Publications par catégorie

Archives de catégorie Grèce

Exposition colonisée La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Exposition colonisée

Les apparences dominent pendant que l’été grec se termine. Tout y est, touristes, travailleurs paupérisés, et alors bandits… aux règlements de compte mortels en pleine rue à l’heure du deuxième café. Athènes, ville… vivante au quotidien. Les politiques, Tsípras et Mitsotákis en tête quant à eux depuis Thessalonique à l’occasion de sa foire commerciale, auront comme d’habitude promis.la lune, jamais pleine. Le mensonge gouverne, automne des feuilles mortes.

Retour des îles. Le Pirée, septembre 2018

Les vacanciers athéniens sont de retour, la grogne aussi. Le pays s’apprête à affronter l’automne… en réalité celui de sa destinée, et Tsípras se rend à Thessalonique pour le grand discours politicien annuel d’une portée supposée économique, “le premier discours du genre depuis huit ans, où c’est le gouvernement grec qui fixe les règles en matière d’économie et non pas la Troïka”. Foutaises et canulars.

La ruine des retraités. Presse grecque, septembre 2018

Tsípras a annoncé des allégements supposés de l’imposition et autres mesures similaires et d’ailleurs applicables… dans la durée, c’est-à-dire sur une période de quatre à cinq ans. Ensuite, et pour faire passer la pilule de l’énième baisse du montant des retraites tout en prétendant le contraire, le… dernier Premier ministre de la… “Gauche radicale” a aussitôt voulu rajouter “que comme cette baisse concerne essentiellement les retraités âgés de 70 ans et plus, le problème n’est que temporaire car naturellement, ces pensions versées cesseront d’être au fil du temps”, (radio 90,1 FM, zone matinale du 11/09). Autrement-dit, nos vieux disparaîtront… si possible rapidement d’après le vœu implicite de la marionnette Tsípras. Inutile de dire combien cette déclaration a été aussitôt remarquée à travers le beau pays vieillissant.

Ce prétendu report de la baisse programmée du montant des retraites intervenant dès janvier 2019, pour tout dire opposé aux engagements de Tsípras vis-à-vis du carcan européiste, est déjà mis en cause. Aussitôt, d’entrée de jeu, il a été fortement critiqué, rien que par cette mise à garde de Jean-Claude Juncker en personne: “Les mesures votées doivent être appliquées à la lettre”, quotidien Kathimeriní du 13 septembre .

Je suis torturée. Sur une surface à Athènes, septembre 2018

En attendant, et sur le terrain…grec des expérimentations métahistoriques de notre bien piètre nouveau siècle, Aléxis Tsípras, dans une posture visiblement satisfaite a fait si bonne figure aux côtés de l’Ambassadeur des États-Unis Geoffrey Pyatt , signe aussi des temps géopolitiques qui sont… disons les nôtres. Il faut préciser que le grand pays est l’invité d’honneur à Thessalonique cette année… plus affinités géopolitiques… si “gentiment” imposées. Rappelons aussi que rarement auparavant la Grèce n’avait affirmé une telle aspiration envers l’OTAN, sauf durant la funeste Junte des Colonels, signe aussi des temps on va dire.

On comprendra certes… que Les États-Unis envisagent une nouvelle expansion militaire en Grèce alors sans précédant, au beau milieu des tensions avec la Turquie, ce que la presse américaine évoque autant en ce moment à l’instar de Wall Street Journal cette semaine . La géopolitique, encore la géopolitique.

Le pays grouille alors d’espions et d’agents étrangers ou… compatriotes de toute sorte comme de toute obédience. Déjà les médias publics, voire les médias tout court propagent des “fake news” à répétition, des analystes se présentant sous le masque du patriote ou de l’internationaliste sclérosé travaillent en réalité pour le compte des services des puissances étrangères, comme d’ailleurs et d’abord le gouvernent Tsípras, l’opposition de Mitsotákis, voire, l’essentiel névralgique me semble-t-il de l’État grec profond, sans oublier le système de la partitocratie pseudo parlementaire actuelle.

C’est alors un jeu de rôle dans l’ultime tragédie grecque ou sinon, divine comédie au pays… de l‘exposition colonisée. Le tout, sous une mer Égée fort agitée.et au beau milieu, votre blog Greek Crisis qui lutte pour sa survie, et autant pour en extraire à partir de tout ce magma le sens encore possible de l’histoire comme celui de la vérité à travers les vagues. La maritimité… comme stade final de la politique !

Aléxis Tsípras et Geoffry Pyatt à Thessalonique. Presse grecque, septembre 2018
Aléxis Tsípras à Thessalonique. Presse grecque, septembre 2018
Drapeau et quotidien. Grec. Athènes, septembre 2018

En dehors des pupitres officiels, les Grecs, de droite comme de gauche étaient nombreux à manifester contre la présence de Tsípras à Thessalonique, d’abord les organisations culturelles de la région grecque de Macédoine ont fait savoir combien l’accord signé entre Tsípras et les voisins Slavomacédoniens est inacceptable pour une large majorité en Grèce, et ensuite il y a eu ceux des gauches grecques aux manifestants, toujours dispersés défilant contre l’austérité, et donnant l’illusion de résister sans plus convaincre personne il faut dire. Leur temps historique en Grèce n’est plus et accessoirement… SYRIZA est passé par là.

Et pour ce qui est de l’accord macédonien de Tsípras, tout le monde sait qu’il a été précipité, non pas pour arriver à une solution durable et réellement souhaitable par les deux peuples, mais pour que l’OTAN puisse s’étendre à la Macédoine slave le plus rapidement possible, histoire de contrer l’influence de la Russie dans les Balkans, aux suites géopolitiques relevant de l’habituelle chirurgie plastique des grandes puissances sur les frontières et surtout sur les peuples, car c’est de nouveau dans l’air du temps dans tous les Balkans il faut dire.

Pendant ce temps, et en préparant le référendum du 30 septembre chez nos voisins Slaves, sauf que les Grecs ne seront pas consultés sur ce même accord, les officiels de l’OTAN, ceux de la Présidence autrichienne de l’UE, ainsi qu’Angela Merkel visitent Skopje et interviennent ouvertement en faveur du OUI auprès des Slavomacédoniens lesquels sont d’ailleurs menacés de ne plus espérer intégrer un jour l’OTAN et l’UE en cas de victoire du NON, ceci explique subséquemment cela.

Et comme attendu en Macédoine grecque, les manifestants de Thessalonique ont été très violemment accueillis par les forces de l’ordre, épaulées il faut dire par le FBI et la CIA quant à la surveillance des lieux. Les dits “débordements” des CRS grecs, ont même obligé le gouvernement à ordonner une enquête sur le comportement de certains policiers, presse grecque de la semaine .

Manifestants et CSR. Thessalonique, septembre 2018
Moine et CSR. Thessalonique, septembre 2018. Presse grecque
Futur supposé. Athènes, septembre 2018

Plus au sud, la capitale du pays devenu territoire fait davantage dans les apparences que Thessalonique pendant que l’été bien grec alors se termine. Tout y est, la Garde républicaine Evzone devant le “Parlement” et le Monument du… pauvre Soldat inconnu forcement de jadis. En Attique, les chômeurs pêchent à la ligne près du Temple de Poséidon au Cap Sounion, et au centre d’Athènes on y découvre toute la nouveauté du “Mur de la bonté”. Histoire d’y accrocher de l’aide pour nos semblables, voilà, pour les instantanés de ce beau septembre grec.

Sous les apparences de cette normalité, au pays réel métamorphosé à jamais, les représentants de la Troïka, rendront alors visite aux valais locaux quatre fois par an au lieu de trois sous la Troïka officielle, et les dits marchés, décideront du financement de la colonie de la dette, en lieu et place des structures du dit mécanisme européen.

Car en dépit des mensonges de Tsípras, comme d’ailleurs du germanochrome Mitsotákis à la tête du parti de la Nouvelle Démocratie, la période supposée révolue de la Troïka laisse derrière elle, plus de 700 lois mémorandaires, près de 60 000 décisions gouvernementales allant dans le même sens unique et inique, plus de 300.000 décrets-lois et autres décisions ministérielles toujours en vigueur. Le tout, sous les signatures des gouvernements du mémorandum depuis 2010, SYRIZA compris.

La Grèce subira comme prévu l’entier suivi du programme amélioré de surveillance accrue… post-mémorandum, et cette réalité va durer durant de nombreuses décennies, sous les… auspices des visiteurs réguliers depuis les conclaves des Institutions. Sous le mémorandum… éternel, la surveillance durera ainsi au moins jusqu’au remboursement des 153 milliards.sur les 203 milliards d’euros que le pays de Zeus a comme on dit empruntés auprès du supposé mécanisme de sauvetage européen. D’après les calculs les plus optimistes, ce nouvel exploit hellénique arrivera à son terme seulement vers 2060. Retour vers le futur !

Garde Evzone. Athènes, septembre 2018
Garde Evzone. Athènes, septembre 2018
Pêche à la ligne. Cap Sounion, septembre 2018
Cap Sounion, septembre 2018

Après huit ans de lois austéritaires, et d’une fiscalité multipliée, après tant de dispositions antisyndicales sans oublier le coup de grâce porté sur le régime de la Sécurité Sociale, le bilan grec est… fort prometteur. Le pays a perdu près du 25% de son PIB, la population de la Grèce a diminué de plus de 700 000 personnes entre 2011 et 2017. Pour 48% de la population, soit 5,1 millions de personnes, c’est subsister dans la survie sous le seuil de pauvreté, et il y a 1,5 million de personnes vivant dans la pauvreté alors extrême, c’est-à-dire au-dessous des 182 euros par mois.

Ainsi, trois Grecs sur dix vivent dans une pauvreté extrême, et ils sont incapables de subvenir à leurs besoins de base tels que la nourriture ou le chauffage. Selon ELSTAT, l’Office des Statistiques du pays, 26,7% des enfants de moins de dix-sept ans sont même privés de biens matériels de base. Pour 40,5% des pensionnaires et après dix diminutions successives des montants des retraites, leur pension, n’excède pas les 500 euros en brut par mois. Pour 30,15% des travailleurs du pays, ou alors 613 119 personnes qui travaillent encore, leur “salaire” se situe entre 328€ en net par mois et 580€, le capitalisme réel… plus les Smartphones.

Devant le “Parlement”, les animaux adespotes des lieux sont les seuls à être toujours admirés par les passants et toujours citoyens supposés du pays, hors évidemment les nombreuses tribus de la clientèle des partis, plus clientélistes que jamais. La nouvelle Ministre de Grèce du Nord (régions de Macédoine et de Thrace), la très bimboïde Katerina Notopoúlou, a finalement admis lors d’un entretien qu’elle avait été embauchée comme… nettoyeuse de surface pour le compte de la Municipalité de Thessalonique et qu’elle a été aussitôt propulsée au service Tourisme de la mairie, “car telles sont les usages grecs en la matière”, entretien accordé à la télévision ERT. Voilà qu’une ministre admet l’illégalité de fait pour ce qui tient des débuts de sa si courte vie pseudo-professionnelle, en réalité de façade, avant d’être propulsée dans la gestion des affaires publiques par la clique à Tsípras, quotidien “Kathimeriní” du 13 septembre .

Et toute la Grèce en rigole à défaut de réagir de manière efficace, novatrice et radicale face à la pègre qui nous gouverne . Rapidement, la jeune femme qui ne serait pas inconnue de la famille Pappás, famille comme on sait compère des Tsípras, elle a été nommée collaboratrice spéciale de Tsípras pour son bureau de Thessalonique et depuis peu… là voilà Ministre… Pauvre fille parvenue de la sorte. Admirable parcours, aux compétences avérées du clientélisme et du népotisme réellement existants. Mafia, et alors “garda e passa”

Devant le dit Parlement. Athènes, septembre 2018
Au Cap Sounion, septembre 2018
Sans-abri. Place de la Constitution. Athènes, septembre 2018
Le Mur de la bonté. Athènes, septembre 2018

En dehors du… Mur de la bonté, on peut encore se rabattre sur les sardines plutôt abordables, ou même pénétrer à la limite les mystères de certains restaurants très populaires, c’est-à-dire pas chers d’après l’acception du terme en grec moderne. Sans oublier bien entendu la posture toujours majestueuse des animaux adespotes d’Athènes et du pays réel.

Pendant ce temps, les acquéreurs des plages et des presqu’îles bradées par la Treuhand à la grecque, instituée pour sa version finale il faut dire sous Tsípras et qui contrôle et brade désormais l’ensemble des biens publics du pays pour une durée de 99 ans, financent des fouilles d’urgence pendant leurs travaux en cours. Maigre consolation il faut dire.

On vient même d’apprendre qu’outre les ports, les aéroports et les autres infrastructures, 10.119 parcs et autres biens immobiliers du domaine ex-public viennent d’être attribués à cette agence fiduciaire, pilotée comme on sait par les créanciers et autres rapaces internationaux, sous l’aimable patronage de la gestion métropolitaine du totalitarisme de l’UE, presse grecque de la semaine .

Animal adespote. Athènes, septembre 2018
Taverne populaire. Athènes, septembre 2018
Sardines… populaires. Athènes, septembre 2018
Fouilles d’urgence. Attique, septembre 2018

Les ferrys sont déjà revenus des îles bondés. Il pleut déjà un peu sur le Péloponnèse comme sur Athènes, l’automne est tout de même d’une beauté autre que l’été grec, admettons-le. Par ces temps qui changent… sans changer, les régions comme les municipalités du pays entreprennent de leurs travaux habituels avant les élections locales et régionales du mois de mai, programmées au même moment que les pseudo élections dites européennes qui n’ont jamais pu servir à autre chose qu’à légitimer le pouvoir impérial de Bruxelles.

Retour au Pirée. Septembre 2018
Travaux. Athènes, septembre 2018
Gastronomie simple. Athènes, septembre 2018

Certaines rumeurs et autant déclarations récentes, analysées par la presse mainstream indiqueraient que la date des élections législatives de même probablement avancée pour aboutir à un triple scrutin au mois de mai, quotidien Kathimeriní du 12 septembre . Sans trop d’importance en l’état actuel des choses et de notre régime structurellement et si cruellement méta-démocratique à notre avis.

Le virus du Nil occidental progresse car les services de l’État mafieux et partitocrate grec a cessé sous Tsípras toute campagne de prévention depuis 2016. L’Ordre des Médecins d’Athènes dans un communiqué récent, fustige cette gestion criminelle de la santé publique. Lorsque les Unités de soins intensifs déjà devenues si rares sont manifestement occupées par les patients souffrant du virus du Nil occidental c’est alors grave, sans oublier les dizaines de morts déjà, les régions touchées sont l’Attique, Athènes et aussi le Péloponnèse, quotidien Kathimeriní du 13 septembre . D’après Tsípras, les vieux peuvent doivent mourir, et apparemment tous les autres avec.

Votre blog poursuit ainsi sa lutte… surveillée, autant pour sa survie, sous le regard il faut dire de notre Mimi, vieillissante, amaigrie, et pour tout dire souffrante, du haut de ses quinze ans de félin et fier de l’être.
Automne des feuilles mortes.

Mimi de Greek Crisis. Athènes, septembre 2018
* Photo de couverture: La capitale et ses apparences. Athènes, septembre 2018

En Grèce aussi criminalisation de la solidarité

Grèce: une réfugiée syrienne célèbre inculpée pour aide à l’immigration irrégulière


AFP
Publié le

La réfugiée syrienne Sarah Mardini, célèbre pour avoir, avec sa sœur nageuse olympique Yusra, sauvé des réfugiés en mer, a été inculpée en Grèce de participation à un réseau criminel d’aide à l’immigration irrégulière, a indiqué son avocat mercredi.

Arrêtée le 21 août sur l’île de Lesbos, en mer Egée, où elle aidait les réfugiés au sein d’une ONG, la jeune femme de 23 ans a été placée en détention provisoire à la prison athénienne de Korydallos, a précisé à l’AFP son avocat, Haris Petsikos.

Son cas a été rendu public mardi par le site grec Protagon, après l’annonce par la police du démantèlement d’un « réseau criminel » d’aide à l’immigration irrégulière, impliquant au total 30 membres de l’ONG ERCI (Emergency response centre international) déployée à Lesbos.

La jeune femme, et un autre volontaire, le germano-irlandais Sean Binder, arrêté avec elle et placé en détention sur l’île de Chios, près de Lesbos, « rejettent toutes les charges » qui les visent, a déclaré Me Petsikos.

Ils ont notamment été inculpés des crimes de « participation à une organisation criminelle », « violation de secrets d’Etat » et « recel », passibles de la réclusion à perpétuité, a-t-il précisé.

Le troisième membre de l’ONG arrêté, un de ses dirigeants, le Grec Nassos Karakitsos, devait lui être présenté dans la journée au juge d’instruction.

‘Criminalisation’ de la solidarité

« Pour moi, il s’agit clairement d’un cas de criminalisation de l’aide aux réfugiés », a commenté Me Petsikos. Il a relevé que ses deux clients étaient absents de Grèce à plusieurs dates où des faits leur sont reprochés.

L’avocat a déposé mercredi une demande de remise en liberté de Sarah, qui vit en Allemagne avec sa famille et y est boursière au collège Bard de Berlin en première année de sciences économiques et sociales.

« Sarah est profondément idéaliste et engagée dans l’aide aux réfugiés, c’est cela sa motivation », et « la priorité est de la faire sortir de prison » a réagi pour l’AFP le directeur de Bard, Florian Becker.

Il a jugé son placement en détention « disproportionné par rapport à la qualité des charges » retenues contre elle, qui « incluent beaucoup d’erreurs factuelles ».

Ces charges « sans fondement semblent surtout avoir pour but de stopper les opérations de l’ONG » mise en cause, a-t-il ajouté.

Selon la police, les membres impliqués de l’ONG offraient « un concours direct aux réseaux organisés de trafic de migrants », en s’informant à l’avance des arrivées sur les îles et en organisant l’accueil des exilés mais sans transmettre leurs informations aux autorités.

Elles recherchaient ainsi « un gain financier via des donations à l’ONG », a précisé la police dans un communiqué.

Sarah et sa sœur, Yusra, étaient devenues célèbres pour avoir mené à bon port, grâce à leurs compétences de nageuses, le bateau en difficulté qui les amenait de Turquie à Lesbos en août 2015, avec 18 autres personnes à bord.

Yusra a participé aux jeux Olympiques de Rio en 2016 dans l’équipe des athlètes réfugiés et elle est depuis 2017 ambassadrice de bonne volonté du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU.

L’entraîneur allemand de Yusra, Sven Spannekrebs, a également apporté son soutien à Sarah. Elle et Sean Binder sont « des bénévoles de longue date de l’ONG ERCI et n’ont jamais pris part à des activités illégales », a-t-il affirmé à l’AFP.

Les autorités grecques avaient déjà accusé trois Espagnols et deux Danois d’avoir contribué à l’entrée irrégulière de migrants à Lesbos par leur action au sein de l’ONG espagnole Proem-Aid mais ces volontaires avaient été relaxés en mai à l’issue d’un procès très suivi par le monde humanitaire.

Plus de 10.000 exilés restent parqués dans des conditions dénoncées comme indignes par les ONG à Lesbos, par où avait transité le plus gros de l’exode du Moyen-Orient vers l’Europe en 2015 et 2016.

Source http://www.lepoint.fr/insolite/grece-une-refugiee-syrienne-celebre-inculpee-pour-aide-a-l-immigration-irreguliere-29-08-2018-2246768_48.php

Pays maritime La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Pays maritime

Septembre déjà. Au Pirée, les habitués du samedi contemplent depuis la terrasse du seul café demeurant aux goûts musicaux humains, les entrées et les sorties au plus grand port grec, acquis par COSCO, le géant chinois. On y discerne même la fumée, ainsi que cette odeur de flexible brûlé émanant des entrailles du ferry ELEFTHERIOS VENIZELOS amarré dans urgence juste en face. Un incendie s’est déclaré dans son garage en pleine mer mardi dernier vers minuit ; le navire avait fait demi-tour vers le Pirée, où ses passages ont été évacués. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse. Grèce pays maritime.

Les habitués du samedi. Le Pirée, septembre 2018

“Notre chance fut que la mer était relativement calme, et que le Pirée n’était guère trop loin”, peut-on lire dans la presse du moment. Surtout, le dispositif anti-incendie automatique s’est exactement déclenché comme prévu, et le sinistre avait ainsi été contenu au garage du navire. Durant toute cette semaine, le pays maritime s’est très légitimement occupé et préoccupé des détails du feuilleton lié à l’aventure du grand ferry crétois blessé.

Entrées et sorties du port. Le Pirée, septembre 2018

Il faut préciser que dans le meilleur de la culture néohellénique, nos navires des lignes de l’Égée et de son l’archipel grec font partie de la famille, autrement-dit, ils posséderaient une certaine âme.

Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018

Mais il y a aussi, le… pire de cette culture néohellénique, redoutablement vacillante. Le pseudo-gouvernement de la marionnette Tsípras vient d’être partiellement remanié, il faut dire dans l’indifférence, ou sinon, sous le sarcasme du peuple privé de son destin. Nominations hétéroclites, entre jeunes femmes “bimboïdes” et qui s’affichent de la sorte très volontairement pour en rajouter (Notopoúlou), ou encore, entre hommes et femmes très largement compatibles Sóros. Du personnel politique voué… à la destruction de la culture, de la société, comme de la nation grecque. Telle est singulièrement, la nomination de la PASÓKienne Myrsini Zorba au ministère de la Culture.

Il s’agit de la compagne de l’historien Antónis Liákos, connu pour incarner le patriarche actuel du révisionnisme “décoloriste” de l’histoire grecque, poulain en son temps du Premier ministre du PASOK et de Berlin Kóstas Simítis , et enfin depuis 2012, mentor alors très familier d’Aléxis Tsípras, un habitué des ateliers très rentables des modalisateurs.

Comme le remarque Státhis Stavrópoulos, caricaturiste et journaliste de la trop vieille gauche, c’est un gouvernement où les anciens PASÓKiens du cercle de Simítis détiennent alors une place de premier choix, à l’instar de Liákos et de sa femme, Zorba. C’est le ministère de la Culture, c’est-à-dire, “la culture grecque aux mains de Sóros”, précise Státhis Stavrópoulos, “To Pontíki”, le 30 août .

Sans parler du cas l’indescriptible Katerina Papakosta redevenue ministre, une arriviste, ancienne député et même ministre de la supposée droite Nouvelle Démocratie, qui en rajoute à l’arrivisme et au ridicule ambiants des criminels Syrizístes. Papakosta, dont la dextérité politique se résume au remplissage régulier et généreux de sa seule poche, elle s’est même présentée à la cérémonie d’investiture accompagnée par sa fille, autre jeune femme dans le vent actuel volontairement “bimboïde”, (presse grecque de la semaine) .

Katerína Notopoúlou, ministre… bimboïde. Athènes, août 2018
Aléxis Tsípras et Katerína Notopoúlou. Athènes, août 2018
Tsípras… Persona non grata. Affiche, Thessalonique, septembre 2018

En quelque sorte, “nos politiciens, hommes ou femmes, incarneraient très exactement ces prostitués à la solde des violeurs et autres occupants escrocs venus de la mondialisation, Mitsotákis de la relève supposée prochaine compris.” Tel est le discours d’une bonne partie du peuple d’en bas, forcément d’en bas, y compris sur les terrasses des café du Pirée donnant face à la mer.

Ainsi va la vie et la mort au pays maritime, entre vents et surtout marées. Dans la série imaginaire si chère au bouffon politique Tsípras, “la Grèce sort du régime de la Troïka”, le gouvernement vient d’annoncer la mise en place prochaine d’un mécanisme de recensement des tous mes biens meubles comme de l’immobilier des Grecs (voitures, embarcations, motos, meubles, œuvres d’art, bijoux etc.), presse grecque, septembre 2018 .

Ceci, histoire d’instituer très officiellement un futur nouvel impôt sur l’ensemble des biens que détiendrait encore le bien bas peuple, en somme, c’est une disposition impériale et totalitaire exigée depuis un moment par le FMI, dans le but de tout contrôler… et sans doute un jour de dépouiller les peuples indigènes… alors jusqu’au bout.

Septembre alors et certains des nôtres ont déjà quitté le pays blessé, comme s’ils étaient évacués de force du ferry en flammes dans le port du Pirée. Au village thessalien, ma nièce qui n’était pas revenue au pays depuis plus de deux ans, elle raconte alors volontiers sa nouvelle vie en Allemagne. Expatriée depuis quatre ans en compagnie de son époux et de leur enfant, ils n’ont eu guère de choix comme ils le disent en soupirant. Thessalie ainsi profonde.

Touristes aux Météores. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018

“Notre famille a été en quelque sorte anéantie. Ma sœur, mon frère et moi nous avons quitté notre patrie au bout de quatre ans de crise et de chômage. Ma sœur vit à Londres, et nous en Allemagne. Rien de commun avec le sort des anciens, des oncles et tantes ayant émigré en Allemagne de l’Ouest entre les années 1960 et 1970. Eux du moins, ils revenaient chaque année au pays pour les vacances, leurs revenus augmentaient au fil des années, et même à présent, ils perçoivent encore leurs retraites, plutôt décentes”.

“Nous, nous ne prétendons et nous ne prétendrons plus jamais à un destin pareil. Nos salaires de misère nous permettent tout juste la survie, nous voyageons alors à peine à l’intérieur de l’Allemagne chez nos divers relais… famille grecque, et pour tout dire, la Grèce nous manque toujours énormément. Et même si nous n’y revenons guère trop souvent, je n’ai jamais voulu mettre ma maison ici en location, location longue ou très à la mode désormais du type Airbnb. Non, jamais. Cette maison c’est mon ultime refuge, ma toute petite patrie, ma solution même d’un retour disons imposé en cas d’urgence. Que dire de plus ?”

Allemands et retraités. Grèce, septembre 2018
Grèce, pays réel. Athènes, septembre 2018

“L’Allemagne non plus, elle n’est point celle que nos parents et grands parents avaient pu expérimenter. Notre bourg… allemand n’a par exemple plus d’enfants allemands. Dans la classe de mon fils âgé de six ans, il s’y trouve un autre enfant originaire d’un pays de l’UE, puis, un seul enfant allemand. La vingtaine des autres enfants sont issus d’une immigration alors très récente, ils sont d’origine arabe et ils sont venus de tant de pays comme la Syrie, l’Irak et bien d’autres. L’ambiance qu’y règne est disons alors étrange quant à la socialisation de mon petit. Nous souhaitons déménager dans une ville allemande où il y a encore une école grecque, mais ce n’est pas évident. Depuis la crise, la Grèce ne finance plus ses écoles à l’étranger et elles ferment l’une après l’autre alors que les jeunes quittent le pays, leurs enfants compris. C’est dramatique”.

“L’année dernière, j’ai pu trouver un billet d’avion pas cher, ainsi j’ai rendu visite à ma sœur à Londres. Elle travaille certes, et elle est, supposons-le, correctement payée. Cependant, elle vit en colocation comme du temps de sa vie d’étudiante, son salaire ne lui permet pas de fonder un foyer et encore moins de revenir en Grèce pour ses vacances. Cela fait près de quatre ans qu’elle n’y a pas retournée. Au même moment, Tsípras a écarté une fois de plus que d’accorder la possibilité du vote aux Grecs de l’étranger. Comme si nous ne devrions plus être concernés par les affaires du pays… tandis que les ressortissants des autres pays européens, voire les Turcs vivant en Allemagne peuvent très naturellement le faire. Le système politique grec a peur de nous, la pays nous a crachés… Reviendrions-nous alors un jour ?”

Au pays des tente millions de touristes, les moines thessaliens transportent encore leurs couvertures et tapis jusqu’aux rares lavoirs traditionnels de la si belle région de ma nièce, tandis que les touristes patientent devant les monastères des Météores… pour un pèlerinage alors bien de masse et pour tout dire, plus stérile que jamais. Peu importe, ma nièce aura déjà quitté le pays à bord d’un vol entre Thessalonique et le pays d’Angela Merkel.

Touristes. Grèce, août 2018
Touristes. Grèce, août 2018
Plage. Péloponnèse, août 2018

Hasard du calendrier, c’est justement en cette même fin août que les nouveaux voisins ayant acquis l’appartement d’en face à Athènes… ont fait leur apparition. Il s’agit d’une famille allemande et heureuse de l’être, des expatriés de luxe, lesquels, et d’après les… normes culturelles grecques parmi les plus récentes, ces gens visiblement, ils jubilent. Tout le voisinage aura remarqué que ces nouveaux arrivants alors fredonnent de leurs chansons fréquemment dans la journée, ce que les Grecs du quartier ne font plus du tout depuis des années. Question de… géopolitique, ainsi heureux ressortissants du principal pays colonisateur du seul européisme réellement existant, gens au demeurant bien accueillis dans le quartier, et manifestement amateurs de musique classique.

Grèce alors, si beau pays des voiliers sous le pont du Canal de Corinthe, mer Égée des régates, terroir enfin des estivants et des retraités qui s’y installent depuis les pays de l’Europe du Nord, ton sort serait ainsi scellé et pour tout dire gravé, non pas dans les marbres du Parthénon… mais plutôt, dans le granite tombal des Traités européistes. Et quant aux… locaux qui travaillent par exemple dans le tourisme… certains d’entre eux, ils n’ont pas pu par exemple quitter leur île de Naxos depuis près de dix ans.

Au pays pourtant maritime, les horizons se ferment et se vident, surtout pour les nationaux lorsque les mondialisateurs auront fini par parfaire toutes les conditions du nouvel et dernier indigénat à l’échelle de l’UE, tel est d’ailleurs entre autres son projet et aucun Plan-B supposé “réformateur” des Traités n’est alors possible. C’est aussi de cette réalité qu’il a été question à travers notre discussion, lorsque j’ai eu l’occasion certes brève mais toujours si heureuse, de rencontrer à Athènes, mon ami, écrivain, historien et vaillant analyste, Olivier Delorme.

Avec mon ami Olivier Delorme. Athènes, août 2018
Voilier empruntant le Canal de Corinthe. Août 2018

Les symboles de saison en Grèce s’affichent en ce moment plus entiers que jamais: vacanciers de retour depuis les îles, décollages ininterrompus depuis les aéroports de Grèce, et qui appartiennent le plus souvent à FRAPORT AG, compagnie allemande , c’est entre autres, le retour obligé à l’Europe du Nord.

Les symboles et autant certaines réalités grecques, alors il faut dire jusqu’au bout de la décomposition souvent cachée et volontairement des touristes. Ainsi, la belle île d’Hydra a été privée de courant électrique et d’eau courante durant plus de trente-quatre heures en cette fin août. Remarquable alors pagaille en ce temps de la dérision, où il est devenu extrêmement difficile de choisir les événements dans un temps étrange où l’existence du monde n’est plus qu’un tumultueux torrent crisique. Des touristes et des Grecs ayant été largement scandalisés, surtout en quête désespérée de bateau de retour précipité, certains ont même porté plainte, car “c’est impossible que d’être privés de courant de la sorte durant nos vacances”.

Litanie habituelle de la suffisance comme de l’ignorance ainsi revendiquées. Pauvres gens, les coupures de courant électrique en Grèce deviendront de plus en plus fréquentes, comme les années précédentes à Santorin, comme en cette fin août à Athènes même. Comme dans toute expansion… coloniale bâclée, les infrastructures ne suivent pas toujours, qui plus est, en cette Grèce où le PIB a été diminué de 30% en huit années de dite crise, et où les investissements dans l’économie réelle ne représentaient en 2017 que 40% de ce qu’elles avaient été en 2008 (presse économique du moment) .

Dans la foulée, les Smartphones des vacanciers ont été branchés d’urgence… alors bien vitale et par dizaines, sur les rares prises à Hydra fonctionnant en bout de chaîne aux rarissimes générateurs électriques disponibles. Urgences d’une civilisation… de l’urgence ainsi jusqu’au néant.

Rares prises. Hydra, août 2018, reportage de l’Agence Sputnik
Curiosité grecque. Athènes, août 2018

Je dirais même que pour décidément combattre l’hybris que représente alors cette condition de débauche et de goinfrerie de toute sorte qui règne à Mýkonos et à Santorin, des activistes de la vraie Grèce comme du vrai Monde, devraient durablement… saboter l’alimentation en électricité des deux îles durant l’été: déjà pour commencer !

Septembre déjà au pays des fantômes et des parasites du réel. Aléxis Tsípras, la marionnette des colonisateurs, prépare alors sa rentrée politique à Thessalonique d’où il prononcera son “grand discours” à l’occasion de la Foire commerciale annuelle de la capitale de la Grèce du Nord. Au même moment, des manifestations s’y organisent et des affiches présentent déjà Tsípras comme étant largement indésirable à Thessalonique. Somme toute, pour ce qui tient du remaniement ministériel à travers le dernier sarcasme des Grecs, certaines vielles photos des murs aux slogans PASÓKiens des années 1980 circulent alors allégrement sur Internet: “PASOK, sauve-nous”.

PASOK sauve-nous. Photo des années 1980, île de Syros (Internet grec)
Le retour des vacanciers. Péloponnèse, août 2018

Septembre déjà au pays réel au Pirée ou à Athènes. Terrasses donnant sur la mer et symboles de la nation devant le Monument du Soldat inconnu installé sous le “Parlement”, la Garde Evzone et surtout, cette présence des animaux adespotes, sous le regard très numérique il faut dire des touristes de la saison.

Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018
Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018

Ma nièce est rentrée en Allemagne, Hercule, son chat mi-adespote, mi-adopté est désormais soigné par son père, mon cousin Kóstas resté au village. Dans cette piètre Europe tout ne serait sans doute pas perdu. Les nouveaux voisins Allemands ont également leurs deux chats et ils fredonnent de la musique classique… sous le regard interrogatif de Kokkinos (Rouquin), notre matou adespote des lieux, nourrit par une partie du voisinage.

Régate d’Andros. Golfe Saroníque, août 2018

Grèce, pays des régates en mer Égée. On aurait même définitivement maîtrisé l’incendie déclaré à bord du ferry. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse.
Grèce pays maritime !

Kokkinos, notre matou adespote des lieu

Incendies Grèce : bilan humain, social et politique

Bilan humain, social et politique à ce jour des incendies en Grèce par Emmanuel Kosadinos

Blog : Le blog de Emmanuel Kosadinos

Le bilan des incendies meurtriers qui ont ravagé la périphérie de la capitale du pays est catastrophique. Il n’est pas encore possible d’en mesurer les conséquences ! Les plus démunis en première ligne du mouvement de solidarité

Grèce, population : 11 millions

Bilan des derniers incendies à ce jour

Victimes humaines : 93 morts dont plusieurs enfants !
Parmi eux : 1 mort en réanimation, 7 corps non retrouvés
Causes de décès : incinération, asphyxie, brûlures, noyades
Blessés hospitalisés : actuellement 36, dont 14 en réanimation
Habitations détruites : 1500
Véhicules détruits: 800

Sociologie des zones sinistrées : 50% habitations principales, 50% habitations secondaires et entreprises, notamment touristiques

Pic de température pendant la tempête de feu: 1000 degrés Celsius

Une tempête de feu s'est abattue en peu de temps sur des zones densément habitées Une tempête de feu s’est abattue en peu de temps sur des zones densément habitées

Moyens déployés : 190 pompiers professionnels (+ les bénévoles), 95 véhicules, 7 Canadair.
Une grande partie des moyens étaient non opérationnels car non entretenus.
Service central de protection civile, effectifs: 20 fonctionnaires
Part du budget dédié à la protection civile : 0,03%
Part du budget dédié à la défense et l’OTAN: 2,4%

Salaire brut d’un pompier: 800 euros
Temps d’attente des rescapés dans la mer: 5 heures !

1er communiqué officiel : 7 heures après le désastre
Réunion de crise du gouvernement : 27 heures après le désastre
Évacuation des zones sinistrées : selon les initiatives individuelles
Transport des blessés : avec des moyens individuels
Indemnisation par maison détruite : 5000 euros
Report des expropriations des foyers surendettés: néant !

Attitude du gouvernement SYRIZA : arrogance, complotisme, absence d’autocritique, décontraction gênante

État des services sanitaires : désorganisation
Sur ce dernier sujet, je publierai sur mon blog Médiapart le communiqué de la Fédération Panhéllenique des salarié-e-s des Hôpitaux Publics.

Solidarité spontanée : massive
Moyens : dons de sang, dons de matériel de toute sorte, implication physique, accueil des victimes

Acteurs de cette solidarité : les gens aux moyens modestes, les réfugiés syriens, les réfugiés kurdes, les Roms, les Dispensaires Solidaires autogérés, les Collectifs citoyens, la Croix Rouge.
Parmi les acteurs de la solidarité je dois rajouter les pêcheurs égyptiens de la mer Égée, qui ont recueilli beaucoup de rescapés dans les flots, alors que les embarcations des gardes portuaires ne s’étaient pas encore fait présentes. Ce sont ces mêmes pêcheurs que les nervis d’Aube Dorée avaient agressés il y a 4 ans.

Attitude des élites
Association des Industriels grecs : condoléances verbales, zéro dons
Église orthodoxe : pour Monseigneur Ambrosios c’est une punition divine juste car le peuple a voté pour un gouvernement d’athées, pour le parti SYRIZA.

Mesures gouvernementales prises après la crise: accélération annoncée de la démolition des constructions illégales, indemnisation de 5000 euros par habitation détruite (avec bonification selon le nombre de membres du foyer), octroi de deux mois supplémentaires pour les retraités sinistrés, 45 jours d’indemnité chômage supplémentaires pour les salariés dont l’entreprise a été détruite par le feu, 10.000 euros d’indemnité pour le survivant du couple dont un membre est décédé, une bourse d’études pour les jeunes des familles sinistrées, exemption de l’impôt immobilier pour les habitations détruites pour l’année 2018 uniquement, report de l’échéance pour la déclaration d’impôts au mois d’octobre, exemption de facture d’électricité pour les habitations détruites pour le premier semestre 2018.

Le coût cumulé de ces mesures est estimé à 10 millions d’euros, moins de 0,01% du budget de l’État grec. Les fonds seront puisés d’une « cagnotte spéciale » en voie de création.

L’opposition considère ces mesures insuffisantes. Le Parti Communiste de Grèce (KKE) a annoncé qu’il s’abstiendra du vote.

Des dégâts massifs que les maigres aides ne sauront soulager Des dégâts massifs que les maigres aides ne sauront soulager

Attribution de responsabilités :
Démission du ministre adjoint chargé de la protection civile, limogeage du Chef de la police et du Chef du corps des pompiers.
La justice a été saisie pour enquêter sur la situation et éventuellement attribuer des responsabilités. Le gouvernement SYRIZA a toutefois de mener une enquête indépendante de la justice et il a pour cela fait appel à des experts allemands

La Grèce éprouvé aujourd'hui un deuil profond pour les victimes La Grèce éprouvé aujourd’hui un deuil profond pour les victimes

Terre brûlée La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Terre brûlée

Terre brûlée. Nous laissons derrière nous un tel mois de juillet, à vrai dire écœurant. Votre blog, se spécialisant malgré lui dans la chronique des cynismes en vogue, il ne pouvait ainsi qu’observer un certain silence devant l’insoutenable. Le pays réel brûle sous les effets multiples et multipliés de la décomposition programmée… pendant que ses trente millions de visiteurs annuels admirent ses beautés supposées immuables. Dessin dantesque.

Incendies meurtriers. Presse grecque du 25 juillet

Ces derniers jours, sur les vieilles citadelles du Péloponnèse ne servant plus qu’à être visitées sur fond de nuages, le drapeau national était alors en berne. Nuées d’ailleurs très inhabituelles aux dires des tous pour un mois de juillet finissant. “Méfions-nous de ce qui peut nous arriver cette année en mer ; nous n’avons pas encore vu le meltémi”, (vent habituel estival en mer Égée) “et les bourrasques inopinées sont de plus en plus nombreuses. Oui, le temps n’est vraiment plus ce qu’il était…” explique un des nos amis, skipper professionnel depuis plus de trente ans. En effet.

Dans la succession d’événements entre le choc et le deuil, tout deux d’ailleurs jamais accomplis jusqu’au bout il faut dire, ces incendies meurtrières ont été déclarées très étrangement à la suite d’une période où la protestation et autant l’écœurement sont de nouveau de mise chez les Grecs, cela, rien qu’au sujet de la piètre politique macédonienne du “gouvernement”. Au même moment, la marionnette Tsípras s’apprête à céder davantage devant l’interventionnisme direct et indirect de la Turquie d’Erdogan en Thrace Occidentale, déjà pour ce qui tient de la nomination des Mufti. Thrace Occidentale, région grecque en partie peuplée de musulmans turcophones, sachant que la majorité parlementaire des Tsiprosaúres ne tient qu’aux deux à trois députés issus de la minorité musulmane en Thrace, et qu’Ankara serait alors en mesure à les manipuler.

C’est également le temps géopolitique très dense, lorsque par exemple les États-Unis et Geoffrey Pyatt, leur Ambassadeur à Athènes…après Kiev, auraient signifié aux pantins de la politique locale, que le piètre accord macédonien doit être ratifié coûte que coûte et ceci, même si les Grecs s’y opposent à près de 80%, histoire de faire entrer la Macédoine Slave, dite “Macédoine du Nord”, au sein de l’OTAN.
Histoire surtout de faire barrage à l’influence des Russes dans les Balkans. Un très vieux jeu…sans cesse renouvelé.

Drapeau en berne. Péloponnèse, juillet 2018
Dystopie ambiante et figurée. Athènes, juillet 2018

Notons qu’il y à peine trois semaines, plus exactement le 11 juillet dernier, et comme par hasard à la veille du sommet de l’OTAN, le “gouvernement” Tsípras avait expulsé deux diplomates russes au motif avancé de leur prétendue intervention aux affaires internes grecques au profit des opposants à l’accord Macédonien. C’est tout de même, une première historique pour la Grèce, car jamais Athènes n’avait exécuté de telles mesures visant la diplomatie russe, étant donné les liens historiques, religieux et culturels entre les deux peuples remontant à Byzance. Du jamais vu donc, même du temps des Colonels (1967-1974), voire, de la Guerre Civile (1944-1949) entre les communistes et la droite. Même parmi les analystes proches des cercles de l’OTAN à Athènes, cette mesure a été critiquée pour son aventurisme… de l’échine courbée, à l’instar par exemple d’Athanássios Droúgos le 13 juillet dernier.

Les Grecs savent que derrière… l’avènement Tsípras et de sa clique au pouvoir, il y a un agenda géopolitique imposé que d’ailleurs nous découvrons plutôt soudainement coup après coup. La marionnette Tsípras irait très probablement jusqu’au bout alors proche dans cet agenda à peine dissimulé d’ailleurs depuis l’arrivée de la Troïka en Grèce et de sa politique dite d’austérité. Agenda qui conduirait en cas de réussite, ni plus ni moins, à la disparation culturelle, nationale, sociale, sociétale, démographique et même partiellement territoriale de la Grèce contemporaine, telle est toute… la préparation des Tsípras et d’ailleurs des Mitsotákis qui arrivent derrière.

Sauf qu’il y a urgence, car les Grecs se réveillent même… tétanisés, d’où cette urgence semblable quant à la mécanique sociale, cette dernière rajoutant du choc au deuil et du deuil au choc depuis près de huit ans maintenant. Et voilà que ces incendies en Attique Ouest et Est, visiblement volontairement provoqués supposons par de simples pyromanes (?) avec près de quatorze foyers initiaux simultanés lorsque la météo avait prévu la grande violence des vents soufflant jusqu’à 90 km/h, sont ainsi “arrivés” on dirait… à point nommé en Grèce.

Cloches et alerte. Météores, Thessalie, juillet 2018
Touristes. Athènes, juillet 2018
Volcan ancien. Péloponnèse, juillet 2018

Comme l’écrit mon ami Olivier Delorme sur son blog, le pays est: “seule face aux spéculateurs qui ont mis la Grèce à genou en 2010, seule face aux provocations et violations de sa souveraineté par une Turquie, dont on sait aujourd’hui, par le témoignage de l’ancien Premier ministre Yilmaz, que ses services spéciaux furent à l’origine de vagues d’incendies dans les îles durant les années 1990…”

Le jour des incendies et au-delà des causes structurelles du drame humain, car il ne s’agit pas d’une catastrophe naturelle, -concernant un habitat au départ illégal sans P.O.S. (Plan d’occupation des sols) et légalisé ensuite, sur une zone agricole, boisée seulement à partir des années 1950 pour ce qui est des communes les plus touchées-, les services de l’État mémorandaire grec ont complètement failli dans leur gestion de la crise, et c’est le moins que l’on puisse dire. À très juste titre cette impréparation grecque liée aux politiques imposées par la Troïka, a été dénoncé par le Sénateur de la majorité Alberto Bagnai en Italie, et son intervention fustigeant la supposée “solidarité européenne d’une meute de loups” a bien été signalée en Grèce par les analystes grecs à l’instar de Dimítris Konstantakópoulos sur son blog.

Sur le terrain et d’abord, aucun signal d’alarme n’a été déclenché et aucun plan d’évacuation de la population n’a été mis en exécution, quotidien “Kathimeriní” du 1er août. Parallèlement, la circulation sur l’avenue de Marathon avait été déviée de manière criminelle vers les zones d’habitant près de la côte, au lieu d’être interrompue. Les automobilistes de passage envoyés ainsi tout droit jusqu’au cœur de l’incendie par les autorités, autant que les habitants sous l’effet de la panique, ils ont été ainsi piégés et parfois brûlés vifs. “Les policiers, qui se trouvaient sur l’avenue Marathon, exécutaient bien des ordres. S’ils avaient reçu l’ordre d’arrêter la circulation et de renvoyer les voitures, plutôt que de les dévier tout droit vers le cœur du désastre, ils le feraient. L’erreur fatale est clairement due à un manque total de coordination. Les Pompiers, la Police, les municipalités et la Région d’Attique participent ainsi de cette catastrophe. La responsabilité de la coordination (…) incombe pourtant à la Protection Civile, laquelle n’a pas fait son travail”, quotidien “Kathimeriní” du 1er août.

Animal adespote. Péloponnèse, juillet 2018
Grecs à la plage. Péloponnèse, juillet 2018
Boire de l’eau dans les restes antiques. Épidaure, juillet 2018

Au même moment, aucun des systèmes d’alerte supposés établir le contact entre les différents postes de la Police, des Pompiers ainsi que le fameux numéro 112 n’ont fonctionné, ceci, entre coupes sobres dans les budgets depuis 2010 et aussi, entre le népotisme et l’irresponsabilité criminelle des gouvernants SÝRIZA compris. On sait que de nombreux officiers des Pompiers ont été remerciés et sortis du service, pour qu’un de leurs collègues, certes beaucoup moins bien noté mais cependant Syrizíste patenté, puisse être nommé à leur tête, sans la moindre expérience sur le terrain des incendies en Attique, région pourtant capitale, où d’ailleurs près du 40% de la population du pays y réside. Pauvre pays historique… et inflammable. Nos touristes n’auront finalement remarqué que cette inhabituelle grisaille météorologique dans le ciel de l’Acropole, et également du site bien théâtral d’Épidaure. Grèce éternelle des clichés accomplis partis en fumée !

Nous sommes déjà à une plus d’une semaine de ce jour sombre du lundi 23 juillet dernier. Au soir de ce même lundi, et pendant que les informations sur les première victimes étaient déjà connues, Aléxis Tsípras devant les cameras de la télévision publique, n’en faisaient pas la moindre mention. Au gouvernement, on faisait déjà semblant que de minimiser l’ampleur du drame. Un show télévisé à but de communication et de gestion du temps politique. Mardi, le jour d’après, Aléxis Tsípras dans une allocution télévisée, déclare que “rien et personne ne sera oublié”. Mercredi, le porte-parole du gouvernement annonce des mesures à l’aide des victimes, à savoir, le… report des obligations fiscales de six mois et 5.000€ d’aide par foyer… complètement dévasté.

Aléxis Tsípras au soir du grand incendie. Presse grecque

Jeudi, devant les réactions sociales et alors l’immense colère des Grecs, le ministre de la défense Pános Kamménos se rend à la localité sinistrée de Mati, pour rejeter la responsabilité de la tragédie sur les seuls résidents locaux. Le soir du même jour, avait été tenue une conférence de presse qui restera dans les annales et que personne n’oubliera avant plusieurs années. Tóskas, ministre de l’Intérieur et de la Protection du Citoyen (sic), et Tzanakópoulos, porte-parole du gouvernement, à travers leur conférence de presse alors outrancière, ils ont fait valoir que d’après leurs propres investigations, il n’y a pas d’erreur dans la gestion des incendies et ils ont même rajouté que l’évacuation de la population était impossible. Trois jours après, ce même Tóskas a avoué avoir proposé dès le premier jour sa démission, sauf que Tsípras ne l’avait pas accepté.

Épidaure, juillet 2018
L’incendie de 1917. Thessalonique, juillet 2018
L’incendie de 1917. Thessalonique, juillet 2018

Le boomerang de la propagande se retourne alors contre le gouvernement. Ainsi, vendredi dernier, Tsípras se voit contraint de convoquer un conseil ministériel d’urgence… pour déclarer qu’il assume toute la “responsabilité politique” dans ce drame, sans formuler des excuses, car essentiellement niant toute responsabilité gouvernementale, évoquant plutôt la force du vent, les irrégularités quant au POS, puis ces “sombres centres voulant déstabiliser le gouvernement”.

Les révélations durant le week-end furent pourtant choquantes. Certains officiers de la Police et des Pompiers qui se trouvaient dans l’œil du cyclone au moment de la catastrophe, ont démontré qu’un certain nombre de morts était déjà connu dès lundi soir, au moment justement, où Tsípras organisait son… show télévisé.

Ils se sont passés déjà plusieurs jours. Aléxis Tsípras avait certes le temps pour visiter les lieux du martyre. Sauf qu’il ne voulait pas être exposé à la colère populaire. D’après ses calculs, rien que par les stratagèmes de communication, il surmonterait alors la crise. Finalement, Tsípras a visité les lieux de la tragédie à Mati, une semaine après l’incendie, à savoir le 30 juillet. Une visite très vespérale après 6h du matin, une visite autant non annoncée et tenue secrète, finalement suivie d’une seule camera…“prédestinée”. Cette visite a autant provoqué para suite les vives réactions de la presse pour son caractère savamment improvisé, à savoir, sans journalistes ni caméras. Aléxis Tsípras était d’ailleurs arrivé à Mati, au moment exactement où de nombreux journalistes et médias se trouvaient sur le port proche de Rafína pour couvrir l’accident du ferry rapide FLYINGCAT 4, lequel a heurté le quai du port.

Épidaure, juillet 2018
Prier. Météores, Thessalie, juillet 2018

Cette visite de Tsípras n’aura finalement duré qu’un peu plus d’une heure, sans évidemment rencontrer la population et encore moins sa colère, selon la presse grecque du 30 juillet.

Depuis, la contre-attaque du gouvernement se résume en sa volonté affichée de démolir bon nombre de constructions hors POS en Attique, histoire de renforcer le clou de la seule responsabilité des habitants, quotidien “Kathimeriní” du 1er août. C’est en même temps et une fois de plus, taper fort sur cette classe moyenne, laquelle n’est d’ailleurs plus du tout sa supposée clientèle politique. C’est facile et surtout, c’est de la sorte du fait politicien, avant toute autre considération.

Maríage. Thessalonique, juillet 2018

Et ce n’est d’ailleurs plus du divorce qu’il s’agit entre les supposés citoyens et la classe politique, la gauche Syrizíste en tête, mais d’une relation emplie de haine. Et la haine… n’est jamais très bonne conseillère comme on sait.

C’est ainsi “l’été qui est devenu la mort”, d’après le reportage du quotidien “Kathimeriní”, sur place, l’appréciation est fort juste. Au reste du pays supposé normal, nos touristes souriants se promenèrent entre nos ruines antiques sans trop distinguer nos ruines contemporaines, tandis que les Grecs quant à eux, ils fréquentent les plages du coin la glacière sous les bras. Comme du temps des débuts de la classe moyenne.

Hasard du calendrier, Thessalonique, deuxième ville du pays et fière capitale de la Macédoine grecque, commémore à sa manière par une très belle et émouvante exposition, le grand incendie qui a dévasté une bonne partie de la ville historique, c’était en 1917.

Au pays présenté comme béni, on priera toujours pour se faire entendre des divinités, pendant que nos animaux adespotes boiront de l’eau dans les restes antiques. La dystopie ambiante et figurée est certainement dépassée par la dystopie galopante des temps toujours présents, les Grecs sont accablés, perdant ainsi leur pays et parfois même leurs vies et son sens avec. Pourtant ils se réveillent…

Prier. Thessalonique, juillet 2018

Votre blog, aussi attristé n’a pas pu ni voulu réagir à chaud, ni publier pour une énième fois, les terribles images déjà connues via la presse grecque et internationale.

Sur notre petite plage préférée, près de trente personnes ont trouvé la mort et on y récupère encore leurs corps carbonisés au gré des vagues et des courants marins. Nous n’y retournerons plus, et voilà que notre univers se rétrécie encore davantage, dans la mesure où à travers ce beau pays qui est censé être le nôtre, nous ne voyageons pratiquement plus que pour travailler.

Après tout, notre ami skipper, il a raison, méfions-nous de ce qui peut nous arriver cette année en mer… comme sur terre. Le temps n’est vraiment plus ce qu’il était. Sauf pour nos terribles animaux adespotes.

Animal adespote. Péloponnèse, juillet 2018
* Photo de couverture: Humain du temps passé. Musée de Mycènes, juillet 2018

La Grèce sauvée? …Pas sûr

La Grèce est sauvée ? … Pas sûr après les privatisations et le recul industriel ! Par Gabriel Colletis

Qu’il s’agisse du gouvernement grec dont le Premier ministre, Alexis Tsipras, a mis récemment pour la première fois une cravate pour signifier qu’il considérait qu’il avait résolu le problème de la dette ou des institutions de la célèbre « Troïka » – le FMI, la BCE et la Commission européenne- tout le monde semble s’accorder pour considérer que la Grèce est sauvée. Par Gabriel Colletis*, Professeur d’Economie à l’Université de Toulouse 1

Après trois mémorandums, des dizaines de réformes ayant exténué le pays, la Grèce, assainie, serait enfin sortie de ses difficultés et pourrait retrouver enfin le chemin de la croissance et même se financer toute seule sur les marchés.

Observée d’un peu près, la réalité apparaît tout autre

En dix ans, le recul des salaires et des pensions de retraite est considérable, supérieur à 30%. La baisse des dépenses publiques de santé et d’éducation dépasse les 40%. La pression fiscale n’a jamais été aussi forte et on ne compte plus les impôts nouveaux. Le PIB s’est effondré (-25%) de même que les investissements (-40%).

Derrière ces chiffres un peu froids, on découvre une vie quotidienne des Grecs qui s’est très gravement détériorée : le chômage touche près du quart de la population active, la pauvreté s’est largement étendue, l’angoisse face à la maladie touche tout le monde, des centaines de milliers de jeunes Grecs (les mieux formés) ont quitté la Grèce à la recherche d’un emploi, hypothéquant ainsi l’avenir du pays. Dans certaines îles, y compris les plus touristiques comme Corfou, les ordures s’accumulent le long des trottoirs sur des dizaines de mètres de long.

Tout cela pourquoi ou avec quelle justification ? Faire tomber le poids de la dette publique afin d’assainir l’économie, a-t-on expliqué aux Grecs comme aux autres peuples des autres pays européens. Eh bien, cette dette n’a nullement reculé et avoisine toujours les 180% du PIB ! La Grèce n’a pas seulement perdu dix ans, elle a, en réalité, perdu son avenir.

Les privatisations opérées privent la Grèce des moyens de son développement. Le port commercial du Pirée a été cédé aux Chinois qui l’utilisent pour déverser leurs marchandises dans l’Europe entière. Les aéroports et nombre d’infrastructures essentielles (chemins de fer, eau, distribution de l’électricité) ont également été vendus à des groupes étrangers (allemands principalement, mais aussi en partie français grâce à l’invitation faite aux firmes françaises par l’ex-Président Hollande d’aller faire de bonnes affaires en Grèce).

Un sauvetage en trompe-l’œil

Contrairement aux illusions entretenues quant à la possibilité d’un redémarrage des exportations industrielles grâce à la baisse des salaires et la fin des conventions collectives, la balance commerciale grecque reste très gravement déficitaire. Les importations de la Grèce (des appareils de communication électroniques aux produits alimentaires en passant par les vêtements, l’équipement de la maison, les automobiles, les machines de toutes sortes qui sont employées dans l’agriculture et ce qui reste de l’industrie) excèdent, en effet, largement ses exportations. Et les recettes du tourisme sont loin d’être suffisantes pour couvrir ce déséquilibre.

Le problème largement ignoré est ainsi moins la faiblesse des exportations que l’extrême dépendance de la Grèce à ses importations. Ici réside le véritable problème de l’économie grecque et non dans la dette de l’État.

Les gouvernements grecs successifs -dont l’actuel- portent, avec la complicité de fait du FMI et des institutions européennes, une responsabilité écrasante dans ce qui est non le sauvetage, mais le naufrage de la Grèce. Ils n’ont pas compris que l’urgence était d’engager un véritable programme de développement du pays centré sur un renouveau des activités productives orientées vers la satisfaction des besoins fondamentaux des Grecs (industrie et agriculture) tout en permettant de réduire les importations.

Ce développement aurait de plus permis à l’État d’élargir la base de ses recettes fiscales, de réduire ainsi son déficit et à terme sa dette.

La politique économique conduite avant comme après 2015 a comme seule cohérence d’obéir à la doxa dominante. Elle aura été néfaste au pays comme à sa population.

Gabriel Colletis est Professeur d’Économie à l’Université de Toulouse 1-Capitole et Président de l’Association du « Manifeste pour l’industrie » http://manifestepourlindustrie.org/.
Il a publié un ouvrage intitulé « Exo apo tin Krisi », Editions Livanis 2014. Il a conseillé plusieurs membres du gouvernement grec jusqu’en juillet 2015.

Grèce. Le vent mauvais de l’austérité souffle sur les flammes

par Rosa Moussaoui publié le 26/7/18 l’Humanité

Les politiques de protection de l’environnement et de prévention des incendies ont été, elles aussi, sacrifiées sur injonction de la troïka. Le budget des pompiers a été tailladé. Conséquence : une vulnérabilité grecque accrue face au feu.

«Plus de nourritures ni de vêtements dans la municipalité de Marathon. Ils ont besoin de volontaires. » « Hébergement à Isthmia pour douze personnes dans les zones touchées ». Entre les cruelles photographies d’enfants disparus, des messages de solidarité, comme des lueurs d’espoir dans le paysage de cendres laissé par les incendies en Attique et dans le nord du Péloponnèse. Sur les médias sociaux, les Grecs s’organisent, répercutent localité par localité les besoins des sinistrés, eau, vivres, vêtements, médicaments, relaient les appels au bénévolat, proposent un toit à ceux qui n’en ont plus. Hier, alors que le pays comptait encore ses morts, un extraordinaire élan collectif prenait corps, comme celui qui a permis aux Grecs de rester debout face au sadisme austéritaire de la troïka, comme celui qui a rendu possible l’accueil de centaines de milliers de réfugiés bloqués aux portes de l’Europe forteresse.

Les pompiers manquent cruellement d’équipements

Encore une fois, la société supplée les défaillances d’un État laminé par huit ans d’austérité. Les politiques environnementales, la lutte contre les incendies, la gestion durable des espaces forestiers n’ont pas échappé aux sévères restrictions budgétaires imposées au pays. Dès 2012, le budget alloué à la sécurité civile a été amputé de 25 %. Quant aux pompiers, ils ont vu leurs effectifs tailladés. D’après les statistiques de l’Association internationale des services de secours et d’incendie, leur nombre, en Grèce, est passé de 18 559 en 2008 à 15 660 en 2015. Ils disposaient en 2009 d’un budget de 452 millions d’euros. L’an dernier, celui-ci plafonnait à 354 millions d’euros… Conséquence : les pompiers manquent cruellement d’équipements, de protection individuelle appropriée et ne disposent pas même d’un uniforme de rechange. Dans les zones touchées cette semaine, certaines bornes d’incendie étaient tout simplement hors service, faute d’entretien. Le ministre de l’Intérieur, Panos Skourletis, a explicitement mis en cause l’étranglement austéritaire : « L’achat de nouveaux avions ou hélicoptères est nécessaire, depuis 2000, pas une seule vis n’a été remplacée », a-t-il expliqué à l’agence de presse Ana. Même le « fonds vert » créé en 2010 par voie législative pour financer des programmes de protection de l’environnement, de surveillance des zones protégées, de lutte contre les incendies et de reforestation n’a pas été épargné par la voracité des créanciers. L’essentiel de ses ressources est aujourd’hui affecté… au remboursement de la dette !

Les dangers d’un urbanisme anarchique

Au-delà des moyens consacrés à la lutte contre les incendies, les politiques de prévention, elles aussi, ont été sacrifiées. Les plans locaux et régionaux qui prévoient l’ouverture de voies pour faciliter l’accès aux zones forestières en cas de feu, l’installation de réserves d’eau et le débroussaillage des espaces exposés aux risques d’incendie ne sont pas, ou peu, mis en œuvre. Ces plans, lorsqu’ils sont élaborés, ne revêtent d’ailleurs, du point de vue de la loi, aucun caractère contraignant : ce sont de simples compilations de recommandations.

Ces failles dans les stratégies de prévention se conjuguent pour le pire avec les dangers d’un urbanisme anarchique qui laisse proliférer depuis des décennies, surtout en bord de mer, des constructions souvent illégales, dispersées sur des zones plantées d’essences pyrophiles, comme le pin. C’était le cas à Mati, localité rayée de la carte à une quarantaine de kilomètres au nord-est d’Athènes, où se concentrent l’essentiel des victimes des incendies, cette semaine. « Les pins étaient vieux, très hauts et gros : tout le combustible nécessaire pour que les flammes enflent et courent, dégageant une énorme charge thermique », explique à l’AFP l’ingénieur des eaux et forêts Nikos Bokaris. « Même dans des pays disposant d’énormes moyens de lutte contre le feu, le défi posé par la coexistence entre tissu urbain et milieu forestier est énorme », souligne encore Kostis Kalambokidis, géographe et expert en catastrophes naturelles. Là encore, les injonctions de la troïka ont aggravé la vulnérabilité du pays face aux incendies. Au nom de la promotion des investissements touristiques, les créanciers ont dicté à la Grèce des lois favorisant le bétonnage de zones écologiquement sensibles, légalisant les constructions illicites et encourageant la vente du littoral à la découpe. « Le feu n’a pas attendu la crise pour brûler, mais il est certain que l’assèchement financier des services publics n’arrange rien », résume Nikos Bokaris. Comment, dès lors, ne pas entendre des accents de cynisme dans les déclarations de Jean-Claude Juncker, lorsqu’il promet que la Commission européenne qu’il préside « n’épargnera pas ses efforts pour aider la Grèce » ? Athènes, qui a déclenché le mécanisme européen de protection civile, a reçu les offres d’aide de Chypre, de l’Espagne, de la France, de la Bulgarie, de l’Italie, du Portugal et de la Croatie. Mais, déjà, le bilan de ces feux meurtriers dépasse celui des terribles incendies de 2007. Cette année-là, 77 personnes avaient péri dans le Péloponnèse et en Eubée.
Rosa Moussaoui

Migrants et migraines La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Migrants et migraines

Juillet et ses températures déjà entières. En mer, on peut parfois croiser imprudemment un de ces géants du grand large transportant l’ultime pacotille de notre si bas monde, tandis que sur terre, c’est carrément le cloaque. Sous l’Acropole, à part nos animaux adespotes attitrés bien en leur place, seuls les orages de la météo sont passés, les idiots utiles qui “gouvernent” alors demeurent.

Sous l’Acropole. Athènes, juin 2018

Alexis Tsípras s’est rendu à Thessalonique mercredi 4 juillet pour une réunion avec ses homologues, bulgare, serbe et roumain, sauf que pour la première fois dans pareils cas, la réunion s’est tenue au sein de l’hôtel près de l’aéroport et non pas en ville, par crainte d’affronter la colère des manifestants de Thessalonique… très remontés il faut dire. Tous les accès conduisant à l’hôtel de l’aéroport ont été barrés par les forces de l’ordre… afin de protéger le Premier ministre le plus haï en Grèce depuis 1945. Tsípras, qualifié à juste titre de traître partout en Grèce et d’abord dans ses régions du nord, Épire, Macédoine et Thrace, n’a donc pas quitté l’hôtel, sauf pour reprendre l’avion vers Athènes le même soir.

En cette Grèce du nord depuis l’accord paraphé entre la “Grèce” de Tsípras et l’ARYM du Premier ministre Zoran Zaev, les élus SYRIZA sont pris à partie et même parfois ils sont quasiment agressés par les citoyens, dès qu’ils osent se montrer en public, comme cette semaine à Kavala pour le député SYRIZA Yórgos Papaphilippou… sauvé de justesse grâce à sa bonne garde policière.

Athènes, juillet 2018

Ensuite, l’autre dernière histoire drôle du pantin Tsípras, c’est qu’il acceptera en Grèce bon nombre de migrants que l’Allemagne refoulera après avoir fait son tri et son marché au détriment comme toujours des autres pays de la pseudo UE. C’est Angela Merkel qui vient d’annoncer son accord avec le valet Tsípras, ce dernier n’aura même pas informé au préalable le “Parlement”, (quotidien “Kathimeriní” du 4 juillet 2018). Encore une fois, et faisant suite à l’affaire macédonienne, Alexis Tsípras “décide” seul, contre l’immense majorité du peuple grec et contre les intérêts du pays. Jusqu’à quand ?

Sur le thème macédonien, le ministre Yórgos Katroúgalos (SYRIZA), joint au téléphone par le journaliste de la radio 90,1 FM, vient de déclarer que même si la majorité des citoyens s’oppose à la politique de l’exécutif sur le dossier macédonien, “le gouvernement n’organisera pas de référendum comme il ne considère pas non plus, que sa décision doit être validée à l’Assemblée de manière large, c’est-à-dire, approuvée par les deux tiers des députés. Et ceci, étant donné que sur ce type de dossiers hautement émotionnels, on ne doit pas poser les questions par référendum, qui plus est, en ce moment et sur ce dossier, lorsque le peuple ne raisonne nullement par un procédé d’une logique disons froide, mais seulement, il s’agite sous la seule force et influence d’un processus affectif”, (émission de Dimítris Takis, le 3 juillet 2018, et c’est à la minute 40’ du fichier sonore archivé sur le serveur de la radio).

Nos animaux adespotes attitrés. Athènes, juin 2018
Nos animaux adespotes photographiés. Athènes, juin 2018

Notons que Katroúgalos, Stalinien dans sa jeunesse, puis Pasokien, notamment durant un moment, conseiller au cabinet de la gouvernance de Yórgos Papandréou, sous l’influence comme on sait des… “thaumaturges” de Soros, est très précisément ce ministre ayant proposé et même… donné son nom à la dernière loi assassine des retraites et ceci, de manière… automatique et permanente.

Comme l’écrit ailleurs à sa manière Nicolas Bonnal, Katroúgalos appartient à cette “droite néocon et libertaire contrôlée par les bobos (un lecteur de Blondet parle de clones: Tsípras, Macron, Sanchez ou Casado, Trudeau, etc.), les féministes humanitaires – et sans enfants – dans le genre de May ou Merkel (elles sont de droite, pas vrai ?) – laquelle droite – continuera de rendre des comptes aux bourreaux-comptables de la mondialisation et de sacrifier un peuple rendu distrait par son Smartphone ou par ses matches de foot.”

Le schéma, pleinement discernable, devient désormais classique. Katroúgalos, Tsípras et consorts, agitateurs au verbiage historiquement gauchisant ayant toujours prétendu s’exprimer au nom du peuple sans jamais y croire en réalité, autant personnages politiques largement minoritaires dans la société du pays réel (SYRIZA fut un parti du 3% avant la dite crise grecque), arrivent ainsi au pouvoir préparées par les mondialisateurs et par le mensonge, sans la moindre morale de l’intérêt public, ni du pays, ni de la nation, somme toute, pour assassiner à la fois leur gauche, le peuple et le pays. Vaste chantier…

Athènes, juillet 2018
Propagande. Paris, juillet 2018 (photo de mon ami Arnauld)
Faire les poubelles. Athènes, juillet 2018

Approchés et finalement intégrés par le systémisme, entre autres celui du financier Soros, ils appliquent en bonnes marionnettes toutes les instructions de son programme ubuesque qui vise à démanteler les pays (déjà) de l’Europe, leur culture ainsi que leur identité, par exemple en exacerbant (voire en fabriquant) les différences et les différents ethniques, à la manière par exemple de l’ex-Yougoslavie ou de la Syrie. Et maintenant, c’est le tour de l’Espagne avec la mise en place du cabinet Sanchez fils spirituel de Soros, et de la Grèce avec Tsípras, fils… adoptif de Soros.

Les moyens mis en œuvre dans ce but sont variés, l’austérité, la surimposition, la prédation immobilière, la destruction du travail et de son cadre juridique après près de deux siècles de luttes sociales, la récupération enfin des migrants de partout y compris d’Allemagne, ceci via des ONG aux affaires bien juteuses sans la moindre légalité sur le terrain du (non) contrôle des frontières, et d’ailleurs, sans jamais poser la question du choix démocratique aux peuples concernés, quant à l’accueil ou non, d’un nombre de migrants alors croissant.

Ainsi, comme pour d’autres réalités implacables et similaires, l’argumentaire (face au journaliste de 90,1 FM) du ministrion Katroúgalos, est issu de cette même affirmation élitiste et la croyance dans la puissance et les privilèges de cette élite, affirmation volontairement et autant renforcée par la déshumanisation et la dégradation de… l’ennemi, c’est-à-dire du peuple. Pauvres pays de l’extrême, ancien et nouveau monde, et pour notre cas grec, pauvre pays d’Épicure, de surcroît très touristique !

Pays… d’Épicure. Grèce, 2018
Hôtel à vendre. Île d’Égine, juillet 2018
Hôtel à vendre. Île d’Égine, juillet 2018

Cependant, tout le monde en Grèce, s’accorde pour observer que sur l’affaire macédonienne, les… apatrides de SYRIZA ont largement sous-estimé la portée de leurs actes, autant que le caractère tectonique de la réaction populaire alors suscitée. Leurs maîtres, ainsi que le gotha des spécialistes en matière de mécanique sociale leur auraient très probablement suggéré que le crime passerait presqu’inaperçu dans la mesure où les Grecs dans leur grande majorité sont quotidiennement occupés et pour tour dire accablés, par leurs propres affaires déjà de survie.

Seulement, la presse fait encore et en partie son travail, ainsi, les Grecs sont par exemple désormais informés que l’accord de Tsípras – Zaev n’est déjà pas conforme à la Convention de Vienne quant aux conditions préalables et nécessaires pour la rédaction et la réalisation d’un traité international entre deux pays. Ceci, parce que par exemple, aucune possibilité de désengagement n’est prévue en cas de la non-validation de l’accord par les deux parlements.

Ensuite l’équilibre et la symétrie quand au processus de validation de l’accord dans les deux pays ne sont pas non plus respectés. D’une part, il y a la réalité du référendum sur l’accord que le gouvernement de Skopje a très justement annoncé pour l’automne prochain, et en même temps du côté grec, il y a le refus de référendum en Grèce de la part des criminels Syrizistes.

Après, l’accord, contrairement aux usages internationaux, ne précise pas les termes utilisés, notamment, lorsqu’il est question “d’irrédentisme à proscrire dans les propos publics et privées”, ce dernier terme (son contenu) n’est aucunement expliqué, sachant que l’irrédentisme officiel (annexion de l’ensemble des territoires de la Macédoine géographique) est formellement exprimé dans la Constitution de l’ARYM, ainsi qu’à travers les manuels scolaires de ce pays. Notons enfin, que le Comité pour la défense de la Macédoine grecque est très officiellement appelé aussi, Comité pour défendre le non-changement des frontières dans les Balkans, c’est donc clair, pas de revendication territoriale du côté grec.

De même, cet accord ne prévoit pas le recours automatique à la Cour internationale de Justice (CIJ), siégeant à La Haye, au cas où, un futur différent pourrait surgir. Ce qui veut dire qu’entre autres, comme le droit à la libre expression des opinions est protégé par la Constitution grecque, le fait de proscrire ce qui pourrait être caractérisé comme relevant de l’irrédentisme constitue une manière indirecte de céder des éléments de la souveraineté du pays.

Local associatif des anciens marins. Égine, juin 2018
Bateau Liberty. Anciens marins. Égine, juin 2018
Immeuble à vendre. Égine, juin 2018

Pour Alexis Tsípras, certaines décisions et réformes ne sont pas populaires en Grèce, sauf qu’il estime que sont gouvernement doit… foncer dans le progressisme, tel est également le sens de son propos au moment où il été interviewé par les journalistes du Point. Et à travers le même nouvel ordre d’idées, Dimítris Vitsas, Ministre de la (non) politique migratoire, vient de déclarer que 151 députés (sur un total de 300) suffisent pour valider l’accord macédonien, (quotidien “Kathimeriní” du 5 juillet 2018).

Visiblement, comme le fait également remarquer à juste titre le journaliste Lámbros Kalarrytis (et ses invités) sur la radio 90,1 FM, “Tsípras donne tout de cette la Grèce, celle qui n’a jamais été la sienne. Les droits des Grecs, la souveraineté, les frontières, la patrie. Et pour ce qui est du programme électorale présenté à Thessalonique par Tsípras en septembre 2014, aucune mention n’a été faite à la politique migratoire, et encore moins au dossier macédonien.”.

“Ainsi, Tsípras présente la petite faveur, au demeurant minable, accordée par Angela Merkel, lui permettant de retarder de quelques mois seulement l’augmentation du taux de la TVA appliqué aux îles de mer Égée orientale, comme légitimant l’accord de son ‘gouvernement’ avec Berlin au sujet de l’accueil forcé et pour tout non désiré par l’immense majorité des Grecs, des migrants que l’Allemagne refoulera”, (émission du 2 juillet 2018). Autrement-dit, la dette très contestée a imposé à la Grèce la politique impériale de Berlin et des rapaces internationaux, dont la politique austéritaire et l’augmentation de l’imposition. La politique économique de la Grèce se décide entre Berlin et Bruxelles, Tsípras a offert en gage et pour 99 ans l’ensemble des biens publics et des richesses existantes et futures du pays (voir hydrocarbures et gaz naturel) aux Troïkans, et voilà que pour n’appliquer que l’unique et alors inique politique migratoire de Berlin au détriment des autres pays de l’Européisme réellement existant, Merkel accorde un… petit miroir à l’indigène Tsípras, comme demain elle l’offrira à l’aborigène Mitsotakis.

Église. Égine, juin 2018
Église. Égine, juin 2018

“Ceux du gouvernement évoquent la présence en Grèce de 58.000 migrants, un chiffre entièrement faux évidemment. Sauf qu’en Grèce (où d’ailleurs, migrants et refugiés ont été dans un premier temps accueillis avec tant d’humanité entre 2014 et 2015), nous avons dépassé le seuil de faisabilité acceptable, tant du point de vue démographique, économique et culturel quant à l’accueil et l’installation des populations de ce type sur notre sol. L’Allemagne, une fois de plus, elle exporte ses problèmes contre la volonté, contre les intérêts et contre l’identité culturelle en partie commune des peuples européens.”

“La présence massive de populations en majorité musulmanes en somme inassimilables, et l’abolition des frontières signifient de fait l’abolition des pays concernés et en même temps de leur souveraineté nationale, entre autres, sous la pression des ONG illégales, pratiquant de fait le trafic d’êtres humains et le commerce humanitaire. Et c’est en même temps la fin de l’UE, car de nombreux pays réagissent à très juste titre à cette situation, pour enfin défendre leurs intérêts nationaux”.

“Et ceci lorsque des centaines de milliers de musulmans s’installent et s’installeront en Grèce, pays de dix millions d’habitants, où 700.000 jeunes Grecs ont quitté le pays, obligés à le faire par la crise et pour tout dire ouvertement incités par les mondialisateurs. Il y a pourtant plus de 1,5 millions de chômeurs au pays lorsque l’ensemble du système politique reste indifférent à leur sort, et nous vivons alors au quotidien cette mélancolie permanente des parents, car pratiquement toutes les familles grecques sont concernées par cette forme de deuil”.

Au pays des figues. Grèce, juillet 2018
Au pays des chats. Athènes, juillet 2018

“Et l’on observe qu’au moment où il n’y a plus d’investissements productifs en Grèce et pour cause, les capitaux sont toujours trouvés pour gonfler les effectifs des ONG à la Soros. J’ai récemment appris qu’une seule ONG emploie en Grèce plusieurs centaines de personnes, et que les Syrizistes, placent alors leurs enfants sans travail au sein des ONG de ce type. Le but même, à peine caché de SYRIZA, c’est d’accorder à terme la nationalité grecque aux milliers de migrants pour enfin se maintenir électoralement, lorsqu’il a trahi le peuple grec et ainsi, il est définitivement détesté par l’immense majorité des citoyens”, Lámbros Kalarrytis (et ses invités) sur la radio 90,1 FM, le 2 juillet 2018.

Au pays des figues et des chats rien ne va plus, sauf que la boucle de l’exégèse est on dirait désormais bouclée. Bouclée comme une cravate à Tsípras, bouclée comme une corde autour du cou du pays. Le système politique, largement hétéronome et mafieux, alors fait semblant de s’emballer. Panos Kamménos, ministrion de la Défense, allié de Tsípras et chef du parti des Grecs Indépendants en décomposition a déclaré lundi matin dans une conférence de presse qu’il ferait tomber le gouvernement si l’accord macédonien n’est pas validé par 180 députés ou sinon par référendum. Le même soir, il déclarait à la télévision qu’il ne quittera pas le gouvernement et qu’il soutiendra Tsípras jusqu’au bout, (presse grecque du 4 juillet 2018). Le pouvoir rend aveugle… et alors crétin.

Au même moment, le parti finissant de “la Rivière” et de Stávros Theodorakis, pur produit des… créationnistes de Bruxelles et de Berlin, étiqueté compatible Soros, se sépare de sa coalition avec les anciens népotistes historiques des débris du PASOK. C’est, officiellement, pour “servir le pays et épauler un futur gouvernement dans le but de faire adopter l’accord macédonien”. Stávros Theodorakis a même commenté sa rencontre cette semaine avec le… Proconsul Pierre Moscovici, évoquant précisément “l’éventualité de voir en Grèce la formation d’un futur gouvernement plus dynamique” .

Voiliers loués. Cap Sounion, juin 2018
Caïque… musée. Égine, juin 2018

Les marionnettes s’agitent et les maîtres fous du jeu préparent alors le nouveau spectacle sur le théâtre des opérations. Encore, et comme par hasard, le chef de la Nouvelle démocratie, le germano-compatible Kyriákos Mitsotakis, le… favori des sondages évidemment, a déjà usé de sa motion de censure à l’encontre du gouvernement et qui n’est pas passée comme prévu, sachant qu’il ne pourra pas y revenir avant six mois.

Parallèlement, et comme les néonazis de l’Aube dorée ne remplissent plus tellement leur rôle, à la fois d’épouvantail et d’entrave à toute résistance patriotique organisée du pays réel, le système s’apprêterait à créer de nouveau, un faux parti de la dignité et de la résistance, cette fois situé à droite, après… avoir adopté comme on sait l’animal de compagnie politique SYRIZA. Le but c’est de canaliser le choix politique des Grecs, surtout dans l’éventualité d’une insuffisance alors largement avérée des pseudo-partis politiques actuels.

Bateau et touristes. Égine, juin 2018

Récapitulons, en tout cas pour le moment. La dette, la dite austérité, la Troïka, l’affaiblissement du pays, la destruction des droits des travailleurs et de l’économie réelle, la perte de sa souveraineté ainsi que le danger démographique et identitaire que constitue la question migratoire, forment alors un ensemble explosif.

Alexis Tsípras poussera alors jusqu’au bout cette politique totalitaire façonnée dans les ateliers du mondialisme et de l’Européisme, où d’ailleurs, lui et ses autres amis de la dernière mafia politique picorent depuis déjà un moment. En parfaite d’ailleurs concordance avec l’entreprise Soros, “ce vilain garçon qui a appauvri les gens dans le monde entier avec ses machinations financières et qui a travaillé dur pour perturber et détruire les cultures et les sociétés locales en utilisant les initiatives de l’Open Society, sa firme activiste aux multiples tentacules”.

Ainsi, comme l’a fait remarquer le journaliste Andréas Mazarakis dans son émission radio, aussitôt Tsípras a-t-il accordé le nom de “Macédoine du nord” aux voisins Slavomacédoniens de l’ARYM, comme par hasard, les Antifa d’Athènes (liés comme on sait à Soros), appellent via leurs affiches, au changement du nom de la région grecque de la Macédoine, en “Macédoine du sud”, en promotion ouverte de l’irrédentisme de Skopje (autant financé par Soros), visant entre autres au dépeçage de la Grèce, (émission du 4 juillet 2018, radio 90,1 FM). Contrairement à ce que Tsípras raconte depuis deux semaines, son accord macédonien n’apaise pas les passions balkaniques, bien au contraire, il met en danger la bien précaire déjà situation géopolitique dans la région.

Alexis Tsípras entame une politique de reculades au caractère dangereusement stratégique dans l’ensemble des dossiers de la politique étrangère grecque, contre de gains pitoyables et d’ailleurs éphémères en matière de politique politicienne interne. Rien que pour cette attitude et pour le référendum trahi par son Putsch parlementaire en 2015, Alexis Tsípras devrait un jour être jugé pour haute trahison.

Il impose en même temps toute une série de mesures facilitant l’installation de migrants que le pays ne désire pas, comme il ne peut pas les intégrer, qui plus est, en transformant à terme de nombreux territoires grecs en terres musulmanes, ce qui permettra si le processus n’est pas stoppé, à réaliser le rêve géopolitique de reconquête de la Grèce chrétienne (par exemple celle des îles grecques de la mer Égée), par une Turquie islamisée et néo-Ottomane.

Déjà, sans trop l’annoncer dans les médias, SYRIZA, ce “gouvernement” de l’euthanasie nationale et historique ainsi que les ONG, lesquelles le plus souvent le remplacent sans la moindre légitimité démocratique, installent ici ou là à travers toute la Grèce continentale de structures accueillant les migrants, avec il faut le noter, l’aimable participation des élus locaux, ces derniers ayant toujours couru derrière les affaires juteuses, et de l’argent dans cette affaire il y en a.

Retraités manifestants. Athènes, juin 2018

Et lorsque le Grecs accablés posent alors la question tout à fait rationnelle, pourquoi ce pays qui fait partir ses enfants et qui sombre devait être forcé d’accueillir les migrants depuis la Turquie comme depuis d’Allemagne, qui plus est, sous de conditions lamentables, avec à la clef le remplacement partiel mais suffisant de sa population, la réponse de l’internationale mondialiste (Européistes, Syrizistes, Antifa et consorts), remâche alors le vieux cannabis avarié du  droit-de-l’hommisme, de l’humanitarisme et du multiculturalisme à toutes les sauces.

Le tout, contre l’avis et la volonté des citoyens, qui sont les seuls pouvant légalement et légitimement décider du degré et du moment d’ouverture et de fermeture de leur pays. Enfin en Grèce, après huit années de “gestion” comme de mutation, et de mutilation troïkannes, ceci, entre humiliations et atteintes à la dignité du peuple grec et d’abord à la Constitution du pays, l’immigration de masse imposée par les mêmes centres de pouvoir impériaux et autant par la Turquie, ne peut que provoquer une blessure de plus et de trop au sentiment populaire de souveraineté nationale.

Rappelons également, ce que Cornelius Castoriádis faisant remarquer (en 1984) au sujet des empires coloniaux, à travers le cas de la Nouvelle Calédonie: les “populations immigrées minoritaires qui comme toujours dans ces cas-là sont plutôt du côté de la puissance dominante (un peu comme les Indiens en Afrique du Sud) ; ces derniers en particulier n’ont aucune envie de voir les Canaques établir un État indépendant”, Cornelius Castoriádis, “Thucydide, la force et le droit”.

Actuellement, les mondialisateurs impériaux (la puissance dominante) qui détruisent États et nations en Europe et ailleurs, organisent cette massification de la présence de migrants sur le sol de l’Europe, sachant que les migrants (très sélectivement Musulmans) sont et seront de leur côté. D’ailleurs ces migrants, déjà déracinés (généralement par ces mêmes mondialisateurs) partagent avec les européistes (dont la classe politique à la SYRIZA qui nous serinent les insanités postmodernes) et avec les administrateurs coloniaux, ce même usage des termes… comme des terres. Pour les uns, comme autant pour les autres, les pays de l’Europe ne doivent être que de simples terrains d’exploitation et de conquête, d’en bas comme d’en haut, sans évidemment partager (lorsqu’ils ne lui sont pas hostiles) ni l’histoire, ni la culture et encore moins les usages des peuples d’Europe, pour l’instant encore majoritaires chez eux.

La maison de Níkos Kazantzákis. Égine, juin 2018

Sous un autre angle, c’est très exactement le propos des dirigeants politiques de la Turquie, affirmé ouvertement depuis d’ailleurs bien longtemps. “Le problème gréco-turc sera résolu par la démographie” avait ainsi argumenté Turgut Özal en son temps, préfigurant le courant néo-ottomaniste d’Ahmet Davutoglu, repris par Recep Tayyip Erdogan. Ce n’est pas par hasard non plus que c’est face aux îles grecques dont la population est à 100% chrétienne et que la Turquie revendique ouvertement, que les dirigeants de la Turquie et leurs passeurs, ONG comprises, font… patienter tant de milliers de jeunes musulmans, au demeurant déracinées et malheureux.

Et lorsque Tsípras et plus amplement les Syrizistes… apatrides, estiment qu’en accordant massivement la nationalité grecque aux migrants, ils remplaceront ainsi… les électeurs qui leur manquent et qui leur manqueront de plus en plus, eh bien, ils se trompent. Un des axes centraux de la politique de la Turquie actuelle, explicitement décrite dans l’ouvrage phare d’Ahmet Davutoglu , “Profondeur stratégique” .

C’est le renforcement du rôle politique des populations musulmanes dans tous les Balkans sous le contrôle de la Turquie, entre autres, par la création de partis politiques musulmans et/ou turco-musulmans, et ce c’est qui se passerait alors en Grèce comme déjà en Bulgarie. Je dois également remarquer ce que peu de médias évoquent, et pour cause. Le “gouvernement” SYRIZA/ANEL ne tient que par une majorité de 152 députés sur 300 au total dans l’hémicycle (145 SYRIZA et 7 ANEL), mais deux députés SYRIZA sont issus de la minorité musulmane de Thrace, ces derniers seraient suffisamment “confirmés et encadrés” par Ankara. C’est aussi une… grille de lecture possible et parallèle des événements en cours !

Notons aussi qu’à chaque fois que le président Erdogan entre en pourparlers avec les Européens, les flux de migrants qui entrent en Europe depuis la Turquie s’arrêtent pour quelques heures, histoire de monter qui est réellement le maître du jeu géopolitique dans l’affaire.

Au pays d’Alexis Zorbás et de son auteur Níkos Kazantzákis, la saison se dit touristique et fière de l’être… lorsque Airbnb finit par détruire ce qui subsistait de l’équilibré des réalités urbaines à Athènes, faisant suite à huit années de la dite crise grecque.

En ce mois de juillet aux températures déjà entières, la boucle est bouclée et nous le savons. Entre le dossier macédonien, les mensonges de Tsípras – Moscovici sur la situation de la Grèce, et enfin le dossier migratoire qui est surtout géopolitique et ensuite seulement humanitaire, en dépit de la propagande ambiante, la… vraie crise grecque ne fait que commencer. Le pays, son peuple, son territoire sont en danger de mort.

Décidément, sur terre c’est carrément le cloaque. Maigre consolation pourtant, sous l’Acropole, nos animaux adespotes attitrés sont toujours bien en leur place.

Animal adespote. Athènes, juillet 2018

* Photo de couverture: Au large… Grèce, juin 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Solidarité organique et solidarité politique

Conférence de Christiane VOLLAIRE  Pour la XVIIIe conférence de l’IAHPE (International Association of Health Policy in Europe)

Association Internationale pour les Politiques de Santé en Europe Université Aristote – Thessalonique Du 21 au 24 septembre 2017

SOLIDARITÉ ORGANIQUE ET SOLIDARITÉ POLITIQUE

SUR LE TERRAIN DES LUTTES POUR LA SANTÉ, EN GRÈCE

1. Figures de l’archipel

2. Figures de la santé politique

3. Figures des perversions du politique

4. De la désorientation juridique à la répression policière

5. De la gouvernementalité dans les jeux stratégiques qui la subvertissent

6. La mélancolie peut-elle constituer une dynamique politique ?

Écrivant en 1865 l’Introduction à la médecine expérimentale, Claude Bernard employait le terme de « solidarité organique » pour définir le fonctionnement physiologique du corps humain sur le mode de l’interdépendance entre les organes, dont la désolidarisation est l’annonce même de la mort. Et le texte lui-même y introduisait une analogie politique.

C’est cette analogie que nous avons tenté d’exploiter, Philippe Bazin et moi, par un travail associant photographie documentaire et philosophie de terrain, mené à partir de Thessalonique en juillet-août 2017.

La santé ne nous y est pas apparue comme un simple élément du contrôle social (qu’elle est aussi, dans l’analyse qu’en donne Michel Foucault), mais comme un facteur d’énergie et de vitalité porté par la solidarité politique et la conviction d’une force commune.

Le terme de « solidarité » est d’abord un terme juridique, avant de devenir un terme politique. Et, en tant que terme juridique, il a d’abord un sens économique, lié, dès le XVème siècle, à la question de la dette : être solidaires, c’est assumer en commun une obligation à l’égard d’un créancier. C’est au XIXème siècle qu’il prendra le sens politique d’une interdépendance entre des sujets au sein d’un corps social. La solidarité désigne donc cette interdépendance indissociable de l’égalité, qui empêche les rapports d’assujettissement. C’est ce concept qui prendra corps dans celui d’une « sécurité sociale » égale pour tous, que les politiques néolibérales tentent de saborder. Mais en les sabordant, c’est pour cette raison même à une forme de suicide politique qu’elles se livrent. Et c’est cette parfaite irrationalité d’une démarche qui se prétend rationnelle qu’il faut mettre en évidence.

En Grèce, les luttes d’émancipation de la guerre d’Indépendance, de 1821 à 1830, impliquent un soutien des puissances occidentales qui commence, dès 1893, à forger une rhétorique de la dette. Mais cette histoire est aussi l’histoire parallèle des mouvements de solidarité qui n’ont pas cessé de construire ses alternatives. Et dont nous pouvons, nous aussi, quelles que soient nos origines, nous sentir solidaires.

1. Figures de l’archipel

Sur ce point, l’histoire de la Grèce pose aussi des jalons pour aider à comprendre comment la mémoire politique, dans une forme d’inconscient collectif, travaille avec les réactivations de la violence qui produit, en réaction, des formes spécifiques de solidarité sur ce territoire. C’est en y allant, en parlant, en écoutant mes interlocuteurs, que j’ai saisi une donne géographique : celle d’un territoire qui n’est pas seulement ouvert sur la mer, mais construit à partir d’elle, comme un archipel. Les îles grecques ne sont pas des annexes de la Grèce, mais son mode de constitution et les lieux de sa configuration politique, qui subvertit les usages du centre et de la périphérie. Michel Foucault écrivait, dans un entretien avec Yves Lacoste et la revue Hérodote en 1976 :

Il n’y a qu’une notion qui soit véritablement géographique, c’est celle d’archipel. Je ne l’ai utilisée qu’une fois, pour désigner, et à cause de Soljenitsyne, l’archipel carcéral, cette dispersion et en même temps le recouvrement universel d’une société par un type de système punitif.1

Pourquoi est-ce la « seule notion véritablement géographique » ? Parce que c’est elle qui permet d’écrire un lien entre des terres que la présence de la mer semble avoir dissociées. Les noms des îles de la Grèce, évocateurs de ses traditions littéraires et intellectuelles tout autant que de ses dieux et de ses héros, ne sont pas seulement devenus des objets de la projection touristique. Ils sont aussi les noms de décisions politiques : noms de lieux de déportation et d’enfermement, comme ils sont devenus, dans les politiques européennes contemporaines, des espaces de réalisation tout autant du désir d’accueil que de la violence et de l’absurdité des politiques migratoires. Lesbos, d’où vient la poésie de Sapho, est actuellement un lieu emblématique de cette violence. Makronisos, face au temple de Poseidon sur le cap Sounion, était le lieu de torture privilégié de la dictature de Métaxas et Georges II (de 1936 à 1941), puis de l’Occupation allemande (de 1941 à 1944), avant de devenir celui de la junte des colonels de 1967 à 1974. Ikaria, dont la mythologie dit qu’elle est née de la chute d’Icare, était pendant la guerre civile grecque, de 1946 à 1949, un lieu de déportation des communistes. Devenue par cela même un espace de solidarité de la population locale, et le point d’ancrage d’une transmission des traditions de gauche. L’un de nos interlocuteurs, médecin de santé publique, nous en fait le récit autobiographique, comme origine de son propre désir militant, dans l’expérience fondatrice d’un rapport de classe :

Mon père avait son cabinet de médecine, avec une dame comme secrétaire qui était de l’île d’Icaria. Elle habitait chez nous comme bonne. Là, on a reçu une très importante influence, parce que c’est elle qui était en charge des enfants. On est allés maintes fois dans son village sur cette île. Et cette île est l’île communiste de la Grèce. On reste encore avec toute cette famille qui est restée notre famille : on est en famille. Il y avait une tension entre ma mère et cette dame, parce que ma mère voyait l’influence. Elle disait : « C’est moi la mère, ici ! ».

Cette configuration de l’archipel produit aussi une subversion des liens de solidarité familiale en même temps qu’une reconfiguration des consciences et des rapports de classe.

Et la grande île de Crète, inscrite depuis les guerres balkaniques de 1912-1913 dans l’appartenance grecque, sera en fait le point d’origine, en 2011, d’un vaste mouvement de solidarité envers des migrants grévistes de la faim pris en charge par les médecins militants de Thessalonique. L’une d’entre eux nous en fait le récit :

En 2011 (janvier et février), en Crète, un groupe de migrants a décidé d’organiser une grande grève de la faim. Ils étaient essentiellement originaire d’Afrique du Nord : Égypte, Maroc, Algérie, Tunisie. C’était avant le printemps arabe. Ils étaient travailleurs agricoles en Crète. Ils ont formé un groupe avec des responsables politiques crétois. On en a discuté pendant deux mois, et on a dit OK pour les aider. Ils ont voyagé jusqu’à Thessalonique.

Nous, comme équipe médicale, on était très engagés pour quinze d’entre nous (médecins et infirmiers). Certains avaient des complications graves, et il fallait être là tout le temps. La grève a duré quarante-cinq jours. Elle s’est arrêtée parce qu’ils ont gagné : ils ont eu des papiers, la permission de travailler et d’avoir des documents de travail, de voyager en Grèce pour rendre visite à leurs familles. Plus tard, on a eu plus de travail, pour les syndromes de réalimentation et pour les complications importantes. Mais, face à tout le système politique, le mouvement était très uni, même si c’était à partir de points de vue différents : trotskystes, anarchistes, groupes de gauche. On a créé quelque chose et ça a marché : après, on était très forts et très unis.

La question de la santé ne concerne donc pas seulement les corps, mais la possibilité de créer du commun aussi bien que du conflit entre les sujets. Et l’archipel en est une des figures. Comme il devient aussi une figure de l’internationalisation des luttes.

C’est donc dans une solidarité internationale que peuvent se penser les formes de lutte contre des modes de gestion globalisants, et c’est pourquoi la question des migrations tient une place centrale dans une telle configuration de l’énergie politique. Un texte du philosophe Étienne Balibar, paru en 2002, s’intitulait « Ce que nous devons aux sans-papiers ». Ce « nous » dit clairement la proximité éprouvée à l’égard de ceux dont la nationalité est supposée « étrangère », là où la distance devient abyssale à l’égard d’une direction politique supposée « représentative ». Et cette question de la représentation, dans toutes les modalités de ses perversions, est devenue un enjeu central non seulement des politiques de santé, mais de la santé politique des populations tentant de vivre actuellement, sédentaires ou migrantes, dans un espace européen clairement dévoyé.

2. Figures de la santé politique

J’ai donc mené, pendant cet été 2017 une cinquantaine d’entretiens, de longueur variable (entre un quart d’heure et deux heures), mais d’intensité constante, avec des personnes dont l’âge variait de 14 à 74 ans, de statuts sociaux différents et d’origines différentes.

Rien ne s’est passé comme je l’avais prévu : le dispensaire solidaire de Thessalonique, où j’avais l’intention de faire ce terrain, a fermé le lendemain de notre arrivée. La frontière Est avec la Turquie, où nous avions l’intention d’aller, s’est avérée un trajet trop long pour le temps dont nous disposions. Les camps de migrants, où j’avais l’intention de mener des entretiens (comme on l’avait fait en Pologne en 2008), se sont avérés d’accès difficile par la méfiance que suscitait souvent notre projet.

En revanche, des pistes que nous n’avions pas envisagées se sont ouvertes :

– l’entreprise Viome, reprise par les travailleurs dans une perspective autogestionnaire avec la recherche des soutiens internationaux

– la mine d’or de Skouries, rachetée par un société canadienne avec les luttes pour exiger sa fermeture pour cause de pollution massive.

Des luttes pour ne pas fermer, des luttes au contraire pour fermer.

À cet égard, il nous est bien apparu, par les entretiens menés et les rencontres, à Viome comme à Skouries, comme avec les équipes des dispensaires solidaires, qu’une puissante interaction fait de l’énergie collective et du sens de la responsabilité commune, dans ses modes clairement autogestionnaires, une condition fondamentale de la santé au sens le plus organique du terme. Soigner dans des dispensaires, ce n’est pas fournir du soin, mais c’est envisager la dimension thérapeutique de l’énergie collective. Et sur ce point, la pensée politique de Spinoza, portée par l’idée d’une puissance vitale co-active, et de ses modes de revendication, nous est apparue comme adéquate aux nécessités contemporaines auxquelles nous sommes affrontés :

Par bien j’entends ici tout genre de Joie et tout ce qui, en outre, y mène, et principalement ce qui remplit l’attente, quelle qu’elle soit. Par mal j’entends tout genre de Tristesse, et principalement ce qui frustre l’attente. Nous avons en effet montré que nous ne désirons aucune chose parce que nous la jugeons bonne, mais qu’au contraire nous appelons bonne la chose que nous désirons.2

Le moment de la création du dispensaire solidaire de Thessalonique est décrit dans les termes de l’énergie politique qui ne transmet pas seulement de la force (ou ce que Spinoza appelle de la joie) à ceux qui en bénéficient, mais à ceux-là mêmes qui s’y engagent. Et l’idée même de la solidarité a pour finalité que ceux qui en bénéficient puissent aussi s’y engager, comme l’analyse l’une de ses actrices psychologue :

Ça m’a beaucoup aidée, de m’impliquer dans la clinique de solidarité. Je pense que quand on se sent impliqué, ça n’aide pas seulement les autres, mais soi-même. D’abord et avant tout, je voulais faire cela. J’étais dans la même position qu’eux : je n’avais pas de travail stable. J’allais d’une ville à l’autre, les gens étaient d’accord, ils avaient la même idée, on était impliqués en même temps. On était vraiment enthousiastes, alors même que la situation était mauvaise.

Cette situation mauvaise, c’est celle de 2011, où le gouvernement grec de droite, sous pression de la troïka, prend une série de décisions véritablement criminelles sur le plan de la santé :

La première loi qui a interdit les migrants et les a rendus illégaux est tombée cette année-là. Et trois mois plus tard, c’était la fermeture de l’accès direct aux soins pour les Grecs. En quelques mois, trois millions de personnes n’ont plus eu de couverture sociale : un demi-million de Grecs, et des non-Grecs, sur les dix ou onze millions d’habitants que compte la Grèce. Et cela à cause de la Troïka.

La décision de créer la clinique solidaire apparaît comme une véritable riposte, un tir de barrage. Et elle doit se faire avec l’efficacité stratégique de la rapidité, sur laquelle insiste une autre de ses actrices :

Nous avons donc décidé qu’on voudrait créer et être capables de faire vivre une solidarité sociale. On s’est sentis très forts, c’était le bon moment. On ne demandait aucune aide financière : ni à l’union européenne, ni à un marché, ni à un groupe institutionnel. On essayait d’avoir de l’aide des citoyens et non des groupes politiques.

Très vite, le premier mois, l’aide est arrivée. Le secrétariat avec Eva. En deux-trois mois, on avait un groupe. Très vite. Très vite, le groupe est devenu de plus en plus important : quatre-vingt médecins ont accepté d’être référents et qu’on leur envoie des patients. Ils croyaient en nous, et ont accepté chacun cinq patients par mois en référence. On a été très actifs, dans un sens politique, pour créer un mouvement, pour rendre le projet légal. On a été très actifs dans le sens de changer la loi. On était en lien très étroit. On n’était pas comme MSF ou MDM : on faisait un travail politique contre la troïka.

Cette vitesse stratégique va de pair avec une pensée politique du droit. Mais dans le même temps, elle crée une énergie collective qui est un contre-feu à la violence de la décision des dirigeants. Elle produit, par la vivacité même de sa riposte, de la santé politique.

C’est cette santé politique que produisent aussi les universitaires de Thessalonique, en allant informer les gens sur le terrain, dans les écoles, pour permettre que les enfants de migrants y soient intégrés, et opposer ainsi un autre contre-feu à la propagande de l’extrême-droite. L’un d’entre eux en fait le récit :

C’était très facile qu’il y ait des réactions fascistes, mais je suis sûr que la réaction de l’accueil était beaucoup plus grande et stable. Des structures de solidarité atypiques ont été trouvées. On a aussi parlé dans les écoles. On avait au début les réactions des parents. Là, les fascistes ont joué très bien : ils ont multiplié la peur des gens, sur les problèmes de santé en particulier. On a joué beaucoup : on a fait une campagne intense dans les différentes écoles de la région, et on se bagarrait avec les fascistes devant les parents. Et on a gagné.

Ces contre-feux, ils les ouvrent aussi à Skouries, en allant informer la population de Megali-Panagia des risques majeurs, en termes de santé publique, que présenterait l’exploitation de la mine. Le mineur, que j’interroge dans le campement alternatif où s’organise une partie des luttes, se souvient de cette intervention des médecins de Thessalonique qui a déterminé son choix d’opposition :

Pourquoi as-tu décidé de militer contre l’ouverture de la mine de Skouries, alors que tu étais en retraite ?

Le comité « Panagia » a informé les gens et invité l’université de Thessalonique pour expliquer la situation. Et j’ai très vite compris que c’était plus grave qu’avant, grâce aux explications de ces invités. Beaucoup de monde a été convaincu que c’était dangereux. Même si ensuite, avec l’argent, ils ont changé de camp. Pendant des années il y a eu une campagne d’information. Ils ont commencé par lire le projet de la société Eldorado.

Ce qui détermine ce mineur, et bien d’autres habitants du village de Megali Panagia proche de la mine de Skouries, à refuser l’ouverture de la mine, c’est cette intervention de médecins et chercheurs venus s’associer aux militants locaux pour expliciter les raisons rationnelles de ce refus, et soutenir le combat qui le porte. Solidarité entre classes, entre compétences diverses, qui est l’une des définitions majeures de la santé politique, par l’impact qu’elle a sur la défense de la santé physique.

Et cette énergie politique se retrouve dans le combat de Viome, dont une cinéaste militante dit, à propos de l’ouvrier qui en est la figure charismatique :

Makis arrive à formuler ses pensées, il arrive à tirer vers le haut. Son souci est d’avoir de la participation, mais il ne veut pas diriger. Tous les jours, une ou deux heures, ils se retrouvent pour prendre les décisions. Il y a des moments où ils font des heures de discussion. Il faut rayonner et faire qu’il y ait des synergies, qu’ils ne soient pas poussés dehors. Ces gens-là de Viome, et les solidaires, essaient de mettre au monde quelque chose. Au moins, ils résistent. Ce sont des étincelles, et ça vaut la peine de les soutenir.

Un autre ouvrier de Viome nous dira quelle force peut donner l’idée même de solidarité, dans les combats qu’ils mènent pour reprendre en mains leur entreprise :

Il s’agit de créer un mouvement de solidarité avec des comités locaux, car il s’agit aussi d’unité des travailleurs. C’est très important d’avoir une campagne pour les membres. Et que ce soit de la solidarité, non de la charité. La charité, si c’est pour rien, ça crée des problèmes. La solidarité, ça vient du dialogue, d’un soutien. La solidarité permet de soutenir aussi sa famille. Et de chercher à faire de bons produits organiques. On veut produire de façon à la fois accessible (à bas prix) et qui nous rende fiers.

3. Figures des perversions du politique

Mais le contexte dans lequel nous arrivions, à l’été 2017, donnait un sens particulier à ces solidarités. L’année 2015 a en effet été, pour l’ensemble de la gauche radicale grecque et des mouvements solidaires, une véritable conflagration. En janvier, le parti qui la représentait (Syriza : Coalition de la Gauche Radicale) a remporté la victoire aux élections législatives anticipées, frôlant la majorité absolue, sur un programme anti-austérité, contestant les exigences de la troïka (Commission Économique Européenne, Banque Centrale Européenne, Fonds Monétaire International) qui menaient le pays à sa ruine sociale. Et celui qui était, depuis 2012, le président du mouvement, devenait de ce fait Premier ministre, provoquant non seulement une véritable liesse populaire, mais une dynamique transnationale.

Six mois plus tard, en juin 2015, il organisait un referendum pour soutenir sa position face à la troïka autour de la question de la dette grecque, refusant le plan d’austérité, et remportait 60% des voix. Mais en juillet, à l’encontre de ce double soutien massif de son propre électorat, il mettait en place les mesures d’austérité préconisées par la troïka, dans l’actualisation d’un nouveau « memorandum » de la dette publique.

Cette décision, véritable coup d’État politique par le retournement qu’elle opère, n’a pas eu seulement pour effet de livrer le pays à la prédation des banques européennes. Elle a eu aussi l’effet, beaucoup plus pervers, de plonger l’électorat de gauche et les militants dans une redoutable injonction paradoxale. Car, dans le temps même où se mettait en place cette trahison de la représentativité (réforme du régime des retraites, de la législation du travail, etc.), le gouvernement prenait aussi à la marge quelques mesures sociales, parmi lesquelles, sur le plan de la santé, l’accessibilité aux soins pour tous.

Et les militants de Viome ou de Skouries savaient que ce gouvernement, qui avait cessé de soutenir leurs revendications, était malgré tout le plus à même de tenir encore un tant soit peu à distance leurs ennemis. La désorientation politique s’accompagnait donc, dans bien des cas, et précisément chez les plus engagés, c’est-à-dire aussi ceux qui risquaient le plus, de la nécessité de temporiser, à l’encontre même de leur propre culture militante. Les ouvriers de chez Viome savaient que, si Syriza quittait le pouvoir, l’usine serait définitivement fermée et le terrain vendu. Et les protestataires contre l’ouverture de la mine d’or de Skouries savaient que leur campement sauvage serait rasé et leurs activistes exposés à la violence des MAT (police anti-émeutes).

Pour les militants des dispensaires de santé solidaires, comme pour l’ensemble de la population, le choc est rude. Une psychosociologue de la clinique en parle ainsi :

Nous nous sentons tous fatigués et désappointés. La clinique de solidarité était une part du mouvement. Perdre ce pouvoir et cet enthousiasme est difficile. Ce n’était fait qu’à partir de gens, de la part de tous. L’enthousiasme originel n’est plus là. La crise a détruit quelque chose qui ne peut pas être reconstruit. La structure sociale a été détruite, et tout ce qui va avec. Les gens sont déprimés, ils ont à payer beaucoup de taxes qui augmentent et continuent d’augmenter. Le memorandum qui a été signé est insupportable, et nous savons que ça va durer longtemps.

Une médecin le dit en termes de décadence, et montre comment le risque le plus important est celui de la désolidarisation :

Il y a un déclin de ce mouvement pour beaucoup de raisons. C’est comme vivre les années de décadence. Cela se reflète dans l’aspect du mouvement. Il y avait beaucoup de divisions après que Syriza ait pris le pouvoir. L’une des problématiques initiales est de rester ensemble.

Une psychologue du Centre pour les migrants d’Arsis l’évoque en termes de dévastation :

Pour nous tous, ça a été dévastateur : on est passés du haut au bas. Ils ont enlevé l’espoir de continuer le combat. Ils ont enlevé le besoin de protester, ils l’ont éradiqué. Mais je ne peux pas les blâmer seulement eux. Après cela, les gens ont cessé d’avoir de l’espoir. On peut faire beaucoup de choses, mais pas si on provoque de la dépression. Il faut donner l’espoir d’une respiration.

Une archéologue le décrit en ces termes :

Le peuple en 2015 a donné tout ce que la gauche voulait. Il a donné son vote son soutien, le referendum. Il a donné toute sa force et tout a été perdu tout d’un coup. Le comportement de Syriza à l’égard du peuple a été le pire de tout : mener à une certaine hauteur, puis la chute absolue.

Et elle le réinscrit dans un contexte historique :

La manière dont le pays s’est constitué au XIXème siècle était aussi une mainmise occidentale. Mais au fil du temps, le pays tant bien que mal a réussi à faire son chemin. Il y a aussi eu les grandes guerres mondiales. Concernant la deuxième, es Grecs ont pu construire une identité différente, via la résistance pendant la guerre, puis la guerre civile. On voyait toujours cet indice, mais il était plus ou moins manipulable par l’État grec. Maintenant, c’est aune autre sorte de mainmise : elle fait perdre la souveraineté. Il n’y a plus du tout de démocratie ou de souveraineté : même le gouvernement grec applique mais ne décide pas.

Perte souveraineté nationale et perte de souveraineté populaire ont bel et bien, ici, le même sens : celui, précisément d’une perte de l’énergie vitale qu’un peuple peut donner à son propre pays en se sentant acteur de la décision politique : la désolidarisation que produit la perte de représentativité conduit à une dévitalisation politique traduite, sur le plan de la santé, en termes de dépression. Et une psychiatre-psychanalyste insiste sur la manière dont celle-ci ne doit en aucun cas être psychologisée. C’est un véritable acte thérapeutique d’en reconnaître la nature socio-politique :

Ce n’est pas un problème psychique, c’est un problème social visible psychiquement. C’est pourquoi il y a beaucoup de travail entre nos mains. Les familles pauvres ont plus de problèmes, et les jeunes générations en particulier. Les 35-40 ans qui perdent leur travail ont des attitudes de passivité, de somatisation et de dépression.

Beaucoup de patients ont juste besoin de parler à quelqu’un, ils n’ont pas besoin de psychothérapie. Je leur donne plutôt l’adresse d’un juriste ou d’un travailleur social. Je ne fais pas de travail psychologique avec eux : je refuse de psychiatriser. Si on leur donne des médicaments, ils se sentent malades et donc passifs. Ils doivent s’organiser, et non pas se sentir malades.

L’étroite corrélation entre santé physique, santé mentale et santé politique doit donc être explorée dans les modalités de leur interaction : le découragement, la fatigue, la lassitude, produisent au niveau micropolitique les effets organiques d’une macropolitique dévastatrice. Ils sont des modes de désolidarisation du corps social, là où, au contraire, l’énergie politique est porteuse de ce que Nietzsche appelait « la grande Santé ».

4. De la désorientation juridique à la répression policière

Du côté de ceux qui travaillent auprès des migrants, cette perte de souveraineté va accompagner les processus de globalisation, induisant une véritable désorientation juridique, sur laquelle insiste une intervenante dans les camps que j’ai pu interroger :

La loi change tout le temps, donc on n’a pas de base solide, tout dépend de l’Union européenne. On ne sait donc pas ce qui va se passer d’un moment à l’autre. Cet endroit est temporaire, ils sont là pour ne pas être mis en prison. Ils restent ici deux à trois mois, et ensuite ils cherchent un abri.

C’était plus facile de visiter les camps avant. C’est plus difficile maintenant, parce qu’il y a plus de contrôle. On dépend du ministère de l’immigration, et ça pousse à la paranoïa.

Et elle en montre l’impact sur les migrants mineurs :

Tout le procédé prend un an. Ils préfèrent donc partir illégalement sans attendre. Donc certains préfèrent aller illégalement, même ceux qui ont la possibilité d’y aller légalement parce qu’ils ont de la famille. Ils sont venus ici, ils n’ont pas de famille, ils avaient une culture différente et ils doivent être incorporés dans la nôtre. C’est difficile car ce sont des adolescents, et ils doivent apprendre une langue, aller à l’école, etc.

Il y a donc des violences ici. Beaucoup de combats entre eux ; pas à cause de leur nationalité, mais à cause de leur situation. Ce n’est pas une place sécurisée avec une vie normale.

Une autre ajoute :

J’ai travaillé à Idomeni de janvier à mai 2016, jusqu’à la fermeture. C’était complètement fou. La situation de janvier à mai changeait tous les mois, puis toutes les semaines. Les frontières ont fermé, et il n’y avait plus de centre. Des gens de Syrie, d’Irak, on ne savait pas quoi leur dire, parce que ça changeait tout le temps. Les gens se demandaient s’ils ne venaient là que pour quelques heures, c’était de mal en pis.

C’était la procédure pour l’accompagnement des enfants qui posait problème : ça changeait, d’abord tous les ans, puis tous les mois, puis toutes les semaines, puis tous les jours. On leur disait de voir sur un mois, puis dans une semaine, puis qu’on ne savait pas.

Et elle en montre les conséquences criminelles en termes de trafic d’êtres humains :

Tout le monde à Idomeni était sous la coupe des passeurs, les frontières n’étaient pas ouvertes. C’était une des choses les plus importantes que j’aie vues. C’était très difficile, et si fou tout le temps. Il y avait un hôtel près du camp, qui était très connu pour être un repaire de passeurs. C’était en partie fermé. Après Idomeni beaucoup de gens y allaient. Maintenant, l’hôtel travaille encore. Pour passer la frontière, ils avaient à faire des choses dans cet hôtel. Il y avait beaucoup de mineurs, nous ne savons pas où ils sont maintenant. Peut-être qu’ils ont passé la frontière, mais en échange de quoi ?

La désolidarisation du corps politique donne ainsi prise à l’émergence des mafias, qu’elle alimente. Une politique qui s’affirme à l’encontre du désir de savoir, à l’encontre du désir de mobilité, à l’encontre du désir de solidarité, à l’encontre du désir de sécurité, ne peut donc que s’imposer à l’encontre de ce qui fonde une existence humaine, comme à l’encontre de ce qui construit un corps politique. Dès lors donc que la représentativité a perdu son sens, la décision dirigeante ne peut se réaliser que par l’exercice de la force. C’est la même logique qui fait muter le droit, qui alimente les mafias, qui persécute les migrants et qui tente de bloquer l’émergence des mouvements sociaux. Et elle ne peut le faire que par le recours à la violence policière. Une psychologue de a clinique solidaire le dit :

Syriza est arrivé au pouvoir. Mais la situation est restée la même, la guerre de l’Europe ne finit pas. Oui nous avons une guerre.

Et l’idée en est reprise par un chercheur en sciences politiques :

En mai-juin 2011, il y a eu une véritable guerre avec les gaz chimiques : une violence directe, avec une utilisation des gaz chimiques augmentant en qualité et en quantité, un usage des armes chimiques en masse. Pas seulement pour contrôler la mobilisation, mais pour créer la peur parmi les militants et une société mobilisée dans sa majorité.

D’où la mutation de la police elle-même :

La police a pris les caractéristiques de devenir plus une armée, avec la fondation de l’Unité Delta, conçue comme une unité spéciale anti-révolte. Ce sont des fascistes. Ça a commencé en 2009, après l’expérience de 2008, pour voir comment on chasse les anarchistes et l’extrême gauche.

Et il précise :

Jusqu’en 1974, l’armée joue un rôle principal dans la vie politique en Grèce, à cause de la dictature. Mais, après la dictature, ce rôle est aboli par le gouvernement, aussi à cause de la question chypriote.

La question est : après la dictature, qui jouera le rôle politique qu’avait l’armée ? La réponse à cette question est donnée quelques années après, pendant la décennie soixante-dix, avec la fondation du MAT (forces spéciales de la police), qui sont un pilier de l’établissement du pouvoir post-dictature, et qui opèrent partout, parce qu’il y a un climat de mobilisation très important.

Analyse qui recoupe celle que propose en 2011 l’anthropologue Didier Fassin du rôle joué par la police en France :

Comment comprendre une telle rupture avec le « pacte républicain » au sein même de l’institution chargée de le faire respecter ? On a récemment souligné la militarisation de la police dans de nombreux pays, au regard de l’évolution des stratégies et des technologies, notamment dans les contextes de désordres urbains. S’agissant des BAC, cependant, un autre phénomène est à l’œuvre : on peut le qualifier de paramilitarisation. 3

Cette paramilitarisation est par excellence la maladie du système républicain, celle qui pervertit la raison d’être même d’une police, pour faire muter en politique sécuritaire l’aspiration légitime à la sécurité. La répression y devient alors la forme ordinaire et banalisée de la gouvernementalité républicaine.

5. De la gouvernementalité dans les jeux stratégiques qui la subvertissent

Mais ces effets de violence peuvent être aussi analysés dans la perspective des jeux stratégiques qui permettent de les contourner. Dans un entretien avec le sociologue Howard Becker paru en 1984, Foucault dit :

Il me semble qu’il faut distinguer les relations de pouvoir comme jeux stratégiques entre des libertés (…) et les états de domination qui sont ce qu’on appelle d’ordinaire le pouvoir. (…) Dans mon analyse du pouvoir, il y a ces trois niveaux : les relations stratégiques, les techniques de gouvernement et les états de domination.4

Ce sont ces trois niveaux qu’il nous faut maintenant interroger. Car la gouvernementalité n’est pas seulement la manière dont les États gouvernent les populations, elle est aussi la manière dont les sujets se gouvernent eux-mêmes, et dont d’autres formes de pouvoir se substituant à celui de l’Etat, produisent des effets en retour sur cette gouvernementalité elle-même. Foucault écrivait déjà, en 1978, pour son cours au Collège de France Sécurité, territoire, population :

L’État n’est peut-être qu’une réalité composite, une abstraction mythifiée, dont l’importance est beaucoup plus réduite qu’on ne croit. Peut-être, ce qu’il y a d’important pour notre modernité, c’est-à-dire pour notre actualité, ce n’est pas l’étatisation de la société, c’est ce que j’appellerais plutôt la « gouvernementalisation » de l’État.5

Que signifie une telle distinction ? Elle signifie d’une part que la question du pouvoir n’est pas nécessairement celle de l’État, et que ce dernier est bien loin d’en avoir le monopole. Pour le meilleur et pour le pire, puisque l’ultralibéralisme contemporain donne l’exemple d’une destitution de l’État au profit de systèmes de gouvernementalité globalisés, dont la situation de la Grèce est actuellement emblématique. De ce point de vue, les « états de domination » tels que les évoque Foucault sont d’autant plus puissants, violents et omniprésents qu’ils sont précisément désétatisés, comme le montrent les systèmes entrepreneuriaux de délocalisation, ou l’exemple de ce qu’on nomme « paradis fiscaux », échappant au contrôle étatique. Comme le montre aussi l’uniformisation destructrice des politiques de santé, sous une hégémonie mondialisée, la question de la santé faisant paradigme de la destruction des politiques publiques.

Mais la distinction opérée par Foucault signifie aussi le niveau des « jeux stratégiques entre les libertés ». La gouvernementalité n’est pas seulement la manière oppressive dont s’exerce un gouvernement. C’est aussi la manière subversive dont se tissent des réseaux qui, dans le même temps où ils peuvent donner prise à ce gouvernement, sont aussi susceptibles de lui échapper. Le fait qu’il y ait gouvernementalité signifie non pas seulement que l’État n’a pas le monopole du pouvoir politique, mais que ce pouvoir ne peut pas être centralisé dans une commande unique, et se présente de façon diffuse. Si toute forme de pouvoir subjective les individus, c’est-à-dire les conditionne aussi bien physiquement que mentalement, cette subjectivation elle-même ne produit pas que de l’uniformité, mais ouvre au possible de la solidarité, de même que toute éducation participe à la construction de ce qui va lui échapper.

Une partie de la gouvernementalité relève de la domination (étatique ou globalisée), mais une autre relève des « jeux stratégiques entre les libertés », c’est-à-dire qu’il y a, dans toute forme de pouvoir, du « jeu » au sens mécanique du terme : ça bouge, ça vacille, ça grince, ça ne colle pas. Et ça produit des réactions. Là se trouvent désignés, entre autres, les effets-retour qu’Internet peut permettre, et la façon dont son instantanéité peut produire des formes de réactivité, ou de contournement brutal des pouvoirs comme on l’a vu, depuis les années deux mille, avec les affaires Assange et Snowden. Et sur ce point, la cybernétique, comme art du gouvernement, est aussi destitutrice de l’hégémonie. Si elle engage des formes d’homogénéisation de la pensée, elle suscite aussi des forces plurielles, dont les effets ne sont jamais prédictibles. La grande conférence Macy de 1947, qui a lancé le concept de cybernétique, s’intitulait Feedback mechanisms and circular causal systems in biological and social systems6.

Foucault en annonçait les effets dans sa préface à L’Histoire de la sexualité :

Il m’a semblé qu’il fallait plutôt se tourner du côté des procédés du pouvoir. (…) Ce qui impliquait qu’on place au centre de l’analyse non le principe général de la loi, ni le mythe du pouvoir, mais les pratiques complexes et multiples d’une « gouvernementalité », qui suppose d’un côté des formes rationnelles, des procédures, techniques, des instrumentations à travers lesquelles elle s’exerce et, d’autre part, des jeux stratégiques qui rendent instables et réversibles les relations de pouvoir qu’elles doivent assurer.7

Que les relations de pouvoir soient « réversibles » nous dit très clairement que l’espace des « jeux stratégiques » ne doit pas être laissé aux nouvelles féodalités créées par la globalisation, mais qu’il peut être aussi investi par les mouvements solidaires permettant non pas seulement des résistances, mais des reconstructions de l’espace public. Un certain nombre de mouvements de revendication contemporains, dont l’ampleur a été potentialisée par la capacité de diffusion et de contournement d’Internet (Occupy, Nuit debout, ou les multiples modalités des « printemps arabes ») en ont ouvert comme une amorce, et peuvent nous donner à repenser à nouveaux frais le concept foucaldien de gouvernementalité. Dans un entretien de 1982, Foucault revenait sur ses propres analyses :

J’appelle « gouvernementalité » la rencontre entre les techniques de domination exercées sur les autres et les techniques de soi. J’ai peut-être trop insisté sur les techniques de domination et de pouvoir. Je m’intéresse de plus en plus à l’interaction qui s’opère entre soi et les autres.8

Ces interactions sont au cœur du rapport contemporain au pouvoir et à la solidarité. Si elles supposent une vigilance sans faille à l’égard des risques que la connexion fait courir aux libertés, elles nécessitent aussi une confiance dans les possibilités nouvelles de lutte offertes par l’outil informatique, qu’on ne peut ignorer. Diffuser une information alternative à celle des grands médias, appeler à un rassemblement, faire circuler une pétition, dénoncer les abus de pouvoir, susciter la colère, proposer de nouvelles voies ou d’autres pistes d’action, internationaliser les solidarités, sont des ambitions qui passent désormais par un outil qui, s’il est celui de la surveillance, peut devenir aussi celui de la revendication. Et de ces modalités contradictoires, il est désormais nécessaire de savoir jouer.

6. La mélancolie peut-elle constituer une dynamique politique ?

On doit donc garder en tête que la création de ce qu’on appelle « démocratie », c’est-à-dire de l’idée démocratique moderne, n’est nullement liée à un désir particulier de bienveillance des pouvoirs à l’égard du peuple, mais à la conviction très pragmatique de la nécessité d’une participation collective au bien commun, sans laquelle l’effet de parasitage ne peut que gangréner la construction économique elle-même. C’est de cette rationalité politico-économique réaliste que procédait originellement la valorisation moderne du travail.

C’est précisément à l’encontre de cette rationalité constructive que s’instaure la réalité de l’exploitation. À cet égard, la notion même de « ressources humaines » telle qu’elle se déploie dans le management contemporain, est exactement antagoniste d’un concept du travail lié à la solidarité sociale : elle renoue – en dépit du vernis contemporain que lui confère son adéquation aux processus de globalisation – avec la pensée discriminante des systèmes féodaux. Il nous paraît indispensable de mettre en évidence cet archaïsme socio-politique d’une prétendue modernisation de l’économie, et de montrer au contraire le potentiel novateur d’une pensée politique de la solidarité, rompant avec les archaïsmes charitables de la bienveillance humanitaire.

Et il nous paraît tout aussi indispensable de poser cette question : quand les principes du commun tels qu’ils étaient pensés par la réflexion politique proposée par le marxisme et les théoriciens de l’émancipation ont-ils été mis en pratique à un niveau macropolitique ? Jamais. En quoi devrions-nous donc être « déçus » par des théories auxquelles n’a pas encore été donnée la possibilité de se réaliser ? À cet égard, l’historien Enzo Traverso, dans son livre sur la Mélancolie de gauche paru en 2016, offre des perspectives éclairantes lorsqu’il écrit :

En Europe, les luttes anti-impérialistes se sont construites dans la continuité des mouvements de la résistance contre le nazisme. (…) Cette vague puissante s’est épuisée dans les années 1980. Son épilogue fut la révolution nicaraguayenne en janvier 1979, qui coïncida avec la découverte traumatique des charniers cambodgiens.9

Mais son principe nous paraît erroné lorsqu’il affirme :

Le XXIème siècle nous a donc apporté une nouvelle forme de désillusion. Après le « désenchantement du monde » décrit par Max Weber il y a un siècle – la modernité comme âge déshumanisé de la rationalité instrumentale – nous avons vécu un second désenchantement, né de l’échec de ses alternatives. Cette impasse historique est le produit d’une dialectique bloquée.10

Tenter de faire de la mélancolie un moteur de l’action politique (ce que tente Traverso), nous paraît proposer l’usage d’un moteur d’occasion qui aurait coulé une bielle pour engager la traversée d’un désert. La « bile noire », qui définit depuis Hippocrate l’humeur mélancolique et l’état dépressif qui en est la conséquence peut être une source de créativité littéraire et iconique, ou de recentrement narcissique ; on voit difficilement en quoi elle pourrait mobiliser une action politique ou une énergie collective. Si la mélancolie de gauche est une réalité incontestable, et fort bien analysée dans ses moments historiques par Traverso, elle nous paraît plutôt être un facteur d’analyse des échecs d’une pensée de gauche et de ses difficultés à se réaliser, qu’un élément de dynamisation de l’action. Et s’il est nécessaire de la prendre en compte, c’est bien plutôt pour tenter d’y trouver des parades efficaces et de réels contre-poisons. Car, clairement, le culte de la mélancolie est un luxe que le danger politique ne permet guère. Et lutter pour la santé politique ne nous paraît pouvoir se faire que dans les perspectives de la vitalité.

De fait, le regard rétrospectif ne nous offre pas que la vision de l’échec et d’une « dialectique bloquée ». Il nous offre aussi un inépuisable modèle d’énergie, de courage, d’esprit d’entreprise, de volonté collective et de sens du commun, dont le réservoir alimente la pensée autant que l’action. De ce qui a été réalisé, on peut dire que c’est sorti du possible pour entrer dans l’ordre du réel ; et de ce qui a échoué, on peut chercher les causes de l’échec dans des données historiques dont les soubassements restent à examiner. Enfin, de la réalité des soulèvements, on peut tirer argument non pas seulement pour dénoncer leur répression, mais pour établir leur légitimité, et, plus encore, la possibilité de leur réémergence à de nouvelles conditions.

De ce point de vue, l’activité intellectuelle n’est pas affaire de regard mélancolique sur les deuils ou la déploration, mais bien plutôt de regard prospectif en vue des mobilisations. Et le regard rétrospectif sur l’analyse des échecs ne prend son sens politique que s’il a en vue d’en tirer des enseignements stratégiques. Dans le cas contraire, il ne fait qu’offrir des munitions à l’ennemi.

Qu’une pensée de gauche ne se définisse pas du côté du pouvoir, ne signifie pas pour autant qu’elle se définisse du côté des vaincus, mais bien au contraire qu’elle situe ceux qui semblent les vainqueurs temporaires dans la perspective de leurs défaites futures, et qu’elle contribue à les préparer.

1 Michel Foucault, « Questions à Michel Foucault sur la géographie », in Hérodote n°1, janvier-mars 1976. in Dits et écrits, t. II, Gallimard, 2001, p. 32.

2 Ibid., Prop IX. Scolie, p. 173.

3 Didier Fassin, La Force de l’ordre, une anthropologie de la police des quartiers, Seuil, 2011, p. 265.

4 Idem, « L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté », op. cit, p. 1547.

5 Idem, « La gouvernementalité », op. cit., p. 656.

6 Mécanismes d’effet-retour et systèmes de causalité circulaire dans les systèmes biologiques et sociaux.

7 Michel Foucault, « Préface à l’histoire de la sexualité », op. cit., p. 1401.

8 Michel Foucault, « Les techniques de soi », op. cit., p. 1604.

9 Enzo Traverso, Mélancolie de gauche. La force d’une tradition cachée (XIXe-XXIe siècle), La Découverte, 2016, p. 19.

10 Ibid., p. 17.

 

Casinos vs santé La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Casinos vs santé

Ciel gris, admirables orages ce week-end sur la Grèce. À Athènes, la lourdeur est autant politique, entre le mémorandum 4bis adopté cette semaine, et en prime, cette parodie d’accord présumé sur l’affaire dite macédonienne, imposée par les États-Unis, l’Otan, Bruxelles et Berlin à la marionnette Tsípras, et voila que toute la Grèce se rebiffe. Nous y reviendrons. Cependant, un autre événement a eu lieu cette semaine et il a été malheureusement ignoré des… grands médias. Une conférence de presse exceptionnelle avait été tenue par les responsables du Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón jeudi 14 juin, émotion alors et aussi espoir, le blog “Greek Crisis” y était invité.

Ceux d’Ellinikón à Bruxelles en 2015 (presse grecque)

Au beau milieu de cette Grèce du chaos ordonnancé, le Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón vient de recevoir il y a peu, “sa” lettre d’expulsion. La société Ellinikón S.A. ayant “acquis” l’ensemble du site de l’ancien aéroport sous la “gouvernance” Tsípras, tout doit… entrer visiblement dans le nouvel ordre des choses et des affaires, l’ultimatum adressé aux médecins bénévoles, ainsi qu’à l’ensemble des solidaires du centre Médical avait été fixé pour la fin du mois de ce juin 2018. Les… investisseurs ne doivent plus attendre, c’est bien banal.

Le cardiologue Yórgos Vichas, co-initiateur du Centre, a expliqué lors de la conférence de presse que dans un premier temps, le gouvernement est resté indifférent et muet devant le scandale de son expulsion, de même que l’Ordre des médecins d’Athènes comme d’ailleurs, à l’exception notable de l’Ordre des dentistes du Pirée. Solidarité disons soluble. Yórgos Vichas a également insisté sur le fait que le Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ne quittera pas les lieux, tant qu’une véritable solution de délocalisation ne soit trouvée, proposée et débattue.

“Ceci est d’ailleurs une obligation de la Politeía, autrement-dit du gouvernement, et cela sous ces seules conditions alors posées par nous: Que notre Centre Médical Solidaire puisse poursuivre dans sa mission sans la moindre modification ni interférence dans son mode de fonctionnement. N’oublions pas que notre centre rempli une mission d’intérêt public, nous accueillons entre 700 et 1000 patients par mois, et notre action est pour tout dire connue et reconnue jusqu’à l’étranger. Cette semaine, une manifestation de soutien à notre Centre a eu lieu devant les représentations diplomatiques grecques à Bruxelles, et ce n’est qu’un début dans les réactions.”, Yórgos Vichas durant la conférence de presse (le 14 juin 2018).

Chaos, Athènes, années dites de crise
Ambulance… Grèce, années dites de crise (presse grecque)
“Les médecins grecs émigrent en Allemagne” (presse grecque, 2014)

“Nous venons d’apprendre que Panos Skourlétis, Ministre (SYRIZA) de l’Intérieur vient d’intervenir cette semaine à l’Assemblée en faveur de notre Centre et ceci, après plus de deux semaines de silence. Que s’est-il alors passé ? D’après nos informations, il y aurait eu un mail de la Troïka (‘Institutions’), exigeant du gouvernement que de ne pas expulser notre structure avant de trouver une solution définitive et durable.”

“Cette issue, vraisemblablement positive avait été entre autres, le résultat de nombreuses pressions internationales, faisant suite à toute cette formidable chaîne de solidarité qui nous entoure et qui nous encourage depuis les autres pays en Europe et même ailleurs.” Un peu ‘off the record’, les bénévoles du Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ont encore indiqué que comme la… formule bien trouvée, laquelle avait été lancée ces derniers jours à Bruxelles fut: “Casinos vs Santé”, et que comme cette formule a été jugée visiblement préjudiciable pour l’image de marque des… investisseurs, alors, la Troïka aurait finalement jugé bon d’intervenir pour indiquer au gouvernement grec que le Centre Médical Solidaire devait rester en place faute de solution de relocalisation.

Non à l’expulsion du Centre. Ellinikón, 14 juin 2018
Yórgos Vichas lors de la conférence de presse du 14 juin

Ceux du Centre, ont à l’occasion rappelé que leur bel exemple si réussi aux dires et aux yeux de tous, est autant un cas d’école, car le fonctionnement s’opère sans aucune hiérarchie entre les bénévoles, et que cette structure libre n’a pas d’existence juridique officielle.

“Notre grande force, c’est celle des citoyens ; et nous pratiquons à la fois la solidarité, la dénonciation des responsabilités, et la résistance. C’est pour cette raison que notre Centre n’a pas voulu recevoir le Prix qui lui a été décerné par le Parlement européen en 2015… Les bourreaux ne peuvent pas en même temps nous récompenser pour nos actions”, conférence de presse du 14 juin 2018.

“Le site de l’ancien aéroport n’est pas à vendre”, luttes des années 2011-2017
La… zone euro. Presse grecque, années dites de crise
Sur un certain Tsípras. Place de la Constitution, 2016 (presse grecque)

Il a été également évoqué que depuis ses débuts en 2011, près de 70.000 patients se sont adressés au Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón, et 7.000 d’entre eux ont été suivis et pris en charge de manière constante. Actuellement, près de 9.000 boîtes de médicaments sont administrées par le centre chaque mois, tandis qu’en moyenne 30.000 autres boîtes sont offertes chaque mois par le Centre d’Ellinikón à d’autres structures qui en font la demande suivant leurs besoins urgents.

L’action du Centre, ce sont aussi près de 4.900 examens médicaux (imagerie et laboratoire) effectués par ses soins, ainsi que 128 interventions chirurgicales urgentes que certaines structures privées ont voulu prendre entièrement et gratuitement en charge au bénéfice des patients suivis à Ellinikón.

“Nos actions sont à la fois larges et ciblées”, a voulu préciser Yorgos Vichas. “Nous avons été à l’origine de 48 pièces de théâtre, comme nous sommes à l’origine de nombreuses structures informelles de solidarité et d’échange de services entre chômeurs. Au départ, nous avions même instauré une ‘banque de temps’, sauf que très rapidement elle n’a plus été nécessaire. Les échanges se font alors spontanément, suivant les besoin et voilà que la nécessité de compter a aussitôt disparu.”

Manifestantes. Athènes, temps de crise
“Après la crise ?” MuCEM, Marseille, 2014

“Notons que parmi les structures qui nous ont sollicités pour recevoir les médicaments de notre part, on compte certains hôpitaux publics et parfois militaires, les autres Centres de Santé solidaires bien entendu, l’Église, l’administration pénitentiaire, les Centres d’accueil pour refugiés et migrants, les dispensaires publics surtout ceux des îles, Médecins du Monde, d’autres ONG et enfin, certains établissements scolaires publics.”

“Notre mission publique est ainsi complémentaire à celle du système de Santé, surtout lorsque ce dernier ne peut plus remplir son rôle ni ses missions, d’où d’ailleurs cet oxymore alors de taille: L’État fait appel à nous en reconnaissant notre rôle et en même temps ce même État… organise et met en exécution la fermeture brutale de notre Centre.”

Lorsque j’ai co-organisé en 2014 MuCEM à Marseille cette émouvante semaine riche en débats et en manifestations sous le titre “Après la crise ?”, Yórgos Vichas avait été parmi les nôtres dès le départ. Comme il y a déjà quatre ans, ses actes rejoignent les paroles, et son verbe est toujours aussi aiguisé.

“Nous exposons la situation de la Santé en Grèce sous la Troïka, nous dénonçons cette politique à travers l’Europe et le monde, nous considérons que cette politique introduite et planifiée par l’Union Européenne, par le FMI, par la BCE et par les gouvernements grecs est une forme de génocide. D’ailleurs, j’ai eu l’occasion d’en débattre de manière très constructive avec certains juristes internationaux lors d’un conférence en Suisse il y a quelques mois, sur cette dimension juridique de l’affaire grecque”, précise-t-il Yórgos Vichas (conférence de presse du 14 juin à Athènes).

Malade d’une tumeur ? Athènes, mai 2018
Vieux café. Athènes, 2018

Et nous avons bu ensuite toute notre tasse des impressions du jour dans un vieux café d’Athènes, sous le regard des retraités, tout comme sous celui des animaux adespotes (sans maître) des lieux. Nous savons que depuis… le fait si bien accompli de la dite crise, les retraités couverts certes par la Sécurité Sociale grecque, représentent désormais près de la moitié des patients qui trouvent… refuge au Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón.

“Ils viennent vers nous car leur semblant de retraite (souvent de moins de 400€ par mois) ne leur permet pas de couvrir les frais de participation pour ce qui tient des médicaments prescrits. Dans la même logique, nous recevons de plus en plus ceux qui ne sont ni retraités, ni actifs, personnes alors âgées entre 55 et 60 ans, génération dont la détresse est alors évidente”, précisent-ils les responsables du Centre d’Ellinikón.

Dans le même ordre d’idées, la “gouvernance” SYRIZA se met désormais à octroyer depuis quelques mois, des aides allant de 100 à 300 euros par mois, à une petite fraction des larges paupérisés du pays, après les avoir dépouillés de leurs biens, tout comme, après les avoir privés de travail. Les conditions d’octroi de ce type d’aide sont draconiennes, notamment, les tristes… élus ne doivent pas posséder grand-chose en immobilier ou autre type de bien.

Sous entendu: Bradez vos biens car vous ne retrouverez plus de travail et encore moins la moindre manière d’entreprendre… d’en bas. Ainsi, le système d’assistanat globalisant fera de vous des assistés, qui plus est, chroniquement dépressifs, dépendants, et historiquement inoffensifs pour les globalisateurs. Le tout, avec l’aimable participation de la sous-traitance clientéliste de SYRIZA, comme autant des autres partis politiques participant à la mascarade pseudo-démocratique actuelle, et pour tout dire, très exactement payés pour. C’est décidément pour cette raison que la législation SYRIZA/Troïka du moment se soucie alors davantage des casinos que de la santé publique.

Trière sacrée, céramique antique, Athènes, 2018
Notre poète Elytis. Années 1990
Dormir en paix. Athènes, mai 2018

Il est ainsi loin le temps des Trières sacrées des Anciens, de même que celui de notre poète Elytis pour qui, la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot. br />
Elytis s’est d’ailleurs longtemps posé la question d’Hölderlin “à quoi bon des poètes dans ces temps si sombres?”. Oui, à quoi bon des poètes et des bénévoles, à l’image de ceux Centre Médical Solidaire et Métropolitain d’Ellinikón ? Peut-être, parce que la poésie commence là où la mort n’a pas le dernier mot.

Sous le regard des animaux adespotes. Athènes, mai 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Translate »