quant à leurs parts respectives sur les marchés financiers internationaux. Mais en même temps, il y a une réelle faiblesse des deux pays à évaluer les perspectives des économies grecque et mondiale. Aucun état-major de l’économie ne peut déterminer avec certitude si nous nous trouvons à la veille d’un redressement viable ou au contraire devant la menace d’une nouvelle récession qui va faire éclater comme des bulles tous les programmes des deux côtés de l’Atlantique.

Le choix de Tsipras d’imposer des mesures de plus en plus dures, en attendant de voir où vont aboutir les négociations avec l’U.E-FMI, est de la folie pure. Il risque d’avoir le sort de Samaras qui, après avoir appliqué le mémorandum, pensait que la Grèce se trouvait à la veille de pouvoir à nouveau emprunter sur les marchés internationaux et a vu les taux d’intérêt monter au plafond et réduire à néant son « success story ». A une époque, le refus de la cravate était un symbole de désobéissance. Maintenant, elle est une lugubre attente de l’heure où elle sera portée en signe de réussite, heure qui est sans cesse remise à plus tard.

L’alternative de gauche de la rupture avec les mémorandums et leurs inspirateurs devient de plus en plus impérative et réaliste. Nous pouvons et devons amplifier la résistance ouvrière avec la certitude que le camp adverse se trouve dans une impasse.

Traduction Tania

Les Européens continuent de mettre la Grèce au supplice

Les Européens continuent de mettre la Grèce au supplice par Martine Orange de Médiapart

Une nouvelle fois, la Grèce repart les mains vides de Bruxelles. Les dirigeants européens ont décidé de jouer encore la montre dans l’espoir que l’Allemagne et le FMI trouvent un terrain d’entente sur la restructuration de la dette de la Grèce, alors que le pays continue de s’effondrer.

l’article complet Grèce au supplice

La jeunesse grecque acculée à l’émigration

par Fabien Perrier, Athènes

Une grève générale a paralysé la Grèce mercredi. Un signe de plus de l’inquiétude qui règne dans le pays alors que le parlement s’apprête à se prononcer sur un nouveau plan d’austérité. De plus en plus d’étudiants songent à s’en aller

Ce mercredi, la Grèce était plongée dans une grève générale de 24 heures et des dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rues d’Athènes. Ils dénonçaient les nouvelles mesures d’austérité votées ce jeudi par la Vouli, le Parlement grec. Fait notable, dans un pays soumis à l’austérité depuis sept ans, les jeunes occupaient une place importante dans le cortège. Leurs slogans? «Non au dépeçage du pays», «Étudiants en colère»… Car les mesures inquiètent la jeunesse grecque, de plus en plus tentée par l’exil. Faute d’horizon professionnel.

Un État social en voie de disparition

Thanos Pagkoutsis 19 ans est de ces étudiants en colère. Sous les palmiers de l’Université Panteion, à Athènes, où il est étudiant, la Grèce a pourtant des allures de paradis. A quelques mètres, un bassin apporte une fraîcheur bienvenue à l’heure où la chaleur commence à envahir la Grèce. Le cadre est idyllique. Mais Thanos, comme ses amis, ne peut masquer son désespoir. «Je viens de Macédoine de l’Ouest. Cette région détient un record européen: le taux de chômage le plus élevé», ironise le jeune homme. Qui poursuit: «Maintenant, nous voyons tous les jours, en Grèce, des gens fouiller dans les poubelles pour manger.» Pour lui, rien ne va changer. «L’accord que le gouvernement a passé le 2 mai avec l’Union Européenne va encore saigner la Grèce», explique-t-il à propos de l’ensemble des mesures réclamées à Athènes par ses créanciers, et votées le 18 mai à la Vouli, le Parlement grec.

«L’énergie va être privatisée», remarque l’étudiant en questions régionales, européennes et internationales. Ce secteur, l’une des principales ressources industrielles hellènes, repose notamment sur l’exploitation du lignite dans le nord de la Grèce. «Si la compagnie est privatisée, les mines vont être fermées; ce sera des licenciements à tous les étages, assure Thanos; notre région est finie, et nos vies avec.» Son père mécanicien à la DEI (compagnie nationale d’électricité) et sa mère enseignante ont déjà vu leurs salaires chuter de plus de 30% depuis 2010. Nouvelles coupes dans les retraites, déjà amputées à 13 reprises depuis le début de la crise en 2010, et de nouvelles hausses d’impôts y compris pour les ménages à la limite du seuil de pauvreté, pour un montant de 4,5 milliards d’euros. L’Etat social est en train d’être détruit, assène Thanos, excédé. Lui voit son avenir hors de sa terre natale.

Plus de 280 000 Grecs ont quitté le pays entre 2010 et 2015, selon une étude menée pour la London School of Economics par Lois Labrianidis, professeur en géographie économique. Ils seraient 350 000 à être partis entre janvier 2008 et juin 2016, selon Endeavor, un réseau de jeunes entrepreneurs, et même 427 000 sur la même période selon la Banque de Grèce. Cet exode est une véritable hémorragie pour un pays d’à peine 11 millions d’habitants.

 

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