Le chômage en Grèce « bloqué » à un taux à deux chiffres depuis 2010
Le taux de chômage en Grèce est resté à deux chiffres au cours des 14 dernières années et n’a pas réussi à passer sous la barre des 10 %.
Même au cours des 18 derniers mois de contraction, il n’a pas réussi à passer sous la barre des 10 %, les experts évoquant un groupe de 500 000 chômeurs au cœur du phénomène.
Le taux de chômage a certes diminué en mars dernier, passant de 10,8 % en février à 10,2 %, mais il est resté au-dessus de la barrière « psychologique » des 10 %.
Selon les experts, la principale raison pour laquelle le taux de chômage se maintient autour de 10 % est le manque d’investissements, qui conduiraient à la croissance de l’économie et à la création de nouveaux emplois, mais aussi l’inadéquation entre l’offre et la demande de compétences. Ils soulignent également que le chômeur type est une femme âgée de 24 ans maximum, sans emploi depuis plus d’un an, rapporte le quotidien kathimerini.
Principales distorsions sur le marché du travail grec
La baisse du taux de chômage est problématique, le taux étant « coincé » au-dessus de la limite psychologique de 10 % (10,2 % en mars). En même temps, il y a un énorme problème, car beaucoup d’entreprises cherchent de la main d’œuvre, en vain. Bien que les prévisions des analystes nationaux et internationaux indiquent que la tendance à la baisse se poursuivra, l’arrêt du rythme soulève des questions quant à la suite des événements.
Dans le même temps, les défis sur le marché du travail augmentent. Selon la Fondation pour la recherche économique et industrielle (IOBE), la baisse du taux de chômage rend plus difficile la recherche de personnel, ce qui se traduit par une tension accrue sur le marché du travail, en particulier dans les secteurs de la construction, du tourisme, de l’industrie manufacturière et du secteur primaire.
Malgré la réduction notable du chômage au cours des dernières années, plusieurs distorsions persistent, car les taux de chômage des femmes, des jeunes et des chômeurs de longue durée restent nettement plus élevés que la moyenne de l’UE.
Selon l’analyse de l’IOBE citant les données de la Banque de Grèce, le taux de chômage est estimé à près de 13 %, soit deux fois plus que dans de nombreux pays de l’UE, ce qui indique l’existence de graves distorsions et de problèmes structurels sur le marché du travail.
La Banque centrale sonne également le glas de ce que l’on appelle l’étroitesse du marché du travail qui, comme elle le souligne, peut menacer les perspectives de développement du pays.
Il s’agit du phénomène selon lequel, alors qu’il y a une demande de travail, il n’y a pas de main-d’œuvre pour la satisfaire, en particulier dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre tels que la restauration, le tourisme et le commerce.
Selon la BoE, cela indique l’existence de graves distorsions et de problèmes structurels qui nécessitent des incitations pour augmenter l’emploi, telles que la réduction des cotisations d’assurance pour les employeurs, l’augmentation de la participation des jeunes et des femmes au marché du travail, et la formation des chômeurs à de nouvelles compétences.
La Commission propose également des incitations pour le retour des scientifiques qui ont émigré pendant la période de crise (reconquête des cerveaux), mais aussi pour l’afflux et l’intégration d’immigrés économiques qualifiés.
Dans le même temps, la Grèce occupe la pire position parmi les 27 pays membres de l’UE en termes de classement négatif pour les jeunes. Le pays présente le plus grand décalage entre la formation scolaire et le type d’emploi des jeunes travailleurs âgés de 20 à 34 ans.
Le problème dans le domaine de l’emploi est double : d’une part, un taux de chômage élevé qui a dépassé 10 % à la fin de 2023 et une faible participation au marché du travail (61,8 %), bien en dessous de la moyenne européenne (70,5 %) et, d’autre part, de graves pénuries de travailleurs et une inadéquation entre l’offre et la demande de professions sont observées.
Par ailleurs, 38 % des personnes de ce groupe d’âge occupent des emplois de niveau inférieur à celui qu’elles pourraient occuper compte tenu de leur niveau d’éducation, selon les données d’Eurostat.
Flexibilité des formes de travail et de rémunération
Parmi les aspects négatifs du marché du travail figure l’explosion des formes d’emploi flexibles, dont les contrats couvrent – approximativement – 50 % des nouvelles embauches.
Plus précisément, en 2023 – selon les données du système d’information ERGANI – 3 214 205 nouvelles embauches ont été enregistrées, dont 1 651 220 à temps plein et 1 562 985 liées à des formes d’emploi flexibles.
Dans le même temps, plus d’un travailleur sur deux – un total de 1 233 031 personnes, soit un pourcentage de 53,68 % – recevait un salaire inférieur à 1 000 euros bruts.
Dans le classement selon les rémunérations perçues, le groupe le plus nombreux est celui de ceux qui sont payés 1.000 et 1.200 euros. Il s’agit de 373 163 travailleurs qui représentent 16,25 % de l’ensemble des travailleurs du secteur privé du pays, soit 2 296 845 personnes.
Un grand nombre de 284 134 travailleurs reçoivent moins de 500 euros par mois.
Il s’agit évidemment de travailleurs ayant des formes d’emploi flexibles, dont le nombre total est inférieur de 52 266 personnes par rapport à 2022, a remarqué le quotidien économique Οικονομικος Ταχυδρόμος dans son long rapport.
OCDE : La Grèce est le 4ème pays le plus cher en matière de prix des denrées alimentaires
La Grèce est le quatrième pays le plus cher au monde en termes de prix des denrées alimentaires, selon le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Selon l’OCDE, l’inflation des denrées alimentaires s’est établie à 6,7 % en février, contre 8,3 % en janvier.
Cela signifie que les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la hausse des prix ne fonctionnent pas du tout.
L’inflation énergétique a diminué (2,1 % en février et 5,7 % en janvier), tandis que l’indice général de l’inflation a légèrement baissé, passant de 3,1 % au premier mois de 2024 à 2,9 %. Rapport mondial de l’OCDE
Toutefois, dans les pays suivis par l’OCDE, l’inflation globale est restée inchangée à 5,7 %. En effet, selon l’annonce correspondante :
● L’inflation de base a baissé dans les trois quarts des pays de l’OCDE, les baisses mensuelles les plus importantes étant enregistrées en Pologne et en Suède et les hausses les plus marquées en Turquie.
● L’inflation globale a été inférieure à 2 % dans sept pays de l’OCDE et est restée négative au Costa Rica.
● L’inflation des produits alimentaires a continué de baisser pour un quinzième mois consécutif, atteignant 5,3 % en février, contre 6,3 % en janvier, et a augmenté dans seulement quatre pays de l’OCDE.
● L’inflation alimentaire de l’OCDE a été inférieure à l’inflation globale pour la première fois depuis novembre 2021.
● L’inflation énergétique de l’OCDE a augmenté mais est restée modérément négative à -0,5 % en février, malgré une forte inflation énergétique en Turquie et en Colombie.
● L’inflation de base de l’OCDE (inflation hors alimentation et énergie) a continué à se tasser mais est restée élevée à 6,4 %, reflétant la fermeté des prix des services.
● Dans la zone euro, l’inflation annuelle, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), est tombée à 2,6 % en février, contre 2,8 % en janvier.
● La baisse de l’inflation des produits alimentaires a été environ deux fois supérieure à celle de l’OCDE, tandis que l’inflation de base a diminué à un rythme similaire à celui de l’OCDE.
En mars 2024, l’estimation préliminaire d’Eurostat a montré une nouvelle baisse de l’inflation dans la zone euro (à 2,4 %) et de l’inflation sous-jacente (à 2,9 % contre 3,1 % en février), avec un ralentissement dans le cas de l’énergie. Le gouvernement grec
Pendant que tout cela se passe dans la zone euro, le gouvernement grec crée son propre récit et passe d’une « inflation importée » à une « crise climatique » pour justifier les prix élevés.
Le ministre du développement, Kostas Skrekas, est allé jusqu’à affirmer récemment que les mesures prises par le gouvernement portaient leurs fruits et que « le mois dernier, dans certaines chaînes de supermarchés, l’inflation est tombée à 0,4 % » [Je ne sais pas si nous mesurons l’inflation à l’aune de l’inflation]. [Je ne savais pas qu’on mesurait l’inflation dans des magasins/chaînes spécifiques lol]
Mais il ne mentionne pas le fait que la Grèce est l’un des pays où l’inflation est la plus élevée en Europe, et qu’elle a enregistré une nouvelle hausse en mars, selon Eurostat, tandis que, selon ELSTAT, 26 % de la population grecque est confrontée au risque de pauvreté.
Il ne fait aucune intervention majeure et ne voit nulle part de structure oligopolistique dans aucun secteur, même lorsque la Banque de Grèce dit clairement que « nous avons des oligopoles dans l’alimentation, les carburants, les banques et les soins hospitaliers privés » ! Le gouverneur de la Banque centrale de Grèce, Yiannis Stournaras, dans son rapport annuel sur l’économie grecque, a clairement déclaré que « l’augmentation des prix à la consommation a dépassé l’augmentation des coûts de l’énergie et, par conséquent, l’inflation est due dans une certaine mesure à l’augmentation des bénéfices des entreprises » et a souligné qu’il y a « une forte augmentation des marges bénéficiaires ».
Pour les années 2021 et 2022, les taux de variation de l’indice des marges bénéficiaires pour l’ensemble de l’économie ont dépassé leurs niveaux historiquement élevés, enregistrant une augmentation de 4 % et 9 % respectivement.
Des profits déloyaux
Cette situation est également évidente dans la société, puisque partout où les consommateurs regardent, ils voient les prix monter en flèche… Le lait vendu en Grèce a le deuxième prix le plus cher de toute l’Europe, après l’Estonie. Pourtant, le lait de vache quitte les producteurs à des prix allant de 0,48 euro à 0,52 euro le litre. Le prix du lait frais de marque varie de 1,49 euros à 2,29 euros par litre en Grèce, tandis qu’en Allemagne, un litre de lait frais de marque coûte 1,02 euros, en Espagne 1,08 euros et au Portugal 1,01 euros .
L’énorme écart entre les prix à la production et les prix en rayon, combiné à l’augmentation des marges bénéficiaires de l’industrie, qui ont dépassé 25 % en 2020 – 2021, montre à quel point les profits injustes sur le dos des consommateurs se poursuivent.
En termes de carburant, la Grèce est le deuxième pays le plus cher de la zone euro. Le secteur prévoit une nouvelle augmentation de l’essence à l’approche de la Pâque orthodoxe grecque, le 5 mai.
Le prix de la viande a également bondi puisque, selon Eurostat, le bœuf a augmenté de 4,5 %, le porc de 7,9 % et l’agneau de 7,2 %, plaçant ainsi la Grèce au sixième rang des pays les plus chers de l’Union européenne.
Si l’on ajoute à cela le fait que la Grèce a l’un des salaires les plus bas de l’UE, les prix des denrées alimentaires sont comme un nœud coulant autour du cou des citoyens grecs.
Au cours des deux dernières années, le salaire réel moyen a diminué de 9,4 % en Grèce, alors qu’il a baissé de 5,3 % dans l’ensemble de l’UE.
Un coût de la vie élevé, des revenus faibles : en termes de niveau de vie, les Grecs figurent parmi les moins bien lotis de l’Union européenne, selon Eurostat. Seule la Bulgarie fait pire.
Par Basile Dekonink
Une inflation alimentaire à deux chiffres, des salaires qui peinent à suivre, des loyers qui flambent, l’essence à plus de deux euros le litre… et un constat : au sein de l’Union européenne (UE), les Grecs figurent parmi les plus démunis en termes de niveau de vie, selon la dernière étude d’Eurostat.
D’après l’institut statistique européen, la Grèce disposait en 2023 d’un PIB par habitant exprimé en standard de pouvoir d’achat équivalent à 67 % de la moyenne européenne, soit la 26e place des 27 Etats membres – seule la Bulgarie fait pire.
Immenses disparités
Cet outil statistique est fréquemment utilisé par Eurostat pour évaluer la richesse réelle des citoyens européens, en gommant les différences de prix entre les pays. De quoi mettre en évidence d’immenses disparités parmi les Vingt-Sept : les Luxembourgeois, en tête de classement, ont par exemple un niveau de richesses 2,4 fois plus important que la moyenne européenne.
Les Français se situent presque exactement dans la moyenne, tandis que les Grecs ont un PIB réel par habitant un tiers inférieur, à l’avant-dernière position. Pour le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis, dont le bilan économique est le premier actif, la statistique est cruelle.
Forte d’une croissance supérieure à la moyenne européenne (2,2 % en 2023), sur la voie du désendettement, la Grèce regagne en effet la confiance des investisseurs, et le Premier ministre hellène n’hésite pas à en faire un argument électoral. « La Grèce a passé la dernière décennie à s’éloigner de l’Europe, elle passera la prochaine à converger avec elle », confiait il y a quelques semaines aux « Echos » Alexis Patelis, le conseiller économique du dirigeant.
Mais le « miracle économique » grec, comme le vante Kyriakos Mitsotakis, n’est pas encore une réalité pour une large partie de la population, qui souffre d’une décennie de dépression historique et d’austérité. En 2009, avant la crise, le PIB réel par habitant des Grecs mesuré par Eurostat s’élevait encore à 95 % de la moyenne européenne.
Coût de la vie élevé
En 2024, le salaire minimum vient tout juste d’être rehaussé de 780 à 830 euros brut (la deuxième augmentation en deux ans), mais le salaire annuel moyen est toujours 25 % au-dessous du niveau d’avant-crise. Les retraites, elles, souffrent encore des onze plans de baisse successifs.
Le coût de la vie est par ailleurs élevé : si les Grecs figurent parmi les plus pauvres de l’Union européenne, la Grèce est en revanche en 18e position en termes de niveau des prix parmi les Vingt-Sept, toujours selon Eurostat.
Le gouvernement ne parvient notamment pas à endiguer l’inflation des denrées alimentaires, en hausse de 6,7 % sur un an en février. Le prix des carburants est également en hausse tandis que les loyers ont flambé de 20 % depuis 2018, selon la Banque de Grèce. Conséquence : 26,3 % de la population, soit 2,7 millions de personnes, est exposée au risque de pauvreté. Un chiffre stable depuis 2010.
Hermann Josef Abs signe l’accord de Londres sur les dettes extérieures allemandes le 27 février 1953.
En juillet 2024, la Banque mondiale et le FMI auront 80 ans. 80 ans de néocolonialisme financier et d’imposition de politique d’austérité au nom du remboursement de la dette. 80 ans ça suffit ! Les institutions de Bretton Woods doivent être abolies et remplacées par des institutions démocratiques au service d’une bifurcation écologique, féministe et antiraciste. À l’occasion de ces 80 ans, nous republions tous les mercredis jusqu’au mois de juillet une série d’articles revenant en détail sur l’histoire et les dégâts causés par ces deux institutions.
L’Allemagne a bénéficié à partir du 27 février 1953 d’une annulation de la plus grande partie de sa dette . Depuis cette annulation, qui a permis à l’économie de ce pays de reconquérir la place de principale puissance économique du continent européen, aucun autre pays n’a bénéficié d’un traitement aussi favorable. Il est très important de connaître le pourquoi et le comment de cette annulation de dette. Résumé de manière très concise : les grandes puissances créancières de l’Allemagne occidentale voulaient que l’économie de celle-ci soit réellement relancée et qu’elle constitue un élément stable et central dans la lutte entre le bloc atlantique et le bloc de l’Est.
Une comparaison entre le traitement accordé à l’Allemagne occidentale d’après-guerre et celui imposé aux Pays en développement ou à la Grèce d’aujourd’hui est révélateur de la politique du deux poids deux mesures pratiquée systématiquement par les grandes puissances.
L’allègement radical de la dette de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et sa reconstruction rapide après la seconde guerre mondiale ont été rendus possibles grâce à la volonté politique des puissances créancières occidentales qui avaient remporté la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire les États-Unis et leurs principaux alliés occidentaux, la Grande-Bretagne et la France. En octobre 1950, ces trois puissances alliées élaborent un projet dans lequel le gouvernement fédéral allemand reconnaît l’existence des dettes des périodes précédant et suivant la guerre. Les alliés y joignent une déclaration dans laquelle ils énoncent : « les trois pays sont d’accord que le plan prévoit un règlement adéquat des exigences avec l’Allemagne dont l’effet final ne doit pas déséquilibrer la situation financière de l’économie allemande via des répercussions indésirables ni affecter excessivement les réserves potentielles de devises. Les trois pays sont convaincus que le gouvernement fédéral allemand partage leur position et que la restauration de la solvabilité allemande est assortie d’un règlement adéquat de la dette allemande qui assure à tous les participants une négociation juste en prenant en compte les problèmes économiques de l’Allemagne » [1]
Il faut savoir que l’Allemagne nazie a suspendu le paiement de sa dette extérieure à partir de 1933 et n’a jamais repris les paiements, ce qui ne l’a pas empêché de recevoir un soutien financier et de faire des affaires avec de grandes entreprises privées des États-Unis – comme Ford, qui a financé le lancement de la Volkswagen (la voiture du peuple imaginée par le régime hitlérien), General Motors qui possédait la firme Opel, General Electric associée à AEG et IBM qui est accusée d’avoir « fourni la technologie » ayant aidé « à la persécution, à la souffrance et au génocide », avant et pendant la Seconde Guerre mondiale [2]
La dette réclamée à l’Allemagne concernant la période d’avant-guerre s’élevait à 22,6 milliards de marks, si on comptabilise les intérêts.
Une importante réduction des dettes contractées avant et après la guerre par l’Allemagne à des conditions exceptionnelles
La dette contractée dans l’après-guerre (1945-1952) était estimée à 16,2 milliards. Lors d’un accord conclu à Londres le 27 février 1953 [3], ces montants ont été ramenés à 7,5 milliards de marks pour la première et à 7 milliards de marks pour la seconde [4]. En pourcentage, cela représente une réduction de 62,6 %.
Les montants cités plus haut ne prennent pas en compte les dettes liées à la politique d’agression et de destruction menée par l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale, ni les réparations que les pays victimes de cette agression sont en droit de réclamer. Ces dettes de guerre ont été mises de côté, ce qui a constitué un énorme cadeau supplémentaire pour l’Allemagne de l’Ouest.
De surcroît, l’accord établissait la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions au cas où surviendrait un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources [5].
Les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes
Pour s’assurer de la bonne relance de l’économie de l’Allemagne occidentale et que ce pays constituera un élément stable et central dans le bloc atlantique face au bloc de l’Est, les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà d’une réduction de dette. Les grosses entreprises industrielles allemandes comme AEG, Siemens, IG Farben (AGFA, BASF, Bayer et Hoechst), Krupp, Volkswagen, BMW, Opel, Mercedes Benz et également des sociétés financières de tout premier plan comme Deutsche Bank, Commerzbank, la société d’assurance Allianz ont été protégées et renforcées, bien qu’elles aient joué un rôle de premier plan dans le soutien au régime nazi et qu’elles aient été les complices du génocide des peuples juif et tsigane. Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des gouvernements des grandes puissances occidentales.
Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des grandes puissances occidentales.
En ce qui concerne le problème de la dette qui pouvait être réclamée à l’Allemagne, les alliés partent du principe que l’économie du pays doit être en capacité de rembourser, tout en maintenant un niveau de croissance élevé et une amélioration des conditions de vie de la population. Pour que l’Allemagne puisse rembourser sans s’appauvrir, il faut qu’elle bénéficie d’une très forte annulation de dette. Mais cela ne suffit pas. Comme l’histoire l’a montré, il faut que le pays retrouve une véritable marge de manœuvre et d’autonomie. Pour cela, les créanciers acceptent primo que l’Allemagne rembourse dans sa monnaie nationale, le deutsche mark, une partie importante de la dette qui lui est réclamée. Á la marge, elle rembourse en devises fortes (dollar, franc suisse, livre sterling…).
Secundo, alors qu’au début des années 1950, le pays a encore une balance commerciale négative (la valeur des importations dépassant celle des exportations), les puissances créancières acceptent que l’Allemagne réduise ses importations : elle peut produire elle-même des biens qu’elle faisait auparavant venir de l’étranger. En permettant à l’Allemagne de substituer à ses importations des biens de sa propre production, les créanciers acceptent donc de réduire leurs exportations vers ce pays. Or, 41 % des importations allemandes venaient de Grande-Bretagne, de France et des États-Unis pour la période 1950-51. Si on ajoute à ce chiffre la part des importations en provenance des autres pays créanciers participant à la conférence (Belgique, Hollande, Suède et Suisse), le chiffre total s’élève même à 66 %.
En cas de litige avec les créanciers, les tribunaux allemands sont compétents
Tertio, les créanciers autorisent l’Allemagne à vendre ses produits à l’étranger, ils stimulent même ses exportations afin de dégager une balance commerciale positive. Ces différents éléments sont consignés dans la déclaration mentionnée plus haut : « La capacité de l’Allemagne à payer ses débiteurs privés et publics ne signifie pas uniquement la capacité de réaliser régulièrement les paiements en marks allemands sans conséquences inflationnistes, mais aussi que l’économie du pays puisse couvrir ses dettes en tenant compte de son actuelle balance des paiements . L’établissement de la capacité de paiement de l’Allemagne demande de faire face à certains problèmes qui sont : 1. la future capacité productive de l’Allemagne avec une considération particulière pour la capacité productive de biens exportables et la capacité de substitution d’importations ; 2. la possibilité de la vente des marchandises allemandes à l’étranger ; 3. les conditions de commerce futures probables ; 4. les mesures fiscales et économiques internes qui seraient nécessaires pour assurer un superavit pour les exportations. » [6]
En outre, en cas de litige avec les créanciers, en général, les tribunaux allemands sont compétents. Il est dit explicitement que, dans certains cas, « les tribunaux allemands pourront refuser d’exécuter […] la décision d’un tribunal étranger ou d’une instance arbitrale. » C’est le cas, lorsque « l’exécution de la décision serait contraire à l’ordre public » (p. 12 de l’Accord de Londres).
Le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande
Autre élément très important : le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande, en tenant compte de l’avancée de la reconstruction du pays et de ses revenus d’exportation. Ainsi, la relation entre service de la dette et revenus d’exportations ne doit pas dépasser 5 %. Cela veut dire que l’Allemagne occidentale ne doit pas consacrer plus d’un vingtième de ses revenus d’exportation au paiement de sa dette. Dans la pratique, l’Allemagne ne consacrera jamais plus de 4,2 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette (ce montant est atteint en 1959). De toute façon, dans la mesure où une grande partie des dettes allemandes était remboursée en deutsche marks, la banque centrale allemande pouvait émettre de la monnaie, en d’autres mots : monétiser la dette.
Une mesure exceptionnelle est également décidée : on applique une réduction drastique des taux d’intérêts, qui oscillent entre 0 et 5 %.
L’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre
Une faveur d’une valeur économique énorme est offerte par les puissances occidentales à l’Allemagne de l’Ouest : l’article 5 de l’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre (tant celles de la première que de la deuxième guerre mondiale) que pourraient réclamer à la RFA les pays occupés, annexés ou agressés.
Enfin, il faut prendre en compte les dons en dollars des États-Unis à l’Allemagne occidentale : 1,17 milliard de dollars dans le cadre du Plan Marshall entre le 3 avril 1948 au 30 juin 1952 (soit environ 12,5 milliards de dollars de 2019) auxquels s’ajoutent au moins 200 millions de dollars (environ de 2 milliards de dollars de 2019) entre 1954 et 1961 principalement via l’agence internationale de développement des États-Unis (USAID).
Grâce à ces conditions exceptionnelles, l’Allemagne occidentale se redresse économiquement très rapidement et finit par absorber l’Allemagne de l’Est au début des années 1990. Elle est aujourd’hui de loin l’économie la plus forte d’Europe.
Quelques éléments de comparaison
L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette
Le résultat d’une première comparaison entre l’Allemagne occidentale d’après-guerre et les Pays en développement est éclairant. L’Allemagne, bien que meurtrie par la guerre, était économiquement plus forte que la plupart des PED actuels. Pourtant, on lui a concédé en 1953 ce qu’on refuse aux PED.
Part des revenus d’exportation consacrés au remboursement de la dette
L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette.
En 2017, les PED ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette
En 2017, les pays en développement ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette [7]. Pour les pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, ce chiffre a atteint 23,5 % en 2017. Quelques exemples de pays incluant des PED et des économies européennes périphériques : en 2017, ce chiffre atteignait 13 % pour l’Angola, 36 % pour le Brésil, 15 % pour la Bosnie, 21 % pour la Bulgarie, 41,6 % pour la Colombie, 17 % pour la Côte d’Ivoire, 21 % pour l’Ethiopie, 28,6 % pour le Guatemala, 34 % pour l’Indonésie, 70 % pour le Liban, 14 % pour le Mexique, 20 % pour le Nicaragua, 22,8 % pour le Pakistan, 21 % pour le Pérou, 22 % pour la Roumanie et la Serbie, 17 % pour la Tunisie, 40 % pour la Turquie.
Taux d’intérêt sur la dette extérieure
Dans le cas de l’accord de 1953 concernant l’Allemagne, le taux d’intérêt oscille entre 0 et 5 %.
En revanche, dans le cas des PED, les taux d’intérêt ont été beaucoup plus élevés. Une grande majorité des contrats prévoient des taux variables à la hausse.
Pour les PED, une grande majorité des contrats prévoient des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et variables à la hausse
Entre 1980 et 2000, pour l’ensemble des PED, le taux d’intérêt moyen a oscillé entre 4,8 et 9,1 % (entre 5,7 et 11,4 % dans le cas de l’Amérique latine et de la Caraïbe et même entre 6,6 et 11,9 % dans le cas du Brésil, entre 1980 et 2004). Ensuite, le taux d’intérêt a été historiquement bas pendant la période 2004 à 2015. Mais la situation a commencé à se dégrader depuis 2016-2017 car le taux d’intérêt croissant fixé par la FED (le taux directeur de la FED est passé de 0,25 % en 2015 à 2,25 % en novembre 2018) et les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises étatsuniennes par Donald Trump entraînent un rapatriement de capitaux vers les États-Unis. Par ailleurs, les prix des matières premières ont eu une tendance à baisser ce qui diminue les revenus des pays en développement exportateurs de biens primaires et rend plus difficile le remboursement de la dette car celui-ci s’effectue principalement en dollars ou en d’autres monnaies fortes. En 2018, une nouvelle crise de la dette a touché directement des pays comme l’Argentine, le Venezuela, la Turquie, l’Indonésie, le Nigéria, le Mozambique, … De plus en plus de pays en développement doivent accepter des taux d’intérêt supérieurs à 7 %, voire à 10 %, pour pouvoir emprunter en 2019.
L’Allemagne était autorisée à rembourser une partie de sa dette avec sa monnaie nationale.
Monnaie dans laquelle la dette extérieure est remboursée
Aucun pays en développement n’est autorisé à faire de même sauf exception et pour des montants dérisoires. Tous les grands pays endettés doivent réaliser la totalité de leurs remboursements en devises fortes (dollar, euro, yens, franc suisse, livre sterling).
Clause de révision du contrat
Les créanciers ont le droit de réclamer des PED le paiement anticipé des sommes dues dans le futur
Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources.
Dans le cas des contrats de prêts avec les PED, les créanciers imposent qu’il n’y ait pas de clause de ce type. Pire, en cas de difficulté des PED, les créanciers ont le droit de réclamer le paiement anticipé des sommes dues dans le futur.
Politique de substitution d’importation
Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant.
Par contre, la Banque centrale, le FMI et les grandes puissances imposent aux PED de renoncer à produire sur place ce qu’ils pourraient importer.
Dons en devises (en cash)
L’Allemagne, pourtant à l’origine de la deuxième guerre mondiale, a bénéficié de dons importants en devises dans le cadre du Plan Marshall et près celui-ci.
Les PED dans leur ensemble, à qui les pays riches ont promis assistance et coopération, reçoivent une aumône sous forme de dons en devises. Alors que collectivement, ils remboursent plus de 500 milliards de dollars par an, ils reçoivent en cash nettement moins que 100 milliards de dollars.
Les créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal
Incontestablement, le refus d’accorder aux PED endettés le même type de concessions qu’à l’Allemagne indique que les créanciers n’ont pas pour objectif le désendettement de ces pays. Bien au contraire, ces créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal à travers le paiement des intérêts de leur dette, à leur imposer des politiques conformes aux intérêts des prêteurs et à s’assurer de la loyauté de ces pays au sein des institutions internationales.
Allemagne 1953 / Grèce 2010-2019
Si nous risquons une comparaison entre le traitement auquel la Grèce est soumise et celui qui a été réservé à l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, les différences et l’injustice sont frappantes. En voici une liste non-exhaustive en 11 points :
1.- Entre 2010 et 2019, la dette en pourcentage du PIB grec n’a cessé d’augmenter, elle est passée d’environ 110 % à 180 %
La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers
2.- Les conditions sociales et économiques qui sont assorties à l’intervention de la Troïka depuis 2010 ne favorisent en rien la relance de l’économie grecque alors que l’Allemagne a bénéficié de mesures qui ont contribué largement à relancer son économie. Le produit intérieur brut de la Grèce a chuté d’environ 30 % entre 2010 et 2016 en conséquence des mémorandums qui lui ont été imposés. En comparaison la croissance du PIB de l’Allemagne occidentale a été phénoménale entre 1953 et 1960.
3.- La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers principalement alors qu’à l’inverse l’Allemagne était encouragée à renforcer son contrôle sur les secteurs économiques stratégiques, avec un secteur public en pleine croissance et de grandes entreprises privées qui restaient sous le contrôle stratégique du capital allemand.
4.- Les dettes bilatérales de la Grèce (vis-à-vis des pays qui ont participé au plan imposé par la Troïka) n’ont pas été réduites alors que les dettes bilatérales de l’Allemagne (à commencer par celles contractées à l’égard des pays que le Troisième Reich avait agressés, envahis voire annexés) étaient réduites de 60 % ou plus.
5. – La Grèce doit rembourser en euros alors qu’elle est en déficit commercial (donc en manque d’euros) avec ses partenaires européens (notamment l’Allemagne et la France), alors que l’Allemagne remboursait l’essentiel de ses dettes en deutsche marks fortement dévalués.
Le fait de rembourser une partie importante de sa dette en deutsche marks permettait à l’Allemagne de vendre plus facilement ses marchandises à l’étranger. Prenons l’exemple des importantes dettes de l’Allemagne à l’égard de la Belgique et de la France après la seconde guerre mondiale : l’Allemagne était autorisée à les rembourser en deutsche marks. Or que pouvait faire la Belgique et la France avec ces deutsche marks sinon les dépenser en achetant des produits fabriqués en Allemagne, ce qui a contribué à refaire de l’Allemagne une grande puissance exportatrice.
6. – La banque centrale grecque ne peut pas prêter de l’argent au gouvernement grec alors que la Banque centrale allemande (Bundesbank) prêtait aux autorités de l’Allemagne occidentale et faisait fonctionner (certes modérément) la planche à billets.
7. – L’Allemagne était autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette alors qu’aucune limite n’est fixée dans le cas actuel de la Grèce.
Les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni sont compétentes pour les titres de la dette grecque
8. – Les nouveaux titres de la dette grecque qui remplacent depuis 2012 les anciens dus aux banques ne sont plus de la compétence des tribunaux grecs, ce sont les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni qui sont compétentes (et on sait combien celles-ci sont favorables aux créanciers privés) alors que les tribunaux de l’Allemagne (cette ancienne puissance agressive et envahissante) étaient compétents.
9. – En matière de remboursement de la dette extérieure, les tribunaux allemands pouvaient refuser d’exécuter des sentences des tribunaux étrangers ou des tribunaux arbitraux au cas où leur application menaçait l’ordre public. En Grèce, la Troïka refuse que des tribunaux puissent invoquer l’ordre public pour suspendre le remboursement de la dette. Or, les énormes protestations sociales et la montée des forces néo-nazies sont directement la conséquence des mesures dictées par la Troïka et par le remboursement de la dette. Pourtant, malgré les protestations de Bruxelles, du FMI et des «marchés financiers » que cela provoquerait, les autorités grecques pourraient parfaitement invoquer l’état de nécessité et l’ordre public pour suspendre le paiement de la dette et abroger les mesures antisociales imposées par la Troïka.
10.- Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources. Rien de tel n’est prévu pour la Grèce.
L’Allemagne a reçu des dons considérables dans le cadre du Plan Marshall
11. – Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant afin d’atteindre un superavit commercial et de renforcer ses producteurs locaux. Or la philosophie des accords imposés à la Grèce et les règles de l’Union européenne interdisent aux autorités grecques d’aider, de subventionner et de protéger ses producteurs locaux, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou les services, face à leurs concurrents des autres pays de l’UE (qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Grèce).
On pourrait ajouter que l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale, a reçu des dons dans une proportion considérable, notamment, comme on l’a vu plus haut, dans le cadre du Plan Marshall.
Les mensonges concernant l’aide à la Grèce
Hans-Werner Sinn [8], un des économistes influents en Allemagne, conseiller du gouvernement d’Angela Merkel, n’hésitait pas en 2012 à mentir en affirmant : « La Grèce a bénéficié d’une aide extérieure de 460 milliards d’euros au travers de diverses dispositions. L’aide apportée jusqu’ici à la Grèce représente donc l’équivalent de 214 % de son PIB, soit environ dix fois plus que ce dont l’Allemagne a bénéficié grâce au plan Marshall. Berlin a apporté environ un quart de l’aide fournie à la Grèce, soit 115 milliards d’euros, ce qui représente au moins dix plans Marshall ou deux fois et demi un Accord de Londres. » [9]
Tout ce calcul est faux. La Grèce n’a pas du tout reçu un tel montant de financement et ce qu’elle a reçu ne peut pas être sérieusement considéré comme de l’aide, au contraire.
L’Allemagne n’a payé à la Grèce que le soixantième de ce qu’elle lui doit en réparation pour les dévastations de l’occupation
Hans-Werner Sinn met de manière scandaleuse sur le même pied l’Allemagne au sortir de la seconde guerre mondiale que les dirigeants nazis avaient provoquée et la Grèce des années 2000. En outre, il fait l’impasse sur les sommes réclamées à juste titre par la Grèce à l’Allemagne suite aux dommages subis pendant l’occupation nazie [10] ainsi que l’emprunt forcé que l’Allemagne nazie a imposé à la Grèce. Selon la commission du parlement grec qui a travaillé sur ces questions en 2015, la dette de l’Allemagne à l’égard de la Grèce s’élève à plus de 270 milliards d’euros [11]. Comme l’écrit le site A l’encontre sur la base des travaux de Karl Heinz Roth, historien du pillage de l’Europe occupée par l’Allemagne nazie [12] : « L’Allemagne n’a payé à la Grèce que la soixantième partie (soit 1,67 %) de ce qu’elle lui doit comme réparation des dévastations de l’occupation entre 1941 et 1944. ». [13]
1. Les plans d’« aide » à la Grèce ont servi les intérêts des banques privées, pas ceux du peuple grec
Les plans d’« aide » mis en place depuis mai 2010 ont d’abord servi à protéger les intérêts des banques privées des pays les plus forts de la zone euro, principalement les grandes banques allemandes et françaises, qui avaient augmenté énormément leurs prêts tant au secteur privé qu’aux pouvoirs publics grecs au cours des années 2000. Les prêts accordés à la Grèce par la Troïka depuis 2010 ont servi à rembourser les banques privées occidentales et à leur permettre de se dégager en limitant au minimum leurs pertes.
2. Les prêts accordés à la Grèce rapportent de l’argent… hors de Grèce !
Les prêts accordés à la Grèce sous la houlette de la Troïka rapportent des intérêts conséquents aux prêteurs. Les différents pays qui participent à ces prêts ont gagné de l’argent sur le dos du peuple grec. Quand le premier plan de prêt de 110 milliards d’euros a été adopté, Christine Lagarde, alors ministre des finances de la France [14], a fait observer publiquement que la France prêtait à la Grèce à un taux de 5 % alors qu’elle empruntait elle-même à un taux nettement inférieur.
La situation était tellement scandaleuse (un taux élevé a aussi été appliqué à l’Irlande à partir de novembre 2010 et au Portugal à partir du mai 2011) que les gouvernements prêteurs et la Commission européenne ont décidé en juillet 2011 que le taux exigé de la Grèce devait être réduit [15].
Les bénéfices tirés par la France du sauvetage de la Grèce représentent une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !
Sous les protestations du gouvernement grec et face au profond mécontentement populaire qui s’est exprimé par de fortes mobilisations sociales en Grèce, les pays prêteurs ont fini par décider de ristourner à la Grèce une partie des revenus qu’ils tirent des crédits octroyés à Athènes [16]. Mais il faut préciser que les revenus sont ristournés au compte-gouttes et une partie importante d’entre eux ne seront jamais rendus. Pascal Franchet et Anouk Renaud, du CADTM, ont calculé les bénéfices tirés par la France du soi-disant Sauvetage de la Grèce. Ils considèrent qu’il s’agit d’une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !
3. La crise de la zone euro a fait baisser le coût de la dette pour l’Allemagne et les autres pays forts
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les pays qui dominent la zone euro tirent profit du malheur de ceux de la périphérie (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, pays de l’ex bloc de l’Est membres de l’UE). L’aggravation de la crise de la zone euro, due à la politique menée par ses dirigeants et non à cause de phénomènes extérieurs, entraîne un déplacement des capitaux de la Périphérie vers le Centre. L’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Finlande, le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique en bénéficient grâce à une réduction très forte du coût du financement de leurs dettes.
Le 1er janvier 2010, avant que n’éclatent la crise grecque et celle de la zone euro, l’Allemagne devait garantir un taux d’intérêt de 3,4 % pour émettre des bons à 10 ans alors que le 23 mai 2012, le taux à 10 ans était passé à 1,4 %. Cela correspond à une diminution de 60 % du coût du financement [17]. Selon le quotidien financier français Les Échos, « un calcul approximatif montre que les économies générées grâce à la baisse des taux du coût de financement depuis 3 ans s’élèvent à 63 milliards d’euros » [18]. Somme à comparer aux 15 milliards (sur 110 répartis entre les différents créanciers) effectivement prêtés (avec intérêt – voir plus haut) par l’Allemagne entre mai 2010 et décembre 2011 à la Grèce dans le cadre de sa contribution au premier plan d’« aide » de la Troïka.
La Grèce permet à l’Allemagne et aux pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables
Nous avons évoqué les taux à 10 ans et à 6 ans payés par l’Allemagne pour emprunter. Si on prend le taux à 2 ans, l’Allemagne a émis des titres de cette maturité le 23 mai 2012 à un taux d’intérêt nul [19]. Début 2012, l’Allemagne a emprunté à 6 mois la somme de 3,9 milliards d’euros à un taux d’intérêt négatif. A ce propos, Le Soir écrivait le 23 mai 2012 : « les investisseurs vont recevoir au terme de ces six mois un tout petit peu moins (0,0112 %) que ce qu’ils ont prêté » [20].
S’il y avait une once de vérité de vérité dans le flot de mensonges à propos de la Grèce (du Portugal, de l’Espagne…), on pourrait lire que la Grèce permet à l’Allemagne et aux autres pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables. La liste des avantages tirés par l’Allemagne et les autres pays du Centre doit être complétée par les éléments suivants.
4. Programme de privatisation dont bénéficient les entreprises privées des pays du Centre
Les politiques d’austérité imposées à la Grèce contiennent un vaste programme de privatisations [21] dont les grands groupes économiques, notamment allemands et français, tirent profit car les biens publics sont vendus à des prix bradés.
5. Les sacrifices imposés aux travailleurs permettent de contenir une poussée revendicative dans les pays du Centre
Les reculs sociaux infligés aux travailleurs grecs (mais aussi portugais, irlandais, espagnols…) mettent sur la défensive les travailleurs d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Autriche, de France, de Belgique… Leurs directions syndicales craignent de monter au combat. Elles se demandent comment revendiquer des augmentations salariales si dans un pays comme la Grèce, membre de la zone euro, on diminue le salaire minimum légal de 20 % ou plus. Du côté des directions syndicales des pays nordiques (Finlande notamment), on constate même avec consternation qu’elles considèrent qu’il y a du bon dans le TSCG et les politiques d’austérité car ils sont censés renforcer la saine gestion du budget des États.
Un accord du type de celui de Londres de 1953 ne pourra être obtenu que suite à des batailles
En octobre 2014, j’ai été interviewé par un important quotidien grecLe Journal des Rédacteurs concernant l’accord de Londres de 1953. Le journaliste m’a posé la question suivante : « Alexis Tsipras appelle à une conférence internationale pour l’annulation de la dette des pays du Sud de l’Europe touchés par la crise, similaire à celle qui a eu lieu pour l’Allemagne en 1953 et par laquelle 22 pays, dont la Grèce, ont annulé une grande partie de la dette allemande. Est-ce que cette perspective est réaliste aujourd’hui ? »
Il faut désobéir aux créanciers qui réclament une dette illégitime et imposent des politiques violant les droits humains fondamentaux
Je lui ai donné cette réponse : « C’est une proposition légitime. Il est clair que la Grèce n’a provoqué aucun conflit en Europe, à la différence de l’Allemagne nazie. Les citoyens de Grèce ont un argument très fort pour dire qu’une grande partie de la dette grecque est illégale ou illégitime et doit être supprimée, comme la dette allemande a été annulée en 1953.Je ne pense toutefois pas que SYRIZA et d’autres forces politiques en Europe parviendront à convaincre les institutions de l’UE et les gouvernements des pays les plus puissants à s’asseoir à une table afin de reproduire ce qui a été fait avec la dette allemande en 1953. Il s’agit donc d’une demande légitime (…) mais vous ne pourrez pas convaincre les gouvernements des principales économies européennes et les institutions de l’UE de le faire. Mon conseil est le suivant : la dernière décennie nous a montré qu’on peut arriver à des solutions équitables en appliquant des actes souverains unilatéraux. Il faut désobéir aux créanciers qui réclament le paiement d’une dette illégitime et imposent des politiques qui violent les droits humains fondamentaux, lesquels incluent les droits économiques et sociaux des populations. Je pense que la Grèce a de solides arguments pour agir et pour former un gouvernement qui serait soutenu par les citoyens et qui explorerait les possibilités dans ce sens. Un tel gouvernement populaire et de gauche pourrait organiser un comité d’audit de la dette avec une large participation citoyenne, qui permettrait de déterminer quelle partie de la dette est illégale et odieuse, suspendrait unilatéralement les paiements et répudierait ensuite la dette identifiée comme illégitime, odieuse et/ou illégale. »
Comme on le sait, Alexis Tsipras a choisi de mettre en pratique une autre orientation qui a abouti au désastre.
Conclusion
Ne nous berçons pas d’illusions, les raisons qui ont poussé les puissances occidentales à traiter l’Allemagne de l’Ouest comme elles l’ont fait après la seconde guerre mondiale ne sont pas de mise dans le cas de la Grèce ou d’autres pays endettés.
La réalisation de processus citoyens d’audit de la dette jouera un rôle décisif dans cette bataille contre la dette et l’austérité
Pour maintenir leur pouvoir de domination à l’égard des pays endettés, ou tout au moins la capacité de leur imposer des politiques conformes aux intérêts des créanciers, les grandes puissances et les institutions financières internationales ne sont pas du tout disposées à annuler leurs dettes et à permettre un véritable développement économique.
Pour obtenir une véritable solution au drame de la dette et de l’austérité, il faudra encore de puissantes mobilisations sociales dans les pays endettés afin que des gouvernements aient le courage d’affronter les créanciers en leur imposant des annulations unilatérales de dettes. La réalisation de processus citoyen d’audit de la dette jouera un rôle positif décisif dans cette bataille
[3] Texte intégral en français de l’Accord de Londres du 27 février 1953 en bas de cette page. Ont signé l’accord le 27 février 1953 : La République fédérale d’Allemagne, les États-Unis d’Amérique, la Belgique, le Canada, Ceylan, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, le Pakistan, la Suède, la Suisse, l’Union d’Afrique du Sud et la Yougoslavie.
[4] 1 US dollar valait à l’époque 4,2 marks. La dette de l’Allemagne occidentale après réduction (soit 14,5 milliards de marks) équivalait donc à 3,45 milliards de dollars.
[5] Les créanciers refusent toujours d’inscrire ce type de clause dans les contrats à l’égard des pays en développement ou des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Europe centrale et orientale…
[16] Voir European Commission, Directorate General Economic and Financial Affairs, “The Second Economic Adjustment Programme for Greece”, Mars 2012, table 18, p. 45, “Interest rates and interest payments charged to Greece” by the euro area Member States”, http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/occasional_paper/2012/op94_en.htm
[17] Financial Times, “Investors rush for the safety of German Bunds”, 24 Mai 2012, p. 29
[18] Les Échos, Isabelle Couet, « L’aide à la Grèce ne coûte rien à l’Allemagne », 21 juin 2012. La journaliste précise : « Les taux à 6 ans –ceux qui correspondent à la maturité moyenne de la dette allemande- sont en effet passés de 2,6 % en 2009 à 0,95 % en 2012. »
[19] Le Soir, Dominique Berns et Pierre Henri Thomas, « L’Allemagne se finance à 0 % », 23 mai 2012, p. 21
Eric Toussaint Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Le “food pass” en Grèce, mesure contre la vie chère ou tactique électorale ?
Face à l’inflation, le gouvernement grec va mettre en place une mesure visant à rembourser une partie des dépenses des foyers. Un choix électoraliste sans réelle conséquence sur la vie chère, dénonce “News 24/7”.
C’est la dernière mesure de soutien à la population grecque décidée par le gouvernement conservateur de Kyriakos Mitsotakis.
Alors que l’inflation tourne autour des 10 % en cette fin d’année 2022, un “food pass” doit soulager les foyers à partir de février et pour une durée de six mois. Les ménages grecs pourront ainsi se faire rembourser 10 % de leurs courses.
Selon les premières estimations, la mesure devrait coûter 640 millions d’euros et concerner 8,4 millions de citoyens grecs.
Les médias grecs ont sorti leurs calculettes, à l’instar de News 24/7. Le pure player de gauche assure que “la compensation de l’inflation ne correspond à rien d’autre qu’à un pourboire de 22 euros par mois et par personne”.
News 24/7 consacre un édito à ces nouveaux bons, après ceux pour l’essence, pour l’électricité… “Une vie au rabais”, titre-t-il ironiquement, critiquant la distribution de “bons” plutôt qu’un changement de politique.
“Le passe alimentaire n’est pas le seul ‘bon’ que le gouvernement a utilisé pour gérer sa communication sur la question de la vie chère.”
Une goutte d’eau
Le média d’opposition critique une “tactique électorale”, alors que les prochaines élections en Grèce auront lieu en 2023.
“Une goutte d’eau dans un océan de vie chère”, raille le site, rappelant par ailleurs que Kyriakos Mitsotakis s’opposait aux aides sociales avant de devenir Premier ministre du pays.
“Nous ne voulons pas de personnes dépendantes d’indemnités. Nous voulons des personnes qui vont reprendre leur vie entre leurs mains”, assurait M. Mitsotakis en novembre 2017, relève le média d’opposition.
“Les indemnités que K. Mitsotakis et les ministres de la Nouvelle Démocratie ont condamnées par le passé sont devenues une tactique préélectorale de base du gouvernement”, résume News 24/7.
“Le néolibéralisme met de côté ses concepts lorsqu’il s’agit de servir l’opportunisme préélectoral”, conclut le média de gauche
Un port grec crucial va désormais passer sous contrôle américain
La privatisation du port d’Alexandroupolis – un point d’entrée clé en Europe pour les importations d’armes et d’énergie – sera conclue cette semaine dans le cadre du programme d’ajustement économique mis en place par Bruxelles.
Il était autrefois difficile de situer la tranquille ville portuaire d’Alexandroupolis sur une carte. Récemment, cependant, elle a gagné en importance stratégique, Washington renforçant ses liens militaires avec la Grèce. Cette évolution s’est faite au détriment de la Turquie, alliée de longue date des États-Unis, car les dirigeants occidentaux se méfient de plus en plus du président autoritaire Erdogan.
Alexandroupolis est un point d’entrée crucial pour l’acheminement de matériel militaire vers l’Ukraine, ainsi qu’un lieu stratégique pour la diversification des sources d’énergie européennes. Elle est située à l’extrême nord-est du pays, à 18 miles à l’ouest de la frontière turque et à 30 miles au sud de la Bulgarie.
Au cours des trois dernières années, les États-Unis et la Grèce ont signé des accords visant à renforcer leur coopération en matière de défense et à garantir un « accès illimité » à une série de bases militaires helléniques. Parmi celles-ci figure une installation des forces armées grecques à Alexandroupolis. Depuis le début de cette collaboration, le port a connu un trafic inhabituellement élevé de navires militaires, à tel point que, lorsque 1 500 Marines de l’USS Arlington ont accosté en mai, les 57 000 habitants de la ville ont été confrontés à des pénuries de certains produits, comme les œufs et le tabac.
« Le port peut accueillir des navires d’une longueur maximale de 650 pieds. Sa proximité avec le réseau routier récemment amélioré et sa connexion avec les chemins de fer en font l’un des ports les plus importants de Grèce », explique le lieutenant général de réserve Ilias Leontaris. « Les États-Unis ont demandé à la Grèce d’inclure Alexandroupolis dans la liste des zones où les Américains seront présents, car ce port leur permet de déplacer facilement des forces et des matériaux vers l’Europe de l’Est. »
Les Américains ont apporté certaines améliorations au port visant à faciliter le chargement et le déchargement des matériaux. Rien qu’en 2021, les forces armées américaines y ont fait transiter 3 100 « pièces », selon des sources officielles citées par le New York Times. Ces sources n’ont pas précisé le type de matériel militaire, mais ont assuré au Times que tout était destiné aux bases américaines en Europe. Cette année, jusqu’en juillet, plus de 2 400 pièces d’équipement ont transité par le port. Des véhicules à mobilité protégée Bushmaster – envoyés par l’Australie en Ukraine – ont également atterri dans le port d’Alexandroupolis, selon le journal grec Kathimerini.
Le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, a remercié son homologue grec pour son soutien lors d’une réunion au Pentagone en juillet : « Je tiens à souligner que l’accès prioritaire que votre gouvernement a accordé à nos forces dans le port d’Alexandroupolis nous a permis de continuer à fournir une assistance militaire à l’Ukraine, à contrer les acteurs malveillants et à opérer dans les Balkans, en Méditerranée orientale et dans la région de la mer Noire. »
Le déploiement américain à Alexandroupolis n’est pas passé inaperçu à Moscou. Dès janvier, le Kremlin a accusé Washington d’envoyer des armes à Kiev via le port grec. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a exhorté Athènes à reconsidérer son alliance avec les États-Unis en faisant appel aux « liens historiques » entre les Grecs et les Russes. Le gouvernement turc a également critiqué cette présence militaire, s’inquiétant qu’une ville si proche de sa frontière soit devenue une véritable forteresse.
Au début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, Ankara a ordonné la fermeture des détroits menant à la mer Noire aux navires militaires russes et ukrainiens. Le gouvernement turc a également refusé à ses partenaires de l’OTAN la possibilité d’envoyer des armes en Ukraine via ce passage.
« Alexandroupolis est une porte d’entrée vers les Balkans et le corridor vers l’Ukraine. La Turquie étant devenue un allié moins fiable, il est nécessaire d’avoir une route alternative qui puisse être activée », explique Harry Theoharis, ancien ministre grec et député du parti de droite Nouvelle démocratie. Le port d’Alexandroupolis est donc devenu un objet géopolitique convoité, maintenant que sa gestion est offerte au plus offrant.
En échange des plans de sauvetage financiers successifs que l’UE a accordés à la Grèce au cours de la dernière décennie, Bruxelles a contraint Athènes à privatiser de nombreux actifs publics, dont la gestion de ses ports. Le plus grand, celui du Pirée, a été racheté par Cosco, une entreprise d’État chinoise. Le port de Thessalonique a quant à lui été vendu à un consortium dirigé par l’homme d’affaires Ivan Savvidis, oligarque et homme politique russo-grec, qui a été député à la Douma d’État pour le parti Russie Unie du président Vladimir Poutine.
Dimitris Rapidis – ancien conseiller de Dimitrios Papadimoulis, vice-président du Parlement européen, du parti de gauche SYRIZA – a critiqué le plan de privatisation. « C’est une erreur de privatiser les grands ports, car il n’y a aucune garantie pour l’avenir des travailleurs ou la sécurité de la zone. L’UE a clairement placé les intérêts financiers au-dessus des préoccupations de sécurité. »
À la date limite du jeudi 22 septembre, la Grèce avait reçu deux offres fermes pour une participation majoritaire dans le port d’Alexandroupolis. L’une est présentée par Quintana, une société américaine ayant des intérêts dans le secteur de l’énergie ; l’autre est présentée par International Port Investments Alexandroupolis, une coentreprise dirigée par la société de construction grecque GEK Terna, avec la participation de BlackSummit, un fonds d’investissement américain. Deux autres soumissionnaires ayant des liens avec la Russie – l’un appartenant à Savvidis, l’autre à la famille Coupelouzos, qui a un partenariat avec la société énergétique russe Gazprom – ont finalement été exclus.
« Nous n’allons pas cacher que nous avons le soutien du gouvernement américain », déclare John Charalambakis, directeur général de BlackSummit Financial Group. EL PAÍS dispose de deux sources affirmant que des représentants politiques américains et européens se sont rendus en Grèce pour faire pression sur l’accord.
« La Grèce est en train de devenir la porte d’entrée énergétique de l’UE. Et nous avons l’intention d’utiliser le port d’Alexandroupolis et celui de Kavala [également récemment privatisé] pour faire avancer les intérêts de l’Occident dans les axes de la sécurité militaire, de la sécurité énergétique, de la sécurité alimentaire – Alexandroupolis peut exporter les céréales de l’Ukraine – et de la sécurité commerciale », affirme Charalambakis.
La récente décision concernant le port d’Alexandroupolis influencera les relations qu’entretient Athènes avec Washington et Moscou – les gouvernements grecs successifs ont essayé de maintenir une politique d’équilibre entre les deux puissances. Cette politique sera certainement mise à l’épreuve.
Le pourcentage de la population grecque menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale était de 28,3 % (2 971 200 personnes) en 2021, soit une augmentation de 0,9 % par rapport à 2020, selon les données de l’Autorité statistique hellénique (ELSTAT).
Les conclusions se fondent sur les données de l’enquête 2021 sur le revenu et les conditions de vie des ménages et sur la définition révisée de l’exclusion sociale et du risque de pauvreté dans le cadre du programme Europe 2030 contre la pauvreté. L’objectif est de réduire de 15 millions le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, dont 5 millions d’enfants, d’ici 2030.
Sur la base de la définition de l’indicateur ci-dessus jusqu’en 2020, la population à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale est de 29,5% (3 092 300 personnes), soit une augmentation de 0,6 point de pourcentage par rapport à 2020.
Les données ELSTAT ont montré que 6,9% des ménages ont déclaré que leur revenu avait augmenté au cours des 12 derniers mois, contre 26,3% qui ont déclaré qu’il avait baissé. Un autre 66,7 % des ménages ont déclaré qu’il était resté le même.
La Grèce paiera Gazprom sans violation des sanctions ; plan B pour l’approvisionnement en gaz
28 avril 2022
« La Grèce paiera Gazprom d’une manière qui ne violera pas les sanctions et assurera l’efficacité énergétique du pays », a déclaré jeudi le ministre de l’Énergie Costas Skrekas, à l’issue d’une réunion d’urgence sur l’approvisionnement en gaz présidée par le Premier ministre. le gouvernement grec a élaboré un plan B pour le cas où la Russie couperait l’approvisionnement en gaz du pays, même s’il existe un mécanisme dit de « double compte » où les paiements en euros sont convertis en roubles.
Le ministre Skrekas a déclaré que la Grèce paiera à Gazprom le 20 mai pour la fourniture qu’elle a reçue pour le mois précédent et a ajouté que la consommation de gaz atteint 50 % et la dépasse parfois.
Le gaz russe représente plus de 30 % des besoins énergétiques annuels de la Grèce. Le contrat de la Grèce avec Gazprom expire en 2026.
« Toutes les mesures ont été prises pour l’efficacité énergétique du pays », a assuré M. Skrekas.
Il a souligné que dans un mois, « nous aurons une nouvelle unité flottante de stockage de GNL à Revythousa, tandis qu’avec la nouvelle installation de gaz liquéfié à Alexandroupolis en 2023, nous pouvons dire que nous serons complètement indépendants du gaz russe. »
« Si la Russie coupe notre approvisionnement en gaz, disons les 20 et 21 mai, le pays a pris des mesures pour que nous n’éteignions pas l’interrupteur. Il n’y a aucun moyen de l’éteindre. Il n’y a aucun moyen d’être surpris dans cette direction », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Giannis Oikonomou, à l’issue de la réunion d’urgence au bureau du Premier ministre, mercredi.
Payer en euros, recevoir des roubles
« La Grèce a toujours payé en euros et continuera à le faire », a déclaré un responsable gouvernemental au site d’information newsit.gr.
S’exprimant sous couvert d’anonymat, le fonctionnaire a indiqué qu’il existe un mécanisme de double compte déjà utilisé par certains pays européens pour éviter une interruption « violente » de leur approvisionnement en gaz en provenance de Russie.
Comment fonctionne le double compte ? Un pays paie sa dette en euros sur un compte de Gazprombank, la banque convertit la devise et transfère le montant en roubles sur un second compte de Gazprom.
Le gouvernement insiste sur le fait qu’il s’agit d’un problème technique et que sa défaillance ne perturbera pas l’approvisionnement du pays en gaz russe.
Les importateurs de gaz en attente
La question du paiement du gaz russe importé par la Grèce par l’intermédiaire des sociétés DEPA, Mytilineos Group, Prometheus Gas et Public Power Corporation a été discutée et examinée lors de la réunion de mercredi.
Cette dernière importe du gaz directement de Gazprom après la cession d’une partie du contrat de Prometheus Gas pour les années 2022 et 2023. Les quatre entreprises devront payer la consommation d’avril dans la dernière partie du mois de mai.
Le point essentiel de la discussion lors de la réunion de mercredi est qu’elles attendent une décision claire et contraignante de la Commission pour agir en conséquence, a rapporté le quotidien kathimerini.
« Nous sommes sous contrôle et nous avons le temps de prendre des décisions », ont déclaré des sources de DEPA. DEPA importe deux tiers des quantités de gaz russe qui entrent sur le marché grec.
Les contrats des sociétés grecques expirent en 2026 pour DEPA, Prometheus et PPC et en 2030 pour Mytilineos, alors qu’ils comportent également des clauses d’achat ferme.
Plan B si la Russie coupe l’approvisionnement en gaz
Le gouvernement grec aurait élaboré un plan B dans l’éventualité où la Russie cesserait d’approvisionner l’Europe ainsi que la Grèce.
Le plan alternatif pour l’efficacité énergétique du pays prévoit :
-L’accélération des procédures pour une nouvelle unité flottante de stockage de gaz naturel liquéfié (GNL) à Revythousa. Le nouveau réservoir est attendu au plus tard en juillet, de sorte que la capacité du terminal passera de 225 000 m3 aujourd’hui à plus de 380 000 m3.
-Les unités de lignite sont prêtes à être remises en service et à remplacer les unités de gaz pour la production d’électricité.
-Les cinq unités de production d’électricité qui fonctionnent au gaz naturel sont prêtes à fonctionner, si nécessaire, avec du diesel.
-Public Power Corporation (PPC) a préparé un plan annuel pour augmenter l’exploitation du lignite de 50% au cours des deux prochaines années et sa disponibilité dans les usines.
-Augmentation du flux de gaz naturel en provenance d’Azerbaïdjan par le pipeline TAP.
-DEPA Commerce surveille de près la disponibilité des cargaisons de GNL sur les marchés internationaux afin de se procurer des cargaisons supplémentaires si cela est jugé nécessaire.
– Le stockage de gaz en Italie pour le maintien de la réserve stratégique et le stockage sous-marin à Kavala sont encouragés.
– Les investissements dans les SER s’accélèrent, « car l’augmentation de la production d’énergie verte protégera le pays des crises d’importation », comme le soulignent des sources gouvernementales.
Le plan B prévoit également l’achèvement d’infrastructures essentielles qui renforceront la sécurité énergétique du pays, telles que les interconnexions gazières Grèce-Bulgarie IGB et Grèce-Macédoine du Nord, les nouveaux terminaux GNL de Corinthe et d’Alexandroupolis, ainsi que les interconnexions électriques avec les pays voisins, comme l’Égypte.
En Grèce, au moins 10 000 personnes se sont réunies devant le Parlement d’Athènes ce week-end à l’appel des syndicats, pour dénoncer l’inflation galopante, en particulier dans le secteur de l’énergie. Dans un pays toujours marqué par de bas salaires hérités de la crise économique, une inflation trop importante pourrait en effet menacer de nombreux Grecs de pauvreté.
Avec notre correspondant à Athènes, Joël Bronner
Le risque de pauvreté est d’autant plus accru que la guerre en Ukraine menace d’encourager cette tendance à l’inflation.
Tout augmente en Grèce. En janvier, les prix avaient progressé en moyenne de 6% en un an. Et c’est dans le secteur de l’énergie que l’envolée est la plus spectaculaire : quelque 50% de plus pour l’électricité et 150% pour le gaz naturel. Dans un pays au salaire minimum à 650 euros, cette inflation menace notamment les plus précaires.
« Si vous observez la situation, vous constatez que, de la nourriture jusqu’à l’énergie, tous les prix augmentent. Et avec ce qui se passe en Ukraine, tous ces coûts vont continuer à grimper. Voilà notre problème. Il faudrait donc soit augmenter les salaires, soit baisser la TVA », constate Dimitrios Drimanis, coursier pour une chaine de livraison à domicile.
Licenciements massifs
Les manifestants ont de surcroît dénoncé certaines réformes du Code du travail jugées trop libérales. Venu de Kavala, dans le nord du pays, Sterios Tsagas est secrétaire général du syndicat d’une entreprise pétrolière, poumon économique régional, dont les employés sont en grève.
« L’augmentation du coût de la vie, nous la prenons de plein fouet à Kavala. La direction de la compagnie Energean a décidé de stopper la production et de licencier plus de la moitié des employés. Dans le contexte de l’augmentation des prix des produits de consommation comme de l’énergie, tout ceci risque de plonger notre communauté locale dans la misère », estime-t-il.
Selon des chiffres de 2020, un Grec sur quatre serait menacé par la pauvreté.
L’économie grecque était dans une impasse avant même la pandémie, ce que confirme son tableau statistique. La pandémie, comme elle était inévitable, a aggravé sa situation chronique et désespérée, car elle.. :
* a ajouté plusieurs points négatifs supplémentaires, à l’énorme déclin du PIB causé par les Mémorandums.
* Elle a fait exploser la dette publique et privée.
* renforcé les prévisions pessimistes des entrepreneurs et des consommateurs et
* exacerbé une inégalité de revenus sans précédent.
Dans cette réalité consolidée de l’économie grecque, il n’y a malheureusement pas de place pour la croissance. La conclusion s’impose d’elle-même, si l’on tient compte du fait que le PIB de la Grèce en 2022 est inférieur au PIB correspondant avant les Mémorandums, d’au moins 32%, que la croissance du PIB d’ici 2060 sera d’environ 1%, et que les spécifications des Mémorandums qui nous sont imposés manquent de tout souffle de développement.
Les gouvernants actuels, malgré leurs fréquentes annonces enthousiastes sur l’évolution supposée positive de l’économie, semblent néanmoins conscients du marécage dans lequel nous nous enfonçons. C’est pourquoi, même si l’on exclut les références scandaleuses au Fonds de relance, qui, je le rappelle, ne servent que les intérêts du Nord de l’Europe, et non nos propres besoins urgents, ces dernières années, notre pays a été dépourvu de toute forme de préoccupation sérieuse pour la croissance économique. Au contraire, l’anxiété constante des responsables est monopolisée par la question de savoir comment, d’où et à quel prix l’argent sera obtenu pour faire face à nos charges mémorielles qui montent en flèche.
L’invasion de la pandémie a conduit au renversement complet des règles strictes de la politique monétaire et, en même temps, a encouragé certains espoirs, concernant la possibilité pour la Grèce d’exiger enfin ce qui lui est dû. En particulier, la panique liée à la nécessité immédiate de faire face au coronavirus a justifié l’allocation de milliers de milliards de dollars, par le biais de méthodes connues sous le nom de « helicopter money », a ravivé la prise de conscience des dangers de l’incontrôlable dette publique et privée qui a atteint 425% du PIB en Occident et 356% dans les pays en développement, a encouragé les discussions sur la nécessité d’en supprimer un pourcentage significatif et a ouvert la voie à de nouvelles théories qui minimisent l’importance primordiale de l’équilibre budgétaire.
Cet assouplissement monétaire, qui a prévalu pendant la pandémie, a dû être perçu par la Grèce comme une chance inespérée d’assurer sa survie. Au milieu de cette rupture, dont les conditions favorables ne seront probablement pas maintenues après la fin de la pandémie, la Grèce devrait donc s’empresser de renoncer à son statut d' »élève le plus docile de l’UE », comme le projetait un récent numéro de The Economist, puis rassembler un par un tous ses droits illimités, qui constituent des arguments très forts pour défendre son sauvetage, les poursuivre jusqu’au bout du monde, rechercher des alliances sincères et, surtout, engager le peuple grec autour de la terre dans une lutte pour la survie.
La Grèce est en effet dans une situation misérable, surtout au cours des 11 dernières années. Les menaces et les coups contre sa souveraineté nationale, qu’elle reçoit quotidiennement, sont traités avec indifférence par ses partenaires, à la seule exception de la France. Les mémorandums, avec leurs exigences souvent criminelles, l’ont appauvrie.
Il est certain, cependant, que la Grèce n’aurait jamais atteint cette dernière étape de son existence, si elle n’avait pas accepté avec une incroyable soumission, des péchés d’un autre monde et des humiliations inacceptables, abandonnant ses droits souverains d’une manière mortellement dangereuse, consentant à son asservissement pour des dettes qui étaient parfaitement viables au début de la crise, bradant ses biens publics et inactivant toute sorte d’argument défensif.
L’espoir de la fin de la pandémie coexiste malheureusement avec le risque d’un retour du statut monétaire qui était en vigueur avant le virus, grevé par la résurgence de l’inflation, après 40 ans d’absence. On parle déjà d’une hausse des taux d’intérêt qui, en plus de freiner une reprise très incertaine, alourdira la dette grecque. La prédiction du 4ème Mémorandum est, aujourd’hui, plus valable que jamais, même si elle sera certainement présentée sous un nom convaincant.
Dès le début de la crise, nous disposions de nombreux arguments importants pour éviter la tragédie de ces 11 dernières années, mais nous les avons tous rejetés. Nous sommes peut-être aujourd’hui face à notre dernière chance de salut.
Les arguments
Il n’existe aucun pays européen moderne qui ait été la cible d’autant d’attaques sauvages, de comportements impitoyables, d’accusations injustes, de sentiments punitifs de la part de ses partenaires, de violation de ses droits souverains, d’imposition d’un plan dangereusement erroné, de saisie de sa richesse publique. Il convient de préciser à ce stade que les constatations ci-dessus n’impliquent nullement qu’il n’y ait pas eu de dette, ni même que cette dette ne doive pas être remboursée. Un Mémorandum était clairement nécessaire ; mais, Mémorandum, au contenu totalement différent de celui qui a été imposé à notre pays. Principalement un Mémorandum avec des spécifications qui assureraient le service de la dette par la croissance et non par la décroissance, comme la France l’avait insisté dès le début, tandis que l’Allemagne faisait la sourde oreille. Alors, avant que le 4ème Mémorandum (ou quel que soit le nom qu’on lui donne) n’envahisse nos vies, revoyons certains de nos arguments de sauvetage, en espérant qu’ils ne continueront pas à hiberner.
Commençons par le chapitre 22 des mémoires de Barack Obama, qui est une preuve indiscutable des positions grecques, car son contenu confirme de la manière la plus officielle ce qui a été largement diffusé depuis le début du drame du mémorandum. C’est-à-dire que l’UE et l’euro n’ont pas été « mis en danger » par la dette grecque, après tout absolument viable (environ 120% du PIB de l’époque), et l’UE et le FMI n’ont pas non plus décidé d’intervenir pour « sauver la Grèce », comme cela a été généralement soutenu au début de la crise. Au contraire, il devient clair que la panique de l’UE à l’époque, qui a conduit à demander l’aide du FMI pour l’atténuer, était liée au risque encouru par les banques franco-allemandes, qui avaient accumulé beaucoup d’obligations grecques. Il a été jugé que le salut des banques ne serait possible qu’en enjambant le cadavre du peuple grec. Donc, maintenant que les banques ont été sauvées, il est impératif d’atténuer, au moins, la condamnation à mort de la Grèce. En même temps, ce serait le bon moment pour clarifier le résultat final de la déclaration souvent répétée de l’UE selon laquelle son désir était de « sauver la Grèce ». Comme les chiffres le montrent strictement, cette intention de l’UE de nous sauver, a abouti après 11 ans, à ce qui suit :
* un quasi-doublement de la dette grecque, en pourcentage du PIB,
* une réduction de notre PIB d’au moins 25 % (afin de ne pas faire peser sur l’UE les effets négatifs supplémentaires de la pandémie),
* une prévision du FMI selon laquelle, d’ici 2060, notre taux de croissance moyen sera d’environ l’unité,
* actuellement, seul le revenu par habitant de la Bulgarie est inférieur au nôtre, alors qu’au début de la crise, nous étions au sommet des Balkans,
* ne nous étendons pas en invoquant un tas de preuves inébranlables, qui témoignent de la destruction à long terme de notre développement potentiel, sur plusieurs générations.
Poursuivons avec le gonflement inexplicable du déficit, au début de la crise, qui ne peut pas entrer dans la catégorie des « théories du complot », car c’est un cas qui préoccupe la justice grecque depuis de nombreuses années. Concernant cette étrange affaire, aucune conclusion arbitraire ne peut évidemment être tirée avant son jugement définitif. Cependant, les responsables devraient accélérer, par tous les moyens légaux, la décision finale du tribunal. Car, s’il est réellement prouvé que le gonflement du déficit a été induit, puisque c’est quelque chose qui s’est apparemment produit « du jour au lendemain », la Grèce sera sauvée, et sera en droit d’exiger une énorme compensation, pour les souffrances qu’elle a endurées jusqu’à présent (une compensation qui ne pourra toutefois pas éliminer les horreurs qui ont eu lieu pendant ces 11 années). Quoi qu’il en soit, on peut espérer qu’une telle décision est susceptible de faire la lumière sur les raisons pour lesquelles les dirigeants actuels de l’UE, à la veille du prononcé de chacune des nombreuses décisions de justice relatives à cette affaire, ont été excessivement sensibles au sort de l’ancien président d’ELSTAT.
La Grèce aurait encore la possibilité de remonter le temps, jusqu’en 2013, afin de corriger ce qui a été passé sous silence à l’époque. Je vous rappelle que l’économiste en chef du FMI de l’époque, Olivier Blanchard, a admis en 2013, que le programme du Mémorandum « était une erreur ». Et cette erreur, comme l’a souligné Olivier Blanchard, a entraîné un degré de contraction de l’économie grecque beaucoup plus important que prévu à l’origine, avec toutes ses conséquences négatives. Étant donné que cette erreur, bien que discutée dans les médias internationaux, a été traitée comme une « discussion interdite » en Grèce, il serait impératif aujourd’hui de la relancer.
Un autre groupe d’arguments en faveur de l’annulation de la dette, bien que perdu dans un passé lointain, concerne le traitement vraiment incroyable, par les gouvernements grecs respectifs, du prêt d’occupation, des atrocités nazies, qui ont rasé l’économie grecque de l’époque, ainsi que de l’enlèvement. valeur des antiquités. Il y a 81 ans de cela, l’Allemagne refuse de payer ses dettes à la Grèce, et notre pays s’en souvient environ une fois tous les 10 ans, mais même alors, il ne « prend pas de gants » pour soulever cette question épineuse. Un autre groupe d’arguments en faveur de l’annulation de la dette, bien que perdu dans un passé lointain, concerne le traitement vraiment incroyable, par les gouvernements grecs respectifs, du prêt d’occupation, des atrocités nazies, qui ont anéanti l’économie grecque, ainsi que de l’enlèvement d’antiquités de grande valeur. Cela fait 81 ans, mais l’Allemagne refuse de payer ses dettes à la Grèce, et notre pays s’en souvient environ une fois tous les 10 ans, mais même alors, il est assez réticent à aborder cette question épineuse. Au cours de ces huit décennies, pendant lesquelles l’Allemagne refuse de payer ses dettes, la Grèce a été confrontée à de grandes difficultés, qui auraient été moins dévastatrices si la dette avait été remboursée. Notre pays aurait eu un taux de croissance plus rapide que celui qu’il a enregistré, et n’aurait probablement pas été conduit à l’emprise des Mémorandums. En calculant le taux d’intérêt sur toutes ces années, la dette allemande est estimée à environ 1 000 milliards. Or, l’Allemagne continue de refuser d’honorer ses obligations. Mais si un pays comme la Grèce, qui est mis à rude épreuve, cherche des solutions, des solutions peuvent être trouvées. Le Comité, qui vient d’être mis en place et qui a succédé à plusieurs autres, avec la participation de l’IHA, de la Fondation Delivanis et du Congrès gréco-canadien, a discuté de la suspension du remboursement des dettes grecques envers l’Allemagne, comme mesure de pression possible, jusqu’à ce qu’elle rembourse ses dettes beaucoup plus importantes. La confiscation éventuelle des biens allemands en Grèce a également été discutée, ainsi qu’un effort coordonné pour faire largement connaître ce problème en Europe et dans le monde. Si, dans le cas d’une économie aussi riche que l’Allemagne, qui est à la tête de l’UE, le refus de rembourser ses dettes, qui trouvent leur origine dans l’occupation nazie, est si simple, il est raisonnable de se demander pourquoi il n’en va pas de même pour sa victime, la Grèce.
Afin d’éviter, si possible, le 4ème Mémorandum.
(*) Docteur d’Etat ès Sciences Economiques (Sorbonne), ancien Doyen de l’Université de Macédoine, Thessalonique