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Géopolitique tombale La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Géopolitique tombale

Athènes, sous un soleil hésitant et une bonne partie du pays toujours sous la neige. Ombre et lumière comme évidemment pour les affaires humaines. Semaine grecque largement crépusculaire, marquée par la démission théâtralisée de Pános Kamménos de son poste de Ministre de la Défense dimanche 13 janvier, une démission accompagnée du retrait du gouvernement. Semaine autant marquée par la visite de la Chancelière Angela Merkel deux jours auparavant, histoire d’inspecter… la bonne marche de la colonie. Les habituels valets politiques se sont exécutés comme d’habitude. Le pays… sous la neige

Un temps de chien. Grèce Centrale, janvier 2019

C’est surtout l’accord Macédonien celui que Kamménos fait semblant de ne pas accepter, accord comme on sait, imposé par Berlin, Bruxelles et Washington et qui doit être ratifié par la simple chambre d’enregistrement, autrement-dit le “Parlement”, lorsque les Grecs lui sont opposés à près de 80% d’après les sondages, bien entendu sans referendum… mais réclamé depuis sa démission par la marionnette Kamménos. Jeu de rôle nous sommes nombreux en Grèce à considérer que tout cela n’est qu’un scenario imposé, et pour tout dire, mal interprété. Notons que les voisins Slavomacédoniens avaient invalidé leur référendum sur la question par le boycott. Rien n’y fait, la géopolitique est une marmite où les peuples ont rarement l’usage de la louche. Un temps de chien, ou simplement… “histoires de la Grèce et des Balkans” comme dirait mon ami Olivier Delorme.

Rien n’y fait donc, et pour ce qui est du “Parlement” à Skopje, certains journalistes de ce pays, mais également d’autres journalistes depuis Athènes alors prétendent, “que le tarif très convaincant pour faire passer l’accord auprès des députés récalcitrants s’élèverait entre cinq et huit millions de dollars par tête, et pour le même résultat probable et prochain en Grèce, on ignore quel serait l’équivalent en euros de cette… realpolitik alors très germanique”, émissions de la zone matinale et du soir sur la radio 90.1 FM, journalistes Trángas et Kalarrýtis, semaine du 7 janvier 2019, cité de mémoire.

Déjà, au “Parlement” à Athènes, la partie visible des tractations en cours, tiennent de la volatilité et autant excitation dont font preuve les députés des petits partis. De celui dit de la Rivière et du journaliste Stávros Theodorákis, une création à notre humble avis bruxelloise et berlinoise, ceux du parti des Centristes de Vassílis Levéntis propulsé comme on sait par les medias depuis 2012, enfin et surtout, des élus plus opportunistes que jamais du parti des Grecs (prétendument) Indépendants de Pános Kamménos qui se dit opposé à l’accord Macédonien de Tsípras, allié de SYRIZA au pseudo-pouvoir jusqu’à cette semaine et dont la moitié des élus sont passés du côté SYRIZA, à la fois pour voter la confiance au gouvernement, vote prévu jeudi prochain, et surtout ensuite le terrible accord macédonien de Tsípras.

Hiver grec. Grèce Centrale, janvier 2019
Garde Evzone en tenue d’hiver. Athènes, janvier 2019 (presse grecque)
‘La Division Merkel’ à Athènes. Presse grecque, le 9 janvier 2019

Toute cette agitation des “mouches scatophages” du dernier fumier politique grec n’est d’ailleurs pas sans lien avec la visite d’Angela Merkel à Athènes cette semaine. Et comme tous les journalistes de la colonie grecque ne sont pas encore totalement muselés, Státhis Stavrópoulos issu de la vielle gauche, écrit dans “To Pontíki” sous un ton très moqueur, “que Tsípras aurait déjà dicté son agenda à Madame Merkel, ainsi l’obergruppenfuhrer allemande exercera ses pressions à Mitsotákis de la Nouvelle Démocratie pour que ce dernier puisse se monter complaisant au sujet toujours de l’affaire Macédonienne. Puis, Tsípras toujours, il fera sans doute preuve de courage lorsqu’il évoquera devant la Chancelière la double question du prêt forcé et des réparations de guerre que l’Allemagne n’a jamais voulu régler, faisant suite aux années 1940 et à son autre Occupation de la Grèce.” Obergruppenfuhrer, était un grade de général dans l’Allgemeine SS et dans la Waffen-SS, du temps de l’autre Reich, celui des années 1940.

“Allez, Madame Merkel et toi Monsieur Trump, mangez encore plus de Grèce, encore plus de Croatie ou de Serbie, mangez du Kurdistan, de la Syrie et de l’Irak, dévorez les pensions, les salaires, les ressources, les humains, mangez même votre mère, privatisez vos enfants et régurgitez tout jusqu’à la pétarade. De même, vous autres qui êtes leurs domestiques, fermez vos gueules, cessez de parler, car vous alignez mensonge sur mensonge, et donc tant de grossièretés et d’inepties morbides. Rassasiez-vous des restes et taisez-vous par-dessus les maigres pensions des veuves comme par-dessus la perte de la patrie”, “To Pontíki” du 9 janvier 2019.

Et aux yeux de… l’autre presse, et je remercie l’ami du blog Jean-Marie N. de m’avoir signalé cet article: “L’Allemagne ‘assume complètement la responsabilité des crimes’ commis par les nazis en Grèce pendant la Seconde Guerre mondiale. ‘Nous sommes conscients de notre responsabilité historique. Nous savons aussi quelle souffrance nous avons infligée à la Grèce (…) durant la période du national-socialisme’, a admis vendredi Angela Merkel lors de sa première visite à Athènes depuis 2014, avant de s’entretenir avec le président de la République hellénique, Prokópis Pavlópoulos et le Premier ministre, Aléxis Tsípras. Une repentance pour tenter d’apaiser le climat tendu entre les deux pays au pic de la crise grecque (2010-2014), et qui persiste depuis: l’Allemagne reste associée dans l’esprit des Grecs aux politiques strictes de rigueur imposées au pays pour éviter le risque d’un défaut de paiement et une implosion de la zone euro.”

Angela Merkel et Aléxis Tsípras. Athènes, le 10 janvier 2019 (presse grecque)
L’Occupation allemande et son image chez les autres. Presse allemande en 2015
Vision grecque de la… nouvelle Occupation allemande. Presse grecque, janvier 2019

“Aussitôt élu en 2015, Aléxis Tsípras, le leader de la gauche radicale Sýriza s’était rendu à Kaisarianí où 200 résistants ont été exécutés en 1944. Une façon de rappeler à la chancelière l’histoire les traces indélébiles laissées par les nazis en Grèce, qui ont occupé ce bout d’Europe d’avril 1941 à octobre 1944 (et même jusqu’à l’armistice en 1945 pour certaines régions de Crète). Environ 800 villages furent entièrement décimés et 70 000 personnes assassinées. Privations, famines (on estime à 300 000 le nombre de personnes mortes uniquement de la faim: la Grèce perdit environ 8% de sa population. Hitler obligea aussi le pays à ‘participer à l’effort de guerre nazi’: 476 millions de reichsmarks furent empruntés à la Banque de Grèce, l’équivalent de 10 milliards d’euros, considérés comme un prêt forcé”, rapporte Fabien Perrier, correspondant de “Libération” à Athènes.

Le reportage est suffisamment juste, sauf que la presse française, surtout autorisée n’écrira jamais que les crimes commis par les nazis en Grèce ou ailleurs, sont les crimes commis par les forces très exactement allemandes, liées à une histoire et à une vision géopolitique d’avant comme d’après, et que le nazisme n’est pas né à Tombouctou. La presse mainstream, elle ne dira surtout pas que la continuité entre l’avant et l’après Hitler, dont d’ailleurs le projet européiste final, n’est pas qu’une légende propagée par les… populistes. Pour mieux comprendre cette continuité, il suffit de consulter par exemple les travaux de l’historien britannique Mark Mazower, et notamment son ouvrage: “Hitler’s Empire. Nazi Rule in Occupied Europe”. Il me semble que ce livre d’analyse et d’histoire n’a pas été traduit en français, tandis qu’il a été traduit en grec et publié à Athènes dès 2009. Simple hasard ?

Ce même reportage ne nous dit pas non plus que la couronne de fleurs déposée par la Chancelière devant la Tombe du Soldat Inconnu à Athènes, elle a été aussitôt piétinée et détruite par des manifestants instituteurs, proches du PC grec quelques heures après, et que ces manifestants ont été il faut dire très violemment “aménagés” par les forces de l’ordre. Un élu communiste a perdu l’usage d’une oreille, tandis qu’une institutrice et syndicaliste a été blessée à la tête. “Nous sommes conscients de notre responsabilité historique. Nous savons aussi quelle souffrance nous avons infligée à la Grèce”, comme dirait la Chancelière. L’histoire ne se répète pas, la géopolitique si.

Imagerie populaire. Athènes, janvier 2019
L’institutrice blessée Theodora Drimala. Athènes, le 11 janvier 2019, presse grecque
La couronne déposée par Angela Merkel piétinée. Athènes, le 11 janvier 2019, presse grecque

Et pour compléter les funestes réalités de l’Occupation, celle des années 1940, il faut rappeler certaines données historiques que les spécialistes de la période, dont Thános Verémis, et Nikos Maratzídis avaient rappelé lors d’une très longue émission, d’une durée de près de huit heures, en rediffusion samedi 12 janvier sur la radio d’ailleurs très systémique, Skáï 100.1 FM. D’abord, et concernant l’emprunt obligatoire durant l’Occupation, l’Allemagne avait obligé la Grèce à fournir aux forces occupantes, vivres, travail, matériel, produits et services contre de bons de reconnaissance de cette dette sur… papier simple mais officiel, dont d’ailleurs une infime partie, environ 1% du total, ayant été remboursé peu avant le départ des troupes allemandes de la Grèce continentale en 1944.

D’après même l’historien Hagen Fleischer, cet emprunt obligatoire lequel équivalait au PIB annuel grec, avait autant servi pour une part non négligeable, à financer les besoins de l’Armée Rommel en Afrique du Nord, ainsi que l’essentiel des… frais générés par la logistique de l’extermination des communautés juives de Grèce et des Balkans. Rappelons que l’importante communauté juive de Thessalonique, elle a été quasi-complètement exterminée lors de l’Holocauste.

Pour les autres chiffres, l’Occupation Allemande, entre avril 1941 et octobre 1944, a laissé derrière elle un pays largement broyé, 26% des habitations étaient détruites, 1.200.000 Grecs sans-abri, 97% des infrastructures de transport détruites dont le Canal de Corinthe, 70% des installations des ports comme le Pirée, Patras ou Vólos devenues inutilisables, 90% du matériel roulant des trains et des lignes détruits, et aussi près du tiers des équipements hydrauliques. Donc et en dépit de la propagande, une certaine Grèce n’est pas prête à oublier et encore moins à passer outre… de cette dette allemande, sauf on dirait “nos” politiciens.

Rue d’Athènes, janvier 2019
Tsípras menteur. Athènes, janvier 2019
Angela Merkel et Prokópis Pavlópoulos. Athènes, le 10 janvier 2019, presse grecque

Notons aussi que la Grèce a été dépecée en trois zones d’Occupation, allemande, italienne et bulgare, et que suite aux événements italiens de l’été et de l’automne 1943 et notamment l’armistice de Cassibile , la zone italienne a été réunie avec la zone allemande, et il faut ici préciser, que la Macédoine orientale et la Thrace, régions alors grecques sous Occupation bulgare, elles ont été annexées de fait par la Bulgarie, et leurs habitants grecs déportés, massivement, voire exécutés, le tout, avec une amorce de remplacement de la population grecque par des une population arrivée de manière organisée de la Bulgarie.

Notons aussi que la géopolitique de l’Allemagne dans les Balkans autant que celle du Kominterm d’ailleurs, elles visaient à promouvoir le Macédonisme slave et/ou bulgare, pour ainsi à terme, amputer la Grèce des régions de la Macédoine et de la Thrace, un Macédonisme agressif, et ouvertement affiché toujours actuellement depuis Skopje et l’ex-République Yougoslave de Macédoine, y compris à travers son irrédentisme inscrit dans la Constitution de ce pays.

D’où tout le danger du projet germano-occidental imposé en l’absence des peuples intéressés et qui consiste à baptiser ce pays en “République de Macédoine du Nord”. Les autres habitants de la planète qui ne sont pas obligés que de connaître l’histoire des Balkans, penseront qu’il y a une Macédoine du Sud, en réalité la région historique grecque avec laquelle les voisins Slaves n’ont aucun rapport, ni culturel, ni linguistique, à unifier un jour avec la… “République de Macédoine du Nord”. Notons encore l’exemple de la Bulgarie, actuellement et d’après les déclarations officielles, y compris de son Président Roumen Radev, elle ne reconnaît pas la langue dite “Macédonienne” (langue appartenant au groupe slave méridional et d’ailleurs considérée comme faisant partie du bulgare), et encore moins l’ethnicité homonyme, considérant qu’il s’agit en réalité de frères un peu marginalisés, vivant de l’autre côté de la frontière, reportage de la presse grecque, décembre 2018. Ainsi, le rejet de cet accord déjà néfaste par l’immense majorité des Grecs n’est pas le fait d’un nationalisme exacerbé comme le prétend la propagande Syrizo-mondialiste, mais une réaction attendue face à une agression, une usurpation de l’identité culturelle, et surtout face à un putsch géopolitique et même politique.

Car à non humble avis, le but ce n’est pas d’imposer un accord dangereux, voire humiliant les Grecs ou les voisins Slaves, mais d’arriver un jour, à un compromis sincère et surtout prometteur de paix et d’amitié. Tel a été le cas d’ailleurs entre la Grèce et la Bulgarie, lorsque dans les années 1960, Sofia a officiellement abandonné toute visée territoriale sur la Macédoine et la Thrace grecques. Depuis, et indépendamment des gouvernements en place, régime des Colonels compris, les relations entre les deux pays n’ont cessé de s’améliorer.

Semaine ainsi très crépusculaire, marquée par la visite de la Chancelière, histoire de vérifier la bonne tenue de la colonie grecque. L’histoire qui ne se répète pas… et pourtant. On se balade non loin de la demeure du célèbre en son temps Ioánnis Kolétis, chef du parti… français, et homme politique du siècle bien d’avant. Comme l’écrit mon ami Olivier Delorme dans “La Grèce et les Balkans”, au sujet du Congrès de Berlin , c’était en cette année 1878… disons si lointaine:

“Le Congrès de Berlin apparaît comme l’acmé de cette diplomatie du ‘concert européen’ dans lequel certains veulent vois aujourd’hui une instance irénique ayant évité à l’Europe un conflit majeur. Mais outre que ce concert ne fut longtemps qu’un syndicat de gouvernements réactionnaires surtout préoccupé d’éviter la propagation des idées libérales et de faire régner la paix des cimetières – en Espagne, en Pologne, en Italie, en Grèce -, cette instance qui, dans l’ordre international, s’apparente à ce qu’est l’oligarchie dans l’ordre politique interne, ne sut jamais, de Laybach en 1821 à Berlin en 1878, dégager les solutions susceptibles d’assurer à l’Europe du Sud-Est un minimum de stabilité et de paix. Elle ne sut créer les conditions du conflit suivant. Ce que son but ne fut jamais que la recherche du compromis entre des impérialismes contradictoires (…) dans ce jeu, les États nés des luttes nationales de libération cruelles, voire tragiques, furent toujours traités en pions, non en acteurs.”

Délabrement. Athènes, janvier 2019
Un temps de chien ! Athènes, janvier 2019
La maison de Kolétis. Athènes, janvier 2019

“Le Congrès de Berlin évite certes un conflit entre Russes, Autrichiens et Anglais. Mais en faisant la paix sur le dos des peuples de la région, en les tenant à l’écart d’une négociation dont le résultats leur est ensuite imposé sans qu’on ait le moins du monde sollicité leur consentement, il met en place la logique qui conduit, dès 1885, à la remise en cause de la carte qu’il a dessinée par l’union de la Roumélie orientale à la Bulgarie, à la guerre serbo-bulgare qu’elle provoque, à la guerre gréco-turque de 1897, à la guerre civile larvée de Macédoine, au carnage des guerres Balkaniques de 1912-1913, et finalement à l’attentant de Sarajevo qui sert de détonateur au premier conflit mondial en 1914.”, Olivier Delorme dans “La Grèce et les Balkans”, tome I.

Sauf qu’en 2019, c’est cette géopolitique tombale qu’elle impose aux Grecs (et ce n’est qu’un exemple) l’apraxie comme la paralysie, en plus du fait, que les supposées élites politiques et intellectuelles trahissent alors la souveraineté, leur patrie et autant les droits des citoyens. La Grèce n’arrive pas à faire usage de la puissance géopolitique à son niveau rien que pour se défendre, tandis que Gauche et Droite alors autorisées, se sont mises au service de la mondialisation occidentale, dont de celle de l’Union européenne sous le contrôle de l’Allemagne… pour les affaires disons locales.

Lors d’une réunion ouverte des Comités de la capitale pour la défense de la Macédoine grecque, tenue à Athènes dimanche 13 janvier dans la salle de l’Ancien Parlement, débat, notons-le, couvert… par la seule presse russe, les journalistes et universitaires invités, dont les journalistes et analystes Nikos Igglésis et Stávros Lygerós et le géopoliticien Konstantinos Grívas enseignant à l’École Militaire, ils ont, entre autres, rappelé ce que ce blog ne cesse de répéter depuis hélas si longtemps, à savoir l’importance du mécanisme de l’euro d’abord et de l’Union européenne ensuite dans cette neutralisation sans précédent des réactions possibles des États, des nations et des peuples.

Car l’euro, et plus exactement la dette des pays en euros, n’est l’équivalent que d’une prison de très haute sécurité sous la surveillance des élites économiques d’abord allemandes. Avant l’an 2000, 75% de la dette grecque était édité en monnaie nationale, la drachme, lorsqu’en 2002 elle est exprimée et détenue à 100% en monnaie étrangère, en cette sorte de Reichsmark allemand du nouveau siècle que les autres pays ne contrôlent pas ou sinon si peu. La Grèce, pour ne rester… que dans son exemplarité, elle est ainsi devenue une colonie de la dette, ce qui conduit au bout du processus à l’anéantissement économique, démographique, culturel et ainsi géopolitique du pays. D’où sans doute toute l’utilité de l’exemple grec pour les autres peuples de la dite Union européenne, il ne faut en arriver là, aussi, parce que la dite construction européenne est synonyme de haine et des conflits en gestation entre les pays comme au sein des sociétés concernées, d’où autant la nécessité à accélérer son démantèlement et ceci dans l’urgence.

Pour la petite histoire et pour le reportage, ajoutons que cette réunion des Comités pour la défense de la Macédoine grecque, elle avait été directement saluée par Vassílis Levéntis, chef du parti du Centre, ainsi que par Yórgos Patoúlis, maire de Maroússi et proche de la Nouvelle Démocratie. Je ne dirais pas que leur présence m’est parue bien convaincante, les lecteurs de ce blog, savent combien je reste très réservé et méfiant devant les politiques, surtout depuis le… choc SYRIZA, et ainsi la fin effective du système politique grec, en tout cas, aux yeux de ceux qui s’efforcent autant que faire se peut, à réfléchir sur nos réalités bien apocalyptiques.

Réunion des Comités de la Macédoine grecque, Athènes dimanche 13 janvier, 2019
Konstantínos Grívas, Nikos Igglésis et Stávros Lygerós. Athènes, le 13 janvier
Vassílis Levéntis, chef du parti du Centre. Athènes, le 13 janvier
Yórgos Patoúlis, maire de Maroússi. Athènes, le 13 janvier

Athènes et le Pirée alors sous leur temps d’hiver et une bonne partie de la Grèce toujours sous la neige. L’Orthodoxie fêtera toujours la mémoire des néo-martyres du 19e siècle à l’instar de Saint Georges de Jannina, exécuté par les Ottomans en 1838, tandis que la Chancelière est déjà rentré en Métropole.

Le Congrès de Berlin… en 2019, il se nomme Union européenne et OTAN, faisant la soi-disant paix sur le dos des peuples de la région, en les tenant à l’écart d’une négociation dont le résultats leur est ensuite imposé sans qu’on ait le moins du monde sollicité leur consentement. Sauf qu’il y a un lustre de pseudo-démocratie, et que les marionnettes, à la manière de Tsípras et de Zaev, le Premier ministre de l’ex-République Yougoslave de Macédoine, ils font semblant de négocier et de décider, au besoin, en violation flagrante et délibérée des volontés de “leurs” peuples, referendums rarement organisés compris.

Saint Georges néo-martyre. Monastères des Météores, janvier 2019
Neige en Grèce. Thessalie, janvier 2019
Au Pirée et en hiver. Janvier 2019

Le peuple se rebiffe alors comme il peut. Des rassemblements sont prévus en ce mois de janvier pour stopper l’accord Macédonien imposé par Berlin, Bruxelles et Washington et qui devrait être ratifié par les marionnettes d’ici comme d’ailleurs.

Déjà au “Parlement” à Athènes, pour la partie visible des tractations en cours, elle tient de la volatilité et autant de l’excitation dont font preuve les députés des petits partis, sauf qu’une liste contenant les données personnelles des élus du parti de Kamménos… circule alors sur Internet depuis cette semaine… et que leurs téléphones sont submergés de messages… les menaçant de mort au cas où ils vont dire ‘oui’ à l’accord Macédonien de Tsípras, presse grecque du 12 janvier. Régime… “démocratique” et ses conséquences.

Politiciens ainsi durablement et même… fièrement installés dans le cynisme et l’hybris, et voilà que la boîte de Pandore s’ouvre peu à peu. Austérité et géopolitique même combat ! Après tout, Hermann Göring, au sujet des populations aux pays très exactement occupés, il avait déclaré sans état d’âme que “les riches seront appauvris, les pauvres mourront, et l’Allemagne vaincra à la fin” (samedi 12 janvier, radio Skáï 100.1 FM).

Athènes pluie et humidité, un temps de chien certes, mais c’est surtout nos chats adespotes animaux sans maîtres qui retiennent alors toute notre attention. Histoire de la Grèce et des Balkans !

Chat adespote. Athènes, janvier 2019

* Photo de couverture: Angela Merkel à Athènes. Janvier 2019, presse grecque

En Grèce, des conditions d’accueil toujours inhumaines pour les réfugiés

Par Amélie Poinssot Mediapart

Sur l’île grecque de Lesbos, un jeune Camerounais est mort dans la nuit de lundi à mardi. Plusieurs rapports d’ONG font état de conditions d’accueil dramatiques dans les camps proches de la frontière avec la Turquie. Les populations vulnérables n’ont pas accès aux soins nécessaires.

 

Chaque dimanche, c’est lui qui lisait les psaumes en anglais à l’église des environs. Sur l’île orthodoxe de Lesbos, une petite communauté catholique a grandi ces dernières années avec la population des réfugiés et des employés des organisations internationales. Originaire du Cameroun, Jean-Paul A. s’est éteint dans la nuit de lundi à mardi. Le container du centre d’accueil de Moria où vivait ce jeune homme de 24 ans n’était pas chauffé alors que le froid s’est abattu sur l’île grecque depuis quelques jours.

Cette mort brutale vient une nouvelle fois confirmer l’état délétère, en Grèce, des structures d’accueil et des centres de rétention pour les demandeurs d’asile. Régulièrement surpeuplés, sous-dotées en matériel de soins et en personnel médical, ils ne respectent pas les normes internationales et mettent cruellement à l’épreuve les populations vulnérables que constituent les femmes enceintes ou allaitantes, les mineurs non accompagnés, les personnes âgées, malades, ou encore victimes de torture ou de troubles post-traumatiques.

Publié mercredi 9 janvier, un rapport d’Oxfam dénonce précisément, à partir du cas de Lesbos et du camp de Moria, l’échec du système grec à protéger les demandeurs d’asile vulnérables. Il vient s’ajouter à la longue liste de rapports d’ONG qui déplorent, depuis des années, les mauvaises conditions d’accueil dans ce pays situé aux frontières extérieures de l’Union européenne et qui s’est trouvé, en 2015 et 2016, en première ligne de l’arrivée en Europe des exilés de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan.

Dans le camp de Moria, à Lesbos, en novembre 2018 © Reuters Dans le camp de Moria, à Lesbos, en novembre 2018 © Reuters

L’organisation internationale de développement constate à Moria un manque critique d’accès aux soins et de nombreux dysfonctionnements dans l’enregistrement des demandeurs d’asile qui font que les personnes vulnérables ne sont pas identifiées en tant que telles : les procédures ont changé trois fois en un an, le nombre d’interprètes est insuffisant, et les délais sont extrêmement longs pour obtenir une consultation au centre médical du camp (qui dépend du ministère grec de la santé). En novembre dernier, écrit l’ONG, il n’y avait même plus de médecin affecté à Moria.

Dans ce contexte, la surpopulation du lieu est un facteur aggravant dans un pays où le secteur de la santé a été durement touché par les restrictions budgétaires en vigueur depuis neuf ans. D’après les chiffres du ministère grec de l’intérieur, au 7 janvier 2019, 8 164 demandeurs d’asile résidaient à Moria, que ce soit à l’intérieur du camp ou dans le campement informel aménagé à côté. C’est trois fois plus que la capacité de ce « hotspot », officiellement de 3 000 places. Le programme de relocalisation des réfugiés en provenance de Grèce et d’Italie, mis sur pied par la Commission européenne en 2015, n’a pas permis de soulager durablement les autorités helléniques. Fin 2018, 21 999 exilés avaient été réinstallés depuis la Grèce dans d’autres pays européens.

L’absence de solidarité européenne a des conséquences très concrètes : d’après le rapport d’Oxfam, aujourd’hui à Moria des personnes doivent attendre jusqu’en 2020 pour voir examiner leur demande d’asile. Cela signifie plus d’un an d’hébergement dans ces conditions susceptibles d’aggraver leur santé. L’ONG rapporte le témoignage d’un Ivoirien, aveugle d’un œil et souffrant de problèmes aux reins et à un genou, à qui les autorités du hotspot ont autorisé un déplacement à Athènes afin qu’il soit correctement pris en charge… « Mais c’était il y a cinq mois, dit le jeune homme, et mon transfert n’a toujours pas été organisé. »

Non seulement les personnes vulnérables n’ont pas accès aux soins ou aux conditions d’hébergement auxquelles elles ont droit (foyers spécifiques ou appartements en dehors du camp), mais les règles basiques ne sont pas respectées. Ainsi des femmes seules et des mineurs non accompagnés sont parfois mélangés avec le reste de la population. « Ces personnes, dont beaucoup ont déjà souffert d’abus sexuels ou d’expériences traumatiques, risquent une sérieuse détérioration de leur santé mentale si elles sont forcées de vivre dans une peur constante », écrit Oxfam.

Problème : les personnes qui ne sont pas identifiées comme vulnérables au moment de l’examen de leur demande d’asile voient leur dossier entrer ensuite dans une procédure de traitement rapide. Elles courent le risque d’être renvoyées en Turquie en raison de l’accord négocié par l’Union européenne avec le pays d’Erdogan en février 2016.

Dans le camp informel qui jouxte le centre d’accueil de Moria et que les habitants de l’île ont surnommé l’Oliveraie, les conditions de vie décrites par Oxfam sont encore plus déplorables. Scorpions, rats et serpents se baladent alors que les gens dorment sous tente à même le sol. Plusieurs dizaines de personnes sont obligées de partager un même W-C. À Moria et aux alentours, des cas fréquents de diarrhée et d’infections cutanées ont été observés.

95 personnes dans une cellule

La période hivernale ayant commencé, les risques de maladie et d’accidents se multiplient. Les résidents du camp n’ont pas accès à l’eau chaude, et ceux qui sont sous tente ont parfois installé des petits chauffages de fortune sous leur toile. Les gens sont en outre obligés de faire la queue dehors parfois pendant des heures lors des distributions de repas.

Contactées par Mediapart, plusieurs personnes qui ont eu accès au campement ces derniers jours nous ont expliqué qu’il y avait également de fréquentes coupures d’électricité et que de nombreux bâtiments n’étaient pas chauffés correctement. Elles nous ont confirmé avoir été en contact avec de nombreuses personnes présentant des problèmes de santé.

Ce diagnostic accablant n’est malheureusement pas le premier. En septembre, l’International Rescue Committee (IRC) et Médecins sans frontières s’étaient alarmés de l’état de la santé mentale à Moria. Trois mois plus tôt, c’était Human Rights Watch (HRW) et le Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (organisation dépendant du Conseil de l’Europe) qui faisaient état des conditions de détention des migrants, ciblant cette fois les établissements du nord-est de la Grèce situés à proximité de la frontière terrestre avec la Turquie.

L’organisation IRC, qui assure dans le camp de Moria un travail constant depuis 2015 avec à l’heure actuelle une équipe de neuf personnes, dont quatre psychologues, mettait l’accent dans son rapport sur les tendances suicidaires des personnes hébergées sur place. Sur les 126 patients qu’elle prenait en charge, elle notait que 29 % d’entre eux avaient fait une tentative de suicide et que 64 % souffraient de dépression.

IRC révélait en outre l’importance des violences sexuelles et de genre à l’intérieur de Moria. La moitié de ses patientes, mais aussi 33 % des hommes qu’elle suivait, ont dit en avoir été victimes. Une information à mettre en parallèle avec la décision de la municipalité de Lesbos prise cet été : les réfugiées et demandeuses d’asile ne sont plus acceptées dans son foyer d’accueil pour les femmes victimes de violences, à l’exception de circonstances « extrêmes » et pour un séjour maximum de deux jours…

Les résidents de Moria vivent dans un climat anxiogène où les agressions sont légion, alors qu’ils ont rejoint l’Europe pour justement fuir la violence dans leurs pays. « Les demandeurs d’asile avec des problèmes de santé mentale et les personnes ayant subi des violences sexuelles ne peuvent pas trouver les soins dont elles ont besoin à Lesbos, écrit IRC. Mais elles n’ont d’autre choix que de rester là, dans des conditions qui exacerbent leur santé mentale. »

Les conditions d’hébergement dans le camps de Lesbos, peut-on encore lire dans le rapport, « ne se sont pas améliorées depuis novembre 2016, lorsqu’une femme et sa petite fille ont été tuées à Moria parce que la bouteille de gaz qu’elles utilisaient pour cuisiner a explosé dans leur tente ».

De son côté, MSF mettait l’accent sur la souffrance des enfants dans le camp, constatant chez eux des phénomènes d’automutilation et des tentatives de suicide. D’autres, expliquait l’ONG, sont touchés par du mutisme, des crises de panique ou d’anxiété, ou des excès d’agressivité. « C’est la troisième fois cette année que MSF appelle les autorités grecques et celles de l’UE à prendre leurs responsabilités suite à leurs échecs collectifs », regrettait la cheffe de mission de l’organisation en Grèce, Louise Roland-Gosselin.

Au début de l’été, deux rapports successifs de HRW (ici et ) revenaient sur les conditions d’accueil « inhumaines » observées dans le nord-est de la Grèce. Dans cette région, il n’y a pas de hotspot comme sur l’île de Lesbos, mais différents commissariats le long de la frontière ainsi qu’un centre de rétention, à Fylakio. Aucun de ces endroits ne respecte les normes internationales en vigueur. Ils sont caractérisés par un surpeuplement régulier et un mélange des populations, ce qui rend le séjour particulièrement difficile pour les femmes et les filles.

L’ONG publiait ainsi le témoignage de différentes femmes qui se sont retrouvées à partager pendant plusieurs semaines un même espace avec une majorité d’hommes avec qui elles n’avaient aucun lien de parenté. Elle racontait notamment l’histoire de Maha, une Irakienne restée pendant plus de deux semaines avec son compagnon dans une cellule où résidait une soixantaine d’hommes.

Le Comité européen pour la prévention de la torture, quant à lui, faisait état de conditions « inacceptables » pour la partie rétention de Moria ainsi que pour le centre de rétention de Fylakio, alors que d’autres établissements, dans le pays, présentent des conditions tout à fait correctes (notamment ceux d’Amygdaleza, proche d’Athènes, et de Pyli, sur l’île de Kos). À Fylakio, il a ainsi pu observer une cellule occupée par 95 étrangers, dont des familles avec enfants, des mineurs non accompagnés, des femmes enceintes et des hommes seuls. Il en résultait un espace d’un mètre carré par personne en moyenne. Le Comité notait également un manque d’accès aux soins et remarquait qu’aucune amélioration n’avait été faite pour combler le manque d’interprète depuis sa dernière mission, en 2016.

Au total, sur l’ensemble du territoire grec, plus de 50 000 demandeurs d’asile sont en attente du traitement de leur dossier. D’autres routes migratoires se sont recréées depuis 2016, s’orientant davantage vers l’Italie et l’Espagne, et la Grèce est sortie des radars médiatiques. Mais elle n’est pas sortie d’affaire. Depuis le début de l’année, d’après les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNCHR), 259 personnes sont déjà arrivées sur le sol grec en provenance de la Turquie. Toutes les ONG le soulignent : il est plus que jamais nécessaire d’activer les mécanismes européens de solidarité et de réformer le système de Dublin afin de soulager la péninsule hellénique.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/100119/en-grece-des-conditions-d-accueil-toujours-inhumaines-pour-les-refugies?page_article=2

Les forcenés par Frédéric Lordon

Article de Frédéric Lordon paru dans le monde diplomatique du 9 janvier 2019« Le roi fou ou la folie de Charles VI » (détail), François-Auguste Biard, 1838.

Méthodologiquement, et déontologiquement, il faut maintenir les hypothèses psychiatriques dans un statut d’ultime recours quand il est question de politique, et ne se tourner vers elles qu’après avoir tout essayé. Au point où nous en sommes cependant, observant Macron, Griveaux, écoutant le défilé ininterrompu des députés LREM sur les chaînes d’information continue et les chiens de plage arrière qui font « oui oui » en leur passant les plats, on cherche en tous sens, et surtout en vain, ce qui pourrait nous sauver de ce dernier recours. Après avoir épuisé toutes les explications alternatives, il va falloir s’y résoudre : ces gens sont complètement fous.

On savait depuis longtemps que chaque fois que l’un d’eux dit « j’ai bien entendu » ou « nous sommes à l’écoute », il utilise juste d’autres mots pour dire « nous n’en ferons qu’à notre tête et vous n’existez pas ». Cependant, il y a un point où le cynisme bonnasse de type chiraquien ou hollandiste ne fait plus une hypothèse suffisante. Quand un mouvement quasi-insurrectionnel hurle au gouvernement qu’il mettra le feu plutôt que de continuer dans cette direction, et que le gouvernement lui répond qu’il a « bien entendu » « l’impatience », qu’il a bien compris la demande, l’envie même, d’aller encore « plus loin dans le changement », de se montrer « encore plus radical dans les méthodes et les manières de faire », comment écarter l’hypothèse psychiatrique ? Quel type de rapport Benjamin Griveaux entretient-il avec la réalité quand il se prévaut d’une « envie de changement des Français », en tout cas d’une envie du type de celle qui appellerait sa réponse à lui ? Et, accessoirement, pourquoi ne se trouve-t-il pas un média pour le lui faire remarquer clairement ? En commençant d’ailleurs par lui faire observer que « ses » Français, mesurés au score réel de la présidentielle, font à peine plus de 10 % du corps électoral (1), et qu’ils n’ont porté Macron au pouvoir qu’au terme d’une gigantesque prise d’otages de deuxième tour, méthodiquement agencée de longue date avant le premier — autrement dit sans aucune des « envies » que leur délire Griveaux.

On savait depuis longtemps que chaque fois que l’un d’eux dit « nous sommes à l’écoute », il utilise juste d’autres mots pour dire « nous n’en ferons qu’à notre tête et vous n’existez pas »

Orwell, qui n’est pas redevenu par hasard une référence contemporaine, a dit comme personne le tour de langage propre au pouvoir dictatorial : l’inversion, en fait la négation, systématique des choses par les mots — la guerre qui est la paix, l’esclavage la liberté et l’ignorance la force. Mais c’est autre chose encore, d’une autre nature, qui émane par exemple du discours de « vœux » de Macron. C’est qu’il faut un twist déjà très prononcé pour revendiquer « avoir posé les bases d’une stratégie ambitieuse pour améliorer l’organisation de nos hôpitaux » (2) quand le système de soin est au bord de l’effondrement et que médecins et infirmières en sont à se suicider ; de même pour prétendre « lutter contre le réchauffement climatique » quand les mesures prises finissent par écoeurer un personnage a priori aussi disposé à tous les simulacres que Nicolas Hulot. Ou pour se targuer « d’éradiquer la grande pauvreté » quand, du fait de politiques de guerre sociale à outrance, elle explose dans les statistiques et sous nos yeux mêmes. Il faut avoir passé des caps pour expliquer sans ciller que la transformation « en profondeur des règles de l’indemnisation du chômage », de « l’organisation du secteur public » et de « notre système de retraite », transformations qui promettent les demandeurs d’emploi à une précarité sous surveillance sans précédent, le secteur public au saccage néomanagérial, et les retraités à la misère, pour expliquer, donc, que tous ces bons soins sont faits « au fond pour bâtir les nouvelles sécurités du XXIe siècle ».

À ce stade, l’examen clinique est déjà très lourd, mais il ne prend sa véritable consistance qu’au moment, proprement glaçant, où le sujet déclare placer toutes ses intentions sous le signe de la vérité et de la réalité, et jusqu’à en faire un vœu, « un vœu de vérité » — consciencieusement mâchonné par le commentariat médiatique. C’est alors qu’on le voit passer le 38e parallèle quand, bien en face, il nous souhaite pour 2019 « de ne pas oublier qu’on ne bâtit rien sur des mensonges ». Et c’est à l’instant où il nous sermonne que « nous nous sommes installés dans un déni parfois flagrant de réalité » que toutes les alarmes se mettent à sonner.

C’est donc avec des profils de ce genre qu’il faudrait aller jouer au « grand débat », et avec lesquels la « presse démocratique » appelle elle aussi à aller « parler », puisque « parler », c’est la « démocratie ». Des profils qui ont pourtant annoncé la couleur, qui invitent à discuter de tout mais sous l’évidence préalable qu’« on ne détricotera pas ce qui a été réalisé en dix-huit mois », c’est-à-dire qu’on ne changera rien — sinon à donner du même en pire. On réalise ici que c’est de nouveau à Benjamin Griveaux qu’on doit cet encouragement à débattre, décidément un personnage remarquable, fin connaisseur du pays profond depuis « la clope et le diesel (3) », et l’on se dit qu’on pourra raconter ce qu’on veut à propos des animateurs de l’après-midi « Portes ouvertes » au ministère, sauf qu’ils ont manqué de sens politique.

C’est donc avec des profils de ce genre qu’il faudrait aller jouer au « grand débat »

Comme un événement se reconnaît à sa puissance de classement, à son pouvoir de montrer qui est où, et qui pense quoi — après le TCE de 2005, Trump ou le Brexit, celui des « gilets jaunes » en est un au plus haut point —, l’événement dans l’événement, dont les portes défoncées du ministère fait certainement partie, l’est au carré : il fait tout sortir. À commencer de l’intéressé lui-même qui, pour se refaire une dignité express après avoir changé de linge, va puiser dans les dernières ressources de son lyrisme Sciences-Po pour expliquer que ce qui a été attaqué, « c’est la maison France ». Si l’on prend le parti charitable de considérer que « la maison France » (assez judicieusement rebaptisée par un internaute « la maison Business France ») n’est pas une entité imaginaire pour enfants en bas âge, ou bien pour délirant échappé du CMP, il faut expliquer à Griveaux que, non, c’est bien lui qui a été visé, qu’il n’était d’ailleurs pas illogique qu’il en fût ainsi car, est-il dit quelque part, le malheur va à celui par qui le scandale arrive et que, porte-parole d’une clique qui scandalise le pays, il a lui-même, à force de provocations et de mépris, porté l’outrage général à des sommets qu’on ne peut décemment pas imaginer franchir en toute impunité. Appelons donc Benjamin Griveaux à refaire des distinctions élémentaires, dont la perte est une indication préoccupante de plus : il n’est pas « la maison France » en personne, ni même « les institutions ».

Cette confusion n’existe cependant pas qu’à l’état isolé dans les têtes les plus dérangées de ce gouvernement. Un reportage court mais frappant de l’AFP auprès des forces de l’ordre révélait avec quelle sorte de conditionnement les chefs bourrent les têtes de la troupe avant de l’envoyer matraquer : « ils nous disent que si on perd cette bataille-là tout peut s’effondrer. Ils nous rappellent l’importance de notre métier pour la démocratie et la république (…) Notre vocation, c’est de défendre les institutions (4) », témoigne ainsi l’un d’eux. Brutes fascisées mises à part, qui n’ont besoin d’aucun motif pour cogner, que resterait-il de l’ardeur des policiers si on leur expliquait posément que, Griveaux et Macron dégagés, les « institutions », qui ne se confondent pas avec leurs occupants transitoires, seraient toujours là… accessoirement débarrassées des personnages qui leur bricolent la même vie pourrie que ceux sur qui ils ont ordre d’aller taper ? Défendre Macron n’est pas défendre « les institutions » : c’est défendre Macron — barricadé dans les institutions.

Mais l’on pourrait aussi, à l’exact inverse, répondre tout autre chose au spasme indigné de ce que, sinon « la maison France » du type en rupture de cachets, ce sont « les institutions de la République qu’on attaque », autre chose qui ferait le choix de prendre cette phrase de carton-pâte au sérieux malgré tout, et qui lui dirait que, tout bien réfléchi, en définitive, oui, c’est vrai, il y a de ça. On ne sait jamais trop où se situer entre le trop et le trop peu d’importance accordée aux questions institutionnelles, mais si vraiment les renversés du Fenwick tiennent à en parler, alors oui : se débarrasser des institutions de la Ve République, ça peut en effet faire partie de l’idée générale (5).

Défendre Macron n’est pas défendre « les institutions » : c’est défendre Macron — barricadé dans les institutions

Il faut que les « défenseurs de la démocratie », forcenés médiatiques hurlant à la « sédition » et aux « factieux » avec les forcenés politiques, aient perdu de longue date l’idée de la démocratie qui, il faut visiblement le leur rappeler, consiste en l’activité autonome par lesquelles les peuples créent non seulement leurs lois mais leurs institutions — créent, c’est-à-dire s’autorisent à recréer chaque fois qu’ils le jugent opportun. On aura donc du mal à tenir le renversement des institutions en vue de refaire de nouvelles institutions pour une activité opposée à la démocratie quand elle en est l’expression même.

Pour parler aux forcenés avec des références simples qu’ils peuvent peut-être comprendre, de Gaulle en 1958, par exemple, se propose de « renverser les institutions de la république » — la IVe. Comme on sait, il s’est alors agi, dans la manière, davantage d’un coup d’État que d’une refondation démocratique, mais comme de Gaulle est leur doudou à tous, et qu’ils tiennent tous ce cas de « renversement des institutions de la république » pour une chose très admirable, un argument a fortiori devrait les convaincre sans peine que la même chose appliquée à la Ve, mais avec beaucoup de monde au lieu d’une sorte de junte, est encore plus exemplairement démocratique.

Pour tout dire, on sait bien qu’aucun argument ni aucune logique n’auront plus la moindre prise sur ces esprits. Tout autant que ce gouvernement, la presse mainstream qui fait bloc avec lui a quitté le réel. Départ qui hésite entre les formes du grotesque et celles du refuge dans les principes supérieurs, crécelles à tourner quand, le dos au mur, on n’a plus rien à dire. Le grotesque par exemple quand France Inter convie une « spécialiste des discours politiques » à commenter les vœux de Macron et, joignant le pire radiophonique au pire universitaire, obtient sans peine de l’invitée choisie à cette fin que prononcer les vœux debout, c’est « donner une image de dynamisme et de jeunesse », mais aussi « casser l’image très éloignée des Français (6) » — avouons qu’ici le « service public » ne pouvait guère cerner de plus près le sentiment du public, à qui l’écoute de l’allocution présidentielle a certainement fait cet effet-là exactement, et inspiré des pensées toutes pareilles. « Donc un président qui a entendu, et qui se remet en marche » résume Alexandra Bensaïd, avec une parfaite objectivité, elle aussi vouée à tomber des nues le jour où les portes de la Maison de la Radio seront à leur tour enfoncées à l’engin de chantier.

Comme par une sorte de prescience du Fenwick qui vient, le monde des médias prend les devants et n’en finit plus de s’envelopper préventivement dans la « démocratie », de crier que si on lui touche un cheveu à lui, c’est elle qu’on assassine, et qu’il n’y a pas de plus grand crime. Alors dans une crise d’écholalie qui sent les paniques terminales, il ne dit plus, en boucle et en désordre, que « république », « les institutions », « démocratie » et « liberté de la presse ». Mais il y a belle lurette que « la démocratie », dans ces bouches, n’est qu’un mot ectoplasme, comme « presse libre », et ça n’est certainement pas un hasard que les deux se serrent l’un contre l’autre pour tenter de se sauver solidairement — la « démocratie » du capital accrochée à la « presse libre » du capital (ou à celle de l’État du capital).

Déjà au naturel apparentées à ces concepts dont Deleuze disait qu’ils sont « gros comme des dents creuses », la « presse libre » et la « démocratie » sont des abstractions vides de sens, dont les tenants voudraient qu’on les révère en principe, alors qu’on n’en juge qu’en situation. Montrez-nous telle presse, et tel système de gouvernement, nous vous dirons s’ils sont libres et démocratiques, indépendamment des étiquettes avantageuses qu’ils se donnent, et pour le reste, inutile de s’agiter avec des généralités à faire du vent. Quel effet pourrait bien nous faire par exemple l’étiquette de « presse libre, pilier de la démocratie » quand on écoute BFM, France Info (qui est pire que BFM), ou qu’on lit le JDD en ce moment ?

On comprend en tout cas que, dans toute cette affaire, la question de la violence soit le point de cristallisation absolue

On comprend en tout cas que, dans toute cette affaire, la question de la violence soit le point de cristallisation absolue. D’abord parce qu’elle répond à une série d’égalités ou d’oppositions entre « dents creuses » suffisamment rudimentaires pour entrer dans des têtes de journaliste : violence = contraire de démocratie ; or démocratie = bien suprême, et incidemment démocratie = presse (libre) ; donc presse libre = bien suprême, et violence = ennemi de presse libre (spécialement quand ça commence à chauffer à proximité des sièges de médias). Mais aussi, bien plus encore, parce que la violence n’est pas que le point d’outrage, ou de terreur, de la « presse libre » : elle est son point de mauvaise conscience.

Depuis trente ans en effet, la structure institutionnelle d’ensemble, dont les médias sont un élément décisif, n’a pas cessé d’organiser la cécité, la surdité et la tranquillité des puissants — dont Griveaux est le produit achevé, la forme pure : « à l’écoute », il « entend » qu’il faut accélérer, et puis s’étonne de se retrouver avec une porte cochère sur les bras. Or depuis 1995 jusqu’à aujourd’hui, en passant par Le Pen en 2002, le TCE de 2005, le Brexit, Trump, etc., les médias dominants se sont scrupuleusement tenus à leur tâche de gardiennage qui consistait à renvoyer toute manifestation de mécontentement à l’irrationalité et toute demande d’alternative à l’irresponsabilité, pour placer la continuité gouvernementale néolibérale hors d’atteinte. Quand tous les médiateurs, médiatiques et syndicaux, ont cessé depuis trois décennies de médiatiser quoi que ce soit, quand le jeu ordinaire des institutions ne produit plus que du Griveaux, et que sa manière très spéciale « d’écouter » est bénie, au moins par omission, par la corporation éditorialiste, il ne faut pas s’étonner qu’ayant parlé si longtemps dans le vide et à bout de souffrances, le peuple n’ait plus d’autre solution sous la main que de prendre la rue et d’enfoncer les portes pour se faire entendre une bonne fois.

Depuis trente ans en effet, la structure institutionnelle d’ensemble, dont les médias sont un élément décisif, n’a pas cessé d’organiser la cécité, la surdité et la tranquillité des puissants

On comprend mieux que les médias soient accrochés à leur cher tamis, celui qui doit faire le tri des « agitateurs factieux » et des « gilets jaunes pacifiques ». Il leur sera difficile d’admettre, comme en témoignent pourtant les sondages aussi bien que la « cagnotte du boxeur », que les seconds soutiennent tacitement, voire explicitement, les premiers. Et que ces seconds voient très bien que, sans ces premiers, ils n’auraient même pas obtenu les miettes qui leur ont été octroyées avec condescendance, car toute manifestation « citoyenne » et « pacifique » est vouée à la nullité dans le système de la surdité institutionnelle organisée — un mois de quasi-insurrection pour un moratoire sur l’essence et quelques clopinettes autour du SMIC : nous connaissons maintenant les tarifs de la « démocratie à l’écoute ».

La « violence » dont s’épouvante la corporation, et dont elle voudrait épouvanter avec elle le reste de la population, offre donc en creux l’exacte mesure de sa carence. Et comme il est trop tard, comme par ailleurs, à l’image de tous les pouvoirs, le pouvoir médiatique est incapable du moindre apprentissage — les médias ne font-ils pas partie depuis des décennies des institutions les plus détestées, et qu’ont-ils fait, année après année, sinon enregistrer stupidement leur discrédit sans rien changer ? —, alors la corporation campera sur ses équations pour débiles légers : violence = mal incompréhensible, en fait même inconcevable.

Feignant de ne rien comprendre, ou ne comprenant rien vraiment, les médias croient qu’on les chicane injustement sur des questions de comptage, ou bien pour avoir montré quelques fascistes au milieu des « gilets jaunes » — avec l’appui de sociologues à la pointe de la connaissance scientifique, comme Michel Wieviorka, qui a « vu dans Paris des tags avec un « A » entouré, qui est un signe d’extrême-droite (7) ». Aussi bien éclairés, on comprend qu’ils ne puissent pas voir qu’à part leur racisme social foncier, c’est par leur fusion manifeste avec toutes les vues des dominants, et plus encore sur la question de la violence que se joue actuellement leur infamie. Répéter jusqu’à la nausée « casseurs », ne montrer que la violence des manifestants, occulter systématiquement celles de la police, c’est infâme.

Aussi bien l’expérience concrète que l’enquête tant soit peu soigneuse confirment que la police porte la responsabilité pratique du niveau des violences. L’expérience concrète car, depuis 2016 déjà, on ne compte plus les témoignages de manifestants parfaitement pacifiques que le matraquage sans motif, sans préavis, et sans justification, a rendus enragés, et déterminés à ne plus se laisser faire « la fois d’après ». Quant à l’enquête, celle de Laurent Bonelli rapporte ce propos recueilli d’un « haut responsable des forces de maintien de l’ordre » : « c’est nous, l’institution, qui fixons le niveau de violence de départ. Plus la nôtre est haute, plus celle des manifestants l’est aussi ». Voilà ce qu’on ne lira jamais dans la presse mainstream.

Qui n’en cultive pas moins l’hypocrisie minimale lui permettant de se croire quitte de ses devoirs « d’informer ». Car, se récriera-t-elle, elle « en parle » ! Si en effet, passé samedi soir, où l’un des journalistes de France Info, un certain Pierre Neveux, encore plus en roue libre que ses collègues, suggère au sous-ministre de l’intérieur d’interdire purement et simplement les manifestations, un flash de dimanche après-midi mentionne bel et bien la scène du flic tabasseur de Toulon. Mais pour l’accompagner d’une interview d’un syndicaliste… de la police, et sans omettre la plus petite des circonstances justificatrices, quitte à relayer toutes les fabrications policières s’il le faut. Pendant ce temps, le boxeur de CRS, lui, est omniprésent. Car voilà toute l’affaire : l’omniprésence, ça s’organise. Et, forcément, ça s’organise sélectivement.

Un journaliste cependant sauve l’honneur de la profession (heureusement, il n’y en a pas qu’un) : David Dufresne a tenu un compte scrupuleux des violences policières, sauvages, gratuites, illégales. 230 signalements depuis un mois, une encyclopédie de la honte « démocratique », dont la moindre image soulève le cœur et l’indignation. Et surtout — c’est bien ça le problème — suffirait à retourner l’opinion comme une crêpe. Mais qui lui donne la parole ? Envoyé spécial, brièvement et dans un exercice d’équilibrisme visiblement sous haute surveillance. Et Le Média, seul de son genre, dans une émission comme on est bien certain qu’on n’en verra nulle part ailleurs de pareille. Car dans le cercle des médias installés, pas un n’a encore trouvé la force d’articuler explicitement cette vérité de l’époque Macron qu’aller manifester emporte le risque d’une blessure de guerre, ou de sanctions judiciaires ahurissantes. Ni plus ni moins. On attend toujours de voir la « presse démocratique » éditorialiser ou, comme il lui reviendrait en réalité, faire campagne sur ce thème, à l’appel par exemple des avertissements répétés des institutions internationales, ONU, CEDH, Amnesty International. Car, là encore, il y a une différence entre se dédouaner à peu de frais de la restitution des « faits » et en faire quelque chose. Comme les médias croient se dédouaner, à l’image du Monde, en couvrant le mouvement, pour finir par éditorialiser que l’ordre macronien est le bon et que ceux qui persistent à le contester ne sont plus que des « irréductibles violents (8) », ils rapportent a minima quelques cas de violences policières, et puis éditorialisent… ailleurs, c’est-à-dire rien. Manifester, blessure de guerre — mais rien.

Il apparaît donc que la « presse démocratique » se moque absolument des atteintes réelles à la démocratie. Traquant la fake news jusqu’à l’écœurement, sans d’ailleurs jamais qualifier comme telles toutes celles qui viennent de l’intérieur de son propre système, elle est devenue l’institution centrale de la fake democracy. Et elle s’étonne que les mots-amulettes aient perdu toute efficacité, que les gueux ne mettent plus genou à terre devant le crucifix de la « presse libre », elle se consterne que, ne trouvant rien d’autre pour sa défense que de se réfugier dans « la dent creuse » des principes supérieurs, elle ne recueille plus que les lazzis dans le meilleur des cas, et la rage, à son tour maintenant — implacable mécanique de la solidarité des pouvoirs forcenés : comme ils ont régné ensemble, ils tombent ensemble.

En tout cas on l’a compris, ce pouvoir médiatique n’est pas moins forcené que ce pouvoir politique

En l’occurrence ce sont les troupiers médiatiques qui tombent les premiers — comme dans toutes les guerres, les bidasses ramassent pour les généraux. Au reste, on n’est pas tout à fait certain de la mesure dans laquelle, à BFM, les options idéologiques de la base diffèrent de celles du sommet. À tout le moins, il semble que le compte n’y soit plus suffisamment pour continuer de se faire traiter « d’enculé » et sortir méchamment des cortèges en conséquence des agissements de la chefferie. Si cependant les reporters de BFM avaient deux sous d’analyse, ils donneraient à leur débrayage un tout autre sens que celui d’un « boycott de la couverture des “gilets jaunes” » : le sens d’une grève, c’est-à-dire d’un avertissement à leur direction, responsable réelle de la situation impossible où ils se trouvent. Du reste, exactement de la même manière que les CRS devraient poser le casque en un geste de défiance enfin bien adressé : à l’endroit du gouvernement, qui répand une colère écumante et laisse ses prolos du maintien de l’ordre aller en accuser réception à sa place.

En tout cas on l’a compris, ce pouvoir médiatique n’est pas moins forcené que ce pouvoir politique. Tous ses choix, et plus encore ses non-choix, le confirment. De quoi parle-t-il, et de quoi ne parle-t-il pas ? Et comment parle-t-il de ce dont il parle, croyant être à jour de ses obligations du seul fait « d’en avoir parlé » ? Pourquoi, par exemple, les médias mainstream qui n’aiment rien tant que se voir partir en croisade et se faire un blason d’investigateurs avec les Leaks et les Papers (qu’on leur envoie) ont-ils fait si peu de choses de ce mail des Macronleaks expliquant benoîtement que les taxes essence étaient écologiques comme Bernard Arnault un militant de la cause du peuple : elles n’étaient faites que pour financer les baisses de cotisations du CICE ? Pourquoi n’en ont-ils pas fait une campagne, comme ils l’ont fait avec entrain au début pour expliquer que les « gilets jaunes » et leurs carrioles puantes étaient les ennemis de la planète ? Pourquoi cet élément accablant n’a-t-il pas fait toutes les une écrites et audiovisuelles pendant plusieurs jours d’affilée, puisque c’est le genre d’opération pour lesquelles les chefferies ont une passion ?

Pourquoi, également, ne se sont-ils pas saisis de cet accident d’un ouvrier de 68 ans, auto-entrepreneur, mort d’être tombé d’un toit, fait qui n’a rien de « divers » puisque, non seulement il dit tout de l’époque, mais qu’il épouse parfaitement le moment ? 68 ans, ouvrier, auto-entrepreneur, mort au travail : n’y avait-il pas de quoi faire quelque chose de cette sorte de synthèse parfaite ?

Du code du travail à la gueule des manifestants, ce sont eux qui cassent tout — c’est bien ça le problème avec les forcenés : ils cassent tout

Pourquoi, encore, se sont-ils joints au ministère de l’intérieur pour crier au scandale à propos de la guillotine en carton, au mépris de toute l’histoire populaire des effigies ? Au mépris surtout de ce qu’à fermer jusqu’aux formes symboliques de l’expression de la colère, après en avoir fermé toutes les formes politiques, ils devraient se demander quelles solutions d’expression ils lui laissent.

Les vrais forcenés sont ceux dont le pouvoir, joint à l’acharnement, produisent ce genre de situation. Du code du travail à la gueule des manifestants, ce sont eux qui cassent tout — c’est bien ça le problème avec les forcenés : ils cassent tout. Cependant, il y a un moyen très simple de les en empêcher : on leur envoie les infirmiers. Les « gilets jaunes » le pressentent-ils : il y a quelque chose en eux de la blouse blanche.

Frédéric Lordon

(1) À 79 % de taux de participation et 45 % de vote utile (mesurés par un sondage Opinionway), les 24,1 % de Macron au premier tour donnent un soutien réel de 10,47 % des inscrits.

(2) Emmanuel Macron, « Vœux 2019 aux Français », 31 décembre 2018.

(3) « Pour Griveaux, Wauquiez est « le candidat des gars qui fument des clopes et roulent au diesel » », JDD, 2 décembre 2018.

(4) « Si on perd cette bataille-là, tout peut s’effondrer », AFP, 9 décembre 2018.

(5) Fenwick est une marque bien connue de chariot élévateur.

(6) Cécile Alduy, Le 7/9, France Inter, 1er janvier 2019.

(7) « L’Info du vrai », CNews, 7 janvier 2019.

(8) Éditorial, « Gilets jaunes : sortir de l’impasse », Le Monde, 24 décembre 2018.

Source https://blog.mondediplo.net/les-forcenes

Grand convoi solidaire vers la Grèce de février 2019

COLLECTE JUSQU’AU 12 FÉVRIER 2019 POUR REMPLIR LES 27 FOURGONS PRÊTS À PARTIR !

Nicolas conduira le camion de Savoie. Le collectif de Grenoble ne pourra assurer comme pour les  précédents convois la coordination, la récupération et l’acheminement des fournitures auprès de Nicolas. En revanche nous publierons prochainement la liste des points de collecte pour ce convoi ou lieux de rencontre avec Nicolas.

Rappel des besoins

Les besoins sont urgents en :

Fournitures bébés : lait infantile en poudre (tous âges) petits pots, mixers , soins bébés, sérum, vitamines, couches ( surtout 3, 4 et 5), lit parapluie, poussettes,

Jouets : tels que figurines, ballons, cordes à sauter, legos, stylo, feutres, ( pas de peluches),

Produits d’hygiène et paramédicaux : gels douches, shampoings, savons, protections périodiques, dentifrice, brosses à dents, lessives, pansements, produits ménagers, pansements, désinfectant, chevillères/genouillères, ( ni attelles, ni médicaments) Biafine, Cicatryl, fournitures dentistes (pour dispensaires autogérés),

Matériel : bouilloires, frigos, fours, machine à laver ( en état de marche), marmites, louches,

Base alimentaire : légumes secs, fruits secs, biscuits, céréales, pâtes,riz, lentilles, thé, café, autres. La date de péremption minimale recommandée est mars 2019.

Matériel spécifique pour la résistance :  ramettes papiers, photocopieuses ( en état de marche) ordinateurs, écrans, disques durs clés USB, carte SD, appareils photos/vidéos, téléphones…

n’oubliez pas des messages de soutien : avec éventuellement dessins, photos, affiches,autocollants, infos sur vos luttes…. Des confiseries fermées et non fragiles peuvent être ajoutées.

Important : la place dans les fourgons n’étant pas extensible, merci de vous en tenir à cette liste. Suite à des collectes sur place plus besoin de couvertures et de vêtements.

Soutien financier : chèque à l’ordre d’ANEPOS à envoyer à ANEPOS « Action Solidarité Grèce » BP10 81540 Sorèze . Cela permet aux collectifs sur place de compléter eux mêmes. Virement et Paypal possibles sur le site www.lamouretlarevolution.net dans la rubrique  » prochain convoi solidaire ».

Si vous voulez partir avec le collectif Anepos, avec votre véhicule, ou aider en créant un point collecte dans votre secteur géographique : solidarite@anepos.net.

Sauvetage de la Grèce : une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !

Par Pascal Franchet , Anouk Renaud CADTM France

La France, une des principales puissances économiques, est aussi l’un des principaux États créanciers de la planète, avec des créances bilatérales (c’est-à-dire sur des États tiers) de plus de 41 746 millions d’euros au 31 décembre 2016, soit 14,5 % de l’encours total des créances du Club de Paris (ce club sans aucun statut juridique regroupe les 21 principaux États créanciers et est hébergé à Bercy). De même, la France joue un rôle non négligeable dans les orientations du FMI et de la Banque mondiale, en raison du poids démesuré accordé aux pays riches dans ces institutions.

Cette position de la France – qui n’est pas sans rapport avec son histoire coloniale – est utilisée à outrance pour faire du fric : soutien aux dictatures, ventes d’armes, blanc-seing donné aux banques commerciales françaises, imposition de réformes libérales favorisant les multinationales, etc. Du fric réalisé en se moquant de la souveraineté des peuples, que l’on appauvrit en leur demandant de payer des dettes illégitimes et odieuses quand elles ne sont pas illégales, et souvent insoutenables puisqu’elles exigent de sacrifier des droits humains fondamentaux afin d’être remboursées. En voici quelques exemples.

En mai 2010, États européens, FMI et institutions européennes sortent l’artillerie lourde pour soi-disant « aider la Grèce ». En fait, c’est sauver les banques privées françaises et allemandes dont il était question. À partir de là, les plans de sauvetages, les prêts et leurs contreparties austéritaires se sont enchaînés. À l’instar des autres pays européens, la France a participé à ces plans dits de sauvetage et cela de différentes façons.

1° Un prêt bilatéral de 11,4 milliards d’euros : la première créance bilatérale française

Deuxième prêteur après l’Allemagne, la France a octroyé en mai 2010 un prêt bilatéral de 11,4 milliards d’euros à la Grèce. Il s’agit de la créance la plus importante que détient la France sur un pays étranger à l’heure actuelle. Son taux d’intérêt a atteint 4% en mars 2011 alors qu’elle-même empruntait en 2010 autour de 1,8%. Depuis fin 2012 et après révision des conditions, ce taux est proche de 0,6%. Fin 2013, Bercy avait déjà perçu 729 millions d’euros d’intérêts sur ce prêt. Ce sont les derniers chiffres connus…

2° Des rachats de titres grecs : une opération très juteuse

À partir de mai 2010, la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales vont se mettre à racheter de la dette grecque sur le marché secondaire avec les programmes SMP et ANFA. Ces rachats se font à seulement 70% de la valeur des titres alors que la Grèce s’acquitte des intérêts de 6%, calculés sur 100 % de la valeur de ces titres.

Selon la Cour des Comptes, entre 2012 et 2017, la seule Banque de France a engrangés 2,3 milliards d’euros de profits grâce à ces rachats. Ces profits abusifs devaient être restitués à la Grèce mais aucun versement n’a eu lieu depuis 2014, car les intentions des premières heures de Syriza ne plaisaient pas à l’Eurogroupe. Finalement, en juin 2018, l’Eurogroupe annonce enfin la reprise des transferts de ces bénéfices à la Grèce. Mais ces transferts ne reprendront qu’à partir des profits réalisés en 2017. Autrement dit, l’argent perçu en 2015 et 2016 restera dans les poches des créanciers, soit la modique somme de 758,1 millions d’euros concernant la France.

De plus, ces transferts arrivent sur un compte spécial dédié au remboursement de la dette grecque. Pas question donc que la Grèce décide elle-même de l’utilisation de cet argent qui lui est dû !

Et en plus des profits qu’elles génèrent toutes ces contributions financières de la France sont conditionnées à l’application d’une austérité néolibérale féroce. Le peuple grec n’en a pas vu la couleur et pourtant c’est à lui qu’on enjoint de rembourser en coupant dans ses alloc’s chômage, ses retraites, ses services publics, ses droits au travail… La France doit rembourser à la Grèce ces profits scandaleux parce que réalisés sur une dette illégitime, odieuse, illégale et insoutenable comme l’a démontré la Commission pour la vérité sur la dette grecque [1].

Que représente le marché secondaire des dettes ?

On pourrait l’appeler le marché d’occasion ou encore l’Ebay des dettes publiques. Lorsqu’un titre de dette est émis, il est vendu par le débiteur sur le marché primaire. Ensuite le premier acquéreur peut le revendre sur le marché secondaire. Sur cette brocante de la dette, les titres s’achètent et se revendent plusieurs fois et très rapidement. Le prix de revente dépend alors de la capacité (ou non) de l’État débiteur à le rembourser. Plus le risque de défaut est probable, plus le titre perd de sa valeur et se revend à bas coût.

Pour en savoir plus sur la crise grecque, les plans de sauvetage, la destination de cet argent, les mesures d’austérité imposées, les créanciers de la Grèce => voir la série vidéo « À qui profite la dette grecque ? ».

Notes

[1La vérité sur la dette grecque, Les liens qui libèrent, 2015

 

Festival de soutien aux 4 de Valence

Soutien à Tom, Stéphane, Maria et Dylan,

les 4 inculpé.es de Valence

Rendez-vous à la salle des fêtes et à la salle paroissiale de Saillans les 11, 12 et 13 janvier

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Une manifestation, 4 arrestations, 9 points de suture, 1 tir de flashball, 1 tir de taser, 48 jours de prison préventive, des dizaines de vies tourmentées, 4 mises en liberté, des joies inquantifiables, des soulagements, 2380 photocopies, 4 heures d’audience, des larmes innombrables, 3 avocat·e·s, 6000 € de frais, 3 juges, … 1 délibéré : 4 ans et 3 mois de prison, 4000€ de dommages et intérêts, 12 ans d’interdiction de manifester …  des centaines de vies chamboulées, et mobilisées !

À part ça, tout va bien !

Nous, ami·e·s, familles, proches et moins proches, acteurs·trices de la vie locale, compagnons·es de route, voisin·e·s solidaires, désirons apporter notre soutien à Dylan, Maria, Stéphane et Tom, lourdement condamné·e·s le 26 décembre 2018 à Valence.

Face à la violence policière, judiciaire, institutionnelle, face à de telles condamnations, nous avons imaginé, rapidement, dans l’urgence de ce qui se vit ici, un festival pour échanger autour des questions que soulève ce qu’ont vécu Dylan, Maria, Stéphane et Tom, mais aussi un festival pour fêter la solidarité qui, de toute part, arrive et devient concrète.

Pour la liberté d’expression, pour la liberté de manifester, pour se rencontrer, pour s’informer et pour se former.

Venez nombreux·euses les 11, 12 et 13 janvier 2019 à Saillans.

Pour la liberté d’expression et de manifester, au delà de toute appartenance à un mouvement ou parti politique.

* PROGRAMMATION * (en cours, à retrouver sur  http://www.apartcatoutvabien.org/ )
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REMUE-MÉNINGES : ateliers, projections, débats, informations

Samedi 12 janvier et dimanche 13 janvier de 10H À 18H30, salle St Géraud

– Les violences policières

– Que faire face à la police et à la justice (les droits à connaître et les réflexes à avoir)

– La stratégie judiciaire pour affaiblir les mouvements sociaux

– Médias de proximité et indépendants, manières de communiquer localement

– Formes de pensée divergentes

– Le traitement médiatique des luttes et des mouvements sociaux

EFFERVESCENCE : concerts, spectacles, ateliers pour adultes et enfants

Vendredi 11 et samedi 12 janvier, de 19H À 1H, salle des fêtes

Dimanche 13 janvier, de 11H à 20H, salle des fêtes

Week-end festif avec une quinzaine de formations musicales, théâtrales, artistiques et engagées.

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* INFORMATIONS PRATIQUES *
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Entrée prix libre, reversée aux caisses de soutien des inculpé·e·s
Cantine et lutto-thèque sur place
Organisation et concerts 100 % bénévole – vous pouvez nous aider !
Adresses :
    • Salle St Géraud, boulevard de l’Écho, 26340 Saillans
    • Salle des Fêtes, rue de la République, 26340 Saillans
Retrouvez toutes les informations surhttp://www.apartcatoutvabien.org/

ESPACE D’EXPRESSION LIBRE ET CRÉATIVE SUR SURFACES PLANES [exposition participative]

À l’occasion de ces trois jours de festival, petits et grands seront conviés à afficher leurs œuvres sur papier* à la salle des fêtes pour une exposition évolutive au pied levé. Poèmes, gribouillis, témoignages, collages, fresques (de format modeste), cadavres exquis, mots doux ou rageurs, … Tout ce que vous inspire ce festival et les évènements qui y sont liés sera bienvenu pour un grand déballage collectif. Un espace de création (avec papier, crayons et autres ustensiles basiques) sera mis en place pendant les horaires d’ouverture de la salle des fêtes pour ceux qui n’auront pas couché leurs idées au préalable.

Pour déposer vos œuvres (à Saillans ou via courrier électronique) avant le festival, merci de vous mettre en relation avec Yannis (yannisfrier@gmail.com).

* carton, tissus et autres surfaces peu épaisses et très légères ne seront pas exclues !

https://www.facebook.com/events/618586185246297/

Comment les médias dominants manipulent le thème de la dette

Les questions que les médias dominants ne posent pas… 19 décembre 2018 par Eric Toussaint , The Medium

Le discours des médias dominants et des gouvernements consiste à dire qu’il y a un excès de dette, trop de dépenses publiques des États, et, en conséquence, qu’il faut payer la dette et réduire ces dépenses publiques. Avec le CADTM, nous essayons tout d’abord de nous demander d’où viennent les dettes, est-ce que les buts poursuivis via l’accumulation des dettes étaient légitimes, et est-ce qu’elles ont été contractées de manière légitime et légale ? Voilà l’approche que nous essayons d’avoir et il est certain en effet que celle-ci n’est jamais évoquée dans les médias dominants. Ceux-ci n’y voient pas d’intérêt, et puis cette question est selon eux déconnectée de leur réalité.

Bonne année La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Bonne année !

Nouvelle année. Au soir du 31 décembre et sous une pluie glaciale et battante, les artistes interprétaient comme ils l’ont pu pour les besoins des dites festivités, organisées comme tous les ans par la municipalité d’Athènes. Sous une Acropole alors arrosée, l’image retransmise en simultané par les télévisions grecques convient bien à la situation du pays. Pétards mouillés. Pourtant tout le monde dans la mesure du possible, a pu enfin souffler un peu durant cette coupure calendaire des rythmes et des… arythmies du pays réel. Bonne année 2019 !

Musique et chant pour les enfants. Athènes, décembre 2018

Entre Noël et le Nouvel an, le climat ainsi surfait était un peu partout à la fête, les enfants, les enfants ont particulièrement apprécié. Il faut dire que les enfants en Grèce deviennent de plus en plus rares, d’après les récentes enquêtes démographiques reproduites par la presse du moment en guise de… bonne année, l’indice conjoncturel de fécondité a subi un effondrement sans précédant après 1981, pour se situer en 2016 à environ 1,3 enfant par femme.

Ainsi, les personnes âgées de plus de 65 ans représentent actuellement près du 25% de la population, et le nombre des enfants de moins de 15 ans, s’élèvent seulement à un petit 14%. C’est n’est pas glorieux et surtout, une telle “bombe démographique” signifie d’après les spécialistes que la population du pays (10 millions actuellement) diminuera de presque un million dans près 30 ans, quotidien “Kathimeriní” du 31 décembre 2018.

Alors, ni forces vives et à terme encore moins nation… si rien ne change. Les éditorialistes dignes de ce nom à l’instar de l’universitaire, philosophe et théologien orthodoxe Chrístos Yannarás, tirent donc la sonnette d’alarme. “Les prévisions pour 2019 ne permettent guère l’optimisme. Le seul et alors unique espoir tient alors de la chimère, de la croyance en cette possibilité de ‘surprise’, car chaque société, même plongée dans le déclin le plus profond peut ainsi contre toute espérance, donner naissance à sa propre mutation radicale.” “Il n’est certainement pas prudent que de miser sur le moins probable, sur ce qui est tout simplement souhaitable. Sauf que le désir commun, ou celui partagé par le plus grand nombre, est généralement porteur de cet élan issu de la surprise. Les aspirations inconcevables sont parfois à l’origine des mutations sociales ainsi radicales”, quotidien “Kathimeriní” du 30 décembre 2018. Un mélange de joie et de tristesse (en grec Charmolýpi, terme de la théologie Orthodoxe) règne ainsi pendant ces jours du seul basculement calendaire. Le tout, sous le regard des animaux adespotes devant l’Acropole, ou devant les échoppes, sans oublier cette image des réalités palpables au contact des sans-abris d’Athènes… aux sapins de Noël “qui leur sont suffisamment propres” aux dires des passants. Rythmes comme arythmies du pays réel.

Animal adespote sous l’Acropole. Athènes, décembre 2018
Noël… Sans-abri. Athènes, décembre 2018
Vitrine et échoppe. Athènes, décembre 2018
Animal adespote et terrasse de café. Athènes, décembre 2018

Au centre historique d’Athènes par ce temps dit festif, la municipalité a illuminé cette galerie marchande alors trépassée depuis un moment déjà, rebaptisée pour les besoins d’une muséographie du commerce affichée de la sorte: “Traces du commerce”. Ailleurs pourtant, le commerce reprend timidement, un phénomène en partie lié à la massification des évidences touristiques, tout comme de celles d’Airbnb, la dite plateforme n’est pas sans provoquer les frictions évidentes… entre le monde réel et le monde d’après. Nous y sommes autant à Athènes et en Grèce plus généralement.

Nos touristes d’ailleurs attendent patiemment dans le froid pour visiter l’Acropole, non loin d’une affiche locale, dans l’espoir de retrouver Maria, chatte alors perdue et ainsi désespérément recherchée. En espérant une issue heureuse quant au sort de Maria, d’autres Athéniens nourrissent les autres animaux adespotes du quartier des églises et de l’Archevêché, le tout, sous le regard attiré des visiteurs. Oui, Noël des adespotes c’est presque tous les jours ici !

L’autre quasi-nouveauté du moment tient d’une certaine massification constante de la pratique religieuse, en Grèce, et même à Athènes. Certes, ce phénomène ne peut pas être quantifié de manière exhaustive, sauf qu’il suffit de se rendre à l’église et d’observer. Au moment même où une partie du haut prélat semble accepter la mise en cause de la position de l’Église et plus généralement de l’Orthodoxie, le bas clergé et les laïques des paroisses résistent, persistent, psalmodient et signent. Une mise en cause, signalons-le, en réalité guerre ouverte initiée par les tenants de la mondialisation et leurs serviteurs locaux, à savoir et entre autres, le “gouvernement” Tsípras.

Sauf qu’en ville, comme partout ailleurs, l’Église est de plus en plus présente sur le terrain social, et aussi spirituel à défaut peut-être d’idéologie politique adéquate. Au village thessalien, Maria, l’épouse de mon cousin Vassílis, organise la distribution au sein de la paroisse, ceux du village qui n’ont plus les moyens, les “micro-retraités” comme on les nomme parfois ici, reçoivent une modeste somme, quelques vivres, ainsi que des habits, voilà pour le Noël des Grecs du pays réel et de l’Orthodoxie.

Traces du commerce. Athènes, décembre 2018
Commerces. Athènes, décembre 2018
Maria… perdue. Athènes, décembre 2018
Contre Airbnb. Athènes, décembre 2018

Grèce en hiver. En Thessalie, la ville de Tríkala connaît un afflux de visiteurs, en partie lié au parc thématique local pour enfants organisé durant la période des fêtes. En règle générale, les destinations des montagnes grecques retrouvent une certaine clientèle grecque et aussi non-grecque et c’est nouveau depuis les années de dite crise. Près d’un tiers de la population se débrouille comme on dit, entre les fonctionnaires aux revenus réguliers, puis ceux, acteurs d’une parfois nouvelle économie, partiellement immergée… et quelquefois même criminelle.

Indifférents désormais au sort des autres, car 70% de la population est paupérisée et près de la moitié des Grecs sont alors pauvres, ces rescapés ou “renouvelés” de la crise et par la crise, clientèle des partis comprise, font et feront leur vie, car de toute manière… il n’y aurait plus autre chose à réaliser. Et c’est alors la partie visible de l’ensemble mais qui ne le représente plus depuis la longue agonie de la classe moyenne. Visible même et surtout par ce temps aussi de Noël.

Pour nos animaux adespotes. Athènes, décembre 2018
Église à Athènes à fin de la messe. Décembre 2018

Noël déjà derrière nous, le tout sous une certaine douceur, celle comme on sait de la seule météo. Les plus téméraires qui sont habituellement les meilleurs, ils se sont même baignés en mer, près du port du Pirée, comme mieux encore à Nísyros, belle île du Dodécanèse. Sauf que depuis… 2019, une bonne partie du pays se trouve désormais sous la neige, et que ans les prochaines heures, le manteau neigeux couvrira alors jusqu’à certains quartiers d’Athènes.

Au village thessalien on installe des bâches sur les potagers d’hiver comme on brûle du bois. Telle est la vie locale un peu partout en Grèce. La fanfare municipale a été de sa plus belle musique en ville de Tríkala, bourgade vivante, où aux dires des habitants il fait certainement mieux vivre qu’à Athènes. Au village, le voisin Nikos et aussi cousin un peu lointain, me raconte comment et combien la commune se dépeuple, elle a perdu plus du tiers de sa population depuis les années dites de la crise.

“Les jeunes sont partis en Allemagne et les vieux donc… ils meurent. Ce n’est plus rentable du tout que de travailler la terre, toutes les terres du village finissent par être exploitées par deux ou au mieux, par trois familles, lesquelles ont alors les moyens et pour tout dire, disposent de la mécanisation nécessaire et de pointe pour y parvenir. Nous travaillons déjà et nous travaillerions davantage pour eux ; comme nos ancêtres il y a plus d’un siècle. Nous sommes les abandonnés des politiciens, le Parlement devrait un jour… sauter, sans blague.”

Au Pirée, décembre 2018
Tríkala ville. Thessalie, décembre 2018
En Thessalie, janvier 2019

Dans un sens, Chrístos Yannarás, philosophe et théologien orthodoxe ne dit pas vraiment autre chose. “La solution est simple, nous le savons tous: nous avons besoin d’un gouvernement en dehors de l’ensemble des partis du Parlement actuel et qui exclura institutionnellement la possibilité de faire fonctionner toute sorte d’un état clientéliste. Un gouvernement alors de transition, technique, issu des ‘personnalités’, doté d’un mandat de deux ans, et autant soumis au contrôle du parlement actuel, mais bénéficiant d’un appui de type référendaire pour éliminer l’interminable état clientéliste, et ainsi exclure constitutionnellement sa reconstitution”, quotidien Kathimeriní du 31 décembre 2018.

Entre le clientélisme réellement existant, puis la méta-démocratie Troïkanne et enfin leur dernier ridicule des politiciens grecs, ces mêmes politiciens ont été ainsi “tués”, déjà dans la conscience collective pour un nombre alors important de citoyens. La semaine dernière, Tsípras a inauguré à Thessalonique une station du métro de la ville… lequel fonctionnera concrètement seulement en 2022. Sur les photos publiées par une partie de la presse, on y distingue certaines… machines à ticket factices, puis, une part de la station ainsi “inaugurée” sera démontée pour que les travaux puissent alors se poursuivre. Voilà que le ridicule tue encore dans un sens.

Les élections législatives auront lieu cette année certes, le système politique survivra, et peut-être que lors des élections d’après, d’autres mouvements pourront voir le jour, authentiques, radicaux, émanant du pays réel, pour que l’unique espoir puisse ainsi tenir de la chimère en cette possibilité de surprise. Et à commencer par la dénonciation des accords avec la Troïka et évidemment par la sortie de la Grèce de l’Union européenne, c’est un minimum et ce n’est qu’un début car cette voie est bien longue et difficile.

De la musique. Tríkala en Thessalie, décembre 2018
La station de métro… inaugurée par Tsípras. Thessalonique, décembre 2018 (presse grecque)
Au Mont Athos. Décembre 2018

En attendant le miracle… ou en le préparant peut-être, mes amis m’envoient leurs photos depuis le Mont Athos, cette République monastique en Chalcidique bénéficiant d’un statut d’autonomie comparable aux périphéries et réunissant vingt monastères Orthodoxes, grecs, bulgares, roumains, russes, serbes et autres, qui mènent une vie alors d’anachorètes.

En attendant et en préparant le miracle, nous admirons autant tout l’éclat des animaux adespotes qui sont autant des nôtres. Bonne année, espoir et vérité !

Animal adespote. Athènes, décembre 2018

* Photo de couverture: Vœux du moment. Athènes, décembre 2018

Dette : un outil politique de dépossession

« Avant-propos

Déjà avant le début de ce qui deviendra la « crise grecque » en 2010, le CADTM – Comité pour l’abolition des dettes illégitimes – s’intéressait de près à la dette grecque et aux conséquences de son remboursement sur la population. Depuis plusieurs années, il s’efforce de proposer des analyses émancipatrices et des alternatives en lien avec les mobilisations grecques contre la dette illégitime. En 2015, le travail du CADTM concernant la Grèce s’intensifie, lorsque Syriza, un parti anti-austérité, gagne les élections et que la présidente du parlement grec met en place une commission d’audit, dont le porte-parole de notre réseau assure la coordination scientifique.

Depuis lors, plusieurs vidéos ont été réalisées par le CADTM en collaboration avec ZIN TV, les Productions du Pavé et les Films du Mouvement. Ces outils vidéo ont permis de vulgariser nos analyses, déconstruire des idées reçues et expliquer des mécanismes parfois complexes. Réalisées pendant ou peu de temps après l’expérience « Syriza », certaines de ces vidéos permettent également de documenter et de poser un regard critique sur cette séquence politique en tant que tentative avortée d’un pays de l’Union européenne de rompre avec l’austérité.

Ce livret compile donc ces supports vidéo qui présentent des approches, formats et objectifs différents mais portent tous sur le cas grec. Nous y détaillons leurs contenus et nous apportons des éléments complémentaires qui peuvent être utiles dans la compréhension de la situation grecque, certes, surtout si vous voulez utiliser ces vidéos comme des outils dans vos cours, vos ateliers, vos projections-débats et vos dîners de famille.

À bon entendeur·euse…

NB : les informations contenues dans son livret sont tirées du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque : La vérité sur la dette grecque, Les liens qui Libèrent, 2015. Quand ce n’est pas le cas, les sources sont mentionnées. » (Note de lecture : la-dignite-des-populations-grecques-vaut-plus-quune-dette-illegale-illegitime-odieuse-et-insoutenable/)

La dette et le système capitaliste, les transferts de richesses, la dette comme outil de dépossession, les mécanismes d’endettement comme armes de domination, l’imposition de mesures politiques par les grandes puissances au détriment des intérêts et de la souveraineté des populations…

La Grèce et la première troïka au 19e siècle, une tutelle stricte sur le budget, un programme d’austérité sévère, De 1843 à aujourd’hui, la violence et l’injustice du système de la dette, l’imposition aux populations de remboursements d’une dette qui n’est pas la sienne…

Les auteurs et autrices détaillent le travail de la commission pour la vérité sur la dette grecque et ses conclusions, les acteurs clés (FMI, BCE, FESF, MES, Troïka, Commission européenne, Eurogroupe). Je souligne l’« indépendance » de la BCE c’est-à-dire l’indépendance par rapport aux choix démocratiques des populations mais non par rapport aux anciens banquiers qui la dirigent ; la place du droit luxembourgeois et non des droits nationaux des pays concernés ; l’Eurogroupe « organe informel sans statuts ni existence juridique…

Les prêts bilatéraux ont servi « à rembourser la dette grecque aux banques européennes et à recapitaliser les banques grecques », l’argent n’a pas été versé à l’État grec, une socialisation des pertes au seul bénéfice des actionnaires des banques.

La dette ne peut être abordée du point de vue « économique » (par ailleurs, ce point de vue existe-t-il ? Ou hors des rapports sociaux de domination ?). La dette est un « concept politique ». Les auteurs et autrices parlent de dette légale mais pouvant être illégitime, de dette insoutenable, de dette illégitime, de dette odieuse, de dette illégale. Ils en expliquent le sens et fournissent des exemples pour étayer leur argumentation,

Des alternatives étaient et restent possibles, comme l’audit et la suspension unilatérale de paiement, le refus de recapitaliser les banques privées, l’annulation de la dette, la désobéissance aux créanciers, etc… la mobilisation des citoyen·nes en Grèce et en Europe…

CADTM – ZinTV : Comprendre la dette grecque

Outils vidéo & livret pédagogique

http://www.cadtm.org/Comprendre-la-dette-grecque

Bruxelles 2018, 108 pages

Didier Epsztajn

Source https://entreleslignesentrelesmots.blog/2018/12/25/dette-un-outil-politique-de-depossession/

2019 Année critique pour les banques grecques

Selon le journal financier allemand Handelsblatt, les banques grecques seraient dans une crise profonde due aux emprunts toxiques.

Dans un article intitulé « 2019, année critique pour les banques grecques » , le journal allemand note que « les quatre banques systémiques luttent avec une augmentation des dépenses et une réduction des revenus. Le revenu d’intérêts net, qui représente traditionnellement 75% du chiffre d’affaires, a diminué de 14% au cours des neuf premiers mois, tandis que les charges d’exploitation ont augmenté de 3,5%. Les pertes totales des quatre banques après le paiement des impôts ont atteint 151 millions d’euros à la fin du troisième trimestre de 2018, soit près du double par rapport à la même période de l’année dernière » écrit Handelsblatt.
Le journal financier précise encore: « Rien ne permet de penser que la situation va bientôt s’améliorer, car les banques grecques sont confrontées à d’énormes défis. En 2019, elles devraient faire preuve d’une plus grande détermination dans la réduction drastique des «emprunts toxiques », ce qui aura un effet négatif sur les capitaux propres. Jusqu’à présent, cependant, les banques systémiques semblent être suffisamment capitalisées. Mais près de 80% des fonds propres proviennent de remboursements d’impôts dus à des pertes.  »
Dans le pire des cas, la Grèce aura besoin d’une nouvelle assistance financière
Si les banques ne parviennent pas à se stabiliser, le retour de la Grèce sur les marchés est encore plus difficile, poursuit le journal financier allemand. Dans le pire des cas, la Grèce aura besoin d’une nouvelle aide financière de la part des prêteurs.
Cela fait des prêts non performants un risque pour l’ensemble de la zone euro. Selon la Banque de Grèce, la valeur des prêts improductifs a atteint 84,7 milliards de dollars en septembre. En conséquence, les expositions non performantes représentent 46,7% du crédit bancaire.
Pour 2019, les banques prévoient 30 000 ventes aux enchères immobilières. Parallèlement, le gouvernement et TAIPED collaborent avec le support technique de JP Morgan pour créer une « mauvaise banque » dans laquelle des « emprunts rouges » seront transférés à hauteur de 15 milliards d’euros et des titrisations seront réalisées avec la garantie de l’État grec. Il est fort probable que le projet sera conforme à la direction générale de la concurrence de l’UE, car il repose sur un projet similaire impliquant des banques italiennes. Reste à savoir qui investira dans ces titres, compte tenu du mauvais crédit du gouvernement grec.
Tout cela montre à quel point la situation critique de la banque est étroitement liée à la solvabilité de la Grèce. Le pays est encore loin de retourner sur les marchés. Le taux d’intérêt de l’obligation à dix ans est au taux prohibitif de 4,4%. Aucun autre pays participant à un programme n’est contraint de payer des taux d’intérêt aussi élevés aux investisseurs.
En dépit de la réserve de 26 milliards de dollars suffisante pour les deux prochaines années, il est douteux que la Grèce soit en mesure de revenir sur les marchés à des conditions satisfaisantes ou si elle sera obligée de modifier l’aide des prêteurs. La réponse à la question dépend également de l’évolution du secteur bancaire grec. « 

CK

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