L’unité anti-torture de l’ONU à Athènes pour enquêter sur les décès de migrants dans les commissariats de police.
9 octobre 2024
Un groupe de travail anti-torture de l’ONU est actuellement en visite à Athènes pour enquêter sur la mort récente de deux migrants dans des commissariats de police de la capitale grecque. L’unité est chargée d’enquêter et d’inspecter les cas de torture, de mauvais traitements et de violations des droits de l’homme des prisonniers. L’unité des Nations unies appelée « Sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (SPT) est arrivée à Athènes mardi et effectuera une mission de 12 jours, dans le cadre de ses audits réguliers des commissariats de police, des centres de détention de migrants, des établissements pénitentiaires ou des prisons, et des points de contrôle de la sécurité aux frontières.
Citant des sources policières, le radiodiffuseur public ERT a indiqué que cette visite faisait suite au décès de Mia Harizul, 29 ans, originaire du Bangladesh, qui aurait été retrouvé pendu dans un poste de police. Il convient également de rappeler que, quelques jours auparavant, un autre migrant, Mohamed Kamran Asik, un livreur de 37 ans originaire du Pakistan, a également été retrouvé mort dans sa cellule au poste de police d’Agios Panteleimonas, à Athènes.
L’équipe spéciale anti-torture des Nations unies mènera une série d’entretiens en personne avec des officiers de haut rang, notamment de la police grecque, des garde-côtes et du médiateur.
Les rapports suggèrent que le médiateur soulèvera des questions sérieuses sur les fautes commises par les services de police grecs lors de la réunion avec l’unité de l’ONU.
Selon les médias, la direction de la police grecque (EL.AS) a demandé à tous les officiers et services de coopérer avec l’équipe de l’ONU et d’accorder à ses membres un accès total à toutes les zones, y compris les lieux de détention, sans restriction ni escorte.
Le document interne transmis souligne que les inspecteurs ont le droit d’interroger les personnes détenues ou toute autre personne sans exception.
L’implication de Frontex dans des refoulements illégaux en Grèce est à nouveau prouvée, cette fois dans un rapport d’incident grave (SIR) récemment publié par le bureau des droits fondamentaux de Frontex, à partir d’un refoulement effectué par les garde-côtes grecs à l’extérieur de Lesvos, avec l’aide de Frontex Lettonie.
Dans l’après-midi du 25 janvier, un bateau transportant 38 personnes, toutes afghanes, avait presque atteint la terre ferme au nord de Lesbos, lorsqu’il a été arrêté par Frontex Lettonie et deux navires des garde-côtes grecs, et repoussé illégalement vers la Turquie.
Les autorités grecques ont nié toute implication, comme d’habitude, et ont affirmé qu’elles n’avaient fait qu’empêcher un bateau d’entrer dans les eaux du territoire grec, ou, comme elles l’ont dit, qu’elles avaient « empêché le départ ».
Nous avons publié un article sur ce cas le 13 mai, et l’affaire a également fait l’objet de plusieurs documentaires.
Le 2 février, le bureau des droits fondamentaux de Frontex a lancé un rapport d’incident grave (SIR 10463/2024), afin de « clarifier les allégations de recours à la violence en mer et d’expulsion collective de migrants ».
Les résultats et la conclusion sont clairs comme de l’eau de roche : le groupe a été illégalement et violemment repoussé des eaux territoriales grecques par les garde-côtes grecs, assistés par le navire letton de Frontex.
Latvian Frontex a ensuite couvert les autorités grecques dans son rapport de mission, afin que le crime puisse passer inaperçu, comme d’habitude en mer Égée
« Le Bureau note avec regret que le compte-rendu de l’incident par l’équipage du navire Frontex dans le rapport de mission, ainsi que par les autorités grecques en**, était incomplète et incorrecte, avec des informations manquantes sur la présence des migrants en Grèce, et le second transfert de l’incident de Frontex à HCG »
Le bateau était dans les eaux grecques, ils ont été interceptés, leur vie a été mise en danger à plusieurs reprises par les garde-côtes grecs, ils ont fait l’objet d’une expulsion collective interdite, et tant Frontex que les garde-côtes grecs ont délibérément couvert le crime en mettant des informations incorrectes et incomplètes dans leurs rapports de mission.
Étant donné que ces rapports de Frontex ne sont pas accessibles au public et qu’ils présentent un grand intérêt pour le public, nous avons à nouveau décidé de publier l’intégralité du rapport. Il est de la plus haute importance que ces rapports soient accessibles à tous, et pas seulement aux politiciens et aux journalistes de l’UE. Final SIR 10463-2024_final_redacted-rotated (1)Download file:///C:/Users/Odie%20Helier/Downloads/Final-SIR-10463-2024_final_redacted-rotated-1.pdf
Les autorités grecques, soutenues par Frontex, ont à nouveau prouvé leur implication et leur responsabilité dans les violations des droits de l’homme en mer Égée. La question est de savoir ce que le conseil d’administration de Frontex et la Commission européenne vont faire pour mettre fin à cette situation.
Nous demandons à la Commission européenne de lancer immédiatement une procédure d’infraction contre la Grèce pour violations systématiques et généralisées des droits de l’homme, et nous demandons la cessation de toutes les opérations de Frontex en Grèce conformément à l’article 46 du règlement de Frontex.
Les vrais passeurs sont rarement sur le bateau : des militants grecs remettent en question l’emprisonnement des demandeurs d’asile Des centaines de personnes, dont des enfants, risquent de longues peines de prison en vertu d’une loi grecque très stricte contre le trafic de migrants.
Mohanad avait 15 ans lorsqu’il a été arrêté par les autorités grecques en novembre 2022 après être arrivé en Crète à bord d’un navire parti de Libye. Il a été accusé d’avoir fait passer 476 personnes et attend son procès dans le courant de l’année.
Il fait partie des centaines de personnes, y compris des enfants et des personnes voyageant avec leur famille, qui ont été arrêtées en vertu de la sévère loi grecque contre le trafic de migrants entrée en vigueur en 2014, qui prévoit des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 25 ans.
Des avocats ont signalé que les procès des passeurs étaient entachés de vices de procédure et d’un manque de preuves. Ce sont souvent les plus vulnérables qui mènent la barque, disent-ils, y compris des hommes qui acceptent de le faire en échange d’une réduction du prix du passage pour les membres de leur famille. Les arrestations sont arbitraires, affirment-ils, si l’on ne sait pas qui contrôlait le bateau.
Selon les ONG et les experts juridiques, la criminalisation des réfugiés et des demandeurs d’asile ne permet pas non plus de démanteler les réseaux de passeurs, car les vrais passeurs ne sont généralement pas sur le bateau.
L’année dernière, un réfugié afghan s’est vu accorder une indemnité de 15 920 euros (13 660 livres sterling) après avoir été accusé à tort de trafic de migrants
Il avait purgé plus de deux ans d’une peine de 50 ans d’emprisonnement après avoir été désigné comme la personne qui dirigeait le navire, selon les avocats, parce qu’il se trouvait à côté de la roue. Les vrais coupables avaient abandonné le bateau bien plus tôt.
Les personnes emprisonnées pour contrebande représentent aujourd’hui 20 % de la population carcérale grecque.
Dans le cas de Mohanad, son père, Hassan, un pêcheur égyptien qui voyageait sur le même bateau, a également été arrêté et accusé d’avoir agi dans un but lucratif après avoir accepté de s’occuper de certaines tâches à bord pour aider à payer la redevance. Il a été condamné en mars 2023 à 280 ans de prison. (Malgré la durée nominale de ces peines, le temps maximum que les prisonniers peuvent purger se situe entre 20 et 25 ans, avec des possibilités de libération anticipée).
Son fils Mohanad, aujourd’hui âgé de 16 ans, doit répondre des mêmes chefs d’accusation : contrebande à but lucratif, mise en danger de la vie des passagers et appartenance à une organisation criminelle. Même s’il est encore mineur, il risque jusqu’à huit ans de prison, selon son avocate Maria Flouraki, qui affirme que « le véritable passeur qui a pris l’argent est rarement sur le bateau ».
En Grèce, le fait de contrôler le bateau ou de conduire la voiture facilitant l’entrée sur le territoire sans autorisation constitue une infraction pénale passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans pour chaque personne transportée. La peine peut être plus lourde en fonction des charges supplémentaires, comme la mise en danger de la vie des passagers si le bateau est en détresse. Les personnes emprisonnées pour trafic illicite représentent désormais 20 % de la population carcérale grecque, avec plus de 2 000 personnes incarcérées en février 2023, selon les données publiées par le ministère grec de la protection des citoyens.
Le ministère n’a pas répondu aux demandes d’informations supplémentaires, mais au début de l’année, le ministre grec de l’immigration, Dimitris Kairidis, a réitéré l’importance de sa politique de lutte contre la contrebande lors d’une réunion avec l’UE.
Dans un autre cas, Homayoun Sabetara, qui avait fui l’Iran, a été arrêté en septembre 2021 et accusé de contrebande parce qu’il avait traversé la frontière entre la Turquie et la Grèce en voiture avec sept autres personnes. Selon M. Sabetara, il a été contraint de conduire la voiture par le passeur qui les a abandonnés dans les bois près de la frontière. Il a été condamné à une peine de 18 ans de prison.
Les personnes accusées de trafic sont considérées comme coupables dès le départ et condamnées sur la base de maigres preuves, affirment les militants et les avocats. « Il n’y a que quelques témoignages de passagers qui ont vu mon client distribuer de la nourriture et de l’eau, c’est tout », déclare M. Flouraki. Le témoignage écrit d’un garde-côte pourrait suffire à obtenir une condamnation, ajoute-t-elle.
La plupart des personnes accusées de trafic illicite n’ont pas accès à une assistance juridique avant le jour de leur comparution devant le tribunal, explique Dimitris Choulis, avocat du Human Rights Legal Project sur l’île grecque de Samos. L’avocat commis d’office ne prend connaissance de leur dossier que peu de temps avant le procès.
Julia Winkler travaille avec l’ONG Borderline Europe et a suivi des dizaines d’affaires de contrebande en Grèce au cours des cinq dernières années. Elle affirme que dans plus de deux tiers des cas qu’elle a vus, le principal témoin de l’accusation était absent, ce qui rendait le contre-interrogatoire impossible – une violation des normes d’équité des procès. Elle affirme également que certaines personnes ont attendu plusieurs mois en détention provisoire sans savoir pourquoi, car tous les documents qu’elles ont reçus ou signés sont rédigés en grec.
Le mois dernier, le procès en appel de Sabetara contre sa condamnation à 18 ans de prison a été reporté de cinq mois supplémentaires pour donner au tribunal le temps de localiser le témoin clé, qui n’était présent ni au procès initial ni à l’audience d’appel.
« La décision de reporter le procès pour entendre le témoin clé peut rendre le procès plus équitable et reconnaît également les défauts du procès en première instance », a déclaré M. Choulis. Une motion visant à libérer Sabetara pour le moment, compte tenu de son état de santé fragile, a été rejetée.
Mohanad vit actuellement dans un centre d’hébergement pour mineurs non accompagnés en Crète, mais M. Flouraki affirme qu’il a beaucoup souffert de l’emprisonnement de son père, de la séparation d’avec le reste de sa famille et de l’incertitude quant à son avenir. En février, son procès a été reporté à novembre.
En faisant obstruction aux activités de recherche et de sauvetage, l’Italie met des vies en danger
Déclaration commune des organisations non gouvernementales (ONG) impliquées dans les activités de recherche et de sauvetage en Méditerranée centrale.
L’adoption en 2023 d’une nouvelle loi par les autorités italiennes et l’assignation systématique de ports éloignés aux navires de sauvetage humanitaires ont conduit à l’augmentation du nombre de morts en Méditerranée centrale. Face à cette situation, nous demandons au gouvernement italien de mettre fin immédiatement à l’obstruction de nos activités de sauvetage en mer.
Au cours de l’année passée, les ONG de recherche et de sauvetage ont à plusieurs reprises alerté sur le risque d’une augmentation du nombre de morts en Méditerranée centrale à la suite de la mise en place d’une nouvelle série de règles par les autorités italiennes qui ciblent et entravent spécifiquement leurs activités de recherche et de sauvetage en mer. Avec plus de 2 500 hommes, femmes et enfants morts ou disparus sur cette route migratoire en 2023 – l’année la plus meurtrière depuis 2017 – et déjà 155 décès cette année1, toutes les ressources de sauvetage sont urgemment nécessaires.
Il y a un an, le 24 février 2023, le parlement italien faisait passer le Décret-Loi 01/2023 en loi 15/2023. Cette loi traduit clairement une stratégie des autorités italiennes pour restreindre la présence des navires des ONG en mer, limiter leur capacité à opérer des sauvetages et réduire à tout prix les arrivées sur les côtes italiennes.
Cette obstruction délibérée aux activités de secours des ONG intervient dans un contexte où les capacités de recherche et de sauvetage en mer sont déjà largement insuffisantes. En plus de violer les lois internationales et européennes, ce jeu politique aggrave le déficit de sauvetage et a des conséquences désastreuses, rendant la Méditerranée centrale – qui est déjà l’une des routes migratoires les plus meurtrières au monde – encore plus périlleuse. Le premier anniversaire du naufrage du 26 février près de la ville calabraise de Cutro, dans lequel au moins 94 personnes ont perdu la vie à quelques centaines de mètres des côtes italiennes, est un sombre rappel de cette tragique réalité.
Dilemmes inhumains
La loi stipule, entre autres règles, que les navires de sauvetage des ONG doivent se diriger immédiatement vers un port après un sauvetage, ce qui les contraint à ignorer les autres embarcations en détresse dans la zone. Cela entre en contradiction avec le devoir du capitaine de secourir les personnes en danger en mer, comme le stipule le droit maritime international. Les ONG qui désobéissent aux règles italiennes s’exposent à une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 euros et à la perspective de voir leur navire immobilisé pendant au moins 20 jours, voire confisqué par les autorités.
« Dans de nombreux cas, nous devons choisir entre nous conformer à la réglementation italienne tout en sachant que nous risquons de laisser derrière nous des personnes en danger de mort, ou remplir notre devoir légal de sauvetage et risquer par la suite des amendes, la détention et l’éventuelle confiscation de nos navires. La détention des navires de sauvetage ne fait qu’exacerber le vide en Méditerranée centrale et les risques pour les personnes qui tentent la traversée » alertent les signataires.
Des centaines de jours perdus en mer
Depuis février 2023, neuf navires de sauvetage d’ONG ont été retenus par les autorités italiennes à 16 reprises2, ce qui représente plus de 300 jours sans naviguer et sans pouvoir porter assistance aux personnes en détresse.
L’impact négatif de la loi est encore aggravé par la pratique du gouvernement italien qui consiste à assigner des ports éloignés, dans le nord de l’Italie, aux plus grands navires des ONG pour le débarquement des personnes secourues. Ces ports peuvent être situés à 1 600 km de distance et cinq jours de navigation du lieu de sauvetage. Là encore, cette pratique est contraire au droit maritime international qui exige que les personnes soient débarquées dans un lieu sûr « dès que cela est raisonnablement possible ».
En 2023, les navires de sauvetage des ONG ont dû parcourir plus de 150 500 km supplémentaires pour atteindre des ports éloignés, soit l’équivalent de plus de trois fois et demie le tour du monde et au moins 374 jours de navigation inutiles, par rapport à un débarquement dans des ports accessibles plus proches en Sicile et à Lampedusa3.
« Cela représente des centaines de jours passés loin de la zone de recherche et de sauvetage durant lesquels la vie des personnes est en danger », dénoncent les organisations signataires.4 « En plus d’éloigner les navires des ONG, cette pratique entraîne des délais injustifiés pour les personnes secourues qui ont besoin d’accéder à des soins urgents et des services de protection à terre. »
Un lourd tribut
D’année en année, nous assistons à l’augmentation des entraves aux activités de sauvetage en mer des ONG, et ce sont les personnes qui cherchent à se mettre en sécurité en Europe qui en paient le prix fort. Dans le même temps, les garde-côtes libyens continuent de procéder à des interceptions illégales et à des renvois forcés vers la Libye, avec le soutien de l’UE et de ses États membres, notamment l’Italie et Malte.
« L’exploitation et la violence à grande échelle auxquelles sont confrontées les personnes retenues en Libye ont été largement documentées et pourraient constituer des « crimes contre l’humanité » selon les Nations Unies5. En coopérant avec la Libye pour organiser ces interceptions en mer, l’Italie et l’UE se rendent complices de nouveaux abus contre les personnes migrantes, demandeuses d’asile ou réfugiées6 . Il y a quelques jours, la Cour suprême italienne a confirmé que la Libye ne pouvait être considérée comme un lieu sûr et que le renvoi de personnes dans ce pays constituait un crime7 », affirment les signataires.
Pour éviter que la Méditerranée centrale ne devienne un cimetière plus grand encore, nous demandons :
Aux autorités italiennes de cesser immédiatement d’entraver les activités de recherche et de sauvetage des ONG et de protéger les droits fondamentaux des personnes naufragée en mer en veillant à ce que les navires des ONG puissent porter assistance aux embarcations en détresse sans restriction, et que les personnes secourues en mer puissent débarquer dans le port sûr le plus proche, comme le prévoit le droit maritime international ;
Aux autorités italiennes et européennes de favoriser une coopération efficace avec les navires de sauvetage des ONG et de déployer des navires dédiés à la recherche et au sauvetage en Méditerranée centrale afin d’éviter de nouvelles pertes de vies humaines en mer ;
À l’UE et ses États membres de cesser tout soutien matériel et financier aux garde-côtes libyens et aux gouvernements responsables de graves violations des droits de l’homme.
Un pouvoir de plus en plus autoritaire et répressif mais une belle victoire à Exarcheia ! Un nouveau code pénal pour réprimer les opposants – Une novlangue inversant ce qui est vital et ce qui est mortifère- Le retour progressif de la censure – Le renforcement de la surveillance – La crise qui ne dit pas son nom – La Grèce, Reine des leurres médiatiques – Des manifestations nombreuses dont personne ne parle- Une belle victoire à Exarcheia : La colline de Stréfi est libérée – « Le jour d’après » sur la colline d’Exarcheia.
L’Ocean Viking est détenu administrativement pour la troisième fois en trois mois. Cette sanction a été prononcée par les autorités italiennes le 9 février, suite au sauvetage de 261 personnes dans les eaux internationales au large de la Libye. Nous dénonçons cette décision injuste qui marque une nouvelle escalade dans le mépris, par les États, du droit maritime et des conventions humanitaires en Méditerranée centrale.
Cela fait suite à la journée chaotique du 6 février : en moins de 12h, l’Ocean Viking a été témoin de violations répétées et graves des conventions maritimes et des droits humains par des navires de patrouille libyens financés par l’Union Européenne. Interceptions et retours forcés vers la Libye, manœuvres agressives et dangereuses à proximité de notre navire et des embarcations en détresse : nous disposons de nombreuses preuves de ces évènements.
Or, plutôt que d’agir contre ces graves violations du droit international, les autorités italiennes criminalisent une organisation civile et humanitaire qui respecte le droit de la mer. Dès l’arrivée de l’Ocean Viking dans le port de Brindisi, avant même de questionner les membres de notre équipage, les autorités italiennes nous ont présenté une déclaration de détention de 20 jours et une amende de 3 333 €. Une décision uniquement basée sur les déclarations mensongères des navires libyens, nos équipes n’ont pas eu la possibilité d’expliquer ce qui s’était réellement passé.
Chacun des 4 sauvetages opérés par l’Ocean Viking a été effectué en toute transparence et en coordination avec les autorités italiennes et les navires libyens présents, qui ont donné leur feu vert. Pourtant, lors du dernier sauvetage, les bateaux libyens ont subitement changé d’avis et nous ont demandé de quitter les lieux. La panique a alors éclaté sur l’embarcation en détresse, la situation s’est brutalement détériorée et nous avons dû mettre nos canots de sauvetage rapides à l’eau pour porter secours aux naufragé.e.s.
« Devoir justifier le simple fait de sauver des vies en mer n’a aucun sens, ni moral, ni juridique. L’Ocean Viking a secouru 261 personnes qui étaient en très grand danger de mort imminente. Les patrouilleurs libyens ramènent les naufragé.e.s de force en Libye, ce qui est contraire à l’obligation légale de les débarquer dans un lieu sûr », explique Soazic Dupuy, notre directrice des opérations.
Malgré les entraves et cette criminalisation constante, nous savons que notre présence en Méditerranée centrale est vitale. Grâce à votre soutien, nous reprendrons la mer dès la fin de cette détention inacceptable pour continuer notre mission : sauver des vies.
La Cour européenne des droits de l’homme ordonne à la Grèce de ne pas renvoyer en Turquie un groupe de réfugiés de LCL nouvellement arrivés à Lesbos
Le 5 décembre, le Legal Centre Lesvos a déposé une requête d’urgence en mesures provisoires auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour, au nom de 21 demandeurs d’asile non enregistrés récemment arrivés sur l’île de Lesvos. Le même jour, la Cour européenne des droits de l’homme a fait droit à la requête, ordonnant « aux autorités grecques de localiser les requérants, de ne pas les expulser de Grèce, de leur fournir de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux et de leur donner accès à des procédures de protection internationale » (O.B. et autres c. Grèce, requête n° 41926/23) (soulignement dans l’original).
Le groupe de 21 demandeurs d’asile non enregistrés, dont 10 enfants (2 non accompagnés), était arrivé à Lesbos depuis la Turquie à bord d’un canot pneumatique aux premières heures du 5 décembre 2023. Les autorités grecques, y compris les garde-côtes, la police, le Centre d’accueil et d’identification de Lesbos (RIC) et le service d’asile grec – ainsi que le HCR, MSF et Frontex – ont été informées de la présence du groupe sur l’île et de leur désir de demander l’asile dès le début de l’après-midi du 5 décembre. Néanmoins, le groupe a été laissé sans assistance et sans surveillance jusque tard dans la soirée.
Le groupe, qui était coincé dans une zone rocheuse au milieu des bois à Lesvos, est resté dehors pendant une journée entière après avoir traversé la mer depuis la Turquie. Ils sont restés sans nourriture ni eau, ni assistance médicale, malgré le froid et la déshydratation, certains des enfants du groupe ayant de la fièvre et une femme souffrant de douleurs dans les reins. Le groupe courait également le risque imminent d’être expulsé illégalement de Grèce, étant donné qu’il n’était pas enregistré en tant que demandeur d’asile et que les autorités grecques mènent une politique largement documentée de refoulement illégal vers la Turquie, y compris lorsque les migrants ont atteint les îles grecques. Cette pratique s’est généralisée et systématisée dans la région égéenne depuis mars 2020. Cette situation de détresse extrême a exacerbé le risque pour la santé et la vie des requérants, qui étaient terrifiés à la fois par l’idée d’être expulsés illégalement de Grèce et par la perspective de passer une autre nuit dehors dans les bois, sans couverture, sans abri, sans nourriture et sans approvisionnement en eau.
Compte tenu de la situation de détresse extrême du groupe et de l’absence de réaction des autorités, le Centre juridique de Lesbos a déposé une requête d’urgence en mesures provisoires en leur nom auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, à la suite de laquelle le groupe a finalement été pris en charge par les autorités grecques et apparemment emmené au Centre d’accueil et d’identification de Lesbos (RIC) vers 20 heures, comme l’a rapporté l’un des requérants par la suite.
Leur situation est suivie par Vicky Aggelidou, l’avocate du LCL qui les représente, afin de s’assurer que les autorités grecques se conforment entièrement à l’ordonnance de la Cour. Des mesures provisoires similaires ont été accordées par la Cour européenne des droits de l’homme en faveur des clients du Centre juridique de Lesbos dans le passé (par exemple en octobre 2021 et en février 2022) et ont permis aux personnes représentées d’être enregistrées dans le CIR de Lesbos et de demander l’asile. Dans d’autres cas, cependant, les mesures provisoires couronnées de succès n’ont pas empêché les migrants d’être repoussés dans la mer Égée et à la frontière d’Evros – démontrant, une fois de plus, la réalité et la gravité des risques auxquels sont confrontés les migrants arrivant en Grèce, comme l’a reconnu à plusieurs reprises la Cour européenne des droits de l’homme.
Le 2 janvier 2023, un décret-loi connu sous le nom de « Décret Piantedosi » a été introduit en Italie, appelant à des « dispositions urgentes pour la gestion des flux migratoires ». Ce décret compromet la bonne application du cadre juridique maritime international concernant la recherche et le sauvetage en mer.
Depuis l’adoption de ce décret, les navires de sauvetage civils doivent naviguer vers un « lieu sûr » sans aucun délai et sont régulièrement soumis à des détentions et à de fortes amendes après avoir porté assistance à des personnes en détresse en Méditerranée centrale. Concomitamment, les autorités italiennes ont commencé à assigner des ports de débarquement éloignés, empêchant ainsi les navires des ONG de patrouiller dans les zones où se produisent les naufrages ; elles sont alors dans l’impossibilité de secourir les embarcations en détresse pendant des périodes prolongées.
Quelles conséquences à l’application du décret-loi sur la recherche et le sauvetage en Méditerranée centrale ?
Le 15 novembre, les autorités italiennes ont ordonné une détention administrative de 20 jours de l’Ocean Viking et ont infligé une amende de 3 300 € à l’armateur du navire, sanctionnant ainsi un acte d’assistance humanitaire. La sanction a été prononcée après que nos équipes eurent secouru 128 personnes de trois embarcations en détresse. Depuis le début de l’année, c’est le 13e navire de sauvetage civil à être ainsi détenu.
Dans le même temps, depuis le début de l’année 2023, SOS MEDITERRANEE et les autres organisations civiles de recherche et de sauvetage sont soumises à un nouveau mode opératoire du Centre de coordination des secours maritimes italien en ce qui concerne l’attribution de ports sûrs pour le débarquement des personnes rescapées en mer. Après chaque opération de sauvetage ou série d’opérations, l’Ocean Viking s’est systématiquement vu attribuer des ports très éloignés de la zone de Méditerranée centrale, où les navires de sauvetage civils sont justement présents pour pallier le vide laissé par les États européens.
Ainsi en 2023, au lieu de se voir attribuer un lieu sûr tel que Pozzallo en Sicile, le port de référence dans cette zone, ce qui permettrait de conclure les opérations de sauvetage dans les meilleurs délais, l’Ocean Viking a été contraint de naviguer au total, pendant près de deux mois supplémentaires (en cumulé) pour débarquer des personnes rescapées dans des ports lointains. Ces allers-retours inutiles sont lourdement préjudiciables aux personnes secourues, tant sur le plan de leur santé physique que de leur santé mentale , en les exposant à des conditions météorologiques difficiles et rallongeant les délais avant d’accéder à des soins appropriés, à terre.
A titre d’exemple, en janvier 2023, le port Ancône a été désigné comme lieu sûr. Sur le trajet, les rescapé.e.s ainsi que l’équipage à bord de l‘Ocean Viking ont subi une tempête avec des vents allant jusqu’à 75 km/h et des vagues atteignant six mètres, malgré les avertissements de l’Ocean Viking aux autorités maritimes italiennes et notre demande d’un port sûr plus proche. Notre navire a pu affronter ces conditions météorologiques critiques, mais cette situation a eu de fortes répercussions sur la santé physique et mentale des rescapé.e.s : plus de 95% des personnes à bord ont eu le mal de mer, malgré les traitements médicaux dispensés par l’équipe médicale.
De plus, la désignation de « lieux sûrs » très éloignés des zones de sauvetage provoque une augmentation drastique de la consommation de carburant. L’Ocean Viking a parcouru plus de 21 000 kilomètres supplémentaires pour rejoindre 13 ports lointains cette année, au lieu d’aller au port le plus proche possible en Sicile. Ces kilomètres supplémentaires et inutiles, qui permettraient à l’Ocean Viking de traverser la moitié du globe, ont coûté plus de 500 000 euros en consommation de carburant.
SOS MEDITERRANEE condamne fermement l’application du Décret-loi du 2 janvier 2023 n°1 par les autorités italiennes. En 2023, les détentions et l’attribution de ports lointains ont vidé à plusieurs reprises la Méditerranée centrale des navires de sauvetage, alors même que nous traversons l’année la plus meurtrière enregistrée depuis 2017. Pour la seule semaine du 20 novembre 2023,de nombreux naufrages et décès ont été rapportés : au moins 11 vies ont été perdues.
Au lieu d’établir une réponse adéquate aux besoins humanitaires à sa frontière sud, l’Europe réagit en neutralisant celles et ceux qui tentent de sauver des vies, en totale contradiction avec le devoir d’assistance inconditionnelle qui s’impose en vertu du droit international.
L’ONG Aegean boat report a publié une nouvelle vidéo montrant des hommes masqués, sur un bateau floqué d’un drapeau grec, agresser des migrants et les refouler en mer Égée, vers les eaux turques. Contactées par InfoMigrants, les autorités grecques nient tout « pushback » et réfutent les accusations de violences.
Nouvelle preuve des violences en mer Égée. L’ONG Aegean boat report (ABR) a publié dimanche 19 novembre un document édifiant, sur un violent refoulement de migrants vers les eaux turques.
La scène se déroule dans la matinée du 13 novembre. Un canot, avec 23 Afghans à son bord, dont des femmes et des enfants, est arrêté près de Lesbos par un navire floqué d’un drapeau grec. Des vidéos publiées par ABR montre des hommes encagoulés, munis de longs bâtons avec un crochet sur l’une des extrémités. Cet objet, appelé gaffe dans le domaine de la marine, sert à manœuvrer une embarcation.
Ce jour-là, cet instrument semble être utilisé pour endommager le canot, et ainsi empêcher les migrants de poursuivre leur route vers la terre grecque. Plusieurs personnes à bord ont été touchées par la gaffe et portent des stigmates sur leur visage.
« Ne les laisse pas trouer le bateau »
Sur les vidéos, filmées par les exilés depuis la petite embarcation et diffusées par l’ONG, on entend des femmes et des enfants hurler de peur lorsque les hommes masqués brandissent leurs bâtons. « Filme-les » dit un passager en persan. « Ne les laisse pas trouer le bateau », supplie un autre. « Attrape-le, attrape-le », crie un troisième migrant, faisant référence à la gaffe.
L’ONG, grâce aux images prises par les exilés, est formelle : ce bateau est un patrouilleur des garde-côtes grecs. Il s’agit du Lambro 57 ΛΣ-144, appartenant à la marine grecque.
Le groupe d’exilés est finalement récupéré par les hommes masqués à bord de leur navire. Selon le compte-rendu d’ABR, ils « ont ordonné à tout le monde de remettre leurs téléphones, leur argent et autres objets de valeurs ». En cas de refus, les exilés ont été battus. L’un d’eux, celui qui filme la scène, est tout de même parvenu à cacher son téléphone sous les vêtements de son enfant.
Les migrants ont passé deux heures sur le bateau battant pavillon grec. L’équipage a finalement conduit les naufragés vers les eaux turques et les ont forcés, sous la menace d’une arme, à retourner dans leur canot, dépourvu de moteur – celui-ci a été détruit par les hommes encagoulés et jeté à la mer. « Le groupe s’est retrouvé à la dérive, impuissant, au milieu de la mer », signale l’ONG.
C’est grâce au téléphone caché que le groupe a pu joindre les services de secours turcs.
« Des actions conformes aux obligations internationales »
Contacté par InfoMigrants, le ministère grec des Affaires maritimes ni toutes accusations de « pushback » et de violences en mer. « Concernant les allégations d’actes répréhensibles présumés, nous devons souligner que les autorités grecques ne procèdent pas à de telles méthodes » et qu’il « existe des mécanismes de contrôle » des garde-côtes « le cas échant ».
Le ministère assure également, une nouvelle fois, son soutien aux forces maritimes grecques. « Les officiers de la Garde côtière hellénique travaillent avec efficacité et un sens important de la responsabilité, du professionnalisme mais aussi du respect absolu de la vie humaine et des droits humains », déclarent les autorités à InfoMigrants, ajoutant que « leurs actions sont conformes aux obligations internationales ».
Ce n’est pas la première fois que les garde-côtes grecs sont accusés de refoulements violents en mer Égée. La rédaction reçoit régulièrement des témoignages de migrants faisant état des mêmes pratiques que documentent ABR. L’an dernier, un Camerounais expliquait que des hommes masqués sur un bateau avec un drapeau grec avaient pointé leurs armes sur lui et les migrants qui l’accompagnait. « Ils nous ont crié dessus et nous ont ordonné d’éteindre le moteur », racontait-il. Les exilés ont, eux aussi, été refoulés vers la Turquie.
Dans un rapport paru le 2 novembre, Médecins sans frontières (MSF) affirmait que les refoulements illégaux de migrants « sont devenus la norme » et qu’ils s’accompagnent de « cycles de violences ».
L’organisation a recueilli des centaines de témoignages de « violences, agressions physiques, fouilles à nu et fouilles corporelles intrusives », y compris sur des enfants, de la part d' »officiers en uniforme et d’individus masqués non identifiés ».