Temps Nouveaux La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Temps Nouveaux

Nuit de super Lune. Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses visiteurs. Les politiciens annoncent en cette période candidature sur candidature. Élections dites européennes, élections municipales et régionales en mai prochain, il y aura pour tout le monde. Tout ce que le pays compte en profiteurs inoccupés s’estiment avoir trouvé ici leur heure de gloire. Ceux de SYRIZA ont-ils même fait adopter une loi au “Parlement”, abrogeant l’incompatibilité entre le fait d’être député et en même temps candidat aux élections européennes. Tout cela, pour ainsi porter au “plus haut” possible, les Apostats Koundoura et Danelis, respectivement des partis ANEL et “To Potámi”. Toute Mafia a toujours fonctionné suivant ses codes, c’est bien connu.

Colonnes antiques. Athènes, mars 2019

L’amendement dont la nouvelle traverse aussitôt la presse de la Colonie, porte le nom “d’amendement Koundoura”, l’actuelle ministre du Tourisme et ancienne du parti ANEL, elle incarne de fait la figure emblématique des Apostats hétéroclites et en réalité hétéronomes, ayant permis à SYRIZA de poursuivre au “Parlement” avec une nouvelle majorité toute faite, depuis le retrait du parti ANEL du “gouvernement”.

Pendant que dans Athènes “Bon chic bon genre” des événements commerciaux ignorent ouvertement le pays réel, et qu’à deux pas de ce marketing de la dernière chance pour le méta-capitalisme des lycéens manifestent contre la énième reforme du ministère supposé de l’Éducation et qui n’est plus nationale de manière officielle sous les néo-Stasiens de SYRIZA, voilà que dans les autres quartiers de la capitale, on y vend partout le drapeau du pays, librairies comprises désormais, car la fête nationale c’est pour le 25 mars. Il faut dire que depuis l’affaire macédonienne et la trahison aux yeux des Grecs de la classe politique, SYRIZA en tête, il y aurait comme une coupure alors plus radicale que du temps des manifestations des Indignés… et de l’innocence politique.

Il y a ceux qui se sentent blessés de voir leur patrie disparaître au point de ne plus supporter le life-style ambiant, puis ceux, certes davantage visibles, pour qui, la vie se poursuivrait, surtout autour d’une tasse de café, même amer. La propagande européiste comme de Soros à la SYRIZA ou à la Nouvelle Démocratie entre tant d’autres nuisances politiques alors fabriquées pour durer, pourtant elle peine à faire valoir sa dichotomie, entre les prétendus “démocrates et les fascistes/populistes”, leur… mayonnaise ne prend plus.

Événement marketing. Athènes, mars 2019

Lycéens qui manifestent. Athènes, mars 2019

Drapeaux en vente devant une librairie. Athènes, mars 2019

Même les authentiques “populistes” et autant suiveurs de l’illuminé et escroc Artémis Sóras (à ne pas confondre avec Soros), n’ont été qu’une poignée devant le “Parlement” l’autre soir… en promotion de leur histoire bien drôle. Signe des temps, il y a en Grèce depuis quelques années une sorte de secte et mouvance politique, initiée par l’ancien marchand de voitures d’occasion Artémis Sóras en ces années dites de crise.

Sóras prétend détenir un grand nombre de titres américains et ottomans d’il y a un siècle, d’une valeur de 600 milliards d’euros capables d’effacer la dette grecque, sauf que “les politiques l’en empêchent”. Il attire ainsi certains citoyens paupérisés et endettés, lesquels, après avoir versé leur obole à la secte, se voient délivrer des… certificats de non-paiement de leurs dettes… s’appuyant sur la prétendue existence des titres de leur chef. La secte-parti, en dépit des démêlées avec la justice, espère pour autant en une présence et existence électorale. Tout ce que le pays compte en profiteurs inoccupés, ils s’estiment avoir trouvé ici ou là, leur heure de gloire.

La saison est pourtant belle, la presse publie en ce moment les photos depuis la région historique de la Macédoine grecque (52% du territoire de la Macédoine géographique), on y découvre les pêchers en fleur et qui enchante le printemps par sa floraison abondante et alors rose. Et c’est depuis cette même Macédoine grecque que les élus SYRIZA sont… autant haïs et pour tout dire “recherchés” par la population qui ne décolère alors pas. Ainsi Nikos Pappás, ministre et ami personnel de Tsípras, a dans un premier temps annulé sa visite de la ville de Véria, après avoir été pris à partie à Kilkis, où très exactement a-t-il présenté la politique du “gouvernement”… dans une salle quasi-vide. Il s’est finalement rendu à Véria, où il a été de nouveau pris à partie par ceux du pays réel, presse du 20 mars.

Notons que l’ex-Ministre de la Grèce du Nord (régions de Macédoine et de Thrace) et actuelle candidate SYRIZA pour la Mairie de Thessalonique, la… bimbo Notopoúlou, n’est autre que la fille de l’ex-compagne du père de Pappás, ce dernier, Stélios Pappás, il a été nommé en 2017 à la tête de la Régie des Transports de Thessalonique sous SYRIZA. Toute Mafia a toujours fonctionné suivant ses codes, c’est bien connu. Pauvre Colonie aux belles vitrines !

Ceux de l’escroc Sóras. Athènes, mars 2019

Pêchers en fleur, Macédoine grecque (photo de presse), Mars 2019

Nikos Pappás à Kilkis devant une salle vide. Mars 2019 (presse grecque)

Belle vitrine. Athènes, mars 2019

Nuit donc de super Lune. Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses visiteurs, nos animaux adespotes aussi. Le pays réel est pourtant sous terre, la désintégration de la société et des liens devient alors patente, les crimes et délits sont en augmentation constante. Surtout, certains crimes et qui se répètent, n’auraient pas été autant possibles avant ces dix années de la dite “crise” sous la Troïka, tout comme sous les multiples applications de l’ingénierie sociale. Rappelons que l’ingénierie sociale fait référence à des pratiques de manipulation psychologique à des fins d’escroquerie et de contrôle des populations.

Ces pratiques exploitent entre autres, les faiblesses psychologiques, sociales et plus largement organisationnelles pour permettre d’obtenir quelque chose des personnes ciblées, et déjà leur soumission, y compris par le chaos et par la perte des repères, comme celle des liens de la vie affective, sociale et culturelle. Ainsi, le dernier crime et drame en date ayant choqué la Grèce, c’est l’histoire tragique de cette mère de 40 ans, laquelle a jeté sa fille âgée de 4 ans du balcon du 5ème étage de l’immeuble où ils habitaient avant de se jeter à son tour. L’enfant est mort, sa mère aussi, la porte de leur appartement avait été verrouillée par la mère de l’intérieur, de manière à empêcher le retour du père lequel était absent pour quelques heures, presse grecque du 19 mars 2019.

Terrain psychologique au pays devenu territoire. Dans Athènes, les nouveautés courent les rues, à l’image de nombreuses femmes âgées se proposant pour faire du ménage. Et il y a encore ces jeunes… dynamiques, se proposant pour gérer des appartements loués à la journée aux touristes Airbnbiens, sans oublier les trottinettes électriques… Il y a de quoi on dirait révolutionner le siècle jusqu’à la prochaine nuit de super Lune en 2034.

Animal adespote. Athènes, mars 2019

Dame recherche à faire du ménage. Athènes, mars 2019

Confiez-nous la gestion locative d’appartements loués à la journée. Athènes, mars 2019

Trottinettes électriques. Athènes, mars 2019

Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses visiteurs. Sous l’Acropole… on rénove parfois également les demeures des animaux adespotes c’est-à-dire sans maître. Preuve s’il en est que les citoyens ont beau ne pas prendre une part active dans la vie politique, leur destinée concrète n’est en rien totalement diminuée. Les politiciens certes, ils annoncent en ce moment candidature sur candidature. Élections dites européennes, élections municipales et régionales en mai prochain et il y aura pour tout le monde sauf pour la Grèce. Tout ce que le pays compte en profiteurs inoccupés s’estiment avoir trouvé ici leur heure de gloire.

Autocollants pour le candidat SYRIZA Iliópoulos pour la mairie: “Pour tout recommencer à Athènes”, tracts du candidat Kassidiáris de l’Aube Dorée sur les pare-brises des autos: “Pour qu’Athènes puisse être nettoyée”, nous voilà… donc rassurés.

Sur l’île d’Hydra, la cathédrale historique vient d’être a été pillée et vandalisée, la relique même de Saint Constantin d’Hydra a été ouverte, les Hydriótes en sont choqués, presse du 20 mars 2019.

Rappelons que Saint Constantin, le néo-martyre d’Hydra avait été engagé comme serviteur par le gouverneur turc de l’île de Rhodes, et qu’il fut entraîné à renier sa foi chrétienne. Sa conscience le ramena au Christ et il voulut recevoir le baptême du martyre comme acte de repentir. Son père spirituel l’en dissuada et saint Constantin se retira au Mont-Athos au monastère d’Iviron. Il revint pourtant à Rhodes, confessa sa foi et, pour cela, il fut pendu en 1800, après avoir souffert la torture, ses restes ont été ramenés par la suite à Hydra par sa mère.

Athènes, candidature SYRIZA. Mars 2019

Athènes, candidature Aube Dorée. Mars 2019

Demeures… pour animaux adespotes rénovées. Athènes, mars 2019

Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses politiciens de la classe dirigeante finalement à peine hellénophone. Lorsqu’ils se font passer pour des liseurs, des érudits, et des penseurs, ils empruntent à droite ou à gauche des idées importées, à défaut d’être nécessairement d’importance. Il fut un temps SYRIZA ne jurait que par Slavoj Žižek, le philosophe slovène marxiste influencé par la psychanalyse de Lacan, et à présent Tsípras, propose à Mitsotákis de lire le livre de l’économiste français Serge Latouche “Vers une société d’abondance frugale : Contresens et controverses sur la décroissance”.

En guise de réponse, Mitsotákis, par journalistes interposés, propose à son tour à Tsípras de lire le livre de l’économiste britannique Paul Collier “The Future of Capitalism: Facing the New Anxieties” (“L’avenir du capitalisme – Face à de nouvelles préoccupations”) et comme le remarque une partie de la presse grecque, “Homère n’a visiblement plus sa place à travers le florilège des discours des politiciens… de l’éminente décadence. Ni Platon, ni Eschyle, ni même Aristote. Ces politiciens enfin que les Grecs font élire, ne lisent pas les auteurs de la Grèce, comme ils ne se soucient absolument pas des Grecs ni de leurs problèmes, comme d’ailleurs ils ne légifèrent pas pour les Grecs et ils ne se sentent pas responsables devant les Grecs”, presse du 20 mars 2019.

Heureusement que mon ami Olivier Delorme, écrivain et historien, lui il les lit, et pour nos lecteurs qui peuvent y assister, il donnera une conférence à Saint-Malo samedi prochain 23 mars, sur le thème: Grèce-Europe occidentale, échanges et malentendus, conférence proposée par le Cercle Hellénique de la Côte d’Émeraude, en partenariat avec la librairie “La Droguerie Marine”.

La conférence d’Olivier Delorme à Saint-Malo, le 23 mars

Animal adespote. Athènes, mars 2019

De conférence en conférence, nous finirons par mieux saisir les enjeux qui sont certes les nôtres, mais après ? Nos pays deviennent “le cadre d’un étrange théâtre, où le burlesque irresponsable côtoie le tragique involontaire”, comme l’écrit ailleurs et à sa manière Philippe Grasset.

“Alors, la lumière se fait, c’est-à-dire qu’elle éclaire enfin quelque chose. Je ne dis pas que Pascal en serait moins effrayé pour autant, mais enfin l’on peut prétendre que cette frayeur est justifiée et, elle au contraire, tout à fait compréhensible. Ainsi la France reprend-elle sa place parmi le ‘concert’ épouvantablement disharmonique et cacophonique des événements du monde. La France, en effet, est désormais et de ce fait entrée de plain-pied dans la globalisation (et non ‘mondialisation’) du monde. Catastrophique, indescriptible, absolument subvertie, plus basse qu’elle ne fut jamais, la France est pourtant l’un des épiphénomènes les plus remarquables et les plus originaux de cet ‘immense mouvement’ qu’est la Grande Crise de l’Effondrement du Système.”

“Vous comprenez qu’à ce point l’inconnaissance vous impose le silence du commentaire du tout-venant et que le commentaire réduit au silence rend compte enfin de l’essentiel, qui est bien l’impasse où il se trouve ; car derrière cette impasse, car il y a toujours quelque chose derrière une impasse, se manifestent avec discrétion mais sûreté d’eux-mêmes les premiers sons de l’harmonie, les premiers signes de l’équilibre et la perspective de l’ordre qu’il importe de retrouver, – plutôt recréer que restaurer, – comme l’on retrouve le rangement du monde après la catastrophe. Il suffit, comme l’Indien de nos jeunesses enfuies, de coller l’oreille au sol pour sentir encore plus qu’entendre le grondement des Temps Nouveaux.”

“Cela fera bien office de commentaire, après tout, – perdu et retrouvé.”

Perdus et retrouvés, tout comme nos animaux adespotes dans Athènes. La ville et son Printemps, ses colonnades antiques, ses pèlerins.

Animal adespote. Athènes, mars 2019

* Photo de couverture: Nuit de super Lune. Athènes, mars 2019

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