Publications par catégorie

Archives de catégorie France

La Grèce renforce sa présence en Méditerranée pour contrer la Turquie

La Grèce s’engage depuis peu sur le terrain de la défense aux côtés de ses alliés français et américains en Méditerranée, espérant obtenir leur soutien face à la Turquie voisine et attirer leurs investissements.

Sur fond de tensions en Méditerranée orientale, le gouvernement conservateur a, en un seul mois, renforcé sa coopération stratégique avec Paris, relancé un accord militaire avec Washington et décidé de l’envoi de missiles Patriot en Arabie Saoudite. En outre, une frégate grecque participe depuis la semaine dernière à la mission du porte-avion français Charles-de-Gaulle dans l’est de la Méditerranée. L’objectif officiel de cette mission est d’appuyer les opérations antjihadistes en Syrie et en Irak, mais aussi d’assurer la stabilité dans la région.

Lors du vote récent au Parlement d’un accord de défense gréco-américain, le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis s’est félicité du « renforcement de l’alliance stratégique avec les Etats-Unis », soulignant par ailleurs que la coopération militaire avec la France « n’a jamais été meilleure ».

Elle vient s’ajouter aux récentes démarches diplomatiques d’Athènes contre les accords controversés signés entre Ankara et le gouvernement libyen de Tripoli, qui redessinent les frontières maritimes en ignorant la présence des îles grecques. Dénoncés par l’UE, ces accords ont mis de nouveau à l’épreuve les relations gréco-turques, traditionnellement délicates. Outre la question du flux migratoire depuis les côtes turques vers les îles grecques, les deux voisins se heurtent de longue date sur des questions de souveraineté en mer Égée.

« La participation de la Grèce à la force européenne en Méditerranée est une nécessité sachant les provocations de la Turquie et ses tentatives de s’imposer dans cette zone en dépit du droit international », indique à l’AFP Kostantinos Filis, directeur de recherches à l’Institut grec des relations internationales.

La Grèce cherche à « renforcer sa capacité de dissuasion contre ceux qui ont éventuellement des visées » dans la zone, déclare le porte-parole du gouvernement Stelios Petsas.

La France « allié idéal »

Selon des diplomates, la France a encouragé la Grèce à être « plus autonome » et « à jouer un rôle plus actif dans les initiatives européennes de défense comme au Sahel », où est engagée la force française Barkhane. « La France est actuellement l’allié idéal pour la Grèce », qui veut tonifier son industrie de défense, observe Panayotis Tsakonas, professeur de droit international à l’Université d’Athènes et chercheur au centre grec de politique européenne, Eliamep. Cet expert rappelle que « les deux pays partagent la même position sur la situation en Méditerranée orientale ». Il évoque les intérêts des sociétés françaises impliquées dans les forages d’hydrocarbures au large de Chypre, allié principal de la Grèce.

La Turquie, qui occupe depuis 1974 la partie nord de l’île et conteste le droit de Nicosie d’exploiter les gisements en Méditerranée, a empêché ces forages à plusieurs reprises, au grand dam des Occidentaux. En négociation pour l’achat de deux frégates françaises Belharra, Athènes espère construire certaines parties de ces bâtiments dans ses chantiers navals. Les deux pays prévoient de signer un accord « stratégique » fin février.

« Pression » américaine

La nouvelle politique de défense d’Athènes provoque toutefois de vives critiques de l’opposition de gauche, qui taxe le gouvernement conservateur d’aventurisme.
« Vous entraînez le pays dans des aventures qui dépassent sa capacité et changent la politique étrangère suivie depuis des décennies », a fustigé l’ex-Premier ministre Alexis Tsipras.
Le déploiement de missiles Patriot en Arabie Saoudite « s’inscrit dans le cadre d’une initiative conjointe avec les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni » pour « assurer la sécurité des sites énergétiques cruciaux », a rétorqué le gouvernement. Mais l’analyste Konstantinos Filis voit dans cette décision « une pression américaine » et « le risque » d’une implication grecque dans la brûlante question iranienne.

Pour Athènes, qui cherche à doper son économie en souffrance après une décennie de crise économique et de coupes drastiques dans le budget de la défense, il s’agit aussi d’attirer de nouveaux investissements de ses partenaires. Selon le gouvernement grec, les Etats-Unis vont investir 12 millions d’euros dans la base aérienne à Larissa, dans le centre de la Grèce, et 6 millions d’euros sur la base américaine de Souda, en Crète. En contrepartie, Athènes va moderniser sa flotte d’avions de chasse américains F-16 et a exprimé son intérêt pour des drones et de F-35.

Source https://www.lorientlejour.com/article/1205730/la-grece-renforce-sa-presence-en-mediterranee-pour-contrer-la-turquie.html

À propos des retraites et de notre force collective en cas de crise financière

par Aline Fares 

Pourquoi le gouvernement français s’acharne-il à imposer cette transformation radicale du système de retraite alors que personne n’en veut ? La journaliste Martine Bulard dans un récent article [1] et le philosophe Jacques Rancière dans une déclaration aux cheminots grévistes [2] donnent une même réponse : “ils veulent qu’il n’y ait plus que des individus”, en d’autres termes, il s’agit principalement de pousser chacun.e à penser sa retraite comme un choix individuel, et de « briser le collectif ». Il y a bien sûr aussi (surtout ?) “les financiers en embuscade” (on a nommé Black Rock qui est emblématique, mais c’est tout l’appareil financier qui se lèche les babines). C’est d’ailleurs dans ces moments où l’on prend le point de vue des puissants et des financiers que tout devient plus clair, que tout ce qui semblait incompréhensible devient logique. Mais il y a autre chose : ces nouvelles avancées du pouvoir vers une destruction du système de retraite par répartition pourraient rendre encore plus difficiles nos choix collectifs en cas de crise financière.

  Sommaire
  • Refuser la construction d’une nouvelle “alternative infernale”
  • Se garder une marge de manœuvre pour le jour où les marchés s’effondreront

 Refuser la construction d’une nouvelle “alternative infernale”

Dans leur ouvrage “La sorcellerie capitaliste”, Isabelle Stengers et Philippe Pignarre nomment “alternatives infernales” “l’ensemble de ces situations qui ne semblent laisser d’autre choix que la résignation (…)” [3]. Une opération de “capture sorcière”.

Comme l’a dit F. Fillon (pas exactement notre allié dans l’affaire, mais bon, pour une fois …), “la retraite par point permet une chose (…) : de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions”. Voilà qui est clair. Et voici ce que cela produit : la perspective d’une retraite insuffisante nous pousse à être toujours plus prévoyant.e.s, individuellement, chacun.e depuis notre place… et si on le peut. Constituer un petit pactole, sous la forme d’un plan d’épargne-pension, comme on les nomme en Belgique. Cela devient un moyen (légitime, ce n’est pas la question) de se rassurer, de se dire que non, ces années qui suivront de longues années d’emploi ne seront pas juste une peine.

Les plans d’épargne-pension ainsi constitués font les choux gras des compagnies d’assurances et des banques qui les vendent, et on peut dire que le secteur financier doit une fière chandelle aux états : en Belgique, par exemple, l’épargne-pension, qui peut paraître incontournable dans bon nombre de situations faute de mieux (travailleur.euse.s indépendant.e.s, artistes, etc.), est aussi allègrement promue par une fiscalité avantageuse. Une petite visite sur des sites des lobbys du secteur permet de constater que ceux-ci ne s’en cachent pas : sans cette fiscalité, la rentabilité de leur activité prendrait un sérieux coup. En somme, les profits de ces banques et assurances sont pleins d’argent public – et c’est loin d’être le seul cas…

Mais il n’y a pas que des revenus de ces banques, assurances et autres fonds dont il faut se préoccuper. Car que se passe-t-il avec cet argent que nous mettrions dans un tel fond chaque mois, chacun.e de notre côté ? Que se passe-t-il avec cet argent qui – contrairement à la cotisation – ne sert pas à payer simultanément les retraites de ceux et celles qui ont cotisé pendant toutes leurs années de travail mais sert à alimenter les fonds et assurances-retraite qui sont ensuite gérés en notre nom ? On connaît la réponse : ils se baladent sur les marchés financiers.

Là où la retraite par répartition créé de la solidarité entre générations, entre actifs et inactifs, les fonds de pension créent un nouveau type de rapport social organisé autour d’une alternative infernale produite de toutes pièces (I.Stengers & P. Pignarre)

Les entreprises et individus en charge de la gestion de ces fonds prennent des décisions, chaque jour, pour “placer” ces masses colossales d’argent récolté. Ils les investissent dans des produits financiers divers : actions (part de capital d’une entreprise), obligations (part de dette d’une entreprise, d’un état, de particuliers), et autres fantaisies financières diverses et variées. Que se passera-t-il alors le jour où les marchés flancheront ?

C’est à cet endroit que l’on constate cette “emprise sorcière” que Stengers & Pignarre tentent de nous rendre visible dans leur livre : on sait que les marchés financiers nous font mal (licenciements boursiers, investissements dans les fossiles et autres pratiques destructrices, coût des crises financière, pour ne prendre que ces quelques exemples) et on peut se prendre à rêver à leur disparition, et pourtant “nous” pourrions bien en devenir une partie dès lors qu’une partie de notre retraite s’y trouve embarquée. Nous voilà coincé.e.s.

En cas de crise financière et donc de risque de dévalorisation des fonds et autres produits d’assurances investis sur les marchés financiers, les personnes qui auront souscrit à ces produits censés leur “garantir une retraite” convenable se retrouveront devant un terrible dilemme – une alternative infernale :

  • soit maintenir leurs “droits” et au passage, défendre des intérêts qui ne sont pas les leurs en maintenant en place un système financier qui profite à une minorité, nourrit les inégalités et détruit le vivant ;
  • soit abandonner ces “droits” et se retrouver avec le minimum garanti par ce qu’il resterait alors du système de retraite par répartition.

Et que se passerait-il alors ?

 Se garder une marge de manœuvre pour le jour où les marchés s’effondreront

Les questions que je me pose aujourd’hui peuvent se résumer ainsi : nos parents nous trahiront-ils le jour où les marchés flancheront de nouveau ? La “classe moyenne” dont on ne sait plus bien ce qu’elle comprend abandonnera-t-elle tou.te.s les autres ? Ceux et celles qui auront pu se constituer un petit pactole via les institutions financières soutiendront-ils un sauvetage massif du système bancaire et financier au nom de leurs retraites, et au prix de l’avenir des générations qui les suivent ? Se désolidariseront-ils de nous lorsque nous nous battrons pour que le coût de ces sauvetages bancaires ne nous soit pas imposé via de nouveaux plans d’austérité destructeurs, et pour que ces coûts soient imposées aux plus riches qui en ont largement les moyens ? Nous soutiendront-ils lorsque nous nous battrons pour restaurer une sécurité sociale digne de ce nom, qui nous permette d’abandonner ceux qui ont tout, et que nous voudrons enfin leur faire porter le coût de leurs violences ? Seront-ils prêts à courir le risque d’un inconfort passager, se mettront-ils à nos côtés, pour eux et elles aussi retourner dans ce système solidaire que constitue la retraite par répartition et dans les communs que nous reconquerrons ? Est-ce qu’ils y croiront, ou est-ce qu’ils se laisseront prendre par le discours du chaos qui ne manquera pas de tenter son retour : “si on ne sauve pas le système financier, TOUT va s’effondrer et il ne vous restera plus rien” ?

S’opposer au démantèlement des systèmes solidaires de retraite et de soins de santé, en France et ailleurs, empêcher coûte que coûte ce démantèlement, c’est se donner la possibilité de résister au discours du chaos et au gouvernement par la peur.

Alors oui l’heure est grave, et l’heure est à la grève, et il nous faut soutenir et amplifier, de là où nous sommes, le magnifique mouvement qui persiste en France.

Source : Chroniques d’une ex-banquière

[Le sujet des crises financières et d’une possible résolution socialement juste de ces crises est détaillé dans un précédent article intitulé “Prochaine crise financière: faire dérailler le scénario du désastre”, daté de Décembre 2019]
Notes

[1Article « Briser le collectif » paru dans Le Monde diplomatique de janvier 2020. Martine Bulard a aussi été interviewée par Là-bas si j’y suis suite à cet article, émission à écouter ici.

[3Citation complète, dans La sorcellerie capitaliste : pratiques de désenvoutement d’Isabelle Stengers et Philippe Pignarre, éditions La Découverte : Les alternatives infernales regroupent “l’ensemble de ces situations qui ne semblent laisser d’autre choix que la résignation (…) ou une dénonciation qui sonne un peu creux, comme marquée d’impuissance, parce qu’elle ne donne aucune prise, parce qu’elle revient toujours au même : c’est tout le système qui devrait être détruit”

Aline Fares 

Conférencière, auteure et militante.
Voir également sa page « Chroniques d’une ex-banquière »

Nous ne sommes plus en démocratie

Non monsieur Macron, nous ne sommes plus en démocratie Mercredi, 29 Janvier, 2020

Texte collectif.

Signataires : Jacques Bidet, philosophe, Christine Delphy, sociologue, Elsa Dorlin, politiste, Jean-Baptiste Eyraud, Droit au Logement, Eric Fassin, sociologue, Bruno Gaccio, artiste, Frédéric Lordon, philosophe, Jean-Luc Nancy, philosophe, Xavier Mathieu, syndicaliste, Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur, Willy Pelletier, sociologue, Monique et Michel Pinçon-Charlot, sociologues, Jérôme Rodrigues, gilet jaune, Malika Zediri, association de Chômeurs APEIS.

.

On connaît la formule : « la dictature, c’est ferme ta gueule » ; « la démocratie, c’est cause toujours ». Normalement, ce devrait être pour rire. Le problème, depuis longtemps déjà, c’est que beaucoup de supposés « démocrates » se contentent très bien de la formule : causez toujours. Et c’est vrai : trente ans que « ça cause » – dans le vide : aux gouvernements successifs, tous différents paraît-il, mais qui font tous la même chose. Et tous d’aller de stupéfaction en stupéfaction : TCE 2005, FN 2002 et 2017, Gilets Jaunes. Pour tous ces prétendus médiateurs, les alarmes n’auront pourtant pas manqué depuis vingt ans. Qu’ils s’examinent et s’interrogent : « quel compte réel en aurons-nous tenu ? » Et la réponse à la question éclairera aussitôt le présent politique et ses formes.

Du côté des pouvoirs, ce ne sont à l’évidence plus celles de la démocratie. Car il n’y a plus de démocratie là où plus rien de ce qui monte de la population n’est écouté. Il n’y a plus de démocratie quand un projet de loi dont tout atteste qu’il est refusé par une écrasante majorité est maintenu envers et contre tout. Il n’y en a plus quand le gros de la population est voué à l’enfoncement dans la précarité. Quand, les uns après les autres, tous les corps de métier se révoltent contre la destruction de leurs conditions d’exercice, et, pour toute réponse, n’obtiennent que les regards vides de leurs directeurs et la continuation de la destruction sans le moindre temps mort.

C’est pourquoi Emmanuel Macron s’enfonce un peu plus chaque fois qu’il répète que « la démocratie, c’est la parole, pas la violence », quand toute sa pratique du pouvoir atteste que la parole ne sert à rien – et qu’au lieu de son écoute il fait donner la police. Le pays entier gronde, et le pouvoir est sourd – on devrait dire plus exactement : et le pouvoir s’en fout. Ce serait même une définition possible, sinon de la dictature, du moins de la sortie de la démocratie : quand le pouvoir s’en fout.

C’est ce que les Gilets jaunes ont compris : quand toutes les voies de recours offertes à la parole de la population ont été tentées, depuis si longtemps et en vain, alors il ne reste plus d’autre solution que de faire autre chose. Il n’y a pas de violence politique de rue sans une faillite antécédente, abyssale, de la médiation institutionnelle. De la « démocratie », il ne reste alors plus que la forme vide de l’élection, ultime argument des gouvernants sécessionnistes qui ne veulent plus rien avoir à connaître des gouvernés. « Il a été élu régulièrement », « il est légitime ». Formules creuses d’un pouvoir séparé, qui pensait que « ne pas écouter » suffirait, que l’inertie ferait le reste, mais découvre que non, et n’a plus comme réflexe que de constituer ses opposants en « ennemis de l’Etat », pour leur appliquer une violence policière sans précédent depuis 70 ans, et les dispositions de l’anti-terrorisme. Au reste, tout le monde le sait : du moment où la police mettrait casque à terre, ce pouvoir n’aurait pas une semaine d’espérance de vie, et c’est bien à ce genre d’expérience de pensée qu’on connaît la nature réelle d’un régime politique. 

C’est que le « cause toujours » a, ces derniers temps, beaucoup reçu le renfort du « ferme ta gueule ». Oui, les gueules ont été fermées à coups de LBD, de grenades et de matraques. Mais aussi d’interpellations préventives, de directives aux parquets, de surveillance électronique, de versement de l’état d’urgence dans la loi ordinaire, et pour bientôt : de reconnaissance faciale et de lois de censure numérique. Tout ça mis ensemble commence à faire un tableau. « Essayez donc la dictature », nous enjoint par défi Emmanuel Macron. Comment dire… c’est bien, pour notre malheur, ce qu’on nous fait « essayer » en ce moment. Si une part si importante de la population est dans un tel état de rage, c’est d’abord par les agressions répétées qui lui sont faites, mais aussi parce que, précisément, après tant d’années à avoir été réduite à l’inexistence politique, elle aimerait bien « essayer la démocratie ».

Retraite : la liberté réduite au portefeuille

Retraite la réforme de trop : La liberté réduite au portefeuille par Martine Bulard,

.Dans l’art de prendre les Français pour des idiots, les syndicalistes pour des courroies de transmission, et les parlementaires pour des pantins, le couple Macron-Philippe est devenu champion. Pour tenter de casser le mouvement social, le premier ministre a annoncé le retrait — très provisoire — de l’« âge pivot ». Mais dans le projet de loi, il a introduit l’« âge d’équilibre », qui lui ressemble de manière troublante. Et il ne s’est pas contenté de le mentionner en passant : l’expression est citée 56 fois et elle constitue l’un des deux piliers de la réforme — avec l’introduction de la retraite par point. L’axe central, scandé tout au long des 145 pages du projet, étant « l’équilibre financier » du système, avec plus de retraités et pas de financements supplémentaires. Comment le patron de la CFDT, M. Laurent Berger, qui a combattu l’âge pivot peut-il défendre l’âge d’équilibre ? Mystère.

Quant aux parlementaires, ils sont appelés à faire de la figuration, chaque décision précise étant systématiquement renvoyée à de futures ordonnances où l’exécutif peut décider ce qu’il veut sans l’aval des élus. Le pouvoir devrait y avoir recours pas moins de 102 fois, si l’on en croit le texte du projet. Ainsi toute la période de transition, entre 2025 et 2037, est renvoyée à une ordonnance et donc au bon vouloir des duettistes de choc.

Difficile de détailler ici tous les articles de ce projet de loi. Certaines dispositions constituent un progrès : 1 000 euros pour une pension complète minimale (même si cette base est assortie de nombre de conditions), l’attribution de points pour les congés maternité (1)… Mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Pour le reste, la régression est en marche.

Dès le préambule, après avoir égrené des promesses de justice, le projet rappelle que l’âge légal est maintenu à 62 ans, mais que le gouvernement a fait « le choix de la liberté donnée à l’individu en fonction de son parcours, et en incitant les Français, sans les y forcer, à travailler un peu plus longtemps ». Sa majesté est trop bonne ! Grâce à la « liberté donnée », les Français auront donc le choix entre partir à 62 ans avec une retraite rabougrie ou travailler plus longtemps. Personne ne les forcera… sauf leur compte en banque. Encore faudrait-il qu’ils aient un emploi — ce qui, aujourd’hui, n’est pas le cas pour près d’un Français sur deux au moment où il demande à toucher sa retraite. Ce qui n’empêche pas d’aligner les grands principes dans l’article 1 : régime par répartition maintenu, équité défendue, solidarité assurée, « niveau de vie satisfaisant » garanti (on ne parle pas de pouvoir d’achat chez ces gens-là), liberté de choix renforcée (la liberté réduite au portefeuille) — le tout subordonné à l’objectif suprême : l’équilibre financier.

Tous égaux, mais déjà quelques gagnants…

Dans les articles 2 à 7, les rédacteurs du projet de loi précisent que le système s’appliquera à tous, y compris aux salariés disposant de régimes spécifiques (SNCF, RATP, Opéra de Paris…), selon un calendrier rendu public par le premier ministre : en 2022 pour les actifs nés en 2004 ; en 2025 pour ceux nés après le 1er janvier 1975 (une partie de leur retraite sera calculée selon le système actuel). Pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de retraite est 57 ou 52 ans aujourd’hui, la première génération concernée sera celle née en 1980 ou 1985, selon les cas.

Par peur d’une extension du mouvement de protestation, le premier ministre a d’ores et déjà maintenu le système actuel pour les militaires et les policiers, les pilotes et personnels navigants, et presque intégralement pour les contrôleurs aériens ; les danseurs de l’Opéra et les cheminots, les salariés de l’énergie ont obtenu une sorte de clause « du grand père » plus ou moins longue qui diffère la mise en place du nouveau système. Toutefois les articles 38 et 39 autorisent le gouvernement à « organiser par ordonnances », là encore, l’alignement des régimes spéciaux sur le régime général.

Le flou pour les enseignants

Quant aux enseignants, il est stipulé qu’ils bénéficieront « de mécanismes permettant de garantir une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite équivalant à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à ces corps comparables de la fonction publique ». On ne peut trouver plus alambiqué, plus vague. « Faut-il comprendre que les primes des enseignants vont passer de 10 % à 40 % de leur traitement » pour s’aligner sur les autres fonctionnaires d’État ?, s’interroge Henri Sterdyniak qui s’est livré à une fine analyse du projet de loi (Alternatives économiques, 13 janvier).

Des comptes d’apothicaires

Comment sera calculée la pension ? Dans cette langue limpide dont M. Phillipe a le secret, l’article 10 stipule que « le système fonctionnera autour d’une référence collective, correspondant à l’âge auquel les assurés pourront partir à “taux plein” et autour de laquelle s’articulera un mécanisme de bonus/malus ». Exit l’âge légal, bonjour la « référence collective » ! Celle-ci fixera l’âge d’équilibre « en fonction des projections financières du système » — étant acté par aillleurs que l’on ne peut « augmenter le coût du travail », traduisez augmenter les cotisations sociales. La situation sera pire encore puisque le pouvoir baisse des cotisations payées par l’entreprise (c’est-à-dire le salaire brut des salariés) sans compenser le manque à gagner par les caisses de retraites. Conclusion : l’âge d’équilibre sera fixé en fonction de la situation financière du système et en fonction de la durée de vie estimée de chaque génération (à raison des deux tiers des gains d’espérance de vie — si les experts estiment qu’une génération a gagné trois mois d’espérance de vie, l’âge d’équilibre sera reculé de deux mois)

Un malus de 5 % sera appliqué pour tous ceux qui, bien qu’ayant le droit à la retraite, partent avant l’âge d’équilibre ; et un bonus de 5 % pour ceux qui partent après ; ce qui accentue encore les inégalités car il est plus facile de prolonger son activité quand on a un travail peu ou pas pénible, intéressant et bien payé que quand on est maçon, infirmière ou caissière… Le pouvoir assure la main sur le cœur qu’il va revoir les critères de pénibilité, mais refuse de revenir sur ceux que les députés avaient voté et qu’il a supprimé d’un trait d’ordonnance. Pour l’heure, le travail de nuit des infirmières, par exemple, leur donnera le droit à prendre leur retraite deux ans plus tôt (au maximum) mais comme l’âge d’équilibre sera reculé d’au moins deux ans… Pour les éboueurs ou les égoutiers, qui ont en moyenne 17 années d’espérance de vie en moins selon l’Inserm, et qui peuvent partir aujourd’hui cinq à dix ans plus tôt, la réforme sonne comme une condamnation : « Vous prenez dix égoutiers qui sont partis à la retraite à 54 ans. Vous revenez dix ans plus tard, y en a à peu près sept ou huit qui sont décédés. On va mourir dans les égouts en fait », résumait l’un d’eux au micro de France Inter ce jeudi 16 janvier.

Une règle d’or qui n’en est pas une

L’article 11 du projet de loi « contient une règle d’or garantissant que le niveau des pensions ne pourra jamais être baissé ». Certes, une fois la retraite liquidée, celle-ci ne pourra être directement diminuée (même si des hausses de cotisations et autres prélèvements peuvent entraîner une baisse du pouvoir d’achat), cependant, elle ne sera pas alignée sur l’évolution moyenne des salaires, contrairement à ce qui avait été indiqué auparavant, mais sur l’inflation (formule nettement moins favorable).

Cette « règle d’or » ne veut donc pas dire qu’il y aura maintien du niveau des retraites par rapport au salaire — ce que l’on appelle le « taux de remplacement ». Du reste l’expression n’existe pas dans le projet de loi. Selon le Conseil d’orientation des retraites, ce taux tomberait au dessous de 50 % en 2025 (49,8 %) contre 51,4 % en 2018 et… 70 % il y a trente ans.

Un coup de pouce à la capitalisation

Pour les hauts salaires, la cotisation sur la part de rémunération qui se situe au dessus de trois fois le plafond de la sécurité sociale, soit 10 000 euros par mois, ne sera plus que de 2,8 % (au lieu de 28,1 %), selon l’article 13. Certes, ces cadres n’auront aucune pension sur cette partie de salaire, mais cela ne compensera pas, loin s’en faut, les pertes pour le système, évaluées entre 5 et 7 milliards d’euros. Et surtout, cette disposition les pousse à opter pour des surcomplémentaires, c’est-à-dire des fonds de pension. C’est une attaque contre le système de répartition, comme l’explique très bien M. François Hommeril, secrétaire général de la Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Le coup est d’autant plus important que l’article 15 prévoit que le gouvernement pourra « modifier les règles d’assujettissement à cotisations et contributions sociales ». Autrement dit : le pouvoir pourra baisser le plafond au-dessus duquel les salariés paieront moins de cotisations, à 8 000 euros ou 5 000 euros par mois (au lieu de 10 000). De plus, de nouvelles dispositions sont prévues pour faciliter l’épargne retraite (et notamment des déductions fiscales).

Une étatisation prononcée

Non seulement le recours aux ordonnances est systématique, mais la création d’une Caisse nationale de retraite universelle, fusionnant les caisses actuelles tout en en maintenant certaines (avocats, professions libérales, agriculteurs), sonne la fin du paritarisme. Certes, l’introduction du patronat dans la gestion de ces caisses en 1967, l’attitude de syndicats sensibles à la parole patronale, le poids grandissant des experts de la Commission européenne sur les finances publiques ont pour une part miné le système. Il reste que l’étatisation se renforce. Ce n’est pas la création d’un Comité d’expertise indépendant des retraites qui changera la donne. Au contraire. Il sera composé d’un président nommé par le président de la République, deux membres de la Cour des comptes, le directeur de l’Insee (nommé par le président de la République), trois personnes désignées par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental). Pas un seul syndicaliste ! Pas même une petite place pour M. Berger…

Le nouveau système de retraite est un piège pour les syndicats

Par Romaric Godin

Après son « compromis » bâti avec le gouvernement, la CFDT a basculé, le week-end du 11 janvier, dans le camp néolibéral. Car le projet de loi confirme que le futur système des retraites sera réduit à la gestion des conséquences, sur les pensionnés, de la politique de compétitivité.

Pour saisir la nature du « compromis » trouvé entre la CFDT et le gouvernement samedi 11 janvier, il faut interroger sa signification sur le fonctionnement futur du système de retraite. Quel a été le vrai prix à payer par la centrale de Belleville pour le « retrait provisoire » de l’âge pivot dans le système actuel ? Il est plus élevé qu’on peut le penser, car ce qui a été accepté, bien davantage qu’une question technique sur les retraites, c’est un projet d’ensemble, économique et social.

La « règle d’or » financière : un nouveau carcan pour le système des retraites

Pour obtenir sa victoire symbolique, la CFDT a effectivement accepté un cadre très précis de gestion du système d’assurance-maladie, puisque le syndicat a décidé de conclure ce compromis une fois connus les deux projets de loi (organique et ordinaire). Il n’y a donc aucune ambiguïté possible sur ce qui a été rejeté et ce qui a été accepté.

Or, deux éléments clés ont été adoptés par la centrale de Belleville qui risquent rapidement de se transformer en pièges. Le premier, c’est la « règle d’or » financière, présente dans l’article 1 de la loi organique, qui interdit tout déficit sur cinq années consécutives, quelle que soit la situation macroéconomique. Ce cadre est très restrictif. En effet, l’ampleur des chocs conjoncturels oblige souvent le système à afficher un déficit plus large en raison de la baisse des recettes liée à la hausse du chômage. Comme le rappelle l’économiste Henri Sterdyniak dans une note publiée lundi 13 janvier, le déficit du système des retraites a été, durant la période 2009-2013, de 0,6 % du PIB. Avec, rappelons-le, un PIB qui a reculé de 2,2 % en 2009, forcément beaucoup plus que le montant des prestations à payer aux retraités.

Cette capacité d’absorption de la crise n’était pas anecdotique pour l’économie française. D’abord, parce qu’elle entraîne une dégradation relativement modérée des comptes publics. Mais surtout parce qu’elle permettait de maintenir les revenus des retraités et, ainsi, d’amortir les effets de la crise sur la consommation des ménages. Elle jouait le rôle de « stabilisateur automatique » qui ne peut fonctionner que si on laisse filer les déficits.

Une fois la croissance revenue, les recettes suivent et le déficit se résorbe. Entre 2016 et 2018, le régime général de l’assurance-vieillesse a ainsi affiché un excédent cumulé de 2,9 milliards d’euros. Avec la nouvelle règle d’or, c’en sera terminé : en cas de crise, il faudra trouver des solutions rapides de réduction des déficits. Cela induira des mesures rapides. Mais il faudra aussi dégager des excédents à la mesure des déficits causés par la crise. Autrement dit : cette règle d’or signifie une austérité permanente et la mort d’un des principaux stabilisateurs automatiques de l’économie française.

Car la CFDT a accepté, dans ce compromis, un autre élément en forme de piège : elle a agréé aux conditions du retour à l’équilibre financier en 2027 « sans augmentation du coût du travail ». En acceptant cette condition, la CFDT reconnaît l’impossibilité d’ajuster le système par les recettes.

Certes, cette concession est limitée au système actuel. Sauf que la règle d’or financière, elle, s’applique dès 2025 à l’ensemble du système des retraites, autrement dit pas seulement au système par points. Certes, l’autre condition est le refus de « baisser les pensions ». Mais que signifie ce terme ? S’agit-il de préserver un niveau nominal ou réel ? S’agit-il de préserver un taux de remplacement des salaires ? Il existera de nombreux moyens d’ajuster par le montant des pensions le système. Dans ce cas, les retraités seront sans doute amenés à compléter leur retraite par des emplois. Le projet de loi ordinaire contient, au reste, et sans surprise, dans son article 25, des mesures pour améliorer « l’attractivité du cumul emploi-retraite ».

Inévitablement, c’est bien l’allongement de la durée de cotisation ou de l’âge légal pour l’ancien régime par annuités qui permettra d’équilibrer, en cas de crise, l’ensemble du système des retraites. Autrement dit : on a abandonné l’âge pivot pour prendre des mesures d’allongement de la durée du travail, seule possibilité qui sera laissée à la conférence de financement.

Or, cet allongement de la durée du travail comme le cumul emploi-retraite n’ont qu’une fonction macroéconomique : augmenter « l’armée industrielle de réserve » en faisant pression sur le marché du travail et donc sur les salaires d’embauche. Le système des retraites est désormais axé sur cette seule obsession qui, in fine, risque de réduire les revenus réels des travailleurs et des retraités.

Une gouvernance très encadrée

Et c’est ici que se referme le second piège : celui de la gouvernance future du système. La CFDT soutient un système par points au nom de l’universalité du régime revendiquée par les fondateurs de la Sécurité sociale. Mais ces derniers se sont toujours refusés à un système étatisé : de 1945 à 1967, ce sont les salariés seuls qui ont géré le système. Or, le projet de loi crée bel et bien un système où l’État a le dernier mot.

On pourrait y voir un élément positif, dans la mesure où l’État pourrait incarner l’intérêt général issu du débat démocratique. Mais cela relève de la naïveté à plus d’un titre. En réalité, le système universel de retraite tel qu’il apparaît dans le projet de loi semble plusieurs fois verrouillé pour empêcher toute hausse des cotisations et des dépenses liées aux retraites.

Certes, l’article 55 du projet de loi évoque formellement la possibilité pour le conseil d’administration de la caisse nationale de retraite universelle (CNRU) de jouer sur le taux des cotisations d’assurance-vieillesse pour rééquilibrer financièrement le système. Mais cette option semble la moins probable. D’abord, parce que la gestion de ce conseil d’administration est paritaire et que le patronat français refuse tout relèvement du coût du travail au nom de la compétitivité externe. Ce n’est pas là un processus nouveau. Lorsque le paritarisme a été établi en 1967, c’était bien pour faire valoir les intérêts du patronat et donc préserver les taux de marge. Si néanmoins, on parvenait à imposer, à force de lutte, une telle augmentation, il surgirait immédiatement une deuxième difficulté : c’est le gouvernement qui prend la décision par décret « après avis du Comité d’experts indépendants ».

Or, ce Comité ignore la représentation syndicale. C’est pourquoi, en langage néolibéral, il est « indépendant ». Il ne l’est pourtant ni de l’État, ni d’une certaine idéologie, puisqu’il sera constitué, selon l’article 56, de quatre membres nommés par le président de la République (le président de ce Comité), celui de l’Assemblée nationale, du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental, ainsi que deux membres de la Cour des comptes. Encadré par cette dernière institution, ce comité sera clairement là pour fermer la porte à toute tentation de hausse des dépenses et des cotisations. C’est d’ailleurs lui qui fixera le cadre à long terme de l’action de la CNRU. C’est un des moyens les plus courants du néolibéralisme pour encadrer les décisions politiques : avoir recours à ces conclaves d’experts chargés de faire respecter la bonne route sous couvert d’expertise indépendante et de vision « rationnelle ». Dès lors, et c’est bien l’objet de ce type de comités, on voit mal l’État aller contre les experts. 

Et c’est là le dernier verrou : l’État n’est pas, à notre époque, le simple reflet de choix démocratiques. Il est encadré par des contraintes qui en font une puissance au service du capital, puisque les intérêts de ce dernier sont perçus comme l’intérêt général (à travers des phrases comme « ce sont les entreprises qui prennent les risques et créent des emplois »). Les limites de déficit, les divers comités « indépendants », l’incapacité à jouer sur la politique monétaire, la nécessité de fixer des orientations pluriannuelles des finances publiques (qui s’impose au cadre de la CNRU selon l’article 55) sont autant d’éléments qui renforcent et assurent cette tendance. Les tentatives avortées de sortie du cadre, de l’expérience de 1981 à celle de Syriza en Grèce, soulignent combien les choix de l’État, lorsqu’il veut briser ce cadre, sont contraints par les investisseurs et la compétition internationale. Seule la démocratie sociale représenterait alors un vrai contre-pouvoir. Et on a vu combien ce projet réduit cette dernière.

Dès lors, on parvient à ce paradoxe typique du néolibéralisme : l’étatisation conduit à une dépolitisation des choix économiques et sociaux. En centralisant les retraites sous le contrôle de règles financières contraignantes et de gardiens « indépendants », on ôte la capacité du système à prendre des choix alternatifs.

Les syndicats, limités à la gestion du désastre

Mais cela va encore plus loin. Car le dernier piège se referme avec l’article 3 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2020 voté l’automne dernier. Cet article met fin au principe de la loi Veil de 1994 qui établissait la compensation de toutes les baisses de cotisations par l’État. Le gouvernement peut désormais, sans en aviser les partenaires sociaux, décider de réduire les cotisations sociales et choisir ou non de les compenser.

Or, l’article 1 du projet de loi organique sur les retraites, s’il fixe le cadre financier par la règle d’or, ne donne aucune garantie sur les ressources. On ne rétablit pas le principe de la compensation. Si donc, comme c’est hautement probable, le gouvernement poursuit sa politique de compétitivité-coût par la baisse du coût du travail, le conseil d’administration du CNRU sera chargé d’ajuster le système par des mesures qui font payer les retraités ou les futurs retraités. Ce sera d’abord l’allongement de la durée du travail grâce à l’âge d’équilibre qui reste bien dans le projet de loi pour le système par points et imposera ainsi un système de bonus/malus. L’âge d’équilibre augmentera avec l’espérance de vie (article 10).

Ce sera ensuite la baisse du taux de remplacement des retraites par rapport au dernier salaire. De ce point de vue, le projet de loi en son article 9 offre certes une garantie en promettant une évolution positive des taux d’acquisition et de service (ou de conversion) des points acquis. Mais c’est en réalité une faible protection. D’ici à 2045, les deux taux seront compris entre l’inflation et le revenu moyen par tête. À partir de 2045, ils seront par défaut égaux au revenu moyen par tête. On assure que cette situation est meilleure que la revalorisation à l’inflation actuelle.

Mais il existe trois réserves. D’abord, les retraites de l’ancien système continueront à être revalorisées au niveau de l’inflation, ce qui va concerner pendant longtemps une grande majorité des retraités (les premières pensions issues en partie du système par points arriveront en 2037). Ensuite, la revalorisation au salaire moyen est la règle en Allemagne et cela n’a pas empêché une forte chute du taux de remplacement des salaires et même une baisse de la moyenne des pensions versées pour deux raisons : l’éclatement du marché du travail et la modération salariale. Les réformes du marché du travail vont donc jouer contre les futurs retraités.

Enfin, l’article 9 prévoit que le gouvernement aura finalement la main sur les taux d’acquisition et de service « en l’absence d’approbation » d’une délibération du CA de la nouvelle caisse de retraite universelle. Bref, l’État pourra, pour financer sa politique de compétitivité, réduire le taux de service du point.

Autrement dit : le système de retraite qui sera en place dès 2022 sera un système géré par les coûts et uniquement par les coûts. C’est d’ailleurs le vrai intérêt du système par points dit à cotisations définies. Les cotisants ignorent absolument le montant de leurs pensions et le taux de remplacement jusqu’au moment de leur retraite. C’est donc ce critère qui sert de variable d’ajustement. Pour s’en convaincre, on rappellera que les régimes complémentaires par points existant en France ont vu leur taux de remplacement se réduire d’un tiers entre 1993 et 2018.

Le système est centré sur l’équilibre financier et non sur le maintien du niveau de vie des retraités qui n’est pas évoqué dans le projet de loi. Et comme les syndicats n’auront aucune maîtrise, ni aucune garantie sur les ressources, ils ne seront que les gérants du désastre ou les accompagnateurs de l’ajustement du système par les retraités.

Accepter un tel système revient donc purement et simplement à accepter cette logique : le maintien d’un coût du travail faible permettra de créer assez d’emplois et de richesses pour équilibrer le système sans baisser le niveau de vie des retraités. C’est donc un aveu de confiance dans la logique de la politique de l’offre et de la défiscalisation du capital comme politique économique. Cette confiance semble étrange. Les cas suédois et allemand montrent que les retraités ont fait les frais de cette logique avec l’explosion du risque de pauvreté chez les personnes âgées de ces deux pays. C’est pourtant le choix implicite de la CFDT.

De ce point de vue, le gouvernement a remporté samedi 11 janvier une éclatante victoire. Car s’il a, pendant des mois, multiplié les concertations et cherché des compromis, ce n’est pas réellement par hésitation ou incertitude sur la réforme elle-même. Le projet de loi publié le 10 janvier reprend très largement les conclusions du rapport Delevoye dont les grands principes étaient en réalité prêts dès 2017.

Cette recherche du compromis ne visait donc pas à modifier le projet, mais en réalité, à faire accepter une politique économique centrée sur la compétitivité externe et la protection du capital aux syndicats. Son modèle, c’était la concertation suédoise de 1991-1992 qui avait débouché sur le système qui a constitué l’inspiration de la réforme française. Cette concertation avait créé un large consensus, allant de la droite jusqu’aux syndicats, autour de la nécessité de la stabilité financière et de la préservation du coût du travail. Mais, malgré son adhésion au système par points, la CFDT ne pouvait accepter officiellement des mesures d’économies puisqu’elle défendait une réforme de « justice sociale ». C’était sa position en novembre dernier. Dès lors, elle rejetait effectivement une logique qui est celle de la gestion par les coûts. Avec la tragicomédie de « l’âge pivot », sa position a changé.

En acceptant de discuter de mesures d’économies dans le cadre restrictif de l’équilibre financier sur cinq ans, d’une gouvernance encadrée et de la préservation du coût du travail, la confédération bascule ouvertement dans le consensus néolibéral. Jadis, le réformisme entendait contraindre le capitalisme à améliorer le sort des travailleurs. Il a aujourd’hui un autre sens : accepter de soumettre davantage les travailleurs à la loi du capital en espérant que ce dernier se montrera reconnaissant. Mais cette victoire du gouvernement pourrait n’être qu’une victoire à la Pyrrhus dans un pays qui n’est pas dupe des intentions de l’exécutif.

Source https://www.mediapart.fr/journal/france/130120/le-nouveau-systeme-de-retraite-est-un-piege-pour-les-syndicats?onglet=full

Décryptage des annonces du Premier ministre sur la réforme des retraites

Décryptage des annonces du Premier ministre : le gouvernement modifie l’emballage sans toucher au contenu de sa réforme des retraites mercredi 11 décembre 2019, par Collectif

Après 2 ans et demi de concertations menées par Jean-Paul Delevoye, Edouard Philippe a « dévoilé », ce mercredi 11 décembre au CESE le projet de réforme des retraites du Gouvernement. Ces annonces ne changent ni l’horizon du gouvernement sur la réforme des retraites, ni ses conséquences pour les retraité·e·s actuel·le·s et futur·e·s. Décryptage.

Comme on pouvait s’y attendre, Emmanuel Macron et son gouvernement s’obstinent face à la colère et à la mobilisation de masse actuellement en cours. Pour briser la solidarité entre générations, Edouard Philippe n’hésite pas à avoir recours à l’argument le plus méprisable : ne vous inquiétez pas ces mesures ne vous frapperont pas ; elles ne toucheront que vos enfants.

Quelle meilleure preuve que la réforme est néfaste, qu’elle n’est pas favorable aux actifs !

Mais les personnes qui ne seront pas concernées par la réforme “à points” seront concernées par des nouvelles mesures de baisse, via l’instauration d’un âge “d’équilibre” à 64 ans dès 2027.
Alors que E. Philippe affirme que le système “financera un haut niveau de solidarité”, ce qui nécessiterait un financement bien plus important qu’aujourd’hui compte tenu des inégalités actuelles à corriger, la part de solidarité sera simplement maintenue à son niveau actuel, au début de la mise en oeuvre. Comme elle sera sortie du système de retraite pour être financé par l’impôt, il y a fort à craindre que cette part soit rapidement rognée au nom des baisses de dépenses publiques.

Nouvel “âge d’équilibre” pour les plus de 47 ans (nés avant 1975), réforme à points pour les autres, tout le monde reste perdant !

Malgré les aménagements quant aux générations concernées par le système à points ou par des économies de court-terme, il n’y a pas d’évolution sur le plafonnement du financement des retraites à 14% du PIB… voire une baisse de cette part.

Les personnes qui ne seront pas concernées par le système à point seront fortement touchées par l’autre partie de la réforme : les économies à court terme, et notamment par un nouvel âge d’équilibre fixé à 64 ans en 2027. Toute personne qui partira avant cet âge subira une décote, quel que soit son nombre d’annuités. La nouvelle décote sera calculée en prenant le plus défavorable de deux critères pour chacun, entre durée de cotisation, et écart à cet âge d’équilibre. Une perte qui peut se chiffrer en centaines d’euro par mois. Et ce dès les prochaines générations.

Les générations nées après 1975 seront concernées par le nouveau système à point, calibré pour ajuster les pensions à la baisse à mesure que l’espérance de vie s’allonge. Ainsi, la réforme ne s’appliquera qu’aux personnes nées en 1975 et après, soit en 2037. D’ici là, dès 2022, les jeunes cotiseront au nouveau régime, ce qui veut dire que pendant 17 ans, les régimes existants vont être de plus en plus déficitaires, de plus en plus dans la main de l’État.

La conséquence de ces choix : une baisse des taux de remplacements brutale et plus forte que celle prévue par les précédentes réformes.

Des garanties en trompe l’œil :

  • L’indexation du point ne garantit pas le niveau des pensions

L’annonce de l’indexation de la valeur des points acquis sur les salaires se veut rassurante. Mais le niveau des pensions (niveau de la retraite par rapport au dernier salaire) n’est en aucun cas garanti. Ce qui importe n’est pas la valeur du point (qui n’est qu’un indice), mais le “taux de remplacement”, c’est à dire la part de pouvoir d’achat qu’on conserve lorsqu’on passe de l’emploi à la retraite. Et celui-ci va baisser, plus fortement qu’aujourd’hui. Ce que le gouvernement fait mine de garantir avec la valeur du point, il le reprend avec une décote variable.

  • Un minimum de pension à 1000€ (pour une carrière complète) pour les uns, la capitalisation pour les autres ?

Avec une baisse massive du niveau des pensions, une partie écrasante de la population française sera logée à la même enseigne : le nouveau « minimum de pension » à 1000€ (pour une carrière complète). Toutes les personnes n’atteignant pas l’âge pivot ou ayant une carrière incomplète auront beaucoup moins. C’est un des « alibis sociaux », les gagnants de la réforme : celles et ceux qui pourront prétendre au minimum après une vie de travail. Par ailleurs le gouvernement utilise les femmes comme alibi de la réforme en n’hésitant pas à les qualifier de “grandes gagnantes”, alors même que leurs droits et leur autonomie financière sont gravement menacés par de nombreuses dispositions (prise en compte de toute la carrière, pension de réversion dégradée, abandon des majorations de durée d’assurance pour les enfants). Pour les personnes pouvant se le permettre, il s’agira désormais de se tourner vers la capitalisation privée, grandement facilitée par le gouvernement et son Plan Epargne Retraite. Ce sont d’immenses opportunités pour les fonds de pensions, largement défiscalisés, et donc autant de manque à gagner pour les caisses de l’État.

En clair, ces annonces confortent le coeur de la réforme qui concerne tou·te·s les actif·ve·s du pays, soit la réduction du niveau des retraites dans notre système solidaire et un effet d’éviction vers les solutions de capitalisation privée. Dans le détail beaucoup de flou persiste sur la réelle prise en compte de la diversité des situations et des carrières. Les centaines de milliers de grévistes et de manifestant·e·s réuni·e·s depuis le début du mouvement semblent plus que jamais déterminé·e·s à continuer le mouvement, dès demain jeudi 12 décembre, et ce jusqu’au retrait définitif de son projet de réforme.

Pour une commission d’enquête parlementaire pour le respect des droits des exilées

Nous demandons une commission d’enquête parlementaire pour le respect des droits des personnes exilées à nos frontières

Amnesty, La Cimade, Médecins du Monde, Médecins sans frontières et le Secours catholique se mobilisent dans plusieurs villes et demandent la création d’une commission d’enquête parlementaire pour le respect des droits des personnes exilées à nos frontières.

Aujourd’hui, des mobilisations vont avoir lieu dans plusieurs villes-frontières afin d’appeler les député·e·s à l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire pour que soient respectés les droits fondamentaux des personnes migrantes et réfugiées aux frontières intérieures. À midi, au moment où les sirènes des pompiers retentissent partout en France comme autant de symboles de nos alertes, des centaines de personnes seront rassemblées aux frontières à Briançon, à Calais, à Dunkerque ou encore à Hendaye et à Menton mais aussi à Londres, devant l’ambassade de France.

De Grande Synthe à Menton, en passant par la vallée de la Roya et par Hendaye, les frontières françaises sont les lieux d’atteintes inacceptables aux droits fondamentaux des personnes exilées. Absence de tout dispositif sanitaire et social, destruction d’abris, obstacles à la demande d’asile, non-protection des mineur·e·s isolé·e·s, refoulements systématiques, comportements brutaux, harcèlement des personnes qui, par solidarité, tentent d’apporter une aide aux exilé·e·s… La liste d’atteintes aux droits humains est longue.

Malgré les dizaines de rapports venant d’autorités publiques indépendantes et d’ONG qui documentent ces violations, le gouvernement reste sourd à ces alertes. Pourtant, la protection des droits et libertés fondamentales de toute personne constitue un impératif commun sur lequel nous ne pouvons transiger et dont nous appelons la représentation nationale à s’emparer.

Nos associations s’adressent aujourd’hui aux député·e·s pour demander la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de procéder à des investigations aux frontières et surtout de proposer des mesures pour que les droits des personnes migrantes et réfugiées soient enfin respectés.

Partout sur les territoires frontaliers, des dizaines d’associations agissant en soutien aux personnes exilées se joignent à cet appel.

Les constats de nos cinq associations et de tous les acteurs locaux sont alarmants. L’état de santé physique et/ou psychologique de ces personnes est dramatique, que ce soit, comme à la frontière italienne, en raison de leurs arrestations, refoulements et privations de liberté dans des conditions indignes, ou en raison du harcèlement et de la destruction de leurs abris, notamment à la frontière britannique.

Rares sont les obligations, prévues par la loi française et le droit international, qui sont respectées aux frontières italienne et espagnole : les personnes ne sont pas informées de leurs droits, ne peuvent pas demander l’asile et certaines sont même détenues pendant des heures sans fondement légal. Ces frontières sont devenues des zones de non-droit, à l’image du lieu d’enfermement situé à Menton, où même des élu·e·s de la République se sont vues refuser l’accès, en octobre et novembre dernier. Sur le littoral nord, les personnes exilées se font expulser de leurs campements précaires sans solution digne d’hébergement.

Tous les jours, les acteurs de terrain recueillent des témoignages de mineurs isolés : leur minorité est rarement prise en compte par les forces de l’ordre aux frontières, qui les refoulent, au mépris des lois françaises et des conventions internationales, aggravant leur précarité et leurs traumatismes. Une fois sur le territoire, leur situation n’est pas meilleure, comme le dénoncent les associations de terrain, notamment à Calais et à Grande Synthe, où ces jeunes survivent en attendant d’essayer d’aller au Royaume-Uni.

Face aux manquements de l’État, de nombreux citoyens, des collectifs et des associations viennent en aide aux personnes exilées. Mais, au lieu de voir leurs missions encouragées, ils doivent faire face à des pratiques d’intimidation, de harcèlement, des poursuites et, dans certains cas, à des condamnations en justice. Le droit international est pourtant très clair : aider des personnes réfugiées et migrantes n’est pas une infraction et aucune poursuite pénale ne devrait avoir lieu.

Source https://www.lacimade.org/presse/nous-demandons-une-commission-denquete-parlementaire-pour-le-respect-des-droits-des-personnes-exilees-a-nos-frontieres/

Télécharger le dossier de presse ici.

Signataires :
Amnesty International France
La Cimade
Médecins du Monde
Médecins sans Frontières
Secours Catholique-Caritas France
Anafé
MRAP
Syndicat des avocats de France

Frontière franco-espagnole
Diakité
Collectif Etorkinekin – solidarité migrants
Ongi Etorri Errefuxiatuak – Pais Vasco
SOS Racismo – Bizkaiko SOS Arrazakerria

Frontière franco-italienne
Adn Association pour la démocratie à Nice
Collectif Kesha Niya
Diaconia Valdese
Emmaüs Roya
Ligue des droits de l’homme – Nice
OdV Caritas Intemelia
Pastorale des migrants du diocèse de Nice
Roya Citoyenne
Tous Migrants
WeWorld

Frontière franco-britannique
ADRA France antenne de Dunkerque
AMIS (Aide Migrants Solidarité Téteghem)
ASR adhérents
Auberge des Migrants
Bethlehem
Cabane Juridique
Cercle de Silence Hazebrouck
Collectif Cambresis pour l’Aide aux Migrants
ECNOU
Emmaüs Dunkerque
Flandre Terre Solidaire
Fraternité Migrants Bassin Minier 62
Help Refugees
Ligue des droits de l’Homme – Dunkerque
Refugee Women’s Centre
Refugee Youth Service
Salam Nord /Pas-de-Calais
SAVE
Solidarity Border
Terre d’Errance Steenvoorde
Terre d’Errance Norrent-Fontes
Utupia56 Calais

France : Même choc qu’en Grèce sans passer par une demande de la troïka

“Le traitement de choc administré à la France par Macron rappelle celui infligé à la Grèce” par Georges Nurdin

Plusieurs années après la potion amère infligée par la Troïka à la Grèce, le pays va mal. Or, un traitement similaire est administré à la France, dénonce notre chroniqueur Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain.

A la Grecque. Cela évoque de nombreuses combinaisons : les champignons, les yaourts, et bien d’autres choses encore, mais aussi – plus récemment – l’économie. C’est cette dernière perspective qui nous intéresse car, en effet il existe de plus en plus de ressemblances entre le “traitement de choc” administré à la Grèce suite à la crise de 2008 (crise, rappelons-le, qu’elle n’a pas provoquée mais qui lui a été infligée de l’extérieur) et celui qui est en train d’être appliqué à la France du “Nouveau Monde”.

En quoi a consisté la “cure grecque” qui a été administré au pays, de force par Docteur Europe et Professeur FMI, et Maestro Banque Centrale : la fameuse Troïka (le vocable utilisé évoque la nostalgie des temps soviétiques, celui du gosplan et soviet suprême, un comble pour l’Europe… si démocratique) ? Cela tient en six points : sabrer dans les pensions et les retraites de tous – la pénurie universelle -, sabrer dans les indemnités de chômage et dans les minima sociaux, sabrer dans les dépenses dites “sociales” – y compris la santé et l’éducation -, “flexibiliser” le travail (c’est à dire en éliminant quasiment toute protection du salarié et en généralisant les contrats précaires), réduire drastiquement la fonction publique et le service public… et vendre les bijoux de famille (privatiser les infrastructures appartenant à L’Etat, tels que les aéroports, les ports, les trains, etc…). Cela ne vous rappelle rien ?…

Et comment va la Grèce depuis ? Car la thérapie “à la grecque” a servi de laboratoire, de test in vivo à une thérapie “progressiste” de choc en Europe. Chypre ayant quant à elle servi de laboratoire pour la confiscation des avoirs et des comptes courants des particuliers par les banques, toujours dans le cadre de l’UE… La question est intéressante, car on peut se faire une idée par simple homothétie de ce qui peut ou va se passer chez nous, suivant le principe que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Et bien, la Grèce ne va… pas bien… mais pas bien du tout. La pauvreté s’étend désormais à un tiers de la population, le taux de chômage des jeunes se situe à plus de 40 % et le coefficient de Gini est passé de 0,32 à 0,37 depuis 2008, ce qui veut dire que les pauvres sont devenus beaucoup plus pauvres et que les “premiers de cordées” sont devenus plus riches… : la “redistribution” via le fameux “ruissellement” n’a, bien entendu, pas fonctionné… ou plutôt si, mais en sens inverse. Les talents se sont expatriés, les classes moyennes sont exsangues, laminées, et surtout, sans perspectives, vides d’espoir et d’avenir. Et c’est peut-être cela le plus grave et le plus inquiétant.

Le PIB se situe à en retrait de 20% par rapport à son niveau de 2008 et d’après les économistes du Financial Times, qui ne sont pas réputés pour être des tendres, il ne le retrouvera (dans le scénario dit le plus favorable) qu’en… 2040. Et encore, peut-être, si tout va bien. En clair il faudra sacrifier, a minima, deux générations sur l’autel du dogme monétaire, l’actuelle et la suivante pour espérer revenir, peut-être, dans le meilleur des cas, au point de départ.

C’est donc, avec la cure à la grecque, une certaine vision du “progrès” qui est … en marche… Mais cela a-t-il un sens de l’appliquer, avec brutalité en plus, à un pays comme la France ? La réponse est clairement : non ! La situation ne le justifie pas, les fondamentaux économiques, financiers, sociaux et sociétaux non plus. Alors pourquoi l’appliquer ?

D’ abord parce qu’il faut rentrer, de toute urgence, donc de force et avec violence, dans les “critères” de Bruxelles et de Maastricht. C’est qu’on ne transige jamais avec l’idéologie et le dogme. Car l’Économique, enfin, une interprétation très limitée, extrêmement régressive, dépassée et punitive de l’Économie, domine le “projet” européen actuel. Ensuite l’Hubris, cette pulsion d’orgueil et de démesure qui fait que l’on se prend pour Dieu, Zeus, ou… Jupiter, si bien décrite et honnie par les Grecs Anciens, est un facteur sinon déclenchant du moins aggravant. Terriblement aggravant dans les circonstances actuelles… L’ Hubris n’est pas le courage et encore moins l’audace. C’est en fait tout son contraire.

Mais, il faut reconnaître que, malgré leurs protestations et leurs souffrances, les violences faites aux Grecs et aux Chypriotes sont “passées”, et – inutile de le préciser – avec la “bénédiction” de Bruxelles. Et, bien sûr, cela est de nature à faire tâche… d’huile. Quant à savoir si cette huile sera mise dans les engrenages ou sur le feu… Réponse dans les prochains mois.

Georges Nurdin, économiste, consultant international essayiste et écrivain (Les multinational émergentes, International Corporate Governance, Le temps des turbulences, Wanamatcha !).

Source https://www.capital.fr/entreprises-marches/le-traitement-de-choc-administre-a-la-france-par-macron-rappelle-celui-inflige-a-la-grece-1356298?fbclid=IwAR3yoUx5y6Ih-T7J6_1dn-ScK_ccYH0YZGlOjO-TRpQHex-tw2AUNgwBOdY

France La fraude fiscale vue par Solidaire Finances publiques

Dans la bagarre sur la fraude fiscale, la question de l’estimation des pertes fiscales est centrale. Face à ceux qui tentent de la minimiser pour mieux « laisser faire, laisser passer », le syndicat Solidaires Finances Publiques maintient son estimation…

Un petit résumé ci-dessous et le rapport complet.

Évitement de l’impôt

Définir l’évitement illégal de l’impôt

Le périmètre qui sert à estimer les pertes fiscales : Optimisation, évasion, exil, expatriation, planification et fraude.

La France considère que l’évasion fiscale est à la fois légale (dans le cas de l’optimisation agressive) et illégale (avec la fraude). L’OCDE définit pour sa part l’évasion fiscale comme des « arrangements illégaux dans lesquels une obligation fiscale est cachée ou ignorée, c’est-à-dire que le contribuable paie moins d’impôt que ce qu’il est légalement obligé de payer en dissimulant un revenu ou des informations aux autorités fiscales ».

Estimation des pertes fiscales

En janvier 2013, elles s’élèvent selon Solidaires-finances publiques à 60 à 80 milliards d’euros par an. Cette estimation s’appuyait sur une extrapolation des résultats du contrôle fiscal et sur l’utilisation de données « macro » permettant de corriger certains biais de cette extrapolation.

En septembre 2018, l’actualisation de cette estimation nous conduisait à retenir sa fourchette haute, soit 80 milliards d’euros environ.

Ce chiffrage a été contesté par quelques personnalités, dont le ministre de l’action et des comptes publics. Malheureusement, ils n’ont pas produit d’autres travaux qui auraient pu permettre d’engager un débat pourtant utile.

D’autres travaux en revanche corroborent l’ordre de grandeur découlant de notre estimation. À titre d’exemple, un travail de l’Université de Londres estime à plus de 800 milliards d’euros le manque à gagner au sein de l’Union européenne dû à la fraude aux prélèvements obligatoires. Ramené à la France, cela correspondrait à près de 118 milliards d’euros le total de l’évitement illégal fiscal et social, soit un montant comparable à notre estimation haute et à celle de la Cour des comptes en matière de recettes sociales.

Analyse de l’évolution des résultats du contrôle fiscal

Les « redressements fiscaux » permettent de recouvrer environ 15 % du montant total des pertes fiscales graĉe à des moyens juridiques nouveaux. Sans eux, la hausse de la fraude fiscale eut été plus importante. Mais ils ne suffisent pas. Il faut aussi des agents, des moyens humains : moins d’agents = moins de contrôles et par conséquent des résultats en baisse avec 16,15 milliards d’euros (droits et pénalités) contre 21,19 milliards d’euros en 2015. La fin du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) n’explique pas tout. Les 1733 suppressions d’emplois que les services de contrôle ont subi entre 2012 et 2016 (plus de 3000 depuis le milieu des années 2000) constituent la principale explication de cette baisse.

Une entreprise soumise à la TVA a une chance de faire l’objet d’une vérification sur place tous les 154 ans et une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés a une chance de faire l’objet d’une vérification sur place tous les 60 ans environ.

Le « redressement fiscal moyen » exprimé en droits et pénalités demeure élevé : alors qu’il était de 192 482 euros en 2009, 223 883 euros en 2017 en baisse sensible à 188 532 euros en 2018, un niveau inférieur aux dix dernières années.

Cette situation est d’autant plus inquiétante que le pouvoir considère le contrôle fiscal comme une mission exercée au service de l’entreprise ou du contribuable vérifié avec la loi « Essoc » et que le Président de la République participe à la déconsidération des agents en charge du contrôle.

Que faire ?

Refaire du contrôle fiscal la véritable contre-partie du système fiscal, améliorer le mode de management du contrôle et de la DGFiP, favoriser la formation, la mutualisation et l’expertise, redonner des moyens juridiques utiles, renforcer les effectifs, offrir des droits et de la visibilité aux agents, utiliser intelligemment les outils numériques et intensifier la coopération entre administrations et États.

Lire le rapport complet 191107_rapport_lutte_contre_la_fraude_fiscale

En France durcissement politique migratoire

Ouverture de nouveaux CRA, réduction de la couverture santé… : la France serre la vis question immigration

Par La rédaction Publié le : 06/11/2019

Quotas d’immigrés pour certains emplois, trois mois de carence pour les demandeurs d’asile avant d’accéder à une couverture santé, réduction du délai d’instruction des demandes d’asile… Le Premier ministre a égrené une vingtaine de mesures, ce mercredi 6 novembre, sur l’immigration en France. InfoMigrants fait le point.

Le sujet est particulièrement sensible et déchaîne la classe politique française. L’immigration a été une nouvelle fois au centre des débats avec l’annonce, ce mercredi, de nouvelles mesures censées repenser l’accueil des migrants en France. Le Premier ministre Edouard Philippe souhaite « reprendre le contrôle » de la politique migratoire française et rétablir un « juste équilibre » entre les « droits et les devoirs » des immigrés. Voici les principaux points du nouveau plan immigration.

– Mise en place de quotas d’immigrés pour certains emplois

Des « quotas » ou « objectifs chiffrés » d’immigrés « professionnels » vont être fixés chaque année, dès l’été 2020, pour que la « France recrute » des étrangers en fonction de ses besoins.

La liste des métiers en tension ouverts aux étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne devra donc être réactualisée. La dernière date de 2008 : on y trouve des métiers tels que dessinateur du BTP, pilote d’installation de production cimentière ou encore dessinateur de la construction mécanique.

Cette liste sera « fixée l’été prochain », a assuré la ministre du Travail Muriel Pénicaud. « On fixera les besoins par métiers et par territoires », a-t-elle encore expliqué. « Ce sont les partenaires sociaux et les régions qui diront, par exemple, en Alsace, on manque de charpentiers. »

Pour rappel, ils étaient 32 000 immigrés à obtenir un titre de séjour pour raisons économiques en 2018 sur près de 255 000 titres de séjour octroyés.

– Mise en place de trois mois de carence pour les demandeurs d’asile avant d’accéder à la Sécurité sociale de base

Les demandeurs d’asile devront désormais attendre trois mois avant de pouvoir accéder à la Protection universelle maladie (PUMa), la sécurité sociale de base, sauf en cas d’urgence. Jusqu’à présent, ces personnes pouvaient bénéficier d’une protection santé dès lors que leur demande d’asile était en cours d’examen.

Pour toute personne détentrice d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français), l’accès aux soins sera interrompu. Pour les déboutés du droit d’asile, qui ne sont pas sous le coup d’une OQTF, l’accès à la PUMa sera par ailleurs réduit de 12 mois à 6 mois.

La ministre de la Santé Agnès Buzyn s’était récemment élevée contre un « dévoiement » de la PUMa par des demandeurs d’asile venant de Géorgie et d’Albanie « qui sont a priori des pays sûrs ».

Ce délai de carence ne s’appliquera pas aux enfants mineurs, a assuré la ministre.

– Accord préalable avec la Sécurité sociale pour certains actes médicaux de l’Aide médicale d’Etat (AME)

Dispositif réservé aux sans-papiers, et régulièrement au cœur de controverses, l’Aide médicale d’Etat (AME) n’est pas directement touchée par les nouvelles mesures gouvernementales. Mais désormais, avant de pratiquer certains actes médicaux, considérés comme non-urgents (chirurgie de la cataracte, poser une prothèse de hanche…), la Sécurité sociale devra donner son accord au préalable.

Actuellement, la loi stipule que l’une des conditions pour bénéficier de l’AME est de résider de façon stable depuis plus de trois mois en France (excepté Mayotte). « Nous renforcerons nos contrôles pour vérifier qu’il n’y a pas de dissimulation de visas », a assuré Agnès Buzyn.

L’idée serait donc de préciser qu’il faut être en situation irrégulière pendant ce laps de temps, pour éviter que des personnes venues en France en tant que touristes puissent profiter du système français de santé ensuite. « Nous serons intraitables sur les fraudes », a prévenu la ministre.

– Ouverture de 3 nouveaux centres de rétention administrative (CRA)

« Nous voulons des expulsions rapides pour les déboutés du droit d’asile venant de pays sûrs », a encore expliqué le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. Pour ce faire, trois nouveaux centres de rétention administrative (CRA) vont voir le jour, à Bordeaux, Lyon, ainsi qu’à Olivet, près d’Orléans.

Le ministre a en outre annoncé vouloir faire en sorte que les « transferts Dublin » soient « plus efficaces ».

– Réduction du délai de l’instruction de l’asile

La réduction des délais d’instruction des dossiers pour les demandeurs d’asile est toujours au programme du gouvernement. L’objectif est de réduire ce délai, actuellement de 12 mois en moyenne, à 6 mois. La loi asile et immigration, votée en 2018, prévoyait déjà une telle réduction mais n’a pas obtenu les effets escomptés dans un contexte de « forte augmentation des demandes » dixit Matignon.

« Nous ne toucherons pas au regroupement familial », a déclaré Christophe Castaner. « Mais nous lutterons contre les fraudes au regroupement familial. »

– Création de 200 postes à l’Ofpra et 59 à la CNDA

Le ministre de l’Intérieur a annoncé que 200 postes seraient créés à l’Ofpra, l’instance chargée de délivrer les statuts de protection, et 59 à la CNDA (Cour nationale du droite d’asile). Selon Édouard Philippe, ceux-ci ont déjà été prévus dans le plan Finances 2020.

– Création de 16 000 logements pour les réfugiés statutaires partout en France

– Évacuation des campements informels du nord-est parisien avant la fin de l’année

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/20650/ouverture-de-nouveaux-cra-reduction-de-la-couverture-sante-la-france-serre-la-vis-que

Translate »