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Comité Grenoblois Grèce-Austérité

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France Budget 2019 : le président des riches maintient le cap !

Par rédaction

Votée ce jeudi 20 décembre par l’Assemblée nationale, la loi de finance de 2019 accentue le processus d’injustice fiscale et de régression sociale qui avait caractérisé le premier budget du quinquennat.

Attac dénonce la poursuite de la politique éhontée des cadeaux fiscaux sans contre-parties aux riches et aux entreprises.

Le gouvernement maintient la flat tax et la suppression de l’ISF, alors que la majorité des français y est opposée. L’exit tax contre les expatrié·e·s fiscaux est allégée, ce qui montre que la lutte contre l’évasion fiscale n’est pas une priorité pour ce gouvernement. Simultanément, le budget 2019 prévoit de gros cadeaux fiscaux au patronat à hauteur de 71 milliards d’euros, dont 42 milliards au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité, l’investissement et l’emploi (CICE) dont le principal effet est de gonfler les profits des entreprises et les dividendes des actionnaires.

Pour Attac, ce budget porte un nouveau coup dur aux retraité·e·s, aux services publics et à la sécurité sociale. Aurélie Trouvé, porte-parole, s’insurge :

« en ne revalorisant que de 0.3%, les minimas sociaux et les retraites, déjà ponctionnées par la CSG, alors que l’inflation est de 1.3%, ce gouvernement organise une réduction générale du pouvoir d’achat ».

Le gouvernement s’attaque également à la protection sociale, dans le cadre du Projet de loi de la Sécurité sociale (PLFSS). Il impose une baisse de 910 millions du budget des hôpitaux, qui manquent déjà de moyens. Il exige également une réduction des dépenses de 3.8 milliards d’euros pour l’ensemble de l’assurance-maladie.

Pour Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac :

« derrière ces chiffres apparait une nouvelle mise en cause de la sécurité sociale, qui se trouve également profondément fragilisée par les baisses de cotisations sociales qui viennent d’être décidées ».

Les services publics sont également le parent pauvre de ce budget. Le gel du point d’indice des fonctionnaires est maintenu. Les suppressions de postes, estimées à 4170, vont se poursuivre.

Dominique Plihon, porte-parole d’Attac, dénonce :

« Ce budget 2019 montre que le projet de ce gouvernement est de poursuivre la casse des services publics, auxquels nos concitoyens sont très attachés ».

Il est urgent que le gouvernement change de cap afin de satisfaire l’exigence de justice fiscale qui s’est fortement exprimée dans la rue ces dernières semaines.

Source https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/budget-2019-le-president-des-riches-maintient-le-cap

Joyeux Noël La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Par rédaction

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Joyeux Noël

Noël en vue. Au-delà de la nullité brouillonne et légendaire des forces du désordre des gouvernants, le petit peuple au quotidien s’agite comme il peut, histoire de préparer ses moments présumés exceptionnels, même si l’ennui est parfois inséparable des moments festifs, c’est bien connu. Athènes et la Grèce n’échappent guère à la règle, magasins et échoppes, visiteurs et badauds, peuple alors digne mais mutant… quand le grand espoir n’est plus d’ici. Le sourire pourtant y est, c’est l’essentiel. On vient de loin, on y va et on résiste !

Visiteurs Place de la Constitution. Athènes, décembre 2018

Athènes se transforme finalement en une destination également hivernale, au croisement on dirait des mutations et des ronds-points… et autres apories giratoires de notre modernité. Le centre-ville croule sous cette nouvelle affluence, entre le tiers de la population grecque échappant à la paupérisation en tout cas plénière, l’essor des activités dites parallèles sans oublier l’économie liée au crime en plein essor, cela fait du beau monde, puis, il y a comme visiteurs hivernaux les Airbnbistes, puis ceux les hôtels, assez remplis pour un hiver grec.

Non sans rapport, l’immobilier grec passe alors aux mains des dits “investisseurs” venus du plus vaste monde, près des deux tiers des logements Airbnb, et bien entendu presque tous les hôtels nouveaux ou rénovés leur appartiennent, à Athènes, comme d’ailleurs au reste du pays. Dans la capitale, les boutiques et les locataires… trop vieux de 40 ans sont alors expulsés, pour que leurs immeubles puissent se transformer en hôtels et autres auberges avant si possible la saison 2019, et on vient d’apprendre que dix grands ports s’ajoutent à la liste des privatisations… le grand appareillage. Toujours dans Athènes, des publicités foncièrement sauvages et à la gloire des rapaces internationaux, incitent les paupérisés de la classe moyenne à brader leurs derniers biens: “Tony Buys House achète des logements”. On vient de loin, on y va et on dépouille !

Mais c’est bientôt Noël. Les retraités devenus vendeurs de billets de loterie sont partout, s’agissant de la loterie ex-nationale, car la… “Grecque des Jeux” a été bradée aux “investisseurs” étrangers pour moins que l’équivalent d’une année de bénéfices. N’en empêche, le maire Yórgos Kamínis vient d’inaugurer l’arbre des circonstances Place de la Constitution, la fanfare municipale y est souvent, de même que nos musiciens de rue, plus nombreux que jamais, Grecs alors paupérisés au regard accablé, interprétant le bon vieux Rebétiko, cette musique populaire apparue dans les années 1920, à la suite des vagues migratoires des populations, principalement, grecques expulsées d’Asie mineure par la Turquie kémaliste.

Fanfare municipale et arbre de Noel. Athènes, décembre 2018
Quand les retraités deviennent vendeurs de billets de loterie. Athènes, décembre 2018
Tony House… achète des logements. Athènes, décembre 2018

Pays moderne, méconnaissable. Plus d’une saisie par minute et par journée ouvrable est déclenchée par l’administration fiscale appartenant à la Troïka, désormais pour une dette envers l’État de moins de 500 euros, et par ailleurs, quatre millions sur dix millions d’habitants sont redevables envers le fisc, d’après les reportages du jour, informations radiophoniques du 22 décembre, (et presse grecque de la semaine). Comme il est noté ailleurs, notre société “elle est désormais exposée à la rapacité de forces qu’elle ne contrôle pas et qu’elle ne compte ni n’espère reconquérir et dompter”. C’est peut-être pour cette raison, que certains organisent à Athènes des conférences pour ainsi populariser la méthode Gandhi. Pourtant, les Grecs regardent les gilets-jaunes français avec émotion et espoir.

Ainsi à Kos, île du Dodécanèse, et pas qu’à Kos, l’administration fiscale Troïkanne persiste et alors elle encaisse. Témoignage de mon ami Olivier Delorme sur sa page Facebook du 20 décembre: “La Grèce va mieux, comme dit Moscovici: chronique du racket au quotidien. En transit à Kos, ce matin entre deux bateaux, nous nous installons dans un café. On commande deux thés, on les boit, en attendant d’en recommander deux autres. Soudain, deux agents du fisc débarquent, avisant notre table avec consommation mais sans encore de note. Et dresse un PV… Je comprends la situation, que la patronne et la serveuse tentent d’expliquer, je tente d’intervenir pour confirmer. Rien à faire ! Au final, nous recommandons deux thés et lorsque les deux notes arrivent, nous constatons que la première a bien été émise à l’heure même où nous avons été servis. Le cafetier est donc taxé non pour ne pas avoir édité de note, mais pour ne pas l’avoir déposée sur notre table en même temps que les thés.”

“Trois minutes plus tard, F. voit sur un journal grec en ligne que le gouvernement a donné instruction de multiplier les descentes du fisc dans les commerces durant les fêtes de fin d’année. Pendant ce temps-là l’optimisation fiscale des gros au Luxembourg de Juncker est toujours parfaitement légale. Et hier un ami nous disait qu’il attend depuis plus d’un an la restitution d’une saisie sur le compte de sa compagne reconnue comme indue par la justice… Mais qu’il se heurte à un mur. Dans le même moment où le gouvernement Tsípras prétend faire un cadeau de Noël aux gens qu’il a contribué à paupériser, il fait les poches à ceux qui ne le sont pas encore tout à fait. Comme dit Moscovici.”

Touristes chinois. Athènes, décembre 2018
La presse et les élections supposées anticipées. Athènes, décembre 2018

“Chacun doit incarner le changement qu’il souhaite apporter au monde”, d’après Gandhi, pendant la presse prétend que les élections anticipées seraient pour bientôt, sauf qu’il ne s’agit plus de s’en émouvoir du côté du peuple. Chacun doit donc incarner le changement, dont sans doute nos touristes venus de Chine avec leurs guides, pour y découvrir les douceurs réelles ou supposés helléniques sous l’Acropole. On vient de loin, on y va et on prend des selfies !

Pays moderne, certes méconnaissable, le “tiers ainsi payant” de la population persiste et signe, d’après la presse de la semaine, aux destinations hivernales du pays, le taux de remplissage des hôtels avoisine près de 90%, certes, les séjours sont très courts mais c’est alors nouveau depuis les années de l’effondrement. Sauf que ce ne sont pas forcement les mêmes vacanciers qu’avant, auxquels s’ajoutent les nouveaux très riches, issus des autres pays des Balkans, pays pourtant largement paupérisés où la classe moyenne est quasi-inexistante.

Pays moderne et dans Athènes, des humains comme parfois tant leurs animaux entraînés pour la cause, sollicitent les passants pour y laisser une petite pièce, clients ainsi des boutiques, touristes, badauds, voire même les migrants, anciens ou nouveaux… en plein circuit-découverte de leur univers nouveau. Au-delà de la nullité brouillonne et légendaire des forces du désordre des gouvernants, la vie continue ainsi coûte que coûte.

Humains comme parfois leurs animaux. Athènes, décembre 2018
Humains comme parfois leurs animaux. Athènes, décembre 2018
Humains comme parfois leurs animaux. Athènes, décembre 2018

Signe des temps qui sont bien les nôtres, un acteur connu et bien sympathique, Pávlos Kontoyannídis, vient de créer son “Mouvement des pauvres” lequel participera aux prochains scrutins, c’est pour donner comme il déclare, de la voix aux paupérisés, “c’est-à-dire à ce 90% de la population qui n’a plus rien à perdre ou qui ne s’en sortent plus dignement comme avant” presse grecque de la semaine. Sincérité politique ou alors opportunisme ? Difficile à savoir.

La Grèce n’échappe ainsi guère à la règle, magasins et autres échoppes… à bras ouverts, des stéréotypes à peine surannés, mais également, une criminalité qui coure alors les rues, criminalité alors petite moyenne et grande. Dans la même série, notons le cas de certains patrons parmi ceux qui versent encore la maigre prime de Noël obligatoire par la législation à leurs employés, mais qui vont escorter par la suite leurs même employés… jusqu’aux guichets automatiques pour que ces derniers retirent alors cette somme de leurs comptes, et pour ainsi la restituer aux dits patrons. C’est bien connu, l’accablement est parfois inséparable des moments festifs, presse grecque du 22 décembre.

Pendant ce temps, la galerie des affairistes réels de SYRIZA s’amuse comme jamais, promettant en même temps de milliers d’embauches dans la fonction publique par le seul souci du clientélisme et de la survie de… caste, la leur. Et à Athènes, les retraités du secteur des banques réclament… le retour de leurs cotisations ainsi volées. Grande criminalité et surtout hybris.

Retraités des banques devant une agence. Athènes, décembre 2018
Retraités des banques devant une agence. Athènes, décembre 2018
Criminalité dite petite. Athènes de jour, décembre 2018
Hilarité. Tsípras et sa bande. Presse grecque, décembre 2018

Noël en vue. Au-delà de la nullité brouillonne et légendaire des forces du désordre des gouvernants, le petit peuple au quotidien se secoue comme il peut, histoire de préparer ses moments présumés exceptionnels.

Dans les cafés, des retraités exposent leur quotidien à d’autres retraités, aux inactifs comme aux bistrotiers. On évoque volontiers et autant la vie en ville, tout comme les nouvelles du village d’origine, la récolte des olives, les… nouveaux péages, le prix du bois pour se chauffer. La dite grande politique est le plus souvent absente, elle n’est plus de ce monde et c’est définitif aux yeux d’une bonne partie des Grecs en tout cas.

Les mentalités évoluent et les masques tombent. D’après le dernier dit Eurobaromètre, seulement 24% des Grecs font encore confiance à l’Union européenne, et c’est le taux le plus bas enregistré dans la dite Union, presse grecque de la semaine. Donc, c’est bientôt Noël, si l’on veut bien considérer qu’il s’agit plutôt d’une lame de fond un peu partout entre Athènes, Rome, Paris ou Dublin.

Bientôt Noël. Athènes, décembre 2018

Noël et ainsi l’arbre de… Yórgos Kamínis, la fanfare municipale, et surtout nos musiciens de rue comme des tavernes interprétant le bon vieux Rebétiko. “Pour moi, c’est d’abord cela, le rebétiko: une atmosphère autant qu’un chant, des visages silencieux et marqués autant que des danses ou des cris, des odeurs mêlées de vin résiné, d’ouzo, de sciure fraîche sous les tables, de mégots refroidis”, écrivait il y a maintenant plus de quarante ans Jacques Lacarrière dans son récit “L’Été grec”.

Des visages silencieux et marqués autant que des danses ou des cris, des odeurs mêlées de vin, Joyeux Noël !

Animal adespote sous abri. Athènes, décembre 2018
* Photo de couverture: Nos musiciens de rue. Athènes, décembre 2018
22 décembre 2018 publié par Panagiotis Grigoriou voir et soutenir son site http://www.greekcrisis.fr mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

La dette grecque : Quelques repères utiles

Par rédaction

La dette grecque : Quelques repères utiles par CADTM Belgique

Cet article correspond au Premier Chapitre de la brochure Comprendre la dette grecque, réalisée et éditée par le CADTM et ZinTV.

La dette est un rouage clé du système capitaliste. Elle permet en effet un transfert de richesses de la majorité de la population vers les détenteurs de capitaux. Autrement dit, elle est un outil d’enrichissement, une source de profit pour les plus riches. On parle ainsi de la dette comme levier d’accumulation du capital.

« La dette d’État, c’est-à-dire l’aliénation de l’État – qu’il soit despotique, constitutionnel ou républicain – marque de son empreinte l’ère capitaliste […]. La dette publique opère comme un des agents les plus énergiques de l’accumulation primitive. Par un coup de baguette, elle dote l’argent improductif de la vertu reproductive et le convertit ainsi en capital, sans qu’il ait pour cela à subir les risques, les troubles inséparables de son emploi industriel et même de l’usure privée. »

Karl Marx, Le Capital, Livre 1, 1867,
Édition et traduction sous la responsabilité de Jean-Pierre Lefevre,
Voir https://inventin.lautre.net/livres/MARX-Le-Capital-Livre-1.pdf, p. 897 et p. 847

Si les traces de systèmes de crédit sont très (très) anciennes et précèdent largement l’avènement du système capitaliste, la dette publique apparaît comme un des mécanismes d’accumulation primitive du capital dès les 14e et 15e siècles dans les républiques marchandes de Venise et de Gênes, puis se généralise dans les puissances européennes à l’époque des conquêtes coloniales et de la création de manufactures (du 16e au 18e siècles). Au 19e siècle, l’endettement public accompagne la formation du capitalisme industriel.

Ce transfert de richesses inhérent au mécanisme d’endettement ne procède pas du seul fait du remboursement des intérêts. En effet, la dette s’avère un outil de dépossession. En témoignent les privatisations massives des années 80 et 90 imposées par les institutions financières internationales dans les pays du Sud sous programmes d’ajustement structurel ou bien en Grèce aujourd’hui, où le patrimoine public est bradé. Notons que les dettes privées peuvent aussi être le moyen de déposséder les classes populaires de leurs biens. Ce fut le cas, entre 2400 et 1400 avant JC., en Mésopotamie lorsque l’État prenait les terres des paysan·ne·s pour impayés. Un phénomène similaire a lieu actuellement en Grèce avec la mise aux enchères de maisons suite à des crédits ou factures non payés [1]. Ces dépossessions et ces transferts de propriété se font toujours en faveur des créanciers, c’est-à-dire de ceux qui possèdent de l’argent et en prêtent ; et au détriment des autres qui faute d’avoir des capitaux doivent en emprunter.

Le caractère profondément politique du mécanisme d’endettement doit aussi être pris en compte, dans la mesure où les dettes sont des armes de domination, de contrôle et de coercition puissantes. La dette publique est ainsi utilisée par les puissances économiques pour servir leurs intérêts économiques et les intérêts privés qui y sont liés, que ce soit en termes d’acquisition de marchés ou de ressources, mais aussi en termes de conquête de territoires et d’expansions impérialistes, (étroitement liées aux intérêts économiques). La colonisation de la Tunisie en 1881 et du Maroc en 1912 par l’État français ou encore de l’Égypte à partir de l’invasion franco-britannique de 1882 en sont quelques exemples. Le non remboursement de pays de la périphérie envers les pays du centre ou les banques de ces mêmes pays a servi dans de nombreux cas à asseoir des menaces d’interventions militaires. Dans le cas du Mexique, ces menaces ont été mises à exécution. Après que le président Benito Juárez eut répudié des dettes illégitimes en 1861, les principales puissances créancières s’accordent pour intervenir militairement dans le pays. En janvier 1862, la France envahit le Mexique puis y installe en 1864 un prince autrichien qui prend le titre de Maximilien Ier, empereur du Mexique.

Mais cette domination politique de certains pays rendue possible par la dette publique est plus indirecte qu’une conquête territoriale. C’est le cas de la Grèce ou des pays du Sud, qui sous prétexte de niveaux d’endettement trop élevés se sont vu imposer des mesures politiques dictées par les grandes puissances au détriment de leurs intérêts et leur souveraineté.

Dès 1821, la Grèce contracte des prêts auprès de banques de Londres pour financer la guerre d’indépendance contre l’empire ottoman. Notamment deux emprunts qui équivalent à 120% du PIB du pays à l’époque. Une bonne partie de ces prêts sert à l’achat d’armement et autres équipements produits au Royaume-Uni. Les taux d’intérêt pratiqués sont très élevés (8,33%), tandis que les montants réellement transférés par les banques londoniennes à la Grèce sont largement inférieurs aux montants empruntés (en raison de commissions prélevées par les banquiers) mais doivent être remboursés dans leur intégralité. Le coût de ces emprunts pour la Grèce s’avère donc exorbitant. Si bien qu’en 1826, elle décide de suspendre le paiement de sa dette. En effet, en plus du coût des opérations militaires, en pleine crise, les banques européennes ont fermé le robinet du crédit refusant à la Grèce de contracter des nouveaux emprunts pour rembourser les anciens.

Le Royaume-Uni, la France et la Russie profitent alors de cette situation pour mettre à la tête du pays un prince allemand qui a pour tâche principale de continuer à honorer les dettes du pays.

Il s’agit de la première Troïka européenne de l’histoire grecque. À l’instar de la Troïka actuelle, celle-ci va d’abord soutenir les banquiers britanniques en s’assurant que les remboursements des emprunts seront effectués par la Grèce. Pour cela, elle va demander à une banque française d’émettre un emprunt pour le compte de la Grèce, tout en se portant garante auprès des banques en cas d’un non-paiement grec. Seulement 20 % de la somme empruntée vont être perçus par l’État grec, le reste ira dans une commission perçue par la banque Rothschild, une indemnisation de l’empire Ottoman suite à l’indépendance grecque ; le Royaume-Uni, la France et la Russie vont également en prendre une partie et enfin une somme non négligeable servira à couvrir les frais du prince Othon et à l’achat d’armes. Bien évidemment cette Troïka va exiger de la Grèce qu’elle rembourse l’intégralité de cet emprunt illégitime.

Ces trois puissances vont exercer une tutelle stricte sur le budget grec (et ce en violation de la nouvelle constitution du pays), exigeant une augmentation des taxes et impôts et une réduction des dépenses sociales et des investissements publics.

En 1843, suite à l’impossibilité où se trouvait la Grèce de rembourser ses dettes, les trois puissances européennes lui imposent un programme d’austérité sévère, tel un mémorandum, afin qu’elle poursuivre le remboursement. Parmi les mesures, on trouve le licenciement des fonctionnaires, la suppression des services de santé, la suspension du versement des retraites…

Puis, après une restructuration de la dette publique grecque en 1878 au bénéfice des créanciers, une « Commission financière internationale » est mise en place par les puissances européennes en 1898, qui institutionnalise la tutelle financière de la Grèce afin d’assurer les remboursements et de préserver les intérêts des grandes banques privées de ces pays.

Ça ne vous rappelle rien ?

Pour aller plus loin :
Toussaint Éric, « La Grèce indépendante est née avec une dette odieuse », CADTM, avril 2016.
Toussaint Éric, « Grèce : La poursuite de l’esclavage pour dette de la fin du 19e siècle à la Seconde Guerre mondiale », CADTM, mai 2016.

L’utilisation des dettes (publiques comme privées) comme outils de transfert de richesses et armes politiques est donc loin d’être un phénomène nouveau et spécifique à la Grèce. Toutefois, on ne peut nier qu’aujourd’hui le cas de la Grèce devient emblématique de la violence et l’injustice de ce système dette, que ce soit du point de vue de l’appauvrissement de la majorité de la population engendré par le remboursement d’une dette qui n’est pas la sienne tandis que d’autres s’enrichissent grâce à cette même dette, ou de la mise sous tutelle de la Grèce qui atteint un niveau tel que l’on peut qualifier aisément le pays de « colonie européenne de la dette ».

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LES 3 MEMORANDUMS

Mai 2010
1er mémorandum : 110 mds d’euros

Prêt du FMI (30 mds prévus → 20 mds ont été déboursés ) + prêts bilatéraux des pays européens (80 mds prévus → 52,9 mds ont été déboursés)

Mars 2012
2e mémorandum : 159,8 mds d’euros

Prêt du Fond européen de stabilité financière – FESF (141,8 mds prévus → 130,9 mds ont été déboursés et utilisés) + prêt FMI (18 milliards prévus → 12 mds ont été déboursés)

Juillet 2015
3e mémorandum : 86 mds d’euros

Prêt du Mécanisme européen de stabilité – MES


LA CRÉATION DE LA COMMISSION POUR LA VÉRITÉ SUR LA DETTE GRECQUE

La Commission pour la vérité sur la dette grecque a été créée le 4 avril 2015 via décret par la présidente du parlement hellénique Zoé Konstantopoulou. La coordination scientifique des travaux a été confiée à Éric Toussaint, porte-parole du réseau CADTM. Cette commission se compose d’une trentaine de membres : la moitié de Grecques et Grecs, l’autre d’internationaux (de dix nationalités différentes). Cette commission a eu pour mandat d’analyser la dette publique grecque entre 2010 et 2015 et d’en identifier les parties illégitimes, odieuses, illégales et insoutenables ainsi que de formuler des arguments juridiques, qui pourraient justifier son annulation.



Le FMI c’est quoi ?

Le FMI (Fonds Monétaire international) est une institution financière internationale créée en 1944 à Bretton Woods (en même temps que la Banque mondiale, son institution jumelle). 189 pays en sont membres. Son but officiel est de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux. Pour se faire le FMI accorde des prêts aux pays en difficultés financières. La contrepartie de ces prêts est la signature d’un accord imposant des mesures d’austérité. Cet argent est mis à disposition par tranches, après vérification de l’application effective des mesures exigées. Certaines tranches pouvant être suspendues si le pays ne satisfait pas aux exigences.
Le FMI est dirigé par une personnalité européenne. Depuis juillet 2011, sa directrice est la Française Christine Lagarde, qui a succédé à Dominique Strauss-Kahn.


La BCE c’est quoi ?
La BCE (Banque centrale européenne) est une institution européenne créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matière monétaire. La BCE est donc responsable de la mise en œuvre de la politique monétaire dans ladite zone. Dans cette optique son objectif principal est d’assurer la stabilité des prix en visant une inflation annuelle maximale de 2%. Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est dirigée par d’anciens banquiers et influencée par les établissements financiers privés. Et bien que ses statuts la limitent à des compétences monétaires, la BCE se prononce régulièrement sur des enjeux liés aux affaires internes de pays, au marché du travail…
Les statuts de la BCE ainsi que le traité de Lisbonne lui interdisent (tout comme aux banques centrales de l’Union européenne) de prêter directement aux États. Elle prête donc aux banques privées qui à leur tour prêtent aux États à un taux plus élevé.


Le FESF, c’est quoi ?
Le FESF (Fonds européen de stabilité financière) est une société anonyme de droit luxembourgeois créée en 2010 dans le contexte de la crise des dettes souveraines en Europe. Son objectif officiel est de garantir la stabilité financière de la zone euro. Pour se faire, elle prête de l’argent aux pays en difficultés financières. Ces prêts sont conditionnés à la mise en œuvre de mesures d’austérité. On dit souvent que le FESF est une sorte de FMI européen. Pour financer ses prêts, le FESF emprunte de l’argent sur les marchés financiers. Des emprunts qui sont garantis par les pays de la zone euro en cas de défaut. Le FESF a été remplacé par le MES en 2012, mais il continue à gérer les remboursements des prêts effectués.


Le MES, c’est quoi ?
Le MES (Mécanisme européen de stabilité) est créé en 2012 pour prendre le relais du FESF, qui était mis en place de manière temporaire. Il poursuit donc les mêmes objectifs et a les mêmes modalités d’action. Toutefois, contrairement à son prédécesseur, le MES est une institution financière internationale vouée à perdurer dans le temps.


La Troïka, c’est quoi ?
La Troïka est un trio d’institutions informel qui n’est prévu dans aucun traité et ne dispose pas de statuts. Elle se compose de la BCE, du FMI et de la Commission européenne. Son rôle est d’assurer le suivi des pays confrontés à d’importantes difficultés financières et bénéficiant de prêts accordés par l’Union européenne et le FMI. Afin de vérifier la mise en œuvre des réformes exigées en contrepartie des prêts, la Troïka organise des visites d’inspection dans les pays signataires : on parle de « revues ». Lors de ces revues, la Troïka n’hésite pas à demander la suppression de certaines mesures prises par les organes démocratiques du pays ou encore de réécrire un projet de loi avant que celui-ci soit examiné par les instances parlementaires. Si la Troïka estime que sa revue n’est pas satisfaisante elle peut retarder le versement des tranches des prêts. La Troïka est intervenue à trois reprises en Grèce (2010, 2012 et 2015), en Irlande en novembre 2010, au Portugal en mai 2011et à Chypre en mars 2013.


La Commission européenne, c’est quoi ?
La Commission européenne est une institution créée en 1958 par le traité de Rome. Elle est l’organe exécutif de l’Union européenne. C’est elle qui en définit l’orientation politique et stratégique. Elle est composée d’un·e commissaire européen·ne par État membre, soit 28 commissaires, et d’un·e président·e. Le président actuel est Jean-Claude Juncker. À l’origine elle a été pensée comme « le moteur de l’intégration » en prétendant être garante de l’intérêt général de l’Union européenne. Le contraire a depuis longtemps été prouvé puisque les décisions et actions de la Commission européenne préservent en réalité les intérêts des grosses entreprises et du capital européen.


C’est quoi l’Eurogroupe ?
L’Eurogroupe c’est la réunion mensuelle au Luxembourg des ministres des Finances des États de la zone euro. Il a été créé en 1997 par le Conseil européen et sa première réunion s’est tenue en juin 1998. L’Eurogroupe est un organe informel, sans statuts ni existence juridique. Pourtant en deux décennies il est devenu l’un des principaux organes décisionnels en matière de politique économique et monétaire de l’Union européenne. Depuis décembre 2017, c’est le ministre portugais Mario Centeno qui est le président de l’Eurogroupe, succédant au Néerlandais Jeroen Dijsselbloem (2013-2018) et au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker (2005-2013).


Voir tableau sur l’Évolution du taux d’endettement public de la Grèce et Qui détient la dette publique grecque aujourd’hui ? sur le site du CADTM



Notes

[1] Pour en savoir plus sur les mises aux enchères aujourd’hui en Grèce voir cet entretien : Betavatzi Eva et Filippides Filippos, « Les banques et l’État grecs essaient de prendre nos maisons tous les mercredis au tribunal de paix », CADTM, décembre 2016.

Auteur.e CADTM Belgique

Source http://www.cadtm.org/La-dette-grecque-Quelques-reperes-utiles

La crise laisse les grecs affamés et les enfants mal nourris

Par rédaction

La situation dramatique vécue par les Grecs à cause de la crise qui a frappé le pays est décrite par la radio allemande « Deutsche Welle » sur la base d’une enquête de l’Institut transnational selon laquelle 14% des petits enfants grecs souffrent de malnutrition car ils ne peuvent même pas assurer tous les deux jours un plat de viande. , poulet ou poisson.

Dans le reportage intitulé « La crise de la dette laisse les Grecs affamés et les enfants atteints de malnutrition », il est noté que ce chiffre est le double de celui enregistré en 2008, au début de la crise.
Le reportage commence par une description de la situation chez un poissonnier du centre de Marathon. « Il est midi et la poissonnerie est toujours vide. Personne n’est encore venu… » , déclare la propriétaire Maria Hassotou. « Comme ils ne sont pas encore venus, ils ne viendront probablement jamais… Encore un jour avec des légumineuses et des pâtes. »
Le rapport souligne les données de recherche de l’institut basé à Amsterdam, car les enfants sont les plus touchés par la crise économique qui dure depuis huit ans et qui a laissé 25% de la population active sans travail. Ce chiffre est quatre fois supérieur à ce qu’il était avant le début de la crise en 2009.
En conséquence, environ 14% des enfants souffrent de malnutrition.

Du côté des retraités c’est pas mieux : « Il y a des signes de faim partout. Et si je n’avais pas d’autre moyen de mettre de la nourriture sur la table pour mes enfants, je regarderais dans les poubelles « , a déclaré George Kricky, retraité, à DW, ajoutant qu’il avait vu un ami en train de regarder la poubelle d’un supermarché pour trouver quelque chose pour sa famille.
L’histoire met en lumière la réalité de milliers de ménages basée sur le revenu des grands-parents. « Mais les retraites ont été réduites 13 fois depuis 2009, laissant les familles avec des revenus considérablement moindres, sans même avoir accès au nécessaire », a ajouté le rapport.
Selon l’enquête du Transnational Institute, 9% des enfants grecs ne peuvent pas manger au moins un repas protéiné alors que ce taux était de 4% avant le début de la crise.
Les gens se murent dans le silence : « Inquiets d’admettre cette situation difficile, plusieurs chefs de famille ont choisi de souffrir en silence », écrit DW, ajoutant que pour cette raison, le taux de malnutrition pourrait être encore plus élevé.
Il cite le témoignage d’une femme de Marathon: « Beaucoup de femmes de mon quartier me demandent de leur apporter un peu de nourriture parce qu’elles ont honte d’aller à la soupe populaire. Les Grecs sont dignes et cachent leurs souffrances depuis des années, mais maintenant la faim est omniprésente. Et le pire semble être en expansion. « 

Le journaliste de DW affirme qu’il y a beaucoup d’incidents avec des enfants qui échouent à l’école à cause de la faim. Il cite également les témoignages d’enseignants selon lesquels des élèves vont à l’école pendant des mois en ayant manger que du riz. « Certains enfants ont été identifiés pour fouiller les ordures ».

L’ église orthodoxe grecque du pays fournit une aide importante pour nourrir environ 60 000 personnes par jour. Mais la politique de pauvreté a laissé des débris sur son passage et de nombreuses familles continuent de souffrir.

« Les économies ayant disparu, certains ont même été obligés de laisser leurs enfants dans des institutions qui choisissent de leur rendre visite deux ou trois fois par semaine car ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins essentiels », ajoute le rapport.

L’ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation et membre de la Commission des droits économiques et sociaux des Nations Unies a suggéré qu’il fallait rechercher la responsabilité de la violation du droit d’accès à l’alimentation.
« Il est peu probable que les responsables à Athènes soutiennent bientôt une telle action. Depuis le début de la crise, les gouvernements grecs ont consenti à des mesures d’austérité strictes et à des mesures fiscales en contrepartie de prêts qui ont préservé le pays « , a rapporté DW.

SOS Méditerranée répond aux questions

Par rédaction

Chers amis,

Le vendredi 7 décembre nous vous partagions notre décision de mettre fin à l’affrètement de l’Aquarius et notre volonté de trouver au plus vite un nouveau navire pour repartir sauver des vies en mer. Suite à cette annonce, nous avons reçu de nombreuses questions de votre part comme par exemple :

∎ Est-ce que la fin d’affrètement de l’Aquarius signifie la fin des opérations de sauvetage pour SOS MEDITERRANEE ?
∎ Que vont devenir l’Aquarius et le reste de l’équipage ?
∎ En quoi changer de navire vous permettra de continuer vos opérations de sauvetage ?
∎ À quoi vont servir les dons tant que vous n’avez pas de nouveau navire ?
∎ Quand pensez-vous repartir ?

Toutes ces questions sont importantes et vous en avez certainement d’autres. Nous vous proposons de nous retrouver en direct.

Mercredi 19 décembre à 12h30 sur YouTube

Sophie BEAU, cofondatrice et directrice de l’association SOS MEDITERRANEE France et Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS MEDITERRANEE répondront à vos questions. Cette « discussion » durera environ 45 minutes et sera accessible via ce lien privé auquel vous pouvez accéder librement.

Vous pourrez poser vos questions en direct dans les commentaires mais pour cela il faut vous créer ou vous connecter avec un compte YouTube. Si vous préférez nous poser vos questions par écrit, vous pouvez nous envoyer un email jusqu’au 18/12 à question@sosmediterranee.org.

Face à l’inacceptable, restons mobilisés pour repartir sauver des vies en mer.

Merci pour votre engagement,

L’équipe de SOS MEDITERRANEE
#TogetherForRescue

 

 

Annonces de Macron : un enfumage

Par rédaction
Annonces de Macron : un enfumage pour préserver l’injustice fiscale et les cadeaux faits aux riches par Attac France

Alors que l’ensemble du pays est parcouru d’une puissante aspiration à plus d’égalité sociale et fiscale, Emmanuel Macron s’est enfin exprimé, après trois semaines de silence, mais refuse de changer de cap.

Derrière quelques mesures « sociales » qui cachent un affaiblissement de la protection sociale et le refus d’une augmentation générale des salaires, Emmanuel Macron a surtout confirmé les très importants cadeaux fiscaux faits aux plus riches (ISF, Flat tax, etc), son agenda néolibéral (réformes des retraites, de la fonction publique et de l’assurance chômage) et la poursuite de la baisse des dépenses publiques au détriment de la présence et de la qualité des services publics.

L’exécutif pense-t-il vraiment pouvoir se sortir d’une crise sociale et politique majeure en accélérant la mise en œuvre d’une politique largement rejetée dans le pays ?

Emmanuel Macron est toujours le Président des ultra-riches : il a fait le choix de préserver les intérêts des 1% les plus riches en ne revenant pas sur la suppression de l’ISF, l’allégement de l’Exit tax ou l’instauration de la Flat tax. Contrairement à ce qu’il prétend, l’exécutif n’a pas écouté les exigences populaires exprimées depuis des semaines en faveur de mesures fiscales plus redistributives : il maintient le cap d’une politique profondément inégalitaire et inefficace qui grève le budget de l’État.

L’annonce d’une hausse du SMIC de 100 euros est une véritable arnaque puisque le SMIC n’est pas revalorisé, pas plus que les salaires juste au-dessus du SMIC. Le salaire perçu va augmenter via la hausse de la prime d’activité, qui était déjà dans les tuyaux. Magnifique tour de passe-passe que tente le Président. Plutôt que de faire financer les hausses de salaires par les entreprises, il fait payer les contribuables. La défiscalisation des heures supplémentaires profitera d’ailleurs aux salarié·e·s les mieux payé·e·s et qui ont la possibilité d’en faire. C’est par ailleurs des ressources en moins pour le budget de l’État. La désocialisation conduira mécaniquement à une fragilisation de notre système de protection sociale »

Les populations les plus en difficulté sont par ailleurs oubliées : aucune augmentation des minimas sociaux n’a été annoncée, tandis que les retraites ne sont toujours pas indexées sur le coût de la vie, une revendication exprimée depuis plusieurs semaines. Étudiant·e·s et lycéen·ne·s, mobilisé·e·s dans la rue et largement réprimé·e·s, sont complètement ignoré·e·s par l’exécutif.

Emmanuel Macron s’entête à poursuivre une politique qui consiste à basculer la fiscalité des entreprises sur les ménages et à préserver les intérêts acquis des multinationales (CICE, CIR, etc) et de leurs actionnaires ; alors que les investissements-climat des entreprises françaises stagnent depuis plusieurs années et pourraient même baisser en 2018, l’exécutif rate l’occasion de réorienter, par voie réglementaire et fiscale, les investissements privés vers la transition écologique et ainsi réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays qui sont reparties à la hausse

En refusant de réduire structurellement les inégalités fiscales et sociales dans le pays, Emmanuel Macron confirme avoir endossé son costume de « Président des riches » au détriment des intérêts des plus pauvres et plus précaires, mais également au détriment d’une politique de transition écologique chaque jour plus nécessaire. La baisse confirmée de la dépense publique ne pourra qu’aggraver la situation des services publics et de la protection sociale. La poursuite de son agenda néolibéral (réformes des retraites, de la fonction publique et de l’assurance chômage) illustre le mépris et l’incompréhension du gouvernement envers les mobilisations en cours. De plus, Emmanuel Macron n’hésite pas à faire un appel du pied à l’extrême-droite sur la question de l’immigration pour tenter de détourner la colère sociale actuelle.

Le pouvoir reste sourd aux exigences légitimes exprimées. Attac France appelle ses adhérent·e·s, et ses comités locaux à rester mobilisé·e·s et être présent·e·s dans les mobilisations des jours à venir, notamment le vendredi 14 à l’appel d’organisations syndicales et samedi 15 décembre à l’occasion de l’acte 5 du mouvement des « gilets jaunes », pour exiger plus de justice sociale, fiscale et écologique.

P.-S.

Crédits photo : Brice Le Gall

Le fond de l’air est jaune

Par rédaction

Le fond de l’air est jaune par Cédric Durand ( Contretemps)

Soulèvement populaire pour la justice fiscale et le pouvoir d’achat, les gilets jaunes cristallisent la convergence de toutes les colères contre Emmanuel Macron et, au-delà, le capitalisme néolibéral mondialisé dont il est le nom. De l’événement gilets jaunes ou de la structure du macronisme, qui va digérer l’autre ? Le simple fait que la question se pose est déjà extraordinaire. Un examen de clinique politique rudimentaire ne peut que renforcer le constat. L’arrogance de classe présidentielle et sa proximité avec les milieux financiers ont beaucoup contribué à faire monter la pression dans la cocotte-minute qui explose aujourd’hui. Mais la question politique posée par les gilets jaunes dépasse le cas Macron. Une fissure historique est ouverte. La tâche de toutes les forces anticapitalistes est d’élargir la brèche.

Coup d’arrêt

Arrière-garde du néolibéralisme triomphant des années 1990, Emmanuel Macron et ses soutiens ont hérité du pouvoir par un concours de circonstance. Qu’en ont-ils fait ? Sans coup férir, ils ont engagé le programme d’ajustement structurel que des décennies de résistances sociales n’ont eu de cesse de ralentir. La blitzkrieg fut un succès. Droit du travail, fiscalité, privatisations… Jouant sur l’avantage psychologique d’une victoire électorale surprise, la nouvelle équipe avança simultanément sur tous les fronts, déroulant sans ménagement un agenda entièrement structuré par les mots d’ordre éternels du capital que sont la compétitivité et l’attractivité pour les investisseurs.

Les réformes s’enchainaient à un rythme si effréné que, par l’effet domino des complémentarités institutionnelles, on pouvait craindre qu’elles ne fassent éclater ce qui reste du compromis social qui singularise l’hexagone depuis le milieu du XXe siècle. D’ailleurs, c’était l’objectif. Emmanuel Macron avait fait d’une détermination totale sa marque de fabrique. Au printemps dernier, il déclarait sur Fox News qu’il n’y avait « aucune chance » qu’il recule sur la réforme de la SNCF car, disait-il, « si j’arrête, comment pensez-vous que je serai en mesure de moderniser le pays ? ».

Eh bien c’est chose faite ! Emmanuel Macron a été arrêté. Il a un genou à terre. Pour la première fois du quinquennat, le pouvoir a cédé à la rue. En décidant d’abord d’annuler les hausses prévues sur les carburants puis de prendre une série de mesures limitées sur le pouvoir d’achat,  il a concédé sa subordination en dernier ressort au mouvement populaire. Et, comme Macron l’avait justement anticipé, la signification principale de ce coup d’arrêt, c’est que la normalisation néolibérale de la France qu’il s’était donné pour mission d’accomplir ne pourra pas avoir lieu dans l’immédiat.

Montée des profondeurs du pays, la colère des gilets jaune a brutalement donné corps à L’illusion du bloc bourgeois identifiée par Bruno Amable et Stefano Palombarini[1]. Faire de la France une Start-up Nation, mobiliser la finance pour sauver le climat et jouer les premiers de cordée… les signifiants positifs auxquels se rattache la feuille de route macroniste sont très minoritaires dans le pays. Et ils le sont d’autant plus qu’à l’heure des premiers bilans ils n’ont pas trouvé de confirmation dans le mouvement réel du revenu disponible et de l’emploi.

En haut, les firmes et les très riches ont tout de suite perçu les dividendes de l’élection de leur candidat. Mais en bas, les classes moyennes et populaires ont pris de plein fouet les politiques de la nouvelle majorité. Ces politiques ont accru la pression fiscale à laquelle la fraction de droite des classes moyennes et populaires est particulièrement sensible et, en même temps, mis en joue les garanties collectives, les services publics et la protection sociale auxquelles les fractions de gauche tiennent par dessus tout. Le mouvement des gilets jaunes est une contre-attaque sur ces deux fronts ; et de droite et de gauche donc, il a brutalement siphonné le carburant politique du pouvoir qui se retrouve en panne sèche sur la bande d’arrêt d’urgence.

Le temps de la discorde

En quatre semaines, la révolte des gilets jaunes est devenue un événement politique majeur, peut-être même le plus importants des cinquante dernières années en France. Sa puissance proto-révolutionnaire est le produit d’une combinaison inédite.

La géographie d’abord est très particulière. Il s’agit d’un mouvement périphérique qui, de péages en ronds-points, a tissé un maillage serré sur tout le territoire.  C’est ainsi qu’il s’est donné une grande visibilité,  une forte transversalité sociale – agrégeant de multiples catégories – et une puissante capacité de diffusion. Le fait que 20 % de la population française se considère comme « Gilet Jaunes »[2] est significatif.  Une fois le gilet jaune comme signifiant flottant de la révolte fixé, la structure en réseau permet toutes les appropriations et toutes les déclinaisons, favorisant ainsi l’agrégation des colères et leur convergence en plein Paris, au plus près des lieux de pouvoir.

Initiée sur les réseaux sociaux, la mobilisation des gilets jaunes ne fait l’objet d’aucun encadrement syndical ou politique. Cela ne veut bien entendu pas dire que les ressources militantes ne s’y déploient pas. Souvent, parmi les groupes qui entrent en action, quelques individus ont eu des expériences syndicales, politiques, associatives ou  furent impliqués dans des luttes citoyennes, dans des ZAD. Surtout, cette lutte produit une nouvelle synthèse dans laquelle l’accumulation de rage contenue pendant trop longtemps et d’expériences des combats de ces dernières années sonnent ensemble l’heure de la revanche.

En haut ça tangue. Très fort… Le fait que le premier recul consenti se soit fait dans la cacophonie – plus de 24h d’ambigüité les 4 et 5 décembre sur le caractère pérenne de la non-application de la taxe sur les carburants – est un symptôme du désarroi qui s’est emparé des plus hauts cercles du pouvoir. Au moment où la crise éclate, il ne reste plus rien de l’élan de la fulgurante victoire présidentielle. Le gouvernement s’est rétréci, la hiérarchie policière est fragilisée par l’affaire Benalla, la jeune garde de conseillers présidentiels sourde aux remontées de ses administrations est aveugle sur la situation politique, les parlementaires déboussolés sont aux abonnés absents, le parti présidentiel inarticulé, sans ancrage territorial s’avère complètement inopérant pour endiguer la vague. Échaudé par l’accueil reçu au Puy en Velay, Emmanuel Macron se terre dans son palais. Il est « un peu perdu » nous dit un conseiller. En réalité paniqué, craignant pour sa vie.

Tous ces éléments participent de l’isolement de l’exécutif. Un isolement qu’il s’efforce de briser à partir du 5 décembre. D’abord en constituant une coalition contre « les désordres » et les  « violences », ce qu’il est parvenu à réaliser avec un certain succès pour la journée du 8 décembre. Le premier ministre se payant le luxe de remercier tous les responsables politiques, syndicaux et associatifs qui ont accepté de rejoindre son appel au calme. Un moyen d’essayer de contrebalancer une réalité contrariante. En dépit d’une stratégie de la tension maximale et d’une répression à la fois brutale et massive, la mobilisation ne faiblit pas mais s’enracine. Il y a toujours autant de monde dans la rue et des jonctions s’opèrent avec les écologistes des marches pour le climat et avec la jeunesse scolarisée.

Au lendemain du 8 décembre, l’exécutif poursuit sa manœuvre de désencerclement, se met en quête d’une nouvelle combinaison politique qui lui permette de renforcer son assise. Consultant tous azimuts, il lâche un peu de lest sur le pouvoir d’achat et cherche de nouveaux appuis, au-delà d’une majorité parlementaire numériquement forte mais socialement très étroite. C’est à ce stade des développements politiques que correspond l’intervention présidentielle du 10 décembre. Quelques rodomontades sur l’ordre républicain, un acte de contrition forcé et des concessions calculées au plus juste pour espérer faire baisser la pression. Rien de plus.

C’est un aveu de faiblesse et un encouragement à la poursuite de la mobilisation. Mais cela ne doit pas faire oublier qu’il reste encore au pouvoir de nombreuses cartes en main, jusqu’à la suspension complète des libertés démocratiques ordinaires. La constitution donne la possibilité au Président de la République de recourir aux pouvoirs exceptionnels. Si, en 1958, De Gaulle pouvait tenter de rassurer en déclarant : « Pourquoi voulez-vous qu’à soixante sept ans je commence une carrière de dictateur ? ». Maintenant c’est Emmanuel Macron qui dispose de l’article 16 et lui n’a que 40 ans… L’ombre d’un devenir autoritaire plane sur un régime entré dans une crise existentielle.

Des contradictions au sein du peuple gilets jaunes

Une des singularités de ce mouvement est de poser frontalement la question du pouvoir : « Macron démission ! » est un mot d’ordre unanime qui sature tous les autres. Mais le contenu social de cette revendication reste indéterminé. Une bataille qui se joue sur les réseaux sociaux, dans les prises de parole, sur les chasubles jaunes, sur les pancartes, sur les murs… C’est évidemment une difficulté majeure.

Dans ce mouvement cohabitent, dans une grande confusion, des affects de gauche et des affects de droite, une grande masse de gens peu politisés, des militants anticapitalistes et des fascistes. De plus, il est impossible d’ignorer que les accessions au pouvoir de Bolsonaro au Brésil, l’alliance M5S–Legga en Italie et même, à la limite, Trump aux États-Unis sont, à des degrés divers, des répliques de mobilisations sociales au contenu initialement indéterminé : contre la hausse du prix des transports au Brésil, contre la corruption et contre des impôts considérés comme injustes en Italie ou encore, même si là l’ancrage côté républicain était plus évident, contre les sauvetages bancaires avec le Tea Party étatsunien.

Pour le dire vite, il y a dans les mouvements décadrés qui caractérisent cette décennie 2010 la recherche d’une issue hors du néolibéralisme. Une sortie qui peut se faire dans deux directions. La première est celle d’un réencastrement dans la communauté nationale : il s’agit alors de tenter de colmater la polarisation de classe à coup de panique identitaire. Si l’ennemi principal devient le migrant ou l’exportateur chinois, une autre politique pro-capitaliste est possible.

C’est la stratégie Trump-Salvini-Wauquiez-Le Pen qui rompt avec l’idéologie de la mondialisation heureuse pour mieux consolider les acquis politiques arrachés par les classes les plus riches ces dernières décennies. Mais cette ligne inspire jusqu’au gouvernement. En témoigne la manipulation grossière tentée par le Ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, lorsqu’il répond aux questions du Figaro le 7 décembre:

« Il ne s’agit pas seulement d’un ras-le-bol fiscal, mais d’une crise identitaire. (…)  ils se posent la question de l’avenir de nos enfants, s’interrogent sur la place des religions et notamment de l’islam. ».

Mêler l’Islam au prix de l’essence et le pouvoir d’achat, il fallait oser ! Malheureusement, cette réaction résonne avec les efforts de l’extrême droite pour mettre la question du pseudo « pacte de Marrakech » sur les migrations au cœur des discussions des gilets jaunes. La lucidité oblige à s’en inquiéter. A l’échelle internationale, les droites nationalistes ont une longueur d’avance. Et, du point de vue du capital, c’est aussi le chemin qui est le moins dangereux.

La seconde voie, est celle de la gauche et des mouvements sociaux. Une direction solidement élaborée dans la critique du néolibéralisme depuis les années 1990. Au sein des gilets jaunes, les demandes de justice sociale, de hausse des salaires, de défense des services publics et d’hostilité à l’oligarchie se nourrissent de plusieurs décennies de critique du capitalisme mondialisé et financiarisé. La centralité des revendications sur le rétablissement de l’ISF, la circulation des vidéos de François Ruffin ou d’Olivier Besancenot témoigne de la vitalité de cette main gauche du mouvement.

Mais le fait que ces demandes prennent corps hors des cadres de la gauche et des mouvements et que la mobilisation pose abruptement la question du pouvoir, est aussi un désaveu. La dénonciation du néolibéralisme par la gauche ne s’est pas imposée comme une perspective stratégique clairement articulée. Si l’on veut faire une autre comparaison internationale, l’émergence de Podemos en contrepoint au mouvement espagnol des places, apparaît comme l’exemple d’un débouché politique à gauche. Mais, hélas, un débouché qui est déjà acculé à un accord de soutien d’un gouvernement socialiste PSOE et semble toucher ses propres limites.

Il ne s’agit pas de détailler les circonstances, batailles et bifurcations qui singularisent les différentes trajectoires évoquées. Il s’agit seulement de se souvenir de ces expériences récentes pour souligner que l’énergie politique formidable déjà dégagée par les gilets jaunes ne restera pas sans lendemain. Aujourd’hui,  l’urgence c’est de tenir et d’élargir le front, d’arracher tout ce qui est possible au gouvernement, de tenter de le déstabiliser jusqu’à le faire chuter, d’apprendre et de découvrir ensemble de nouveaux horizons politiques. Mais c’est aussi, dans le même mouvement, d’anticiper sur la bataille qui viendra  après. Et là, c’est déjà une polarisation entre droite extrême et gauche conséquente qui se profile.

Questions de fins

Bien sûr, le fait que la hausse des prix des carburants ait mis le feu à la plaine de l’exaspération sociale n’a rien d’anecdotique. C’est même le symptôme d’une discordance des temps bien plus profonde que l’aporie du macronisme. Cela a été répété sur tous les tons, un des aspects clés des turbulences actuelles, c’est la désarticulation du temps long du réchauffement climatique et du temps court des fins de mois difficiles. Mais il n’est pas moins important de noter que la conflagration actuelle résulte aussi de la collision entre la discipline de fer de la mondialisation et les aspirations démocratiques.

À ce propos, Olivier Blanchard, l’ancien économiste en chef du FMI postait le 6 décembre ce tweet surprenant :

« Se pourrait-il que, compte tenu des contraintes politiques pesant sur la demande de redistribution et les contraintes liées à la mobilité des capitaux, nous ne soyons pas en mesure de réduire suffisamment les inégalités et l’insécurité pour prévenir le populisme et les révolutions ? Qu’est-ce qui vient après le capitalisme ?« .

Qu’est-ce qui vient après le capitalisme ? C’est bien l’éléphant dans la pièce où se bousculent exigences populaires, crise écologique et impasses économiques.

Le philosophe Fredric Jameson écrivait qu’il est aujourd’hui « plus facile d’imaginer la fin du monde que d’imaginer la fin du capitalisme ». Enfermées dans l’éternel présent du néolibéralisme, assignées à résidence par le tourbillon incessant des injonctions marchandes, nos sociétés ont perdu le sens de l’histoire. Le futur se réduit à deux options également déprimantes : la répétition éternelle de ce qui est déjà ou bien l’apocalypse. Pour Jameson, ce qui importe vraiment c’est que le temps recommence à transmettre les signaux de l’altérité, du changement, de l’utopie :

« Le problème à résoudre est celui de sortir du présent sans vent du postmoderne pour revenir à un temps historique réel, à une histoire faite d’êtres humains »[3].

Une histoire faite d’êtres humains. Pour que cela advienne, la colère qui fait monter les barrages et les barricades est une énergie indispensable. Mais elle ne suffira pas. Il lui faudra aussi l’ambition collective d’inventer un futur qualitativement différent de l’éternité marchande.

Notes

[1] Bruno Amable et Stefano Palombarini, L’iIllusion du bloc bourgeois, Raisons d’agir, 2017.

[2] http://premium.lefigaro.fr/vox/societe/2018/12/06/31003-20181206ARTFIG00255-gilets-jaunes-un-mouvement-en-voie-de-durcissement.php

[3] Fredric Jameson, « Future City », New Left Review, May-June 2003

Source : http://www.contretemps.eu/gilets-jaunes-macron/

Trêve de Noël La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Par rédaction

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Trêve de Noël

En ce moment dans l’autre pays réel c’est le temps des amours. Rivalités et alors bagarres entre nos braves matous qui se battent dans les rues et sous les immeubles athéniens. Cela étant dit, c’est reculer pour aussitôt revenir à la charge sans évidemment jamais finir dans… l’extermination mutuelle. Chez les humains, pratiquement technoïdes mais pas encore entièrement, les formes de luttes vraies ou fausses trouvent toujours leurs formes diverses et variées. Nous y sommes encore, entre, tantôt l’amorce d’un rassemblement… finalement plutôt approximatif des gilets-jaunes samedi 15 décembre place de la Constitution, tantôt, sur les mêmes lieux, de la manifestation organisée à l’initiative des… automates du syndicalisme des retraités du PC grec. Le tout, sous… l’arbre, forcement celui de la municipalité et de Noël. Marchands sans Temple.

L’arbre de Noël en construction. Athènes, place Sýntagma, décembre 2018

Dans les quartiers même périphériques, et pas qu’à Athènes, on installe les marchés dits de Noël. Entre autres objets de pacotille, ce sont surtout les dégustations, épiceries et autres pâtisseries, si besoin traditionnelles qui se taillent la part du lion de la consommation. Mais ce n’est presque que 30% de la population du pays qui reste concerné on dirait. Les médias systématiquement… systémiques reproduisent alors ce reportage de la Deutsche Welle… de la métropole, où il est question d’une enquête récente du “Transnational Institute” néerlandais, au sujet de la pauvreté des Grecs… devenue endémique.

D’après cette enquête sur la situation générale… de la Colonie grecque en ce moment, “14% des enfants grecs souffrent de malnutrition car ils ne peuvent même pas disposer d’un plat de viande, de poulet ou de poisson tous les deux jours. Le reportage débute par la description de la situation chez un poissonnier central à Marathon. ‘C’est déjà midi et je n’ai pas vu un seul client. Personne n’a franchi notre porte dit son propriétaire María Hassíotou. Comme les clients ne sont pas encore venus, ils ne viendront probablement plus du tout de la journée, encore un autre jour pour les gens… au régime légumes secs et pâtes, ajoute-t-elle.”

“L’histoire met en lumière la réalité de milliers de ménages dont la subsistance est désormais basée sur le revenu des grands-parents. Seulement, les retraites ont été réduites à treize reprises depuis 2009, laissant les familles avec des revenus considérablement moindres, sans même avoir accès au nécessaire.”, reportage repris par les médias grecs, samedi 15 décembre.

Sur les trottoirs d’Athènes, les produits locaux attendent ainsi longtemps leurs clients, et sur cette même photo à droite… un retraité paupérisé “fait ses courses” dans la petite poubelle accrochée au lampadaire. L’arbre qui ne cache plus la forêt, Noël et ses marchands sans Temple. D’autres nouvelles crisiques, apparaissent alors dans la rubrique des faits trop divers pour ensuite disparaître à jamais. La dépouille pendue et décomposée de Syrmó Kanlídou, une femme travailleuse pauvre de 60 ans, disparue depuis trois mois, vient d’être retrouvée dans une forêt non loin de son village en Thrace, région située au nord-est du pays, près de la Bulgarie et de la Turquie. Le reportage disponible évoque les difficultés de survie, ainsi que celles au sein de sa famille, presse locale du 14 décembre. De la situation disons générale… de la Colonie grecque en ce moment.

Installation du marché de Noël. Athènes, décembre 2018
Installation du marché de Noël. Athènes, décembre 2018
Produits locaux et… retraité paupérisé. Athènes, décembre 2018
Photo de Syrmó Kanlídou. Presse de Thrace, le 14 décembre 2018

Cette nouvelle “normalité”, savamment construite durant toutes ces années de mutation, dites “années de crise”, n’est en réalité que l’illustration de la décomposition recherchée du corps social. Des liens entre les Grecs qui ne sont plus, des lambeaux du système politique et des marionnettes de tout calibre qui sont les siennes, sans parler de l’espionnite exacerbée, comme du temps des guerres mondiales du siècle dernier, et c’est autant, une des raisons ayant conduit à la discrétion des luttes, dont ces manifestations devenues muséales et totalement inoffensives du PC grec, membre à part entière du théâtre à travers sans doute l’ultime conversion cosmétique du régime de la dite démocratie représentative, avant sa disparition complète et même confirmée dans les formes, c’est pour bientôt.

Hasard peut-être du calendrier, tout comme des tristes symboles, le rassemblent de ceux du PC samedi 15 décembre à Athènes, avait débuté près du bâtiment historique du Front National de Libération (EAM) pro-communiste, attaqué en décembre 1944 par les troupes et les blindés britanniques. C’était durant la deuxième phase de la Guerre civile en Grèce, entre 1944 et 1949, ayant opposé ceux de gauche à ceux de la droite. Jusqu’à nos jours et étant donné que certaines archives ne sont toujours pas accessibles, des zones d’hombre subsistent quant à la terrible double décision ayant conduit à une guerre fratricide et de trop, faisant ainsi suite à la barbarie de l’Occupation allemande laquelle a largement détruit le pays. On sait déjà depuis longtemps que les Balkans avaient été partagés à l’époque entre Staline et Churchill, et que dans ce partage, la Grèce n’allait pas quitter le giron occidental. Mais disons alors… que l’histoire ne se répète pas toujours.

Et pour revenir à la discrétion des luttes actuelles, notons tout de même, que plus de 27.000 rassemblements populaires importants ou mineurs ont eu lieu en Grèce, rien qu’entre 2011 et 2015, d’après les éléments disponibles, presse grecque par exemple le quotidien “Kathimeriní” en 2016. Ce n’est pas rien, sauf que le résultat n’a pas été à la hauteur, et aujourd’hui nous savons pourquoi. En tout cas actuellement, et comme ces luttes ont été historiquement celles initiées sous l’impulsion de la gauche et que la gauche en l’occurrence Syrizíste a ainsi trahi le peuple, ses luttes et la patrie avec, ce n’est que par le biais du patriotisme, traditionnellement de droite, voir l’affaire Macédonienne par exemple, que les Grecs se mobilisent, lorsqu’ils se mobilisent, en tout cas pour le moment.

Vendredi 14 décembre donc, et les mandarins Tsiprosaures se sont réunis dans un stade fermé à Thessalonique pour écouter Tsípras évoquer sa petite musique Macédonienne. Des participants sont arrivés depuis Athènes en autocars payés par le parti, tandis que le service d’ordre aux brassards rouges filtrait les participants au cas où, et tout participant porteur du drapeau national, ou suspect de ne pas être en phase avec le Syrizísme et ses apocryphes, il se voyait alors aussitôt refoulé et même livré aux forces de l’ordre… après un “Face control” rapide, presse grecque du 15 décembre.

Rassemblement des retraités à l’initiative du PC grec. Athènes, le 15 décembre 2018
Blindés britanniques devant le siège de l’EAM. Athènes, décembre 1944
Même endroit dans les années 2010 (photo presse grecque)

Il faut dire que pour l’immense majorité des Grecs du Nord et des régions grecques de la Macédoine et de la Thrace, l’arrivée même de Tsípras est ressentie comme une insulte. Pour garder à distance le pays réel, les prétoriens de la “Gauche radicale” ont mobilisé 2.000 policiers, 18 compagnies de CRS, des hommes de la Police des renseignements et des missions spéciales, des drones et des hélicoptères de la police, ainsi que deux blindés de la police, presse du 14 décembre 2018.

Le Syrizísme tangible plus la matraque. Ou comme l’écrit Státhis Stavrópoulos dessinateur de presse et éditorialiste issu de la gauche d’antan dans “To Pontíki” : “Tsípras est devenu puéril, il aborde les problèmes nationaux dont les relations entre la Grèce et les autres pays n’ayant en tête que la simple et unique planification politicienne face aux autres partis, ses adversaires à abattre. En vain ! Cependant et en ce moment même, l’Accord Macédonien de Tsípras de l’été dernier est uniquement perçu comme un catalyseur des évolutions politiques et non pas à la hauteur d’un enjeu national d’une importance alors primordiale.”

“On aurait pu à propos de Tsípras, évoquer le cas d’un apprenti sorcier lequel n’est pas en mesure de maîtriser les conséquences de ses actes dans l’affaire Macédonienne. Eh bien non, on aurait tort que de l’exprimer ainsi, tout simplement parce que Tsípras c’est la marionnette de Geoffrey Pyatt, l’Ambassadeur des États-Unis. Tsípras se montre alors très dur vis-à-vis du peuple, et il devient parfaitement docile devant ses maîtres, à savoir, ses patrons: Soros, Rothschild, Merkel, Trump et compagnie”, “To Pontíki” du 15 décembre 2018.

Discours donc à la noix de Tsípras, accolades avec Notopoúlou sa ministre bimbo, candidate SYRIZA aux prochaines municipales à Thessalonique, et surtout, il faut le rappeler illégalement promue (d’après même ses propres déclarations) au sein du service Tourisme de la Municipalité de Thessalonique, et depuis, propulsée jusqu’au poste de Ministre. Notopoúlou, dont la mère est la compagne du père de Nikos Pappás, ce dernier également ministre et évidemment ami de Tsípras depuis les années de l’école. On retrouve alors il faut dire l’équivalent dans le clan des Mitsotákis par exemple… le népotisme valeur sûre, et autant ultime stade peut-être sous le régime de la colonisation. Ainsi, à Thessalonique, en dehors du cénacle, les CRS “s’occupaient” alors du peuple, lequel n’avait l’air de vouloir perdre son identité culturelle et encore moins son pays.

Thessalonique sous surveillance. Discours de Tsípras, le 14 décembre (presse grecque)
Le pays réel et son identité. Thessalonique, le 14 décembre (presse grecque)
Tsípras et Notopoúlou. Thessalonique, le 14 décembre (presse grecque)
Accueil… de Tsípras à Thessalonique, le 14 décembre (presse grecque)

Le pays se cherche et il ne se retrouve pas. Début décembre, une réunion ouverte avait été initiée par le mouvement “Ardin”, sous son initiateur Yórgos Karambélias, à la marge de sa réunion nationale et annuelle. “Ardin” est un mouvement d’abord culturel très actif dans le domaine également de l’édition, il est comme son initiateur, issu de la gauche, devenue… méta-gauche patriotique.

Ni plus ni moins, l’analyse et en même temps appel de Karambélias et de son mouvement, développe l’idée qu’actuellement en Grèce il y a urgence pour un mouvement à la fois démocratique et patriotique, ce n’est pas tout à fait nouveau, sauf que ce type d’analyse (dont “Ardin” n’a pas le monopole), est dans l’air du temps en Grèce.

“L’aventure grecque sous le memoranda et sous la Troïka, un régime qui dure depuis près de 10 ans, a achevé de manière violente et alors dévastatrice ce que les gouvernements, entre autres ceux de Simítis – PASOK des années 2000 – avaient en leurs temps initié, en promettant une Grèce du XXIe siècle forte et sous un régime apportant aussi la prospérité sociale. En lieu et place de cela, ces gouvernements ont parachevé l’intégration parasitaire de la Grèce au sein de la mondialisation conduisant le pays vers son effondrement profond, non seulement économique, mais aussi social, voire total et pour tout dire existentiel. En somme, par la transformation de la Grèce en une colonie économique, qui plus est, menacée par le néo-ottomanisme de la Turquie actuelle. Nous assistons aussi à l’effondrement démographique et productif du pays, comme aux phénomènes de la paupérisation et de la marginalisation des classes populaires et moyennes, ainsi qu’à son déclin culturel.”

“Ou bien le peuple grec va renverser ces conditions négatives, ou sinon, il mènera alors la lutte devant le spectre de son propre éclipse, clôturant ainsi de manière terrible, son pari fait sur la liberté, consacré il y a 200 ans avec la Révolution de 1821 lorsqu’il était question de se libérer du joug ottoman.”

Yórgos Karambélias, ‘Ardin’, Athènes, le 8 décembre 2018
Sur le site de Delphes. Années 1960 (photo presse grecque)
Ouvrier sur l’Acropole dans les années 1960 (photo presse grecque)

“Aujourd’hui, la société est profondément divisée en deux grandes fractions sociales et somme toute, politiques. D’une part, les il y les ‘mondialisateurs’, s’agissant des élites économiques, politiques et intellectuelles, des ‘bobos bohèmes’ des médias et du spectacle, des riches hyper-mobiles et privilégiés, toutes ces classes ayant relié leur propre prospérité à l’ethno-nihilisme, autrement-dit, la négation revendiquée et autant active des nations, allant jusqu’à livrer notre pays à la mondialisation, tout en aggravant naturellement les inégalités sociales. Le rôle pionnier dans cette impulsion revient actuellement au gouvernement SYRIZA-ANEL, et son allié objectif n’est autre que le parti de la très ethno-nihiliste et néolibérale Nouvelle démocratie de Mitsotákis.”

“Les autres alliés de SYRIZA-ANEL sont évidemment, la social-démocratie européiste issue des restes du PASOK ainsi que le parti de Stávros Theodorákis ‘To Potámi’, sans oublier l’aile NATOoïste de la gauche extraparlementaire et des Antifa. Ce bloc, malgré les disparités en son sein, constitue alors un écosystème de pouvoir, lequel monopolise tous les postes possible, allant du Parlement aux médias, en passant par l’État et les ministères, sans oublier les universités, marginalisant ainsi économiquement, socialement et culturellement la très grande majorité de la société grecque.”

“Et en ce qui concerne la Gauche, eh bien dans sa plus grande partie, elle a subi une mutation fondamentale au passage précis entre le siècle qui nous a précédés et le nôtre. Elle récuse les réalités telles que la nation, l’identité nationale, la souveraineté nationale et populaire, ainsi que la communauté démocratique qui en résulte. Ainsi, la Gauche abandonne la défense de l’État-nation aux mains de l’extrême-droite, comme elle abandonne par la même occasion toute référence fondamentale aux réalités collectives, telles, que le peuple ou les non-privilégiés. Ces allusions pourtant, elles ont historiquement été celles de la Gauche durant toute la deuxième moitié du siècle passé en Grèce, sauf qu’elles sont abandonnées car la Gauche a radicalement changé.”

“Désormais, elle s’aligne de plus en plus ouvertement sur les vues et préceptes des néolibéraux, ainsi qu’à leur agenda, entre autres, ‘l’ouverture des frontières’, l’installation sur le devant de la scène des visions et des demandes de la part des minorités culturelles ou du genre par exemple, elle s’aligne autant sur la dislocation programmée du caractère national du système éducatif.”

Períssa à Santorin, 1963 (photo presse grecque)
Períssa à Santorin, années 2010 (photo presse grecque)
Publicité pour des investisseurs Chinois. Kiosque à Athènes, décembre 2018

“De cette manière, la Gauche perd tout son rôle passé, libérateur et patriote – laissons de côté le PC grec, lequel n’est autre qu’un parti musée – et elle devient ainsi une composante de la mondialisation. Cette Gauche va désormais œuvrer pour la mise en place et la généralisation de ‘l’Homme nouveau’ des mondialisateurs, à savoir, un individu consommateur sans attaches, c’est-à-dire hors-sol, apatride, dépourvu de ses qualités d’être social, foncièrement egocentrique, sans défense devant les forces du totalitarisme techno-féodal. Ce dernier, voudrait même désormais intervenir même dans l’essentiel biologique de l’existence humaine par le transhumanisme méta-anthropique. Et ce n’est pas un paradoxe lorsque donc à travers le nouveau positionnement et ainsi rôle de cette Gauche que de la voir contribuer et de manière essentielle, au déferlement de la mondialisation ; d’où d’ailleurs depuis peu en Grèce, l’invention de la formule alors inédite: ‘Gauche NATOoïste’.”

“Ainsi, la Droite néolibérale incarne le néolibéralisme économique et la mondialisation économique quand la Gauche incarne le néolibéralisme idéologique et culturel, ainsi que la corruption volontaire des identités collectives, lesquelles sont remplacées quasi-exclusivement par de droits des individus et des minorités. Il va de soi que dans un tel monde, la mise en place d’un marché mondialisé est facilité par le fait qu’en face de lui, il ne trouvera, ni nations, ni classes sociales, mais seulement des individus.”

“Avec l’arrivée de SYRIZA au pouvoir, ce partage des tâches entre la Gauche et la Droite a pris fin de manière sans doute provisoire, puisque SYRIZA est chargé d’incarner, à la fois le néolibéralisme économique et autant culturel, ainsi que les dictats de la mondialisation économique, en suivant à ce niveau cette même double politique de Georges Soros, ce dernier comme on sait, il a assemblé ces deux composantes dans son action mondialisatrice.”

Naufragés en ville. Athènes, décembre 2018
Le Mont Olympe. Novembre 2018
Reserve naturelle. Nord de la Grèce, novembre 2018

“De l’autre côté, se trouvent tous ceux qui défendent l’enracinement de la société grecque, la cohésion de sa communauté, l’autonomie de l’État, le rétablissement de sa viabilité, ainsi que la poursuite de la civilisation grecque dans le présent comme dans l’avenir – ni plus ni moins, ceux qui souhaite que l’hellénisme puisse rester actif dans l’histoire durant ce nouveau siècle. Ce pôle du patriotisme rassemble la majeure partie de la société grecque, autrement-dit, les perdants et les paupérisés de la crise, et en même temps, tous ceux qui résistent et qui donc œuvrent alors au quotidien pour que les dynamiques internes, spirituelles et productives du pays puissent encore en quelque sorte exister. Eh bien, cette majeure partie de la société grecque demeure toujours exclue de la scène politique, autant que des institutions du systémisme culturel et spirituel.”

“Il y a donc un manque de concentration comme d’expression frontale pour cet espace démocratique et patriotique. Et cette incapacité à se regrouper, sa fragmentation, n’est pas seulement le fait de la responsabilité des ‘chefs’, mais elle reflète un manque de vision et de plan communs et qui pourraient répondre à la demande patriotique. Car il faut dire, dans l’espace du patriotisme démocrate, aux yeux de certains, prédominent alors la dimension économique et sociale, et pour d’autres, c’est l’aspect strictement national et géopolitique qui prévaut, sans alors parvenir à la composition pourtant nécessaire entre ces deux éléments.”

Mémoire Paléochrétienne. Macédoine grecque, novembre 2018

“C’est aussi pour ces raisons, qu’au cours de la dernière décennie, et durant l’intensification de la crise, les forces politiques ayant pris le devant de la scène, sont celles qui ont tiré profit, surtout via l’usurpation, de l’indignation des Grecs comme de la psychologie collective correspondante; à savoir: SYRIZA, ANEL et aussi l’Aube dorée. Et en ce moment, ce sont les escrocs et les aventuriers qui veulent également monter sur la vague paneuropéenne du populisme de droite.”

“Cependant, notre adversaire, la mondialisation, devrait être traité d’abord sur le champ pratique de la politique créatrice de l’avenir du pays. C’est pourquoi nous devons répondre aux vrais besoins collectifs de la société grecque. C’est-à-dire, réponde à la multiple question du grand ‘comment’, quant à la stratégie nationale pour la défense des droits et de l’intégrité du pays, quant au rétablissement de la souveraineté, de la justice sociale et de la démocratie, sans oublier le rétablissement de sa production, de son Éducation, de sa démographie, de sa Défense, de la préservation de la cohésion nationale et de l’environnement, et pour finir, à la restauration de toute sa dimension culturelle”, texte et intervention de Yórgos Karambélias dont une version courte est consultable sur le site du mouvement “Ardin”, décembre 2018.

Toute prévision s’avère de moins en moins évidente. Et l’intérêt de l’analyse de Karambélias ne présage alors rien de très discernable, quant à son initiative politique. En tout état de cause, la coupure grecque n’est plus celle savamment entretenue entre une certaine Droite et une certaine Gauche, c’est bien clair. Dans le même ordre d’idées, le mouvement des gilets-jaunes, relève autant de cette dichotomie alors radicale, entre les uns et les autres, tous les autres.

Arbre de Noël illuminé. Athènes, décembre 2018 (photo presse grecque)

Les masques sont suffisamment tombés, sauf que le système peut encore en fabriquer. C’est bien connu, chez les humains, pratiquement technoïdes mais pas encore entièrement, les formes de luttes, vraies ou fausses trouvent leurs formes diverses et variées. Le pays réel du temps des premiers engagements politiques de la génération de Yórgos Karambélias, ayant même connu directement les luttes des années 1960, n’est plus du tout le même. On mesure la distance en feuilletant… de façon numérique certaines photos permettant la comparaison qui n’est d’ailleurs pas qu’esthétique. Ainsi et au niveau politique, depuis SYRIZA, la Gauche grecque est définitivement morte, et les Grecs se montrent autant dubitatifs devant la nouvelle… Galaxie des partis et mouvements politiques situés à droite et qui se déclarent plus patriotes que jamais. Marché… de Noël.

Et comme le ridicule ne tue plus, voilà que Lafazánis, chef de l’Unité Populaire (ancienne aile gauche de SYRIZA jusqu’à 2015), a fait son apparition samedi 15 décembre à Paris, déguisé en gilet-jaune, histoire de récupérer l’irrécupérable et ceci, après avoir défilé avec ses amis, toujours en gilet-jaune à Athènes deux semaines plus tôt, il faut dire dans l’indifférence la plus totale, pis encore, sous le rire moqueur et forcement jaune des Athéniens amusés devant un tel théâtre. Pauvres gens pour qui, les élections qui s’approchent semblent alors être si cruciales pour… retrouver un siège chauffant et surtout payant au “Parlement”, il faut dire, pendant bien entendu que la grande mascarade “démocratique” trouve encore ses spectateurs.

Lafazánis à Paris le 15 décembre 2018 (photo presse grecque)

De toute façon et cas de besoin… très systémique, l’avenir immédiat conduira après des élections plus cosmétiques que jamais, à une coalition entre les différents partis alors comparses et complices car tout ce petit monde il incarnant alors les rôles voulus et complémentaires dans cette pièce du dernier peut-être théâtre de la pseudo-démocratie représentative, sauf certaines rares exceptions.

En ce moment et dans l’autre pays réel, c’est heureusement le temps des amours. Rivalités et bagarres entre nos braves matous qui se battent sous les immeubles athéniens, entre une… “Trêve de Noël” pour des croquettes. Et sur la Place de la Constitution, l’arbre de la municipalité et de Noël vient d’être illuminé.par les humains.

Marchands sans Temple et nouvelle “normalité”, savamment construite durant toutes ces années de mutation, dites “années de crise”.

Trêve… pour des croquettes. Athènes, décembre 2018
* Photo de couverture: Rivalités et alors bagarres. Athènes, décembre 2018
16 décembre 2018 publié par Panagiotis Grigoriou voir et soutenir son site http://www.greekcrisis.fr mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Les 7 de Briançon lourdement condamné·e·s

Par rédaction

Les 7 de Briançon lourdement condamné·e·s par le tribunal de Gap

[Communiqué Comité de soutien aux 3+4, Gisti, Anafé et La Cimade]

Le 13 décembre 2018, le tribunal correctionnel de Gap a déclaré les 7 de Briançon coupables d’aide à l’entrée sur le territoire d’une personne en situation irrégulière. Si la circonstance aggravante de bande organisée a été abandonnée, la lourdeur des peines prononcées (conformes aux réquisitions du parquet) marque un tournant dangereux dans la répression des personnes solidaires.

Benoit, Théo, Bastien, Lisa et Eleonora ont été condamnés à 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple. Juan a été condamné à 12 mois d’emprisonnement dont 8 avec sursis simple et 4 fermes et Mathieu à 12 mois d’emprisonnement dont 4 fermes et 8 avec sursis avec mise à l’épreuve.

Nos organisations sont scandalisées et indignées par ce jugement qui criminalise encore une fois et de manière inédite des militant·e·s agissant en faveur des droits des personnes migrantes.

Le droit fondamental constitutionnel de manifester a donc été nié au profit d’une pénalisation toujours plus forte des personnes solidaires. Aussi, ce jugement va-t-il à l’encontre de l’obligation légale qu’a chacun·e de porter secours à une personne en danger. C’est un signal alarmant pour les défenseurs des droits humains en France qui font l’objet de pressions de plus en plus fortes de la part des forces de l’ordre et des autorités judiciaires.

Nos organisations se dressent aux côtés de Bastien, Benoît, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo et continueront de les soutenir et de dénoncer la situation de péril imminent des personnes migrantes dans les Alpes.

Lors de l’audience du 8 novembre 2018, les avocat·e·s et les prévenu·e·s ont pu dénoncer les violations quotidiennes des droits des personnes migrantes commises par les forces de l’ordre à la frontière franco-italienne, les agissements illégaux restés impunis à ce jour du groupuscule Génération Identitaire et les tentatives d’entraves au droit fondamental de manifester à la fois des prévenu·e·s mais aussi des personnes exilées.

Le Ministère public avait demandé au tribunal de condamner respectivement à 6 mois d’emprisonnement avec sursis simple pour Bastien, Benoît, Eleonora, Lisa et Théo ; 12 mois dont 4 mois d’emprisonnement ferme et 8 avec sursis simple pour Juan ; et 12 mois dont 4 mois d’emprisonnement ferme et 8 avec sursis avec mise à l’épreuve pour Mathieu.

Au-delà de la condamnation des 7 solidaires, le tribunal est resté sourd aux témoignages et preuves apportées par la défense, faisant le jeu ainsi des pratiques illégales de l’administration, les violations des droits et la traque des personnes migrantes. Alors que des personnes exilées, auxquelles nous essayons de venir en aide, meurent sur les routes dangereuses de la frontière franco-italienne, le tribunal correctionnel de Gap a fait le choix de condamner la solidarité.

Ce jugement est rendu alors que la Cour de cassation a annulé hier des décisions condamnant des militants pour « délit de solidarité ». L’occasion de rappeler que d’autres militants solidaires des personnes migrantes de Briançon sont convoqués devant la justice en janvier et en mars 2019.

Par ailleurs, les associations alertent sur la militarisation de la frontière qui contraint les personnes migrantes à se mettre en danger en montagne dans le froid et la neige. La présence policière permanente entrave le déroulement des maraudes visant à secourir les exilé·e·s.Soutenues par près de 50 000 personnes qui ont signé la pétition, nos organisations demandent l’abandon de toutes les poursuites pour délit de solidarité contre les personnes, dans les Alpes et ailleurs, qui agissent dans un esprit de fraternité.

Rappel des faits  :
Bastien, Benoit, Eleonora, Juan, Lisa, Mathieu et Théo étaient poursuivi·e·s pour avoir participé, en avril dernier, à une marche solidaire pour dénoncer les violences commises par le groupuscule identitaire à l’encontre des personnes exilées dans la région de Briançon et pour protester contre la militarisation de la frontière franco-italienne. L’État leur reproche d’avoir à cette occasion « facilité l’entrée de personnes illégales sur le territoire français », et de l’avoir fait « en bande organisée ».

Comité de soutien aux 3+4  : Article 1er, Le Cesai, CGT 05, Chemins Pluriels, Chez Marcel, CHUM, Collectif Maraudes, Comité de soutien aux 3+4 Genève, Comité de soutien aux 3+4 Marseille, Les Croquignards, Ensemble 05, La Fanfare Invisible, Icare 05, NO THT 05, PCF 05, Réseau hospitalité 05, Sud 05, Les Tabliers Volants, Tous Migrants.

Gros temps La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Par rédaction

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Gros temps

Gros temps en mer annoncé pour bientôt. Les chalutiers rentrent au port pour s’amarrer le long du quai, dimanche matin à l’heure du marché. Un marché à proximité des bateaux bien concis et pourtant salutaire, y compris pour les animaux adespotes des lieux. Comme nous, ils doivent passer l’hiver. Vente directe. En face, la plage, forcément celle de l’été est déserte. En cette saison, même les ruelles sous l’Acropole redeviennent calmes, en tout cas jusqu’à Noël. Hiver, et l’actualité grecque de la semaine a été rythmée en quelque sorte, par les gilets-jaunes français. L’Europe… comme pour évoquer l’hiver des peuples.

Vente directe. En Attique, décembre 2018

Dans les cafés d’Athènes les jeunes restés au pays se disent qu’il va falloir peut-être le quitter. Autour d’une table, une amie de la famille, visiblement connaisseuse du situationnisme qui prévaut aux autres pays de l’euro-délire réellement existant, expose devant les parents et notamment devant le jeune fils fraîchement diplômé. “Si tu pars, tu trouveras une vie plus stable, un salaire disons normal et cependant insuffisant. Le problème c’est surtout le logement et certains autres frais. Tu vois, tout n’est pas rose ailleurs, pourquoi crois-tu que les gilets-jaunes envahissent les rues de Paris et partout en France ?”

Le jeune hésite, il se ronge les ongles, ce qui lui permettent manifestement et temporairement de faire face à l’afflux d’énergie. Difficile pourtant que de canalise toute son impatiente, ou peut-être même la frustration alors ressentie. “Que faire ? Ici en informatique je trouverai du travail, seulement, il sera très mal payé, et surtout, je vais cumuler les CDD… sans parler du job non déclaré.” Le père aussi, il hésite. “Ici du moins il y a toujours, enfin je l’espère, ton logement, le nôtre.” Ils quittent le café, et d’ailleurs il se vide. Temps mort pour une partie majoritaire du pays, aux terrasses des cafés parfois vides et parfois remplies, mais disons que c’est l’hiver et le froid et ses truismes.

Sur les ondes radio, une femme médecin en chef au sein d’une unité de soins intensifs dans un hôpital public dénonce pour une énième fois le manque de moyens. “Nos unités sont à moitié fermées. Nous manquons de personnel et de budget, le matériel manque aussi. Le gouvernement se vante de son excédent primaire, il distribue des cadeaux à sa clientèle politique tandis que nos malades meurent. Je suis chef de service, j’ai plus de trente années d’ancienneté et je gagne 1.800€ net après tant de diminutions successives de mon salaire, tandis que mes collègues jeunes, ils gagnent moins de mille euros par mois. D’après nos calculs, les médecins du public ont perdu en moyenne 55% de leurs revenus en huit années. Heureusement que nous oublions tout cela devant nos malades, dans les salles d’opération… pour ainsi revenir dans la réalité une fois rentrés chez nous. Nos jeunes médecins ont quitté et quittent encore le pays par milliers”, radio 90.1 FM, zone matinale du 10 décembre.

Bords de mer en hiver. En Attique, décembre 2018
Sous l’Acropole. Athènes, décembre 2018
En terrasse. Athènes, décembre 2018

D’après les données de l’Agence fiduciaire sous contrôle étranger, bruxellois et germanique, de la dite “Autorité Indépendante des recettes publiques – AADE”, “l’État grec”, doit plus de 2,6 milliards d’euros aux citoyens et aux entreprises du pays, le chiffre est en hausse d’après la presse grecque de la semaine. État aux investissements publics inexistants, sauf pour la camarilla des Syrizístes et assimilés. Dernier cas en date, un certain Manólis Petsítis de la bande à Tsípras, humble serveur dans une pizzeria d’Athènes jusqu’à 2015, devenu conseiller du… Premier ministre, il mène depuis une vie de palais, il est officiellement employé collaborateur de six entreprises liées aux affaires de l’État, et il cumule un revenu de plus de 200.000€ par an, au lieu de la modeste somme de 5.000€ par an avant que… la politique et les affaires de haut niveau ne découvrent ses… talents apparemment cachés, presse grecque de la semaine. Des broutilles diront les vrais maîtres-fous du pays, sauf que les citoyens sont en colère.

Le serveur si servi mène alors la belle vie de manière ostentatoire, il a même publié sa photo… derrière le pupitre des déclarations officielles du Premier ministre. C’est bien connu, les gamins font passer parfois entre eux leurs jouets et autres ballons. En même temps, dans l’autre vraie vie, celle des Grecs d’en bas, la Police locale ainsi que les services sanitaires ont été saisis sur l’île de Lesbos, un… concitoyen tue les chats et les chiens adespotes de son village pour se nourrir, presse locale et athénienne de la semaine. Ailleurs dans Athènes, on y découvre des annonces du type: “Madame Betty D. cherche à cohabiter, elle est propre, elle a peu d’affaires et elle sait très bien s’occuper du ménage”, ou encore: “Je recherche du travail en domestique interne, Maya.” Hiver, déjà celui des peuples.

Athènes aussi, capitale des restes culturels comme autant des… restes humains. Ainsi, à deux pas d’un immeuble des années 1920, emblématique d’un passé finalement si lointain entre Art déco et architecture mauresque, on y découvre ceux qui se droguent en plein jour dans les parcs par dizaines, sans évoquer les campus universitaires devenus zones à risque et foyers du crime organisé où tout y est: meurtres, saccages des Antifa et assimilés, vendeurs de drogue, violeurs, trafiquants de cigarettes et autres… “Lumières” du siècle qui est le nôtre. Le nihilisme des mondialisateurs, pratiqué et ainsi alimenté d’en bas pour déstabiliser encore davantage nos sociétés minées par les économismes du totalitarisme ambiant. L’entre-deux-guerres qui se prolonge en quelque sorte à travers une guerre totale à bas voltage.

Entre Art déco et architecture mauresque. Athènes, décembre 2018
Restes humains. Athènes, décembre 2018
Madame Betty. Athènes, décembre 2018
Maya… domestique interne. Athènes, décembre 2018

Derrière une vitrine oubliée, c’est le discours d’Emmanuel Macron à la Pnyx, datant du 7 septembre 2017 qui se vent encore sous forme de fascicule. Discours disons… historique: “Je ne saurais cependant me limiter à l’émotion, si vive soit-elle, que procurent ces lieux de mémoire. Et je veux plutôt me mettre à leur écoute. Parce que ces lieux nous obligent, puisque c’est ici que fut inventée la forme moderne de l’État, ici que cette cité d’Athènes construisit patiemment, par la souveraineté du peuple, la souveraineté de son destin, nous devons nous demander sans complaisance ‘qu’avons-nous fait, nous, Européens, de notre souveraineté ?’. Puisque c’est ici que fut pris le risque de cette démocratie qui confie au peuple le gouvernement du peuple, et considère que le plus grand nombre, c’est mieux que le petit nombre pour édicter une loi respectable, interrogeons-nous: qu’avons-nous fait, nous, de la démocratie ?”

“Et ces paroles que non loin d’ici, PERICLES prononça en l’honneur des guerriers morts au combat, écoutons-les résonner encore fortement. ‘La liberté’, disait-il, ‘est notre règle dans le gouvernement de la République, et dans nos relations quotidiennes. La suspicion n’a aucune place’. Mais nous, Européens, nous faisons-nous encore confiance ?” Périclès n’est plus depuis si longtemps et 2017 même est déjà bien loin.

La presse grecque ironise au sujet de l’opportunisme de Tsípras lorsque son habilleur imaginé pour les besoin d’un dessin humoristique, lui préparerait alors un gilet-jaune à sa taille, tandis que sur la Place de la Constitution comme devant l’Ambassade de France, toujours cette semaine, les passants ont découvert une étrange poignée de gilets-jaunes issus de cette gauche morte, s’agissant de Panagiótis Lafazánis et des chefs de l’Unité Populaire (l’ancienne aile gauche de SYRIZA jusqu’en 2015), ces… politiciens périmés ont ainsi frôlé le ridicule. Musée des Arts et des traditions populaires. Non, le peuple ne s’improvise pas, et encore moins ses luttes.

Discours d’Emmanuel Macron. Athènes, décembre 2018
Tsípras… gilet-jaune. Presse grecque, décembre 2018
Lafazánis et les siens en gilet-jaune. Athènes, décembre 2018, presse grecque

Apories ainsi de notre temps, le terme en grec signifie à la fois la déshérence que la surprise, le questionnement, l’interrogation. Encore une fois, nous nous éloignons du centre perdu, celui de Lorentzátos dont il était aussi question à travers notre dernier texte sur ce blog et la remarque de Juan Asensio au sujet de l’œuvre de Lorentzátos, toujours pertinente.

“Aporie sans doute, car nous ne pouvons désormais plus faire comme si nous étions des enfants sauvages, vieillards vicieux redevenus insouciants et courants nus dans les bois, appliquant quelque ridicule précepte rousseauiste dont l’application pratique n’a jamais signifié qu’une mort plus ou moins prochaine, moins la nôtre que celle de mon prochain contraint de redevenir créature nue. Et quand bien même nous retrouverions quelque improbable état de nature édénique, celui-ci ne signifierait en aucun cas la reconquête de l’innocence: c’est les mains couvertes de sang, le cœur rongé et l’esprit assailli de mauvais rêves que nous jouerions à poursuivre l’antique Pan jusqu’à lui faire souhaiter une seconde mort encore plus discrète que la première.”

Le centre perdu donc de Lorentzátos autant que de Yórgos Seféris, car c’était un autre 11 décembre, en 1963, lorsque Seféris prononce en français son allocution de réception du prix Nobel, intitulée “Quelques points de la tradition grecque moderne”, où il présente le cortège des poètes-phares qui l’ont précédé dans le combat pour la langue grecque et termine en exprimant sa solidarité avec son peuple:

Zíssimos Lorentzátos et son chat (photo Internet)
Bateaux de pêche. En Attique, décembre 2018
Animal adespote près du port. En Attique, décembre 2018

“Maintenant je voudrais terminer ce court exposé avec un homme que j’ai toujours gardé près de moi; il m’a soutenu dans des heures difficiles, où toute ressource semblait perdue. Dans ce pays de contrastes qui est le mien, il est un cas extrême. Ce n’est pas un intellectuel. Mais l’intellect réduit à lui-même a parfois besoin de fraîcheur, comme les morts qui réclament du sang frais avant de répondre à Ulysse. Il avait appris à lire et à écrire un peu, à l’âge de trente-cinq ans, afin de pouvoir raconter, dit-il, ce qu’il avait vu pendant la guerre de l’indépendance, où il avait pris une part très active. Il s’appelle Jean Makriyánnis.”

“Je le compare à un de ces vieux troncs d’olivier de chez nous, façonnés par les éléments et qui peuvent, je crois, enseigner la sagesse. Lui aussi a été façonné par les éléments humains, par bien des générations d’âmes humaines. Il était né, vers la fin du XVIIIe siècle, dans la Grèce continentale, près de Delphes. Il nous raconte comment sa pauvre mère allant ramasser des fagots, avait été prise des douleurs de l’enfantement et lui donna naissance dans un bois. Ce n’est pas un poète, niais le chant est en lui, comme il a toujours été dans l’âme du peuple. Quand un étranger, un Français, lui rend visite, il l’invite à table: ‘Mon hôte’, raconte-t-il, ‘voulait aussi entendre de nos chants; je lui en ai fabriqué quelques uns’. Il est doué d’une force d’expression singulière; son écriture fait penser à un mur que l’on bâtit pierre à pierre; tous ses mots fonctionnent et ont des racines; il a parfois des mouvements de style homériques.”

“C’est l’homme qui m’a le plus enseigné en matière de prose. Il n’aime pas les faux semblants de la rhétorique. Dans un moment de colère, il s’écrie: ‘Et vous avez nommé un nouveau chef à la citadelle de Corinthe, un pédant! Son nom était Achille et en entendant le nom d’Achille, vous avez cru qu’il s’agissait de l’illustre Achille et que le nom allait combattre. Ce n’est jamais le nom qui combat; ce qui combat, c’est la valeur, l’amour de la patrie, la vertu’. Mais en même temps, l’on comprend l’amour qu’il a du patrimoine antique, quand, à des soldats qui veulent vendre deux statues à des étrangers, il dit: ‘Même si l’on vous paye dix mille thalers, n’acceptez pas qu’elles quittent notre sol. C’est pour elles que nous nous sommes battus’. Quand on songe que la guerre avait laissé de nombreuses plaies sur le corps de cet homme, on a le droit de conclure que ces paroles ont quelque poids.”

Sous l’Acropole. Athènes, décembre 2018
Caïque et son protecteur Saint-Nicolas. Attique, décembre 2018
En Attique, décembre 2018

“Vers la fin de sa vie, son destin devient tragique. Ses plaies lui donnent des souffrances intolérables. Il est persécuté, jeté en prison, jugé et condamné. Dans son désespoir, il écrit des lettres à Dieu: ‘Et tu ne nous entends pas, tu ne nous vois pas…’ C’est la fin. Makriyánnis est mort vers le milieu du siècle dernier. Ses Mémoires ont été déchiffrés et publiés en 1907. Il fallut bien des années encore pour que les jeunes prissent conscience de sa véritable envergure.”

Sous le Saint-Empire européiste germanique des souffrances intolérables comme du regroupement politique et colonial de territoires en Europe centrale, du Sud, et occidentale de la dite Union européenne, certains vieux troncs d’olivier de chez nous comme de chez les autres peuples existent toujours, en dépit des attaques systémiques ou prétendument “anti-systémiques” initiées par les nihilistes, porteurs, entre autres, de l’acculturation de l’ultime capitalisme… plus la wifi.

Entre les Antifa et les autres Sorites (poulains du spéculateur Soros) assimilés, passés par là, le buste de Grigórios Xenópoulos vient d’être vandalisé dans le quartier de l’Académie à Athènes. Comme il a été noté par l’éditorialiste de “To Pontíki”, “la statue vandalisée, incarne une victime de plus, de cette sorte de mouvement étudiant vulgarisé et alors barbare, lequel opère de façon incontrôlable, anarchisante, détruisant le patrimoine intellectuel de la Grèce moderne, le tout, sous le couvert de la tolérance du système politique dans son ensemble, autant que sous la couverture idéologique de cette espèce de gauche totalitaire comme d’une société devenue profondément inculte et hypnotisée.”

Grigórios Xenópoulos (1867-1951) fut un auteur et dramaturge issu de Zakynthos, île Ionienne, un des plus importants et des plus joués, car certains de ses romans, nouvelles et pièces calqués sur la réalité ont été portés à l’écran et au théâtre. Xenópoulos avait autant vécu la fin de cette réalité sociale italienne des îles Ioniennes, dominée ainsi par l’esprit de division entre la noblesse et les “popolari”, disons les… gilets-jaunes d’alors. Et c’est cette idéologie politique et également rupture avec le peuple lequel se révoltait de temps à autre pour réclamer l’égalité que l’œuvre de Xenópoulos en témoigne alors si merveilleusement Sauf que pour les assistés de Soros, et ils ne sont pas les seuls, on doit passer outre de ce que les peuples peuvent authentiquement léguer, y compris à travers leurs luttes.

Grigórios Xenópoulos et l’hybris. Athènes, décembre 2018
Sous le Saint-Empire… Athènes, décembre 2018

Ces derniers mois, l’acculturation imposée s’officialise même, lorsque l’histoire, la langue ainsi que la littérature enseignées à l’école, subissent une purge significative pour ce qui tient de l’esprit national, chrétien et en somme celui liée à la résistance du peuple grec. Les termes, “amour de la patrie” ou “résistance” ont ainsi été bannis du vocabulaire enseigné, le tout, sous le couvert de la tolérance de tout le système éducatif, enseignants compris sauf certaines rares exceptions. Sous SYRIZA/ANEL, le Ministère de l’Éducation Nationale, est d’ailleurs devenu très officiellement et ainsi dans les faits, Ministère de l’Éducation, il fallait comme on dit oser. Autrement-dit, “l’éducation de Soros”, comme le signale Státhis Stavrópoulos dans son papier du jour, éditorialiste et dessinateur de presse issu de la gauche et patriote, oui, c’est parfois possible, “To Pontíki”, 11 décembre 2018.

Tsípras et sa bande haïssent la nation, la leur, tout en adoptant si possible les arguties des nationalismes des autres, ce qui fait le jeu des mondialisateurs apatrides et si ouvertement condescendants vis-à-vis les peuples. Ainsi, cette gauche Syrizíste a vendu, et très bien vendu on dirait, son internationalisme en échange du nihilisme des mondialisateurs et de leurs semblables, rapaces du travail des autres comme diraient peut-être encore les marxistes. Même tard, les peuples s’en aperçoivent, et ils finissent ainsi par haïr autant les mondialisateurs que leur personnel politique, de gauche comme de droite. Certains Grecs, ont même réalisé combien et comment l’ensemble du système politique, gauche muséale du PC grec et nazillons de l’Aube dorée compris, participent à ce jeu lequel doit un jour cesser.

Ceux qui dans ce pays arrivent encore à réfléchir au-delà de notre survivalisme accablant et qui concerne tout de même près de 70% de la population, sont alors très préoccupés. Après huit années de Troïka, de luttes et de trahisons de toute sorte, surtout devant la menace mortelle qui pèse désormais sur le pays et sur le peuple grec, ces Grecs donc capables de raisonner, représentant disons moins du 20% de la population, ils savent que la solution ne réside pas dans le système politique actuel. Ils sont aussi las de notre bien large littérature crisique, car pour ce qui est des analyses de la situation, tout ou presque a été dit, écrit et frappé à maintes reprises sur les claviers ou sur les écrans tactiles. Ce qui compte désormais c’est de trouver les formes de résistance et d’organisation inédites et novatrices pour d’abord tenir, et pour ensuite renverser la situation. Histoires de la sorte interminables à raconter, comme actuellement au coin du feu, à travers les braises de cette autre Grèce.

Héros représenté, de la Guerre d’Indépendance. Grèce, décembre 2018
On répare les filets de pêche. En Attique, décembre 2018

En attendant mieux de nous mêmes, on répare nos filets de pêche, comme on peint les figures des héros de la Guerre d’Indépendance de 1821 sur nos camions. Saint-Nicolas protégera sans doute nos bateaux, dont l’icône est parfois bien visible, tandis que les monastères, plus Orthodoxes que jamais, connaissent un certain engouement de la part des Grecs, une façon peut-être pour y écrire… des lettres à Dieu à la manière de Makriyánnis.

Les chalutiers rentrent au port pour s’amarrer le long des quais. Gros temps, et pas qu’en mer en ce moment. L’air devient irrespirable tous les soirs à cause du bois brûlé pour se chauffer, y compris à Athènes. L’hiver passera, espérons-le, pour votre blog, nous avons besoin du soutien de nos lecteurs et amis pour continuer à offrir chaque semaine une vision différente des réalités grecques et européennes.

L’hiver passera, espérons-le, et d’abord on dirait pour nos animaux adespotes.

Animaux adespotes. Athènes, décembre 2018
* Photo de couverture: Retour au port. En Attique, décembre 2018
11 décembre 2018 publié par Panagiotis Grigoriou voir et soutenir son site http://www.greekcrisis.fr mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/
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