La presse grecque a publié le texte original de l’accord signé avec les créanciers (rédigé en anglais) et que nous reproduisons ici page par page : cliquer 2 fois sur l’image pour une meilleure lecture
L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 est contraire à la législation communautaire
par Nikos Chountis eurodéputé Unité Populaire-Laiki Enotita
COMMUNIQUE DE PRESSE
L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53, l’exception qu’elle présente par rapport à tout acte de réquisition ou d’indemnisation obligatoire même en temps de guerre, l’autorisation de recruter du personnel étranger et l’exportation de ses rémunérations en devises, mais aussi l’autorisation d’un rapatriement des prêts ou du capital-risque, ont été considérés par la Commission elle-même comme illégales et contraires au droit communautaire au moment où elle a examiné la vente d’OLP[1] à la société chinoise Cosco, une affaire qui partage de nombreux points communs avec la vente des 14 aéroports à la société Fraport.
C’est ce que révèlent la question posée à la Commission par Nikos Chountis, le député européen de l’Unité Populaire, ainsi que sa déclaration à ce sujet.
Plus précisément, Nikos Chountis dans la question qu’il pose, fait référence au décret présidentiel 27, lequel a été publié le 7/04/2017 sur la base de la loi 2687/53 concernant les « investissements et la protection des capitaux de l’étranger », et par le biais duquel sont accordés des avantages supplémentaires et des garanties à la société Fraport. Il fait savoir que « de telles garanties n’ont jamais été fournies après l’entrée de la Grèce dans l’UE, à l’exception des compagnies maritimes, dans la mesure où elles violent manifestement le droit européen en offrant un cadre d’investissement plus favorable aux investissements dits « productifs », qui relèvent de la loi précitée, par rapport aux autres investissements ».
Nikos Chountis, en guise de conclusion à sa question, demande à ce que soit soumis à examen le fait que l’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53, juridiquement bien plus contraignante et comportant des « avantages », est compatible avec le droit communautaire.
Il faut noter que la Commission, dans le cas de la vente d’OLP, où l’on a tenté d’appliquer la loi 2687/53, a exclu toute réticence du gouvernement de l’époque à ce sujet par la décision SA.28876 (2012/C) (Journal officiel JO C 301/55, 5/12/2012), en faisant valoir que :
« L’exemption des restrictions légales (expropriation contraignante, réquisition des actifs, autorisation de recruter du personnel étranger et exportation de ses rémunérations en devises, autorisation de rapatriement des prêts ou du capital-risque) pourrait aussi à l’avenir favoriser le Terminal à conteneurs du Pirée, filiale de la société Cosco ». Pour cette raison, il estime que « la protection dans le cadre d’un régime spécifique et protecteur pour les investissements étrangers (Ν. 2687/53) n’est pas compatible avec le marché intérieur ».
Il faut souligner que les exonérations précitées sont les mêmes que celles qui ont été attribuées à la société Fraport il y a quelques jours, par le biais du décret présidentiel 27/2017.
En réaction à la soumission de la question précitée, Nikos Chountis a fait la déclaration suivante :
« Alors que la Commission ne voulait pas, à juste titre, entendre parler d’une inclusion d’OLP dans la loi 2687/53, ce qui aurait donné des avantages et des garanties supplémentaires à la société chinoise Cosco, elle fait semblant de ne pas comprendre qu’avec le décret présidentiel 27 de 2017 les 14 aéroports achetés par la société allemande Fraport bénéficient du même statut préférentiel qui découle de la loi 2687/53, violant de ce fait les lois en matière de concurrence de l’UE.
Alors que SYRIZA, en tant que force d’opposition, fustigeait le gouvernement Samaras afin que la société Cosco ne bénéficie pas d’un statut préférentiel et promettait la suppression de la loi 2687/53, en tant que gouvernement SYRIZA il satisfait entièrement jusqu’à la dernière exigence de la société Fraport, et lui accorde des avantages supplémentaires et des garanties. C’est le premier gouvernement depuis l’entrée de la Grèce dans l’UE à proposer cette inclusion dans la loi 2687/53, au-delà des compagnies maritimes et des investissements dits « productifs ».
L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 n’est pas seulement une pratique complaisante, illégale et politiquement condamnable, mais démontre que le gouvernement SYRIZA lorsqu’il s’agit de « donner satisfaction » aux Allemands, est davantage disposé et plus « efficace » encore que le gouvernement Samaras ».
Le Service de Presse 26.04.2017
[1] Société du Port du Pirée (OLP)
Traduction Merci à Vanessa de Pizzol
https://unitepopulaire-fr.org/2017/05/10/nikos-chountis-linclusion-de-la-societe-fraport-dans-la-loi-268753-est-contraire-a-la-legislation-communautaire/
Blog de Romaric Godin le 7/4/17
La Grèce et ses créanciers sont sur le point de trouver un « accord ». Il faudra encore faire des économies, cette fois à hauteur de 2 % du PIB. Athènes est encore une fois sacrifiée sur l’autel des intérêts de ses créanciers et de la fiction du « succès des réformes ». Une fuite en avant inquiétante.
Ce vendredi 7 avril au matin, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, toujours en place en dépit de ses provocations depuis quelques jours, se disait de « bonne humeur » sur l’issue de la énième « réunion décisive » du conseil des ministres des finances de la zone euro. Voici donc où en est réduit la Grèce : voir son sort dépendre de « l’humeur » d’un responsable largement discrédité dans son pays (où son parti a vu son électorat divisé par cinq) et au niveau européen (le parlement européen l’a déclaré persona non grata mardi après un refus de se présenter devant les élus). Et, pour s’assurer ses faveurs, demander que l’on oublie ses insultes, comme l’a fait le ministre grec des Finances Euclide Tsakalotos qui a affirmé vouloir passer l’éponge sur les déclarations injurieuses récentes de Jeroen Dijsselbloem.
Prétexte
La Grèce est plus que jamais dans l’attente de la conclusion de la « seconde revue » de son « troisième programme ». Cette « revue » n’est, en réalité, qu’un prétexte. Le vrai enjeu se situe ailleurs : dans les mesures futures qui feront entrer le FMI dans ce troisième programme. L’institution de Washington s’y est longtemps refusée, affirmant non sans raison, que la dette grecque était insoutenable à son niveau actuel (174 % du PIB) et qu’elle était une entrave au développement du pays. Le FMI tentait également ainsi de ne pas reproduire les erreurs de 2010 où il avait ignoré les mises en garde de ses propres équipes et où ses règles internes avaient été ignorées et modifiées à dessein. Mais l’Allemagne a toujours insisté pour que le FMI s’implique dans ce troisième programme. Angela Merkel a reçu en mars Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds, et, depuis, la présence du FMI semble acquise. Mais le prix de cette présence est élevé, et il sera porté par la Grèce. Et c’est bien le niveau de ce prix qui est actuellement en discussion.
Le FMI comme « père fouettard »
Le FMI accepterait donc de fermer les yeux sur l’insoutenabilité de la dette publique hellénique, mais, pour assurer cette « soutenabilité » au moins sur le plan théorique, il exige logiquement que la Grèce dégage pendant longtemps des excédents primaires élevés et qu’elle réduise un de ses principaux postes de dépenses : les retraites. Toute la question des discussions actuelles est donc de faire accepter au gouvernement d’Alexis Tsipras une nouvelle réforme des retraites, après celle qui est entrée en vigueur cette année. Une « réforme » qui se concentre sur un seul point : celui de la baisse des dépenses, jugées trop élevées par le FMI.
Les exigences du FMI ont plusieurs fois fait échouer les négociations et provoqué cette semaine la colère d’Alexis Tsipras. Mais elles ne sont que les conséquences de la position initiales des créanciers européens : celle de vouloir et la présence du FMI et l’absence de coupe dans le stock de dettes publiques qu’ils détiennent. Dès lors que le FMI accepte – pour des raisons apparemment politique – de rejoindre le programme, il devient le « père fouettard » de la Grèce. C’est évidemment ce que les créanciers européens attendent de lui. En maintenant dès la signature du mémorandum en août 2015 une position ambiguë sur le FMI, ces derniers se sont préservés les moyens d’utiliser le FMI à l’avenir pour faire pression sur la Grèce.
Athènes n’a pas le choix
Un accord semble désormais en vue, même si Jeroen Dijsselbloem a indiqué qu’il n’aura pas lieu lors de cet Eurogroupe du 7 avril. Les mines soulagées à Athènes et à La Valette (où se tient l’Eurogroupe) ne doivent pas tromper : le gouvernement grec n’a aucun choix alternatif. Il doit rembourser en juillet 2 milliards d’euros de dettes détenus par des investisseurs privés et 4 milliards d’euros à la BCE. Il ne peut faire face à ses engagements. Et comme Alexis Tsipras ne dispose d’aucune volonté désormais d’engager un rapport de force, il va devoir céder, moyennant quelques menues concessions, l’essentiel. C’est du reste ce qui s’est passé depuis l’été 2015 puisque ce troisième programme n’a cessé de se durcir.
Facture salée
La facture cette fois s’annonce cependant sévère : il s’agira de réaliser 3,6 milliards d’euros d’économie après la fin du programme prévu en 2018. Le système des retraites sera mis à contribution en 2019 avec des économies de 1 % du PIB. Puis en 2020, il faudra relever l’impôt sur le revenu pour qu’il rapporte encore 1 % du PIB de plus. Les créanciers et le FMI se lamentent souvent sur le poids des pensions dans la dépense publique grecque. Il est réel, puisque la Grèce consacre 17,1 % de son PIB aux retraites, selon Eurostat, contre une moyenne de 13,5 % du PIB pour la zone euro. Mais ce phénomène est lié au fait que le reste des transferts sociaux sont plus faibles. L’ensemble des dépenses sociales s’élèvent à 26 % du PIB contre 29,5 % dans le reste de la zone euro. Le tout avec une situation sociale critique. Les pensions sont donc souvent utilisées pour jouer un rôle redistributif dans les familles. Elles ont, du reste, été déjà lourdement frappée par les économies.
Politiquement suicidaire pour Syriza
Politiquement, cette décision est un acte suicidaire de plus pour Syriza qui accuse déjà dans les sondages un retard de 19 points sur le parti conservateur Nouvelle Démocratie. Le montant des retraites était une « ligne rouge » du parti qu’il avait, bon gré mal gré, tenté de maintenir dans son projet de réformes de 2016. Ce projet avait, du reste, eu également un coût : celui d’une baisse automatique des dépenses publiques en cas de déviation de l’objectif budgétaire d’un excédent hors service de la dette de 3,5 % du PIB en 2018. Bref, la capacité de résistance d’Alexis Tsipras, sur laquelle il a fondé sa stratégie, n’a pas prouvé son efficacité. Mais il est vrai qu’il n’a guère de moyen de pression réel.
Persister dans l’échec
Économiquement, l’arrivée du FMI et ces nouvelles mesures traduisent une fuite en avant dans l’échec. Le refus des créanciers européens de reconnaître l’échec patent de leur politique grecque, leur insistance à appeler « réforme » des mesures d’austérité et leur capacité à entraîner le FMI dans leur folie sont autant de signes extrêmement inquiétants pour l’avenir de la Grèce. Ce pays est plus que jamais soumis à un « péonage de la dette » où elle doit, dans des conditions dantesques, produire de la richesse pour la transférer à ses créanciers. C’est la meilleure façon de rendre la dette grecque encore plus insoutenable en détournant les investissements de ce pays. Et de tromper, au passage, les contribuables européens à qui l’on fait croire l’impossible : celui d’un remboursement de la dette grecque.
Romaric Godin
https://lemouvementreel.com/2017/04/07/la-grece-victime-de-lentente-entre-le-fmi-et-ses-creanciers/
Olivier Delorme est écrivain et historien. Passionné par la Grèce, il est l’auteur de La Grèce et les Balkans: du Ve siècle à nos jours (en Folio Gallimard, 2013, trois tomes), qui fait aujourd’hui référence. Il vient également de publier Trente bonnes raisons de sortir de l’Europe.
Alors que la crise grecque semble sur le point de refaire surface en raison de la mésentente entre les différents créanciers du pays, et que l’idée d’un « Grexit » est récemment devenue, pour la toute première fois, majoritaire dans un sondage grec, Olivier Delorme a accepté de revenir pour L’arène nue sur la situation de la Grèce.
Cette analyse est en trois partie et traite successivement de l’impasse économique, de l’impasse géostratégique et de l’impasse politique dans lesquelles se trouve Athènes. Le premier volet, https://www.grece-austerite.ovh/vers-le-grexit-13-limpasse-economique/ Le second volet https://www.grece-austerite.ovh/vers-le-grexit-23-limpasse-geostrategique/. Ci-dessous figure le troisième volet.
La troisième impasse dans laquelle se trouve la Grèce est politique. Après que Syriza eut perdu de peu les élections législatives de juin 2012, ses responsables jugèrent que, l’accession au pouvoir devenant probable, il convenait de renoncer à un programme radical au profit d’une approche qu’ils pensaient (ou feignirent de penser) acceptable par l’UE. L’aggiornamento s’opéra donc au profit d’un réformisme néokeynésien, en vérité très modéré, appuyé sur l’idée que les partenaires européens comprendraient que, pour que la question de la dette trouve une solution pérenne et raisonnable, le pays devait sortir de la spirale déflationniste résultant des politiques imposées par le FMI et l’UE depuis 2009-2010. Syriza faisait du même coup l’impasse sur le fait qu’il était fort peu probable que les gouvernements allemand et européens (conservateurs ou prétendument socialistes, mais tous acquis aux dogmes néolibéraux) fassent à un gouvernement de gauche qui s’affichait radicale (bien qu’il ne le fût déjà plus vraiment) un cadeau qu’ils avaient refusé à son prédécesseur conservateur, envoyant celui-ci à l’abattoir électoral alors même qu’il était leur allié idéologique.
Ce que Syriza n’a pas voulu comprendre (ou qu’elle a feint de ne pas comprendre), c’est la nature profondément idéologique de ce qu’il est convenu d’appeler la « construction européenne » dès l’origine, mais de manière bien plus brutale depuis la décennie 1986-1995 (Acte unique européen, traité de Maastricht, création de l’Organisation mondiale du commerce). Ce que Syriza, comme l’ensemble des partis socio-démocrates, feint d’ignorer, c’est que la moindre politique de gauche – fût-elle extrêmement modérée – est désormais impensable dans ce cadre. Et que ce cadre-là a précisément été conçu pour servir à cela. Qu’il est donc irréformable.
Avant comme après la victoire électorale de 2015, j’ai écrit et dit que si les dirigeants de Syriza pensaient ce qu’ils proclamaient, ils iraient dans le mur. Car la position de l’UE n’était pas rationnelle (ce qu’a confirmé l’ex-ministre des Finances Varoufakis dans ses témoignages sur les « négociations » de l’Eurogroupe) mais bien idéologique. Dès lors, le discours de Syriza n’était justifiable que dans la mesure où il permettait d’accéder au pouvoir, dans un pays où la peur des conséquences d’une sortie de l’euro était encore forte, puis de faire la démonstration devant le peuple qu’aucune solution raisonnable n’étant acceptable dans la logique qui sous-tend l’euro, la question qu’il reviendrait à ce peuple de trancher était de savoir s’il préférait rester dans l’euro, ce qui supposait la poursuite des mêmes politiques, ou changer de politique, ce qui supposait de sortir de l’euro. Et nous fûmes un certain nombre à croire, lors de l’annonce du référendum de juillet 2015, que c’était bien la stratégie du gouvernement – jusqu’à ce que celui-ci trahisse, presque immédiatement, le mandat qu’il avait sollicité et reçu.
Je n’avais pas envisagé la troisième solution quant à l’explication du discours de Syriza : qu’il était le paravent, au niveau du petit groupe de dirigeants, ou d’une partie de celui-ci, d’un opportunisme dont le but était d’occuper la place d’un système politique failli et effondré – celui de la Nouvelle démocratie (ND, droite) et du Parti socialiste panhellénique (PASOK) qui avaient alterné au gouvernement depuis le rétablissement de la démocratie en 1974 –, puis de se maintenir au pouvoir à n’importe quel prix.
Combien de mesures exactement contraires aux convictions affichées de Syriza ont été ratifiées par le deuxième gouvernement Tsipras ? Une capitulation n’est jamais que l’acte initial d’une série sans fin de capitulations. Jusqu’à l’automne 2016, celles-ci ont été justifiées par la perspective d’obtenir, en échange, un allègement de la dette – perspective fallacieuse, puisque le refus allemand d’une telle opération est tout autant idéologique que le refus de tout « accommodement raisonnable » en 2015 – idéologique et électoral, car dans une situation où elle se trouve concurrencée sur sa droite par l’AfD, la chancelière Merkel ne peut consentir la moindre concession à la Grèce.
Comme il était prévisible, la négociation sur la dette n’a donc abouti qu’à des mesures symboliques, en aucun cas susceptibles de permettre un rebond de l’économie grecque. Ces mesures ont d’ailleurs été suspendues par l’UE aussitôt que Tsipras a annoncé, en décembre 2016, quelques « cadeaux de fin d’année » pour les plus pauvres, pourtant eux aussi symboliques, manifestant ainsi que la Grèce était en réalité devenue – comme on disait au XIXe siècle pour des États formellement indépendants mais tenus dans une étroite dépendance par leurs créanciers d’Europe occidentale – une « colonie sans drapeau ».
Dans ces conditions, les discussions de ces dernières semaines ne pouvaient qu’aboutir au résultat auquel elles ont abouti. On sait depuis longtemps déjà que le FMI n’aurait pas dû participer aux plans indûment nommés « plans d’aide », puisqu’ils ne font que maintenir la Grèce dans un état de dépendance et aggravent la situation des Grecs. Pour le faire, le Fonds a en effet enfreint ses propres règles, en même temps qu’il a ignoré les analyses produites en son sein prouvant que les effets récessifs des politiques imposées à la Grèce avaient été massivement sous-évalués, puis que les politiques appliquées ne pouvaient qu’échouer sans une véritable restructuration de la dette permettant sa soutenabilité – une restructuration à laquelle se refuse le gouvernement allemand. Et il semble bien que, au nom des convenances électorales de Mme Merkel, le FMI soit une fois de plus en passe d’accepter ce qu’il devrait refuser au regard de ses propres principes, l’absence de restructuration le conduisant, une fois de plus et de manière absurde, à exiger davantage de mesures récessives dont on sait qu’elles ne feront qu’aggraver encore et toujours la situation.
La course à l’abîme et aux « réformes » structurelles, à la baisse des pensions (alors qu’en raison du chômage de masse, des familles entières n’ont plus que la pension de l’aïeul comme seul revenu régulier) et à la liquidation de ce qui reste d’État social aussi bien que de patrimoine national va donc se poursuivre. À la Vouli (le Parlement), le Premier ministre Tsipras a présenté cette nouvelle capitulation comme un « compromis honorable » consistant à aller « au-delà de l’austérité », à « en finir avec les plans d’aide » et à « faire sortir le pays de la crise ». Alors qu’il s’agit juste du contraire : cette inversion de la parole politique posant la question désormais centrale en Grèce : celle de la démocratie.
Déjà, l’adoption des trois mémorandums avait constitué une négation du droit d’amendement des députés et des prérogatives du Parlement, fondements de la démocratie représentative qui figurent parmi les principes dont se réclame l’UE. Puis, au lendemain de la victoire électorale de Syriza en janvier 2015, Jean-Claude Juncker affirma qu’il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. Aujourd’hui, le même président de la Commission répond par lettre à deux députés grecs au Parlement européen – qui arguaient des principes mêmes de l’UE pour demander le rétablissement des conventions collectives abolies par les mémorandums – que « les mesures convenues dans le cadre d’un programme d’ajustement n’ont pas nécessairement à se conformer à l’acquis européen » et que « lorsque des mesures nationales sont convenues dans le cadre d’un programme d’ajustement, la Grèce ne met pas en œuvre la législation européenne et, par conséquent, la Charte des droits fondamentaux de l’UE ne s’applique pas comme telle dans les mesures grecques ». Autrement dit, l’UE est habilitée, en Grèce, à violer les principes sur lesquels elle prétend se fonder.
Dans ces conditions que reste-t-il des droits fondamentaux, économiques et sociaux, proclamés et garantis par la Constitution du 9 juin 1975 ? Quelle est encore la crédibilité de Syriza, dont toute la campagne pour les élections de janvier 2015 fut axée sur la volonté de rendre sa dignité au peuple grec, Tsipras annonçant, le soir même de la victoire, que son gouvernement serait « chaque mot de la Constitution » ? Que subsiste-t-il, en Grèce, d’un État de droit que l’UE prétend ranger au nombre de ses principes fondateurs et qu’elle a vaporisé, en Grèce, depuis 2010 ? Quelle est encore la crédibilité des mécanismes démocratiques – vidés de sens et de contenu par l’UE – et la crédibilité de la parole des formations politiques ?
On sait que, après 2009, le PASOK qui, depuis les années 1980 réunissait autour de 40 % des suffrages, s’est effondré sous les 10 %, et que la ND, dont l’audience électorale était du même ordre est tombée à 18,85 % en mai 2012 pour se stabiliser entre 27,8 % et 29,7 % aux trois scrutins suivants (juin 2012, janvier puis septembre 2015). Alors que beaucoup de Grecs pensent que le gouvernement Tsipras est en sursis et que de nouvelles élections législatives se tiendront à plus ou moins brève échéance, les sondages donnent la ND et le PASOK à des niveaux du même ordre (sous les 30 % pour la ND, autour de 6 % pour le PASOK). D’autant que la ND est désormais dirigée par Kyriakos Mitsotakis, rejeton d’une des familles les plus caricaturales du vieux système clientéliste, qui affiche sa grande proximité avec l’Allemagne afin d’accréditer l’idée qu’on lui concédera, à Berlin, ce qu’on a refusé à ses prédécesseurs, ce qui, vu l’état de l’opinion grecque et le fort ressentiment à l’égard de l’Allemagne, est à double tranchant. De surcroît, ce leader, à la popularité déjà bien faible pour un chef du principal parti d’opposition candidat au poste de Premier ministre, est périodiquement mis en cause pour son implication présumée dans le plus grand scandale de corruption qu’ait jamais connu la Grèce – celui des innombrables pots-de-vin versés par l’Allemand Siemens. C’est dire combien le discrédit frappant Syriza, qui a obtenu 16,8 % en juin 2012, 36,3 % en janvier 2015, 35,4 % en septembre et se retrouverait autour de 15 %, ne profite pas aux formations de l’ancien système.
Les sondages semblent indiquer aussi que disparaîtrait de la Vouli le parti centriste pro-européen Potami (Le Fleuve), dont la fonction, comme Ciudadanos en Espagne ou Macron en France aujourd’hui, est de fournir une « roue de secours » à des majorités épuisées, en se réclamant de la nouveauté et de la modernité. Il en irait de même de l’Union des centres, entrée à la Vouli en septembre 2015, ainsi que des Grecs indépendants, scission de la ND qui s’affichait souverainiste, mais qui, partenaire de coalition de Syriza, subit logiquement les conséquences du rejet de la politique du gouvernement.
Dans l’état actuel, seuls les néonazis d’Aube dorée (prétendument partisans d’une sortie de l’euro et de l’UE) et les communistes orthodoxes du KKE (favorables la sortie de l’euro et au « désengagement » de l’UE) semblent en position de tirer une partie des marrons du feu – les uns et les autres restant néanmoins en-dessous de 10 %. Enfin les différentes formations qui se trouvent à la gauche de Syriza – l’EPAM, qui défend depuis le plus longtemps une sortie de l’euro ; ANTARSYA, gauche anticapitaliste et libertaire ; Unité populaire, issue de l’aile gauche de Syriza, et Cap sur la liberté de l’ancienne présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, qui ont quitté Syriza après la capitulation de juillet 2015 – admettent désormais tous, plus ou moins ouvertement, la nécessité, avant ou après une négociation, d’une sortie de l’euro, voire de l’UE. Mais ces partis sont pour l’heure incapables de présenter un front commun et aucun d’entre eux ne semble en mesure d’obtenir une représentation parlementaire.
Dans ce paysage politique ravagé, par les injonctions européennes et les reniements de Syriza, beaucoup de Grecs estiment que si des élections intervenaient, elles ne serviraient à rien. Elles seraient les septièmes depuis 2007, aucune assemblée n’étant depuis cette date allée au terme de son mandat : ce qui montre à quel point les politiques européennes ont rendu le pays ingouvernable.
Le score étriqué que les sondages accordent à la ND et au PASOK risque en outre de ne pas leur permettre de pouvoir reconduire une coalition qui a gouverné le pays entre 2011 et 2015 (il faut totaliser autour de 40 % des suffrages pour obtenir une majorité absolue à la Vouli). À moins que le véritable but de Tsipras ne soit aujourd’hui de revenir avec assez de députés pour être indispensable à une formule de « grande coalition » qui se généralise en Europe à mesure que le rejet, par les peuples, des politiques induites par l’appartenance à l’euro et à l’UE réduit l’audience électorale des anciens partis de gouvernement : si l’on ajoute aujourd’hui les scores donnés à ces trois partis qui ont gouverné la Grèce depuis 1974, on parvient à peine à 50 % du corps électoral ! Et quelle serait d’ailleurs la viabilité d’une telle combinaison, dès lors qu’il s’agira, de toute façon, de poursuivre la même politique sous la même tutelle ? Ne serait-ce pas, surtout, la meilleure façon de permettre l’ascension électorale d’Aube dorée ?
Quant à l’abstention qui a atteint 43,5 % en septembre 2015, dans un pays où le vote est obligatoire et où la participation tourna longtemps autour de 80 %, elle sera le meilleur baromètre du discrédit, non de tel ou tel parti, mais bien de la démocratie elle-même. Sur le terrain en tout cas, l’épuisement psychique et parfois physique, en même temps que le rejet de toute parole politique, est sensible chez beaucoup.
Les perspectives apparaissent dès lors bien sombres. L’échec de Syriza a en réalité tué, et sans doute pour longtemps, l’idée qu’une alternance soit autre chose qu’un leurre permettant de poursuivre une politique déterminée ailleurs et hors de tout contrôle démocratique. La contestation sociale ne s’est jamais éteinte. Mais les niveaux de mobilisation sont loin des hautes eaux de 2010. Si les grèves et les manifestations sont permanentes, elles restent catégorielles, éclatées, elles ne coagulent pas (encore ?) en un mouvement populaire puissant capable d’emporter le régime comme ce fut le cas en Argentine, dans des conditions économiques et politiques assez comparables, en 2001 – depuis le début de la crise, remarquons que l’image d’un hélicoptère survolant le Parlement grec, en référence à celui qui exfiltra alors le président De la Rua de la Casa Rosada, est un classique de l’iconographie des manifestants.
De même, l’armée a-t-elle été dépolitisée depuis le retour de la démocratie en 1974, alors que, depuis l’indépendance, elle était intervenue maintes fois dans la vie politique, qu’il s’agisse de « coups » d’extrême droite (le plus connu étant celui des Colonels en 1967) ou d’officiers modernisateurs (en 1909, le coup de Goudi inaugura une des périodes de modernisation et de démocratisation les plus intenses de l’histoire du pays). Peut-on pour autant exclure que, si Erdogan envenimait la situation en mer Égée – dans une stratégie de fuite en avant classique pour des régimes autoritaires en difficulté intérieure –, une partie de l’armée considère que les gouvernements successifs, qui ont accepté le carcan imposé par l’UE, ont mis en danger les intérêts supérieurs de la nation ? Il est certain, en tout cas, que la fragilisation de la démocratie par l’UE rouvre un champ des possibles qui semblaient ne plus l’être depuis longtemps.
Un autre possible paraît d’ailleurs s’ouvrir avec l’arrivée au pouvoir du nouveau président américain et la dernière pseudo-négociation sur la poursuite de la participation du FMI au processus de mise en tutelle de la Grèce appelé « plan d’aide », qui a donné l’occasion au ministre des Finances allemand Schäuble d’agiter une fois encore la menace d’un Grexit forcé. Sur la chaîne Bloomberg, l’économiste Ted Malloch, pressenti par le président Trump pour représenter les États-Unis auprès de l’UE (où certains s’activent à empêcher cette nomination considérée hostile), a déclaré le 5 février dernier que la Grèce ne pouvait continuer à souffrir ainsi de stagnation, ajoutant : « je ne veux pas parler à la place des Grecs, cependant du point de vue d’un économiste, il y a de très fortes raisons pour la Grèce de quitter l’euro », ce qui devrait, selon lui, être assorti d’un plan d’accompagnement.
Venant peu après l’entretien accordé par le président Trump au Times (16 janvier) dans lequel ce dernier se prononçait en faveur de la conclusion rapide d’un accord commercial bilatéral avec le Royaume-Uni et d’une aide américaine aux pays qui choisiraient de quitter l’UE, la déclaration de Malloch a bien sûr été entendue à Athènes. Il faut rappeler ici combien une partie des « élites politiques » grecques, quelle que soit leur appartenance partisane – y compris des membres du groupe dirigeant de Syriza et de l’actuel gouvernement –, est intimement liée aux États-Unis où nombre d’hommes politiques grecs (qui parlent parfois mieux l’anglais que leur langue « maternelle ») ont été formés, où ils ont souvent accompli tout ou partie de leur vie professionnelle.
C’est dans cette perspective qu’il faut dès lors considérer ce que, dans son précieux blog, l’historien et ethnologue Panagiotis Grigoriou, relevait récemment quant aux rumeurs de plus en plus insistantes d’un retour à la drachme – une drachme adossée au dollar. Pour l’observateur de la politique grecque, il ne serait pas très étonnant de voir une partie de ces élites, à la fois coincées dans l’impasse de l’euro allemand et habituées à être les courroies de transmission d’un étranger dominant, envisager de troquer une tutelle euro-allemande inflexible, et de plus en plus impopulaire, contre un retour à la tutelle américaine espérée moins contraignante, plus bienveillante – à un moment où, pour les États-Unis, l’importance géostratégique de la Grèce (et donc l’intérêt d’y être plus présents) pourrait être réévaluée alors que le régime islamo-autoritaire d’Erdogan devient de plus en plus imprévisible.
En Grèce en tout cas, la magie de l’euro semble désormais ne plus vraiment fonctionner : pour la première fois, un sondage donne une majorité, et très nette : 54,8 % (soit 29,6 % des électeurs de la ND et 66,2 % de ceux de Syriza lors des dernières élections législatives) sinon pour une sortie de l’euro par principe, du moins pour un rejet des nouvelles mesures exigées par les créanciers, même si cela doit conduire à une sortie de l’euro et un retour à la drachme, 32,2 % des personnes interrogées se prononçant pour l’acceptation et le maintien à tout prix dans l’euro.
Pour ceux qui, comme moi, pensent depuis le début de la « crise grecque » que l’euro en a été la cause essentielle, la prise de conscience de l’opinion que semble traduire ce sondage est sans doute une raison d’espérer que le peuple grec trouve enfin une issue à la triple impasse actuelle. Il reste que le temps perdu ne se rattrape pas et que la sortie – de toute façon inéluctable – serait plus dure aujourd’hui qu’elle ne l’aurait été en 2010, 2012 ou 2015 parce que, tout au long de ces années sacrifiées, le potentiel productif – et donc de rebond – n’a cessé de fondre. Pour les mêmes raisons, cette sortie sera plus difficile demain qu’aujourdhui ; elle le sera d’autant plus qu’elle sera imposée ou/et improvisée, au lieu d’être choisie, préparée et négociée.
Pour aller plus loin, on peut également regarder ce reportage sur la Troïka :
Publié par Coralie delaume fr
Lettre au peuple grec : vous êtes sacrifiés devant les yeux du monde de Peter Koenig (en anglais) citée par Panagiotis Grigoriou dans sa chronique Ni piéton ni phoque
By Peter Koenig
Dearest and Esteemed People of Greece,
You are being slaughtered right in front of the world’s eyes and nobody says beep. Least the Greek elite. Your Government. A few, but a few too many, allow the slaughter because it doesn’t concern them. They are blinded by the false glamour of the euro and of belonging to the ‘elite class’ of the noble Europeans (sic!).
They apparently live well enough, including the caviar socialists of Syriza. They let their country bleed to death literally, morally, socially and psychologically. Medical care is no longer available or privatized and unaffordable. Pensions were reduced five times. They were never more than a survival kit. By now they have been slashed in some cases by over 50%. Hordes of people live on food handouts. Most social services, including to a large extent education have been sold out, privatized. Gone with a flicker. Gone, by order of Germany – and the holy troika – the criminal gang of three, IMF, European Central Bank (EIB) and the European Commission (EU); the latter a mere bunch of unelected corrupt puppets, deciding the fate of some 800 million Europeans – with YOU, the Greek people, accepting carrying the brunt end of the stick.
In September 2016, the unelected European Commission sent Greece a Brussels-drafted legislation of over 2,000 pages, in English, to be ratified by the Greek Parliament within a few days – or else. – Nobody asked: ‘What is else’?
Brussels didn’t even bother translating this unreadable legalistic heap of paper into Greek, nor did they allow the Parliament enough time to read, digest and debate the new fiscal legislation. Most parliamentarians could not read them, either because of language or due to the imposed time limit. The Parliament ratified the legislation anyway.
Under this new law, Greece is transferring all public assets (public infrastructure, airports, ports even public beaches, natural resources, etc.), unconditionally, for 99 years, to the European Stability Mechanism (ESM) which is free to sell (privatize) them at fire sales prices to whomever is interested – supposedly to pay back the Greek debt. The fund was originally estimated, certainly under-estimated – at about 50 billion euros. In the meantime, the value of the Greek assets has been further downgraded by the troika to between 5 and 15 billion euros, as compared to Greece’s debt of more than 350 billion euros. The ESM is a supranational undemocratic apparatus, accountable to no one.
With this legislation, the Greek Parliament – YOUR Parliament, Esteemed People of Greece! – has annulled itself. It is no longer allowed to pass any budget or fiscal (tax) legislation. Everything is decided in Brussels in connivance with the IMF and the ECB. The last time a similar situation happened was in 1933, when the German “Reichstag” (Parliament) transferred all of its legislative power to Chancellor Adolf Hitler.
This, Dear People of Greece – is sheer economic fascism, right in front of your eyes, the world’s eyes, but nobody wants to see it. The worst blind is the one who doesn’t want to see.
This asset seizure was confirmed when the last hope for at least some debt relief was dashed at the end of February this year. Even the IMF initially recommended and today still privately recommends debt relief. However, Germany without mercy announced the final pillage of Greece, requesting Greece to surrender gold, utilities and real estate to the ESM – largely managed by Germany. The next ‘bailout’ amount, if Greece goes to her knees and surrenders everything, might be 86 billion euros, meaning NEW DEBT. In exchange of what? More interest, a higher debt service (interest and debt amortization) — and an even bleaker outlook to ever, and I mean ever, getting out of this US-European fascism imposed process of killing of a nation.
Chancellor Angela Merkel is reported to have said, “Berlin’s stance on Greece’s bailout program remained unchanged”, after she met with IMF chief Christine Lagarde a few days ago (http://russia-insider.com/en/greece-surrender-gold-public-utilities-and-real-estate-exchange-pieces-paper-printed-brussels).
Some facts about Greece’s debt, as of 9 March 2017 :
Population 10.8 million.
Debt: 352 billion euros (interest per second: 617 euros; debt per citizen: 32,580 euros).
Interest per year: 19.5 billion euros.
Total Greek bailout funds from 2010 to end 2016: in excess of 250 billion euros – none of which went to Greece for the benefit of the people, but to pay debt service to the troika and pay off mostly German and French private banks.
Debt as a percentage of GDP: 181% (GDP 195 billion euros);
2008 Debt to GDP: 109% (less than today’s US debt to GDP ratio of 109.63%).
Greece’s GDP amounts to less than 2% of EU’s GDP.
Greek GDP has collapsed by more than 25% since 2008.
Unemployment is rampant – with an average of 26% – and close to 50% for young people (18 to 35).
Greece’s debt in 2008 would have been totally manageable internally, without outside interference, or so-called ‘bailouts’ – which are really not bailouts but forced debt accumulation.
Greece’s debt was NEVER a threat to the European Union, as the FED / ECB / WS bankster propaganda made you believe. The Greek and subsequent “European Crisis” was entirely fabricated by the banksters for their benefit, at the detriment of Greece and Europe. It had nothing to do with the Greek or European debt. But nobody questioned it. Those European and international top economists and politicians who knew, didn’t dare to speak out. The voices of those who did dare to speak the truth were muffled. The people of Europe were lied to, including the Greek, as usual by the presstitute media.
Let’s put the Greek debt in perspective.
In September 2011, without warning, the Swiss National Bank (SNB) devalued the Swiss franc by about 12% against the euro to protect its economy. This was an unfair move – to say the least, since none of the euro-zone bound countries has the liberty to re-or devalue its currency, as deemed necessary by their economy, i.e. Greece. While Switzerland is not a direct member of the EU, Switzerland is nevertheless bound to the EU by more than 120 bilateral contracts, thereby de facto a EU member.
During the 3 ¼ years of locking the exchange rate into a fixed rate of at least CHF 1.20 per euro, the SNB amassed more than 500 billion francs in extra foreign currency, mostly in euro. This is about 150% of Greece’s current debt.
Switzerland, a country of 8 million people, in theory, could bail out Greece’s full debt, say, at no interest, by a 50-year loan (World Bank IDA terms) – in solidarity; and to compensate a bit for the SNB’s questionable ethics vis-à-vis EU members. Switzerland would not suffer. To the contrary, such a move would help stem the risk of a Swiss currency inflation, due to the huge amounts of Swiss francs that needed to be ‘printed’ to maintain the artificial exchange rate against the euro. Would Switzerland be prepared to engage in such a solidary rescue action? –Probably not.
People of Greece! – Wake up.
Take things in your own hands! Don’t believe you politicians, your media! Get out of this criminal organization called the European Union, and this fraudulent western monetary system that is strangling you to death. Take back your sovereignty, your own currency. Default on your debt – the west can do nothing about it. Not if you run your country with your own public banks, and your own money, gradually but surely rebuilding a destroyed economy. Debt repayment is negotiable. Cases abound around the world. Argentina is one of the more recent ones. Even Germany renegotiated its foreign debt in 1952 (see London Agreement of German External Debt).
Germany, the leader of this economic massacre of Greece, owes Greece huge WWII reparation payments. On 8 February 2015, PM Tsipras requested Germany to pay up her full reparation debt to Greece of an equivalent of 279 billion euros, in today’s terms. Germany replied in April 2015 that the reparation issue was resolved in 1990 – which, of course, it wasn’t. It cannot be excluded that much of the German pressure on Greece today is a means of deviating the world’s attention of the reparation debt Germany owes to Greece.
People of Greece, be aware of what is going on. Do NOT ACCEPT what your government, Brussels and the troika are doing to YOU and YOUR country. To the contrary, request the full reparation payment from Germany – and demand GREXIT, as a fully legitimate follow-up to YOUR July 2015 overwhelming NO vote to more austerity-imposing troika ‘rescue’ packages.
If you do, you will soon see the light at the end of the tunnel — a light that has been blacked-out for too long by Germany and the gangsters of the troika and your own government.
Threats of Expulsion from the Euro Zone
German Finance Minister, Wolfgang Schaeuble still is attempting bluffing the Greeks and impressing the rest of the world by threatening Greece with expulsion from the Euro. Any sane government would turn that threat into its own initiative and abandon this putrefied monster called European Union, along with its fake and fraudulent common currency, called euro. But that’s the problem, Greece is reigned by insanity.
So, the Greek Government responds to insanity (from the troika) with insane submissiveness, namely with meek compliance – to the detriment of millions of their already deprived and enslaved compatriots.
Among those (still) influential Greek highflyers is Former Greek Finance Minister Yanis Varoufakis; the legendary and charming, ‘radical’, Motorcycle Minister. Though he resigned in apparent protest of the Syriza compliance with the troika’s requests despite the NO vote, today he is nothing more than a conformist, who is seeking few nominal ‘reforms’ in Brussels, but by no means wants Grexit, let alone the collapse of the EU – which, by the way, is fortunately imminent. As Greek Minister of Finance, Varoufakis never even had the ‘Option Grexit’ as a Plan ‘B’
(http://www.defenddemocracy.press/greece-disaster-capitulation/).
Nobody screams, yells, revolts, takes to the streets, blocks streets, bridges, railways, for days, weeks, interrupts the still ongoing commerce of the foreign owners of what’s left of YOUR country’s public assets. Nobody. This is not to blame the Greek who have to fight for sheer survival, who have to find ways to feed their kids and families, but the j’accuse goes to the Tsipras- Syriza clan and all those Greek elitists, the media (are they all bought like in Germany by the CIA?) and parliamentarians, who just watch in awe – but stand by. No action. Watching Greece – YOUR country, People of Greece! – bleeding to death.
Be aware, this is in fact not about debt and bailouts. If they tell you that the European ‘debt crisis’ is Greece’s fault, and that a new crisis is brewing, depending on how well Greece will conform to the rules of the next bail out – it is an outrageous lie. This crisis is manufactured by the very European, their elite, the FED-led Goldman Sachse’s of this world, who run the European Central Bank through Mario Draghi, a former GS executive – who de facto runs the European economy.
Why do they want Greece under their boots? – They, the scum of Brussels and ‘swamp’ of Washington (as President Trump used to call the Washington Deep State ‘establishment’), want a submissive Greece. Because Greece is in a highly strategic geographic location, at the cross-roads of west and east. Greece is a NATO country. Maybe the second most important NATO country (after Turkey), because of its strategic position. They don’t want Greece to be run by a ‘left-wing’ government. Syriza, of course, is everything but left-wing. It is as neoliberal as they come. The masters of the universe want ‘Regime Change’ – the good old regime change that threatens all those who do not bend to the rules of the west. Right now, the Syriza government is bending backwards over to please the money masters and to let her people be miserably humiliated and ruined.
Were Greece to hold new elections and let a right-wing party and Prime Minister win, à la New Democracy or even the fascist Golden Dawn, or a coalition of the two – the debt problem would go away, almost overnight. What Washington wants, and Brussels by (puppet) extension, is a compliant Greece that will never ever question its role in NATO, never question the EU, never question its shackles to the euro, and never question the US access to the Mediterranean Sea – rich in deep off-shore minerals and hydrocarbons. The same applies, by the way, also to Italy, Spain and Portugal – also riparian states of the Mediterranean Sea. Their governments have already been changed by outside (US / EU) interference to right-wing neoliberal compliant stooges.
The Greek elite and government inaction is inexcusable. This is Stockholm syndrome at its worst. Submissive to their hangman, until death do us part. And death in the form of total destruction, total pillage, total slavery, is not far away.
Do you, People of Greece, want to continue this path to slavery by a predatory empire, that will eventually call the shots on every move you make?
Or do you want to get your sovereignty back, your own currency – and be unshackled from the dictate of Brussels – and start afresh – as the noble and wise Greek people, who brought Democracy to the world some 2500 years ago? – Surely, Greece still has visionaries and the wisdom to remake Democracy. Remember, while we cannot change our geographic location – the future is irrefutably in the EAST.
Let’s live again Greece!
Long live the People of Greece!
Peter Koenig is an economist and geopolitical analyst. He is also a former World Bank staff and worked extensively around the world in the fields of environment and water resources. He lectures at universities in the US, Europe and South America. He writes regularly for Global Research, ICH, RT, Sputnik, PressTV, The 4th Media, TeleSUR, TruePublica, The Vineyard of The Saker Blog, and other internet sites. He is the author of Implosion – An Economic Thriller about War, Environmental Destruction and Corporate Greed – fiction based on facts and on 30 years of World Bank experience around the globe. He is also a co-author of The World Order and Revolution! – Essays from the Resistance.
The original source of this article is Global Research
Copyright © Peter Koenig, Global Research, 2017
Olivier Delorme est écrivain et historien. Passionné par la Grèce, il est l’auteur de La Grèce et les Balkans: du Ve siècle à nos jours (en Folio Gallimard, 2013, trois tomes), qui fait aujourd’hui référence. Il vient également de publier Trente bonnes raisons de sortir de l’Europe.
Alors que la crise grecque semble sur le point de refaire surface en raison de la mésentente entre les différents créanciers du pays, et que l’idée d’un « Grexit » est récemment devenue, pour la toute première fois, majoritaire dans un sondage grec, Olivier Delorme a accepté de revenir pour L’arène nue sur la situation de la Grèce.
Cette analyse est en trois partie et traite successivement de l’impasse économique, de l’impasse géostratégique et de l’impasse politique dans lesquelles se trouve Athènes. Le 1er volet https://www.grece-austerite.ovh/vers-le-grexit-13-limpasse-economique/
Le deuxième volet : l’impasse géostratégique
Par sa géographie, la Grèce se situe à un carrefour entre les bassins occidental et oriental de la Méditerranée et entre celle-ci et les Balkans. En raison de cette situation, elle n’a cessé, depuis une indépendance (1830) chèrement acquise à la suite d’une longue et meurtrière guerre d’indépendance dont elle est sortie lourdement endettée, de voir sa souveraineté étroitement limitée par des ingérences étrangères – principalement de la part du Royaume-Uni dont les États-Unis prennent le relais en 1947, tandis que l’Allemagne fait subir à ce pays, de 1941 à 1944, l’une des occupations les plus meurtrières et les plus destructrices en Europe. Cette situation et cette histoire ont généré un rapport très particulier de la Grèce à l’Europe occidentale – à laquelle elle a fourni les fondements de sa civilisation. Les Grecs se veulent profondément européens, mais la Grèce a presque toujours été considérée par les Européens de l’Ouest non comme un partenaire mais comme un objet dont les intérêts fondamentaux n’ont pas à être pris en compte.
Par sa religion et son histoire, la Grèce entretient par ailleurs des rapports spéciaux avec une Russie qui, du XVe siècle à 1917, s’est voulue à la fois dépositaire de l’héritage byzantin et protectrice des orthodoxes. Depuis l’indépendance de la Grèce, les intérêts géostratégiques de la Russie ont souvent convergé avec les siens, les Russes s’opposant à une puissance turque sur laquelle les Grecs conquièrent leur indépendance, qu’ils affrontent durant un siècle afin d’achever la construction de leur territoire national, et qui leur impose, depuis 1974, un défi stratégique permanent à Chypre comme en Égée.
Par deux fois, en 1976 et 1987, les différends sur la délimitation des eaux territoriales et de l’espace aérien égéens ainsi que sur les droits exclusifs d’exploitation du plateau continental ont failli conduire la Grèce et la Turquie – toutes deux membres de l’OTAN – à un conflit armé. Et en juin 1995, le Parlement turc a donné à son gouvernement une autorisation permanente de déclarer la guerre à la Grèce au cas où celle-ci étendrait ses eaux territoriales à 12 milles autour des îles habitées, en application de la Convention internationale sur le droit de la mer de Montego Bay (1982)… extension mise en œuvre par la Turquie en mer Noire et en Méditerranée.
En 1975, les Premiers ministres grec et turc avaient bien convenu de recourir, concernant ces litiges, à l’arbitrage de la Cour de justice internationale. Mais sitôt de retour à Ankara, le chef du gouvernement turc, alors prisonnier de sa coalition avec l’extrême droite, s’était dédit. Si bien que la question reste pendante, les tensions entretenues par la Turquie ayant conduit les deux pays à geler, depuis 1988, toute prospection et toute mise en valeur d’un sous-sol égéen qui pourrait pourtant être, pour la Grèce, une source d’énergie et de richesses dont elle a le plus grand besoin.
Dans cette affaire pas plus que dans la question chypriote (aujourd’hui compliquée par la volonté de la Turquie d’empêcher Chypre d’exploiter le gisement gazier découvert entre ses côtes et le littoral libano-israélien), la Grèce n’a jamais pu compter sur la moindre solidarité effective de la part de l’UE, laquelle a engagé (et poursuit) des négociations d’adhésion avec un État (la Turquie) qui occupe et colonise illégalement le tiers du territoire d’un de ses membres (Chypre), tout en niant les droits souverains d’un autre (la Grèce) – situation, en vérité, parfaitement ubuesque.
Pire, lorsque la Turquie engage, en 1996, une grave escalade autour des îlots grecs d’Imia dans le Dodécanèse, ni le Conseil européen, ni la Commission n’affirment la solidarité de l’Union, pourtant élémentaire, avec celui de ses membres qui se trouve agressé. Seul le Parlement vote alors une résolution – sans effet pratique – dénonçant la « dangereuse violation (…) des droits souverains de la Grèce ». Et c’est finalement au président américain qu’il reviendra de conduire la médiation qui aboutira au rétablissement du statu quo, avant un regain de tension autour des mêmes îlots en 2005. De même, la menace de frappes turques pour empêcher le déploiement par Chypre, en 1997, de 20 missiles S-300 achetés à la Russie, purement défensifs, ne suscitera-t-elle aucune solidarité de la part de l’UE. Et là encore c’est à une médiation américaine que l’on parviendra à une solution, les missiles étant « confiés » à la Grèce qui les déploie en Crète.
L’UE n’a pas davantage exigé que la Turquie renonce à sa doctrine dite des « zones grises » qui suppose, malgré les dispositions des traités dont elle est signataire, que plus de cent îlots dont le nom ne figure pas expressément dans ces traités ne soient plus considérés comme grecs. Quant au président Erdogan, il multiplie depuis la mi-2016 les déclarations aussi provocantes que potentiellement irrédentistes – évoquant les « frontières du cœur », celles du défunt Empire ottoman, ou affirmant que le traité de Lausanne qui fixa les frontières réelles de la nouvelle Turquie en 1923 est désormais caduc – des déclarations à l’évidence incompatibles avec les principes de l’UE… sans que celle-ci manifeste pour autant la moindre émotion.
Elle ne s’émeut pas davantage de la dangereuse multiplication des incidents depuis six mois : survols répétés d’îles grecques habitées ou non dans l’est égéen, violations des eaux territoriales, nouvelles provocations autour d’Imia depuis plusieurs semaines. Alors même que la Grèce s’inquiète de tractations entre Ankara et Tirana qui pourraient aboutir au déploiement d’une partie de la flotte turque dans les ports albanais. Car il faudrait alors, pour la Grèce qui, depuis la fin des régimes communistes, considère qu’il n’y a plus de menace sur sa façade maritime occidentale, y ramener des forces qui affaibliraient d’autant la défense de l’Égée.
En réalité, même si les Grecs ont toujours voulu croire que l’appartenance à l’UE constituait une assurance de sécurité face à la Turquie, il n’en a jamais rien été. Et il n’en est rien aujourd’hui. Ce qu’a encore confirmé la crise des migrants de 2015, dans laquelle les Grecs se sont retrouvés seuls face à un flot migratoire manipulé par le pouvoir turc. Car nonobstant les promesses, l’aide européenne n’est jamais arrivée que de manière dérisoire, tandis que les déclarations de la chancelière allemande jouaient comme une pompe aspirante, puis que la fermeture des frontières dans les Balkans, bientôt patronnée par l’Autriche, transformait la Grèce en nasse. Enfin, cédant au chantage d’Erdogan, la chancelière Merkel « négociait » l’arrosage d’un régime islamiste en pleine dérive autoritaire, expert en détournement de fonds vers les poches du clan Erdogan et du parti à sa dévotion : trois puis six milliards d’euros (en sus des subsides que l’UE a déversés sur ce pays au titre de la réalisation de l’union douanière) dans le même temps où, de l’autre main, l’UE continuait à étrangler la Grèce.
En fait, l’UE n’a jamais exercé la moindre pression sérieuse sur la Turquie pour qu’elle mette un terme à la tension permanente qui contraint la Grèce, dont la population est 6,5 fois moins importante que celle de son menaçant voisin (elle le sera 8 fois moins à l’horizon 2050), à fournir un effort de défense disproportionné par rapport à ses ressources (l’armée grecque est 3,5 fois moins importante que la turque, son budget est toujours, en pourcentage du PIB, le deuxième de l’OTAN après celui des États-Unis). Or cet effort a participé au premier chef à la « construction de la dette » comme à la corruption de la classe politique, dont les marchés d’armement ont été le moteur essentiel, dont le contribuable grec a supporté le coût et dont les industries de défense allemande et française figurent parmi les principaux bénéficiaires puisque la Grèce est régulièrement leur deuxième et troisième clients.
Face à une Turquie qui ne craint plus d’affirmer ses ambitions néo-ottomanes, voire son révisionnisme en matière de frontières, la Grèce se trouve donc à la fois affaiblie par les politiques que lui ont imposées l’UE et sans soutien effectif de la part de celle-ci, y compris dans la défense de ses intérêts fondamentaux. Au contraire, la politique de l’UE à l’égard de la Russie l’éloigne d’une puissance qui est son allié naturel dans le contexte géopolitique régional. De sorte que le gouvernement Tsipras a d’abord tenté de s’opposer à une perpétuation des sanctions contre la Russie, à l’évidence contraire aux intérêts grecs. Avant de capituler sur cette question-là comme sur les autres – au risque de faire les frais d’un véritable rapprochement russo-turc.
Pourtant la Russie est désormais non seulement le pays d’origine d’un des principaux contingents de touristes fréquentant la Grèce, et un débouché essentiel pour son agriculture, qui, au pire moment pour le pays, a pâti des sanctions européennes, mais elle est aussi un partenaire potentiel précieux pour le relèvement économique notamment à cause du projet de gazoduc contournant l’Ukraine par le sud, qui pourrait permettre à la Grèce d’encaisser des droits, tout en obtenant des fournitures de gaz à un prix inférieur aux cours mondiaux, importantes pour un pays dont les ressources en énergies fossiles se limitent pour l’essentiel à quelques gisement de lignite.
http://l-arene-nue.blogspot.fr/
[ Vers le Grexit ? 1/3 ] – Grèce : l’impasse économique par Olivier Delorme est écrivain et historien. Passionné par la Grèce, il est l’auteur de La Grèce et les Balkans: du Ve siècle à nos jours (en Folio Gallimard, 2013, trois tomes), qui fait aujourd’hui référence. Alors que la crise grecque semble sur le point de refaire surface en raison de la mésentente entre les différents créanciers du pays, et que l’idée d’un « Grexit » est récemment devenue, pour la toute première fois, majoritaire dans un sondage grec, Olivier Delorme a accepté de revenir pour L’arène nue sur la situation de la Grèce.
Publié le 7/3 Sur le petit journal d’Athènes
La pression constante pour augmenter les recettes publiques et atteindre les objectifs, sans parler du système fiscal confus de la Grèce, ont créé une situation explosive à tel point que certains inspecteurs des impôts ont sanctionné des contribuables par des amendes injustes ou excessives.
Même les inspecteurs eux-mêmes dénoncent le système chaotique, avec une multitude de circulaires qui dans certains cas s’avèrent contradictoires et conduisent à des sanctions injustes. Ces redressements et amendes ont un coût très élevé pour de nombreuses entreprises et contribuables, qui sont souvent incapables de composer avec des interlocuteurs fiables de l’état.
Les syndicalistes du secteur dénoncent le manque de structure et de rigueur de l’administration fiscale créant un environnement propice à la corruption. Dans le même temps les inspecteurs font face à la colère des contribuables inspectés et parfois même à des poursuites judiciaires pour la façon dont ils traitent les dossiers.
D’une part, la formation insuffisante des contrôleurs impose aux contribuables de se démener et se battre contre des murs pour prouver qu’ils ne sont pas fraudeurs, alors que les agents du fisc restent souvent pantois devant des circulaires totalement contradictoires.
De nombreux cabinets d’audit, de sociétés comptables et d’entreprises, signalent et dénoncent des contrôles fiscaux abusifs au delà des années prescrites par la loi.
Dans la majorité des cas plaidés devant les tribunaux administratifs, les entreprises et les contribuables ont obtenu gain de cause et les amendes annulées.
Dans d’autres cas, les sanctions infligées ont été si élevées que les entreprises ont dû fermer, les propriétaires incapables de payer.
En outre, le recours à l’arbitrage n’est pas toujours facile, les autorités fiscales procèdent à des saisies. Pour éviter la saisie, entreprises et contribuables doivent régler 50 % de l’amende, quelle soit justifiée ou non. Le comité d’arbitrage doit ensuite statuer, mais 5 cas sur 6 sont rejetés.
Par Romaric Godin La tribune
La Grèce a connu un dernier trimestre noir l’an passé avec un recul de 1,2 % du PIB. Sur un an, la richesse hellénique a reculé de 0,1 %. Une nouvelle preuve de l’impasse actuelle de la stratégie des créanciers.
Voici quelques jours, alors qu’il était en voyage officiel en Grèce, le premier ministre français Bernard Cazeneuve faisait part de sa « grande confiance » envers le « succès des réformes ». Et d’ajouter qu’il ne s’agissait pas de « wishful thinking » (de la « pensée désirée ») mais de « faits ». Et de se réjouir des performances du pays en matière d’ajustement budgétaire et de croissance. L’hôte de Matignon devra sans doute (mais y croit-on ?) revoir son jugement. Ce lundi 6 mars, l’institut statistique grec ELSTAT a révisé fortement à la baisse les chiffres de croissance du pays sur le quatrième trimestre 2016 et sur l’ensemble de l’année passée.
Entre octobre et décembre, le PIB hellénique s’est contracté de 1,2 % contre les 0,4 % initialement prévu. C’est la plus lourde chute depuis le troisième trimestre 2015, lors de l’établissement du contrôle des capitaux et la signature du troisième mémorandum. En termes ajustés et en volume, le PIB se situe à 45,82 milliards d’euros. Jamais un PIB du quatrième trimestre n’avait été aussi faible en Grèce depuis celui de 1998, voici donc 18 ans. Difficile donc d’adhérer à l’optimisme sur le « succès des réformes » de Bernard Cazeneuve.
Sur l’ensemble de l’année 2016, le PIB qui a bénéficié d’un bon troisième trimestre (+0,6%, soit la meilleure performance depuis le premier trimestre 2015) reste quasiment stable, mais il perd tout de même 0,1 % face à son niveau de 2015. Là encore, la première estimation d’une croissance de 0,3 % est effacée. C’est la deuxième année de contraction de la richesse grecque en volume après la baisse de 0,2 % de 2015. Depuis 2009, le PIB grec a reculé de 24,2 % alors que la population du pays a reculé de 2,9 % selon Eurostat. La richesse par habitant a donc reculé de 21 % au cours de ces huit années. Le pays étant soumis à la surveillance de plus en plus renforcée de ses créanciers, il est bien difficile de tirer de cette administration un bilan positif.
Le bilan du troisième mémorandum, lui, est déjà clairement négatif. Les « réformes » imposées au gouvernement grec ont certes produit un excédent primaire (hors service de la dette) record, mais elles n’ont pas permis la reprise de l’économie. En réalité, il faut modifier cette façon même d’envisager la réalité grecque : c’est bien le troisième mémorandum qui a tiré vers le bas l’économie grecque, encore une fois. Soumis aux exigences de leurs créanciers et croyant (à tort) qu’une bonne performance leur permettra de réduire ces dernières, le gouvernement grec s’est fortement serré la ceinture. Au cours des quatre trimestres de 2016, la consommation publique a fortement été réduite. Au dernier trimestre de 2016, elle a reculé de 2,5 % sur le trimestre et de 2 % sur un an. Comme la consommation des ménages reste stable (+0,2 % sur le trimestre), cette politique d’austérité budgétaire a nettement pesé sur la croissance. Autrement dit, pour arracher sa bonne performance budgétaire, la Grèce a détruit sa croissance. La remarque de Bernard Cazeneuve sur l’amélioration budgétaire et la croissance n’a donc aucun sens.
Mais il y a davantage. En théorie, les « réformes structurelles » doivent améliorer la compétitivité externe du pays, donc les exportations et l’investissement. Là aussi, le bilan est déplorable. Au dernier trimestre 2016, l’investissement productif affichait un recul de 13,8 % sur un an. Le niveau d’investissement productif est inférieur au niveau du dernier trimestre de 2014. Sur un an, l’investissement productif est stable.
Du côté des exportations, même constat. Certes, sur un an, les exportations progressent de 5,7 %, mais elles reculent de 1,4 % sur un trimestre. Et sur l’ensemble de l’année, les livraisons à l’étranger reculent de 1,6 %. Là encore, les « réformes » n’ont pas payé. D’autant que le pays demeure très dépendant de l’étranger puisque son outil productif a très lourdement souffert de la crise et que l’investissement ne repart pas. A l’évidence, la stratégie économique des créanciers n’est pas la bonne.
Rien d’étonnant à cela puisque la stratégie des créanciers est fondée non pas sur la reprise économique de la Grèce, mais sur la capacité de ce pays à rembourser le nominal de la dette. Cette obsession d’éviter la faillite, et principalement la faillite de la gestion de la crise grecque depuis 2010, conduit à étrangler l’économie hellénique et à le priver d’horizon de sortie de crise. Le refus de mettre en place une restructuration sérieuse de la dette publique grecque, comme le demande notamment le FMI, de la part de l’Eurogroupe est une désincitation forte à investir dans ce pays. De même, la décision d’instaurer des baisses de dépenses automatiques en 2018, et peut-être au-delà, et les pourparlers pour exiger la poursuite des objectifs d’excédent primaire de 3,5 % du PIB sont autant de raison pour tout investisseur de se garder d’investir en Grèce et, pour les ménages, de modérer leurs dépenses.
Bernard Cazeneuve se trompe donc fort, comme tous les créanciers de la Grèce. Il continue de vouloir faire croire à ce qui n’est qu’un mythe qui, depuis trop longtemps, garrotte ce pays : celui que les « réformes » rétabliraient la croissance et la prospérité, alors qu’elles continuent à tirer le pays dans une spirale infernale. Après huit ans d’échec, l’heure serait sans doute venue de changer de stratégie. Mais ceci supposerait de reconnaître des erreurs, ce qui ne semble pas à l’ordre du jour. Dès lors, le premier ministre français confirme la position faible de la France sur ce dossier. François Hollande prétend à qui veut l’entendre avoir « sauvé » la Grèce. Mais ce « sauvetage » semble fantomatique et bien fragile. Le troisième mémorandum ne cesse de se durcir et l’économie grecque stagne à un niveau très bas. Ces mauvais chiffres interviennent en pleine négociation sur la deuxième revue du programme et sur les conditions futures du soutien financier européen. Elles n’y joueront logiquement aucun rôle compte tenu de la logique dominante. Progressivement, et de façon fort compréhensible, les Grecs commencent à s’interroger sur l’opportunité de rester dans l’euro. Même si la croissance revient en 2017, on sait combien ce type de croissance, obtenue par les « réformes » est inégalement répartie. Compte tenu du carcan et du niveau bas de l’économie, cette croissance ne permettra pas le retour à la stabilité. Les conditions de la prochaine crise grecque se réunissent donc peu à peu à nouveau.
Grèce : le troisième mémorandum ne cesse de se durcir
Par Romaric Godin
Obsédé par son objectif de faire entrer le FMI dans le plan de soutien à Athènes, les créanciers européens ont encore une fois demandé des mesures dures à Athènes.
Dans son roman, Grandeur et Décadence de César Birotteau, Balzac trace le portrait du « petit père Molineux », un propriétaire dont le loisir préféré consiste à tourmenter ses locataires et créanciers. Lorsqu’il le rencontre au bal du parfumeur qui signera sa chute, l’ennemi de Birotteau, le banquier Le Tillet, se fait à lui-même cette réflexion : « Si le père Birotteau fait faillite (…), ce petit drôle sera certes un excellent syndic. (…) Il doit, comme Domitien, s’amuser à tuer les mouches quand il est seul chez lui. » Or, à mesure que la crise grecque s’éternise, l’Eurogroupe, la réunion des ministres des Finances des Etats de la zone euro, ressemble de plus à ce « petit père Molineux ». Il semble prendre plaisir à torturer « sa » mouche, la malheureuse Grèce.
Certes, dans sa réunion du lundi 20 février, l’Eurogroupe a prétendu « lâcher du lest » au gouvernement grec : il a accepté de renvoyer ses inspecteurs à Athènes, ouvrant ainsi la possibilité à terme d’une conclusion de la seconde revue du programme qui, elle-même, ouvre la porte au versement des fonds nécessaires aux remboursements des échéances de juillet prochain qui sont d’environ 7 milliards d’euros, principalement auprès de la BCE. Bref, l’Eurogroupe fait la fleur à la Grèce de ne pas fermer la porte à une faillite dont ils seront, eux-mêmes, les principales victimes.
Plus intéressant, sans doute, est la concession faite à Athènes d’accorder des mesures de croissance, en cas de dépassement des objectifs, comme le gouvernement grec l’a fait en fin d’année 2016 avec la prime accordée aux retraités. Mais, en réalité, l’Eurogroupe semble se comporter avec la Grèce comme le cruel empereur Romain Domitien, cité par Du Tillet, avec ses victimes. « La veille du jour où il fit crucifier son trésorier, il le convoqua dans sa chambre (…), le laissa partir joyeux et rassuré et lui fit même l’honneur de partager son dîner », raconte l’historien Suétone qui résume : « Sa barbarie était non seulement immense, mais encore astucieuse et imprévue. » Ainsi en est-il de l’Eurogroupe qui va faire payer très cher ses bontés.
Le gouvernement grec s’est en effet engagé à réaliser une nouvelle réforme des retraites, effaçant ainsi celle qu’il avait lui-même établi l’an dernier et qu’il avait fait accepté aux créanciers au prix d’immenses concessions (notamment des baisses de dépenses automatiques en 2018 en cas de déviation de l’objectif d’excédent primaire de 3,5 % du PIB). Il devra aussi accepter une réforme du marché du travail et une nouvelle réforme fiscale, quelques mois à peine après avoir relevé la TVA d’un point et durci l’impôt sur le revenu. En tout, a indiqué sans badiner et avec une joie non dissimulée, le commissaire européen aux Affaires européennes Pierre Moscovici, la Grèce va devoir encore réaliser des « efforts » de 2 % du PIB.
Très clairement, donc, les créanciers entendent poursuivre la politique menée depuis 2010 en continuant à l’aggraver. Désormais, le troisième mémorandum signé en août 2015, ressemble de plus en plus à une boîte de Pandore d’où surgissent chaque année de nouvelles mesures d’austérité. Et il ne faut pas compter sur les effets « compensatoires » des mesures de « croissance » : ces dernières seront forcément limitées par la marge de manœuvre budgétaire (qui n’est pas certaine d’être chaque année aussi vaste que celle de l’an dernier) et, surtout, de la bonne volonté des créanciers. Il ne s’agira que de « propositions » helléniques qui devront être validées et acceptées par les créanciers. Pas question donc de refaire l’opération de la fin de l’année dernière avec la prime sur les retraites qui avait été une décision unilatérale. Or, selon Le Monde qui cite des sources européennes, « pas question pour les Grecs d’avancer leurs propres réformes tant qu’ils n’auront pas donné toutes les assurances aux créanciers que l’excédent primaire sera d’au moins 3,5 % en 2018 et 2019 ». Et, depuis 2010, tout est dans cette question de « confiance » utilisée par l’Eurogroupe pour obtenir davantage d’Athènes. Autrement dit, Athènes devra attendre pour relancer l’activité, pas pour faire l’austérité. C’est dire si l’on peut douter des déclarations de Michel Sapin selon lesquelles la Grèce est sortie de la logique austéritaire.
C’est qu’en réalité, dans l’esprit des créanciers, la Grèce ne compte pas. Ces mesures ne visent pas à restaurer la compétitivité de l’économie hellénique, pas davantage à rétablir la force de son Etat que l’on dit défaillant, moins encore à rendre soutenable sa dette. Le seul et unique but de ces mesures consiste à résoudre l’impossible équation dans laquelle se sont enfermés les créanciers de la Grèce : parvenir à faire entrer le FMI dans un programme que ce dernier sait intenable tout en ne cédant pas sur la nécessité reconnue par le FMI de réduire le stock de dettes grecques. En exigeant de nouvelles mesures d’économie, les créanciers tentent de faire entrer au chausse-pied la soutenabilité de la dette grecque dans les calculs du FMI. La preuve en est que, d’après le gouvernement grec, l’Allemagne réclame « 10 ans » d’excédents primaires élevés. Une mesure qui ne servirait qu’un objectif : accumuler les réserves pour rembourser la dette. C’est donc une fiction de plus permettant notamment aux Allemands de maintenir cette exigence qui avait présidé à la naissance de ce troisième plan : la participation, théoriquement impossible, du FMI.
Le Fonds de Washington n’a pas encore donné de réponse. Christine Lagarde rencontrera le 22 février Angela Merkel. Sa position est très délicate. D’un côté, les Européens pèsent lourd mais exige une nouvelle fois que le FMI oublie ses règles élémentaires de conduite, comme en 2010. Les membres émergents du Fonds pourraient hésiter à se lancer dans une nouvelle et coûteuse erreur. D’autant que le principal contributeur au Fonds, les Etats-Unis, semblent désormais, peu soucieux de tenir compte des intérêts allemands. La directrice générale du FMI va donc devoir se montrer très convaincante pour faire avaler à la direction du FMI cette nouvelle aventure grecque…
Côté grec, la victoire est donc particulièrement amère, même si le gouvernement affirme avoir tenu ses « lignes rouges ». Il jure aussi que, pour tout euro de mesures additionnelles, il y aura un euro de « mesures compensatoires » sous forme de baisse d’impôts sur la propriété foncière, sur les sociétés ou sur la valeur ajoutée. Une ligne de défense peu crédible en Grèce compte tenu des capitulations répétées du gouvernement Tsipras, mais aussi des conditions posées par les créanciers. Comment ces derniers accepteraient-ils des baisses d’impôts alors qu’ils exigent des hausses pour séduire le FMI ? Bref, tout ceci semble peu sérieux. Comme la mouche de Domitien, la Grèce semble encore condamnée à une torture sans fin où son intérêt n’est qu’un élément accessoire pour ceux qui décident de son sort.
http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-troisieme-memorandum-ne-cesse-de-se-durcir-643580.html