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Figues de septembre La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Figues de septembre 

Le pays réel et le pays touristique ne se rencontrent pas forcément. Septembre déjà. Orages passagers sur le Météores et sur leurs monastères, visiteurs Orthodoxes issus de la proximité balkanique et pas uniquement, grande affluence. La rentrée, la rentrée, à Athènes les médias et le “gouvernement” n’ont que ce mot-là à la bouche et dans la foulée des insignifiances, les Tsiprosaures communiquent dès lors et amplement sur la visite officielle d’Emmanuel Macron en Grèce dans moins d’une semaine. Rentrée des apparences.

Septembre, mois des mariages. Thessalie, fin août 2017

Septembre, mois aussi des mariages. Sur les bords des lacs en altitude les futurs mariés iront se faire photographier, d’après les usages de la nouvelle imagerie populaire, nouvelle, depuis près d’une dizaine d’années il faut préciser. Pendant ce temps, les touristes, ceux surtout de l’Europe de l’Est Orthodoxes affluent sur les Météores: Bulgares, Roumains, Serbes, Moldaves, Russes et Ukrainiens, venus… le plus souvent directement à bord de leurs belles voitures depuis leurs pays.

Pendant que les touristes réaliseront leurs meilleures selfies entre les rochers des Météores… à leurs risques et périls, le pays réel grec se passionnera davantage du football que des comptines des médiacrates et des politiciens. En n’attendant plus grand chose de la politique, pour ceux qui le peuvent, animaux adespotes des Monastères compris, le mois de Septembre est plutôt synonyme d’un deuxième été grec et non pas de rentrée.

Les petits ferrys à destination d’Égine et de Póros depuis le Pirée quittent le Pirée encore bondés de monde (grec) pour le week-end, décontraction alors partielle à bord, les passagers finissent toujours par se raconter un certain quotidien incertain, “mais c’est évidemment la vie”.

Le pays… réel du football. Grèce, août 2017

Touristes aux Météores. Thessalie, août 2017

Selfies aux Météores. Août 2017

Animaux adespotes des Météores. Thessalie, août 2017

Sans guère de vergogne comme cela devient de saison depuis l’ultime ridiculisation des pantins politiques, un retraité, passager du ferry vers Égine ne s’embarrassera plus du politiquement correct: “Eh bien, il nous faut de nouveau un Papadópoulos” (chef des Colonels sous leur régime de dictature entre 1967 et 1974).

Parmi les autres Grecs à bord, personne n’a souhaité contredire et encore moins défendre notre régime pseudodémocratique aux ordres de la néocolonisation européiste. Et quant aux rares touristes à bord du petit ferry, ils ne comprennent certes pas la langue de Sophocle comme autant celle de… Damoclès. En effet, le navire a aussitôt levé son ancre… mais la croisière ne s’amuse visiblement plus.

Dans l’indifférence la plus totale, le “gouvernement” annonce sa “grande reforme” de la fonction publique, on brasse alors du vent. Au même moment, les agents du fisc alors très indépendant (il dépend seulement des dites institutions troïkannes et non plus de l’État grec, échappant totalement au contrôle du “Parlement”) ils se font plutôt facétieusement… tabasser par les commerçants qui sont censés être contrôlés. Grèce alors pays âpre et réel, le pantin Tsipras préféra se faire photographier aux côtés d’un boulanger lui ayant offert un petit pain rond pour les circonstances de la propagande. Pauvre propagande… réduite en miettes et ainsi ridiculisée de la sorte et de saison.

Tsipras et son petit pain rond. Presse grecque du 31 août 2017

Le ferry échoué près de l’île d’Ios. Presse grecque du 31 août 2017 – Photo A. Moussamas

Le ferry échoué près de l’île d’Ios. Presse grecque du 31 août 2017

L’autre grande affaire de la semaine tient de l’échouage du ferry “Blue Star Patmos” près d’un récif à proximité du port de l’île d’Ios, autrement, une si belle Cyclade. Le navire a heurté ces écueils dans la nuit du lundi au mardi (29 août) déviant très paradoxalement de sa trajectoire habituelle à une vitesse estimée entre 15 et 17 nœuds d’après les reportages de la presse grecque .

Le beau navire, moderne car récent (construit en 2012) repose depuis et fort heureusement sur ce… jardin d’écueils, pourtant bien connu des navigateurs. Grèce… éternelle, rochers et alors écueils. Les 206 passagers d’abord paniqués, il ont été évacués à l’aide d’autres navires vers le port de l’île d’Ios ; la triste vérité si l’on croit les reportages en tout cas, c’est que la coque du “Blue Star Patmos” serait tout de même déchirée sur de dizaines de mètres, ce qui pour l’instant rendrait son remorquage assez périlleux.

Très probablement une tragédie maritime aurait été évitée peut-être de justesse étant donné que le navire est très moderne (les compartiments étanches et les pompes d’évacuation d’eau ont effectivement fonctionné) et parce qu’il… repose tout simplement sur le jardin d’écueils. Ainsi, la question à poser serait plutôt celle de l’erreur dite “fatalement humaine” ou sinon technique, celle de l’électronique embarquée.

Plus précisément pourtant, tout le monde sait que les vitesses (normalement basses) d’approche comme de sortie des ports ne sont pas respectées par de nombreuses compagnies, car c’est la course contre la montre… comme pour la rentabilité. C’est bien connu, le temps… c’est de l’argent et les assureurs s’occuperont du reste, même au cas où l’état du beau “Blue Star Patmos” blessé serait jugé irréparable.

En attendant la fin des expertises, lesquelles ne seront peut-être pas totalement médiatisées lorsque l’actualité s’occupera d’autres faits élus pour devenir marquants, les pèlerins grecs de Saint Nectaire d’Égine (sanctifié en 1961) rempliront les autres ferrys, les touristes Orthodoxes des pays de l’Est laisseront tous leurs vœux sur de petits papiers enroulés et placés entre les rochers des Monastères des Météores. Septembre donc et les plages déjà de la Grèce continentale se vident à l’occasion. Rentrée !

Papiers et voeux. Météores, Thessalie, août 2017

Architecture de Thessalie. Trikala, août 2017

Les plages se vident. Grèce continentale, fin août 2017

Présentation du livre de Yórgos Kalos. Bourg de l’île de Póros. Août 2017

L’été… officiel se termine de la sorte comme presque prévu. Nous dégustons ses dernières figues déjà de septembre. Sur son île de Póros, Yórgos Kalos, homme politique de droite et ex-ministre Nouvelle Démocratie, lequel fort heureusement ne fait pas que de la politique, a présenté son récent ouvrage littéraire devant un (bien petit) auditoire de notables et de curieux. Pourtant, ses histoires relatant la vie anecdotique des Poriotes sont fort intéressantes et bien écrites. Finalement, la politique ne détruirait pas toujours, ni entièrement ses hommes ou ses femmes.

Le pays réel et le pays littéraire ne se rencontrent pas forcément. Septembre déjà. Les touristes photographient la Garde Evzone devant notre “Parlement”, pays aux apparences de son image presque sauvées. Dimitri, mon neveu qui vit à Trikala, musicien professionnel du bouzouki et du chant Rebétiko, développera aux visiteurs venus de France musique à l’appui, toute l’évolution de ce genre musical entre les années 1930 et les importants apports initiés par Vassílis Tsitsánis , le grand Rebète et enfant de Trikala.

En marge de la mélodie, mon neveu exprimera son infortune actuelle, générée par la situation sans issue des Grecs au pays de la dite crise, réalité certes traduisible, mais pas forcément saisie par les amis et visiteurs du pays.

“Tous ceux qui pratiquent suffisamment le bouzouki, ils s’improvisent alors professionnels occasionnels, voire réguliers, pour vingt à trente euros la soirée, tandis qu’au même moment, les grands noms d’Athènes cassent désormais leurs tarifs pour se produire dans notre Grèce profonde. Entre ces deux réalités, nous professionnels reconnus… nous tirons la langue. Mon épouse vient d’ouvrir une petite taverne au village faute d’autre issue face au chômage.”

Dimitri, mon neveu et son bouzouki. Musée Tsitsánis de Trikala. Août 2017

Montagnes thessaliennes. Août 2017

Les bêtes de Stéphanos. Thessalie, août 2017

Animal d’une taverne. Thessalie, août 2017

“Notre petite taverne est ouverte chaque week-end pour l’instant et très peu en semaine, j’y suis souvent, je aide mon épouse, je me fais… musicien, serveur et surveillant de grillades. Sinon, parfois nous acceptons de nous produire à Athènes ou à Thessalonique lorsque seulement nos frais sont payés, c’est-à-dire sans être rémunérés pour notre prestation. Car, comme voyager autrement nous devient alors impossible, ces occasions de sortir de chez sont rares et précieuses. Aussi, pour enfin boire notre café sur la route ; cela-dit, nous nous produisons également de la sorte dans le but d’être mieux connus.”

Nous avons quitté la Thessalie en musique, ayant aussi aperçu hâtivement les bêtes de Stéphanos, mais cette fois, l’ami éleveur était fort occupé. Septembre déjà, les visiteurs du pays, exotiques ou pas, photographient toujours et encore la Garde Evzone devant le “Parlement”, ou ils réalisent parfois de belles poses devant les escaliers en marbre de la vieillie Bibliothèque nationale.

Cependant, très peu nombreux sont ceux qui voudront découvrir la maison de notre poète Yórgos Seféris , et dans ce… dernier quartier du poète, on nourrit un peu l’espoir et autant les animaux adespotes et on le fait même savoir par voie d’affichage face aux… réfractaires: “Nourrir les animaux adespotes est un acte légal par la loi 4039/12 et par la décision de la Cour Suprême 1/13/1631/8.4.13”. Encore heureux, les mémoranda (législation sous la Troïka) ont déjà balayé le droit du travail et les Conventions Collectives avec, mais en fin de compte, nous pouvons encore prendre soin des animaux adespotes, ultime pays réel !

Se faisant photographier à Athènes. Août 2017

Devant le ‘Parlement’. Athènes, août 2017

La maison de Yórgos Seféris. Athènes, août 2017

Pour les animaux adespotes. Athènes, août 2017

‘Nourrir les animaux adespotes est un acte légal’. Athènes, août2017

Septembre alors, la météo s’améliore pour ce qui tient des vents naturellement dominants ; le remorquage du “Blue Star Patmos” pourrait peut-être commencer dans les prochains jours, d’agrès la presse du samedi 2 septembre.

Le pays réel et le pays touristique ne se rencontrent pas forcément. Sauf parfois à bord de certains ferrys ou sinon, devant la condition immanquable des animaux adespotes grecs. Autrement, rentrée médiatique et “politique” dans la foulée des insignifiances.

Grèce… éternelle, rochers et alors écueils. Figues de Septembre !

Jeune animal adespote. Trikala, Thessalie août 2017

* Photo de couverture: Les Météores et leurs monastères. Août 2017

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Grèce : Accidents de travail mortel

31/08/2017 par Constant Kaimakis 16 Accidents de travail mortels en 2 mois, l’Hécatombe estivale en Grèce :

Cet été, à la lecture quotidienne des médias grecs , j’avais ce sentiment d’une répétition d’accidents du travail mortels qui revenaient souvent dans les divers articles.

Les journalistes du « Rizopastis » et de « The Press Project » viennent malheureusement confirmer ce fait : pas moins de 16 travailleurs sont morts à la tâche depuis 2 mois.
Rien que ces 3 derniers jours, 3 accidents mortels sont survenus à Marathon, au Pirée, en Chalkidiki. Un autre travailleur a succombé à ses blessures de son accident survenu le 1 er août à Skala (Laconie). Le journal « RIZOPASTIS » fait ainsi état de 16 morts au boulot qui « montre encore une fois que les zones de travail et les conditions de travail, le manque de mesures d’hygiène et de sécurité, l’ intensification, la généralisation de la « flexibilité » pose d’ énormes risques pour la santé, la sécurité et la vie même des travailleurs. » .

Le lourd tribu a été payé notamment par les services de nettoyages municipaux . Là, la tension est à son comble avec le conflit qui dure depuis des mois sur la question des contrats de travail où bon nombre de maires avec leur municipalité refusent de titulariser des contractuels qui accumulent non seulement les contrats de quelques mois mais aussi la fatigue et le non paiement ou le retard de salaires. On compte ainsi les décès des travailleurs des municipalités de Zografou et Marathon et des blessés graves chez les entrepreneurs de la municipalité de Thessalonique.
Se référant à la situation dans les municipalités de l’Attique, le syndicat des employés municipaux OTA a déclaré :     « La situation des accidents dans les services de nettoyage des municipalités est tragique. Le fonctionnement 24 heures sur 24 porte préjudice à la sécurité des collègues qui sont stressés et exposés à une série de sérieux dangers. Il y a une grande responsabilité de l’autorité municipale qui utilise la législation anti-travail pour envoyer des travailleurs à 2 ou 3 heures du matin pour ramasser les ordures. Le fait est , que ce travail pénible et dangereux de la collecte des ordures est de plus en plus fait par des travailleurs ayant des formes de travail flexibles, sans expérience et sans formation , ce qui est le résultat des politiques de l’UE que ce gouvernement met également en œuvre et développe. Le ministre de l’Intérieur Skourletis ose dire ainsi qu ‘il a résolu la question des contrats, au même moment , où les travailleurs vivent dans l’insécurité et dans l’incertitude. Nous demandons au gouvernement de prendre enfin des mesures pour la santé et la sécurité des employés dans le secteur du nettoyage. Cela ne peut plus durer! Les employés ne /doivent pas accepter comme « normalité » qu’on aille travailler pour une bouchée de pain, en risquant de ne pas rentrer chez soi, et en sachant que demain, nous serons au chômage. Grâce à notre lutte organisée, nous devons réclamer des conditions de travail humaines, des mesures pour notre santé et la sécurité, l’emploi permanent et stable pour tous ».

Autre secteur, même situation. Sur le Port du Pirée , COSCO fait mener des cadences infernales à ses travailleurs au nom du profit. Pire, l’accident mortel d’un employé dimanche soir a révélé que COSCO n’a pas d’ ambulance moderne pour couvrir les besoins accrus des travailleurs portuaires qui travaillent sous pression. Le syndicat des employés portuaires DEL a ainsi déclaré : « La tragédie mortelle de ce collègue est la suite de l’intensification du travail qui vise à accroître la compétitivité et la rentabilité de COSCO. Il fait suite à la grande masse des accidents du travail, les blessures et les maladies enregistrées au cours des dernières années en raison de l’intensification du travail dans les zones portuaires ».

Le lundi précédent, 21 août, c’est la mort d’un bucheron de 45 ans à SKOURIES au Lac Karatzas, qui est mort écrasé par un arbre dans le chantier de la déforestation qui a lieu dans la région pour le compte de la Société Hellas Gold. Il existe une coopérative de forestiers dans la région, mais « Hellas Gold » travaille avec des entrepreneurs privés. Les coopératives forestières de la région ont annoncé depuis deux ans qu’elles refusent de coopérer avec l’entreprise en protestant contre la destruction de l’environnement. Et à Skouries aussi on connait bon nombre d’accidents mortels notamment dans les mines…

Pour terminer, le « panorama » de cette hécatombe estivale, début Août, un employé de l’aéroport de Corfou (aujourd’hui géré par la Sté Allemande Fraport) est aussi décédé au travail. L’employé chargé de faire rentrer et sortir les appareils des places de stationnement, travaillait dans des conditions extrêmes de chaleur, a eu un malaise et a succombé lors de son transfert à l’hôpital . Selon les rapports de la presse locale, il y a des dizaines de plaintes concernant l’évanouissement des nettoyeurs d’aéronefs et d’autres travailleurs aéroportuaires, en particulier au milieu d’une vague de chaleur. Fraport se dédouane de ces situations en disant que la responsabilité en incombe aux sociétés aéronautiques, ici en l’occurrence SWISSPORT qui a fait la réponse suivante «Nous ne considérons pas qu’il soit utile de commenter»…. Et la société Fraport répondant à une question sur le traitement de plaintes semblables concernant les conditions de travail pour les entreprises coopérantes, a rajouté que, surtout dans les jours de vague de chaleur à Corfou et dans d’autres îles … » Nous offrons de l’eau à tous les employés dans des incidents similaires appartenant à notre entreprise ou à une autre société. »

Prenant la parole quelques jours après drame, George Mavronas, président du Syndicat des travailleurs de l’aéroport se plaignait que l’aéroport ne compte pas de médecin permanent et des conditions de travail désespérantes quelques mois seulement après réception de l’aéroport par les Allemands de Fraport. « Est-il possible pour un aéroport qui dessert 3 millions de passagers par an de ne pas avoir de médecin permanent à l’aéroport? Nous voyons constamment des collègues à nos côtés qui subissent des insolations, qui s’évanouissent, tombant sous le surmenage… Il n’y a pas d’air conditionné dans la plupart des zones aéroportuaires, la climatisation est constamment endommagée, en particulier dans les autobus transportant des touristes, des citoyens et des travailleurs d’aéronefs », a-t-il ajouté.

Cela se passe aujourd’hui en Grèce , en août 2017 …

Carte postale : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Carte postale

Soleil couchant. Les visiteurs du pays et du moment auront très justement adoré son côté carte postale. Les chats d’Hydra par exemple, ses autres animaux insulaires, sa cohue enfin autant de saison. La vie est certainement belle, et d’ailleurs, pas nécessairement celle des autres. La presse grecque de cette fin août évoque la rareté et en même temps brièveté des vacances des Grecs. Août finissant au pays carte postale.

La Grèce carte postale. Hydra, août 2017

Le 15 août étant déjà un souvenir distant, Athènes se remplie de jour en jour. “À l’année prochaine et passons-nous un hiver si possible clément”, tel est le souhait traditionnel de cette fin août exprimé entre Grecs. En effet.

Dans les îles, les petits pêcheurs arrivent toujours à bon port pour y vendre leurs prises directement, le succès est assuré. La vie locale, celle qui est travaillée ne s’offrira pas forcement au premier regard des visiteurs. Tôt dans la matinée sur le port d’Égine par exemple, et pendant que les touristes sommeillent à l’hôtel ou à bord d’un voilier amarré, les marchants de primeurs étalent leurs fruits devant leurs bateaux fixés car muées en étales.

Leur sourire supposé habituel n’y est pas, le temps presse. La messe du dimanche se termine et les premiers clients vont bientôt arriver. À certains cafés d’Égine fréquentés par les habitants, le temps révolu semble être alors figé, prenant explicitement la forme de la décoration murale des lieux. Photographies et publicités d’antan suggéreront ainsi une certaine durée, voilà en tout cas pour ce qui relève du stricte domaine des impressions récurrentes.

Autres animaux. Hydra, août 2017
L’arrivée des pêcheurs. Golfe Saronique, août 2017
Marchand de primeurs. Égine, août 2017

Les habitants du matin, sensiblement plus matinaux que les touristes y boivent leur café, si possible grec, car l’espresso des cafés traditionnels n’est souvent pas leur point le plus fort. Les discussions tournent fatalement autour des conditions météorologiques en passant par le football, pour y arriver fatalement à la politique. “Vous de SYRIZA, vous salopez le pays, vous n’aimez pas la Grèce, vous la détruisez”.

“Tu ne peux pas dire cela lorsque les vieux grands partis ont gouverné de la sorte depuis la fin de la dictature des Colonels.” “Taisez-vous les gars et souvenez-vous des faits réels car vous avez l’âge, la dite dictature des Colonels avait mieux géré le pays que vos maîtres démocrates”, voilà pour ce qui tient de l’autre… couleur locale.

La messe du dimanche se termine, et le mendiant des lieux renforce… sa démarche auprès des fidèles sans trop de succès il faut dire. Signe aussi des temps, lassitudes. Sous ce si grand soleil levant du mois d’août, j’ai traduit pour les participants à mes programmes “Greece Terra Incognita” toute… la force de ce jugement déjà très vulgaire, peinturé sur une cabine téléphonique près du musée archéologique d’Égine.

“Varoufákis, indic, traître, paresseux, gigolo de rigolade, profiteur et salopard, méchant homme”, voilà pour cette… “diatribe”. Tout le monde sait que Varoufákis et son épouse de la classe aisée, possèdent une belle villa sur Égine, jadis fréquenté par la famille Tsipras, ceci expliquerait peut-être un peu cela.

Au café des habitants. Égine, août 2017
Avant la sortie de la messe et le mendiant. Égine, août 2017
“Varoufákis, indic…”. Égine, août 2017

Plus intelligemment, les personnages de Varoufákis et de Tsipras sont caricaturés pour les besoins du spectacle écrit par Aléxandros Kollatos, “Yanis et Alexis”. La pièce m’a été présentée par Aléxandros Kollatos (‘Yanis Varoufákis’) et Antonis Ziogas (‘Alexis Tsipras’) en avant-première au printemps dernier. Je constante que depuis, cette admirable satire politique connait alors le succès mérité, d’ailleurs Yanis Varoufákis l’a jugé fort réussie et quant à Alexis Tsipras, il n’a jamais voulu réagir.

Lorsque le spectacle avait été représenté à Égine en août 2017 (et ensuite à Hydra), il a été remarqué par ceux de la presse francophone, à l’instar du “Temps” de Genève: “Alexandre Kollatos, comédien et auteur franco-grec, prononce sur l’île d’Égine quelques mots à l’issue de la représentation de sa dernière satire, ‘Yanis et Alexis’: ‘Déçu par ce couple politique que j’avais pourtant soutenu et pour lequel j’avais voté, j’ai écrit ce texte pour faire rire.’ Les deux principaux personnages de la pièce sont Yanis Varoufákis, ministre grec des Finances, et Alexis Tsipras, premier ministre.”

’Yanis et Alexis’ à Hydra. Août 2017

“Au premier semestre 2015, le duo avait tenu en haleine toute l’Europe, tentant de mettre un terme aux politiques d’austérité imposées au pays depuis 2010 et de les remplacer par des solutions alternatives. Les négociations avec les créanciers du pays dureront six mois, avant de se solder, face à l’intransigeance de leurs interlocuteurs, par des résultats décevants: la signature d’un nouvel accord avec l’Union Européenne, la BCE et le FMI, qui impose à la Grèce de nouvelles mesures d’austérité, et la démission de Yanis Varoufákis. Cette période sert de trame à Alexandre Kollatos. L’auteur transforme le duo aux manettes du pays en un couple passionné, qui se débat à Bruxelles et rompt au bout de six mois.”

“La satire séduit. Ce 13 août au soir, la centaine de chaises déposées devant la scène en plein air n’ont pas suffi pour accueillir le public: il a fallu en réquisitionner dans la maison voisine. Un tel engouement n’est pas un hasard. SYRIZA est en chute libre dans les sondages et la déception gagne la population.” (“Le Temps”, 24 août 2017).

Après l’incendie sur l’île de Spetses. Août 2017 (presse grecque)

Mais dans l’autre vraie vie estivale, les incendies criminels et politiquement significatifs sévissent un peu partout en Grèce. Après l’île de Spetses (où fort heureusement le feu a été rapidement maîtrisé), c’est en mer Ionienne et plus précisément à Zakynthos que plus de 75 incendies se sont déclarés depuis le début de la saison (presse grecque du 27 août).

Certains en Grèce prétendent que ces incendies, toujours d’origine criminelle, accompagneraient en quelque sorte la future carte énergétique… de la colonie Helladique, entre passages des futurs oléoducs et gazoducs, et futures exploitations des gisements pétroliers et gaziers. Dramatisation ?

Cependant, et au soleil couchant, les visiteurs du pays et du moment adoreront surtout et d’abord son côté carte postale et nous avec, dans la mesure du possible. Sur une île seulement habitée d’une petite famille d’éleveurs, nous avons ainsi pu rencontrer l’animal semi-adespote des lieux, et les étables, pendant que les troupeaux se trouvaient en dehors pour paître… en liberté toujours surveillée.

Soleil couchant, île du Golfe Saronique. Août 2017
Les étables de l’île. Août 2017
Les étables de l’ile. Août 2017
Le chat semi-adespote de cette île. Août 2017

Mieux entourés… dans leur carte-postale, les visiteurs du pays photographient comme nous d’ailleurs les chats d’Hydra, île de caractère comme on aime dire non sans raison, une île aussi très fréquentée. Son tourisme, y est presque de masse et il faut attendre les mois d’automne et je dirais même d’hiver pour mieux retrouver l’inégalable atmosphère hydriote, celle ayant tant inspiré Leonard Cohen, ou nos poètes comme Odysséas Elytis.

Les plus chanceux parmi les visiteurs, ont même pu suivre la litanie de l’Icone de la Panagía (titre porté par la vierge Marie dans l’Église orthodoxe) sur le port de l’île, de nombreux Hydriotes, tout comme les officiels et les marins présents ont également assisté à la cérémonie marquant les neuf jours de la Dormition de la Sainte Vierge.

Les bars ont pour un bref moment enfin baissé le volume de leur “musique”. Fort heureusement dans un sens, les cartes postales encore vendues aux touristes ne sont pas… sonorisées et seules quelques photos de jadis intelligemment exposées ici ou là, rappelleront parfois aux visiteurs, certains aspects de l’économie d’antan. Images un eu floues ainsi exposées, entre les éponges péniblement pêchées par les équipages près des côtes de l’Afrique du Nord jusqu’à la première moitié du siècle précédant, ou encore plus près de nous, la… construction hôtelière plus récente, celle des années 1970.

Café à Hydra. Août 2017
Devant l’Icone de la Sainte Vierge. Hydra, août 2017
Métiers de jadis. Photo à Hydra, août 2017
Construction hôtelière des années 1970. Photo à Hydra, août 2017
Photographie animalière. Hydra, août 2017
Chat d’Hydra, août 2017

Temps et lieux d’alors et de l’effort, voire parfois d’une intense concentration. La couleur locale actuelle selfilisée en rajoutera une… ultime couche à sa sauce, durant l’été en tout cas. Les chats d’Hydra contempleront sans doute encore la mer d’après nos postulats anthropomorphiques, et c’est aussi de saison.

Dans le Péloponnèse et plus précisément à Hermione, non loin d’Hydra, le retraité grec paupérisé laisse éclater tout son emballement suite à sa prise… un petit poulpe plus exactement, les touristes de passage ont sensiblement applaudi, la carte postale est ainsi restée intacte.

Retraité pêcheur. Hermione, août 2017
Retraité pêcheur. Hermione, août 2017

Notre carte postale se voudra inlassablement harmonieuse et elle apparaîtra toujours de la sorte, il faut le souligner.

Entre deux escales et pendant que leurs clients visitent les lieux et autant les apparences de la toute dernière Grèce, les skippers professionnels iront boire leur café du mérite pour discuter mer, falaises et météo. Les sujets dits politiques demeurent et demeureront inabordables. L’autre vie, gagnée ou perdue au labeur comme à l’inactivité fait aussi péniblement partie du paysage du présentéisme grec actuel, au futur d’ailleurs inabordable car inconnu pour la majorité des habitants… de la carte postale.

Ma saison de… travailleur “Greece Terra Incognita” n’est pas terminée, et nos curieux et cultivés visiteurs auront parfois du mal à comprendre ce que signifie… l’abolition dans ce pays, du temps comme du futur potentiellement perceptibles. D’ailleurs ils ne visitent pas la Grèce que pour comprendre… et nous les comprenons.

Couleur locale. Hydra, août 2017
Ancre issue de la période antique. Musée d’Hydra, août 2017

Grèce côté carte postale, soleil surtout couchant. Chats d’Hydra et d’ailleurs, mouillages face au vent aux traces des mouillages anciens, eaux territoriales de l’instantané rajouté.

Remarquables réalités augmentées parfois privées de sens, la vie… est certes belle, carte postale et alors selfies !

Animal adespote. Hydra, août 2017
* Photo de couverture: Chat d’Hydra. Août 2017

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La situation du syndicalisme en Grèce

Cette interview de Giannis Kouzis, réalisée par le sociologue Michel Vakaloulis,  décrit la situation très difficile du syndicalisme grec confronté aux politiques d’austérité et aux mémorandum : « un sérieux problème de crédibilité« .

L’impasse grecque et ses effets pervers Un entretien avec Giannis Kouzis

Professeur de sociologie du travail à l’université Panteion d’Athènes.

 Après sept années de crise, Giannis Kouzis revient sur les conséquences des politiques d’austérité sur la situation socio-économique de la Grèce, les protections des travailleurs ou encore le système de négociations collectives. Dans ce contexte et sans réorientation de la politique des mémorandums, la société grecque va poser de manière forte et récurrente la question de l’adhésion de leur pays aux institutions européennes.

 Entretien réalisé par Michel Vakaloulis.

Deux ans et demi après l’accession de Syriza au pouvoir, quel bilan tirer de la situation socio-économique en Grèce ? Comment la crise impacte les différentes catégories de la population?

Giannis Kouzis – La victoire de Syriza en janvier 2015 a suscité beaucoup d’espoirs pour inverser la situation catastrophique du pays. Mais ces espoirs ont été démentis par la signature du troisième mémorandum avec les créanciers de la Grèce en juillet 2015. Cette évolution a eu comme conséquence la poursuite des politiques d’austérité qui détériorent les indicateurs économiques et aggravent les impasses dans lesquelles se trouve la société grecque depuis 2010 suite à la crise et à sa gestion néolibérale. La paupérisation de la société n’a eu de cesse de progresser avec 35 % de la population confrontée au spectre de la pauvreté. Même si le chômage officiel recule de 28 % à 23,5 %, la reprise significative de l’emploi se fait toujours attendre. D’autant plus qu’environ 400 000 Grecs, notamment des jeunes salariés hautement qualifiés, ont quitté le pays à la recherche d’un meilleur sort professionnel à l’étranger.

Autre indicateur de la profondeur de la crise, les chômeurs de longue durée représentent 74 % des sans-emploi. Le taux de chômage des jeunes atteint 50 % tandis que seulement 8 % des chômeurs perçoivent la faible indemnité de 361 euros qui correspond au 60 % du salaire minimum. La persistance de la crise, les politiques d’austérité et le recours à l’hypertaxation pour regonfler les caisses publiques déclassent violemment les couches moyennes, et plus particulièrement, les petits entrepreneurs et les auto-entrepreneurs dont les taux de chômage et de pauvreté explosent.

 Une des conséquences les plus frappantes de la crise est la régression historique des droits des travailleurs. Comment les choses se présentent à l’heure actuelle dans le cadre des rapports de travail ?

Les deux premiers mémorandums jusqu’au gouvernement de Syriza se caractérisent par une vague déferlante de mesures dans le marché du travail qui ont laminé le contenu des relations professionnelles. Par exemple, le salaire minimum a diminué de 22 % (et de 32 % pour les jeunes) tandis que le démantèlement du système de négociations collectives a fait converger les salaires vers les nouveaux minima de rémunération. À cela s’ajoutent les interventions législatives récurrentes en faveur de la flexibilisation du contrat et des horaires de travail qui font reculer les protections des travailleurs.

Cette situation se poursuit avec le gouvernement de Syriza parce qu’il a pris l’engagement, dans le troisième mémorandum, de ne pas changer les lois qui régissent le marché du travail votées par ses prédécesseurs. D’où la dégradation incessante des rapports de travail qui aboutit à une baisse des salaires de 26 % et à une chute du pouvoir d’achat jusqu’à 50 % consécutive au niveau des prix, à la lourde taxation de l’activité professionnelle et à la réduction des services sociaux. Il est caractéristique aujourd’hui que 49 % des salariés reçoivent une rémunération qui ne dépasse pas le salaire minimum de 2012 contre 17 % pour cette année de référence.

Cela s’inscrit dans la logique intrinsèque des mémorandums qui consiste à aligner les salaires des travailleurs grecs sur les salaires des autres pays balkaniques, quitte à transformer le pays en zone économique sui generis au sein de l’euro. Qui plus est, à peine 10 % des salariés sont couverts par des conventions collectives alors qu’avant l’application des mémorandums, l’ensemble des travailleurs étaient protégés par une convention collective nationale et 80 % par des conventions de branches professionnelles. Cela implique une individualisation généralisée des salaires et des rapports de travail.

 Quel est le rôle et la portée contestataire du syndicalisme en Grèce durant les années de crise ?

Le mouvement syndical grec est confronté à un sérieux problème de crédibilité qui remonte avant même le début de la crise et qui se poursuit dans la période trouble et agitée des mémorandums où il subit une défaite globale. Le faible taux de syndicalisation (en moyenne 25 %, et surtout, moins de 12 % dans le secteur privé), la fragmentation organisationnelle, la bureaucratisation des directions syndicales, la longue tradition de l’affiliation partisane des syndicats grecs sont les principaux facteurs de cette évolution qui s’additionnent aux difficultés liées à un environnement socio-politique conflictuel et hostile à toute velléité revendicative. Pour retrouver son efficacité, il nécessaire pour le mouvement syndical de se recomposer sur la base de ses propres valeurs constitutives qui ont été dans une large mesure détournées et niées.

  Quel est l’état de l’opinion dans ce contexte?

Après le tournant du gouvernement de Syriza qui entérine la poursuite des politiques de mémorandum et le démenti des espoirs suscités par la montée de la gauche radicale au pouvoir, la société grecque se trouve largement dans un état passif sans pour autant être pacifié. Les réactions populaires contre les politiques appliquées sont circonscrites et sporadiques. Cela est également dû à l’absence d’un projet alternatif crédible de sortie de crise.

 Qu’en est-il de l’émergence de formes de solidarité dans la société pour compenser l’absence d’un État social digne de ce nom ?

La famille demeure la plus importante institution de solidarité qui remplace largement un État social structurellement déficient en Grèce. Pourtant, la famille grecque traverse une rude épreuve. En fait, il existe environ 600 000 ménages sans aucun membre en activité professionnelle tandis que les retraites, toujours au cœur du chantage des créanciers, ont déjà subi des coupes drastiques. En parallèle, les initiatives de solidarité sociale au niveau local développées dans les années de crise conservent toute leur importance.

 Quelles sont les perspectives d’une sortie de la crise dans laquelle la société grecque se trouve placée pour la septième année consécutive ?

Les politiques des mémorandums conduisent inexorablement à des impasses et engendrent de nouveaux problèmes aussi longtemps que la question de la dette est considérée et traitée comme « soutenable ». Dans ces conditions, il est évident que seule une profonde réorientation des politiques européennes pourrait apporter des solutions en dehors des recettes néolibérales. Mais cette réorientation ne se dessine pas aujourd’hui. En son absence, la question de l’adhésion de la Grèce aux institutions européennes sera posée de manière forte et récurrente par la société grecque. Et cela quand on sait que l’« aide financière » accordée à la Grèce par ses « partenaires » est utilisée à 91 % pour rembourser les prêts contractés avec les mêmes bailleurs de fonds, principalement les banques allemandes et françaises.

http://syndicollectif.fr/la-situation-du-syndicalisme-en-grece/

Les 95 conditions préalables du 3e mémorandum en Grèce

ARMAGEDDON SOCIAL EN GRÈCE :LES 95 CONDITIONS PRÉALABLES POUR LA MISE EN PLACE DU 3 ÈME MEMORANDUM SIGNÉ PAR TSIPRAS

source :META (courant syndical radical)

Traduction : Constant Kaimakis.

Le gouvernement devrait adopter, avant la fin de cette année, 95 conditions préalables des 113 pré-requis pour achever la mise en œuvre du 3 ème memorandum.
Rappelons que le gouvernement SYRIZA-ANEL et tous les partis mémorandaires d’opposition en ont voté le principe au parlement et que le calendrier des « réformes » a été accepté par les prêteurs.
Ces mesures préalables que prétend mettre en œuvre le gouvernement d’ ici la fin de 2017 , sont entre autres: l’augmentation des tarifs de l’ électricité, les privatisations, la réduction des dépenses pharmaceutiques, l’examen des critères d’octroi de tous les avantages sociaux (y compris les prestations sociales ), l’alignement (suppression) des avantages pour les travaux pénibles et insalubres avec le règlement européen, l’extension des relations de travail flexibles grâce à des programmes OAED (Pôle emploi) , le changement de la loi syndicale (Dans le but de limiter ou même d’abolir le droit de grève), ainsi que la « mobilité » et l’ « évaluation » des fonctionnaires ( non mis en oeuvre jusqu’ici grâce à la grève et au boycott des agents pour plus de 90%). Comme le démontre la liste précise des 95 conditions, tout le champ de la vie quotidienne des grecs est concerné.
Dans ce même article sur le site de META, il est rapellé que les objectifs du gouvernement concernant notamment les agents publics sont de créer un « petit État appartenant à l’État, avec des services publics rentables vendus aux particuliers, des fonctionnaires dociles et malléables pour faire la « traite » des intérêts privés. Pour cela, il faut des employés « compétitifs » avec leurs collègues, visant les primes, soumis à leurs supérieurs, afin qu’ils aient une évaluation positive et socialement abjecte, qui ne s’opposent pas aux politiques impopulaires et, au contraire, les appliquent comme des godillots. »
META rappelle ensuite que la société grecque et les travailleurs ont besoin d’une administration publique qui puisse répondre à leurs besoins en santé, en retraite, en jardins d’enfants, en écoles, en travail qui permette aux jeunes de rester sans être amenés à émigrer à l’étranger. Le courant syndical invite ensuite les travailleurs à se mobiliser sur les prochaines échéances et notamment le grand rassemblement syndical de lutte que constituera la manifestation organisée à l’occasion de l’ouverture de la Foire Internationale de Thessalonique le 9 septembre prochain. Pour META, ce devrait être « un nouveau point de départ pour la lutte avec les syndicats, afin de repousser les nouvelles attaques mémorandaires du gouvernement dans une lutte de classe qui permette l’élargissement des droits, de combattre les politiques néolibérales d’austérité et de privatisation, et qui soit la contribution décisive à la lutte pour libérer notre pays des notes de service et de la tutelle capitaliste internationale »

META détaille ensuite les 95 conditions préalables qui doivent être mises en œuvre d’ ici la fin de 2017:

1. Autorité indépendante des recettes publiques (ΑΑΔΕ): Signature d’un « contrat de performance » entre le ministre des Finances et le directeur de l’ΑΑΔΕ

2. EFKA: Rédaction d’un texte avec les actions nécessaires pour la fusion du mécanisme de recouvrement des cotisations d’assurance EFKA avec le mécanisme de récupération des recettes de l’ΑΑΔΕ d’ ici la fin de 2017.

3. Marchés publics: Mise en place du Comité des plaintes (première instance).

4. Passation des marchés: Mesures visant à améliorer le contrôle juridique dans le domaine du système des marchés publics.

5. Gestion des finances publiques: les autorités sélectionneront le vérificateur indépendant qui contrôlera les paiements du gouvernement et les paiements effectués entre juin 2016 et décembre 2016 pour le remboursement des arriérés de dettes publiques.

6. Retraites: recalcul de 30% des demandes de pension soumises au 13 mai 2016 et jusqu’en Décembre 2016 en fonction de la nouvelle loi 4387/2016.

7. rationalisation des dépenses de santé : Plan de restructuration des programmes d’éducation et de formation dans les programmes médicaux afin d’ améliorer l’ éducation dans le domaine de la médecine générale.

8. Dépenses d’examen: intégration d’une étude pour rationaliser les privilèges et les avantages éducatifs.

9. Restructuration des dettes en retard: les autorités doivent couvrir tous les postes de coordonnateurs et émettre les décisions pertinentes pour faire appliquer la loi de conciliation extrajudiciaire.

10. Simplifier le droit du travail: une assistance technique pour la codification du droit du travail doit être lancée.

11. Travail non déclaré: élaborer un nouveau plan pour les audits ciblés en fonction de l’analyse des risques.

12. Achat de produits et environnement commercial: les autorités adopteront les propositions de l’OCDE pour l’ouverture des magasins le dimanche.

13. Professions: Publication du décret présidentiel sur la libération de la profession d’ingénieur.

14. Professions: Publication du décret présidentiel sur la libéralisation de la profession de génie civil.

15. Professions : Les autorités adopteront un premier paquet de mesures visant à supprimer les restrictions injustifiées.

16. Fonds structurels: Les principes: (i) adopteront des actes législatifs et administratifs ou d’autres instruments appropriés ayant un effet équivalent pour rationaliser les procédures d’expropriation dans un nouveau cadre législatif consolidé; (ii) soumettre au Secrétariat général pour la politique numérique un projet de proposition pour une intégration du Système d’information géographique et cadastrale pour la gestion et le suivi des expropriations, y compris leurs coûts; (iii)procéder à la rationalisation et à la simplification des procédures relatives aux projets archéologiques avec codification de la législation et / ou d’autres moyens appropriés à effet équivalent, y compris l’application de délais contraignants pour la délivrance des permis;(Iv) Procéder à l’adoption d’une décision ministérielle commune établissant un registre des experts pour assurer la supervision des projets cofinancés, conformément à l’article 28 de la loi 4314/2014.

17 Fonds structurels: Les autorités sont d’ accord avec la Commission européenne pour 15-20 grands projets phares pour la période 2014-2020 pour l’ approbation et l’ achèvement.

18 Énergie électrique: Adaptation des tarifs SGI suite à une proposition de RAE selon laquelle le déficit du PPC devrait être couvert au plus tard en décembre 2022.

19. Électricité: la Société PPC versera 51% de ses actions à une société de portefeuille. La société de portefeuille déposera un dossier auprès de la Commission Securities and Exchange alors que la transaction sera connue de la Commission européenne pour les licences concernées.

20. Réseaux électriques: Nouveau mécanisme de capacité de réseau selon les instructions d’aide pour l’ énergie et l’environnement.

21. Approvisionnement en eau: Le Secrétariat spécial pour l’ eau activera un nouveau système de renseignement.

22. Privatisations: Recrutement de consultants pour les actifs restants inclus dans le plan de récupération des actifs du TAIPED/ HRADF.

23. Privatisation -Helleniko : approbation du plan de développement par le Conseil central et promotion aux ministères concernés pour application.

24 Privatisation: Le gouvernement prendra les décisions finales sur le transfert de L’Industrie Aéronautique Hellénique à la Société Hellénique d’Actifs et de Participations ( L’Hyper-Taiped…)

25. Société Hellénique d’Actifs et de Participations (Superfund): l’assemblée générale adoptera toutes les règles du règlement intérieur qui sont encore en instance.

26. Administration publique: Exécution du premier exercice d’évaluation.

27. Administration publique: Indemnités: Harmoniser les indemnités pour un travail pénible et malsain avec le règlement européen.

28.ELSTAT: Renforcer l’autonomie du président de l’ELSTAT, augmenter le budget de l’ELSTAT à partir de 2018, etc.

29. Les recettes publiques – Lutte contre la fraude: collaboration des autorités fiscales et de la justice.

30. Santé: réduire les dépenses pharmaceutiques: création d’un comité d’évaluation des technologies de la santé en vue de la gestion d’un centre d’évaluation pertinent à partir de juillet 2018.

31. Restructuration des dettes en souffrance: adoption des dernières mesures visant à faire respecter la loi sur le règlement extrajudiciaire, tel que décrit dans le Mémorandum technique.

32. Restructuration des arriérés: Établissement de la profession de coordinateur pour la gestion des demandes dans le mécanisme de règlement extrajudiciaire et l’achèvement du registre pertinent.

33. Formation professionnelle: Collaboration des ministères de l’éducation et du travail avec OAED pour 4 000 Formations professionnelles et formations entre 2017-2018 et 2018-2019.

34. Formation professionnelle: Révision du cadre d’enseignement et de formation professionnelles.

35: Marchés de produits – Environnement d’affaires: adoptez toutes les propositions de Toolbox 3 à l’exception de 11 propositions

36. Marchés des produits – environnement des affaires: nouvelle législation sur les carrières.

37. Les marchés de produits et de l’ environnement des affaires: évaluations d’impact ex-post. Le gouvernement abordera les recommandations exceptionnelles des évaluations ex post lancées en octobre 2015 et adoptera des mesures similaires en accord avec les institutions.

38. Usage des terres: Soumission au Conseil d’Etat du décret présidentiel sur l’harmonisation de la législation antérieure par la loi 4269/2014.

39. Fonds structurels: appel à manifestation d’intérêt pour tous les postes des Fonds structurels et d’investissement.

40. Privatisations (Helliniko): étude d’impact environnemental en consultation publique.

41. Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund): Achèvement de la réglementation interne.

42.Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund): Remplir les postes vacants dans le TAIPED/HRADF et séparer les membres en membres exécutifs et non exécutifs.

43.Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund): Le Conseil d’Administration examinera la question du CA de la Société de la Propriété Publique

44.Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund): Publication du Plan stratégique.

45. Enchères en ligne: Finaliser la plate-forme d’enchères en ligne pour devenir pleinement opérationnelle.

46. Autorités indépendantes: nouvelle législation sur les règles de procédure des autorités indépendantes.

47. Santé: Mise en œuvre de la récupération fiscale: compensation pour 2013-2015 avec arriérés estimés (50% en août 2017).

48. Privatisations -Réseau Hellénique de transport du gaz( DESFA ):Sélection de l’acheteur privilégié.

49. Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund : Nomination des membres du conseil d’administration de la Société Hellénique d’Actifs et de Participations (ΕΔΗΣ) à la mi-août.

50. Administration publique (mobilité): description des métiers pour la mise en œuvre du nouveau plan de mobilité.

51. Revenu public Autorité indépendante des recettes publiques (ΑΑΔΕ): détermination des positions organiques à moyen terme

52. Revenus publics (douanes): installation des trois scanners dans les aéroports internationaux.

53. Protection sociale: législation sur l’allocation de logement.

54. Préservation de la liquidité: Mesures prises par la Banque de Grèce si le capital privé ne satisfait pas aux exigences de fonds propres de moins de banques systémiques (LSI).

55. Marchés des produits et environnement des affaires: nouvelle législation en septembre pour les secteurs miniers.

56. Cadastre: nouvelle législation en septembre pour les bureaux du Registre Foncier.

57. Énergie-gaz naturel: Conformément à la recommandation de l’Autorité Énergétique (RAE), le Conseil gouvernemental pour la politique économique (ΚΥΣΟΙΠ) adoptera le plan à moyen terme (2017-2020) pour le marché du gaz.

58. Réseaux d’Approvisionnement en eau: nouveaux plans d’activités pour la Sté d’approvisionnement en eau et assainissement de Grèce ( ΕΥΔΑΠ) et la Sté d’approvisionnement en eau de Thessalonique (ΕΥΑΘ).

59. Privatisations (Route Egnatia): Soumission pour approbation de la nouvelle politique de péage de la Route Egnatia et axes verticaux.

60. Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund): Remplacement des membres du Conseil d’administration de la Société de la Propriété Publique (ΕΤΑΔ ) si nécessaire.

61. Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund): Transfert du premier «paquet» d’immeuble en accord avec les autorités.

62. Administration publique (mobilité): mise en place du nouveau cadre de mobilité en septembre.

63. Administration publique (modernisation): inviter tous les secrétariats ministériels à se moderniser.

64. Administration publique: Sélectionnez les directeurs généraux au cours de Septembre.

65. Justice: Modification du Code de procédure civile, la Loi sur la faillite et d’ autres lois pour garantir les droits des créanciers conformément aux meilleures pratiques dans E. E.

66. autorités indépendantes: Personnaliser la législation sur les autorités indépendantes , y compris la Commission de la concurrence, l’Autorité Énergétique-RAE et l’Autorité de Régulation du Transport de passagers.

67. Les finances publiques: achèvement de la comptabilité du gouvernement central et la présentation des textes juridiques.

68. Protection sociale: Rationalisation des allocations scolaires en Octobre.

69. Marché du travail: en tant que condition préalable de base pour la prochaine évaluation, 50% des membres des sections syndicales de base devront voter pour une grève.

70. Approvisionnement en eau: Préparation pour le développement du système d’information intégré par le Secrétariat spécial pour l’ eau.

71. Privatisations ( Société Hellénique d’Actifs et de Participations -Superfund): achèvement du Règlement intérieur sur les dividendes et la politique d’investissement en Octobre.

72. Administration publique – Coordination: Mettre en place un mécanisme de coopération entre les ministères avant de soumettre des propositions législatives.

73.Santé (Mise en œuvre de la récupération): Compensation pour 2013-2015 avec une estimation des arriérés (achèvement du processus en Novembre).

74. Protection sociale: réforme des allocations familiales en Novembre.

75. Protection sociale: réforme des prestations d’invalidité – une nouvelle législation pour la détermination des conditions de délivrance des prestations d’invalidité.

76. Protection sociale: réforme des allocations de transport en Novembre avec effet à partir de 2018 suivant le billet électronique.

77. Éducation: Modification des heures d’enseignement par enseignant et ratio élèves par classe et élèves par enseignant, basés sur les meilleures politiques de l’OCDE.

78. marché des produits et l’ environnement des affaires (Outil 1): Adopter toutes les propositions de matériaux de construction: un total de 372 spécifications techniques dans les matériaux de construction.

79. Industries de réseau (énergie): Les mesures structurelles pour la cession du secteur due la lignite de la Sté de Production électrique ΔΕΗ- PPC seront finalisées par le dépôt formel de l’offre contraignante acceptée par la République grecque à la DG COM.

80. Privatisations (Superfund): L’Assemblée générale approuvera le plan stratégique.

81. Lutte contre la corruption. Les autorités modifieront leur législation pour répondre aux recommandations du GRECO sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales dans le mois suivant le dépôt du rapport du GRECO.

82. codes fiscaux: Les autorités d’ici Décembre 2017 devraient: a) procéder à un examen à l’aide d’un soutien technique de toutes les incitations fiscales pour les entreprises et l’intégration des exonérations fiscales, abrogeant celles qui sont déjà inefficaces ou inégales, b) examiner avec le soutien technique en utilisant le cadre fiscal pour les véhicules d’investissement collectif et aux participants sur les meilleures pratiques dans E. E., c) codifier et simplifier la législation de la TVA, la mettre en conformité avec le code des procédures fiscales et abroger les lacunes en suspens, y compris celles mentionnées dans la révision de la législation sur la réécriture et la remise TVA, d) entreprendre un examen technique des prévisions après leur mise en œuvre triennale, l’identification des problèmes et des lacunes, des propositions d’amendements en vue d’une meilleure mise en œuvre et suppression de prévisions contradictoires; e) examiner le traitement fiscal privilégié pour l’industrie du transport maritime à la lumière de la Commission européenne d’ici Janvier 2018.

83.Les impôts fonciers. Les autorités , avec l’ aide de soutien technique, devront légiférer pour assurer l’alignement des valeurs objectives aux valeurs réelles du pays d’ici Décembre 2017.

84.Les recettes publiques (AADE): Tous les membres du personnel transférés à l’AADE seront évalués et seront placés dans des niveaux bien adaptés.

85.Gestion des finances publiques. Préparer un plan d’action pour améliorer la gestion des garanties d’Etat suite à une enquête diagnostic réalisée auparavant.

86.Retraites: le recalcul individuel des pensions en vertu des nouvelles règles sera finalisé d’ ici la fin de Décembre.

87. Retraites: Les autorités devront veiller à ce que, jusqu’en Décembre, l’EFKA puisse maintenir automatiquement les dossiers électroniques des carrières ouvrant droit à la retraite.

88. Retraites: À paraître jusqu’en Décembre 2017 les décisions ministérielles Article 70 VEN. 2e et P. D. Article 52 de N. Katrougkalou. L’ article 52 concerne le fonctionnement de EFKA (transfert du personnel, la création de nouveaux emplois, les responsabilités des Directions Générales , etc.). Article 70 VEN. 2ème la séparation des biens appartenant à l’EFKA.

89. Enseignement et formation professionnelle (EEK): Le gouvernement adoptera un plan global pour le développement du capital humain (avec assistance technique) jusqu’en Décembre 2017.

90. Professions: Levée des restrictions pour les autres professions jusqu’en Décembre 2017.

91. Industries de réseau (énergie): capacité d’allocation et de la gestion de la congestion. Pour le couplage du marché le lendemain (Italie – Grèce et Bulgarie – Grèce), la Grèce rejoindra le projet de couplage du marché européen d’ici Décembre 2017.

92. Les compagnies des eaux: Les autorités ont jusqu’à Décembre 2018 pour élaborer un plan stratégique pour renforcer la gouvernance, la capacité administrative et l’ autonomie économique des entreprises.

93. Privatisations (Helliniko): Les autorités publieront le projet de décret présidentiel pour le Plan de développement intégré au plus tard six mois après sa présentation formelle, conformément à la disposition pertinente de la loi 4062/2012..

94 Administration publique : Achèvement des évaluations du personnel d’ici Décembre 2017.

95. Administration publique: Finalisation des engagements des directeurs généraux d’ici Décembre 2017.

https://unitepopulaire-fr.org/2017/08/24/armageddon-social-en-grece-les-95-conditions-prealables-3-eme-memorandum/

Grèce : fin de l’allocation de solidarité sociale en 2018

EKAS – L’allocation de solidarité sociale grecque abandonnée en 2018

Le nouveau document, point de départ des discussions au cours des réunions de l’Eurogroupe, inclut de nouvelles coupes dans les prestations de solidarité sociale pour les retraités (CFST) et  » l’allocation chauffage » pour les plus modestes.

Le programme d’ajustement budgétaire grec, exigé par l’ensemble des ministres des Finances de la zone Euro, comprend un ensemble de nouvelles mesures sévères, selon les sources.

Le parlement grec sera contraint de légiférer sur une série de nouvelles mesures drastiques, en espérant un allègement de la dette.

L’allocation de solidarité sociale (EKAS) octroyée aux plus bas revenus, diminuée de 40% depuis le premier janvier de cette année. Elle sera complètement abandonnée en 2018. 430 millions d’euros seraient ainsi économisés en 2017.
– La suppression ou la réduction de « l’allocation chauffage ». Seuls 105 millions d’ euros seront affectés au budget 2018, contre 210 en 2014
– La suppression ou une limite de 50% sur les déductions fiscales liées aux dépenses de santés et frais médicaux (pour les maladies lourdes et/ou invalidantes). 
– L’abandon de la réduction mensuelle de 1,5% sur l’impôt pour les travailleurs salariés et les retraités . 
– La suppression du statut fiscal spécial des marins
La suppression des allocations familiales ( actuellement versées aux parents qui travaillent, et d’un montant de 4,11€ par enfant).
L’abolition de l’allocation « spéciale étudiants ».

ttp://www.lepetitjournal.com/athenes/economie/actu-economie/264484-ekas-l-allocation-de-soli

18/8/17

Ephémère finissant : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Éphémère finissant

L’été grec bat son dernier plein. Sur certaines plages du… Grand Péloponnèse le camping libre rappelle à sa juste manière toute la force du royaume de l’éphémère finissant. Même aux alentours de la grande fête du 15 août, au demeurant dès lors derrière nous, ces vacanciers héroïques des classes pressées peuvent encore se dire que (seule) la nature leur réserve enfin un supposé quelque part. Illusion ?

Plage du Péloponnèse le 15 août 2017

Août si possible travaillé, et “Greece Terra Incognita” mon autre activité disons cousine de ce blog, m’éloigne ainsi souvent d’Athènes en ce moment. C’est de… saison comme on dit.

Au soir du 15 août dans le Péloponnèse, seule la taverne de la plage affichait fermée car réservée par les circonstances. “L’établissement est fermé, il est entièrement réservé. Nous ne servons plus. Nous vous remercions”. Les intéressés auraient pu comprendre et ils ont effectivement compris. Et quant au patron de l’établissent, agité devant sa cuisine, il n’avait que ses bras (ceux des employés plus exactement) pour préparer, servir et accueillir les trois cent personnes de la classe moyenne suffisamment plus aisée que le reste, arrivées vers 22h jusqu’au bout de la baie à bord de leurs voitures récentes.

Effectivement, la crise n’a jamais été celle de tout le monde, on l’aurait même un peu oublié sous le soleil et sous les quelques nuages de ce 15 août 2017. Été si possible travaillé, mais… alors moutons et chèvres occupent parfois ces même plages à l’aube, bien avant l’arrivée des premiers vacanciers. C’est aussi de saison.

Péloponnèse, août 2017
Établissement réservé. Péloponnèse, le 15 août 2017
Moutons et chèvres. Péloponnèse, août 2017

Seules les nouvelles qui tombent (c’est bien l’expression) n’auront jamais tombé finalement si mal. Car autour du 15 août en Grèce, près d’une centaine d’incendies de grande envergure et en série, ont sévi dans le pays réel… de la guerre ainsi faite par d’autres moyens, y compris dans la région d’Athènes. De ce fait, dans de nombreux quartiers la capitale, ceux qui n’ont pas été près des plages, ils ont aussitôt fermé portes et fenêtres à cause de la fumée et des cendres qui dominaient le ciel durant près de trois jours.

Alors que plusieurs milliers d’hectares ont été ravagés cette dernière semaine, les politiciens bronzés et requinqués encore de leur été eternel, ils ont de coutume “polémiqué” dans l’indifférence totale au sujet des moyens qui manquent. Plus de la moitié des avions existants, conçus pour lutter contre les incendies que compte la Grèce sont cloués au sol par manque de moyens et d’entretien. La presse ironise certes, sauf que l’ampleur… sérigraphique du “phénomène” est déjà si énorme cet été en Grèce, mais aussi ailleurs, par exemple en France et en Italie. Temps d’un été alors brûlant.

Une fois détournés provisoirement de leurs baignades et sortis de leurs tentes, les Grecs discutant entre eux, ils utilisent l’expression d’usage consacrée au “phénomène”, et cela depuis bien des années: “Ils ont encore brûlé le pays”. Sauf que ces “ils”, ne sont jamais désignés avec précision, et cela pour cause.

Moyens… anti-incendie. “Quotidien des Rédacteurs” du 16 août 2017
Alexis Tsipras et ses illusions… brûlées. Quotidien “Kathimeriní” du 18 août 2017
Vision athénienne. Août 2017

On scrutera alors volontiers ces nouvelles si possible de loin, avant de retrouver toute la vérité enveloppante provisoire de sa tente de camping encore libre. Visite guidée au pays sans guidon !

Et pourtant. Les îles touristiques croulent sous les flots et sous les flottilles de voiliers, certaines Cyclades, Hydra, Póros notamment. Les moins suivistes, iront plutôt se baigner tranquillement ailleurs, par exemple sous la grotte préhistorique de Frachti en Argolide (Péloponnèse toujours), habitée comme on sait depuis plus de quarante mille ans… avant les algorithmes de la finance contemporaine. Oui, le monde avait-il déjà existé avant que les dites agences de notations ne se décident “d’augmenter la note de la Grèce en ‘B-‘”, à l’instar de Fichte cette semaine, d’après la presse.

Dans la grotte de Frachti. Août 2017
Certains aspects de la vie agropastorale du passé. Frachti, août 2017

La seule note de la vie, comme de la durée perceptible c’est alors à Frachti, sous les honorables quarante mille ans de cette grotte, située et cela seulement après élévation du niveau de la mer… devant la petite île appartenant à la famille de l’armateur Livanos, laquelle a partiellement financé les fouilles des paléontologues et des archéologues.

Les éclaircissements écrits et illustrés proposés aux rares visiteurs montrent autant les différentes phases des fouilles entreprises entre les années 1970 et nos jours, ainsi que certains aspects de la vie “agropastorale en Grèce”, sachant que la grotte abritait encore un troupeau de mouton et de chèvres dans les années 1950, c’est-à-dire… peu avant les algorithmes de la finance contemporaine !

La grotte de Frachti (à gauche). Août 2017
Fouilles dans les années 1970. Frachti, août 2017
Fouilles, hommes et matériel dans les années 1970. Frachti, août 2017

Pendant qu’à Athènes les gens auront moins pu partir en vacances en ce mois d’août 2017 aux dires des voisins, et pendant que les récupérateurs aguerris… inspecteront toujours les bennes à ordures, ceux qui ont cependant pu, ils passeront encore quelques nuits sous leurs tentes colorées.

Toujours dans les faubourgs de la capitale touchés par les incendies, un programme d’assistance appuyé par la Région d’Attique vient d’être lancé afin d’apporter secours aux animaux adespotes retrouvés blessés suite aux incendies ayant sévi dans l’Est de l’Attique. Histoire surtout de leur trouver un abri temporaire et les soins vétérinaires dispensés bénévolement, voilà pour les autres nouvelles, disons rassurantes du moment (“Quotidien des Rédacteurs” du 18 août).

Au même moment, les animaux adespotes des îles comme du Péloponnèse bénéficient de la saison et des restaurants pleins (sans incendies), ou suffisamment fréquentés pour encore un petit mois. L’été grec bat ainsi son dernier plein et seuls les… contrôleurs du “fisc grec” sont si mal accueils près des plages… par certains restaurateurs et autres professionnels de l’héliotropisme. Insultes, agressions, menaces, et parfois même passage à tabac et coup de fusil tirés en l’air. Été… chaud !

Récupérateurs… aguerris. Athènes, août 2017
Camping libre. Péloponnèse, août 2017
Péloponnèse, août 2017
Péloponnèse, août 2017

Dans l’urgence, le “gouvernement grec” cherche à endurcir la législation et surtout les peines encourues. “On ne peut pas punir de la même manière l’agression que subit un simple citoyen et celle dont il est victime un agent du fisc dans l’exercice de sa mission”, déclare à la presse (quotidien “Kathimeriní” du 19 août) Yórgos Pitsilis, celui qui dirige la dite “Agence Indépendante des recettes Publiques”.

Sauf que cette dite “Agence Indépendante” imposée par la Troïka et contrôlée par elle, ôte tout contrôle des finances et surtout des recettes publiques à l’État grec (?) comme autant au ministère des Finances ou au “Parlement”. La boite de Pandore est ouverte, et les… usages d’en haut… provoqueront ou donneront prétexte aux comportements d’en bas, été d’ailleurs comme hiver. Décidément, il vaut mieux parfois en Grèce être animal adespote qu’agent du… fisc indépendant !

Animal adespote. Restaurant de l’île de Póros, août 2017

L’été grec bat son dernier plein. Grand Péloponnèse, camping libre, et le… “Président” qui navigue, voilà en tout cas pour la peinture des apparences. Les tristes nouvelles de Barcelone et d’ailleurs circulent pourtant, et alors sont commentées entre Grecs, tout comme plus amplement, visiteurs du pays compris. Les vacanciers héroïques des classes pressées auraient pu encore se dire que (seule) la nature leur réserve enfin un supposé quelque part (bref et provisoire), et ce n’est peut-être pas qu’une Illusion.

Et à propos de Barcelone (comme de Venise), la presse grecque évoque également les récents signes du malaise profond ressenti par une partie des populations locales subissant ainsi un tourisme de masse, sans contreparties disons positives. Hausse des prix, salaires de misère, logement devenu inaccessible aux jeunes (et moins jeunes) habitants à cause notamment de la déferlante Airbnb, entre autres (“Kathimeriní” du 18 août), voilà pour l’essentiel. Le phénomène est déjà en cours aussi dans certains quartier d’Athènes il faut dire. L’uberisation c’est tant probablement la tiers-mondisation citoyenne… plus internet.

Barcelone et le tourisme de masse. du 18 août
Le “Président” qui navigue. Golfe Saronique, août 2017

Un peu moins concernée par le tourisme de masse mais cela seulement (encore) par endroits, la Grèce héliotropique ne donne pas l’impression de réfléchir sur la question de son… avenir touristique. Et pourtant…

En attendant, les plages où l’on respire existent, et… la connectivité des Grecs envers YouTube devient alors la deuxième mondiale après celle des Saoudiens d’après la presse grecque (“To Pontíki”, 27 juillet 2017). La plage… plus l’électricité !

La plage… plus l’électricité. Péloponnèse, août 2017

La plage… plus l’électricité certes, les animaux adespotes des tavernes et des guignettes. Camping libre au royaume de l’éphémère finissant.

Animal adespote sur la terrasse d’une guinguette. Péloponnèse, août 2017
* Photo de couverture: Camping libre. Péloponnèse, août 2017

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Grèce : incendie criminels ?

GRÈCE : INCENDIES CRIMINELS ? UN PLAN ORGANISÉ ? LES AUTORITÉS ONT DES DOUTES :

Comme chaque été , l’été est meurtrier pour la Grèce en termes d’incendies. De nombreux feux ont eu lieu ces derniers temps. Un total de 53 incendies de forêts ont éclaté samedi en Grèce et environ 91 depuis dimanche, y compris sur Kalamos, une station balnéaire près d’Athènes.
Mais l’intensité , la répétition et la synchronicité des feux tant à Zakynthos qu’aux abord d’Athènes inquiètent les autorités qui commencent à envisager non seulement l’idée de feux volontaires mais carrément d’un plan de destruction sciemment organisé pendant ce weekend férié du 15 août. Telles sont les déclarations des Services officiels de lutte contre les incendies du ministère de la Protection Civile et du Ministre de la Justice Stavros Kontonis. Ces incendies font d’ailleurs l’objet d’un vif débat politique avec l’opposition de droite Nouvelle Démocratie qui accuse le gouvernement de « négligence criminelle » et les accuse de « théories de complots » …mais aussi avec l’opposition de gauche et du centre avec le PASOK et le Potami qui parlent d’un manque de préparation et de coordination entre les autorités compétentes.
Un ras le bol citoyen s’exprime aussi sur les murs de Grèce cf Tag : « Si les forêts étaient des banques, on les auraient sauvées ! »

Suite à la parution du texte ci-dessus et aux diverses réactions je reprend ici un point de vue donné notamment par la presse syndicale ( ici le site de META courant syndical « radical » au sein des fédérations syndicales grecques) sous le titre:

« Un plan organisé par les pyromanes… ou le gouvernement, les prêteurs et les intrus »
« Et cet été, malheureusement, en regardant le pays et les forêts brûlées , les dirigeants nous parlent d’un plan organisé par les pyromanes (on n’a pas encore entendu parler du « Général vent », mais on est pas loin…), dans une tentative de cacher les véritables causes : le plan organisé du gouvernement et les prêteurs privés – transgresseurs contre l’environnement naturel du pays .
Il ne serait pas exagéré de dire à l’occasion de ces jours où le pays brûle, que les pompiers se battent héroïquement, dans des circonstances défavorables , et seulement avec un sandwich et une bouteille d’eau, à travers le tourbillon de feu, pour sauver la fortune des citoyens et les forêts. Pour nous, cependant, Il n’est pas plus exagéré de dire que le gouvernement et les autres parties de l’ arc mémorandaire qui font référence aux pompiers héroïques, se moque d’eux sans aucune honte .
En effet , les travailleurs subissent tous les jours , eux et leurs familles, les mesures anti-travailleurs et les politiques anti populaires et qui doivent payer de leurs propres sacrifices, la sécurité incendie du pays . Les travailleurs ont des maigres salaires en rapport de ce qu’offrent la plupart des entrepreneurs pour les saisonniers et sont les otages de chaque décision.
Ces travailleurs sont sur le pied 24 heures sur 24 heures , avec le non paiement des heures supplémentaires , aucune prime de dangerosité et pour un travail pénible et aucune mesure de protection de la personne . Ils n’ont pas droit à un travail permanent et régulier, comme cela est arrivé en Février dernier avec l’ amendement pour les pompiers d’engagement de cinq ans voté par SYRIZA-ANEL et TO POTAMI et dans lequel les « engagements » pour la permanentisation ont été détournés … avec des relations clientélistes.

Ces travailleurs subissent les transferts illégaux et injustifiés (par exemple, PC II / A New Anchialos, CA zone industrielle de Volos, KP Kassandra) au même moment où on envoie les pompiers prévus pour les incendies de forêts pour la lutte contre l’incendie des aéroports – notamment dans les aéroports récemment privatisés avec l’ argent des contribuables grecs pour les intérêts de l’ Etat allemand et du groupe « Fraport Grèce » (qui a demandé 500 pompiers , pourquoi ne serait il pas capable de se « protéger » lui même?).
Tout cela afin de détourner l’ attention de l’ opinion publique des vrais problèmes : le manque de fonds pour la sécurité incendie, l’absence de politique de feu, le manque de pompiers , etc., le décret sur la « densité de logements » dans la zone forestière. Cette loi de déclassification de millions d’acres de forêts et la vente de terres forestières publiques a un effet dévastateur quand à l’action des pyromanes des forêts et des terres boisées
En bref , le sens de la responsabilité, le zèle et le sacrifice de soi, que présentent les pompiers, les fonctionnaires au fil des ans, luttant pour garder entier la vie et les biens de nos citoyens est face à des manques de besoin en personnel et en équipement, en raison des politiques menées par nos dirigeants.
Ce gouvernement mémorandaire affaiblit le sécurité incendie et de la protection civile du pays, outre la ruine du travail, l’ assurance et les droits sociaux, et le pillage des biens publics et les résidences populaires … avec son engagement de mutation, avec les prêteurs, avec le privé , et favorise les « transgresseurs pyromanes » .
Les partis au pouvoir tentent de dissimuler leurs responsabilités pour les politiques d’austérité des coupes et la liquidation, et les partis d’opposition mémorandaires à récolter des voix – car ils auraient fait la même chose, s’ils étaient au pouvoir. Et tout cela, sur les cendres des maisons brûlées , les efforts de vie des employés, et sur les cendres des forêts brûlées. »

Sur le dessin d’Araks:  » l’absence du premier ministre (seulement un « twitt ») et il n’y avait pas eu une déclaration du représentant du gouvernement pour les grands incendies. Il leur a suffit, Jeudi, le premier ministre a décidé de voler en hélicoptère au-dessus de l’est de l’Attique brûlé et le second à faire des déclarations aux médias afin de montrer qu’il est … là! »

Constant Kaimakis

L’avenir de la Grèce par Costas Lapavitsas

The future of Greece Une interview avec Costas Lapavitsas publié le 9/8/17 sur EReNSEP.

Syriza continue de superviser la mise en œuvre de l’austérité. Mais tout n’est pas sans espoir en Grèce.

En Grèce, il n’est pas tout à fait exact de parler de la «montée et de l’automne» du parti de gauche Syriza. «Rise and plateau» serait plus approprié.

Syriza est entrée au pouvoir en janvier 2015 en promettant d’affronter la «troïka» – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – pour sortir de la crise de la dette grecque et mettre fin à l’austérité sous laquelle les Grecs souffraient. Ainsi, ont commencé cinq mois de négociations dramatiques qui ont abouti à un référendum national dans lequel le peuple grec a déclaré un «non» retentissant – «Oxi» – à l’accord offert par la troïka.

Pourtant, face à cette réponse historique, le Premier ministre de Syriza, Alexis Tsipras, s’est adressé aux créanciers, en signant un troisième mémorandum qui démissionnait du pays de l’austérité et des privatisations croissantes .

La capitulation sans précédent de Tsipras a été suivie d’une autre: sa décision de rester au pouvoir pour mettre en œuvre les termes du mémorandum. Pour beaucoup, la montée rapide de Syriza vers le pouvoir de l’État, ses discussions difficiles dans les négociations et ses feintes vers «Grexit» ont marqué une accélération de la lutte des classes en Grèce. Sa capitulation s’est avérée une fin abrupte de ce processus fébrile. Maintenant, le parti travaille sur des mesures anti-travailleur et anti-gauche d’une grandeur historique.

Costas Lapavitsas a accompagné chaque étape de ce processus vertigineux en tant que député de Syriza et membre de la plate-forme de gauche, un bloc au sein du parti qui a appelé à la sortie de l’Union monétaire européenne et à la préparation du peuple grec pour la confrontation avec les créanciers internationaux. Si la plate-forme de gauche gagnait l’argument stratégique et politique à Syriza, la Grèce aurait probablement marqué un chemin très différent.

Aujourd’hui, ni Lapavitsas ni la Plate-forme de gauche ne font partie de Syriza. Pourtant, Lapavitsas n’a pas abandonné l’ assertion centrale de la plate-forme de gauche: que l’assujettissement de la classe ouvrière grecque n’est pas inévitable.

Ici, George Souvlis, candidat à un doctorat en histoire à l’Institut universitaire européen à Florence, et Petros Stavrou, ancien conseiller Syriza et membre actuel de l’initiative radicale ARK, parlent avec Lapavitsas pour les jacobins au sujet du gouvernement Syriza, la lutte contre l’austérité à travers L’Europe et les perspectives de relance de la gauche grecque.

GS: à titre d’introduction. Voulez-vous vous présenter en mettant l’accent sur les expériences formatives académiques et politiques qui vous ont fortement influencé?

CL: Je viens de la génération qui a commencé à comprendre le monde après la chute de la dictature en Grèce. Au cours de cette période, la radicalisation était une caractéristique cruciale de la société grecque. Ma propre famille était à gauche, alors j’ai été naturellement radicalisée longtemps avant que je commence mes études universitaires. Mais le contexte plus large des années 80 au Royaume-Uni était crucial pour ma formation. Au cours de cette période, je me suis rendu compte que le monde était beaucoup plus grand et que les problèmes idéologiques et politiques en jeu étaient beaucoup plus importants que ce que j’avais connu en Grèce dans les années 1970. Une grande partie de mon échéance politique, en d’autres termes, s’est produite en Grande-Bretagne. Depuis, j’ai été actif dans les rangs de la gauche britannique. Une autre expérience intellectuelle cruciale pour moi a été de découvrir le marxisme japonais il y a près de trois décennies. Cela m’a fourni un aspect encore plus large du marxisme et de l’économie, ainsi que d’une manière plus large de voir le capitalisme.

GS: Pourriez-vous citer certains intellectuels, tels que les économistes et les théoriciens politiques, qui ont été cruciaux pour votre formation intellectuelle en tant qu’économiste marxiste?

CL: Le premier livre que j’ai lu dans l’économie politique était Sweezy et le Monopoly Capital de Baran , quand j’étais plutôt jeune. C’est un excellent livre, l’une des contributions les plus importantes au marxisme au vingtième siècle, et m’a donné un respect durable pour l’économie de Sweezy. Inutile de dire, j’ai lu attentivement la plupart des écrits de Marx, mais je ne les ai jamais traités comme des textes saints. Pour moi, Marx était un grand penseur et révolutionnaire, mais il en est ainsi. J’ai également lu le complément habituel des classiques marxistes. Je devrais détailler Trotsky en particulier, dont les écrits sur la Révolution russe, le développement de l’Union soviétique et l’émergence du fascisme dans les entre-deux-guerres m’ont beaucoup influencé. J’ai longtemps appartenu à la partie de la gauche qui est fortement critique, même rejetant, de l’Union soviétique. Enfin, ma compréhension spécifique de l’économie marxiste est un mélange de, d’abord, la renaissance marxiste anglo-saxonne des années 1970 et 1980 et, deuxièmement, du marxisme japonais de l’école Uno. Je dois beaucoup à beaucoup mais je voudrais choisir Ben Fine et Laurence Harris au Royaume-Uni et Makoto Itoh et Tomohiko Sekine au Japon.

GS: Discutez de la Grèce. SYRIZA – après la défaite du nouveau sauvetage – a créé un récit sur la nature inévitable de ce développement, ce qui suggère que c’était le seul moyen d’aller de l’avant. Partagez-vous cette compréhension des événements? Sinon, quel était l’autre sens? En termes d’économie, qu’est-ce que SYRIZA aurait fait pour éviter ces développements?

CL: Il est intéressant de noter que l’argument principal qui vient de la direction actuelle de SYRIZA est qu’il n’y avait rien d’autre qui aurait pu être fait. C’est aussi exactement l’argument déployé par New Democracy, PASOK et tous les autres qui ont couru la Grèce depuis des décennies. Pourtant, SYRIZA est montée au pouvoir en promettant une autre manière qui apporterait des changements réels en Grèce et en Europe. J’ai soutenu SYRIZA à l’époque, car une autre façon était vraiment possible. Sinon, quel était exactement le point de SYRIZA? Avoir Alexis Tsipras comme Premier ministre au lieu d’Antonis Samaras de la Nouvelle Démocratie? Avoir des gens au gouvernement qui se disent «à gauche» et, espérons-le, mettre en œuvre les politiques de sauvetage plus «doucement»? Je rejette complètement cette vue.

Le vrai problème avec SYRIZA n’était pas qu’il n’y avait pas d’autre façon. Le véritable problème était que la stratégie adoptée par son leadership n’était pas dès le départ. C’était une mauvaise politique, une mauvaise économie, une mauvaise compréhension du monde. Bref, ils visaient à s’opposer aux prêteurs et à transformer la Grèce, tout en restant dans l’union monétaire européenne. Cela n’a jamais été possible, comme je l’ai soutenu à l’époque avec plusieurs autres à SYRIZA. Nous avons combattu, nous sommes opposés à la direction et défendons un chemin alternatif en sortant de l’UEM et en défaillant sur la dette nationale. C’était la seule alternative réaliste pour la Grèce, qui aurait pu ouvrir un nouveau chemin de changement social radical. Les événements ont montré que nous avions absolument raison et que la stratégie du leadership était absurde. Mais nous n’avons pas été en mesure de gagner l’argument politique, et c’était l’essentiel. Après l’échec de sa stratégie, Tsipras s’est rendu aux prêteurs et a adopté ses politiques. La reddition de SYRIZA est une marque noire pour l’ensemble de la gauche européenne.

GS: Ce que vous proposez ci-dessus est à un niveau macroéconomique. Ne pensez-vous pas qu’il y avait d’autres alternatives tactiques à court terme? (Par exemple, organiser un référendum antérieur, imposer, dès le premier jour, ils ont pris le pouvoir et les contrôles bancaires). Parce que ce qui s’est passé à la fin était d’imposer des contrôles de capitaux à la dernière minute dans une conjoncture très difficile lorsque l’état grec Était presque paralysé économiquement.

CL: Pour quoi? Quel aurait été le point de l’application tactique antérieure des contrôles, si SYRIZA n’était pas prêt à aller jusqu’à la sortie de l’UEM et à la défaillance de la dette?

GS: Ce n’est pas mon poste, mais certains affirment que ces mouvements auraient obtenu de meilleurs résultats dans les négociations entre SYRIZA et la Troïka par rapport à ce que l’accord de sauvetage a apporté. Partagez-vous ce poste?

CL: Une meilleure négociation pour réaliser quoi? C’est juste une mauvaise pensée. Le problème de SYRIZA n’était pas une tactique, même si les méthodes de négociation de Tsipras, Varoufakis et les autres étaient également maladroites depuis le début. Quel est le but d’aggraver les prêteurs avec un style provocateur et un verbiage quand vous n’avez pas l’acier pour aller jusqu’au bout? Il est préférable de porter un costume et une cravate, mais soyez prêt à déclarer le défaut lorsque cela est nécessaire. Le problème avec SYRIZA, cependant, n’était pas ses méthodes, mais sa stratégie. Ils ne comprenaient pas ce qu’était l’Europe, combien les prêteurs étaient implacables. Surtout, ils ne comprenaient pas que la seule façon de lutter contre l’énorme pouvoir de la Banque centrale européenne sur la disponibilité de liquidités dans l’économie était de produire une monnaie nationale. Il n’y avait pas d’autre option pour un gouvernement de gauche. J’ai dit à Tsipras cela dans une conversation privée, mais il ne voulait pas l’entendre, car cela aurait impliqué une vraie rupture avec les institutions de l’UE. Et une pause n’était pas ce qu’il voulait par la formation, la disposition et les perspectives politiques.

GS: Je pense que c’était crucial pour l’échec de SYRIZA – et ceci est mon avis – que le parti n’a pas dit aux Grecs la vérité pendant la période des négociations. La vérité de ce qui se passait entre les deux parties et les intérêts étaient en jeu. Je suis sûr que vous vous souvenez que le discours principal produit au nom du parti au cours de cette période était que tout était sous contrôle, qu’il y aurait un accord équitable pour que les deux parties en profitent, etc. Je pense que c’était un mauvais pas tactique Parce que de cette façon, SYRIZA a démobilisé les gens, déléguant le processus de négociations à un groupe de spécialistes, l’équipe autour de Tsipras. De cette façon, SYRIZA a fait croire aux gens que tôt ou tard il y aurait une solution en faveur de leurs intérêts. Les gens n’étaient pas précisément informés de ce qui se passait à Bruxelles et n’étaient pas prêts à protester en masse contre les menaces de la troïka. Je crois que le Plan B aurait impliqué la préparation du peuple grecque autant que nécessaire pour un freinage possible avec l’UE. Qu’est-ce que tu penses?

CL: Le soutien populaire et la préparation politique de la classe ouvrière et des couches sociales plus larges auraient été d’une importance primordiale pour tout gouvernement radical qui souhaitait vraiment changer les choses en Grèce. SYRIZA a eu l’opportunité de s’engager dans cette situation après les élections de 2012, alors qu’elle est devenue l’opposition officielle, mais ce n’est pas le cas. Au lieu de cela, le leadership a suivi la voie de la promotion d’Alexis Tsipras en tant que prochain Premier ministre et un personnage de la gauche mondiale. Après avoir pris le pouvoir, ils ne se sont jamais trompés sur des questions clés, même si les gens voulaient des réponses. Le seul point sur lequel ils étaient catégoriques était qu’ils voulaient rester dans les institutions européennes. C’est l’un des rares problèmes sur lesquels ils étaient honnêtes. Ils étaient, et restent, des Européens engagés. Comment, alors, ont-ils préparé les gens pour un conflit majeur avec les prêteurs européens? Même à l’époque du référendum de juillet 2015, qui aurait évidemment été un point de rupture, ils ont évité méticuleusement de préparer les gens à la bataille. Des centres puissants en Grèce et à l’étranger essayaient systématiquement d’effrayer le peuple grec en disant qu’un «non» signifierait sortir de l’UEM et de la catastrophe. SYRIZA et ses dirigeants ne l’ont jamais exprimé, mais ont toujours déclaré que le référendum n’était qu’une autre arme dans les négociations avec les prêteurs. Et à la fin, ils se sont rendus et ont transformé «Non» en «Oui». Ils n’ont jamais voulu un véritable combat.

GS: pensez-vous que ce choix stratégique est lié à la stratégie que les partis eurocommunistes ont adoptée au cours des années 1970, ou était-ce strictement une décision des habitants de Tsipras? Par exemple, Giorgos Stathakis, actuel ministre de l’Environnement et de l’Energie et l’un des plus importants conseillers économiques de Tsipras, était l’un des plus sincères de SYRIZA, après avoir déclaré à partir de novembre 2016 que la seule option réaliste pour le parti au pouvoir était immédiatement De signer un mémorandum avec la troïka. Quelle est votre opinion à ce sujet? Ce choix peut-il être expliqué en fonction de raisons idéologiques, économiques ou personnelles, ou est-ce une intersection de ces facteurs qui peuvent décoder efficacement la stratégie adoptée?

CL: Je ne pense pas que nous puissions relier directement le sinistre de SYRIZA à la tradition eurocommuniste. Il y avait beaucoup de courants historiques de gauche qui entraient à SYRIZA. Certains provenaient de l’eurocommunisme, mais certains des plus éminents venaient de la tradition stalinienne du Parti communiste grec. Une bonne proportion des cadres dirigeants de SYRIZA étaient des cadres du parti communiste en ligne et non pas un eurocommuniste. Le vrai problème avec SYRIZA n’était pas l’eurocommunisme, mais comment le parti a été constitué et ce qu’il est devenu. Il a débuté de façon incertaine au début des années 1990, principalement sous le nom de Synaspismos, une émancipation du Parti communiste qui était toujours lourd et non enracinée dans la classe ouvrière. Il est devenu SYRIZA dans les années 2000, une petite tenue qui s’est considérée comme un joueur potentiellement important dans la politique grecque, car elle semblait offrir une nouvelle façon de faire des politiques pluralistes, démocratiques, etc. Le changement majeur de SYRIZA s’est produit sous la direction d’Alekos Alavanos, qui était probablement le politicien le plus talentueux de sa génération sur la gauche. SYRIZA a acquis les caractéristiques d’un nouveau parti de masse qui pourrait attirer de nombreux courants différents de la gauche dans un environnement de discussion constante et d’échange d’opinion. C’était aussi consciencieusement déménager.

L’erreur désastreuse commise par Alavanos était de nommer Tsipras et son petit groupe comme nouvelle direction de SYRIZA, pensant qu’il ouvrait la voie à une génération nouvelle, nouvelle et radicale. Tsipras s’est avéré énormément ambitieux et était également habile à prendre le parti. Il a poussé SYRIZA vers un grand succès électoral en 2011-12. Autour de 2010, SYRIZA était juste un petit parti parmi beaucoup à gauche et, pour être franc, il a jeté les plus grandes bêtises quant à la nature de la crise qui se déroule. Tsipras l’a hardiment poussé à participer aux manifestations de masse qui se sont produites dans les places des villes grecques. Surtout, Tsipras était prêt à dire qu’il était prêt à gouverner, contrairement à tous les autres leaders de la gauche. La combinaison de sa volonté de gouverner et de l’implication de SYRIZA dans le mouvement des Squares a propulsé la fête aux élections de 2012. Il est devenu le gouvernement en attente.

Pendant un court laps de temps, il semblait que SYRIZA représentait une nouvelle forme d’organisation qui pourrait être l’avenir de la gauche non seulement en Grèce, mais aussi en Europe. Une alliance lâche de divers courants engagés dans un débat constant, avec un cadre puissant, qui pourrait attirer le soutien électoral et devenir le parti du gouvernement. La réalité est devenue claire en 2015. SYRIZA n’était pas une nouvelle façon de faire de la politique pour la gauche, mais simplement la dernière façon dont l’establishment politique grec pouvait continuer à dominer. Le débat politique sans fin et le mouvement ne sont ni une garantie de démocratie interne, ni un défi pour le capitalisme. SYRIZA s’est révélée complètement antidémocratique dans le gouvernement, un organe politique amorphe avec un leader tout-puissant au sommet et pas de véritable débat politique. C’est une machine électorale qui s’est imbriquée avec l’état grec et cherche seulement à se maintenir au pouvoir. Il n’y a pas d’avenir pour la gauche dans le modèle SYRIZA, c’est sûr.

GS: une devise discursive qui informe le récit officiel du gouvernement grec après l’accord de juillet 2015 est que sa gouvernance, en dépit des nombreuses difficultés auxquelles elle est confrontée jusqu’à présent, peut être définie comme une réussite en raison de sa performance financière augmentant l’excédent budgétaire principal de l’État À environ 4% du PIB en 2016. Partagez-vous cet optimisme au nom du gouvernement grec? Pourrions-nous définir sa performance économique en tant que réussie?

CL : Permettez-moi de mettre les choses en contexte. La grande contraction économique en Grèce s’est terminée en 2013. Depuis 2014, l’économie grecque a effectivement stagné: un petit peu, un peu plus bas. La pire partie de la crise était déjà d’un an avant que SYRIZA ne ​​prenne le pouvoir. Il est donc ridicule de dire que SYRIZA a donné un certain succès à la Grèce ou au peuple grec. En termes factuels, après que SYRIZA a repris, l’économie est revenue à une légère récession et a continué sur un chemin indifférent tout au long de 2016 et jusqu’à présent en 2017. Bien sûr, dans la politique grecque, il est possible de créer une réalité parallèle à travers la répétition constante des mensonges , Et SYRIZA est très bon à ce sujet. Mais la vérité est évidente dans les figures et dans l’expérience vécue des gens.

En termes de politiques économiques réelles, SYRIZA s’est avéré être le gouvernement le plus obéissant que la Grèce a eu depuis le début de la crise. Ils ont accepté les politiques économiques des prêteurs, ont signé le troisième accord de sauvetage en août 2015 et ont été méticuleux dans l’application. Il n’y a aucune preuve d’indépendance, pas d’exercice de la souveraineté. À cet égard, le dernier accord qu’ils ont signé en mai 2017, complétant le deuxième examen du troisième plan de sauvetage, a de nouveau obéissait aux prescriptions des prêteurs. Au cours de son ascension au pouvoir, SYRIZA a fait de grands efforts pour négocier fort, être dur et se tenir debout envers les prêteurs, contrairement aux précédents gouvernements grecs « doux ». En pratique, ils ont prouvé les pires négociateurs que la Grèce a eu pendant la crise. Les prêteurs les ont complètement dominés, imposant de l’austérité, des taxes et des réductions de pension, sans alléger la dette.

Le futur semble sombre pour la Grèce. Il continuera probablement à stagner: la croissance va peut-être ramasser un peu, puis il va diminuer un peu, puis encore la même chose. Il deviendra un pays avec un taux de chômage élevé et une inégalité élevée des revenus; Un pays pauvre dont la jeunesse formée partira; Un pays vieillissant écrasé par une énorme dette; Un petit pays non pertinent sur les franges de l’Europe. Sa classe dirigeante a accepté cette éventualité, c’est une faillite historique de sa règle. SYRIZA joue également un rôle dans cette catastrophe.

GS : Et qu’en est-il de la dette? SYRIZA a affirmé qu’il y aurait bientôt un allégement de la dette.

CL: En mai 2016, l’Eurogroupe, qui est l’organisme qui gère essentiellement l’union monétaire, a décidé un cadre pour la dette grecque, que SYRIZA a acceptée. Il n’y aura pas de «coupe de cheveux», car il n’y a pas de mécanisme au sein de l’union monétaire pour qu’un État puisse prendre les pertes de la politique d’un autre. Selon le cadre, la dette grecque sera considérée comme durable tant que le coût total du service (intérêts et principal) ne dépassera pas 15% du PIB annuel. La Grèce pourrait bénéficier d’une aide pour atteindre cette «durabilité» en allongeant la durée de certains des prêts existants et en réduisant les intérêts. C’est le meilleur que la Grèce peut espérer de ses «partenaires» dans l’UE. Pour cette raison, la Grèce devra définir sa politique budgétaire pour atteindre un excédent primaire très important pendant une longue période. Autrement dit, les faibles dépenses du gouvernement et la fiscalité élevée, c’est-à-dire une profonde austérité, depuis des décennies. Par implication, les taux de croissance seront abaissés. C’est une terrible situation qui rend la dette grecque décidément non viable à moyen et à long terme.

En mai 2017, le gouvernement SYRIZA a signé un autre accord fondé précisément sur ce cadre. Ils ont promulgué de nouvelles mesures, réduisant les pensions et imposant des taxes pour assurer une austérité arrosante de 3,5 pour cent d’excédents primaires par an jusqu’en 2022. Ils ont également accepté de réaliser d’autres excédents de 2% par an jusqu’en 2060! En dépit de légiférer sur ces mesures extraordinairement sévères, ils n’ont reçu absolument aucune concession sur la dette. C’est une incompétence incroyable. Ils ont capitulé, abandonnant tous les derniers vestiges de la souveraineté nationale et imposant des mesures sévères aux travailleurs, tout en abaissant abyssalement les conditions qui permettraient à l’économie grecque de se redresser, réduisant ainsi le chômage. Le gouvernement SYRIZA est une honte pour le peuple grec, mais aussi pour la gauche internationale.   

GS: Pensez-vous que cette situation en Grèce peut être comparée à celle des États d’Amérique latine pendant la crise des années 1980, puisque la crise de la dette était une caractéristique déterminante dans les deux cas?

CL: Dans une certaine mesure, oui, car la crise grecque était en substance une crise de la balance des paiements. En outre, la crise a été traitée par le FMI, de sorte qu’on peut trouver des résultats similaires en Amérique latine. Cependant, le véritable analogue pour la Grèce n’est pas l’Amérique latine, mais la crise allemande après la Première Guerre mondiale, la crise de la guerre-réparations. Après avoir perdu la guerre, l’Allemagne a été obligée de faire d’énormes réparations, surtout pour la France victorieuse, tout en faisant face à des restrictions sur son économie qui réduisaient sa capacité d’exportation et donc à faire les paiements nécessaires. Tout au long des années 1920, l’Allemagne a été placée dans une position impossible, comme John Maynard Keynes l’a réalisé immédiatement. Le résultat final a été, bien sûr, la montée de Hitler, qui a dénoncé la dette et militarisé l’économie en prévision de la Seconde Guerre mondiale. La Grèce occupe une position similaire aujourd’hui. Il a une énorme dette extérieure et est obligé de faire des paiements à l’étranger, mais il ne peut pas générer les excédents externes puisque l’union monétaire ne l’autorise pas efficacement. Les excédents budgétaires à l’heure actuelle sont créés par la compression de l’économie domestique, réduisant ainsi les perspectives de croissance. C’est une situation impossible pour la Grèce, qui ne peut être résolue qu’en cas de rupture forcée du piège.

GS: L’ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis a approuvé récemment qu’il y avait un Plan B. Croyez-vous cette déclaration? S’il y en a eu une, pourquoi l’équipe de Tsipras n’a-t-elle pas utilisé une option lors des négociations avec la Troïka quand il y avait encore du temps et des manœuvres? Dans le cas où Tsipras jouerait à cette carte, quel impact pensez-vous que cela aurait en termes économiques et politiques?

CL: Il est commun de créer un récit sur le passé qui vous permet de vivre avec vous-même. Il est également courant de réinventer le passé pour mieux répondre aux besoins du présent. Les gens le font souvent en politique, même si je tente personnellement de l’éviter autant que possible. Il n’y a jamais eu de plan B, c’est-à-dire un plan visant à retirer la Grèce de l’union monétaire et à rompre avec l’Union européenne. Au plus, il y avait des exercices d’arrière-plan sur quoi faire si la pression des prêteurs devenait trop grande. Ils ne représentaient jamais un plan B tel que je continuais à exiger – et à proposer – c’est un ensemble cohérent qui serait basé sur un soutien populaire. Et il ne pourrait pas exister pour SYRIZA car un tel plan aurait nécessairement entraîné la sortie de l’UEM. Les dirigeants de SYRIZA, y compris Yanis Varoufakis, ont été des Européens engagés qui n’accepteraient pas une rupture avec l’Europe. Les membres de SYRIZA qui n’étaient pas européanistes et demandèrent une pause, furent finalement poussés par Tsipras.

GS: Récemment, vous et Theodore Mariolis ont écrit un rapport analytique intitulé «L’échec de la zone euro, les politiques allemandes et un nouveau chemin pour la Grèce», publié par l’Institut RL, dans lequel vous décrivez les étapes qu’un futur gouvernement devrait mener pour Grexit Pour être un projet réalisable sans conséquences destructrices pour la majorité des personnes grecques. Que devrait faire un futur gouvernement pour que Grexit puisse être une réussite, même à long terme? 

CL: Les étapes de Grexit ont longtemps été bien comprises. Il n’y a pas de mystère. Grexit exige, tout d’abord, la souveraineté monétaire par un acte parlementaire, redéfinissant ainsi la soumission légale de la nation. Un taux de conversion de 1: 1 serait appliqué immédiatement sur les contrats, les flux d’argent et les sommes d’argent qui sont prévues par la loi grecque. Dans le même temps, il y aurait la nationalisation des banques, les contrôles de capitaux, les contrôles bancaires et les étapes pour s’assurer qu’il y a un approvisionnement régulier en médicaments, en nourriture et en énergie dans la période initiale jusqu’à l’émergence de l’économie. Le problème économique le plus grave serait la dévaluation du New Drachma, dont l’étendue dépendra de l’état du compte courant et de la solidité de l’économie. Dans le cas de la Grèce, il n’est pas facile de l’estimer, mais je suppose qu’une dévaluation de 20 à 30% dans la nouvelle position d’équilibre serait probable. La dévaluation serait positive pour l’industrie grecque, qui doit compenser la compétitivité sur les marchés internationaux et sur le marché intérieur. Les travailleurs bénéficieraient également à moyen terme car l’emploi serait protégé, mais ils nécessiteraient un soutien à court terme, en particulier par des subventions et des allègements fiscaux. Ce n’est pas un chemin facile par toute l’imagination, mais c’est parfaitement réalisable et nécessite une détermination et une participation populaire. Il y aurait peut-être une période de difficultés considérables, peut-être de six à douze mois, mais l’économie se retournerait.

La sortie, cependant, n’a jamais été un remède pour les problèmes grecs. Je l’ai toujours compris comme faisant partie d’un ensemble différent de politiques économiques qui changeraient l’équilibre des forces sociales en faveur du travail et contre le capital, mettant ainsi le pays sur un chemin différent. La Grèce a besoin d’une sortie progressive, en d’autres termes. Pour cela, deux étapes sont fondamentales. Tout d’abord, le gouvernement devrait lever l’austérité, abandonnant l’objectif ridicule et destructeur de 3,5% pour les excédents primaires. Il devrait stimuler les dépenses publiques pour l’investissement et d’autres choses, principalement pour les services parce que c’est là où l’emploi pourrait être rapidement créé. Deuxièmement, le gouvernement devrait adopter une stratégie industrielle utilisant les ressources publiques pour rééquilibrer l’économie en faveur de l’industrie et de l’agriculture plutôt que des services. Si ces politiques étaient adoptées, les bénéfices pour les travailleurs seraient substantiels, l’équilibre du pouvoir de classe changerait, les conditions du travail salarié seraient améliorées et il y aurait marge de redistribution des revenus et des richesses. Il serait possible de parler de la Grèce entrant dans une voie de développement différente avec un caractère fortement anticapitaliste qui pourrait conduire à la réorganisation socialiste de la société.

GS: Dans un scénario possible de Grexit, où une Grèce en dehors de l’UE pourrait-elle s’inscrire dans l’économie mondiale, qu’est-ce qu’elle échange avec qui; Attendrait-il une guerre commerciale avec l’UE?

CL: L’argument de la «guerre commerciale» est habituellement employé par des personnes qui souhaitent poursuivre les politiques de renflouement ou ont trop peur, même pour envisager des changements radicaux. La Grèce serait certainement confrontée à des difficultés si elle allait dans la voie de la rupture, notamment parce qu’elle devait inévitablement refuser sa dette. Mais, il est largement connu et accepté que la dette grecque est insoutenable. La défaillance est une affaire sérieuse, mais aujourd’hui elle ne mène pas à la guerre, aux boycotts et à d’autres résultats colorés. Les pays continuent à fonctionner et à survivre. Après tout, c’est l’état qui serait par défaut, et non les agents productifs individuels. Beaucoup plus risqué que le défaut est la perspective d’une rupture avec l’Union européenne, ce qui ne se produirait pas seulement en raison de la défaillance, mais aussi parce que la Grèce adopterait des politiques économiques contradictoires avec celles de l’UE. La Grèce devrait être préparée pour cela afin de remettre son économie en ordre. Il n’y a pas de raccourci. Il faudrait négocier des conditions spéciales, des exemptions, etc., et il faudrait se préparer à un combat pour adopter les politiques dont il a besoin. Si les travailleurs et les strates populaires étaient déterminés, le pays pourrait réussir.

GS: Passons maintenant aux développements de l’UE. Que pensez-vous, c’est l’avenir de la zone euro et comment voyez-vous les scénarios de la Commission européenne pour une Europe à grande vitesse, qui semble être le plan que l’Allemagne a actuellement pour l’UE?

CL : La crise de la zone euro comme période distincte dans le développement historique de l’UE est pratiquement terminée. L’Allemagne a imposé sa propre solution et a vaincu toute opposition. Le point à retenir: l’Allemagne a prévalu et a imposé sa volonté sur l’Europe au cours des sept dernières années. Il est apparu comme le pays incontestablement dominant. Comme cela s’est produit, il est également devenu évident que la nouvelle Europe est une entité hautement stratifiée, dotée d’un noyau et de plusieurs périphéries. L’ancienne distinction de noyau et de périphérie dont les marxistes parlent a réémergé en Europe de manière nouvelle et virulente. Le noyau, plus précisément, est la base industrielle de l’Allemagne qui se compose principalement de voitures, de produits chimiques et de machines-outils. Il n’y a pas d’autre complexe industriel en Europe comparable à celui de l’Allemagne, à l’exception éventuelle de l’Italie du Nord.

Le noyau a défini plusieurs périphéries, dont deux se distinguent. Le premier est immédiatement attaché au noyau industriel allemand: la Pologne, la République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie et la Slovénie. Cette périphérie agit comme un arrière-pays de la capitale industrielle allemande, fournissant du travail, des ressources et de la capacité de production, tous se sont vus sur l’Allemagne. La deuxième périphérie se trouve au sud: la Grèce, le Portugal et l’Espagne. Ce sont des économies avec une industrie faible, une faible croissance de la productivité et une faible compétitivité, qui possédaient un grand secteur public qui fournissait un emploi mais ne pouvait plus le faire. Leur rôle est de fournir du personnel de travail qualifié au noyau allemand.

Cette stratification de l’Europe constitue le fondement d’un énorme pouvoir politique allemand. L’ascendance de l’Allemagne n’a pas résulté d’un plan du bloc historique allemand, mais après un point, il est devenu une politique consciente. Le levier le plus important pour assurer l’ascendance de l’Allemagne a été l’union monétaire, qui a fourni à l’Allemagne les moyens de dominer l’Europe dans le commerce et a servi de base à la capitale industrielle allemande pour exporter vers la Chine, les États-Unis et ainsi de suite. Grâce à l’union monétaire, l’Allemagne est apparue comme une puissance mondiale majeure. Mais, comme tout processus capitaliste de ce type, des tensions et des contradictions internes ont également émergé. Ceux-ci ont surtout à faire avec le noyau de l’Europe, et deux questions revêtent une importance primordiale.

La première concerne l’Allemagne elle-même. La montée de l’Allemagne qui a exporté du capital industriel s’est produite chez les travailleurs allemands: l’austérité continue en Allemagne, la contrainte des salaires, le resserrement des dépenses publiques, le manque d’investissement intérieur et la compression de la demande intérieure. C’est la base de la domination capitaliste allemande de l’Europe et a fourni les moyens pour que la capitale allemande gagne du terrain sur le marché mondial. Il s’agit clairement d’une situation instable et intenable à long terme. Les deux tiers du travail allemand survivent en termes précaires, avec de faibles salaires et des conditions de travail difficiles.

La seconde concerne les relations entre l’Allemagne, la France et l’Italie. C’est un point de grande faiblesse. La France est bien sûr un pays du noyau, mais elle ne peut pas survivre avec l’Allemagne car elle n’a pas la base industrielle, la compétitivité et la capacité de façonner l’union monétaire. En effet, son bloc historique manque d’un plan stratégique sur la façon d’affronter l’Allemagne et devient rapidement à la base de Berlin. L’Italie est encore pire. Il a une base industrielle importante, mais sa présence dans l’union monétaire est profondément problématique car elle ne peut pas concurrencer à des conditions raisonnables et son taux de croissance est très faible. L’Italie a été dans un état d’austérité de bas niveau depuis des années. Cela ne peut persister à jamais et les tensions éclateront à un moment donné. En résumé, la montée de l’Allemagne a stratifié l’Europe d’une manière qui n’a jamais été vue auparavant, créant d’énormes tensions. C’est là que j’attends de voir les éruptions et l’accélération de l’histoire dans les années à venir.

GS : Pensez-vous que ces éruptions viendront de haut ou de bas? 

CL : Au cours des dernières années, nous avons vu la montée du populisme de droite et de l’autoritarisme, souvent sous forme fasciste, dans plusieurs régions d’Europe. Ceci est le résultat de la stratification de l’Europe et de l’émergence de la domination allemande. C’est aussi le résultat de la retraite de la démocratie alors que l’Europe est devenue de plus en plus inégale. L’échec de la démocratie parlementaire, qui est manifeste dans toute l’Europe, et le fait que le processus politique s’est détaché des préoccupations des travailleurs, fait partie intégrante de l’ascendance de la capitale allemande en Europe. La réaction a inévitablement pris la forme d’exiger plus de souveraineté, et elle vient d’en bas: les gens pensent qu’ils ont perdu le pouvoir sur leur vie, où ils travaillent, qui fait les lois, qui applique les lois, qui sont responsables et Comment. Il existe une demande de souveraineté populaire et nationale en Europe.

Dans le passé, les forces de la gauche en Europe auraient formulé ces exigences pour exprimer les besoins et les aspirations des travailleurs, en s’opposant aux grandes entreprises et à l’ascendance allemande en Europe. La tragédie est que la gauche n’a pas joué ce rôle en Europe depuis des années et, par conséquent, le droit a pris de l’importance, s’appropriant même souvent le mode d’expression de la gauche et donnant un tournant autoritaire aux exigences populaires. Mais il n’y a rien d’inévitable à propos de ce développement. Tout dépendra de la réaction de la gauche à partir de maintenant. Il n’y a pas de lien ferme entre les travailleurs de l’extrême droite en Europe. La vraie question est de savoir si la gauche peut agir ensemble et commencer à intervenir efficacement. Le potentiel existe. Ce qui manque, c’est une compréhension claire des problèmes politiques brûlants en Europe, car la majeure partie de la gauche continue de fonctionner dans le cadre des années 90 et 2000. Il est temps pour la gauche de sortir de cela et jouer de nouveau son rôle historique en Europe.

L’article original http://www.erensep.org/index.php/en/articles/politics/364-the-future-of-greece

Union européenne : Une réforme est-elle possible ?

publié le 29/7/17 sur NPA2009  Union européenne : Une réforme est-elle possible ?

Les articles de la rubrique Idées n’expriment pas nécessairement le point de vue de l’organisation mais de camarades qui interviennent dans les débats du mouvement ouvrier. Certains sont publiés par notre presse, d’autres sont issus de nos débats internes, d’autres encore sont des points de vue extérieurs à notre organisation, qui nous paraissent utiles.

Après le choc du Brexit, les dirigeants de l’Union européenne et de la zone euro avaient affiché des velléités d’autoréforme dans un sens supposément plus « protecteur » des salariés et des populations. Un an plus tard, ces annonces n’ont pas connu le moindre début de traduction. Quant aux politiques d’austérité, elles ne se sont nullement desserrées, au contraire. 

«L’Europe n’est pas le Far West, c’est une économie sociale de marché », avait ainsi déclaré Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui à titre d’exemple signalait deux réformes nécessaires : celle de la directive sur les travailleurs détachés, en vue de mettre fin ou au moins limiter les « abus » auxquels ce dispositif peut donner lieu ; des mesures qui contraindraient les multinationales à payer leurs impôts dans les pays où elles travaillent, afin de limiter les pratiques dites d’optimisation (en réalité, d’évasion) fiscale qui jouent sur la localisation et les rapports entre maisons-mères (qui ne sont parfois que de simples « boîtes aux lettres ») et filiales. Un an après, rien n’a été fait, sur aucun de ces deux points.

Un projet de directive élaboré par la commissaire belge à l’emploi et aux affaires sociales, qui limitait un peu le recours aux travail détaché et en alourdissait un peu le coût (en prévoyant une égalité avec les travailleurs locaux non seulement salariale, comme c’est en principe le cas aujourd’hui, mais aussi en termes de primes et d’indemnités), avait été déposé en mars 2016. Mais il avait aussitôt suscité un veto de 11 des Etats de l’Union. Plus récemment, au sommet de Bruxelles de juin 2017, Macron a présenté une proposition plus modeste – également rejetée.

En matière de fiscalité des grands groupes, l’UE s’est bien dotée d’une directive, adoptée en février dernier, mais elle ne concerne que les rapports entre les établissements situés dans l’Union européenne et ceux de la même entreprise qui se trouvent hors-UE. Toute mesure dans ce domaine exigeant l’unanimité des Etats membres, on peut être certain que l’Europe des 27 restera un paradis de l’optimisation fiscale des multinationales.

On peut ajouter que le dernier sommet de Bruxelles a écarté une autre proposition française, visant à instaurer un contrôle sur les investissements étrangers dans des secteurs stratégiques de l’économie de l’Union (la Chine est notamment visée) : les conceptions les plus ultralibérales du « laisser faire, laisser passer » l’ont à nouveau emporté, malgré le soutien que Juncker avait en l’espèce prodigué à Macron (en déclarant « je veux avoir une Europe ouverte, pas une Europe offerte »).

Dans le même temps, la commission européenne et les gouvernements qu’elle représente entendent visiblement faire payer au Royaume-Uni le prix de son Brexit – quitte à placer son actuel gouvernement, dont les promesses apparaissent de plus en plus irréelles, dans une situation intenable. Quant aux politiques d’austérité, toujours impulsées et coordonnées par les institutions européennes, elles continuent à prévaloir dans tous les pays. Avec toujours, comme exemple emblématique, la situation dramatique imposée au peuple grec.

L’exemple grec

La Grèce, nous disent les dirigeants de l’UE, aurait désormais « retrouvé la croissance » et une « dynamique de créations d’emploi » grâce aux « réformes » auxquelles elle « s’est astreinte »… Mais si l’on observe un petit rebond (fragile d’un trimestre à l’autre) de l’activité provoquant peut-être quelques embauches sur des postes précaires et mal payés, c’est d’abord parce que le PIB du pays s’est effondré de près de 25 % depuis le début de la crise, en 2009. Et ensuite, sur la base de destructions massives d’emplois, de réductions drastiques des salaires et des retraites (baisse de 26 % du revenu annuel médian, et de 27 % pour la consommation alimentaire), d’un appauvrissement général de la population (diminution de 40 % des actifs des ménages), d’une liquidation générale des services sociaux, d’un bradage à de grands groupes étrangers des entreprises anciennement publiques et même du patrimoine culturel du pays.

Outre cette catastrophe sociale, les plans d’austérité successifs (« mémorandums ») imposés par l’Union européenne ont aussi eu pour conséquence de sérieusement aggraver les déficits structurels sur lesquels ils étaient pourtant censés avoir un effet positif. C’est le cas, en premier lieu, de la dette publique qui est passé de 126 % du PIB en 2009, et 146 % lors de l’engagement du premier plan d’« aide » en 2010, à 179 % en 2016 (par comparaison, le chiffre français, jugé élevé, est de 96 %).

Lors de l’eurogroupe (réunion des ministres des finances des Etats membres et des responsables économiques et financiers de l’UE) de juin 2017, en récompense de ses « efforts », avec en particulier la réalisation d’un excédent budgétaire de 3,9 % pour l’année 2016 (par comparaison, la France a fait la même année un déficit de 3,4 %), la Grèce s’est vue accorder le versement (déjà prévu à la suite du mémorandum signé en 2015 par Tsipras) d’une nouvelle tranche de prêt de 8,5 milliards… qui va lui permettre de rembourser cet été plus de 7 milliards de prêts… dus principalement aux banques et institutions de l’Union européenne.

Mais sa demande d’une restructuration de la dette – la grande promesse de Tsipras, censée justifier tous les sacrifices de son peuple – a été une nouvelle fois ignorée. Le gouvernement allemand et les institutions de l’UE, qui veulent au sens propre « faire un exemple », refusent notamment toute réduction du capital de la dette grecque. La seule solution envisageable – suggérée par Bruno Le Maire – serait de moduler le montant des remboursements annuels en fonction de la croissance, mais à condition que l’Etat grec continue de dégager des excédents budgétaires considérables (3,5 % jusqu’en 2022, 2 % au-delà), et cela jusqu’en… 2060 voire encore davantage, autrement dit qu’il impose à son peuple une austérité perpétuelle. L’eurogroupe s’est accordé pour étudier cette proposition… d’ici un an, à la condition que la Grèce ait alors accompli une autre bonne année super-austéritaire.

Un contre-exemple portugais ?

Il y aurait pourtant un contre-exemple, montrant que tout en restant dans l’Union européenne, et même en se conformant « avec intelligence » à ses conditions, il serait possible de rompre avec les politiques d’austérité. Il faudra revenir plus en détail sur la geringonça (un mot portugais difficilement traduisible, qui désigne le montage a priori improbable de la majorité parlementaire formée, depuis fin 2015, entre le PS, le PCP et le Bloc de gauche), parfois présentée comme la « quatrième voie » incarnant l’avenir d’une social-démocratie rénovée, mais quelques mots doivent en être dits ici à propos de son rapport à l’Union européenne et ses politiques.

Après  une crise très sérieuse qui l’avait contraint à passer sous les fourches caudines des programmes d’« aide » de l’UE, le Portugal a renoué avec une croissance soutenue, + 2,8 % à la mi-2017 sur les douze derniers mois. Dans le même temps, il a réduit son déficit budgétaire à 2 % du PIB (contre 4 % sous le gouvernement de droite précédent), se conformant ainsi à une exigence essentielle de l’UE et de la zone euro – raison pour laquelle la commission européenne a levé la procédure de surveillance qu’elle avait mise en place envers ce pays.

La raison de ce succès, nous disent des secteurs à gauche (comme Benoit Hamon, qui s’était ainsi rendu au Portugal pour son premier – et seul – déplacement international de candidat à la présidentielle1), est que le gouvernement portugais, en augmentant le salaire minimum (+ 15 % entre 2014 et 2017, en partant du niveau certes très bas de 485 euros) et les retraites, a su relancer la confiance et la consommation, ce qui s’est traduit par un regain de l’activité, une baisse du chômage (tombé à 10 %), une amélioration des recettes fiscales et en général l’enclenchement d’un « cycle vertueux » de type keynésien ou néokeynésien.

Peut-être est-ce vrai en partie – même si une série d’autres facteurs ont joué (le fait que l’on partait de très bas, la purge austéritaire des gouvernements précédents qui avait redressé les taux de profit, le fait que le Portugal maintienne un très haut taux d’émigration). Mais il faut aussi entendre les critiques qui s’expriment à gauche, comme celle de l’économiste de la CGTP (principale centrale syndicale du pays), Eugénio Rosa, qui affirme :

« La réduction du déficit a été obtenue au détriment de la sécurité sociale, de la fonction publique, de l’investissement public et des dépenses du Service national de santé. » Par « le maintien du blocage des rémunérations et des carrières des travailleurs de la fonction publique », ainsi que « des coupes significatives dans l’investissement public. » « Le fort excédent de la sécurité sociale a été atteint grâce à une réduction du nombre des bénéficiaires de prestations sociales – aujourd’hui, seuls 28 % des chômeurs reçoivent des indemnités de chômage. »2 Selon cette interprétation, tout ne serait donc pas si rose.

Le « deal » Merkel-Macron et ses conséquences

Dans tous les cas, l’austérité est là en Europe pour rester, mais cela ne signifie pas que les principaux dirigeants européens, au-delà de leurs intérêts nationaux immédiats, ne manifestent pas des inquiétudes quant à l’avenir de l’Union. Pour empêcher ou contrecarrer de nouvelles crises, différentes hypothèses sont à l’étude en vue d’avancer enfin vers une meilleure coordination des politiques économiques. Notamment, celle d’un « gouvernement économique de la zone euro », voire d’un « parlement de la zone euro » (doublant un parlement européen qui deviendrait alors encore plus décoratif), disposant et discutant d’un budget pour des investissements communs et des actions de solidarité entre les régions de l’UE. C’est le projet qui est porté, notamment, par Emmanuel Macron et par le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, le « socialiste » français Pierre Moscovici.

A Bruxelles, Angela Merkel a indiqué à Macron qu’elle pourrait accepter de faire des pas dans ce sens, mais à une condition : que les autres Etats européens, en particulier la France, se conforment enfin aux critères de Maastricht et, plus généralement, réalisent les réformes que l’Allemagne a menées à bien de longue date – à travers les lois Hartz, décidées sous la présidence du social-démocrate Schröder.

C’est une des clés de la politique économique de Macron et ce qui explique sa frénésie de coupes budgétaires afin de parvenir, dès 2017, à passer sous la barre des 3 % de déficit budgétaire. Ces « efforts » seront évidemment pour notre bien à toutes et tous, puisqu’au bout du bout cela générera une période de nouvelle croissance… Comme avec la loi Travail XXL qui, en rassurant et sécurisant nos patrons, permettra de réduire le chômage… On connaît la chanson.

Jean-Philippe Divès 

1. Lire aussi cet article enthousiaste de Rachel Knaebel sur le site de Bastamag : https ://www.bastamag.net/Comment-l-union-des-soc… (le mot qui manque à la fin est austérité). Et, sur l’accord de coalition, la formation du nouveau gouvernement et ses tout premiers pas, l’article « Au Portugal, un gouvernement anti-austérité ? » dans notre revue n° 73 de février 2016.

source https://npa2009.org/idees/international/union-europeenne-une-reforme-est-elle-possible

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