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Sommet du Plan B à Lisbonne.Appel pour une Europe de la coopération démocratique et de la solidarité
Publié le par VG sur Unité populaire
POUR UNE EUROPE DE LA COOPÉRATION DÉMOCRATIQUE ET DE LA SOLIDARITÉ
Après Paris, Madrid, Copenhague et Rome, le 5ème sommet du Plan B se tiendra les 21 et 22 octobre 2017 à Lisbonne, revendiquant la démocratie pour les peuples d’Europe et affirmant la coopération démocratique et la solidarité comme alternative au déficit démocratique et social imposé par le traité de Lisbonne il y a dix ans.
Le traité de Lisbonne, avec l’Acte unique européen, le Marché commun et les directives principales les mettant en place (directive Bolkestein et travailleurs détachés) est une pierre angulaire de la contradiction entre l’intégration européenne néolibérale et les démocraties européennes garantissant aux peuples la pleine jouissance des droits civiques, politiques et sociaux. Le traité de Lisbonne a imposé le même projet de concentration du pouvoir et d’affaiblissement des démocraties rejeté par le « non » français et néerlandais aux référendums de 2005.
En 2015, un autre référendum a été brutalement méprisé, en violation directe du mandat populaire et de la souveraineté populaire : le glorieux « non » grec du 5 juillet aux mesures austéritaires extrêmes et antidémocratiques imposées par les institutions européennes et le FMI. Le coup d’État contre le « non » du peuple grec a été fait par la Commission Européenne et la BCE, via le refus de liquidité et l’étranglement financier utilisés comme moyen d’extorsion. Depuis juillet 2015, l’Union européenne, le FMI et le gouvernement grec ont imposé au peuple grec les mêmes mesures que celles rejetées par référendum et ont continué à soumettre le pays et le peuple à une dette qui a été jugée illégale, illégitime, odieuse et insoutenable par la Commission de la vérité sur la dette du Parlement. Le coup d’État contre le peuple grec est un coup d’État contre la démocratie en Europe, face auquel nous somme obliger de réagir, résister et répondre avec un plan politique solide. Et en effet, ce fut après ce coup d’État que l’initiative du Plan B a été lancée pour protéger les peuples européens, restaurer la démocratie en Europe et assurer la prospérité et l’égalité pour les sociétés européennes.
Les règles du Pacte de Stabilité et de Croissance et maintenant du TSCG font partie des principales raisons de l’inégalité et de l’échec économique, parce qu’elles refusent aux démocraties la capacité financière de mettre en œuvre des politiques sociales majeures. À l’intérieur et à l’extérieur de la zone euro, l’austérité et le mercantilisme basés sur la dévaluation des coûts du travail approfondissent les fractures sociales et les inégalités en Europe. Alimenté par cette destruction sociale, un autre ennemi de la démocratie se développe : les forces ultranationalistes et xénophobes.
Compte tenu de cette désintégration sociale et politique, les anciens partis sociaux-démocrates et conservateurs insistent sur la formule d’une intégration plus antidémocratique, d’un contrôle austéritaire sur les budgets nationaux et d’attaques des politiques sociales et politique du travail, créant des conditions non viables pour les générations actuelles et futures, et privant la jeunesse de l’espoir de vivre dans la dignité, la prospérité et la liberté.
Le CETA et les autres accords de libre-échange similaires, soutenus par les partis conservateurs et sociaux-démocrates, sont le cheval de Troie qui subordonne les démocraties au pouvoir des entreprises et des fonds d’investissements.
L’échec des traités et institutions de l’UE et n’est pas l’échec de l’Europe et de ses peuples. Les démocraties européennes ont besoin d’une alliance internationale des forces progressistes, démocratiques et populaires, des syndicats et des mouvements sociaux qui luttent pour une rupture avec les traités de l’Union européenne et qui construisent une nouvelle coopération qui sert les intérêts de nos peuples et protège la démocratie et les droits civiques, politiques, sociaux, économiques et environnementaux. Une coopération qui favorise la paix internationale à travers le rejet du militarisme et de l’industrie de l’armement, la solidarité avec les migrants et les réfugiés, et la lutte pour un développement international de normes démocratiques, sociales et environnementales élevées.
Le sommet du Plan B à Lisbonne sera l’occasion d’approfondir davantage les voies alternatives développées lors du sommet de Rome. Le point de départ de notre analyse est que les traités actuels de l’UE sont une camisole de force pour nos démocraties, nos sociétés et nos économies. Nous voulons initier des mouvements civiques de désobéissance et obtenir des majorités dans chacun de nos pays pour exiger la négociation d’un nouveau cadre européen qui permette : des politiques de développement social qui rompent avec le pouvoir de la Banque centrale européenne (BCE), des prêts directs aux États, une redistribution des investissements publics et une restructuration et mutualisation des dettes publiques qui éliminent les dettes illégitimes, illégales, odieuses et insoutenables.
Si ce plan A échoue, à cause de l’hostilité prévisible des institutions de l’UE, le résultat ne sera pas la capitulation à Bruxelles. Dans ce cas, le ou les pays devraient ouvrir la voie à un plan B qui rende possible d’autres formes de coopération européenne, restaurant la souveraineté et mettant en place de nouveaux mécanismes pour les choix monétaires et économiques des peuples.
Les grandes mobilisations anti-austérité et les diverses luttes sociales qui mobilisent les peuples dans toute l’Europe et au-delà sont une force-clef dans notre cause commune pour la démocratie et la justice sociale et environnementale. La désobéissance civile aux exigences de l’austérité permanente s’inscrit dans le chemin vers une mobilisation sociale et une résistance démocratique importantes.
Les partis politiques progressistes, les syndicats, les féministes, les écologistes, les défenseurs des droits humains, les autres mouvements sociaux et militants qui se sont rassemblées dans les forums du Plan B sont unis : entre sauver l’Union européenne et l’Euro et sauver nos peuples des griffes de l’austérité, nous choisirons toujours les droits sociaux et démocratiques de nos peuples.
C’est un cheval de Troie juridique. Le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM ) fournit une arme pour tenir tête aux créanciers : le concept de « dette odieuse ». Qui pourrait servir à la Grèce à genoux. Le Belge Éric Toussaint, historien et docteur en sciences politiques, et Zoé Konstantopoulou, juriste et ancienne présidente du Parlement grec, en décortiquaient l’historique et les enjeux durant la dernière Université d’été du CADTM, à Namur, en juillet dernier. axelle (http://www.axellemag.be/) y était.
La plupart des États s’endettent pour financer leurs dépenses : ils émettent des « bons du trésor » ou des « obligations souveraines » pour équilibrer leur budget – les États-Unis, la Belgique le font. La Grèce le faisait. Ces bons sont achetés par des organismes sur des marchés financiers : ces acheteurs touchent alors les intérêts de ces emprunts.
Retour sur la dette grecque
Fin 2009, le gouvernement grec fraîchement élu annonce que le déficit du pays est en fait deux fois plus élevé que ce qui avait été présenté auparavant. L’origine de ce déficit est par ailleurs au cœur d’un débat politique. À la suite de cette annonce fracassante, c’est l’engrenage infernal. Les agences qui notent la « fiabilité financière » d’un pays dévalorisent la Grèce. Tout le monde essaie de revendre ses bons du trésor grecs dont le prix a dégringolé ; plus personne ne veut prêter d’argent au pays, ou alors à des taux totalement démesurés. Bref, la Grèce n’arrive pas à boucler son budget et, en avril 2010, demande une aide internationale.
Une dette pourrait être répudiée si elle va à l’encontre de l’intérêt général et si ses créanciers sont conscients de son impact néfaste au moment du prêt.
Se sentant encore fragiles après la crise de 2008, les États de la zone euro et le FMI (Fonds Monétaire International) craignent de nouvelles faillites bancaires ; des pays comme l’Italie, le Portugal ou l’Espagne sont également touchés par une hausse des taux d’intérêt que leur imposent les marchés financiers, échaudés par l’exemple grec. Les États de la zone euro et le FMI se mettent à racheter les titres grecs afin d’arrêter l’effondrement de leur prix, faisant ainsi passer la dette grecque dans les mains publiques (alors qu’auparavant, elle était détenue sur des marchés financiers privés). La « Troïka » (FMI + Commission européenne + Banque centrale européenne) impose alors à la Grèce de prendre toujours plus de mesures d’austérité afin de rembourser sa dette ; mais depuis sept ans, la dette a explosé, forçant la Grèce à rembourser toujours plus et plongeant les citoyen-nes dans une terrible crise économique et sociale (voir les portraits dans ce dossier). À l’image de pays qui ont refusé de payer leur dette financière envers leurs ex-colonisateurs, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer une « dette odieuse », et la remettre en question.
« Répudier » la dette, un concept politique
Au 19e siècle, le nouvel État mexicain « répudie » sa dette envers le Portugal, parce qu’il estime que cette dette ne respecte ni le bien commun ni l’intérêt du peuple. Cuba, avec le soutien financier et militaire des États-Unis, fera de même vis-à-vis de l’Espagne. Avec l’argument supplémentaire selon lequel la dette était d’autant plus injuste que les banquiers prêteurs savaient bien que le remboursement était impossible.
En 1917 en Russie, le règne des tsars se termine dans le sang. Le gouvernement provisoire répudie les dettes du tsar Nicolas II. Alexander Nahum Sack, ancien ministre tsariste, théorise en 1927 cette répudiation. Il la soumet à deux premières conditions principales : une dette pourrait être répudiée si elle va à l’encontre de l’intérêt général et si ses créanciers sont conscients de son impact néfaste au moment du prêt. C’est la naissance du concept de « dette odieuse » : la « doctrine » de Sack sort ainsi la dette du domaine purement économique. Une troisième condition est encore théorisée au niveau du droit international : le caractère despotique du régime en place.
Et quand on veut, on peut : en 2004, par exemple, suite à la défaite de Saddam Hussein, la dette de l’Irak se voit réduite de 80 %. Mais, aux yeux des États-Unis, qui ont mené les négociations financières, il s’agissait d’un pays hautement stratégique… Contrairement aux pays pauvres très endettés (dits « PPTE »), dont le remboursement de la dette contribue à plomber le développement et qui bénéficient d’allègements de dette bien moindres.
La Grèce sous tutelle ?
En 2010, afin de rembourser la dette publique, le gouvernement grec signe donc un accord avec la Troïka qui l’oblige à instaurer de sévères politiques d’austérité. Selon le CADTM et de nombreux-ses économistes |1|, ces mesures n’ont pas aidé au redressement de l’économie. « Le programme d’ajustement auquel la Grèce a été soumise était, et reste dans son intégralité, un programme politiquement orienté », dénonce en juin 2015 la Commission pour la vérité sur la dette grecque, créée par le Parlement grec et sa présidente d’alors, Zoé Konstantopoulou, et coordonnée par Éric Toussaint. Au contraire, les mesures qui se sont succédé depuis 2010 ont porté atteinte aux droits fondamentaux des citoyen-nes, détruisant les droits sociaux et vendant les biens publics à des sociétés privées (acier, eau, électricité, aéroports, infrastructures…). Du vol pur et simple, dénonce Zoé Konstantopoulou.
Les mesures qui se sont succédées depuis 2010 ont porté atteinte aux droits fondamentaux des citoyen-nes, détruisant les droits sociaux et vendant les biens publics à des sociétés privées.
Des millions de chômeurs/euses, 300.000 entreprises fermées, 300.000 scientifiques envolé-es vers l’étranger, un taux de suicide élevé, des milliers de foyers sans électricité, la pauvreté généralisée allant jusqu’à la famine… « L’austérité tue », assène encore Zoé Konstantopoulou.
Peut-on parler d’une stratégie d’oppression systématiquement appliquée ? Zoé Konstantopoulou en est persuadée, en particulier depuis que la Commission pour la vérité sur la dette grecque a révélé des documents confidentiels du FMI, prouvant que l’instance connaissait l’impact que les mesures d’austérité allaient provoquer. Et depuis juillet 2015, le doute n’est plus possible ; la volonté populaire, exprimée lors du référendum – une majorité pour le « non » aux « mémorandums », c’est-à-dire aux plans d’austérité successifs –, n’a pas été respectée.
Les Nations Unies mobilisées
Le CADTM demande, avec d’autres instances et associations, la création d’un Tribunal international de la dette, à même de juger ce type de conflits, et où la doctrine de la dette odieuse pourrait s’appliquer. Ce combat avance. En septembre 2015, à l’Assemblée générale des Nations Unies, une majorité de pays a voté une résolution visant à établir neuf principes applicables aux questions de dette souveraine. Vous savez quoi ? La Grèce s’est abstenue, suivant le mot d’ordre des pays de l’Union européenne… Sauf l’Allemagne et le Royaume-Uni qui ont fait cavaliers seuls (avec les États-Unis, Israël, le Canada et le Japon) en votant contre, sous prétexte que les Nations Unies n’étaient pas le bon endroit pour discuter de dettes : ces pays aimeraient le faire hors instance régulatrice démocratique !
Les Nations Unies, avec le principe d’une voix par pays (ce qui donne du poids aux plus petites puissances), instaurent un rapport de force un peu plus équilibré. Et même si les neuf recommandations ne vont pas encore assez loin pour le CADTM (qui propose que les pays débiteurs puissent prendre certaines mesures d’autodéfense minimums face à des créanciers abusifs), leur adoption prouve, dans cette lutte aux intérêts politiques et économiques immenses, que la démocratie existe encore et qu’il faut continuer à l’activer.
Cet article est extrait du magazine Axelle n°202 qui consacre un dossier spécial « La Grèce sous l’austérité ».
Notes
|1| Relire notamment cette tribune de 300 économistes de tous les continents appelant les gouvernements grec et européens à « engager des négociations de bonne foi avec le nouveau gouvernement grec pour résoudre la question de la dette », dans « Nous sommes avec la Grèce et l’Europe », www.blogs.mediapart.fr, 5 février 2015.
10 octobre par Katja Lihtenvalner , Kostis Ntantami
En Grèce, la vie se conjugue au présent, pas au futur. À Athènes, axelle (www.axellemag.be) a rencontré trois femmes qui nous ont confié leur quotidien. Leurs témoignages permettent d’incarner concrètement les conséquences des mesures d’austérité, prises sous la pression des institutions internationales européennes et financières.
La crise touche sévèrement la Grèce depuis 2010. Le taux de chômage est de 22 % : 26 % chez les femmes et 18 % chez les hommes. Ces chiffres ont certes diminué récemment, mais la réalité sociale demeure inchangée. Les femmes que nous avons rencontrées avaient des rêves ; elles les ont enterrés le long du chemin, à force de perdre leurs illusions, de serrer les dents pour se débrouiller jour après jour. Elles ne pensent plus à demain.
Piereta
Piereta Petani (Crédits photo Kostis Ntantamis)
Piereta Petani a 21 ans. « Cela fait deux mois que je cherche un travail. Je vais attendre que la saison d’été se termine, et je serai ensuite peut-être plus chanceuse », nous explique-t-elle lorsque nous la rencontrons dans le quartier touristique de Plaka, au cœur d’Athènes.
Après ses études secondaires, Piereta a travaillé dans un café. « J’ai toujours rêvé de devenir photographe. Pour me former, il fallait que je m’inscrive dans une école privée, car les institutions publiques n’ont aucun équipement : j’aurais eu l’impression de perdre mon temps. » Les parents de Piereta ne pouvant pas l’aider, elle a dû travailler pour financer ses études.
En Grèce, le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans est le plus élevé de l’Union européenne : 44,4 %. « Je n’avais pas d’expérience : être serveuse était l’un des seuls jobs auxquels je pouvais prétendre », se souvient Piereta. Elle a travaillé deux ans dans un café de Cholargos, une banlieue d’Athènes. « Quand j’ai commencé les études, je travaillais d’arrache-pied pour gérer les deux. Dès le matin, pendant huit heures, je servais au café, et puis j’allais à l’école de 17h à 20h. Heureusement, j’ai réussi mes examens », dit-elle fièrement.
On recherche une femme attirante
« Les cafés, les bars et les restaurants sont les seuls endroits où vous pouvez trouver du boulot actuellement. Mais les annonces sont humiliantes », explique Piereta. Parfois, les employeurs/euses indiquent rechercher une employée « jeune et attirante ». « Si une femme n’est ni jeune ni attirante aux yeux de l’employeur, elle aura beaucoup de difficultés à trouver du travail dans ce domaine », déplore-t-elle.
Si une femme n’est ni jeune ni attirante aux yeux de l’employeur, elle aura beaucoup de difficultés à trouver du travail comme serveuse.
Cela fait maintenant trois ans que Piereta travaille comme serveuse : « Il y a un modèle standard que les patron•nes suivent, ici. On nous promet 300 euros par mois pour cinq jours de travail par semaine. Et puis ces cinq jours se transforment rapidement en six. Et puis on commence à parler des difficultés financières de l’établissement et on réduit petit à petit ton salaire. Un jour, tu atteins tes limites et tu t’en vas. Ils trouvent une autre fille. C’est un cercle sans fin. »
Dans tous les bars où Piereta a travaillé, elle était officiellement employée à mi-temps. Ainsi, les employeurs/euses échappaient à l’inspection du travail, dotée de peu de moyens. Et, au fait, pour quel salaire ? « Trois euros de l’heure. C’est standard. On gagne environ 25 euros par jour. Ce n’est pas un salaire : personne ne peut vivre comme un•e adulte indépendant•e avec cette somme. »
Piereta a terminé son école de photographie et, pour l’instant, est sans emploi. « J’ai travaillé régulièrement depuis trois ans, mais officiellement je n’ai travaillé que quelques mois, puisque mes patrons m’ont forcée à signer un engagement soi-disant à mi-temps. En conséquence, je n’ai pas droit aux allocations de chômage », explique-t-elle.
Après 20 ans, toujours étrangère
Une autre difficulté pour Piereta est sa nationalité : ses parents albanais-es se sont installé-es en Grèce au début des années 90. « J’avais deux ans. Vingt ans plus tard, je n’ai toujours pas de papiers grecs », explique-t-elle, décrivant la manière dont la bureaucratie la force à payer sans cesse des frais de traduction et de documentation. Sa nationalité est une source de discrimination dans sa recherche d’emploi : « L’employeur/euse me demande d’où je viens, mais, après ma réponse, il/elle n’est plus intéressé-e. »
Piereta reste persuadée qu’elle réalisera son rêve : « C’est vrai que la vie pour nous est catastrophique en ce moment, mais je crois toujours que je serai photographe », fait-elle, déterminée. Elle collabore à différents médias sociaux, et essaie de promouvoir son travail personnel en ligne.
Irini Papachrisostomido, 38 ans, vient de Naoussa, au nord du pays. « Dans une communauté aussi petite [la population est d’environ 19.000 habitant-es, ndlr], les femmes peuvent uniquement travailler en tant que serveuses », explique-t-elle en nous racontant son histoire dans le petit appartement qu’elle loue à Exarchia, au centre d’Athènes. « À la campagne, si une femme est célibataire, elle vivra très certainement chez ses parents. Si elle a une relation, elle se mariera et vivra une vie de famille. » Mais Irini attendait autre chose de la vie. Après des années de travail comme serveuse dans sa ville natale, elle décide donc en 2015 de déménager à Athènes. « Je ne me faisais pas d’illusions. Je sais très bien qui je suis. Une femme d’une trentaine d’années, sans diplôme universitaire, n’a pas beaucoup d’opportunités », dit-elle.
Déçue par Syriza
Irini raconte que son déménagement a été favorisé par la crise des réfugié-es et la déception vis-à-vis de Syriza, le parti de gauche au pouvoir depuis janvier 2015. « J’ai vu la situation des réfugié-es à la télévision et j’ai décidé de rejoindre des initiatives de solidarité. Je ne pouvais pas regarder tout cela de loin. » Elle pense que le gouvernement n’a offert aucune solution concrète. Et cette déception rejoint celle qu’elle ressent à l’égard de Syriza, qu’elle soutenait depuis des années. « Je ris, maintenant, quand je repense à la façon dont je croyais au système social que Syriza défendait, se souvient-elle. Comment peut-on rêver autant ? Et à quel point peut-on tomber de haut face à la réalité ? »
Quand j’ai vu qu’il n’y avait plus aucune raison de continuer à croire au rêve que vendait Syriza, j’ai pris mes affaires et je suis partie.
Irini admet que, jusqu’à maintenant, elle n’a toujours pas « fait le deuil » de Syriza. « C’est l’une des raisons qui m’empêche d’être active en ce moment, et je peux très bien comprendre la passivité et l’apathie de beaucoup de gens. Quand j’ai vu qu’il n’y avait plus aucune raison de continuer à croire au rêve que vendait Syriza, j’ai pris mes affaires et je suis partie. »
Pas de vacances
Irini vit désormais dans un petit studio qu’elle partage avec une colocataire et travaille dans un magasin d’art. « Au début, on m’a promis de me faire travailler huit heures par jour et cinq jours par semaine. Les cinq jours sont devenus six et, jusqu’à présent, mon contrat est à mi-temps. Mon salaire me permet de payer mon loyer, mais rien d’autre », raconte-t-elle. Alors que certain-es de ses ami-es lui envoient des messages depuis leurs vacances, Irini, elle, est restée à Athènes cet été. « Je n’ai pas les moyens de partir en vacances. Je travaille quasiment tous les jours. »
« J’aimerais être mère, confie enfin Irini. Mais dans ces conditions, je n’ose pas imaginer à quoi va ressembler mon avenir. Chaque mois, c’est la lutte. Pas pour vivre, mais pour survivre. »
Katerina
Katerina Karneri (Crédits photo Kostis Ntantamis)
Katerina Karneri a 62 ans ; elle est née et a grandi à Athènes. « J’ai enseigné le théâtre toute ma vie », nous explique-t-elle au début de notre entretien, dans son appartement de Kipseli, un quartier central de la capitale. Katerina travaille encore : elle enseigne le théâtre dans une école privée deux fois par semaine, et elle essaie de vendre des bijoux qu’elle fabrique elle-même. « Auparavant, j’avais une vie de qualité. Je travaillais dans trois écoles publiques différentes, pour un salaire décent », sourit-elle en repensant à ce temps passé.
Katerina, son mari Stefanos et leur fils Aris vivaient dans un petit rez-de-chaussée, mais étant donné qu’à la fin des années 2000, leur situation était stable, la famille a décidé d’acheter un appartement. « Je n’oublierai jamais 2010, l’année où ma vie a changé, confie Katerina. Nous avons pris un crédit pour notre appartement et, dans les jours qui ont suivi, mon mari est tombé gravement malade. Quelques mois plus tard, j’ai perdu mon travail dans chacune des trois écoles où j’enseignais. Ma vie s’est effondrée. »
L’austérité détruit tout
En 2010, après avoir demandé l’aide internationale (voir les articles suivants), la Grèce s’est vu imposer de prendre toujours plus de mesures d’austérité afin de rembourser sa dette. Ces mesures – qui se sont encore aggravées depuis – ont particulièrement impacté les citoyen-nes, comme Katerina.
« Les écoles voulaient employer des enseignant-es au rabais et se passer des ateliers théâtre. Je me suis tout à coup retrouvée sans emploi, avec mon mari malade et un emprunt à rembourser. » Katerina pense que sa vie s’est effondrée à cause des mesures d’austérité, qui l’ont laissée totalement sans soutien de la société. « J’étais déprimée, je voulais mourir. Heureusement, mon fils avait un emploi et a pu nous aider », se souvient-elle.
Mais vivre avec l’argent de son fils mettait Katerina mal à l’aise. Dès que son mari s’est rétabli, elle a cherché des solutions. « Sur internet, j’ai découvert la technique du macramé. Je m’y suis mise en me disant que je pouvais le faire toute seule. » Ce travail créatif lui a aussi permis de se remettre moralement sur pied. En vendant ses productions sur des marchés, elle a fait de nouvelles connaissances. « J’ai rencontré une personne qui est maintenant mon patron à l’école de théâtre où je travaille. Je suis payée 300 euros, au moins j’ai un petit salaire », explique Katerina. Elle exerce huit mois par an, mais quand l’école est fermée, elle ne touche rien.
Ne pas penser à la pension
Katerina est une ancienne marathonienne ; elle aime nager. « Je n’ai pas d’argent pour partir en vacances, alors cinq fois par semaine, en transports en commun, je vais à la plage aux alentours d’Athènes », dit-elle. Elle avait toujours pensé qu’à son âge, elle serait plutôt en train de faire du tourisme dans les îles grecques. Cet été, Katerina s’est aussi occupée en créant de nouveaux bijoux, notamment à partir de capsules Nespresso usagées. Le soir, elle s’installe dans une petite rue touristique proche de l’Acropole et elle vend ses réalisations. Même si elle ne gagne pas beaucoup d’argent, elle dit que cela la tient en vie.
J’essaie de ne pas penser à ma pension. Je dois au moins travailler jusqu’à mes 65 ans. Mais avec mon revenu actuel, ma retraite sera limitée.
« J’essaie de ne pas penser à ma pension. Je dois au moins travailler jusqu’à mes 65 ans. Mais avec mon revenu actuel, ma retraite sera limitée », précise-t-elle. La plupart des amies de Katerina, du même âge qu’elle, ont décidé de prendre leur retraite de manière anticipée par crainte d’être coincées par la crise économique. « Elles vivent maintenant avec 300 ou 400 euros de retraite, en devant aussi soutenir des enfants ou des petits-enfants sans emploi. C’est la réalité de l’austérité en Grèce », conclut Katerina en préparant son petit sac de bijoux pour les vendre, ce soir, dans les rues d’Athènes.
Cet article est extrait du dossier « La Grèce sous l’austérité », magazine axelle, n° 202, octobre 2017.
Grèce : Troisième mémorandum – Le renversement d’un renversement par Marie-Laure Coulmin Koutsaftis 4/10/17
Députée depuis mai 2012, réélue en juin 2012 et en janvier 2015, Nadia Valavani était vice-ministre du budget lors du premier gouvernement Syriza-Anel. Elle a démissionné de son poste de ministre le 13 juillet 2015, au lendemain de la signature par le Premier Ministre Tsipras de l’accord menant à un troisième mémorandum, ces listes de mesures d’austérité qui conditionnent les emprunts ou plans de « sauvetage »gérés par la Commission européenne, la Banque centrale européenne, le Mécanisme européen de stabilité et, jusqu’en 2015, le Fonds monétaire international. Après qu’elle ait été calomniée suite à sa démission, comme tous les anciens députés et ministres qui ont quitté Syriza à ce moment-là, N. Valavani a choisi d’écrire un livre pour rétablir sa version des faits. Son titre donne le ton : Troisième mémorandum : Le renversement d’un renversement. Preuves personnelles d’un démenti collectif. Elle y détaille la loi qu’elle a fait adopter en mars 2015, aménageant les principales mesures contre la pauvreté prises pendant les six premiers mois du gouvernement de Syriza, et elle commente les grandes mesures du 3e Mémorandum.
Les « 100 versements », mesure vitale pour la population grecque
En effet, N. Valavani a mis en place un dispositif dit des 100 versements, dont l’objectif était de régler, en partie, les dettes des particuliers et des entreprises vis-à-vis du secteur public. Et cela en permettant, d’étaler le paiement des dettes en 100 versements de 20 € minimum combiné à un effacement des pénalités pour ceux qui y souscrivaient. Il s’agissait de régler ainsi des situations fiscales que la baisse des revenus, le chômage et les hausses d’impôts avaient rendu désespérées |1|. Les enjeux étaient énormes, puisque de nombreuses démarches administratives rendent obligatoire en Grèce le « certificat fiscal » un certificat qui indique le statut fiscal quant au paiement des impôts : tous les achats et ventes mais aussi, avant 2015, l’accès aux bons de santé pour les démunis. La dette des particuliers et entreprises envers le Secrétariat général des recettes publiques représentait en février 2015 près de 74 milliards d’Euros, soit 40 % du PNB, dus par environ 3,9 millions de contribuables (dont 400 000 entreprises) |2|. En fait, un tiers de la population grecque était endetté auprès des impôts pour moins de 3 000€ majorations comprises. À l’autre bout, 60 milliards étaient dus par 6 500 contribuables, dont 4 000 entreprises (certaines fermées depuis longtemps) avec une dette supérieure à 1 million d’€, datant parfois des années 70 ou 80.
Malgré l’hostilité des Institutions, ce dispositif des 100 versements est resté en place 3 mois, de mi-avril à mi-juillet 2015, concernant plus d’un million de débiteurs à hauteur de 7,5 milliards de dettes. Entre le 28 juin et le 15 juillet 2015, malgré la fermeture des banques et le contrôle des capitaux, 600 millions d’euros de dettes ont encore pu être arrangés. Mais de nombreux contribuables n’ont pas pu en bénéficier dans ce court laps de temps. Le 3e mémorandum a interrompu les 100 versements et les conditions générales de maintien dans le dispositif ont été durcies au point qu’en juin 2016, 250 000 personnes en avaient été éjectées.
Le premier avantage de cette mesure était le soulagement social apporté. Le deuxième était l’apport régulier d’argent frais dans les caisses de l’État, à un moment où le gouvernement était confronté au blocage des liquidités par la Banque centrale européenne. « Tsipras s’en est vanté lors de sa campagne de septembre 2015, sans avouer qu’il avait lui-même signé leur annulation le 13 juillet 2015. »
Les mémorandums ont créé un énorme endettement fiscal
« Les créanciers considèrent que l’économie grecque doit être saignée à blanc et que les contribuables sont des machines à payer, tels les condamnés d’une colonie de la dette ». En fait une grosse part de la dette fiscale, 47 milliards sur 74 milliards, a été créée après 2010, début des mémorandums. Par exemple si en 2013 la dette fiscale s’élevait à 8 milliards, en 2014 elle pesait 14 milliards, soit une augmentation de 60 % de la dette fiscale annuelle.
Les créanciers considèrent que l’économie grecque doit être saignée à blanc et que les contribuables sont des machines à payer.
Or le FMI s’est farouchement opposé à cet aménagement en 100 versements, d’abord parce qu’il contredit le principe de « super-seniority » qui donne la priorité aux banques privées dans l’ordre des remboursements. Ensuite le FMI considérait que ces versements s’opposaient à la « pédagogie fiscale » censée réduire la fameuse « culture du non-paiement » attribuée aux Grecs. « En 2000, la dette des contribuables grecs envers les impôts était seulement de 3,5 %, c’était le bon moment pour faire de la pédagogie et encourager la culture du paiement de l’impôt. Mais avec 40 % du PNB fin 2014, il y avait d’autres urgences et priorités que la « pédagogie fiscale » prônée par le FMI » proteste Nadia Valavani. Alors que 20 milliards d’euros et 500 000 endettés fiscaux supplémentaires ont été créés pendant ces deux années par les nouvelles mesures d’austérité du troisième mémorandum, Tsipras et les chiffres officiels annoncent en janvier 2017 que les objectifs fiscaux ont été atteints pour 2015 et en 2016. Où mèneront les mesures annoncées de nouvelle hausse des taxes, qui menacent retraités et salariés ?
L’Agence Indépendante des Recettes Publiques
Parmi les nouvelles atteintes à la souveraineté grecque imposées par le 3e mémorandum, Nadia Valavani dénonce l’abandon de la fonction régalienne de recettes et d’attribution budgétaire. Obligation mémorandaire, une « Agence autonome des recettes publiques |3| » s’empare depuis le 1er janvier 2017 de la collecte des impôts et des recettes publiques. Désormais géré par cet organisme affilié directement aux créanciers étrangers, les institutions européennes, tout le mécanisme des recettes publiques sort ainsi de la juridiction du ministère des Finances et échappe à tout contrôle démocratique, constitutionnel ou administratif. Spécialement créé pour exercer un contrôle accru sur l’exécutif grec et visiblement testé en Grèce en vue d’imposer ce type d’Agence indépendante dans tous les pays de l’Union, ce néoplasme néolibéral confisque la fonction régalienne des recettes et du budget de l’État. Le ministère n’aura plus aucun pouvoir, ni même celui de peser sur l’interprétation de lois importées. Il ne sera renseigné que mensuellement sur une base statistique. En outre, 36 000 affaires fiscales qui allaient arriver à expiration, concernant l’argent noir des partis politiques, les bakchichs, les pots de vin de l’armement, d’énormes fraudes, etc. sont prescrites d’office à cause de la suppression des instances de poursuites fiscales. Ces dispositions ont été instituées par une loi votée en mai 2016 par l’ensemble mémorandaire de l’assemblée. Le portefeuille de secrétaire aux recettes devient inutile, puisque toutes les lois sont rédigées à l’étranger.
Le super-fonds de privatisation
Le 3e Mémorandum a aussi supprimé l’article 24 de la loi Valavani qui attribuait tous les bénéfices du Fonds de privatisation TAIPED aux caisses publiques d’assurance sociale. Le TAIPED est remplacé par un Super-fonds de privatisation sous contrôle des créanciers, qui brade irréversiblement toute la Grèce pour 99 ans. De plus ce super-fonds a été adopté par un article dont le contenu n’a été publié – en allemand et dans la presse – que plusieurs semaines après le vote et l’adoption de la loi. Le super-fonds inclut aussi le Fonds de stabilité financière hellénique, chargé de la recapitalisation des banques grecques. « Privé de toute velléité de souveraineté nationale, le gouvernement va vendre les îles rocheuses, comme prévu depuis 2013, et toutes les marinas, ce qui remet en question la sécurité même du pays. Nous n’avons pas réussi à protéger nos lignes côtières. »
Désormais en Grèce, le mécanisme des recettes publiques sort de la juridiction du ministère des Finances et échappe à tout contrôle démocratique, constitutionnel ou administratif.
La recapitalisation des banques
À cause des recapitalisations successives, en 2015 le Fonds de stabilité financière hellénique possédait l’essentiel des actions des banques grecques, réduites à quatre, mais en novembre 2015 elles ont été rachetées par des fonds étrangers pour 5 milliards d’euros à un prix ridicule : trois actions de la Piraeus Bank valaient alors moins d’un cent d’euro. Pourtant cette banque détient les hypothèques de 75 % des terres agricoles du pays.
La Task force et ses tentatives de vendre « des petits produits » à la ministre
Depuis 2012, tous les étages du ministère des Finances sont occupés par la task-force, constituée d’experts de l’Union européenne, nommés pour « aider l’administration grecque ». Les employés de la task-force insistaient pour rencontrer la ministre pendant sa fonction, en lui proposant l’achat de logiciels de gestion des impôts et taxes.
Un programme de ruine et de punition
Indépendamment de toute logique économique qui viserait à réellement rembourser des créanciers, le 3e mémorandum semble dicté par une volonté de dépecer la Grèce, au bénéfice des intérêts privés liés directement aux représentants des « Institutions » créancières. La formulation bienveillante des articles ajoute à la cruauté paradoxale des mesures. C’est particulièrement sensible avec le Super-fonds qui permet la liquidation à très bas prix de tous les actifs publics, dans des conditions qui vont encore appauvrir ce qui reste de l’État grec (entretien des installations à sa charge pendant 40 ans, exemptions de TVA et autres taxes pour les investisseurs, etc.). Le 1er janvier 2017, le Gouverneur de l’Agence autonome des recettes qui représente la Commission Européenne a pris ses fonctions et il a tout pouvoir, dont celui de saisir et liquider les biens hypothéqués, accélérant ainsi la précarité des ménages grecs.
« Les créanciers savent que la dette grecque est impossible à rembourser. Ils s’occupent d’abord de brader les propriétés publiques ; désormais, ils visent aussi la liquidation de la petite propriété privée en Grèce, avec la suppression de la protection des résidences principales depuis janvier 2017. Quand il ne restera qu’un pays à l’économie exsangue avec une dette ingérable, ils s’occuperont d’aménager la dette grecque. »
Troisième mémorandum – Le renversement d’un renversement
Nadia Valavani, Éditions Livani,
Athènes, 2016.
|1| Rappelons qu’en Grèce, 80 % de la population, retraités et employés du privé et du public se voient ponctionner leurs impôts à la source.
|2| Parmi eux, correspondant à 3 % de la dette fiscale totale, 3,7 millions de contribuables devaient moins de 5 .000€, majorations et pénalités comprises, dont 3,3 millions devaient moins de 3 000€ (dont 357.000 PME).
|3| Cette agence récupère la majorité des compétences du ministère du budget et de l’économie : politique fiscale, gestion des ressources, moyens fiscaux et instruments d’investigation, émission et application des mesures fiscales, douanières et budgétaires, mais aussi « l’élaboration et la mise en place des mesures de protection de la santé publique, de l’environnement, des intérêts des consommateurs, son soutien au bon fonctionnement du marché, à la compétitivité de l’industrie chimique (sic) et le soutien aux services juridiques, policiers et autres autorités, … l’élaboration et la gestion du budget de l’État… ». Cette agence disposera aussi, selon le nouveau Code pénal, des compétences pour mettre en vente les habitations principales des débiteurs en suspension de paiement. Outre les biens publics, ce sont désormais les biens privés grecs qui sont dans le collimateur des créanciers.
« GENERATION400 » Christos Xagoraris Par Lepetitjournal Athènes | Publié le 02/10/2017
Christos Xagoraris est membre du collectif « Generation400 ». Âgé de 25 ans, ce diplômé en droit vit chez ses parents. Contraint et forcé par son salaire de 400 euros. Comme beaucoup de jeunes grecs. Depuis la crise économique : il lutte contre les mesures d’austérité
Pourquoi avez-vous créé le groupe « Generation400 » ?
Depuis le début de la crise économique en Grèce, il y a eu une réduction significative des salaires et une forte hausse du chomage. Le premier signe de la force de cette crise intervient en 2008. De nombreuses discussions ont lieu autour de la génération qui aura un salaire de 700 euros par mois. Progressivement, après l’intervention de la Commission européenne et du Fond monétaire international sur la dette grecque, en 2010, et les mesures d’austérité, le revenu mensuel des jeunes travailleurs a atteint les 400 euros, une fois les taxes payées.
En conséquence, les conditions de travail et le niveau de vie des jeunes sont devenus des sujets brûlants. Tout le monde parle de cette fameuse génération 400 euros.
Nous avons débuté « Generation400 », sur internet et sur le terrain, à travers l’activisme et le tractage. Nous avons voulu mettre le sujet en avant, lui donner plus d’importance, Tout le monde peut comprendre que les mesures et la politique d’austérité en Grèce menacent les espoirs, les rêves, la motivation, la créativité. Le niveau de vie est très bas. Et ce, tout spécialement pour les jeunes grecs, pour cette fameuse génération qui vit avec seulement 400 euros par mois.
La situation en Grèce est donc très difficile pour la jeune génération. Qu’est-ce qui a vraiment changé depuis la crise économique ?
Comme expliqué avant, depuis la crise économique, les facteurs qui affectent les conditions de travail et le niveau de vie des jeunes, c’est la crise de l’emploi. Il y a 50% de chomage chez les jeunes à l’heure où nous parlons. La diminution du revenu mensuel, autour de 400 euros, à temps plein, et bien moins à temps partiel. Les emplois à temps partiels représentent 60% des emplois, alors qu’il est de 40% à temps plein. Ce sont les estimations depuis les recrutements de fin d’année 2016. Nous subissons aussi la déréglementation agressive du droit du travail. En particulier depuis l’accord signé en 2012. Le plus visible, c’est l’augmentation du taux de chomage chez les jeunes diplômés, les jeunes scientifiques. Ce facteur contribue à la « fuite des cerveaux« , c’est-à-dire à l’immigration massive de jeunes gens instruits dans d’autres pays du centre de l’Europe : Allemagne, France, Pays-Bas. On estime qu’environ 500 000 jeunes gens instruits, âgés de moins de 35 ans, ont migré vers d’autres pays, à la recherche d’emplois dans leur domaine d’études.
« Il y a 50% de chomâge chez les jeunes à l’heure où nous parlons »
Sur la page facebook Generation400, vous critiquez le Premier ministre Alexis Tsipras. Pour vous, qui sont les vrais coupables de cette situation ?
Pour nous, il est clair que le cas grec est un « crime organisé« , avec de nombreux auteurs. Chaque gouvernement grec, qui a signé des mesures d’austérité et des accords depuis 2010, y compris le gouvernement Syriza et Alexis Tsipras, est responsable de la situation actuelle. Avec eux, l’Union europénne et le Fond monétaire international sont également coupables. Ils ont promu des politiques d’austérité, demandant le paiement intégral de cette dette nationale. Cherchant à satisfaire d’énormes bénéfices pour les marchés financiers. Il a été prouvé que les pratiques de l’Union européenne, soit les inspirations du Fond monétaire international, entraînent l’étouffement de l’économie nationale, de la productivité, de la motivation, et de la créativité de notre population. Leur expérience a échoué encore et encore, mais cela ne semble pas les inquiéter, tant que l’austérité en Grèce continue.
Comment peut-on s’en sortir avec 400 euros par mois en Grèce ?
Personne ne peut vivre avec un tel revenu. Vous pouvez survivre avec un niveau de vie de base, un confort de base, satisfaisant tout au plus vos besoins vitaux. En un mot, vous ne pouvez pas vivre avec dignité. Permettez-moi de vous donner un exemple. En supposant que vous avez un revenu mensuel de 400 euros, que vous quittez le foyer familial et devez payer un loyer. Un loyer ne coûte pas moins de 200 euros. Si vous partagez ce loyer avec une autre personne, dans un appartement plus grand, vous ne payez pas moins de 125 euros. Vous payez 50 euros vos factures d’électricité, 10 euros pour vos factures d’eau, minimum 20 euros pour votre téléphone portable, 30 euros pour une carte mensuelle de transports publics.
En fin de compte, il vous reste de 90 euros à 165 euros pour satisfaire d’autres besoins. Chaque jour, vous pouvez dépenser de 3 euros à 5,50 euros. Ce montant équivaut à une tasse de café et un sandwich ou à moins d’un repas complet. Vous pouvez acheter des produits de base dans un supermarché, pour 50 euros.
Après avoir calculé, il est clair qu’il n’y a aucun moyen de satisfaire vos envies, en tant que jeune personne. Simplement vos besoins vitaux. Vous ne pouvez pas vous permettre de boire un verre, de faire un voyage, d’acheter un cadeau à un ami, d’aller au cinéma, de bien manger. Sinon, vous aurez des ennuis financiers pendant un ou plusieurs jours.
En tant que jeune grec, parlez-nous de votre situation personnelle.
Pour le moment, je suis diplômé de la faculté de droit d’Athènes. Je suis avocat stagiaire, dans un bureau d’avocats. Je vis avec moins de 400 euros par mois. Heureusement, ou pas, je vis toujours avec mes parents, à Athènes. Je n’ai donc pas à payer de loyer ou d’autres biens de base, bien sûr. Je suis capable de faire face à mes dépenses chaque mois. Généralement, avec une petite aide financière de mes parents. Bien qu’il soit clair pour moi que, sans cette aide de mes parents, je n’aurais pas le moindre espoir de payer un loyer, la nourriture, les factures, et d’autres dépenses.
« Vous ne pouvez pas vivre avec dignité »
Face à la crise économique, les Grecs font preuve d’une grande solidarité, à l’image de « Generation400 ». Pensez-vous que cette solidarité vous aide à supporter la situation ?
La solidarité entre amis et l’aide familiale sont définitivement un facteur crucial. Je l’ai souligné en ce qui concerne ma propre situation. Donc, c’est une des raisons de la survie de nombreux jeunes, comme moi. Après avoir fait les calculs, il n’y a aucune chance de vivre en Grèce aujourd’hui, avec 400 euros ou moins, sans l’aide financière de sa famille ou de ses amis.
Cependant, même cette aide est de plus en plus courte. Les politiques d’austérité persistantes ont peu à peu raccourci les revenus de la majorité des familles grecques, y compris les salaires des parents et les pensions des grands-parents. Une chose est certaine : il existe une « bombe temporelle sociale« , dans ce modèle d’organisation des conditions de travail et des salaires en Grèce.
Gardez-vous espoir pour l’avenir de la Grèce ?
Comme je l’ai dit, la solidarité entre les gens est une arme contre la pauvreté, la solitude et la dépression massive. D’autant que nous avons besoin de plus que cela si nous voulons vivre des jours meilleurs dans notre pays. Il faut un mouvement massif, une action. Nous devons nous battre, aujourd’hui et maintenant, contre les politiques de notre gouvernement, contre les accords et les plans de l’Union européenne. Ainsi que contre le reste des technocrates qui cherchent à appauvrir la vie des gens. Personnellement, je n’ai pas perdu espoir. Je crois que les Grecs, et surtout les jeunes grecs, finiront par s’opposer à la situation actuelle.
Mais nous aurons besoin de beaucoup de force et de courage. Notre initiative, « Generation400 », essaie de jouer son rôle dans cette direction. Bien sûr, nous aurons besoin de soutien ! C’est là que la solidarité entre les personnes de différents pays peut jouer un rôle crucial. Il est très important pour les peuples d’Europe de connaître la situation réelle que nous vivons, ici en Grèce. Savoir que les gens, et surtout les jeunes, souffrent de ces politiques. Nous travaillons beaucoup. Tout ce que nous voulons, c’est vivre dans la solidarité, l’égalité et la justice sociale. Satisfaire les besoins de la grande majorité des travailleurs de ce pays. Non les désirs des banques et des gouvernements européens.
CONSTANTINOS POLYCHRONOPOULOUS – La cuisine solidaire comme antidote à la crise
Par Lepetitjournal Athènes
Cadre supérieur dans le marketing, Constantinos, 46 ans, a dû se résoudre, après son licenciement, à retourner vivre auprès de sa mère. Plus d’emploi, pas d’espoir de décrocher un nouveau poste après 2 ans de recherches intensives restées vaines…. Mais observant de nombreux Grecs dans des situations tragiques, pire que la sienne, fouillant les poubelles pour trouver de quoi se nourrir, il décide de se retrousser les manches et de venir en aide aux autres.
L’idée de la cuisine sociale baptisée « l’autre être humain » est née ! Quant à son initiative, Constantinos considère qu’elle est le moteur d’une solidarité humaine sans précédent et ne se limite pas simplement à offrir des repas. Il ajoute même que « la solidarité n’a rien à voir avec la philanthropie ou la charité. Solidarité veut dire Amour et Respect! C’est de cela dont nous avons besoin, qui nous fait nous surpasser ».
La cuisine sociale et solidaire se déplace même dans des quartiers jusque là épargnés par la crise : Kolonaki, Kifissia ….
La cuisine se fait chaque jour en fonction des dons. Tous les quartiers sont visités pour offrir des repas.
Chaque point de rencontre ressemble à un rituel : des bénévoles arrivent avec des voitures pleines à craquer : de l’alimentaire, mais aussi des couverts, des tables pliantes, des casseroles, et se lancent dans la préparation des repas . Ils font connaissance, mangent ensemble et construisent une passerelle de solidarité entre « les pauvres » et… les autres !
L’action de Constantinos a fait des émules et avec l’aide et l’encouragement de la population athénienne, 13 groupes se sont créés comme ceux de Megara, Lavrio, Salamina, mais aussi plus loin de la capitale comme à Lesvos où l’on prépare des repas pour les réfugiés.
3 millions de repas chauds ont été distribués dans la rue, depuis le lancement de l’opération en 2011. Le mouvement a essaimé en dehors des frontières grecques, en Espagne, en Italie.
En fin d’année 2015, Constantinos Polychronopoulos est élu Citoyen de l’Année par le Parlement Européen. Il a refusé son prix, arguant du fait que le Parlement Européen avait une grande responsabilité dans la crise qui étrangle son pays.
Depuis 4 ans, « l’Autre être humain » a son fief de base, à KerameiKos, rue Plataion 55. C’est un endroit hospitalier, qui permet aux sans-abris de prendre une douche, de changer de vêtements et bien sûr de manger. Une chambre remplie de jouets est dédiée aux enfants, ainsi qu’une bibliothèque.
2 à 3 fois par semaine, des bénévoles enseignent le grec. Ordinateurs et accès à internet complètent l’ensemble.
Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Couleurs d’automne
Couleurs d’automne. Belle lumière, pluie… nouvelle qui tombe parfois sur l’Hellade, et la première neige couvrant déjà les sommets de l’Olympe. Dans le Péloponnèse côtier, les pêcheurs regagnent le port au petit matin chaudement habillés, leurs prises sont certes modérées mais suffisantes. Une fois à quai, leur constat exprimé de règle à haute voix, relève pour ainsi dire du rituel: “Dieu nous a préservés du pire encore aujourd’hui.” Qui sait ?
Automne. Pêche à la ligne. Péloponnèse, septembre 2017
En cette Grèce primo-automnale seuls les journalistes, tous medias confondus d’ailleurs, n’en finissent pas d’évoquer, de prédire, d’annoncer comme de redire, au sujet des élections en Allemagne. Trivialités et alors truismes européens en plein hiver politique… établi en réalité depuis près de trente ans.
“Nous consacrerons ‘à chaud’ toute notre soirée du 24 septembre aux élections en Allemagne, elles sont importantes, très importantes aussi pour la Grèce” ; alertaient dès la veille les journalistes de la radio 90,1 FM, à l’instar des autres medias. On en déduira que les événements de la Métropole influencent de fait sur ceux de la Colonie, truismes toujours, et cela depuis Thucydide comme autant par exemple depuis le temps de l’Empire romain.
Sur les terrasses des bistrots du Péloponnèse, toujours durant cette soirée du 24 septembre, les habitués auront toutefois préféré suivre les matchs de football, on en déduira par conséquence que les événements du ballon rond influencent… de fait sur ceux de la Colonie, d’après une certaine doxa populaire en tout cas.
Plus au nord en Grèce, les visiteurs enchantés contemplent quant à eux la terre et le ciel des Météores, beau spectacle, tandis que les religieuses des monastères homonymes déchargent… très sérieusement de leur pick-up 4×4 les vivres achetés en ville, modernité oblige. Admirables Météores, à la spiritualité visiblement insaisissable car trop emplis de visiteurs, on dirait que seuls leurs animaux adespotes boivent encore de l’eau comme alors du petit lait. Météores, soulignons-le, du grec ancien “meteôros – élevé, dans les airs – suspendu”, réalité suspendue, car c’est autant d’époque.
Les Météores, beau spectacle. Thessalie, septembre 2017
Les visiteurs enchantés des Météores. Thessalie, septembre 2017
Religieuses des monastères homonymes déchargent… Météores, septembre 2017
Animal adespote buvant de l’eau. Monastères des Météores, septembre 2017
En ville proche et profondément thessalienne de Trikala, les retraités du coin, tout comme ceux du lointain Péloponnèse comptent notamment leurs sous… devant trois grappes de raisins de Corinthe, réputés comme on sait sans pépins. Sur le marché traditionnel car tenu à Trikala depuis le 19ème siècle, les producteurs locaux étalent leurs légumes et autant leur scepticisme. Pourtant, en cette Grèce périphérique, les existences humaines se montrent plus souriantes qu’à Athènes.
La vie s’y voudrait davantage paisible, et immanquablement elle l’est aux dires de tous. Petite allégresse locale, perceptible également jusqu’au site de l’antique dispensaire d’Asclépios, un financement (essentiellement privé) a été trouvé après plus de quatre décennies d’apraxie, et les fouilles ont ainsi pu reprendre.
En cette fin septembre, certes aux belles couleurs d’automne, à Trikala, comme dans les bistrots du Péloponnèse côtier au lendemain du temps électoral allemand, les sujets abordés sont en réalité forts différents. Tel le patron d’un café du Péloponnèse évoquant avec ses amis son expérience issue d’un récent déplacement à Thessalonique et à Vólos. Ils comparent naturellement les prix pratiqués dans les tavernes à ouzo “là-haut”, “sensiblement plus bas que chez nous” aux usages dans leur région. La saison touristique se terminer d’ailleurs en ce moment, c’est aussi l’heure du bilan… comme du foot à la télévision.
“Chez nous, les restaurateurs exagèrent. Leurs plats coûtent deux fois plus cher qu’à Vólos. C’est de la démesure, mais elle s’explique. Étant donné la situation du pays, la paupérisation des habitants, les prix devraient baisser, mais elles ne baissent pas. C’est pour cette raison que parmi ceux qui sortent, certains iront le plus souvent se restaurer auprès des petites tavernes à souvlaki. Brochettes, petits prix uniformisés, du standard alors ordinaire.”
Trikala, retraités du coin et raisins de Corinthe. Septembre 2017
Les producteurs locaux et leurs légumes. Trikala, septembre 2017
Les producteurs locaux et leurs légumes. Trikala, septembre 2017
Le marché réputé traditionnel. Trikala, Thessalie, septembre 2017
“Écoutez les gars, je peux vous exposer la raison pour la quelle les prix ne baissent pas chez nous. D’abord, nos restaurateurs veulent gratter le maximum durant la saison touristique… mais aussi durant le reste de l’année si possible. Ensuite, la réalité grecque se résume en ceci: Un tiers de la population est en train de subir une paupérisation sans précédant, ces gens, touchent rarement une petite allocation de deux cent euros par mois, le plus souvent, ils sont soutenus par leurs familles. Donc ils ne fréquentent plus nos établissements, sauf très rarement et cela pour une petite brochette souvlaki une fois tous les six mois ou pour un petit café.”
“Un deuxième tiers de la population vivote… convenablement, gagnant de cinq cents à mille euros par mois, fonctionnaires d’ailleurs compris. Ces gens sont nos clients, mais ils consommeront de manière bien modérée et pondérée, c’est normal. Vient ensuite le dernier tiers de la population, fonctionnaires parfois comme tous les autres.”
“Ces Grecs ont de l’argent capitalisé sous formes diverses depuis près de trente ans, c’était durant les années fastes, et c’est connu. Ils se plaignent car il faut faire comme les autres sauf qu’ils ont les moyens, ainsi leur manière de consommer, plus la surimposition qui pèse sur nous, font que les prix restent anormalement élevés.”
“Et les plus affaiblis en souffrent, et ils souffriront encore et encore. Les restaurateurs, par exemple de Vólos, ils l’ont compris, il faut ratisser plus large, proposer ainsi leurs plats à une clientèle beaucoup plus étendue, donc beaucoup moins aisée. C’est plus juste et à la longue, c’est à mon avis payant pour ces entreprises. Sauf que les nôtres ici ne comprendront jamais rien.”
Fouilles sur le site d’Asclépios. Trikala, septembre 2017
Le port de Vólos. Thessalie, septembre 2017
Retraités à Vólos. Septembre 2017
“Je rédige vos travaux universitaires”. Vólos, septembre 2017
Et à Vólos même, les retraités, grands habitués des bistrots auront ces discussions ainsi similaires, puis, près du grand port thessalien et de son université, une petite pancarte… artisanale publicitaire informe très précisément son éventuelle clientèle: “Je rédige vos travaux et mémoires sur de sujets de pédagogie et d’éducation spécialisées, et je peux aussi traduire de l’anglais vers le grec”.
La… marchandisation dévergondée du savoir, livré à la manière des pizzas… au service des futurs chômeurs. Il fallait autant y penser, sauf qu’à Vólos, l’ouzo et les tavernes se montrent vraiment plus abordables que dans le Péloponnèse. Époque manquée !
“Les hommes, vraiment nécessaires manquent ; les nuisibles parmi eux sont par contre bien nombreux: revendeurs, escrocs, égotiques, opportunistes, baratineurs, bons à rien, je-m’en-foutistes et tant d’autres. Il fut un temps, ces derniers ne comptaient guère, à présent, ils deviennent fléau. C’est parce que les autres sont humiliés et amputés, alors tout est susceptible d’irriter leurs plaies”, écrivait dans son carnet notre poète Yórgos Seféris, le dimanche 20 septembre 1942 (édition, “Ikaros”, Athènes 2007).
Yorgos Seféris (presse grecque)
Les obsèques de Yorgos Seféris, Athènes, 22 septembre 1971 (presse grecque)
Yórgos Seféris, nom de plume du poète et diplomate Yórgos Seferiádis, lauréat du prix Nobel de littérature en 1963, était né le 13 mars 1900 à Smyrne, et il est mort à Athènes le 20 septembre 1971… sous l’autre dictature, celle des Colonels. Ses obsèques ont donné lieu à une grande manifestation populaire et spontanée contre le régime, la poésie en plus.
En ce 20 septembre 2017, les medias de la Colonie ont (bien furtivement) évoqué la date anniversaire de la disparition physique de notre poète avant de passer à autre chose. Journalistes… revendeurs, escrocs, opportunistes, baratineurs, ont ainsi évoqué Seféris, le temps de revenir aux balivernes habituelles à usage alors plénier. Nouvelles sans cesse juxtaposées sans le moindre regard critique, ce monde que déjà en 1942 Yorgos Seféris abhorrait tant.
Parmi ces… nouvelles, la supposée grande pollution du Golfe Saronique par le naufrage du petit pétrolier près de Salamine il y a deux semaines, puis, le départ soudain du navire nettoyeur dépêché sur place afin de pomper les quantités d’hydrocarbures restant dans les cuves du pétrolier coulé… Le capitaine du navire nettoyeur a été mis en état d’arrestation pour trafic présumé illégal de carburants (presse grecque du 20 septembre) , puis… l’importance annoncée de partout des élections tenues en Allemagne.
La Grèce, et toutes ses couleurs locales, ses animaux adespotes sous les Météores, ou alors ses boutiques chinoises parfois déjà en faillite à Trikala, le tout sous cet automne… en réalité omniscient. “Dieu nous a préservés du pire encore aujourd’hui” !
La Grèce et ses couleurs locales. Thessalie, septembre 2017
Animaux adespotes sous les Météores. Septembre 2017
Animaux adespotes sous les Météores. Septembre 2017
La Grèce et ses couleurs locales. Thessalie, septembre 2017
Boutique chinoise en faillite. Trikala, Thessalie, septembre 2017
Couleurs d’automne. Dans les montagnes grecques, les traces ultimes du camping libre seront bientôt levées et sur les plages de la Grèce centrale, ceux de passage se contentent parfois que de mettre un seul pied dans l’eau. “Dans quel monde vivrons-nous ?”, suggère alors à son unique manière ce message griffonné sur un mur à Trikala, l’aporie est du moins bien claire.
Loin, très loin même des préoccupations du plus grand nombre (ou de celui dont l’esprit fonctionne encore un peu) les familles aisées de Trikala célèbrent comme toujours le baptême de leurs petits, dans les églises les plus anciennes de la région. L’histoire monumentale… au secours de l’hybris monumentale, plus l’électrifié et le kitsch.
Sinon pourtant, belle lumière, nouvelles pluies sur l’Hellade et la première neige qui couvre déjà les sommets de l’Olympe, magnifique pays… été comme hiver !
Traces ultimes de camping libre. Thessalie, septembre 2017
Mettre un seul pied dans l’eau. Grèce centrale, septembre 2017
“Dans quel monde vivrons-nous ?”. Trikala, septembre 2017
Baptême chez la classe aisée de Trikala. Thessalie, septembre 2017
Baptême chez la classe aisée de Trikala. Thessalie, septembre 2017
Belle lumière, pluies sur l’Hellade et la première neige qui couvre déjà les sommets de l’Olympe. Il était temps dans un sens. Dans les bistrots, on discute alors météo, tandis que les baignades restent encore possibles ici ou là, dans le Péloponnèse côtier par exemple.
Les petits pêcheurs reviendront à quai port au petit matin habillés chaudement, et un drôle de navire sous pavillon britannique a brièvement fait son apparition près de l’île d’Hydra.
Drôle de navire. Entre Hydra et le Péloponnèse. Septembre 2017
Automne… et quant à la survie de ce blog… les difficultés hivernales s’annoncent déjà. Belles couleurs d’automne pourtant, Hermès, le (deuxième) chat de “Greek Crisis” grandit, et l’espoir peut-être avec.
Hermès… le deuxième chat de “Greek Crisis”. Septembre 2017
* Photo de couverture: Couleurs d’automne. Péloponnèse, septembre 2017
mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/
Par Maria Negreponti-Delivanis ancien recteur de l’université de Macédoine – Thessalonique, Grèce. présidente de la fondation Delivanis
Emmanuel Macron, en tant que visiteur dans notre pays la semaine passée, s’est montré agréable dans sa communication, cultivé mais également fier car il se passionne pour l’histoire de la Grèce antique, comme cela arrive avec les Français éduqués.
Cherchant des problèmes (comme il est d’usage) relativement à cette visite, je m’empresse de souligner que du côté du président Français il n’y en a pas, mais je n’en dirai pas autant concernant les dirigeants Grecs. Le gouvernement, et aussi dans une large mesure l’opposition, espéraient beaucoup de cette visite, et curieusement, à sa suite, ont affiché une satisfaction extrême et absolument injustifiée. Voyons, donc, ce que le président Français a apporté à la Grèce avec son discours, et quelle aurait dû être la réponse du gouvernement, et pourquoi pas de l’opposition aussi, ce qui malheureusement n’a pas été le cas.
Le discours
Le discours de monsieur Macron, si l’on met de côté ce qui avait rapport aux grandes réalisations de nos ancêtres et aussi la tentative fort appréciée de saluer en grec, était général et ne comportait aucune promesse précise relativement à l’allègement des souffrances infligées par l’UE depuis quelque 8 années à la Grèce. Bien entendu, le président Français a parlé du martyr enduré par les Grecs, mais si je ne me trompe, j’ai discerné une certaine note à l’adresse de notre gouvernement, prenant soin de convaincre le peuple de la nécessité de ces souffrances et prétendant que celles-ci lui sont bénéfiques.
Monsieur Macron était parfaitement clair, tout comme l’est d’ailleurs le ministre des Finances Allemand, sur le fait qu’un “allègement de la dette” est hors de question avant l’achèvement des “réformes”. Pour monsieur Macron, qui non seulement est un des élus des banquiers internationaux mais, comme il le déclare à chaque occasion, est un libéral, les “réformes” constituent le vaisseau amiral de sa cosmothéorie. Sachant que notre monde dispose de deux systèmes macroéconomiques, le libéral et l’interventionniste, son choix n’est en aucun cas répréhensible. Il est, bien évidemment, nécessaire d’ajouter que le fonctionnement normal des économies demande que ces deux systèmes soient associés dans leur mise en œuvre, et non que l’un s’impose dogmatiquement en excluant l’autre. Il aurait en cela été intéressant que monsieur Macron donne quelques précisions quant au genre de ces “réformes” que lui-même et le ministre Allemand des Finances estiment qu’elles sont la condition préalable à la “sortie de cette mauvaise passe” de notre pays. Il est vrai que personne du côté du gouvernement ou de l’opposition, pas plus que du côté de “nos partenaires” n’a jamais jugé nécessaire, tout au long de ces 8 années dramatiques, de nous informer du contenu de ces “réformes” mythifiées, de ce que l’on e n attend exactement et de leur échéance. Car il est clair que mentionner simplement des réformes, sans en déterminer le contenu, n’a aucun sens. Concernant la Grèce, on sait que dès le début de la crise les “réformes”, qui en réalité ne sont pas des réformes, se limitent premièrement à la suppression totale de toutes les améliorations acquises par les luttes sociales durant les 200 dernières années dans l’environnement barbare du marché du travail, et deuxièmement au bradage massif de la Grèce tout entière. Les Français, bien sûr, et tout particulièrement monsieur Macron, économiste, savent parfaitement que cela ne relève pas de la catégorie des “réformes”, comme cela est largement enseigné dans les facultés françaises d’économie. Ils savent également que l’appauvrissement des travailleurs donne, au-delà des résultats sociaux, des résultats économiques pitoyables, et aussi que le bradage des ports et des aéroports, de l’eau, de l’électricité et en général des services sociaux sensibles de l’État ne figure pas au chapitre des réformes, et qu’il n’est pas souhaitable mais plutôt dangereux à tout point de vue. Par contre, une série de vraies réformes existe, dont la Grèce a urgemment besoin, mais qui n’intéressent pas nos partenaires.
Un autre point du discours du président Français souligne l’importance de l’Europe, sa cohésion qui doit être sauvegardée à tout prix, afin qu’elle joue le rôle important qui lui appartient sur la scène économique et politique internationale, et où il va de soi que la présence de la Grèce est absolument indispensable. Dans le même temps, il a reconnu (indirectement mais clairement) que cette Europe doit changer (car manifestement elle est minée par de multiples problèmes) et se fédéraliser, en se dotant, comme principal représentant, d’un ministre des Finances européennes. L’idée, cela va sans dire, n’est pas nouvelle, puisque les européistes y ont pensé afin de calmer les réactions des citoyens européens, parmi lesquels le nombre des eurosceptiques a dépassé le nombre de ceux qui acceptent la poursuite de l’Europe unie. Cependant, hormis le fait que cette vision à long terme a été fort justement qualifiée par le journal allemand Die Welt, au lendemain du discours du président Français, d’ “utopie naïve”, il y a dans cela une pointe empoisonnée que monsieur Macron n’a pas hésité à saisir, et qui plus est dès le premier instant de son entrée en fonction, provoquant de nombreuses réactions à l’étranger (mais curieusement, pas en Grèce), et qui concerne la refondation de l’Europe, laquelle est constituée d’États membres égaux (selon le principe de sa convention fondatrice), en vue d’une Europe à plusieurs vitesses. Je me demande si les membres de notre gouvernement, qui, avec un enthousiasme si émouvant, ont parlé de l’Europe et du maintien coûte que coûte en son sein de la Grèce, ont également accepté, sans hésitation aucune, le fait que notre pays soit la cinquième roue de la charrette européenne.
Il est naturel et tout à fait compréhensible que le président Français serve les intérêts de son pays comme il l’entend, et que par conséquent, il évite de prendre des positions ou de faire des promesses qui pourraient lui causer des problèmes vis-à-vis de l’Allemagne. Le renouveau de l’axe franco-allemand est au centre des efforts de redressement du régime vacillant en Europe. Or, cette position, ou plutôt la position de nos hommes politiques, est, que l’on me permette ce qualificatif, incompréhensible. En deux mots, la blessante position tributaire du gouvernement grec, renforcée aussi par son enthousiasme, qu’on ne peut raisonnablement expliquer, à l’égard de ce qui a été dit par monsieur Macron, est hélas la preuve qu’il a accepté l’état de COLONIE européenne.
Ce que voudraient entendre les Grecs de la part de leurs dirigeants en réponse à Emmanuel Macron
“Cher monsieur le Président de cette grande amie la France,
Nous sommes extrêmement heureux de vous accueillir en Grèce, et sensibles au fait que vous avez choisi notre pays, vous et votre épouse, pour une de vos premières visites officielles à l’étranger. Nous vous considérons comme un ami de notre pays, c’est pourquoi, au-delà des compliments et des conventions, nous allons vous parler avec sincérité du drame inacceptable que vit notre peuple depuis 8 ans, avec la conviction que vous le transmettrez, de la manière que vous choisirez vous-même, aux autres partenaires.
Pour commencer, nous sommes d’accord avec vous sur le fait qu’il serait dommage que l’Europe se disloque et que l’euro, en dépit de ses problèmes, doit être sauvé (si cela est possible, évidemment). C’est pourquoi l’Europe doit fondamentalement changer et se tourner vers ses peuples, et non vers plus de bureaucratie, d’élitisme et de réduction de la démocratie. La tâche est difficile, aux limites peut-être de l’irréalisable. Nous espérons que vous y parviendrez. Mais d’ici là, la Grèce ne peut attendre, car elle croule sous le poids insupportable de mémorandums qui ne mènent à rien et de quasi-réformes qui l’appauvrissent chaque jour davantage. N’écoutez pas, monsieur le Président, ce qu’il nous arrive d’affirmer pour apaiser la colère justifiée de nos compatriotes. La Grèce ne va pas, et ne peut aller mieux. En réalité, le chômage augmente, mais il est dissimulé par les chômeurs de longue durée qui, dépités, ont cessé de rechercher un emploi, par les milliers de jeunes qui sont partis pour trouver un sort meilleur loin de la Grèce, et surtout par l’extension des formes de travail précaire où figurent aussi ceux qui travaillent 1 ou 2 heures par semaine et sont quand même considérés comme ayant un emploi. Par ailleurs, vous êtes vous aussi un économiste et par conséquent vous savez que la croissance, aussi désirée soit-elle, ne peut en aucun cas se faire dans une économie où toutes, toutes sans exception aucune, les propensions à la croissance ont sombré. Je n’en citerai qu’une seule qui est amplement suffisante, à savoir la demande concernant les produits alimentaires de base, en baisse constante ces dernières années. Et en dépit de l’appauvrissement des travailleurs, dont une large part travaille pour 200 ou 300 euros par mois, souvent 10 à 12 heures par jour, et en dépit du fait que le marché du travail (du fait des “réformes”) s’est transformé en jungle, nos partenaires exigent que cela continue, et qui plus est, ils ont fortement réagi au fait que la nouvelle ministre du Travail a tenté de faire passer dans un récent projet de loi quelques améliorations, du reste tout à fait marginales. Les impôts de toute sorte, résultante d’une imagination enflammée, pompent dans l’économie les liquidités jusqu’à la dernière goutte, achevant l’œuvre inhumaine de la ponction complètement démesurée des excédents primaires exigés par nos partenaires. Les réductions drastiques des salaires et des retraites se poursuivent résolument. Les hôpitaux publics manquent de personnel, de médicaments de base et de gazes. Le nombres des entreprises qui mettent la clé sous la porte est largement supérieur à celui des créations d’entreprise. Oublions donc (entre nous maintenant) la croissance car l’évoquer, compte tenu des conditions qui prévalent en Grèce, est la démonstration d’un manque total de sérieux.
Or, sans croissance, il est impossible de rembourser cette dette colossale, même pas en l’an 3000. Et il va de soi que jusqu’à ce qu’elle en rembourse 75 %, la Grèce sera sous supervision, toujours soumise à une quelconque forme de mémorandum. Par conséquent, monsieur le Président, ne prenez pas au sérieux ce que nous affirmons, à savoir que notre sortie sur les marchés est censée nous assurer la fin des mémorandums. Au contraire même, nous paierons alors beaucoup plus cher les emprunts… mais que faire, le peuple a besoin d’espérer, peu importe si ces espoirs sont vains.
Partageons donc, monsieur le Président, votre enthousiasme pour l’actuelle et pour la nouvelle Europe, et tâchons pour l’heure de ne pas entrer en conflit avec la zone euro, quoique dans notre cas, ce serait nécessaire. Vous admettrez néanmoins que nous avons déjà fait d’indicibles sacrifices compte tenu de la taille et des capacités de notre petite Grèce, afin de sauver les banques françaises et allemandes et pour que l’Europe ne se disloque pas. Des sacrifices qui ont détruit une nation entière et qui ont exterminé un peuple entier. Mais maintenant, la fin du monde est arrivée et nous, l’UE et pour lui faire plaisir nous aussi, ne pouvons plus nous moquer du peuple grec qui est au supplice et agonise. L’UE, ne serait-ce que sans le FMI, doit assumer ses responsabilités, et cesser d’imposer à la Grèce des programmes et des mesures dont ELLE SAIT (tout comme nous) que non seulement ils sont tout simplement voués à l’échec, mais aussi qu’ils achèvent sa destruction. De toute évidence, vous le savez bien, monsieur le Président, depuis le début de la crise et constamment, on nous impose des programmes erronés et sans issue, lesquels ne sont pas révisés pour que nul n’ait ainsi à reconnaître son erreur, j’entends celle des partenaires européens et du FMI. Cette erreur criminelle est néanmoins continuellement pointée du doigt par certains dignitaires isolés de l’UE et du FMI, mais malgré cela, on s’y accroche, portant désormais atteinte à la survie même de la Grèce.
Cette tromperie permanente n’est pas conforme au peuple français historique, n’est pas conforme à la Démocratie qui, comme vous l’avez dit, est née sur la colline du Pnyx, ne sert aucunement l’Europe. Car tôt ou tard, le peuple grec, qui est prêt et qui n’a plus rien à perdre, va se soulever. Vous savez en outre que des économistes renommés, parmi lesquels des Français (citons par exemple le professeur Gérard Lafay) ont pris une position très claire, analysant dans des livres et maints articles (ce qui d’ailleurs est l’évidence même), comment et pourquoi les mémorandums et les “réformes” détruisent la Grèce au lieu de la sauver.
Alors, si vous voulez sauver l’UE de la dislocation certaine vers laquelle elle va, nous vous demandons d’être notre précieux ambassadeur et de faire comprendre à nos partenaires pourquoi il est urgent de réviser en profondeur les plans européens pour la Grèce. Mais encore, pourquoi il faut cesser d’encourager la nécessité de réaliser des quasi-réformes, vides de contenu, et pourquoi des réformes adéquates doivent être étudiées sérieusement, grâce auxquelles l’économie grecque pourra vraiment s’améliorer, en se basant sur sa croissance et non sur sa contraction.
Résumons, monsieur le Président. Pour la Grèce, c’est la capacité de croissance (rendue impossible par les des mémorandums et les “réformes”) qui compte infiniment plus que n’importe quelle forme d’allègement de la dette. Si cette dette est libérée de ses parts odieuse et onéreuse, et que l’on permet à la Grèce de se développer, nous n’aurons pas besoin d’emprunts, de mémorandums, de négociations interminables et autres violences de cette sorte. Avec un rythme de croissance annuel de 3,5 %, que nous pouvons tout à fait atteindre, avec le temps, nous paierons notre dette.
Une solution sincère au problème de la Grèce est maintenant plus urgente que jamais, car il n’est plus possible de continuer indéfiniment ces histoires sur la croissance… coucou la voici, coucou la voilà.
Et puis, monsieur le Président, comprenez que dans cette nouvelle Europe à plusieurs vitesses que vous imaginez, ne serait-il pas absurde que la poursuite des sacrifices mortels que vous nous demandez ait comme contre-poids un état de servitude qui appartient aux temps anciens ?
Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque. Il évoque dans cet article la visite d’Emmanuel Macron.
Emmanuel au pays d’Hermès
Temps de l’hybris. Sur un mur d’Athènes, le dit “Parlement” caricaturé est… aspiré (et inspiré) par un imposant OVNI. C’est là bien une caractéristique imagée des disjonctions actuelles. Les supposées structures de représentation parlementaire acclimatées au totalitarisme des vanités européistes et financieristes ne peuvent alors plus être considérées autrement. Entre-temps, la “fusée” Macron est passée par Athènes, visite officielle et poussière cosmique !
Visite officielle d’Emmanuel Macron à Athènes. Athènes, septembre 2017
D’abord, la frénésie marketing a largement préparé et accompagné cette visite d’Emmanuel Macron à Athènes. Aux yeux des Grecs, à part la… sympathie certaine et au-delà de la causerie impériale européiste du type: “Ce soir je veux que collectivement nous retrouvions la force de refonder notre Europe, en commençant par l’examen critique sans concession de ces dernières années” (le Président français aux côtés du Premier ministre grec Alexis Tsipras sur le Pnyx), l’essentiel dans cette visite tient du dépeçage économique, symbolique et structurel du pays faisant exactement suite à sa vassalisation néocoloniale accélérée et très actuelle.
“La Grèce est ainsi bradée à travers les accords de type colonial imposés par la Troïka et ce n’est pas de la sorte que l’Europe deviendra démocratique”, fait remarquer dans son communiqué commentant la visite Macron, le mouvement de Yanis Varoufákis “DiEM25” .
Ainsi, les 39 hauts représentants des très grandes entreprises françaises qui ont accompagné Emmanuel Macron à Athènes, procèdent non pas dans un cadre de coopération économique avec un minimum d’équité, mais dans celui des accords néocoloniaux imposés à la Grèce par l’Eurogroupe. Je dois rappeler que l’Eurogroupe n’a pas d’existence formellement légale quant au droit international (et européen), c’est un club informel des ministres de zone euro, où c’est d’abord la loi du plus fort qui s’impose à tous les autres, c’est-à-dire la loi de l’Allemagne.
Emanuel Macron sur le Pnyx. Presse grecque du 7 septembre 2017
La… communication Macron à Athènes. Presse grecque du 7 septembre 2017
Les…gouvernants à Athènes accueillent… Emmanuel Macron. Presse grecque, septembre 2017
C’est d’ailleurs pour cette raison que les cinq ordonnances réformant le Code du travail en France ont été présentées le 31 août au Conseil des ministres en présence et avec l’approbation du vice-chancelier allemand, et nous voilà ainsi dans le… nouveau monde du néocolonialisme pluridimensionnel mais oligopolaire.
À chacun son niveau de formatage, et pour ce qui du très bas niveau de formatage de la Grèce, parmi les accompagnateurs d’Emmanuel Macron, la presse a cru remarquer la présence de Jacques Le Pape, ancien directeur adjoint de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, nommé depuis 2016 à la tête du dit Fonds grec chargé des privatisations.
En réalité, il s’agit de cette agence fiduciaire imposée à la Grèce par le carcan des colonisateurs européistes et copiée sur le modèle de la Treuhand de nom complet Treuhandanstalt, laquelle était l’organisme de droit ouest-allemand chargée de la privatisation des biens de la République démocratique allemande (RDA) après la réunification du pays.
“Vous pouvez manger autant de la brioche que vous voulez !”, presse grecque, septembre 2017
Tout le monde en Grèce sait que le directoire de cette Agence des Privatisations (autant que la dite Administration Autonome des Recettes Publiques), échappe à tout contrôle étatique (et démocratique, parlementaire) grec. Pour ce qui est de l’agence fiduciaire plus précisément, les décisions sont prises à la majorité des 3/5, entre le directeur Français et les quatre autres membres, un Espagnol et trois Grecs, tous d’ailleurs nommés depuis le grand jardin de l’acclimatation financieriste et européiste.
C’est alors ainsi que dans les cafés grecs on estime qu’en dépit des messages officiels, le but de la visite Macron c’est de participer au dépeçage des biens du pays visité (eau, énergie, transports, télécommunications, renforcement même du contrôle par la mécanique sociale): “La Grèce c’est un cadavre, donc le monde des puissants s’en sert”, analyse… publiquement énoncé dans le café du coin par le retraité Mitsos.
“Vous pouvez manger autant de la brioche que vous voulez !” nous dit ainsi d’après un dessin de la presse grecque Emanuel Macron… déguisé en reine Marie-Antoinette estampillée… Allemagne et apportant aussi le message: “Austérité – Coupes sobres – Chômage” (car la phrase présumée historique sur la brioche avait été attribuée comme on sait à Marie-Antoinette). Temps vraiment nouveaux ?
“Avgí”, quotidien Syriziste et… Macroniste. Septembre 2017
Athènes… accueil. Athènes, septembre 2017
Commerce à vendre, Athènes, septembre 2017
Temps donc de l’hybris. Emmanuel Macron est reparti d’Athènes… comme il était déjà arrivé. Il n’aura pas vu, ni les soupes populaires qui reprennent dans la foulée du temps automnal qui s’annonce, ni les messages désespérés marqués au feutre par ceux de la dite “génération 400€”, autrement-dit, ces jeunes qui ne gagneront au mieux que 400€ par mois pour un travail qualifié et à temps plein.
Des histoires finalement… à Hérodote à se raconter alors sans fin, comme celle des sans-abri face à la mer profitant de l’énergie solaire, voilà une idée ayant peut-être échappé aux… investisseurs si bien accomplis au sein du cabinet Lagarde.
Le Vélos remorqué. Le Pirée, septembre 2017
Les voyageurs autres qu’Emmanuel Macron et les touristes sont déjà moins nombreux au Pirée, puis, le vieux Vélos (visitable, depuis 2002, comme navire musée à Fáliro) a été aperçu récemment près du grand port, remorqué jusqu’aux chantiers proches pour que les travaux d’entretien puissent être effectués. Au Pirée, les passants se sont même un long moment arrêtés pour l’admirer, comme parfois pour s’en souvenir.
Car son histoire n’est pas encore tout à fait oubliée, l’USS Charrette (DD-581), destroyer de classe Fletcher de la marine américaine, ayant pris le nom de HNS Velos (D-16) en 1959 dans la marine grecque se fait remarquer le 25 mai 1973 en refusant de rejoindre la Grèce, pour protester contre la Dictature des colonels et ainsi resté durant un bref moment en Italie, lorsqu’il participait à des exercices de l’OTAN.
Soupe populaire. Athènes, septembre 2017
Génération 400€. Athènes, septembre 2017
Sans-abri et énergie solaire. Athènes-Sud, septembre 2017
Au Pirée. Septembre 2017
Temps flottant. À Athènes… sous l’Acropole, le vieux bâti est souvent acheté et rénové par des investisseurs suffisamment internationaux, c’est déjà prouvé et acquis, les vieilles colonnes ont toujours la cote.
Sur d’autres murs d’Athènes et des environs, les… aspirations du temps éphémères (et vulgaires) se mesureront ainsi à “l’argent… aimé” ou encore à “Schäuble con”. Temps de l’hybris, automne en vue. Cynisme ainsi ambiant… supposé réaliste ; dans l’air du temps toujours, le vieux journaliste et chroniqueur radio Yórgos Trangas (Radio 90,1 FM, le 8 septembre, zone matinale), donne son point de vue sur l’actualité de la visite d’Emmanuel Macron à Athènes: “Puisque la Grèce est devenue une colonie européiste, vaut mieux qu’elle soit contrôlée par la France, plutôt que par l’Allemagne”, joli monde !
Bâti rénové, acheté par des étrangers. Athènes, septembre 2017
Mur Athénien. Septembre 2017
Mur au sud d’Athènes. Septembre 2017
Voilà notre temps… entier aux réalités fragmentées ! Les supposées structures de représentation parlementaire acclimatées au totalitarisme des vanités européistes et financieristes ne peuvent certainement plus être considérées autrement.
Visite d’Emmanuel Macron… autrement-dit très sympathique humainement sauf pour ce qui est de son contexte géopolitique, voire français tout simplement. L’hybris donc. “C’est de la souillure que d’avoir prononcé son discours sur le Pnyx, de Périclès et de la Démocratie”, a déclaré à l’occasion Manólis Glézos . Comme l’écrivait déjà Badia Benjelloun (“Un Bonaparte de pacotille”) en mai 2017 :
“Les nouveaux arrivants sur le ‘marché’ du travail continueront à toucher le stabilisateur social du RSA tout en habitant chez leurs parents, à cumuler des stages de formation ou des petits boulots d’intérimaires pour un certain temps. Quelques points d’écarts sur le taux de la dette obligataire, et nous voici transformés en misérables Grecs, contraints de vendre la Tour Eiffel et le Louvre, alors que les aéroports de Toulouse, Lyon et Nice et d’autres biens publics ont déjà été cédés à des firmes privées sous la houlette de Mac(a)ron.”
“Fabius, alors au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ambitionnait pour la France un avenir de pays touristique, une industrie de nations pauvres, certes, mais une activité non délocalisable. Mais bientôt les sites, les aéroports, les chaînes hôtelières seront tous aux mains d’entreprises étrangères au profit externalisé employant des travailleurs détachés ou des migrants chassés par les guerres.”
Vielles colonnes. Athènes, septembre 2017
Une certaine classe moyenne se marie… Cap Sounion, septembre 2017
Hérodote chez le bouquiniste. Athènes, septembre 2017
“A ignorer la situation dans laquelle ont été plongés les Hellènes sous la domination du carcan européen, à fonder leurs espoirs sur un bonimenteur qui n’offre d’autre illusion que celle de les faire marcher, les Français concourent à leur malheur et à celle du monde. Il est vrai qu’ils tirent encore avantage à la position de leur pays comme protectorat étasunien capable de conserver quelques terrains de prédation protégés en Afrique, de plus en plus restreints.”
“La classe moyenne, spectatrice et rouage de l’acceptation de cette globalisation qui la précipitera tôt ou tard dans le camp des 99% de ceux d’en bas, témoigne de son insouciante légèreté qui lui fait conjurer cette issue. Elle s’offusque de ce qu’un parti ‘fasciste’ puisse prendre le pouvoir en France. Les conditions de la réalisation d’un fascisme à la mode du 20ième siècle sont révolues. Les structures de représentation parlementaire acclimatées au gouvernement de l’argent depuis deux siècles, avec la dose requise de suffrage universel, sont devenues encombrantes, les lois d’exception (‘Patriot Act’) et les états d’urgence sont adoptés comme nouvelle norme.”
Une certaine classe moyenne, spectatrice et rouage de l’acceptation de cette globalisation qui la précipitera tôt ou tard dans le camp des 99% de ceux d’en bas, se marie encore parfois, se faisant photographier pour les besoin du… glamour de pacotille au Cap Sounion devant la beauté de l’Égée sous le Temple de Poséidon.
Les navires passent. Cap Sounion, septembre 2017
Les histoires demeurent. Bouquiniste à Athènes, septembre 2017
Mimi de Greek Crisis. Septembre 2017
Les navires passent, nos histoires demeurent, la “fusée” Macron est passée par Athènes, visite officielle et poussière cosmique appartenant déjà au passé, tandis que Mimi (le chat de Greek Crisis) restée indifférant à la politique des humains, est désormais bouleversé depuis l’arrivée à domicile du… très jeune Hermès.
Dépassant l’hybris autant que faire se peut, nous avons ainsi sauvé Hermès (jadis… l’aînée des Pléiades) resté orphelin, espérant qu’un autre foyer, si possible économiquement réellement existant, puisse l’adopter d’ici un à deux mois… Avis aussi aux amis du blog.
Les navires passent, nos histoires demeurent !
Hermès… aussi de Greek Crisis. Athènes, septembre 2017
* Photo de couverture: Le ‘Parlement’ et son… OVNI. Athènes, septembre 2017
mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/
Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Figues de septembre
Le pays réel et le pays touristique ne se rencontrent pas forcément. Septembre déjà. Orages passagers sur le Météores et sur leurs monastères, visiteurs Orthodoxes issus de la proximité balkanique et pas uniquement, grande affluence. La rentrée, la rentrée, à Athènes les médias et le “gouvernement” n’ont que ce mot-là à la bouche et dans la foulée des insignifiances, les Tsiprosaures communiquent dès lors et amplement sur la visite officielle d’Emmanuel Macron en Grèce dans moins d’une semaine. Rentrée des apparences.
Septembre, mois des mariages. Thessalie, fin août 2017
Septembre, mois aussi des mariages. Sur les bords des lacs en altitude les futurs mariés iront se faire photographier, d’après les usages de la nouvelle imagerie populaire, nouvelle, depuis près d’une dizaine d’années il faut préciser. Pendant ce temps, les touristes, ceux surtout de l’Europe de l’Est Orthodoxes affluent sur les Météores: Bulgares, Roumains, Serbes, Moldaves, Russes et Ukrainiens, venus… le plus souvent directement à bord de leurs belles voitures depuis leurs pays.
Pendant que les touristes réaliseront leurs meilleures selfies entre les rochers des Météores… à leurs risques et périls, le pays réel grec se passionnera davantage du football que des comptines des médiacrates et des politiciens. En n’attendant plus grand chose de la politique, pour ceux qui le peuvent, animaux adespotes des Monastères compris, le mois de Septembre est plutôt synonyme d’un deuxième été grec et non pas de rentrée.
Les petits ferrys à destination d’Égine et de Póros depuis le Pirée quittent le Pirée encore bondés de monde (grec) pour le week-end, décontraction alors partielle à bord, les passagers finissent toujours par se raconter un certain quotidien incertain, “mais c’est évidemment la vie”.
Le pays… réel du football. Grèce, août 2017
Touristes aux Météores. Thessalie, août 2017
Selfies aux Météores. Août 2017
Animaux adespotes des Météores. Thessalie, août 2017
Sans guère de vergogne comme cela devient de saison depuis l’ultime ridiculisation des pantins politiques, un retraité, passager du ferry vers Égine ne s’embarrassera plus du politiquement correct: “Eh bien, il nous faut de nouveau un Papadópoulos” (chef des Colonels sous leur régime de dictature entre 1967 et 1974).
Parmi les autres Grecs à bord, personne n’a souhaité contredire et encore moins défendre notre régime pseudodémocratique aux ordres de la néocolonisation européiste. Et quant aux rares touristes à bord du petit ferry, ils ne comprennent certes pas la langue de Sophocle comme autant celle de… Damoclès. En effet, le navire a aussitôt levé son ancre… mais la croisière ne s’amuse visiblement plus.
Dans l’indifférence la plus totale, le “gouvernement” annonce sa “grande reforme” de la fonction publique, on brasse alors du vent. Au même moment, les agents du fisc alors très indépendant (il dépend seulement des dites institutions troïkannes et non plus de l’État grec, échappant totalement au contrôle du “Parlement”) ils se font plutôt facétieusement… tabasser par les commerçants qui sont censés être contrôlés. Grèce alors pays âpre et réel, le pantin Tsipras préféra se faire photographier aux côtés d’un boulanger lui ayant offert un petit pain rond pour les circonstances de la propagande. Pauvre propagande… réduite en miettes et ainsi ridiculisée de la sorte et de saison.
Tsipras et son petit pain rond. Presse grecque du 31 août 2017
Le ferry échoué près de l’île d’Ios. Presse grecque du 31 août 2017 – Photo A. Moussamas
Le ferry échoué près de l’île d’Ios. Presse grecque du 31 août 2017
L’autre grande affaire de la semaine tient de l’échouage du ferry “Blue Star Patmos” près d’un récif à proximité du port de l’île d’Ios, autrement, une si belle Cyclade. Le navire a heurté ces écueils dans la nuit du lundi au mardi (29 août) déviant très paradoxalement de sa trajectoire habituelle à une vitesse estimée entre 15 et 17 nœuds d’après les reportages de la presse grecque .
Le beau navire, moderne car récent (construit en 2012) repose depuis et fort heureusement sur ce… jardin d’écueils, pourtant bien connu des navigateurs. Grèce… éternelle, rochers et alors écueils. Les 206 passagers d’abord paniqués, il ont été évacués à l’aide d’autres navires vers le port de l’île d’Ios ; la triste vérité si l’on croit les reportages en tout cas, c’est que la coque du “Blue Star Patmos” serait tout de même déchirée sur de dizaines de mètres, ce qui pour l’instant rendrait son remorquage assez périlleux.
Très probablement une tragédie maritime aurait été évitée peut-être de justesse étant donné que le navire est très moderne (les compartiments étanches et les pompes d’évacuation d’eau ont effectivement fonctionné) et parce qu’il… repose tout simplement sur le jardin d’écueils. Ainsi, la question à poser serait plutôt celle de l’erreur dite “fatalement humaine” ou sinon technique, celle de l’électronique embarquée.
Plus précisément pourtant, tout le monde sait que les vitesses (normalement basses) d’approche comme de sortie des ports ne sont pas respectées par de nombreuses compagnies, car c’est la course contre la montre… comme pour la rentabilité. C’est bien connu, le temps… c’est de l’argent et les assureurs s’occuperont du reste, même au cas où l’état du beau “Blue Star Patmos” blessé serait jugé irréparable.
En attendant la fin des expertises, lesquelles ne seront peut-être pas totalement médiatisées lorsque l’actualité s’occupera d’autres faits élus pour devenir marquants, les pèlerins grecs de Saint Nectaire d’Égine (sanctifié en 1961) rempliront les autres ferrys, les touristes Orthodoxes des pays de l’Est laisseront tous leurs vœux sur de petits papiers enroulés et placés entre les rochers des Monastères des Météores. Septembre donc et les plages déjà de la Grèce continentale se vident à l’occasion. Rentrée !
Papiers et voeux. Météores, Thessalie, août 2017
Architecture de Thessalie. Trikala, août 2017
Les plages se vident. Grèce continentale, fin août 2017
Présentation du livre de Yórgos Kalos. Bourg de l’île de Póros. Août 2017
L’été… officiel se termine de la sorte comme presque prévu. Nous dégustons ses dernières figues déjà de septembre. Sur son île de Póros, Yórgos Kalos, homme politique de droite et ex-ministre Nouvelle Démocratie, lequel fort heureusement ne fait pas que de la politique, a présenté son récent ouvrage littéraire devant un (bien petit) auditoire de notables et de curieux. Pourtant, ses histoires relatant la vie anecdotique des Poriotes sont fort intéressantes et bien écrites. Finalement, la politique ne détruirait pas toujours, ni entièrement ses hommes ou ses femmes.
Le pays réel et le pays littéraire ne se rencontrent pas forcément. Septembre déjà. Les touristes photographient la Garde Evzone devant notre “Parlement”, pays aux apparences de son image presque sauvées. Dimitri, mon neveu qui vit à Trikala, musicien professionnel du bouzouki et du chant Rebétiko, développera aux visiteurs venus de France musique à l’appui, toute l’évolution de ce genre musical entre les années 1930 et les importants apports initiés par Vassílis Tsitsánis , le grand Rebète et enfant de Trikala.
En marge de la mélodie, mon neveu exprimera son infortune actuelle, générée par la situation sans issue des Grecs au pays de la dite crise, réalité certes traduisible, mais pas forcément saisie par les amis et visiteurs du pays.
“Tous ceux qui pratiquent suffisamment le bouzouki, ils s’improvisent alors professionnels occasionnels, voire réguliers, pour vingt à trente euros la soirée, tandis qu’au même moment, les grands noms d’Athènes cassent désormais leurs tarifs pour se produire dans notre Grèce profonde. Entre ces deux réalités, nous professionnels reconnus… nous tirons la langue. Mon épouse vient d’ouvrir une petite taverne au village faute d’autre issue face au chômage.”
Dimitri, mon neveu et son bouzouki. Musée Tsitsánis de Trikala. Août 2017
Montagnes thessaliennes. Août 2017
Les bêtes de Stéphanos. Thessalie, août 2017
Animal d’une taverne. Thessalie, août 2017
“Notre petite taverne est ouverte chaque week-end pour l’instant et très peu en semaine, j’y suis souvent, je aide mon épouse, je me fais… musicien, serveur et surveillant de grillades. Sinon, parfois nous acceptons de nous produire à Athènes ou à Thessalonique lorsque seulement nos frais sont payés, c’est-à-dire sans être rémunérés pour notre prestation. Car, comme voyager autrement nous devient alors impossible, ces occasions de sortir de chez sont rares et précieuses. Aussi, pour enfin boire notre café sur la route ; cela-dit, nous nous produisons également de la sorte dans le but d’être mieux connus.”
Nous avons quitté la Thessalie en musique, ayant aussi aperçu hâtivement les bêtes de Stéphanos, mais cette fois, l’ami éleveur était fort occupé. Septembre déjà, les visiteurs du pays, exotiques ou pas, photographient toujours et encore la Garde Evzone devant le “Parlement”, ou ils réalisent parfois de belles poses devant les escaliers en marbre de la vieillie Bibliothèque nationale.
Cependant, très peu nombreux sont ceux qui voudront découvrir la maison de notre poète Yórgos Seféris , et dans ce… dernier quartier du poète, on nourrit un peu l’espoir et autant les animaux adespotes et on le fait même savoir par voie d’affichage face aux… réfractaires: “Nourrir les animaux adespotes est un acte légal par la loi 4039/12 et par la décision de la Cour Suprême 1/13/1631/8.4.13”. Encore heureux, les mémoranda (législation sous la Troïka) ont déjà balayé le droit du travail et les Conventions Collectives avec, mais en fin de compte, nous pouvons encore prendre soin des animaux adespotes, ultime pays réel !
Se faisant photographier à Athènes. Août 2017
Devant le ‘Parlement’. Athènes, août 2017
La maison de Yórgos Seféris. Athènes, août 2017
Pour les animaux adespotes. Athènes, août 2017
‘Nourrir les animaux adespotes est un acte légal’. Athènes, août2017
Septembre alors, la météo s’améliore pour ce qui tient des vents naturellement dominants ; le remorquage du “Blue Star Patmos” pourrait peut-être commencer dans les prochains jours, d’agrès la presse du samedi 2 septembre.
Le pays réel et le pays touristique ne se rencontrent pas forcément. Sauf parfois à bord de certains ferrys ou sinon, devant la condition immanquable des animaux adespotes grecs. Autrement, rentrée médiatique et “politique” dans la foulée des insignifiances.
Grèce… éternelle, rochers et alors écueils. Figues de Septembre !
Jeune animal adespote. Trikala, Thessalie août 2017
* Photo de couverture: Les Météores et leurs monastères. Août 2017
mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/