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Author Archive by rédaction

Nous ne sommes plus en démocratie

Non monsieur Macron, nous ne sommes plus en démocratie Mercredi, 29 Janvier, 2020

Texte collectif.

Signataires : Jacques Bidet, philosophe, Christine Delphy, sociologue, Elsa Dorlin, politiste, Jean-Baptiste Eyraud, Droit au Logement, Eric Fassin, sociologue, Bruno Gaccio, artiste, Frédéric Lordon, philosophe, Jean-Luc Nancy, philosophe, Xavier Mathieu, syndicaliste, Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur, Willy Pelletier, sociologue, Monique et Michel Pinçon-Charlot, sociologues, Jérôme Rodrigues, gilet jaune, Malika Zediri, association de Chômeurs APEIS.

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On connaît la formule : « la dictature, c’est ferme ta gueule » ; « la démocratie, c’est cause toujours ». Normalement, ce devrait être pour rire. Le problème, depuis longtemps déjà, c’est que beaucoup de supposés « démocrates » se contentent très bien de la formule : causez toujours. Et c’est vrai : trente ans que « ça cause » – dans le vide : aux gouvernements successifs, tous différents paraît-il, mais qui font tous la même chose. Et tous d’aller de stupéfaction en stupéfaction : TCE 2005, FN 2002 et 2017, Gilets Jaunes. Pour tous ces prétendus médiateurs, les alarmes n’auront pourtant pas manqué depuis vingt ans. Qu’ils s’examinent et s’interrogent : « quel compte réel en aurons-nous tenu ? » Et la réponse à la question éclairera aussitôt le présent politique et ses formes.

Du côté des pouvoirs, ce ne sont à l’évidence plus celles de la démocratie. Car il n’y a plus de démocratie là où plus rien de ce qui monte de la population n’est écouté. Il n’y a plus de démocratie quand un projet de loi dont tout atteste qu’il est refusé par une écrasante majorité est maintenu envers et contre tout. Il n’y en a plus quand le gros de la population est voué à l’enfoncement dans la précarité. Quand, les uns après les autres, tous les corps de métier se révoltent contre la destruction de leurs conditions d’exercice, et, pour toute réponse, n’obtiennent que les regards vides de leurs directeurs et la continuation de la destruction sans le moindre temps mort.

C’est pourquoi Emmanuel Macron s’enfonce un peu plus chaque fois qu’il répète que « la démocratie, c’est la parole, pas la violence », quand toute sa pratique du pouvoir atteste que la parole ne sert à rien – et qu’au lieu de son écoute il fait donner la police. Le pays entier gronde, et le pouvoir est sourd – on devrait dire plus exactement : et le pouvoir s’en fout. Ce serait même une définition possible, sinon de la dictature, du moins de la sortie de la démocratie : quand le pouvoir s’en fout.

C’est ce que les Gilets jaunes ont compris : quand toutes les voies de recours offertes à la parole de la population ont été tentées, depuis si longtemps et en vain, alors il ne reste plus d’autre solution que de faire autre chose. Il n’y a pas de violence politique de rue sans une faillite antécédente, abyssale, de la médiation institutionnelle. De la « démocratie », il ne reste alors plus que la forme vide de l’élection, ultime argument des gouvernants sécessionnistes qui ne veulent plus rien avoir à connaître des gouvernés. « Il a été élu régulièrement », « il est légitime ». Formules creuses d’un pouvoir séparé, qui pensait que « ne pas écouter » suffirait, que l’inertie ferait le reste, mais découvre que non, et n’a plus comme réflexe que de constituer ses opposants en « ennemis de l’Etat », pour leur appliquer une violence policière sans précédent depuis 70 ans, et les dispositions de l’anti-terrorisme. Au reste, tout le monde le sait : du moment où la police mettrait casque à terre, ce pouvoir n’aurait pas une semaine d’espérance de vie, et c’est bien à ce genre d’expérience de pensée qu’on connaît la nature réelle d’un régime politique. 

C’est que le « cause toujours » a, ces derniers temps, beaucoup reçu le renfort du « ferme ta gueule ». Oui, les gueules ont été fermées à coups de LBD, de grenades et de matraques. Mais aussi d’interpellations préventives, de directives aux parquets, de surveillance électronique, de versement de l’état d’urgence dans la loi ordinaire, et pour bientôt : de reconnaissance faciale et de lois de censure numérique. Tout ça mis ensemble commence à faire un tableau. « Essayez donc la dictature », nous enjoint par défi Emmanuel Macron. Comment dire… c’est bien, pour notre malheur, ce qu’on nous fait « essayer » en ce moment. Si une part si importante de la population est dans un tel état de rage, c’est d’abord par les agressions répétées qui lui sont faites, mais aussi parce que, précisément, après tant d’années à avoir été réduite à l’inexistence politique, elle aimerait bien « essayer la démocratie ».

Moria 35 audience le 3 février 2020

L’affaire des « Moria 35 » en appel : audience le 3 février 2020 à Lesbos

Lundi 3 février aura lieu le procès en appel de 32 exilés, jugés en première instance, en avril 2018 pour incendie volontaire, rébellion, dégradation des biens, tentative de violences ou de trouble à l’ordre public à la suite d’une manifestation pacifique par laquelle plusieurs centaines de personnes bloquées dans le « hotspot » de Moria, sur l’île de Lesbos, dénonçaient leurs conditions de vie indignes et inhumaines.

Sur 35 personnes poursuivies (les « Moria 35 »), 32 ont été reconnues coupables d’avoir blessé des fonctionnaires de police et condamnées à 26 mois de prison avec sursis par le tribunal de Chios (Grèce) après quatre jours d’une audience dont les membres de la délégation d’observateurs internationaux présents au procès avaient recensé, dans un rapport d’observation paru en juin 2018, les graves entorses au droit à un procès équitable : interprétariat lacunaire, manque d’impartialité des juges, temps limité accordé à la défense, mais surtout absence de preuves des faits reprochés.

Les 32 exilés ont fait appel de leur condamnation. L’audience d’appel aura lieu le 3 février prochain, soit près de 2 ans plus tard, cette fois-ci sur l’île de Lesbos où se sont passés les faits.

Le Gisti sera à nouveau présent à l’audience afin d’achever sa mission d’observation dans cette procédure criminelle visant des exilés.

Le 31 janvier 2020

Pour plus d’informations :

Source https://www.gisti.org/spip.php?article6306

La Grèce est-elle en train de devenir une colonie chinoise ?

Immobilier, énergies, banques, télécommunications… Depuis la crise économique, les investissements de l’empire du Milieu en terre hellène semblent sans limites.

Une réussite. À l’instant même où Xi Jinping pose le pied en terre hellène, le 10 novembre 2019, médias grecs et personnalités politiques se félicitent de ce moment historique. La seule présence du président de la République populaire de Chine ravit, excite et rassure les milieux diplomatiques et économiques. La première visite d’un président chinois en Grèce depuis onze ans constitue un symbole fort des liens entre les deux pays. Une semaine auparavant, c’est le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis qui était en Chine à l’occasion du Forum économique de Shanghaï pour promouvoir son pays, répétant à l’envi que «la Grèce est ouverte pour le business». Le message est passé.

Seize accords bilatéraux ont été signés entre les deux pays à l’occasion de la visite de Xi Jinping à Athènes. L’implantation de la Banque de Chine, l’exportation de kiwis grecs ou l’investissement chinois dans les projets énergétiques viennent, entre autres, s’inscrire dans une dynamique croissante des relations économiques.

Celles-ci ont pris une nouvelle ampleur en 2009 quand la société chinoise Cosco (China Ocean Shipping Company) est entrée au capital du Pirée, premier port de Grèce et l’un des plus importants de Méditerranée. En 2016, la compagnie chinoise en devenait le principal gestionnaire après avoir racheté 51% du port, et en détiendra bientôt 67%. Une implantation croissante et stratégique «gagnant-gagnant» selon les acteurs économiques et politiques du pays.

«La Grèce tire profit de la matérialisation du rêve du président chinois, le Marco Polo du XXIe siècle», se réjouit Nicolas Vernicos, président de la Chambre internationale de commerce en Grèce. «Xi Jinping veut laisser un héritage avec les routes de la soie et la Grèce se trouve sur cette route. Nous sommes une porte d’entrée en Europe.»

Une position géographique favorable évidente pour la Grèce, passerelle naturelle entre l’Orient et l’Occident et première terre européenne pour les navires atteignant la Méditerranée depuis le canal de Suez. Idéal pour écouler de la marchandise sur le vieux continent. En 2018, les exportations chinoises en Europe ont atteint 395 milliards d’euros et rien ne semble indiquer une diminution de ces chiffres.

Des visas d’or

L’objectif est clair pour Cosco: faire du Pirée le premier port commercial en Europe. Au total, les investissements devraient s’élever à plus d’un milliard d’euros, permettant le développement du port et d’infrastructures alentours – centre commercial, marina, hôtels de luxe – au sein d’un ambitieux «Master Plan».

«Le management est meilleur, la productivité plus élevée. Les conséquences sont uniquement positives, personne ne se plaint en Grèce», assure Nicolas Vernicos, balayant d’un revers de main les réserves des riverains, les protestations des syndicats et les objections des archéologues quant à ce développement titanesque.

Pas question de critiquer les investissements chinois non plus dans les bureaux de V2 Development, l’une des principales agences immobilières de Grèce. Celle-ci connaît une croissance remarquable depuis le début du programme «Golden Visa», permettant aux citoyens non-européens de bénéficier d’un visa européen en échange d’un investissement dans l’immobilier à hauteur de 250000 euros. Mis en place en 2014, ces «visas d’or» ont permis de faire entrer des liquidités dans un pays en pleine crise économique et sociale.

«La Grèce a besoin d’argent frais. Qu’il vienne de l’antarctique ou des pingouins, peu importe», tranche Vaggelis Kteniadis, président de V2 Development. Pour l’heure, il vient principalement de Chine. Sur les 17767 permis accordés depuis 2014, 12318 l’ont été à des investisseurs chinois et à leurs familles, d’après les chiffres d’Entreprise Greece, agence gouvernementale en charge des investissements en Grèce. La Chine représente, de loin, le premier pays bénéficiaire de ce programme, devant la Turquie et la Russie.

Face au parlement grec, au cœur d’Athènes, les publicités invitant les investisseurs chinois à devenir propriétaires se sont multipliées. En version originale. «C’est insultant de devoir obtenir un visa pour voyager, estime Vaggelis Kteniadis. Avec ce programme, les gens peuvent ouvrir un business, développer les échanges commerciaux, employer des salariés», défend celui qui rêve de transformer la riviera athénienne en nouvelle Côté d’Azur.

Au risque de faire s’envoler le marché de l’immobilier. «La quantité des Golden visas accordés a considérablement augmenté le prix des loyers», analyse Polyxeni Ntavarinou. Chercheuse au sein du département Asie à l’Institut des relations économiques internationales, elle estime que «ça n’est pas une bonne chose. Dans certains quartiers, les locaux n’ont plus la possibilité de se loger». La transformation du parc immobilier s’accompagne d’une mise en location des biens sur des plateformes locatives courte-durée, faisant là encore grimper les prix. En octobre, la presse grecque révélait l’acquisition d’une centaine d’appartements au cœur d’Athènes par un seul propriétaire chinois, et c’est progressivement toute l’Attique qui se fait racheter.

Un cheval de Troie

Le domaine des énergies et des nouvelles technologies suscite également la convoitise de la Chine, prête à investir dans tous les secteurs de l’économie grecque. De quoi faire grincer des dents dans les capitales européennes, qui voient d’un mauvais œil l’omniprésence de l’empire du Milieu au sein de l’Union européenne.

En juin 2017, la Grèce posait son veto à un communiqué de l’Union européenne dénonçant les atteintes de la Chine aux droits de l’Homme, à l’occasion d’un Conseil de l’ONU. Un précédent qui avait particulièrement agacé et fait craindre une politique diplomatique grecque alignée sur les investissements chinois.

«L’Europe voit la Grèce comme un cheval de Troie chinois», estime Polyxeni Ntavarinou. Dans une période où l’unité européenne s’effrite, l’ouverture des capitaux grecs à la Chine «est mal perçue» selon la chercheuse. «La Grèce s’est sentie valorisée dans un moment où elle était considérée comme la brebis galeuse de l’Europe, où elle se pensait humiliée par ses partenaires européens. En investissant et en jouant sur une approche culturelle, d’une rencontre entre deux grandes civilisations, la Chine a permis à la Grèce de sentir importante. Elle l’a mise en valeur et donc en confiance.»

Alors qu’Emmanuel Macron s’inquiétait récemment, dans une interview à The Economist, de la souveraineté européenne en matière technologique et sécuritaire, la Grèce n’a pas fermé la porte à un accord avec Huawei pour le développement de la 5G dans le pays. «Ces investissements sont comme un don du ciel pour la Grèce, et ceux qui les critiquent en sont jaloux», insiste Nicolas Vernicos. «Pourquoi l’Afrique passe de colonie européenne à colonie chinoise? Parce que les Européens ne comprennent pas l’évolution du monde et se retirent», tente le président de la Chambre internationale de commerce.

Même son de cloche chez Vaggelis Kteniadis, particulièrement remonté: «Il ne faut pas oublier que nous sommes un pays ruiné, et que ces pays qui critiquent les investissements chinois sont les mêmes qui ont gagné des milliards sur notre dos pendant la crise.» En 2018, 589 millions des 4 milliards d’investissements étrangers directs en Grèce provenaient de Chine, faisant du pays asiatique un partenaire économique incontournable.

«Il est normal que l’Union européenne mette la pression car elle veut protéger ses intérêts. La Grèce doit réussir à trouver un équilibre», nuance George Tzogopoulos, chercheur à la Fondation hellénique pour la politique extérieure et européenne (Eliamep). «Ces investissements sont indispensables. Il ne faut pas exclure la Chine mais il faut coopérer avec elle à l’échelle européenne.»

Maintenir l’équilibre entre l’Union européenne et la Chine, mais également les États-Unis, allié historique et partenaire économique majeur, tel est le périlleux objectif de la Grèce, d’autant plus important que la rhétorique agressive et expansionniste du voisin turc attise les tensions en Méditerranée. Pour la souveraineté, on repassera. Mais dans un pays sous domination ottomane pendant quatre cents ans, dirigé par des rois allemand puis danois pendant un siècle, accueillant des bases américaines et soumis aux mémorandums européens, l’établissement chinois n’a finalement rien de surprenant.

Alexandros Kottis — 2 janvier 2020

Source http://www.slate.fr/story/185789/la-grece-est-elle-en-train-de-devenir-une-colonie-chinoise

Une frontière flottante pour stopper les migrants

La Grèce veut ériger une frontière flottante sur la mer pour limiter l’afflux de migrants Par Anne-Diandra Louarn 

Le ministère grec de la Défense a rendu public mercredi un appel d’offres pour faire installer un « système de protection flottant » en mer Égée. L’objectif : réduire les flux migratoires en provenance de la Turquie alors que la Grèce est redevenue en 2019 la première porte d’entrée des migrants en Europe.

C’est un appel d’offres surprenant qu’a diffusé, mercredi 29 janvier, le ministère grec de la Défense : une entreprise est actuellement recherchée pour procéder à l’installation d’un “système de protection flottant” en mer Égée. Cette frontière maritime qui pourra prendre la forme de « barrières » ou de « filets » doit servir « en cas d’urgence » à repousser les migrants en provenance de la Turquie voisine.

Selon le texte de l’appel d’offres, le barrage – d’une “longueur de 2,7 kilomètres” et d’une hauteur de 1,10 mètre dont 50 cm au dessus du niveau de la mer – sera mis en place par les forces armées grecques. Il devrait être agrémenté de feux clignotants pour une meilleure visibilité. Le budget total comprenant conception et installation annoncé par le gouvernement est de 500 000 euros.

“Au-delà de l’efficacité douteuse de ce choix, comme ne pas reconnaître la dimension humanitaire de la tragédie des réfugiés et la transformer en un jeu du chat et de la souris, il est amusant de noter la taille de la barrière et de la relier aux affirmations du gouvernement selon lesquelles cela pourrait arrêter les flux de réfugiés”, note le site d’information Chios News qui a tracé cette potentielle frontière maritime sur une carte à bonne échelle pour comparer les 2,7 kilomètres avec la taille de l’île de Lesbos.

Sur cette photo vous pouvez voir la taille relle
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“Sur cette photo, vous pouvez voir la taille réelle d’un barrage de 2 700 mètres par rapport à l’île de Lesbos”, écrit Chios News. Crédit : Google Maps / ChiosNews.com

La question des migrants et des réfugiés est gérée par le ministère de l’Immigration qui a fait récemment sa réapparition après avoir été fusionné avec un autre cabinet pendant six mois. Devant l’ampleur des flux migratoires que connaît la Grèce depuis 2015, le ministère de la Défense et l’armée offrent un soutien logistique au ministère de l’Immigration et de l’Asile.
Mais la situation continue de se corser pour la Grèce qui est redevenue en 2019 la première porte d’entrée des migrants et des réfugiés en Europe. Actuellement, plus de 40 000 demandeurs d’asile s’entassent dans des camps insalubres sur des îles grecques de la mer Égée, alors que leur capacité n’est que de 6 200 personnes.

Le nouveau Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, élu à l’été 2019, a fait de la lutte contre l’immigration clandestine l’une de ses priorités. Il a déjà notamment durci l’accès à la procédure de demande d’asile. Il compte également accélérer les rapatriements des personnes qui « n’ont pas besoin d’une protection internationale » ou des déboutés du droit d’asile, une mesure à laquelle s’opposent des ONG de défense des droits de l’Homme.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/22441/la-grece-veut-eriger-une-frontiere-flottante-sur-la-mer-pour-limiter-l-afflux-de-migrants?fbclid=IwAR222VN34-q3HvqeNk9Yfv_7NkV-N-fgZ_JcNnQLBiTe4z9tnBGz3vSeODw&ref=fb

SOS MEDITERRANEE : Garder le cap en 2020

En ce début d’année, près de 300 personnes ont été secourues par des navires humanitaires en Méditerranée centrale. Dans la zone de recherche et de sauvetage libyenne, le contexte est de plus en plus flou et nos équipes sont la plupart du temps livrées à elles-mêmes dans leurs missions de recherche et de sauvetage. Malgré tout, les marins-sauveteurs de l’Ocean Viking tiennent le cap, car notre présence en mer reste vitale.

Premiers sauvetages de l’année et toujours pas de mécanisme de débarquement  

A peine commencée, l’année 2020 était déjà marquée par de premiers sauvetages en Méditerranée centrale. Les 9 et 10 janvier, tandis que notre navire se trouvait en Sicile pour une courte escale, les navires des ONG espagnole Proactiva Open Arms et allemande Sea Watch, ont porté secours à 237 personnes au cours de cinq opérations de sauvetage. Après deux jours d’attente inutile, deux ports en Italie, Tarente et Messine leurs ont finalement été assignés pour débarquer les rescapés. Deux solutions ad hoc puisqu’il n’existe toujours pas de mécanisme concerté, prévisible et pérenne concernant le débarquement des rescapés secourus en Méditerranée.

Arrivé en zone de recherche et de sauvetage au large des côtes libyennes le dimanche 12 janvier dans la soirée, l’Ocean Viking s’est rapidement trouvé être le seul navire humanitaire présent en Méditerranée centrale. Dans la nuit du jeudi 16 au vendredi 17 janvier, il a reçu une alerte concernant 39 personnes sur une embarcation de bois en détresse. Vers 4h30 du matin, les équipes de SOS MEDITERRANEE ont réussi à mettre toutes les personnes en sécurité à bord de l’Ocean Viking. Parmi ces 39 personnes secourues, 19 d’entre elles sont des mineurs non accompagnés. Autrement dit, 19 mineurs qui auraient pu perdre la vie, dans l’anonymat le plus total, si notre navire n’avait pas été là pour leur porter assistance.

La Libye n’est pas un lieu sûr pour débarquer des rescapés

Et immanquablement, l’histoire se répète : les équipes de l’Ocean Viking, qui ont envoyé une demande pour un lieu sûr afin de débarquer les rescapés, se sont vues assigner Tripoli par les autorités maritimes libyennes. Or, il est inenvisageable de débarquer des rescapés dans un pays en proie aux conflits tel que la Libye. Le droit international est on ne peut plus clair : « Tout rescapé doit être débarqué dans un « lieu sûr » dans les meilleurs délais, où ses droits fondamentaux seront     respectés.[1] »

Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), tout comme l’Organisation internationale des migrations (OIM) ont d’ailleurs déclaré à plusieurs reprises que ce pays ne peut pas être considéré comme un lieu sûr.
Les équipes de l’Ocean Viking ont donc sollicité une alternative auprès des autorités maritimes compétentes. Lundi 20 janvier dans la soirée, le port de Pozzalo en Sicile a finalement été assigné à notre navire pour débarquer les 39 rescapés.

Au-delà de ce cas précis, comment est-il possible d’envisager de renvoyer des personnes secourues en mer, dans le pays qu’elles ont justement fui au péril de leur vie ? Un pays dans une situation tellement désastreuse, qu’un sommet international pour la paix se tenait à Berlin, ce dimanche 19 janvier. Si les observateurs évoquent un « appel fragile de la communauté internationale pour relancer la paix en Libye », force est de constater que le chemin vers une issue du conflit est long, et que des êtres humains subissent les pires atrocités dans ce pays, comme nous l’ont raconté la plupart des rescapés à bord de l’Aquarius et aujourd’hui de l’Ocean Viking.

Un trou noir en Méditerranée centrale

La situation en mer Méditerranée centrale est aussi à déplorer. Au quotidien, le centre de coordination de recherche et de sauvetage libyen, le JRCC, ne fonctionne pas de manière efficace. La plupart du temps, il ne répond pas aux appels des équipes de l’Ocean Viking et ces dernières ne reçoivent quasiment plus les signalements de cas de détresse connus.

Ce manque de coordination empêche toute prise en charge rapide et efficace des personnes à bord d’embarcations en détresse, et augmente par conséquent le risque de noyade.

Par ailleurs, l’absence de relais de coordination dans cette zone par d’autres centres de coordination compétents, comme ceux de l’Italie et de Malte apparaît également problématique. Il en résulte un trou noir en Méditerranée centrale où les navires humanitaires et les ONG se débattent, avec leurs propres moyens, pour détecter des situations de détresse et réussir à porter secours aux rescapés dans les temps, et à les protéger. Ainsi, plus d’un tiers des opérations de sauvetage menées par l’Ocean Viking ont été repérées par nos équipes à la jumelle.

Si d’autres acteurs sont aussi présents sur cette zone de recherche et de sauvetage au large des côtes libyennes, leur rôle n’est pas le même. En effet, les garde-côtes libyens, qui interceptent régulièrement des embarcations surchargées de personnes qui tentent de fuir l’enfer libyen, les ramènent systématiquement en Libye.
Le 14 janvier 2020, l’OIM annonçait que près de 1000 personnes avaient été interceptées et renvoyées en Libye depuis le début de l’année.

Un triste décompte, qui n’est pas sans rappeler que notre présence en mer, ainsi que celle des autres navires humanitaires, restent indispensables.

En 2020, SOS MEDITERRANEE aura déjà cinq ans. Au commencement, nous n’étions qu’une poignée de citoyens. Nous avons affrété un navire, l’Aquarius, pour débuter notre mission. En 2018, nous avons dû nous en séparer. En 2019, nous avons pu reprendre la mer avec l’Ocean Viking. En 2020, nous sommes plus que jamais mobilisés pour continuer notre mission en Méditerranée centrale.

INFO DE DERNIERE MINUTE 24/01/2020 : l’Ocean Viking vient de secourir 92 personnes, dont 5 femmes enceintes et 38 mineurs, sur un canot pneumatique surchargé à 30 milles nautiques de la Libye. Extrêmement faibles et recouverts d’essence, beaucoup souffrent d’hypothermie et de mal de mer. 


[1] Amendement de 2004 porté à la Convention SAR

Source http://www.sosmediterranee.fr/

 

Retraite : la liberté réduite au portefeuille

Retraite la réforme de trop : La liberté réduite au portefeuille par Martine Bulard,

.Dans l’art de prendre les Français pour des idiots, les syndicalistes pour des courroies de transmission, et les parlementaires pour des pantins, le couple Macron-Philippe est devenu champion. Pour tenter de casser le mouvement social, le premier ministre a annoncé le retrait — très provisoire — de l’« âge pivot ». Mais dans le projet de loi, il a introduit l’« âge d’équilibre », qui lui ressemble de manière troublante. Et il ne s’est pas contenté de le mentionner en passant : l’expression est citée 56 fois et elle constitue l’un des deux piliers de la réforme — avec l’introduction de la retraite par point. L’axe central, scandé tout au long des 145 pages du projet, étant « l’équilibre financier » du système, avec plus de retraités et pas de financements supplémentaires. Comment le patron de la CFDT, M. Laurent Berger, qui a combattu l’âge pivot peut-il défendre l’âge d’équilibre ? Mystère.

Quant aux parlementaires, ils sont appelés à faire de la figuration, chaque décision précise étant systématiquement renvoyée à de futures ordonnances où l’exécutif peut décider ce qu’il veut sans l’aval des élus. Le pouvoir devrait y avoir recours pas moins de 102 fois, si l’on en croit le texte du projet. Ainsi toute la période de transition, entre 2025 et 2037, est renvoyée à une ordonnance et donc au bon vouloir des duettistes de choc.

Difficile de détailler ici tous les articles de ce projet de loi. Certaines dispositions constituent un progrès : 1 000 euros pour une pension complète minimale (même si cette base est assortie de nombre de conditions), l’attribution de points pour les congés maternité (1)… Mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Pour le reste, la régression est en marche.

Dès le préambule, après avoir égrené des promesses de justice, le projet rappelle que l’âge légal est maintenu à 62 ans, mais que le gouvernement a fait « le choix de la liberté donnée à l’individu en fonction de son parcours, et en incitant les Français, sans les y forcer, à travailler un peu plus longtemps ». Sa majesté est trop bonne ! Grâce à la « liberté donnée », les Français auront donc le choix entre partir à 62 ans avec une retraite rabougrie ou travailler plus longtemps. Personne ne les forcera… sauf leur compte en banque. Encore faudrait-il qu’ils aient un emploi — ce qui, aujourd’hui, n’est pas le cas pour près d’un Français sur deux au moment où il demande à toucher sa retraite. Ce qui n’empêche pas d’aligner les grands principes dans l’article 1 : régime par répartition maintenu, équité défendue, solidarité assurée, « niveau de vie satisfaisant » garanti (on ne parle pas de pouvoir d’achat chez ces gens-là), liberté de choix renforcée (la liberté réduite au portefeuille) — le tout subordonné à l’objectif suprême : l’équilibre financier.

Tous égaux, mais déjà quelques gagnants…

Dans les articles 2 à 7, les rédacteurs du projet de loi précisent que le système s’appliquera à tous, y compris aux salariés disposant de régimes spécifiques (SNCF, RATP, Opéra de Paris…), selon un calendrier rendu public par le premier ministre : en 2022 pour les actifs nés en 2004 ; en 2025 pour ceux nés après le 1er janvier 1975 (une partie de leur retraite sera calculée selon le système actuel). Pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l’âge légal de retraite est 57 ou 52 ans aujourd’hui, la première génération concernée sera celle née en 1980 ou 1985, selon les cas.

Par peur d’une extension du mouvement de protestation, le premier ministre a d’ores et déjà maintenu le système actuel pour les militaires et les policiers, les pilotes et personnels navigants, et presque intégralement pour les contrôleurs aériens ; les danseurs de l’Opéra et les cheminots, les salariés de l’énergie ont obtenu une sorte de clause « du grand père » plus ou moins longue qui diffère la mise en place du nouveau système. Toutefois les articles 38 et 39 autorisent le gouvernement à « organiser par ordonnances », là encore, l’alignement des régimes spéciaux sur le régime général.

Le flou pour les enseignants

Quant aux enseignants, il est stipulé qu’ils bénéficieront « de mécanismes permettant de garantir une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite équivalant à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à ces corps comparables de la fonction publique ». On ne peut trouver plus alambiqué, plus vague. « Faut-il comprendre que les primes des enseignants vont passer de 10 % à 40 % de leur traitement » pour s’aligner sur les autres fonctionnaires d’État ?, s’interroge Henri Sterdyniak qui s’est livré à une fine analyse du projet de loi (Alternatives économiques, 13 janvier).

Des comptes d’apothicaires

Comment sera calculée la pension ? Dans cette langue limpide dont M. Phillipe a le secret, l’article 10 stipule que « le système fonctionnera autour d’une référence collective, correspondant à l’âge auquel les assurés pourront partir à “taux plein” et autour de laquelle s’articulera un mécanisme de bonus/malus ». Exit l’âge légal, bonjour la « référence collective » ! Celle-ci fixera l’âge d’équilibre « en fonction des projections financières du système » — étant acté par aillleurs que l’on ne peut « augmenter le coût du travail », traduisez augmenter les cotisations sociales. La situation sera pire encore puisque le pouvoir baisse des cotisations payées par l’entreprise (c’est-à-dire le salaire brut des salariés) sans compenser le manque à gagner par les caisses de retraites. Conclusion : l’âge d’équilibre sera fixé en fonction de la situation financière du système et en fonction de la durée de vie estimée de chaque génération (à raison des deux tiers des gains d’espérance de vie — si les experts estiment qu’une génération a gagné trois mois d’espérance de vie, l’âge d’équilibre sera reculé de deux mois)

Un malus de 5 % sera appliqué pour tous ceux qui, bien qu’ayant le droit à la retraite, partent avant l’âge d’équilibre ; et un bonus de 5 % pour ceux qui partent après ; ce qui accentue encore les inégalités car il est plus facile de prolonger son activité quand on a un travail peu ou pas pénible, intéressant et bien payé que quand on est maçon, infirmière ou caissière… Le pouvoir assure la main sur le cœur qu’il va revoir les critères de pénibilité, mais refuse de revenir sur ceux que les députés avaient voté et qu’il a supprimé d’un trait d’ordonnance. Pour l’heure, le travail de nuit des infirmières, par exemple, leur donnera le droit à prendre leur retraite deux ans plus tôt (au maximum) mais comme l’âge d’équilibre sera reculé d’au moins deux ans… Pour les éboueurs ou les égoutiers, qui ont en moyenne 17 années d’espérance de vie en moins selon l’Inserm, et qui peuvent partir aujourd’hui cinq à dix ans plus tôt, la réforme sonne comme une condamnation : « Vous prenez dix égoutiers qui sont partis à la retraite à 54 ans. Vous revenez dix ans plus tard, y en a à peu près sept ou huit qui sont décédés. On va mourir dans les égouts en fait », résumait l’un d’eux au micro de France Inter ce jeudi 16 janvier.

Une règle d’or qui n’en est pas une

L’article 11 du projet de loi « contient une règle d’or garantissant que le niveau des pensions ne pourra jamais être baissé ». Certes, une fois la retraite liquidée, celle-ci ne pourra être directement diminuée (même si des hausses de cotisations et autres prélèvements peuvent entraîner une baisse du pouvoir d’achat), cependant, elle ne sera pas alignée sur l’évolution moyenne des salaires, contrairement à ce qui avait été indiqué auparavant, mais sur l’inflation (formule nettement moins favorable).

Cette « règle d’or » ne veut donc pas dire qu’il y aura maintien du niveau des retraites par rapport au salaire — ce que l’on appelle le « taux de remplacement ». Du reste l’expression n’existe pas dans le projet de loi. Selon le Conseil d’orientation des retraites, ce taux tomberait au dessous de 50 % en 2025 (49,8 %) contre 51,4 % en 2018 et… 70 % il y a trente ans.

Un coup de pouce à la capitalisation

Pour les hauts salaires, la cotisation sur la part de rémunération qui se situe au dessus de trois fois le plafond de la sécurité sociale, soit 10 000 euros par mois, ne sera plus que de 2,8 % (au lieu de 28,1 %), selon l’article 13. Certes, ces cadres n’auront aucune pension sur cette partie de salaire, mais cela ne compensera pas, loin s’en faut, les pertes pour le système, évaluées entre 5 et 7 milliards d’euros. Et surtout, cette disposition les pousse à opter pour des surcomplémentaires, c’est-à-dire des fonds de pension. C’est une attaque contre le système de répartition, comme l’explique très bien M. François Hommeril, secrétaire général de la Confédération générale des cadres (CFE-CGC). Le coup est d’autant plus important que l’article 15 prévoit que le gouvernement pourra « modifier les règles d’assujettissement à cotisations et contributions sociales ». Autrement dit : le pouvoir pourra baisser le plafond au-dessus duquel les salariés paieront moins de cotisations, à 8 000 euros ou 5 000 euros par mois (au lieu de 10 000). De plus, de nouvelles dispositions sont prévues pour faciliter l’épargne retraite (et notamment des déductions fiscales).

Une étatisation prononcée

Non seulement le recours aux ordonnances est systématique, mais la création d’une Caisse nationale de retraite universelle, fusionnant les caisses actuelles tout en en maintenant certaines (avocats, professions libérales, agriculteurs), sonne la fin du paritarisme. Certes, l’introduction du patronat dans la gestion de ces caisses en 1967, l’attitude de syndicats sensibles à la parole patronale, le poids grandissant des experts de la Commission européenne sur les finances publiques ont pour une part miné le système. Il reste que l’étatisation se renforce. Ce n’est pas la création d’un Comité d’expertise indépendant des retraites qui changera la donne. Au contraire. Il sera composé d’un président nommé par le président de la République, deux membres de la Cour des comptes, le directeur de l’Insee (nommé par le président de la République), trois personnes désignées par les présidents de l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental). Pas un seul syndicaliste ! Pas même une petite place pour M. Berger…

Rencontre Mitsotakis Macron

Mitsotakis et Macron : deux hontes côte à côte par ·

Nouvelle rencontre entre le premier ministre grec et le président français, aujourd’hui à Paris, tous deux fiers d’annoncer un rapprochement qui ne promet rien de bon.

MITSOTAKIS ET MACRON : DEUX HONTES CÔTE À CÔTE

La première de ces hontes, c’est celle qui repose sur les épaules des dirigeants français successifs pour leur influence particulièrement nuisible sur ce qui se trame dans la péninsule hellénique. La France a joué un rôle majeur sur ce qui s’est passé de pire depuis dix ans en Grèce :
— ventes d’armes avec rétro-commissions ;
— nombreuses magouilles des banques françaises avec divers prêts pourris ;
— rôle déterminant de Hollande dans la capitulation de Tsipras ;
— nombreux investissements des firmes tricolores dans le dépeçage du bien commun (Suez, Véolia, EDF, Vinci et maintenant Total qui s’apprête à ravager les rivages de Crète avec des forages pétroliers au large de l’île) ;
— dumping social accéléré depuis l’arrivée de sociétés comme Leroy Merlin (au centre de nombreuses polémiques pour son comportement brutal envers les travailleurs à Athènes) ;
— création des premiers hot-spots de la mer Égée, notamment le camp de Moria à Lesbos par Cazeneuve et des fonctionnaires français, avec des conséquences humaines désastreuses ;
— supplément d’équipement de la police grecque made in France pour une bonne partie (et courses à Eurosatory) ;
— surveillance accrue des opposants politiques et des solidaires internationaux, pressions diverses (on en sait quelque chose).

La seconde des hontes dans ce tableau parisien ridicule, c’est bien sûr la fin du discours de Mitsotakis, deux minutes avant la fin de la conférence de presse. Ce n’est pas un hasard si, en guise de conclusion, le premier ministre grec rend subitement hommage aux victimes d’Auschwitz. En réalité, ce n’est pas du tout pour saluer la mémoire des malheureux déportés, mais tout simplement parce qu’il sait parfaitement ce que pensent de plus en plus d’Européens sur l’horreur des camps en Grèce. En effet, de plus en plus de voix s’élèvent contre ce qui se passe à Lesbos et ailleurs :
https://www.illustre.ch/magazine/jean-ziegler-avons-recree-camps-concentration?

Même si nous sommes encore loin des terribles génocides du passé, la situation se détériore et se durcit sans cesse, mois après mois, de façon très inquiétante. C’est pourquoi Mitsotakis tente de désamorcer les critiques, à côté du chef de l’État français (co-responsable de ce drame), mais ça ne marchera pas. Les camps de la mer Égée sont odieux et de plus en plus d’enfants et d’adultes y souffent et y meurent. Chaque semaine, des dizaines d’adolescents tentent de s’y suicider. Chaque semaine, en été comme en hiver :

Honte à l’État grec, honte à l’État français, honte à l’Union européenne, honte à tous ceux qui prétendent nous gouverner.

En France comme en Grèce et dans beaucoup d’autres régions du monde, la révolte gronde. Le pouvoir devient sans cesse plus arrogant, plus violent, plus oppressant. Partout, le pouvoir est un voleur de vies.

Ce réseau international de nuisibles assure le maintien de la domination et de l’exploitation qui nous écrase et nous épuise, et établit des partenariats entre états contre la plupart d’entre nous : opposants, révoltés, précaires, travailleurs, retraités, étudiants, migrants…

N’attendons plus. Prenons nos affaires en main, débarrassons-nous des chaînes qui nous étranglent, unissons-nous par-delà les frontières pour faire tomber tous les murs, de Paris à Athènes et de Santiago à Hong-Kong.

Tournons la page du vieux monde et de ses gardiens zélés.

Yannis Youlountas

Source http://blogyy.net/2020/01/29/mitsotakis-et-macron-deux-hontes-cote-a-cote/

Lesbos : la honte de l’Europe

Jean Ziegler: «Nous avons recréé des camps de concentration»

Il est rentré bouleversé d’une mission pour l’ONU sur l’île grecque de Lesbos, où se trouve le tristement célèbre camp de réfugiés de Moria. Jean Ziegler accuse l’Europe de bafouer les droits de l’homme et publie «Lesbos, la honte de l’Europe». Rencontre avec un rebelle dont la colère ne faiblira jamais.

– Jean Ziegler, vous qui avez beaucoup voyagé et été témoin de crises humanitaires majeures, pourquoi écrire un livre sur Lesbos aujourd’hui ?

– Dans ma fonction de rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, j’ai vu des choses horribles, c’est vrai. J’ai vu des enfants mourir de faim dans la Sierra de Chocotan au Guatemala ou dans les bidonvilles de Dacca au Bangladesh. Des choses absolument terribles. Mais lorsque je suis allé à Lesbos, dans le camp de réfugiés de Moria, j’ai été terrifié de comprendre que ce genre de choses se passait aussi en Europe et, pire, au nom de l’Europe. En tant qu’Européen, je me suis tout d’un coup senti complice de la stratégie de terreur, de ce refus du réfugié et de la chasse à l’homme qui règne sur les îles grecques.

– Que se passe-t-il sur ces îles grecques justement? Qu’avez-vous vu dans le camp de réfugiés de Moria?
– Des barbelés, de la nourriture avariée, des conditions d’hygiène absolument affreuses. A Moria, les toilettes sont insalubres et ne ferment pas. Il y en a une pour plus de 100 personnes. Les douches sont à l’eau froide. Le camp se divise en deux. A l’intérieur du camp officiel, plusieurs familles se partagent un seul container, ce qui ne leur laisse que 6 m2 pour vivre. A l’extérieur, ce que les officiels appellent poétiquement «l’oliveraie», c’est un bidonville à l’image de ceux de Manille ou de Dacca. Les enfants jouent dans les immondices entre les serpents et les rats, et lorsqu’il neige, les tentes s’effondrent. Ces camps de réfugiés qu’on appelle des «hot spots» sont de véritables camps de concentration. Les suicides s’y multiplient, les enfants s’y automutilent. C’est le seul endroit, dans le monde entier, où Médecins sans frontières a une mission spécifiquement pédopsychiatrique pour essayer de détourner la volonté de suicide des enfants et adolescents.

– Mais pourquoi donc ces camps ne ferment-ils pas?
– L’Europe crée ces conditions dans un seul but: décourager les réfugiés de quitter leur enfer. Les «hot spots» sont donc un repoussoir, mais c’est complètement inefficace, parce que si vous vivez sous les bombes à Idlib ou dans les attentats quotidiens de Kaboul, vous partez de toute façon, quelles que soient les nouvelles qui vous viennent de Moria. D’ailleurs, les gens continuent d’arriver par centaines à Lesbos.

– Vous parlez beaucoup de responsabilité personnelle. Comment nous, simples citoyens, sommes-nous responsables de ce qui arrive aujourd’hui aux réfugiés de Moria?
– Notre responsabilité est totale. Nous refoulons les réfugiés vers l’enfer auquel ils ont essayé d’échapper avec une stratégie de la terreur. Nous créons de véritables camps de concentration avec des conditions totalement inhumaines. Voyez ce qui se passe aujourd’hui en Syrie, à Idlib: ces bombardements sont affreux mais on ne peut pas dire que nous en sommes responsables. En Grèce, ni vous ni moi ne sommes à l’origine des crimes qui se commettent à Moria, mais nous sommes Européens et donc complices. Ce silence qui couvre ce crime-là est effrayant, intolérable. Mon livre est un appel, un livre d’intervention, une arme pour provoquer le réveil de la conscience collective européenne.

– Vous accusez l’Europe de violer les droits de l’homme mais aussi le droit d’asile et la Convention des droits de l’enfant quotidiennement à Moria. De quelle façon?
– L’hypocrisie des Etats européens est renversante. Nous fêtons cette année le 30e anniversaire de la Convention des droits de l’enfant. Savez-vous que dans le camp de Moria, 35% des 18 000 occupants sont des femmes et des enfants qui ont moins de 10 ans? Pourtant, il n’y a pas la trace d’une école, d’une crèche. Rien du tout. Les gouvernements des pays européens, qui fêtent aujourd’hui cette convention qu’ils ont signée et ratifiée avec des cérémonies un peu partout, créent des conditions qui sont la négation des droits de l’enfant et qui assurent son dépérissement et sa souffrance. Le droit à l’alimentation est aussi violé. Le camp de Moria est une ancienne caserne. C’est donc le Département de la défense qui est en charge de la nourriture distribuée aux réfugiés et qui vient du continent. Très souvent, le poulet, le poisson sont avariés. J’ai assisté à une dizaine de distributions de nourriture. Les gens attendent trois à quatre heures dans la queue, il y a souvent des bagarres et, quatre fois sur dix, j’ai vu des gens jeter directement leur nourriture et ne garder que les pommes de terre, le riz ou les spaghettis qui l’accompagnent. L’Union européenne paie mais les généraux grecs, souvent corrompus, s’accordent avec des sociétés de traiteurs et détournent une partie de l’argent envoyé par l’UE. Ce que les réfugiés reçoivent comme nourriture est scandaleusement insuffisant et personne ne peut rien y faire car l’armée grecque est souveraine.

– On peut imaginer qu’il n’est pas toujours facile d’organiser des distributions de nourriture pour autant de personnes. Surtout quand tout cela doit venir du continent, à plus d’une dizaine d’heures de bateau, non?
– N’allez pas me dire que faire parvenir de la nourriture sur des îles depuis le continent est difficile! Ces mêmes sociétés de traiteurs alimentent des milliers de complexes hôteliers des îles et du continent. La Grèce est un pays touristique hautement développé.

– Et donc, le droit d’asile est lui aussi violé?
– Il est liquidé. Nombre de réfugiés sont repoussés en pleine mer par les bateaux de guerre de l’agence européenne Frontex*, de l’OTAN, des gardes-côtes grecs et turcs sans avoir eu la possibilité de déposer leur demande d’asile. Je cite le droit d’asile: «Quiconque est persécuté pour des raisons ethniques, religieuses ou politiques dans son pays a le droit de chercher protection dans un Etat voisin.» Il n’y a donc pas de traversée illégale d’une frontière dans ce cas. Bien entendu, l’Etat qui reçoit le réfugié est en droit de l’accepter ou de le refuser, mais il a comme devoir d’examiner la demande du réfugié. Les droits fondamentaux, des valeurs sur lesquelles l’Europe est fondée, sont violés et c’est très dangereux.

– Mais que doit-on faire? D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, basé à Genève, jamais autant d’êtres humains, 60 millions, ne se sont trouvés au même moment en fuite. Les pays européens semblent incapables de trouver une solution à une telle situation.
– Il faut fermer immédiatement les «hot spots». La stratégie de la terreur ne fonctionne pas. Elle crée des situations totalement inhumaines et détruit les valeurs fondatrices de l’Europe. La seule manière de créer des conditions d’accueil conformes au droit est d’organiser un plan de répartition de ces réfugiés, ce que l’Union avait fait en 2016. Chaque pays européen doit accepter un nombre de réfugiés selon son PIB.

– La Suisse avait respecté son quota de réfugiés en 2016, mais beaucoup d’autres pays avaient refusé de se plier aux exigences de la Commission européenne et cette solution s’était avérée être un échec total…
– Le gros problème, ce sont les pays de l’Est qui refusent toute relocalisation des réfugiés. Le premier ministre polonais ne souhaite pas accueillir de réfugiés pour, je cite, «sauvegarder la pureté ethnique de la Pologne». Il évoque la pureté ethnique comme l’avaient fait les nazis en Allemagne. Viktor Orban, premier ministre hongrois, a dit que celui qui passait illégalement la frontière se rendait coupable d’une peine de 3 ans de prison. Ces pays, je les appelle des Etats mendiants: ils vivent presque uniquement des subventions de l’aide régionale européenne qui vise à rééquilibrer les situations économiques entre les Etats membres. L’année dernière, cette aide s’élevait à 63 milliards d’euros. Je propose donc de suspendre ces versements pour forcer ces pays à accepter la répartition des réfugiés.

– Dans ces pays, les partis populistes et eurosceptiques continuent leur ascension. Leur couper les vivres ne pourrait-il pas créer une crise diplomatique?
– La population est déjà braquée. C’est la seule solution, car nous sommes dans un rapport de force. Mais la Suisse est aussi fautive. Notre parlement a voté une participation au fonds régional. C’est- à-dire que 1,3 milliard de francs suisses ont été envoyés, sans aucune condition, à ces Etats mendiants. Tout ça, c’est l’argent du contribuable suisse! Mes impôts, les vôtres financent donc des gouvernements fascistes qui sont les vrais responsables de la concentration des réfugiés dans ces zones. Nous, Suisses, donnons de l’argent à Viktor Orban pour qu’il installe des barbelés, construise des prisons pour réfugiés, forme des brigades d’intervention spéciales, dresse des chiens contre des humains sans défense. C’est inadmissible et moi, contribuable suisse, je ne veux pas participer à ça.

– En Suisse, les nouvelles demandes d’asile baissent considérablement et les centres d’accueil ferment leurs portes. Peut-on imaginer que notre pays fasse un geste pour les habitants de Moria?
– La Suisse devrait accepter les réfugiés par contingents. C’est ce qui avait été mis en place à la fin des années 1990 avec la population kosovare. Les gens n’ont pas à prouver qu’ils ont été individuellement victimes de torture ou autre, ils ont juste à prouver leur provenance géographique et le processus n’est pas individuel. C’est ce que nous devrions faire pour ceux venant d’Idlib, de Kandahar ou de Kaboul. Des régions où la vie humaine est mise en danger en permanence par des bombardements ou des attaques.

– Croyez-vous que cela soit réaliste alors que le thème de la migration n’a même pas été abordé lors de la campagne pour les élections fédérales? Les Suisses n’en ont-ils pas assez d’entendre parler de ça?
– Je trouve honteux et scandaleux qu’aucun parti ne se soit penché sur ce sujet alors que c’est l’un des drames les plus effroyables de notre époque. Si le Secrétariat d’Etat aux migrations fait un travail remarquable, le Conseil fédéral manque cruellement de courage et a peur de l’UDC comme le lapin face au serpent. Quant à l’opinion suisse, vous avez raison, elle ne veut pas savoir, elle refoule. Dans une lettre à Oskar Pollak, Franz Kafka écrivait ceci: «Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous.» Si seulement le mien pouvait aider à briser ce mur d’indifférence, ce serait déjà beaucoup.

– La Suisse est-elle toujours un pays à tradition humanitaire?
– Non, il faudrait une insurrection des consciences. D’ailleurs, vous regardez le téléjournal, les journaux, le drame des réfugiés est complètement absent. Cette tragédie se déroule tous les jours dans une normalité glacée en Europe. Et c’est cela qui est incroyable. Cela ne se déroule pas dans un sultanat lointain. C’est sur notre sol. Et la situation est entretenue par des Européens, au nom d’une Europe qui devait être l’incarnation des valeurs des droits de l’homme. Et moi, je suis Européen, merde!

– Votre capacité d’indignation reste intacte. A votre âge, 85 ans, comment expliquer que vous ne soyez pas blasé ou amer?
– Ce qui nous sépare des victimes n’est que le hasard de la naissance. J’ai eu cette chance d’être né dans un pays libre et, du fait de ma carrière universitaire et de mes livres, d’avoir un droit d’expression considérable, un pouvoir d’analyse et de persuasion. J’ai occupé des positions qui m’ont donné une tribune. Aujourd’hui, si j’arrêtais de me battre, aussi puissant que soit l’adversaire, je ne pourrais pas me regarder dans un miroir. C’est très banal, finalement, je veux mourir vivant.

* Frontex est l’agence européenne de gardes-frontières des Etats membres de l’UE et de l’espace Schengen. Si elle dispose d’une réserve de 1500 agents aujourd’hui, son déploiement est progressif et devrait atteindre le nombre de 10 000 agents en 2027. La Suisse vient d’ailleurs d’accroître le montant de sa participation, à 75 millions de francs en 2024 contre 14 millions en 2019.

Source https://www.illustre.ch/magazine/jean-ziegler-avons-recree-camps-concentration?utm_source=Newsletter+L%27illustr%C3%A9&utm_campaign=2176895fae-NEWSLETTER_ACTU&utm_medium=email&utm_term=0_2df58ceca6-2176895fae-118489717&fbclid=IwAR2ozTPep0gDwDkxvpE3lAlh3mvSMsEwRT3J_jJYK_5mxem0wjkkZJm4988

Répression, expulsion et dépossession dans la Grèce de nouvelle démocratie

Auteur  : Theodoros Karyotis

La dernière attaque contre le mouvement de squats en Grèce est le préambule d’une opération massive de dépossession de logements par le gouvernement de droite.

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Dimitris Indares était encore en pyjama lorsque la police a frappé à sa porte dans le quartier de Koukaki, à Athènes, aux premières heures du mercredi 18 décembre. Peu de temps après, il était allongé sur le sol de la terrasse de sa maison, avec la botte d’un policier des opérations spéciales sur la tête. Lui et ses deux fils adultes ont été battus, menottés, les yeux bandés et placés en garde à vue. Quel était le crime d’Indares ? Il avait refusé de laisser passer la police à son domicile sans mandat dans le cadre de son opération d’expulsion du squat qui se trouvait juste à côté.

Le profil d’Indares n’est pas celui d’un squatteur. Un réalisateur de 55 ans et professeur d’école de cinéma, un propriétaire d’une maison, politiquement modéré avec des vues conservatrices, travaillant dur pour que ses fils aillent à l’université. On pourrait dire qu’il est un membre typique de la classe moyenne grecque instruite et un électeur typique du parti au pouvoir Nouvelle Démocratie. Ce fait n’a pas empêché la police de porter des accusations criminelles fabriquées contre lui, accompagnées d’une opération de diffamation.

Le ministre de la Protection des citoyens lui-même a menti sans honte en disant  que la police avait un mandat, que Indares avait résisté à son arrestation et tenté d’arracher l’arme à un policier, que ses deux fils se trouvaient à l’intérieur du squat voisin et qu’ils avaient attaqué la police. Malgré de nombreux témoignages du contraire et la fuite d’un enregistrement audio du moment où Indares a été détenu qui réfute les accusations, les mensonges du ministre ont été répétés avec force par la machine de propagande du gouvernement : les médias de masse appartenant à une poignée d’oligarques alliés au parti au pouvoir.

Même lorsque Nikos Alivizatos, le Médiateur pour les violences policières nommé quelques mois plus tôt par le ministre lui-même, a menacé de démissionner au vu des preuves de brutalité policière, la presse grand public n’a pas tardé à qualifier le professeur de droit constitutionnel de gauchiste qui se range du côté des squatters.

Le cas de Indares a fait l’objet d’une  grande publicité, beaucoup dénonçant les mensonges. Cependant,  le gouvernement et ses faiseurs d’opinion ont refusé de faire marche arrière. Ce qui est préoccupant ici, c’est que cette vague massive de soutien n’est venue que lorsqu’un « père de famille moyen » a vu ses libertés civiles violées.

Depuis que  Nouvelle Démocratie a été élue avec un programme « loi et ordre » en juillet dernier, la police agit comme une armée d’occupation dans les villes grecques, violant régulièrement les droits de l’homme et la dignité. Les détentions arbitraires, la torture,les passages à tabac, les attaques au gaz lacrymogène, les descentes dans les cinémas et les boîtes de nuit,l’humiliation publique,les insultes verbales ont été à l’ordre du jour.

Malgré tout, tant que la violence arbitraire de la police était dirigée contre les manifestants,les jeunes, les étudiants, les squatters,les homosexuels,les immigrants ou les marginaux,  la réaction de l’opinion publique  face aux violations flagrantes et quotidiennes des droits de l’homme était au mieux timide. Malheureusement, de telles pratiques odieuses sont rendues possibles par le soutien actif ou passif d’une partie de la société grecque qui a été convaincue que dans la lutte contre l’ennemi intérieur, tous les moyens sont légitimes, même la violation des droits constitutionnels et de la dignité humaine.

Indares lui-même, dans des déclarations à la presse après sa libération en attente de son procès, semblait confus quant à ce qui l’a vraiment frappé. Il est évidemment consterné par la campagne de diffamation menée contre lui, mais il semble se considérer comme la victime innocente d’une guerre juste. Dans l’enregistrement audio divulgué du moment de son arrestation, on l’entend reprocher à la police d’« agir comme des anarchistes », alors que la possibilité que des anarchistes entrent par effraction chez lui, le battent et le kidnappent est inexistante. Dans son désir de rester modéré, Indares ne reconnaît pas le caractère arbitraire de la répression policière ni la fonction de distorsion de la réalité des médias, tant que les gens pacifiques et travailleurs comme lui, restent à l’abri de cette violence.

Mais ce sont précisément les citoyens  épris de paix comme lui qui ont le plus à perdre dans ce nouveau cycle de dépossession en Grèce.

LA DOCTRINE  « LOI ET ORDRE »

Aujourd’hui en Grèce, plus rien ne rappelle les mobilisations massives et diverses de 2010-2015 contre le programme d’ajustement structurel. Cependant, les conditions matérielles ne se sont pas améliorées pour la majorité de la population, et les politiques d’austérité n’ont pas été inversées. Au contraire, l’austérité a été « naturalisée » : elle n’est plus vue pour ce qu’elle est — une opération massive de transfert de richesse des classes populaires vers le capital national et international — mais comme une catastrophe naturelle, un peu comme une inondation qui balaie tout et vous laisse devoir  reconstruire à partir de zéro.

Le mandat de Syriza au gouvernement a grandement contribué à cette situation. Malgré ses réformes socialement progressistes en matière de droits individuels, l’incapacité de Syriza à contester l’austérité et la poursuite de politiques prédatrices ont eu un « effet TINA » — convaincre la population qu’il n’y a pas d’alternative à l’austérité. La seule ligne de conduite possible, leur fait-on croire, est d’élire la force politique qui peut le mieux la gérer; et les médias de masse, mettant à  l’ordre du jour les sujets de la  sécurité, de l’immigration et du nationalisme, ont convaincu la plupart des électeurs que le meilleur gestionnaire de l’austérité est Nouvelle Démocratie  de Kyriakos Mitsotakis, de droite qui a remporté les élections de juillet.

Mitsotakis, issu d’une longue lignée de politiciens, est né avec une cuillère d’argent dans la bouche. En 1999, tout juste sorti de ses études à Harvard et Stanford, il a obtenu un emploi de gestionnaire de fonds d’investissement à Athènes en utilisant les relations de son père, gagnant l’équivalent de 10 000 euros par mois. Au cours de la dernière décennie, il  s’est forgé l’image de l’héritier qui vient revigorer  l’ancien régime discrédité. Ce que d’autres appelleraient privilège et  népotisme, il  l’a vendu comme « excellence » : c’était le cri de ralliement de sa campagne électorale, avec la promesse d’appliquer la loi et l’ordre.

L’incarnation actuelle du parti Nouvelle Démocratie est une alliance entre ses courants néolibéraux et d’extrême droite, marginalisant le courant de centre-droit qui était dominant dans les années 2000. Mitsotakis et sa troupe de technocrates aristocratiques  se sont entourés de personnalités de la télévision ultra-conservatrices, alarmistes, moralisatrices et nationalistes

Il convient de noter qu’il ne s’agit pas d’une alliance temporaire autour du partage du pouvoir, mais d’une alliance fondée sur un projet commun solide. Le point commun des deux factions est une sorte de darwinisme social, dans lequel les appels à la rationalité économique sont alternés dans le discours du gouvernement avec des truismes racistes et sexistes pour justifier et naturaliser ses politiques répressives et d’exclusion. De plus, les deux factions s’accordent sur le renforcement des valeurs conservatrices et de la structure familiale traditionnelle en tant qu’institution qui absorbera les chocs sociaux permanents de l’ère post-mémorandum.

Outre son discours technocratique et sa promesse de croissance économique, Nouvelle Démocratie a utilisé une rhétorique anticommuniste qui rappelle la guerre froide, ainsi qu’un révisionnisme historique qui cherche à éliminer la résistance populaire de l’histoire récente du pays. Grâce à des récits nationalistes, xénophobes et homophobes, elle a réussi à débaucher les électeurs du parti néo-nazi Aube dorée, qui, acculé par les actions du mouvement antifasciste, un procès en cours, une division interne et la montée de nouvelles formations politiques d’extrême droite, n’a pas réussi à entrer au parlement en Juillet, pour la première fois depuis 2012.

À cet égard, la doctrine « loi et ordre » est un élément essentiel de la stratégie du gouvernement. Comme pour les gouvernements précédents, sa capacité d’exercer sa propre politique est extrêmement limitée, car, malgré la fin formelle des « mémorandums » de sauvetage, les politiques économiques et étrangères sont toujours dictées par les « partenaires » et les « alliés » du pays, et il y a une surveillance et évaluation constantes de la législation et des résultats budgétaires par des organes étrangers nommés de l’extérieur. La « sécurité intérieure » est donc le seul domaine où le gouvernement peut réellement mettre son énergie et légitimer son pouvoir aux yeux de sa clientèle électorale de plus en plus conservatrice.

Le déploiement des forces de police dans les zones urbaines s’est donc  transformé en un grand spectacle, le mouvement anarchiste étant identifié comme le principal adversaire. Le ministre de la Protection des citoyens, Michalis Chrisohoidis, notoirement autoritaire, a lancé un ultimatum de 15 jours à tous les squatteurs pour qu’ils quittent volontairement leurs bâtiments sous peine d’expulsion forcée.

L’ultimatum devait expirer le 6 décembre, date anniversaire de l’assassinat d’Alexis Grigoropoulos par la police en 2008, date qui attire régulièrement des foules de manifestants dans les centres-villes. Cependant, le plan s’est retourné contre lui après les expulsions de Koukaki ; face à une mobilisation accrue et à des critiques généralisées de la violence policière, le ministre a dû mettre le plan en attente pour redéfinir ses tactiques répressives.

Squatter sur le terrain de la petite propriété

Incidemment, ce sont les émeutes de 2008 qui ont incubé le mouvement des squatters en Grèce; squatter a persisté comme une pratique d’auto-organisation populaire dans les années de mobilisation qui ont suivi.  Aujourd’hui, il y a des centaines de squats en Grèce, parmi lesquels des logements pour les habitants et les immigrants, des centres sociaux, des fermes urbaines et des usines.

Les squats sont une partie importante de l’infrastructure sociale mise en place par les mouvements contestataires qui cherchent à libérer l’activité humaine et la  vie en société de la marchandisation et du consumérisme, et à expérimenter des structures de prise de décision et de coexistence plurielles. Malgré leur caractère expérimental et incomplet, les squats sont un rappel vivant qu’il peut exister des espaces sociaux et des relations en dehors de la règle du capital, en dehors du cycle travail-consommation-sommeil

Les squats sont également  des lieux où les habitants et les immigrants coexistent et où les demandeurs d’asile créent leurs propres structures d’autogestion, en réponse aux conditions inhumaines imposées aux nouveaux arrivants dans les camps de réfugiés. Tous les gouvernements de l’ère des mémorandums s’entendent pour dire que les alternatives sociales doivent être réprimées. La présente campagne d’expulsions est donc une intensification des tactiques des gouvernements précédents, y compris celle de Syriza.

Même si la grande majorité des espaces squattés sont des bâtiments  abandonnés, non entretenus,  appartenant à l’État, à des fondations privées, de riches héritiers ou l’église, les  petits propriétaires en sont venus à voir le squat comme une menace à leurs propres intérêts. Cela peut être dû au fait que la petite propriété immobilière est fondamentale dans la société grecque. Après la Seconde Guerre mondiale, contrairement aux politiques de logement social de l’Europe du Nord, l’État grec a activement promu l’auto-construction, considérant la propriété immobilière comme le facteur de compensation  qui garantirait la réconciliation nationale d’un peuple profondément divisé et marqué par la guerre civile.

En conséquence, la Grèce se caractérise par la dispersion de la petite propriété et l’un des taux les plus élevés de propriétaires en Europe, même si un quart de la population est sans propriété et condamné à un secteur locatif très volatile sans politique de logement en place comme  filet de sécurité. Bien que les mesures d’austérité aient transformé la propriété immobilière d’un actif en un passif par la surtaxation et la baisse des prix de l’immobilier, la propriété  reste toujours un signe majeur  dans l’imaginaire du progrès pour une majorité de Grecs.

La propriété immobilière signifie donc beaucoup plus qu’un logement. C’est la mesure de la réussite d’une famille, son moyen de mobilité sociale, l’atout à transmettre à la génération suivante et, en l’absence de politiques adéquates de protection sociale de l’État, la couverture contre un avenir incertain. Cela peut  expliquer en grande partie  l’opposition de principe de la plupart des Grecs à la pratique du squat, malgré le fait que la petite propriété familiale n’est jamais la cible des squatteurs. Mais cela peut aussi aider à expliquer le fait que depuis le début de la crise, une loi spéciale sur l’insolvabilité protège la résidence principale hypothéquée des débiteurs à faible revenu en retard de paiement contre  la saisie  et la liquidation par les banques.

Bien que, dans de nombreux cas, des saisies aient encore eu lieu, cet arrangement a contribué à maintenir la paix sociale en empêchant les expulsions massives de familles  des classes ouvrière et moyenne. Étant donné que la famille occupe une place prépondérante en Grèce et qu’elle a supporté le poids de l’ajustement structurel, tous les gouvernements jusqu’à présent, quelle que soit leur orientation politique, ont respecté cet arrangement. Toutefois les choses sont sur le point de changer.

PROBLÈMES FAMILIAUX

La prééminence de la famille sur le plan socio-économique grec n’est pas due à une « psyché » grecque prétendument centrée sur la famille, mais elle est le produit d’un mode de développement économique historique « familial », dans lequel l’unité familiale élargie a été rendue responsable de la protection et du bien-être de ses membres et a assumé des tâches de reproduction qui, dans les pays d’Europe du Nord, étaient assurées par l’État providence.

Dans la seconde moitié du 20e siècle, ce modèle de développement soigneusement conçu et mis en œuvre a permis à la Grèce d’atteindre des taux élevés de croissance économique basés sur une main-d’œuvre bon marché avec un coût minimal pour l’État et les employeurs. Dans ce contexte, le clientélisme, l’évasion fiscale, la corruption, le laxisme dans l’application des règlements et autres  » particularités  » grecques n’étaient pas des comportements pathologiques, comme les manuels économiques voudraient nous le faire croire, mais des comportements adaptatifs parfaitement rationnels, sanctionnés par l’État, de la famille qui cherchait à rivaliser et à maximiser sa richesse afin de fournir du bien-être à ses membres, en l’absence de tout autre mécanisme de redistribution.
Les effets secondaires malsains d’un tel arrangement sont apparus à la fin des années 2000, avec un grand nombre de travaux théoriques et artistiques critiquant la structure patriarcale oppressive de la famille grecque. L’incarnation de cette critique se trouve dans le mouvement cinématographique connu sous le nom de  » Greek weird wave « , lancé par le film primé de Giorgos Lanthimos, Dogtooth, une parabole sur les complications claustrophobes et de distorsion de la réalité de la famille patriarcale co-dépendante. La volonté de critiquer et de dépasser la formation familiale traditionnelle et de célébrer les nouvelles identités et les nouveaux arrangements sociaux s’est manifestée dans la mobilisation et l’expérimentation des mouvements sociaux au cours de la décennie suivante.

Cette critique a cependant été de courte durée. Pour l’alliance des néolibéraux et de l’extrême droite qui dirige actuellement le pays, la recomposition de la famille traditionnelle est une pièce centrale.

Les raisons de l’extrême droite sont claires : la famille patriarcale est le laboratoire biopolitique de base de la nation, renforçant les tâches reproductives des femmes, contrôlant les aspirations et les comportements de ses membres, imposant le genre et l’orientation sexuelle  » corrects « , la langue et la religion uniques.

Pour les néolibéraux, les raisons sont un peu plus profondes : malgré l’accent discursif mis par le néolibéralisme sur l’individu rationnel qui s’est fait tout seul, la famille reste la structure chargée de faciliter ses projets de privatisation et d’éradication de toutes les prestations sociales. En plus du travail  non rémunéré, la famille, par l’investissement, l’endettement et la redistribution interne, absorbera une fois de plus les chocs de l’ajustement structurel et protégera ses membres dans la guerre totale qu’est l’économie privatisée, atténuant ainsi la crise de la reproduction sociale qui est synonyme d’expansion néolibérale. Dans la société d’individus isolés et égoïstes envisagée par le néolibéralisme, la famille traditionnelle est le filet de sécurité ultime ; son autorité sur ses membres est donc activement renforcée.

L’austérité a déjà ouvert la voie à une telle renaissance des valeurs familiales conservatrices. La baisse des revenus et les taux de chômage élevés ont condamné toute une génération de jeunes à rester économiquement dépendants de leurs parents ; ils sont souvent contraints de vivre avec eux jusqu’à une trentaine d’années. Cela renforce l’autorité morale de la famille patriarcale sur les membres dépendants de la famille.

Cependant, la renaissance des valeurs familiales traditionnelles a également nécessité un renforcement externe : tout au long des périodes de crise, les médias ont maintenu le peuple grec dans un régime constant de nationalisme, de religion et de panique morale. Des récits réactionnaires homophobes, anti-avortement ou misogynes ont fait leur chemin dans tous  les recoins de la culture de masse et des hordes de personnes influentes d’extrême droite ont promu la fable selon laquelle la culture patriarcale traditionnelle est l’objet de persécutions politiques de la part de la gauche.

Ce fut le substrat d’un processus continu de construction de  » l’ennemi intérieur  » :  toute personne qui ne contribue pas à la reproduction culturelle et physique de la nation : les mouvements sociaux, les immigrants, les anarchistes, les personnes LGBTQ, les personnes aux prises avec des maladies mentales, les toxicomanes et les Roms. A côté de la biopolitique de la cellule familiale traditionnelle, il y a la thanatopolitique – une politique de mort – de l’État et des néo-nazis. Aux meurtres très médiatisés du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas et du militant des droits des homosexuels Zak/Zackie Kostopoulos, il faut ajouter les milliers d’habitants et d’immigrants qui sont jugés indignes de vivre et à qui on refuse les droits et l’aide de base, souvent avec des conséquences fatales.

Comme dans beaucoup d’autres pays, l’austérité en Grèce n’a pas conduit à des solutions positives tournées vers l’avenir, mais à une régression conservatrice accélérée. Malgré l’apparition d’un large consensus social autour des valeurs conservatrices, la classe dirigeante sait que ce nouvel équilibre est très délicat, car la politique de dépossession de la majorité sociale par le capital local et international est loin d’être terminée. Et le prochain cycle de dépossession en Grèce se concentre sur ce qui est le plus cher aux Grecs : le logement.

INTENSIFICATION DE LA DÉPOSSESSION DU LOGEMENT…

L’effet net des politiques d’austérité en Grèce a été une vaste redistribution des richesses vers le haut. Selon les données de l’ONU, entre 2007 et 2017, malgré des taux de croissance du PIB essentiellement négatifs, le 1 % de la population ayant les revenus les plus élevés a vu ses revenus augmenter de 6 %, tandis que les 40 % ayant les revenus les plus faibles ont perdu 44 %.

En raison de la baisse des revenus, ainsi que des pratiques de prêt  inconsidérées des banques en temps de pré-crise, les Grecs ont commencé à ne plus pouvoir effectuer des paiements. Les prêts hypothécaires non performants ont explosé, passant de 5 % de tous les prêts hypothécaires en 2008 à 45 % en 2019. La tragédie sociale a été évitée grâce au cadre juridique de protection de la résidence principale mentionné ci-dessus, qui a permis une décote modérée, une renégociation et une subvention des prêts hypothécaires pour les propriétaires à faible revenu surendettés. Malgré cette mesure, à la fin de 2019, 350 000 prêts hypothécaires, d’une valeur de 25 milliards d’euros, étaient toujours en souffrance, ce qui compromettait la sécurité du logement pour une grande partie de la population.

Toutefois, la protection des propriétaires n’était pas la seule motivation derrière le cadre de protection de la résidence principale ; cet arrangement a également servi à protéger les intérêts du secteur bancaire. Au plus fort de la crise de la dette, les prix de l’immobilier avaient chuté et la liquidation des actifs hypothéqués aurait donc été très dommageable. Les banques ont dû gagner du temps jusqu’à ce que les prix de l’immobilier remontent. Et cette condition a été remplie en 2018, lorsque, malgré la faible demande intérieure, les prix ont été poussés à la hausse par les pressions croissantes sur le marché immobilier : le déploiement des Real Estate Investment Trusts à la suite d’importantes réductions d’impôts, un programme de  » Visa d’or  » offrant une résidence aux citoyens non européens qui investissent plus de 250 000 € dans l’immobilier, et, surtout, une forte augmentation des locations à court terme, notamment par le biais d’Airbnb.

Avec la remontée rapide des prix, les banques ont travaillé dur pour accélérer les saisies et les ventes aux enchères de logements hypothéqués, ainsi que pour vendre des  » paquets  » d’actifs déjà saisis à des fonds étrangers. Sous la pression des  » partenaires  » internationaux de la Grèce, le gouvernement abolit le premier cadre de protection des résidences en mai. Jusqu’à 200.000 maisons sont menacées de saisie au cours de l’année prochaine.

Cela représente une intensification de la tendance à la dépossession de logements qui a déjà changé le visage des villes grecques au cours des dernières années. Koukaki, le quartier de Dimitris Indares, est un exemple de cette tendance. En l’absence de protection des locataires, Koukaki a vu de nombreux locataires jetés dehors, leurs maisons achetées par des investisseurs étrangers ou locaux et transformées en appartements touristiques. Les loyers exorbitants – souvent supérieurs au salaire moyen – chassent les habitants du quartier, aspirant ainsi la vie d’un quartier autrefois animé, désormais de plus en plus orienté vers le service aux touristes à la recherche de  » l’expérience athénienne authentique « .

Lors d’une manifestation anti-Airbnb en juillet 2019, des voisins pacifiques ont été confrontés à des violences policières non justifiées. L’expulsion de trois squats au petit matin du 18 décembre à l’aide de balles en caoutchouc – l’opération qui s’est terminée par le raid au domicile d’Indares – a fait partie intégrante de l’effort du gouvernement pour réprimer toute résistance au violent développement touristique. D’autres quartiers, tels que le centre du mouvement social Exarchia, ont des histoires similaires à raconter.

…ET LE RENFLOUEMENT DES BANQUES, ENCORE

En décembre dernier, le Parlement a approuvé le plan « Hercule » de vente de 30 milliards d’euros de prêts non performants à des fonds, l’État se portant garant. Les prêts seront vendus à une fraction du prix nominal, et les fonds auront toute latitude pour en exiger le remboursement intégral, ce qui entraînera des saisies et des ventes aux enchères de biens immobiliers en garantie, y compris des propriétés commerciales et résidentielles.

Le symbolisme du nom est clair : comme le mythique Hercule a détourné deux rivières pour nettoyer les écuries  d’Augeas de tonnes de fumier, de même le gouvernement détourne jusqu’à 12 milliards d’euros de ses réserves pour garantir ces  prêts toxiques et nettoyer les comptes des banques. Ce n’est pas simplement « l’argent du contribuable » : c’est l’argent du sang extrait du peuple grec par des mesures d’extrême austérité.

Le paradoxe est que, alors que la loi interdit aux banques d’offrir de généreuses  et des renégociations aux débiteurs, elles sont maintenant autorisées à vendre les créances douteuses même à 7 ou 10 pour cent de la valeur nominale pour les sortir de leurs livres, et l’État utilise ses réserves pour garantir ce transfert de richesse à taux réduit vers des fonds étrangers spécialisés dans les « actifs en difficulté ». Le plan « Hercule » constitue donc une recapitalisation indirecte des banques grecques, la quatrième depuis le début de la crise, toujours avec l’argent du contribuable.

Ce plan – avec l’abolition imminente de la protection de la résidence principale, la grande vague de saisies immobilières qui est déjà en cours, et la vente  de  » paquets  » de biens immobiliers déjà saisis par les banques à des fonds – constitue une opération bien orchestrée de dépossession de logements en Grèce. Des milliers de familles sont menacées d’expulsion, leurs maisons étant finalement détenues par des sociétés étrangères à des prix bien inférieurs à leur valeur marchande.

Alors que les acteurs immobiliers se préparent à attaquer, le modèle de logement grec – caractérisé par une petite propriété généralisée et un pourcentage élevé d’occupation par les propriétaires – va commencer à vaciller. Cela ne manquera pas de générer des souffrances humaines, car le contexte est celui d’une montée en flèche des prix des loyers et d’une absence totale de politiques de logement efficaces pour absorber le choc.

Partout dans le monde, là où le néolibéralisme s’installe, les solidarités sociales s’effondrent, les inégalités s’intensifient et les gouvernements déploient une force de police militarisée, brutale et sans obligation de rendre des comptes pour contenir le mécontentement populaire. L’année 2019 a été riche en exemples de ce genre, du Chili et de l’Équateur au Liban et à la France. Dans le contexte grec, l’attaque permanente du gouvernement contre le mouvement des squats a une double fonction : d’une part, elle vise à neutraliser  » l’ennemi intérieur  » et à éliminer l’un des rares bastions  de critique et de résistance à la dépossession, à l’embourgeoisement et à la  » rénovation urbaine « . D’autre part, ils essaient  les tactiques répressives qu’ils vont employer dans la vague imminente de saisies de logements, testant les réflexes de la société à la violence extrême et arbitraire, et envoyant un message positif aux  » investisseurs  » potentiels qu’aucun effort ne sera épargné pour protéger leur  » investissement « .

Paradoxalement, si la tendance actuelle à la dépossession des logements se poursuit, Dimitris Indares et de nombreux citoyens pacifiques comme lui vont se rendre compte que, malgré leurs désirs et leurs aspirations, leur sort est davantage lié à celui des squatters d’à côté qu’à celui du gouvernement grec et des organisations financières internationales qu’il sert.

Theodoros Karyotis

Theodoros Karyotis est un sociologue, traducteur et activiste qui participe à des mouvements de base. Il mène actuellement des recherches sur la propriété et le logement à Thessalonique, en Grèce.

Source https://popularresistance.org/repression-eviction-and-dispossession-in-new-democracys-greece/

Rappel réunion du collectif le 22 janvier

La prochaine réunion du collectif se tiendra le mercredi 22 janvier 2020 à 15h Salle 123 à la  Maison des associations, 6 rue Berthe de Boissieux à Grenoble.

L’ordre du jour sera celui initialement prévu pour la réunion du 16 décembre 2019 exceptionnellement annulée : le fonctionnement du collectif

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