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Les britanniques marchent contre l’austérité

publié sur pressenza 08.07.2017 – Londres, Royaume-Uni – Silvia Swinden

Cet article est aussi disponible en: Anglais, Espagnol, Grec

Les Britanniques marchent contre l’austérité
Jeremy Corbyn s’adressant aux marcheurs contre l’austérité (Image par @UnitePolitics Twitter)

Des milliers de personnes ont marché ce 1 juillet 2017 à Londres pour s’opposer à l’austérité en vigueur au Royaume Uni, situation qui provoque une crise dans les services de santé, l’éducation, la police, les services d’incendie, les services sociaux et le logement. S’adressant à la foule, Jeremy Corbyn a déclaré :

« Je dis à tous les travailleurs sociaux d’Irlande du Nord et d’ailleurs, ne vous laissez pas illusionner par ces gens, quand ils ont entamé leur programme d’austérité ils le voulaient et ils avaient l’intention d’aller plus loin.

Et ils veulent aller plus loin dans cet écart croissant entre les plus riches et les plus pauvres de notre société, avec un appauvrissement croissant de ceux d’en bas, un sous‑financement aggravé des gouvernements locaux, de la santé, l’éducation et de tout ce dont nous avons besoin dans une société civilisée.

Quelle hypocrisie chez ces ministres du gouvernement et d’autres, qui ont fait la queue à la chambre des communes, pour féliciter les services de secours, mais le lendemain ont réduit leurs salaires en refusant de mettre fin au plafond salarial !

Cette hypocrisie est absolument incroyable. »

Le ministre de l’intérieur du shadow cabinet, Diane Abbott, a déclaré que M. Corbyn pourrait devenir premier ministre dans l’année.

« Nous sommes ici pour la multitude et pas pour quelques élus. Nous sommes ici pour la communauté de North Kensington qui a vu l’horreur de Grenfell et nous sommes ici pour dire que le chef et le chef adjoint au conseil local ont démissionné. Ils auraient dû démissionner immédiatement.

Nous sommes ici pour dire que nous n’aurons de cesse qu’il soit rendu justice aux gens de Grenfell. Nous sommes ici pour dire que nous ne tolérerons pas la diabolisation des syndicats, nous ne tolérerons pas la diabolisation des migrants et nous ne tolérerons pas la diabolisation des personnes qui vivent dans des logements publics. »

Après un accord à un milliard de livres avec le Parti Unioniste Irlandais [1] mais en rejetant un amendement du parti travailliste visant à supprimer le plafond salarial des travailleurs de la fonction publique (infirmières, médecins, enseignants, etc.), la crédibilité de la stratégie d’austérité est en lambeaux. En fait, après l’énorme manifestation d’hier [Ndt. 1 juillet 2017], il se murmure que des membres du parti conservateur commencent à remettre en question cette stratégie draconienne : The Guardian: des conservateurs de haut rang se révoltent contre May au sujet des dépenses publiques. Ils peuvent même suggérer la possibilité d’augmenter les impôts. Malheureusement, les conservateurs étant ce qu’ils sont, il est probable qu’ils feront payer tout investissement dans le secteur public par les revenus modestes à moyens, au lieu d’appliquer le plan du parti travailliste, bien détaillé dans leur programme, visant à mettre à contribution les 5% de revenus les plus élevés, les sociétés et la spéculation. Au cours des pires années de l’austérité, s’est produite une augmentation clairement démontrée de l’accumulation de richesse au sommet, aux dépens du reste de la population et des services publics, ce qui rend ce plan tout simplement juste.

[1] Pressenza: UK elections: Mrs May’s new embarrassing bedfellows

Traduction de l’anglais : Serge Delonville

Les Britanniques marchent contre l’austérité

Reprendre le contrôle de la création monétaire pour échapper à l’austérité

Article de Romaric Godin publié sur Mediapart

Dans un ouvrage récemment paru outre-Manche, l’économiste Ann Pettifor explique pourquoi le monde ne saurait être « à court d’argent » pour financer les grands défis qui lui font face, comme l’égalité sociale et le changement climatique. La seule condition reste d’ôter aux banques le pouvoir de création monétaire qu’elles détiennent seules et sans vrai contrôle. Une lecture qui permet de relativiser les « urgences » prétendues de l’actuel gouvernement français en matière économique et financière. 

Quelques jours avant les élections générales britanniques du 7 juin dernier, la première ministre Theresa May répondait à la télévision à une infirmière qui demandait des hausses de salaires pour le personnel du service national de santé (NHS) : « Il n’y a pas d’arbre magique à argent (« there is no magic money tree ») que nous pourrions secouer pour disposer de l’argent que les gens désirent. » Cette réponse est un grand classique de la pensée libérale pour justifier l’austérité budgétaire sous le couvert d’un prétendu « bon sens ». Il est d’ailleurs repris ces jours-ci par le gouvernement français, qui estime que, parce que le déficit public pourrait être en 2017 de 3,2 % du PIB, plutôt que de 2,8 %, la France est entrée dans « l’état d’urgence budgétaire ».

Theresa May répond à une infirmière qu’il n’y a pas « d’arbre magique à argent ». © Youtube    https://youtu.be/zIbITJekGZE

En septembre 2014, le commentateur politique Jean-Michel Apathie pensait avoir liquidé en un tweet tout débat économique autour de cette réflexion : « À ceux qui disent qu’une autre politique est possible : Y A PLUS DE SOUS ! C’est clair, non ? »

Comme celle de Theresa May, cette prétendue clarté ne laisserait d’autre option que l’austérité budgétaire. Mais cette évidence n’est qu’apparente et dénote au mieux une incompréhension complète du système économique et financier dans lequel nous vivons. Du reste, pour financer les exigences de son allié au Parlement de Westminster, le parti ultra-conservateur unioniste nord-irlandais DUP, Theresa May a soudainement découvert un « arbre magique à argent » et promis un milliard de livres pour les six comtés nord-irlandais. Quant à la France, elle n’a pas regardé s’il y avait ou non encore « des sous » lorsque, comme les autres grands pays occidentaux, elle a sauvé en quelques jours son système bancaire dans la foulée de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008. Bref, l’argument de « l’épuisement des caisses » ne tient pas. Pour une raison simple : le système monétaire ne fonctionne pas avec des « caisses » et l’argent est créé ex nihilo. Le comprendre permet d’avancer et d’ouvrir considérablement un débat que d’aucuns, effectivement, voudraient tant tenir fermé.

Pour ce faire, un ouvrage récemment paru en langue anglaise aux éditions Verso à Londres, The Production of Money : How To Break the Power of Bankers, est hautement précieux. Signé de l’économiste britannique Ann Pettifor, ce livre est sans doute la meilleure – et la plus claire – explication sur notre système monétaire et sur ses conséquences. Pour elle, la compréhension par les citoyens du mécanisme de la création monétaire est un moyen de faire des choix éclairés en se libérant de l’idéologie austéritaire qui s’est abattue depuis 30 ans sur le monde occidental, avec le soutien du système financier.

Dans son ouvrage, l’économiste montre avec brio que l’idée que l’argent existe en quantité limitée (et que, donc, à un moment ou à un autre, il ne puisse plus y « avoir de sous ») n’a en réalité pas de sens. Certes, l’école néoclassique a longtemps défendu cette idée que la monnaie était une « matière première » dont le prix était le taux d’intérêt. Les emprunteurs étaient donc sur un marché avec les épargnants, échangeant leurs actifs monétaires comme toute autre marchandise. Dans ce système, les banquiers ne seraient que les intermédiaires entre ces deux acteurs du marché de la monnaie. Et, effectivement, dans cette vision, lorsque l’argent manque, son prix augmente à défaut d’augmentation de l’épargne, donc de la production d’argent. Il faut donc réduire la dépense pour rétablir l’équilibre. D’où l’austérité.

Cette vision, qui sous-tend la réponse de Theresa May et la réflexion de Jean-Michel Apathie, est cependant en décalage complet avec toute réalité. Ann Pettifor souligne que « l’on ne peut jamais être à court d’argent ». Dès ses débuts, le système bancaire a, d’ailleurs, eu comme vocation de résoudre ce problème du « manque d’argent » en créant de la monnaie par le crédit pour compenser le manque d’épargne disponible. Ce crédit constitue aujourd’hui l’essentiel de la création monétaire : 95 % de la monnaie en circulation a été créée par les banques commerciales, 5 % par les banques centrales. Le système est simple : les banques accordent des crédits sur des fonds qu’elles ne possèdent pas « en caisse ». Ces fonds sont alors immédiatement crédités en dépôts et l’immense majorité de ces fonds n’est pas transformée en argent fiduciaire, concret, dont la création est du seul apanage de la banque centrale. L’argent créé n’a donc pas majoritairement besoin d’être créé par la banque centrale. Sa production relève principalement de la seule volonté des banques commerciales.

Pendant longtemps, cette création monétaire était certes en théorie limitée par des contraintes de quantité physique d’or et d’argent, ce qui limitait cette croissance du crédit. Aujourd’hui, elle l’est par les réserves et les taux de refinancement définis par les banques centrales, mais ces cadres sont peu contraignants. Le taux de refinancement durcit certes le cadre, mais si la demande est là malgré ce durcissement, comme en 2005-2006, rien n’empêchera une banque de créer encore de la monnaie.

Les banques disposent donc bien de cette capacité de créer de la monnaie « à partir de rien » (« out of thin air », écrit l’auteur) en quantité en réalité illimitée. D’autant que les banques centrales, en cas de besoin, peuvent créer également « à partir de rien » de la monnaie pour les acteurs du système financier. C’est ainsi que, chaque mois, la BCE déverse 60 milliards d’euros sur les marchés financiers et que la Fed a pu trouver 85 milliards de dollars pour sauver en 2008 la compagnie d’assurance AIG. Cette réalité, longtemps contestée, a été reconnue par la Banque d’Angleterre en 2014, et, un peu plus implicitement, encore plus récemment en avril 2017, par la Bundesbank.

Dans ce contexte, les vrais freins à la création monétaire, la vraie régulation, sont de deux ordres. Le premier, c’est la confiance. Si les banques n’ont pas confiance dans leurs débiteurs, elles ne créeront pas de monnaie en leur refusant un crédit. Le second frein, c’est la volonté des emprunteurs de disposer de fonds supplémentaires. Si elles n’ont pas de clients, les banques ne pourront pas créer de monnaie, quand bien même elles en auraient la possibilité. C’est ce qui s’est passé en zone euro entre 2013 et 2016, lorsque la BCE a ouvert les vannes du crédit, mais que les banques ont manqué d’abord de confiance, puis de demande. Le problème alors n’était pas le manque de « sous », ni le « prix de l’argent ». C’est bien la preuve que la première force de la création monétaire réside dans les banques commerciales et dans les relations avec leurs clients.

Comment reprendre le contrôle de l’argent ?

Tout ceci change considérablement la donne. L’argent ne saurait manquer. Pour l’auteur, c’est là une « bonne nouvelle ». C’est ce qu’elle appelle le « miracle d’une économie monétaire développée : l’épargne n’est pas nécessaire au financement des achats ou de l’investissement ». Lorsque le premier ministre Édouard Philippe prétend donc vouloir favoriser l’investissement productif en modifiant la fiscalité de l’épargne, il considère que la France est une économie sous-développée et non monétarisée. « La disponibilité des moyens financiers dans une économie monétaire est à placer en contraste avec une économie pauvre et peu développée où l’épargne est la seule source de financement de l’investissement », explique Ann Pettifor.

  Le système financier a été créé pour cela : dépasser les limites de l’épargne et offrir des moyens nouveaux à l’économie. Et l’auteur de poursuivre : « Un système monétaire développé peut financer de très grands projets, des projets qui dépasseraient de loin la somme de l’épargne d’une économie. […] Cela signifie qu’une société fondée sur un système monétaire sain pourrait s’offrir une éducation gratuite et un système de santé ; elle pourrait financer le soutien aux arts autant qu’à la défense ; elle pourrait faire face aux maladies et renflouer les banques dans une crise financière. Alors que nous pouvons manquer de ressources humaines et physiques pour sortir nos économies des énergies fossiles, les besoins de la société ne devraient jamais manquer de relations financières pour faire face à ces changements vastes. »Le problème n’est pas, dès lors, de savoir « où trouver de l’argent » pour faire face aux grands défis sociaux, économiques et environnementaux, mais de savoir comment maîtriser la création monétaire. L’enjeu, dès lors, est de créer un système monétaire « sain ».

Or, comme le rappelle Ann Pettifor, notre système ne l’est pas, sain. Car le problème est évidemment que, disposant de ce pouvoir, le système financier ne l’utilise pas dans l’intérêt général, mais uniquement en faveur d’intérêts particuliers. La création monétaire favorise alors les marchés financiers eux-mêmes, et les rendements élevés et rapides qu’ils promettent. Et lorsque la mécanique se casse, il suffit de demander l’aide des États, auxquels l’on prêtera l’argent nécessaire à son propre sauvetage et dont on assurera le remboursement par une politique centrée sur le respect des créanciers, l’austérité, alors même que l’économie réelle voit son potentiel réduit par la concurrence de l’investissement financier et par les exigences de rendements. Progressivement, « les valeurs du secteur financier l’emportent sur toute autre considération », estime l’auteure, qui explique : « Ce n’est pas un hasard si la dérégulation financière a mené à la dérégulation des heures de travail. » Dans cette logique, les financiers ont évidemment tout intérêt à défendre l’idée d’une quantité limitée de monnaie qui, en réalité, leur serait réservée.

Pour Ann Pettifor, c’est cette prise de contrôle de la puissance créatrice de la monnaie par la finance qui amène aux maux actuels. Outre l’austérité, ceci conduit nécessairement à un recul de l’investissement productif sur le long terme et à un monde où les besoins essentiels ne sont pas satisfaits. En revanche, l’économie mondiale est à la merci d’un système financier centré sur lui-même et qui fait payer à « l’économie réelle » les crises causées par ses brusques pertes de confiance entre ses acteurs, comme en 2007 et 2008. Des crises destructrices qui font le jeu des nationalistes et des extrémistes, selon Ann Pettifor, en détruisant l’aptitude du politique, donc de la démocratie, à résoudre les problèmes, à combler les besoins sociaux et à orienter l’économie vers ces besoins. L’enjeu est donc majeur.

La deuxième partie de l’ouvrage propose d’explorer des solutions et l’auteure y discute les diverses propositions visant à reprendre le contrôle de la création monétaire. Elle y défend ses positions, fondées principalement sur un retour à la pensée de Keynes. Pour elle, la pensée keynésienne, limitée à un simple exercice de relance par la dépense publique, a été caricaturée afin de la discréditer. Keynes est principalement un penseur de la monnaie et du système monétaire. Son point de départ est de constituer un système monétaire sain, notamment par l’alliance entre un taux d’intérêt réel bas et une distribution de crédit réduite, un système où « la finance est soumise aux intérêts plus larges de la société ». L’inverse du système actuel, selon l’auteur. « L’abandon de Keynes a été payé d’un prix élevé : le chômage et l’appauvrissement de millions de personnes », estime-t-elle.

Cette vision lui fait rejeter les propositions de maîtrise de la création monétaire, notamment celle qui consiste à donner à la seule banque centrale la capacité de créer de la monnaie et qui sera discutée l’an prochain en Suisse, dans le cadre d’une votation baptisée « initiative monnaie pleine ». Selon elle, ce système transfère à une commission bureaucratique la création monétaire, alors même qu’elle est inspirée par la « théorie quantitative de la monnaie » qui édicte la nécessité, parfois, de réduire autoritairement la masse monétaire. Ceci comporte, selon l’auteure, le risque de prises de décisions sans contrôle démocratique inspirée par une vision dangereuse de ce qu’est la monnaie.

Vidéo de présentation de l’initiative suisse « monnaie pleine » qui sera soumise au peuple helvétique en 2018. © Vollgeld-initiative.

Elle préfère des moyens plus simples, qui n’enlèvent rien au fonctionnement du système, mais réduisent le pouvoir autonome de la finance : établir un contrôle étroit de la distribution du crédit, renforcer les ratios de solvabilité, assurer un endettement public à taux faible pour agir plus généralement sur les taux et surtout mieux maîtriser les flux de capitaux. Ce dernier élément, qui serait réalisé par une taxe sur les transactions financières ou taxe Tobin, est la proposition la plus forte. Il s’agit non seulement de « ramener les fonds offshore dans les nations où la richesse est créée », mais aussi de retrouver des moyens d’agir. « La mobilité du capital ôte aux autorités d’un pays le pouvoir d’organiser la prospérité économique en déterminant les taux d’intérêt les plus appropriés », estime Ann Pettifor.

On notera, et ce n’est pas un hasard, que l’essentiel de ces propositions est aujourd’hui rejeté par la plupart des autorités politiques. En France, par exemple, le nouveau gouvernement soutient une moindre régulation bancaire et a abandonné tout projet européen de taxe Tobin. Ann Pettifor estime que la première condition pour ôter le « pouvoir des banquiers » est donc de développer une meilleure compréhension des mécanismes de création monétaire, en dépit de l’opposition de la majorité des universitaires. C’est seulement une fois ce travail effectué que la mobilisation citoyenne et politique pourra s’organiser. Et, pour l’auteure, l’enjeu est particulièrement urgent pour deux causes : celle des femmes, souvent les premières victimes des coupes dans les dépenses de l’État et de la précarisation de l’emploi, et celle des défenseurs de l’environnement, qui ne peuvent espérer des politiques vraiment efficaces contre le réchauffement climatique avec l’actuel système monétaire.

L’Émission politique avec François Fillon, 24 mars 2017 © YouTube    https://youtu.be/-PD7hrUXRBU

Et c’est bien là l’essentiel actuellement pour nous, Français. La lecture de l’ouvrage d’Ann Pettifor met en relief les contradictions essentielles de la politique envisagée par le nouveau pouvoir : assurer un engagement environnemental fort et défendre et renforcer les logiques de l’actuel système monétaire et financier. Une logique suivie par Emmanuel Macron, comme jadis désirée par François Fillon qui, à l’image de Theresa May, refusait de donner plus de moyens à des infirmières « pour ne pas faire de la dette ». Mais cette lecture permet aussi d’envisager une alternative réformiste, féministe et environnementaliste à la domination actuelle du centre droit, autour de cette réforme du système monétaire. Aussi sa traduction française pourrait-elle s’avérer indispensable.

L’ouvrage d’Ann Pettifor est disponible en anglais aux éditions Verso Books. La question de la maîtrise de la création monétaire fait l’objet d’une discussion intense dans plusieurs pays. En Suisse, une votation portera donc sur le sujet et l’on peut trouver les arguments des partisans du contrôle par la banque centrale de la création monétaire sur leur site (en français et en allemand). Au Royaume-Uni, c’est l’association Positive Money qui porte ce débat. Dans son bulletin mensuel d’avril 2017, la Bundesbank a, quant à elle, défendu les vertus du système actuel.

https://www.mediapart.fr/journal/economie/100717/reprendre-le-controle-de-la-creation-monetaire-pour-echapper-l-austerite?page_article=2

Sur les migrants

12/7/17 Rébellion au centre d’immigration de Moria ( Lesbos) : La situation du centre d’accueil des migrants de Moria est à nouveau très tendue. Des feux, des jets de pierre, ont accueilli les forces de police . Tout a commencé quand un groupe de migrants s’est dirigé vers le Centre de Détention (PROKEKA qui organise les retours des migrants en Turquie) pour protester contre les processus d’exclusion prévus. Les forces de police se sont interposées en utilisant des lacrymogènes. Les migrants ont alors commencé à mettre le feu à des tentes et des conteneurs.

10/7/17 Accueil des migrants, que propose l’Europe à l’Italie ? “Tout simplement rien.” http://www.telerama.fr/monde/accueil-des-migrants-que-propose-l-europe-a-l-italie-tout-simplement-rien,160530.php

10/7/17 Les migrants mineurs de plus en plus exploités http://www.7sur7.be/7s7/fr/34762/Crise-des-refugies/article/detail/3205190/2017/07/10/Les-migrants-mineurs-de-plus-en-plus-exploites-par-des-reseaux-en-Europe.dhtml

10/7/17 Migrants: une stratégie euro-africaine pour bloquer le flux au sud de la Libyepar Alain Chémali http://geopolis.francetvinfo.fr/migrants-une-strategie-euro-africaine-pour-bloquer-le-flux-au-sud-de-la-libye-149197

l’article en pdf Migrants une stratégie euro africaine

8/7/17 Migrants : le nouveau filon des organisations mafieuses en Italie par Jean-Michel Gradt https://www.lesechos.fr/monde/europe/030434994193-migrants-le-nouveau-filon-des-organisations-mafieuses-en-italie-2100823.php#Mvqcpik8VzJ3Ir6z.99

l’article en pdf Migrants le nouveau filon des organisations mafieuses en Italie

05/07/2017  Réfugiés grévistes de la faim à Moria-Lesbos : 4 (+ 1) réfugiés ont entamé une grève de la faim dans le camp de Moria sur l’île de LESBOS pour affirmer leur séjour en Europe, et le droit de rester en vie.
Amir Abbas, iranien de 25 ans, reste en détention malgré le fait que la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé sa demande de mesures provisoires que lui-même avait présenté contre son expulsion de Lesbos en Turquie qui fût temporairement suspendu puis à qui on a ordonné expulsion. Les autorités grecques, cependant,le maintiennent en détention, l’ amenant à faire une grève de la faim pendant cinq jours, et son frère, Arash de 31 ans est aussi entré en grève de la faim en soutien sur la place Sappho à Mytilène. Amir rappelle que sa déportation avait été annulée à la dernière minute lorsque les avocats et la solidarité ont pu l’empêcher de monter dans ce navire vers la Turquie. Depuis tracasseries et imbroglio administratifs entre la Cour européenne et les tribunaux grec font qu’il reste prisonnier dans le camp de Moria. À ses côtés, sont aussi enfermés : Bahrouz Arash 24 ans, irakien et Hussein Kozhen, 21 ans de l’Irak, et Tariq Ibrahim de la Syrie.
Dans un long communiqué ils rappellent leur situation de réfugiés de guerre, blessés, torturés, s’étant exilés en espérant avoir le protection et la sécurité de l’Europe…pas pour vivre cette misère de « prisonnier » dans un camp grec avec la menace d’être expulsé en Turquie

4/7/2017 Méditerranée : plus de 100.000 migrants ont traversé depuis janvier

Plus de 100.000 migrants et réfugiés sont arrivés depuis janvier en Europe en traversant la Méditerranée, et 2.247 sont décédés ou portés disparus, a annoncé mardi à Genève l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Plus de 85.000 se sont rendus en Italie et près de 9.300 en Grèce, selon les derniers chiffres publiés par l’OIM. En outre, près de 6.500 sont arrivés en Espagne.

Au total, les chiffres publiés mardi par l’OIM font état de 101.210 arrivées, et de 2.247 décès en mer.

Vendredi dernier, l’OIM avait indiqué que le nombre d’arrivants était de 95.768. La différence avec les chiffres de mardi s’explique par l’actualisation des données de l’Espagne.

Durant la même période de 2016, soit entre début janvier et le 3 juillet, les arrivées en Europe étaient deux fois plus nombreuses, indique l’OIM, qui avait décompté 231.503 arrivants.

La différence cette année est que presque 85% des migrants débarquent en Italie, alors que la majorité arrivait l’an dernier en Grèce.

Avant la réunion informelle des ministres européens de l’Intérieur et de la justice jeudi à Rome, le directeur général de l’OIM William Lacy Swing a appelé les membres de l’UE à aider les pays du sud de l’Europe à accueillir et assister les migrants sauvés en mer.

Cette question « ne peut être vue comme un problème seulement pour l’Italie mais une affaire pour l’Europe entière », a t-il indiqué.

Seuls un peu plus de 7.300 migrants ont été relocalisés d’Italie vers d’autres Etats membres de l’UE.

Plus de 3.000 migrants au total sont décédés depuis début janvier dans le monde. Parmi eux, plus de 2.200 sont morts alors qu’ils tentaient de se rendre en Europe.

http://www.maritima.info/afp/7/mediterranee-plus-de-100-000-migrants-ont-traverse-depuis-janvier.html

Préface au livre d’Eric Toussaint sur la dette grecque par Zoe Konstantopoulou

Grèce : La lutte contre la dette odieuse et illégitime

Préface au livre d’Eric Toussaint sur la dette grecque  par Zoe Konstantopoulou

Annonce de la présentation publique du livre d’Eric Toussaint le 11 juillet 2017 à Athènes

C’est avec une joie toute particulière et le sens de mon devoir historique que j’ai accepté d’écrire la préface au recueil d’articles d’Éric Toussaint qui est publié, en grec, en 2017, par RedProject.

Ma collaboration avec Éric Toussaint, depuis février 2015 et les premiers jours de mon mandat de Présidente du Parlement hellénique, jusqu’au moment où je rédige ces lignes, en juillet 2017, constitue pour moi un honneur particulier et une expérience précieuse.

En cette période historique où tout est extrêmement instable, où la démocratie et la volonté populaire exprimée lors du référendum du 5 juillet 2017 sont violemment bafouées, où les engagements politiques du Gouvernement sont enfreints avec cynisme et où toutes les garanties fondamentales de la liberté et de la prospérité du peuple sont remises en cause, en cette période historique où le régime des mémorandums et de la debtocratie sont imposés avec violence, Éric Toussaint est un modèle de cohérence, de travail infatigable et désintéressé au service d’idéaux, de principes et de valeurs supérieures liées à la défense de l’être humain et de notre dignité, à la récupération de la souveraineté et des droits du peuple grec. Il est un véritable allié du peuple grec dans sa lutte pour sa libération. Un allié qui ne se rend pas, ne baisse pas le drapeau, et se bat constamment pour révéler la vérité sur la Dette de la Grèce et pour l’émancipation des citoyens, avec pour armes l’information, le savoir, la désobéissance.

Ses articles, repris dans la présente édition, sont un échantillon petit mais caractéristique du long travail réalisé par Éric Toussaint sur l’histoire de la dette et des mécanismes ayant permis de l’imposer en Grèce. Une histoire qui remonte aux toutes premières années de la Guerre pour l’Indépendance il y a deux siècles. Il s’agit également d’un échantillon caractéristique des connaissances approfondies de l’histoire, de la politique et de l’expérience révolutionnaire d’autres pays et d’autres peuples (Amérique Latine, Monde Arabe et autres), qui ont été transformés en victimes par l’arme de soumission qu’est la dette mais qui ont aussi résisté à cette imposition. Dans ce livre, l’analyse historique est utilisée pour comprendre la réalité contemporaine et mettre en lumière les évènements qui déterminent les destins des peuples.

De manière active, en acte et en pratique, Éric Toussaint écrit et agit pour forger les conditions qui permettront d’éliminer le joug économico-politique des mémorandums et du système dette. Il transmet ses connaissances avec le talent qui caractérisent le vrai maître, celui qui vulgarise le savoir et s’adresse au citoyen en tant que participant à part entière à la lutte historique que sont appelées à mener les générations actuelles.

Grande est l’importance des articles et de l’ouvrage d’Éric Toussaint, car leur contenu-même constitue un savoir précieux et nécessaire aux citoyens pour qu’ils prennent conscience du point historique et politique à partir duquel ils doivent agir. Mais c’est dû aussi à la personne-même d’Éric Toussaint et à sa contribution décisive à la préparation de la lutte de notre peuple pour revendiquer sa liberté.

La valeur de cet ouvrage réside précisément dans son contenu vivant qui, peut à lui seul réveiller et provoquer une réaction contre l’ensemble du plan stratégique du Régime visant à instaurer la déception, le découragement et le renoncement à un peuple qui veut pourtant reconquérir sa propre histoire, sa vie et son avenir.

Valeur d’autant plus grande si l’on se rappelle que les articles publiés dans cet ouvrage ne sont qu’une petite partie des articles dont Éric Toussaint est l’auteur et de ses interventions publiques de ces dernières années, tant sur la dette de la Grèce que sur le Système-dette dans son ensemble. Mais encore, si l’on pense que cet homme voyage depuis des décennies dans le monde entier, en soutien aux peuples qui ont besoin de s’opposer et de résister à leurs tyrans économiques et politiques. Si l’on pense également au fait que, dès la fin de septembre 2015, non seulement il n’a pas abandonné les Grecs et la Grèce mais il a accepté de continuer à travailler pour l’audit de la Dette du pays. Il a poursuivi sa contribution à la Commission pour la Vérité sur la Dette publique, transformée en association après avoir été la cible du gouvernement pro mémorandum de Tsipras II.

Dans les articles sélectionnés, Éric traite de manière systématique de l’Histoire en analysant le parcours du système de la dette, en Grèce, de la Guerre d’indépendance à ce jour. En consignant les évènements historiques contemporains et en les analysant. En mettant en avant les similitudes et les analogies criantes dans l’activité des créanciers en Grèce, depuis deux siècles, par le biais de la mise sous tutelle du pays par des puissances étrangères et de l’implication spéculative des banques et des banquiers. Et, enfin, en formulant des propositions et des solutions. Des solutions qui passent par les citoyens et les Gouvernements que les citoyens soutiendront pour mettre en œuvre des programmes politiques radicaux de libération sociale.

Ce qui n’est pas dit dans les articles sélectionnés, c’est le rôle d’Éric Toussaint lui-même dans la formation de l’Histoire, par le biais de son précieux travail en tant que Coordinateur scientifique de la Commission pour la Vérité sur la Dette publique, pour le déchiffrement et la délégitimation de la dette imposée à notre peuple et notre pays.

C’est donc ce rôle historique d’Éric Toussaint, lors de notre collaboration, de février 2015 à ce jour et notamment dans la période critique de février à septembre 2015, que j’entreprendrai de mettre en avant dans les pages qui suivent.

J’estime que c’est là mon devoir.

Car Éric Toussaint n’est pas un observateur de l’histoire. Il est un transformateur actif de l’histoire.

En 2015, avec la formation de la Commission pour la Vérité sur la Dette publique, nous avons engagé ensemble une bataille historique qui n’est pas encore achevée, qu’il est important de consigner et de poursuivre jusqu’à la fin.

Je parlerai donc ici de l’Histoire de la Commission du Parlement hellénique pour la Vérité sur la Dette publique et du rôle central d’Éric Toussaint. Je parlerai des conditions dans lesquelles a commencé cette entreprise historique de la première commission institutionnelle d’audit de la dette d’un État membre de l’Union européenne, à ce jour.

Cela permettra d’ajouter une pièce nécessaire à la mosaïque précieuse des articles de l’auteur, concernant l’auteur lui-même.

POUR L’HISTOIRE
MA RENCONTRE AVEC ÉRIC TOUSSAINT ET LA CRÉATION DE LA COMMISSION POUR LA VÉRITÉ SUR LA DETTE

En février 2015, le téléphone spécial du Président du Parlement a sonné : c’était un ministre du Gouvernement de l’époque.

« Zoé, Éric Toussaint est là. Nous étions en train de discuter et il voudrait te rendre visite pour discuter. »

« Dis-lui de venir à mon bureau, aujourd’hui. Je le cherchais, moi aussi. »

Le vif souvenir que j’avais d’Éric Toussaint, que je n’avais pas rencontré personnellement, remontait au grand festival de la jeunesse de Syriza, en octobre 2012, alors que le parti était devenu premier parti d’opposition, alors que l’avenir était ouvert devant lui. Éric avait prononcé un discours enflammé et avait été porté aux nues.

Lui-même ne s’en souvient pas du tout, comme il me l’a révélé plus tard, car il était particulièrement abattu : il avait constaté, ce jour-là, que Tsipras commençait déjà à faire marche arrière sur ses engagements concernant l’audit et l’annulation de la dette, chose que la majorité d’entre nous, qui n’avons pas participé à la trahison qui allait venir, avons beaucoup tardé à réaliser, malheureusement.

Dans mon discours d’ouverture en tant que Présidente du Parlement, le 6 février 2015, immédiatement après mon élection, j’avais annoncé que le Parlement allait contribuer activement à l’audit et à l’annulation de la dette.

À la première réunion du groupe parlementaire après cette séance, le député des écologistes avait demandé, très angoissé, s’il « était permis de dire des choses pareilles en pleine négociation, alors que le Premier ministre et le ministre des finances n’utilisent absolument pas ces termes. » Je lui ai alors répondu que c’était le programme sur la base duquel nous avions été élus et que nous devions non seulement le dire, mais aussi le faire. Personne n’osa me contredire. Toutefois, il était déjà clair que le Gouvernement lui-même n’entreprendrait aucune initiative concernant un audit ou une annulation de la dette et que le groupe parlementaire restait impuissant face aux développements.

Il apparut très vite qu’une telle initiative devait s’appuyer sur des personnes disposant des connaissances nécessaires mais également ayant déjà une expérience analogue dans le domaine de l’audit de la dette et du rejet des dettes odieuses et illégales. Éric Toussaint était de toute évidence la figure emblématique de cette lutte qui soutenait avec ferveur, par ses interventions publiques et ses visites en Grèce, que la dette devait être auditée et que, dans la mesure où elle s’avérait odieuse, illégale, illégitime et/ou non viable, elle devait être annulée. Une position parfaitement en phase avec le droit international, la protection internationale des droits de l’homme et du droit humanitaire international.

16 février 2015, ma première rencontre avec Éric Toussaint

Notre première rencontre ne dura pas longtemps. Je connaissais son expérience précieuse et sa contribution à l’audit de la dette et, notamment, sa participation à la Commission d’audit de la dette de l’Équateur. Il était clair pour moi qu’il s’agissait d’une personne qui, depuis des décennies, avait contribué avec désintéressement à révéler le mécanisme de soumission des peuples par le biais de la dette et à lutter pour libérer les peuples et les citoyens du joug de la dette illégitime. Je voulais qu’il me parle de son expérience et tout ce qu’il me dit fut effectivement particulièrement éclairant.

Je lui demandai alors s’il était disposé à entreprendre l’audit de la dette grecque pour le compte du Parlement hellénique et s’il pouvait rester en Grèce pour que nous nous rencontrions une semaine plus tard pour discuter des modalités de cet audit. Il me répondit par l’affirmative aux deux questions. J’ai demandé que soit immédiatement publié un bulletin de presse du Parlement concernant ma rencontre avec Eric Toussaint, afin de lancer le message : nous avançons vers la réalisation de nos engagements.

Vers l’instauration de la Commission pour la Vérité sur la Dette publique

Les jours qui suivirent furent denses et dramatiques. Élection du Président de la République, le 18 février 2015. Communication de l’accord du 20 février 2015. En apprenant par les médias le contenu de cet accord le 20 février, je sentis la terre se dérober sous mes pieds : il contenait la reconnaissance de la dette et l’engagement de la responsabilité de son remboursement ! Je demandai à voir Tsipras immédiatement. Je le vis le lendemain, le 21 février, dans son bureau au Parlement, immédiatement après la réunion du Conseil. Flambouraris attendait dehors, entrant et ressortant constamment et faisant pression pour qu’ils partent à Égine.

Je dis à Tsipras que cet accord était un mémorandum et que nous devions nous en dégager au plus tôt. Qu’il fallait immédiatement révoquer la formulation concernant la dette, par le biais de communications officielles par tous les acteurs. Qu’il fallait suivre une stratégie précise. Réaliser un audit de la dette. Agir concernant les dettes allemandes à l’égard de la Grèce suite à l’invasion et à l’occupation nazie au cours de la seconde guerre mondiale. Ouverture de l’affaire Siemens et de toutes les affaires de corruption. Tsipras s’efforçait de me convaincre que l’accord n’était pas un mémorandum. Il prétendait que la reconnaissance de la dette ne portait que sur les paiements qui seraient effectués au cours des 4 mois à venir et, en même, temps, il marquait avec embarras son accord avec mes suggestions.

J’étais présente lorsqu’il expliqua à Pablo Iglesias, dirigeant de Podemos, que « ce que nous avons obtenu n’est pas blanc, n’est pas noir, nous avons réussi le gris. »

Je quittai cette rencontre après avoir annoncé à Tsipras que j’entamerai immédiatement l’audit de la dette au Parlement et constituerai la Commission pour les dettes allemandes, après avoir obtenu son consentement.

Quelques jours plus tard, je rencontrai à nouveau Éric.

Il était morose et préoccupé.

Je commençai à parler avec lui de la commission qu’il fallait mettre sur pied pour mener l’audit de la dette. Je lui dis que je pensais à une commission conforme à une disposition spéciale du règlement du Parlement qui permettait au Président de l’Assemblée de constituer des commissions composées de personnes extraparlementaires et dont l’objet portait sur des affaires n’ayant pas trait aux affaires courantes du Parlement. Je lui expliquai que j’envisageais cette commission comme une commission internationale et nationale, composée de scientifiques et de citoyens, dont le mandat serait clairement de déchiffrer les conditions dans lesquelles la dette publique grecque avait été créée et gonflée et d’élaborer l’argumentaire permettant de dénoncer toute partie de la dette qui serait jugée illégale, odieuse et non remboursable. Il était positif, mais réservé.

« Je vois que quelque chose te préoccupe. Je veux que nous parlions de manière directe », lui dis-je.

« Zoé, je suis très angoissé. Quelle est ta position à propos de l’accord du 20 février ? »

« Éric, je considère que cet accord est un véritable camouflet. Je l’ai dit au Premier ministre et je l’ai informé sur mon intention d’entreprendre les initiatives nécessaires pour renverser cet accord, et il m’a donné son consentement. La Commission d’audit de la dette dont je te propose d’entreprendre la coordination scientifique est une initiative cruciale dans ce sens. »

Il me regardait toujours d’un air scrutateur.

« Quant à ce qui te préoccupe, d’après ce que je comprends, voilà ce que j’ai à te dire : j’ai prévenu formellement le Premier ministre de ne pas présenter cet accord au Parlement. » Je répétai la même chose à la réunion du Groupe parlementaire, dans les jours suivants. Lors du vote qui s’est tenu au sein du groupe, le 25 février, je votai NON au texte de l’accord, ce qui mit le feu aux poudres et fit immédiatement de moi une cible. « Ce que j’ai à te dire c’est que si, malgré tout, cet accord était présenté au Parlement, moi je ne le voterai pas. »

Son visage s’éclaira, il semblait soulagé. Je voyais qu’il était encore préoccupé par l’évolution globale, mais il était important pour lui de savoir qu’il pouvait compter sur notre entente. Bien plus tard, il me confirma qu’il s’était agi d’un moment déterminant car il avait compris que la personne qui lui demandait de s’engager et de s’impliquer dans cette lutte frontale contre les mécanismes de soumission entendait bien aller au bout de ce qu’elle disait.

C’est ainsi que tout a commencé.

« Je veux que tu assumes le poste de Coordinateur scientifique de la Commission et que tu me dises ce que tu attends de moi », lui dis-je.

« C’est toi qui doit présider la Commission et ses travaux, pour garantir que tout sera réalisé sans obstacles », me dit-il.

C’est ainsi qu’est née la première et unique commission institutionnelle d’audit de la dette sur le sol européen à ce jour.

Tout simplement.

Par des gens de parole.

Le passage à l’action

Le 17 mars 2015, lors d’une conférence de presse avec Éric Toussaint et Sofia Sakorafa, députée européenne que j’avais invitée pour qu’elle se charge de la liaison entre la Commission et le Parlement européen et les Parlements des États membres de l’Union, l’on annonça la constitution et la composition d’une commission spéciale du Parlement pour l’audit de la dette. La commission serait internationale, composée de scientifiques étrangers et Grecs, d’activistes, de membres de mouvements mais aussi de simples citoyens.

Et le 4 avril 2015 eut lieu la Réunion d’inauguration de la Commission pour la vérité sur la dette publique, au sein du Parlement, en accès libre pour les citoyens et en retransmission directe, dans toute la Grèce, via la chaîne télévisée du Parlement.

La Commission a réalisé des réunions ouvertes et des conférences de presse. Elle s’est penchée sur des dossiers pénaux liés aux mémorandums. Elle a ouvert des dossiers pénaux portant sur des affaires de corruption. Elle s’est déplacée dans des ministères, mais elle a aussi auditionné des témoins. Tout cela, dans une période de rebondissements quotidiens et au milieu d’un véritable bombardement de propagande et de dénigrement de la Commission par les médias qui en ciblaient les membres. Éric devint la cible de la presse à scandale qui commentait ses sandales, sa chemise verte, sa queue de cheval. Mais il ne se trouva personne pour contester ses compétences scientifiques de manière argumentée. Et, contrairement à la guerre que lui menaient les médias, les citoyens du pays l’accueillaient partout avec enthousiasme, en l’embrassant et en le remerciant pour ce qu’il faisait pour notre pays.

Les 17 et 18 juin 2015, lors d’une réunion publique, la Commission publia et présenta son rapport préalable, dans lequel elle documentait pourquoi la dette grecque est illégale, illégitime, odieuse et non viable. Elle y exposait et analysait de manière approfondie les raisons pour lesquelles cette dette qui est un levier et un instrument de chantage ne peut pas et ne doit pas être remboursée.

Ce rapport a été envoyé et officiellement remis au Président de la République, au Premier ministre, à tous les ministres et aux membres du Parlement. Il a été envoyé à tous les Présidents des Parlements de l’Union européenne. Il a été envoyé au Président du Parlement européen et à tous les eurodéputés.

Il n’a été utilisé par aucun acteur gouvernemental. Pas même au moment le plus critique des négociations, quelques jours plus tard. Pas même à l’heure de l’ultimatum. Pas même pendant la semaine avant le référendum. Pas même pendant la semaine après le référendum qui a abouti à la grande trahison du 13 juillet 2015, où Tsipras s’est rendu aux créanciers, en acceptant entièrement la dette illégale et en soumettant le pays aux termes de remboursement les plus dégradants, cristallisés dans les préalables au 3e mémorandum et dans le 3e mémorandum lui-même.

Les conclusions de la Commission pour la Vérité sur la Dette sont bien là. Et elles étayent pleinement le peuple grec dans sa lutte pour se libérer du joug de la dette.

Ces conclusions sont, de manière décisives, le résultat du désintéressement, des efforts infatigables, du dévouement d’Éric Toussaint dans son soutien essentiel à notre peuple. Elles sont dues au choix transparent des collaborateurs internationaux et des personnes irréprochables qui ont contribué à leur élaboration. Elles sont dues à la persévérance des membres qui voulaient que la Commission pour la Vérité remplisse sa mission, en dépit d’une propagande digne de Goebbels dont elle a été la cible dès sa constitution.

Pour éviter que cette Commission – ainsi que d’autres commissions cruciales – poursuive ses travaux, le Parlement a été dissout au mois d’août 2015.

Car il était impossible autrement de contourner l’existence d’un organe institutionnel du Parlement qui contestait et déconstruisait de façon documentée la dette par laquelle nous avons été soumis à l’esclavage. Ils ne voulaient pas non plus permettre une mise en relation avec le travail réalisé sur les dettes de l’Allemagne ou sur l’affaire Siemens et, en général, sur la corruption, grâce aux travaux de la Commission pour la Vérité sur la Dette. Il ne fallait pas que l’audit progresse au point qu’on puisse identifier et désigner ceux qui étaient à l’origine du surendettement du pays et ceux qui avaient profité de ce processus scandaleux.

Même après la dissolution de l’Assemblée et avant la prestation de serment du nouveau Parlement, la Commission a tenu sa réunion programmée, fin septembre 2015. Et elle a publié son 2e rapport, qui documente le caractère illégal de la nouvelle dette liée au 3e mémorandum.

Immédiatement après cette dernière réunion parlementaire de la Commission, notre action commune passa à un autre niveau. La Commission devint la cible privilégiée du nouveau régime. Ses conclusions furent retirées du site web du Parlement. Ensuite, on lui retira ses bureaux. On proclama la clôture de ses travaux. Les archives personnelles et les effets de ses membres furent saisis et l’accès aux conclusions restantes fut interdit.

Avec Éric, nous nous sommes lancés dans une course à l’information des citoyens et de la communauté internationale sur la véritable situation de la dette grecque, avec des discours en France, Espagne, Amérique, Belgique, Portugal, Allemagne, Danemark, France. En mars 2016, nous avons transformé la Commission pour la vérité en association, en en maintenant la composition initiale. En novembre 2016 à Athènes s’est tenue la première réunion internationale de la Commission pour la Vérité sur la Dette dans une salle comble du Barreau d’Athènes.

La question de la dette a été intégrée au programme de l’Initiative paneuropéenne « Plan B ». En même temps, Éric a transmis l’expérience de la Grèce aux collectivités locales d’Espagne, là où les élus étaient prêts à entreprendre des initiatives radicales du même genre.

La lutte continue.

En rédigeant cette préface, je souhaite et j’espère qu’il ne s’agit pas uniquement de la préface d’une édition mais le prologue des étapes à venir d’un parcours historique, difficile mais victorieux, vers la libération de notre peuple du Régime de la dette et des mémorandums.

Avec Éric pour compagnon de route, combattant sur la ligne du front.


Traduit du grec par Corinne Cooreman. Révision de la traduction par Marie-Laure Coulmin

Une voie portugaise contre l’austérité

Entretiens croisés de Jérôme Skalski et Claire Philippe avec Pedro da Nóbrega, historien et anthropologue, Pascal de Lima, économiste de l’innovation et enseignant à Sciences-Po et Olivier Barbarant, écrivain.

Rappel des faits : depuis les élections législatives de 2015 au Portugal, l’association des partis de gauche (PS, Bloc de gauche et Coalition démocratique unitaire) est l’occasion d’une expérience originale tournant le dos au dogme libéral.

Comment caractériser l’expérience politique des gauches en cours au Portugal ?

Pedro da Nóbrega La nécessité et la clarté. Nécessité car, après quatre ans de gouvernement de droite avec une politique dictée par la troïka (Union européenne-FMI-BCE), après un pouvoir social-libéral incarné par le PS dirigé par José Socrates et bénéficiant de l’appui tacite de la droite, le pays était exsangue. Il aura d’abord fallu un changement à la tête du PS, incarné par l’actuel premier ministre, Antonio Costa. Puis les élections législatives d’octobre 2015, où la droite perd nettement la majorité malgré une liste unique, mais où le PS ne dispose pas de majorité à lui tout seul. Il ne peut donc gouverner qu’en perpétuant l’alliance tacite avec la droite ou en s’alliant avec les deux formations situées à sa gauche, le Bloc de gauche (BE), qui récupère une bonne part des voix perdues par le PS, et la CDU (Coalition démocratique unitaire, menée par le Parti communiste portugais avec les Verts), qui conserve ses acquis et augmente légèrement son résultat.

Sachant que le Portugal est un régime parlementaire mais que le PS n’a jamais gouverné avec la gauche, il est confronté à l’éventualité d’un choix de rupture en s’appuyant sur les formations situées à sa gauche pour former une majorité. Car la pression des « partenaires » européens du PS est grande afin de privilégier un accord avec la droite pour garder le cap d’une politique austéritaire. Ils trouveront en la personne du président de la République de l’époque, Cavaco Silva, homme de droite, un soutien qui ira même jusqu’à outrepasser ses prérogatives constitutionnelles.

Il faudra donc d’âpres discussions pour arriver à un accord, pour la première fois depuis le retour de la démocratie et la fin de la dictature fasciste, en 1974, tout en assumant les divergences clairement existantes entre les différents partis à gauche. Les souffrances endurées par le peuple portugais durant des années d’austérité ont contribué à trouver un terrain d’entente entre des forces dont le projet politique reste différent.

Il y a une clarté sur le choix stratégique. C’est un gouvernement PS qui gère le pays avec des accords tant avec le BE qu’avec le PCP, mais qui n’empêchent pas pour autant l’expression de divergences existantes. C’est le cas sur la question de l’Union européenne.

Pascal de Lima En octobre 2015, lors des législatives, le PS est arrivé second, derrière le PSD. Pedro Passo Coelho, le premier ministre sortant, perdait alors sa majorité absolue et le pays sortait d’une cure d’austérité sans précédent. Il attendait alors un soutien du PS, traditionnellement proche du centre, mais Antonio Costa, leader du PS (fils de militants communistes), s’est finalement allié avec le BE et le Parti communiste pour destituer le gouvernement de droite. Ce qui est exceptionnel, c’est la divergence des idéologies, le PS faisant la guerre au PC depuis la révolution des œillets. Mais le PC acceptait de calmer le jeu et de sortir de la contestation permanente.

Concernant la nature du compromis, en fait, il ne s’agit pas d’une coalition, contrairement à ce qui se dit, car, s’il y a un soutien du BE et du PC en faveur du PS pour emporter la victoire, le PC et le BE refusent d’entrer au gouvernement tout en soutenant le Parlement. C’est ce que les Portugais appellent le « Geringonça ». Pour ce qui est des raisons économiques de ce compromis, indiscutablement, un peu comme partout dans les pays du sud de l’Europe avec Podemos en Espagne et Syriza en Grèce, c’est le rejet de la troïka et de l’austérité en période de croissance faible qui ont conduit à de mauvais résultats économiques et à une certaine révolte par les urnes.

Olivier Barbarant L’accord de l’automne 2015 entre le PS, le PCP et le BE a rassemblé pour des objectifs précis des forces apparemment inconciliables : renverser la droite, proposer des avancées sociales. L’un des atouts de l’accord qui installa le gouvernement Costa tient au fait que le PC et le « Bloco » ont choisi un soutien sur projets sans participation gouvernementale. L’autre naît du fait que les socialistes ont un besoin absolu du support d’une aile nettement plus à gauche qu’ils ne le seraient sans cette contrainte.

Ni fusion ni « gauche plurielle », l’expérience est celle d’une constante négociation des mesures votées, qui n’ignore pas les rapports de forces entre alliés. Pour le dire vite, la gauche (celle qu’on appelle désormais « radicale » quand elle est fidèle à ses valeurs) tient un PS portugais dont le positionnement social-démocrate n’est plus à démontrer. Que des adversaires aussi anciens aient réussi à dépasser l’opposition sans se perdre dans l’illusion fusionnelle n’est dans l’histoire portugaise pas à négliger. Pour caractériser cette situation, complexe, instable, mais riche malgré tout d’avancées pour les populations, je parlerais de « chantage intelligent ».

À quels obstacles doit-elle faire face ? Sont-ils surmontables ?

Olivier Barbarant J’aimerais mettre d’abord l’accent sur les réussites – hausse de 15 % du salaire minimum (passé à 557 euros…), gel de certaines privatisations, retour aux 35 heures pour les fonctionnaires – qui feraient rêver en France, même en sachant que la situation désastreuse du Portugal fait partir le pays de plus loin que nous. Ajoutons-y une extase devant les diktats : en 2016, le plus bas déficit depuis 1974, avec 2,1 % du PIB. Moins de 3 % ! Et Costa promet 1 % en 2018… Reste que la pression européenne est très forte, comme l’ont montré les négociations de juillet 2016, où le Portugal a failli être sanctionné et a vu une partie de ses fonds structurels gelés. Entre la surveillance ultralibérale et la pression de la gauche, saluons l’habileté.

Je ne suis pas économiste et ignore jusqu’où pourra tenir vraiment une telle navigation entre icebergs. Le Bloco et le PC ont évidemment rejeté en janvier la proposition d’une baisse des charges patronales pour compenser la hausse du Smig, et la droite n’a pas sauvé ce projet qui eût dû lui convenir. On peut craindre que l’explosion de la dette (130,4 % du PIB) et la pression libérale ne puissent dans un seul pays construire un système économique viable sans un changement de ligne européenne collective. Mais, en attendant, le peuple souffre moins : c’est loin d’être négligeable.

Pascal de Lima Le problème est que le PC et le PS sont historiquement des ennemis. En fait, tout va dépendre de la stabilité du compromis parlementaire, en évitant les sujets qui fâchent. Le PS a toujours été très modéré historiquement et très centriste, proche de la social-démocratie allemande. Le PCP est l’un des plus rugueux d’Europe, très proche des syndicats, avec un ancrage local dans les coopératives historiques et les villages extrêmement important. Le BE, lui, est libertarien, favorable à l’avortement, au mariage gay, à l’euthanasie, et à la dépénalisation des drogues douces. Mais il est également pour la sortie de l’euro.

On voit donc des divergences importantes et la stabilité du compromis portera probablement sur l’évitement de sujets comme la sortie ou non de l’euro, le « Portuxit » et la place du Portugal dans les conflits géopolitiques internationaux. L’autre obstacle est sur le front économique. Le Portugal va mieux. C’est incontestable : les déficits vont être ramenés proches des 1,5 % en 2017, les exportations repartent de plus belle, au premier trimestre de l’année 2017, le taux de croissance avoisinait les 2,8 %, grâce au tourisme et à la construction. La situation améliorée pourrait laisser croire que le compromis va être plus aisé à faire perdurer. Attention tout de même au niveau des taux d’intérêt à dix ans, qui avoisinent les 3-4 %, ce qui reste supérieur au taux de croissance. Ainsi, la dette publique portugaise avoisine les 130 % et reste le troisième niveau de dette le plus élevé d’Europe, après l’Italie (133 %) et la Grèce (180 %). Affaire à suivre.

Pedro da Nóbrega Le PS reste sur une ligne d’accompagnement de « gauche » des politiques libérales mises en place dans le cadre de la construction européenne.

Le PCP est, lui, clairement contre cette construction européenne. Il considère que la souveraineté monétaire reste un pilier imprescriptible de la souveraineté populaire.

Le BE est sur une position qui, tout en prenant ses distances avec la réalité de l’Union européenne, est pour le maintien du Portugal au sein de l’UE et estime possible une réorientation.

Les divergences existent aussi sur le plan de la politique nationale, avec notamment la volonté affirmée, tant par la CDU que le BE cette fois-ci, de remettre en cause la législation antitravailleurs mise en place par la droite lorsqu’elle était au pouvoir, alors que le PS freine plutôt sur cette question.

Les désaccords portent sur des points certes non négligeables, mais ils n’ont pas empêché que se mette en place, pour la première fois dans l’histoire de la démocratie portugaise, un gouvernement PS, avec le soutien du BE et de la CDU, qui assume une rupture claire avec les politiques d’austérité. L’avenir dira quelle sera la portée historique de ces « rendez-vous », mais il est évident que la situation est aujourd’hui au Portugal moins ingrate pour le peuple. Une première réponse sera celle des élections municipales, le 1er octobre prochain. Sachant que, au Portugal, les municipales ont lieu à la proportionnelle intégrale.

L’expérience des gauches portugaises peut-elle être une inspiration pour lutter contre l’austérité ?

Pascal de Lima Oui, car la dominante idéologique depuis dix ans maintenant, c’est celle de considérer que l’austérité est un mal nécessaire ; or, le mal nécessaire a fatigué tout le monde et a été déployé au pire moment, à savoir lorsque la croissance était faible avant 2014 (date de la sortie de la troïka). Par ailleurs, il y a de bons et de mauvais déficits, une réflexion qualitative, comme souvent, aurait permis de comprendre que jamais le Portugal n’avait réellement besoin du FMI. De plus, la dominante est de considérer que les gauches sont responsables de l’explosion des déficits et de la dette : or, ce ne fut pas le cas, même en France ! Et d’ailleurs parfois même avec des politiques d’austérité ! Ce qui est assez fort pour être dit !

Au Portugal, quand la droite arrive en tête des élections législatives en octobre 2015, la perspective d’une nouvelle politique d’austérité permet justement de créer ce compromis parlementaire. Il faut une politique économique avant tout contracyclique qui combine bien austérité et croissance et ne pas étouffer la croissance par l’austérité lorsque celle-ci revient. C’est ce qu’a réussi ce compromis : laisser respirer l’économie en période difficile, ajuster la rigueur plus tard en attendant des jours plus ensoleillés.

Olivier Barbarant Évitons de rêver d’un modèle : il n’y en a pas. Et, comme je l’ai dit, cette politique est exclusivement en situation : elle desserre l’étau libéral sans pouvoir seule s’en émanciper. Elle doit aussi sa relative longévité à des stratégies européennes : l’acharnement contre la Grèce est si mal perçu qu’il s’agirait de se montrer un peu moins tyrannique avec des pays proches, et quelquefois plus puissants (Espagne, et par ricochet Portugal). Mais l’expérience prouve que l’on peut, au moins momentanément, arrêter une logique mortifère et purement comptable, rétablir certains droits, rouvrir un peu de pouvoir d’achat… Elle donne à penser surtout au rôle des alliances, notamment la complémentarité possible entre des mouvements et des partis. Les uns comme les autres ont su faire preuve de responsabilité : le PS en assumant le pouvoir dans des conditions délicates et même acrobatiques, PC et BE en refusant de camper sur la pureté doctrinaire qui fait souvent prendre, à la gauche de la gauche, tout soutien partiel pour une compromission. C’est à méditer. Encore faudrait-il chez nous que l’on cesse de hurler à la cuisine politicienne dès qu’on propose des accords à géométrie variable.

Pedro da Nóbrega Une telle expérience est une inspiration pour tous ceux qui pensent qu’être de gauche a une portée politique et économique, quelle que puisse être la diversité des options sur cette question. Car la ligne majeure de fracture me semble bien être entre ceux qui pensent que le capitalisme est indépassable et qu’il convient juste d’en amender les aspects les plus détestables et ceux qui estiment qu’il ne saurait y avoir d’avenir durable dans ce cadre.

Le schéma institutionnel portugais se prête à ce type d’expérience. Il convient à cet égard de rappeler qu’il est issu de la révolution des œillets. Quand d’aucuns parlent de VIe République en France, c’est en partant de l’échec démocratique de la Ve, accentué par le couplage des législatives avec la présidentielle. Le processus électoral en cours en France en est la triste illustration, où l’élection des députés vise à conforter l’élection d’un président qui reste le chef de l’exécutif.

Avec un taux d’abstention pour un premier tour des législatives qui dépasse les 50 %. Une situation qu’a pu connaître le Portugal avant cette expérience inédite de gestion par une gauche qui assume ses divergences. C’est bien là, à mon sens, que réside la pierre de touche des cheminements qui restent à inventer. Pense-t-on indispensable de s’affranchir du capitalisme pour trouver une voie d’avenir ou le voit-on comme un horizon indépassable quelle qu’en puisse être la réalité du moment ?

http://www.humanite.fr/une-voie-portugaise-contre-lausterite-637462

 

Grèce : La justice légalise le retard de paiement des salaires

La justice grecque considère désormais que les retards de salaires ne sont pas des motifs de modification des contrats de travail article publié sur le blog de Constant Kaimakis

Nous avons souvent fait référence dans ces posts aux divers conflits qui opposent des salariés à leur employeur pour non paiement des salaires. La pratique du salaire payé en retard , parfois sur un long terme, est malheureusement très répandue chez les patrons du privé en Grèce puisque des dizaines de milliers d’employés sont concernés sur l’ensemble du territoire grec.

La justice grecque vient de prendre une décision qui modifie profondément la situation juridique des salariés non payés. En effet, la Cour suprême de Grèce dans un arrêté récent a décidé que le seul non-paiement des salaires dus à un employé, même sur une longue période, ne suffit pas à établir un changement défavorable dans les termes de son contrat de travail.Jusqu’ici cela permettait au salarié de faire valoir ses droits en arguant que cette modification de contrat équivalait à une rupture de contrat pour le forcer à démissionner et, dans ce cas , il obtenait ainsi une prime de licenciement .

Désormais la justice « légalise » ces pratiques douteuses et va rendre encore plus dure une situation du salariat grec en proie à une accélération des pratiques néolibérales ( Flexibilité, contractualisation, précarisation etc…) .

Attention, cela n’arrive pas qu’aux grecs… la Grèce servant souvent de laboratoire pour les politiques austéritaires et néolibérales de l’UE …

Résistance | Une mer solidaire face à une mer frontière

Vivre Ensemble Bulletin de liaison pour la défense du droit d’asile

Résistance | Une mer solidaire face à une mer frontière par Charles Heller *

L’agence Frontex a récemment lancé une offensive contre les organisations humanitaires qui se sont déployées ces dernières années pour venir en aide aux personnes en détresse en Méditerranée. Elle les accuse de faire le jeu des passeurs et de créer un «appel d’air». Sans aucun fondement [2], cette campagne de délégitimation, amplifiée par des personnalités politiques et les médias, produit des effets bien réels. La police des frontières européennes active ici sa stratégie de communication visant à faire le vide sur la Méditerranée pour rendre invisibles les victimes de sa politique migratoire. Cela lui permet d’avoir les mains libres dans ses tractations avec les gendarmes de l’Europe, exécutants de la politique d’externalisation de l’Union européenne (voir p. 20). Les ONG ont largement répliqué à cette campagne de diffamation et de criminalisation. Charles Heller*, qui a contribué à fonder en 2013 la plateforme WatchTheMed et en 2014 l’Alarmphone, explique les conditions dans lesquelles ces opérations citoyennes se sont mises en place, et à quels enjeux elles répondent. Des opérations tributaires de soutiens privés. (Réd.)

La société civile dénonce depuis longtemps la transformation des frontières maritimes en un espace mortifère sous l’effet des politiques de fermeture et de militarisation de l’Union européenne (UE). Il demeurait néanmoins difficile de rompre l’impunité qui prévaut pour les morts en mer – loin des regards citoyens, ils ne laissent souvent aucune trace. Il semblait encore plus difficile d’intervenir pour venir en aide aux migrants en mer, l’assistance ayant été criminalisée. [3]

Au lendemain des soulèvements arabes de 2011, le nombre de traversées et de morts a augmenté dramatiquement, en dépit de l’intensification de la surveillance maritime par les Etats. Alors qu’à travers leur mouvement et leurs corps, les migrants continuent de résister aux politiques migratoires qui leur nient le passage, les acteurs de la société civile développent différents moyens pour intervenir directement en mer à leurs côtés, et transforment la Méditerranée en un espace transnational de contestation.

Dès 2011, Boats4People a organisé une large campagne d’information et de mobilisation autour des morts en mer, réunissant des acteurs de la société civile dans le cadre du périple d’un voilier reliant les deux rives de la Méditerranée.

Parallèlement, des chercheurs ont développé de nouveaux moyens de documentation des violations des droits des migrants en mer. Grâce à leurs recherches, ils ont mis à disposition d’une coalition d’associations les informations nécessaires pour déposer des plaintes devant les juridictions de plusieurs États impliqués dans le cas du « Left-to-dieboat ». [4] En créant la plateforme en ligne WatchTheMed, ils ont mis à disposition de la société civile un outil pour exercer un droit de regard critique sur les frontières maritimes de l’UE. Par ailleurs, au lendemain de la révolution en Tunisie, des familles de migrants disparus se sont mobilisées pour demander des comptes à leur propre Etat, ainsi qu’à l’Italie.

Intervenir pour prévenir les morts

Après les naufrages des 3 et 11 octobre 2013, qui ont fait plus de 500 morts en à peine une semaine, les associations ont décidé d’intervenir directement en mer. Objectif : empêcher ces morts plutôt que les dénoncer après les faits.
Inspirés par l’action inlassable d’individus tels que le Père Mussie Zerai, qui répond depuis plusieurs années aux appels de détresse des migrants en mer, des membres de WatchTheMed créent l’Alarmphone, un téléphone d’alerte citoyen opérant 24 heures sur 24.

Depuis sa création en 2014, il a contribué au sauvetage de plus de 1800 embarcations. À travers ce réseau, la société civile a développé une capacité sans précédent d’exercer en Méditerranée un droit de regard – qui
paradoxalement passe par l’ouïe.

Mais pour que l’Alarmphone et d’autres acteurs relayant les appels de détresse des migrants puissent contribuer à sauver des vies, encore faut-il qu’il y ait des moyens de secours présents en mer sur lesquels faire pression pour porter assistance aux migrants. Or c’est justement ce qui a été remis en cause par la fin de l’opération italienne Mare Nostrum. Lancée en octobre 2013, suite aux naufrages susmentionnés, ses navires militaires avaient patrouillé de manière proactive au large des côtes libyennes pour secourir les migrants. Suite au refus des Etats membres de l’UE de poursuivre son financement, lui reprochant un effet «appel d’air», les autorités italiennes y ont mis un terme fin 2014. Comme l’avaient prévu de nombreux acteurs de la société civile, l’absence de navires déployés pour secourir les migrants n’a pas mené à une diminution du nombre des traversées, mais à un accroissement dramatique du nombre de morts en mer [5]. En avril 2015, 1200 personnes se noient en une semaine.

Face à cette hécatombe, plutôt que de rétablir une opération de secours proactive en mer, les Etats étendent l’opération de contrôle aux frontières de Frontex et lancent une nouvelle opération de lutte contre les passeurs, EUNAVFOR MED. Afin de dénoncer la politique de non-assistance des Etats et secourir les migrants en détresse, une véritable flottille citoyenne est déployée. D’une embarcation en 2014, ce mouvement s’est étoffé pour arriver à une dizaine de bateaux en 2016, qui ont réalisé 28 % des sauvetages l’an passé.

Criminaliser la solidarité…

Toutes ces initiatives ont transformé la mer en un terrain d’expérimentation de nouvelles pratiques politiques transnationales. Elles se déploient dans l’espace-frontière de la mer pour contester la manière dont les Etats gèrent les mouvements des migrants. Mais ces interventions citoyennes exemplaires ne sont pas en mesure de contrer la violence perpétrée aux et à travers les frontières – plus de 13’000 personnes sont mortes en mer entre 2014 et 2016.

De plus, comme sur la terre ferme, la solidarité en mer se trouve de plus en plus attaquée: physiquement par les gardes-côtes libyens; juridiquement par l’ouverture d’enquêtes en Italie; mais aussi par le discours de Frontex qui mène une campagne de délégitimation des activités de secours opérées par les ONG, amplifiée par les médias et par des personnalités politiques [6]. L’agence de contrôle aux frontières accuse les secours citoyens de pousser davantage de migrants à tenter la périlleuse traversée et de faire ainsi le jeu des passeurs.

… au prix de milliers de morts

Ces accusations pourraient avoir pour conséquence un arrêt ou la diminution de l’action des ONG, et une augmentation certaine du nombre de morts en mer, comme après la fin de Mare Nostrum. Or, cette campagne de dénigrement s’inscrit dans la même logique que celle qui a visé l’opération italienne: une politique de dissuasion, au prix de milliers de morts.

De plus, le pendant de la criminalisation des ONG est la coopération accrue avec les gardes-côtes libyens. Ceux-ci reçoivent de nouveaux moyens pour patrouiller les côtes. Ils usent régulièrement de la violence pour intercepter les migrants, entraînant des naufrages [7]. Au regard de la situation en Libye pour les migrants, documentée par de nombreux rapports [8] (voir p. 15), toute politique visant à empêcher les migrants de quitter le territoire libyen est complice des violations commises par les passeurs et les agences de l’Etat libyen, à savoir, détention arbitraire, torture, violences sexuelles, travail forcé et trafic d’être humains. Face au coût humain exorbitant des politiques de fermeture de l’UE, le droit à la solidarité doit être défendu.

Charles Heller*

* Charles Heller est actuellement chercheur postdoctoral au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales du Caire et à l’Université américaine du Caire, en Égypte. Au cours de son doctorat en Research Architecture à Goldsmiths, University of London, il a créé avec Lorenzo Pezzani le projet Forensic Oceanography qui a visé à développer des méthodes pour documenter les conditions qui mènent à la mort des migrants aux frontières maritimes de l’Europe. Il est membre fondateur de la plateforme WatchTheMed.

Notes:

[1] Une version plus courte de ce texte paraîtra prochainement dans l’Atlas critique des migrations édité par Migreurop.
[2] Une commission d’enquête de la défense du sénat italien a classé l’affaire, estimant qu’il n’y avait «pas de collusion entre ONG et trafiquants».
[3] Des pêcheurs tunisiens ont notamment été mis en procès pour «aide à l’immigration clandestine» en Italie après avoir secouru des migrants en mer. Voir Gabriele Del Grande, «Le récit de pêcheurs siciliens accusés d’aide à personnes en détresse», Vivre Ensemble, n°123, juin 2009 et Sophie Malka, «Mediterrannée | Non-assistance à migrants naufragés», Vivre Ensemble, n° 134, septembre 2011.
[4] Voir notre rapport sur le cas du Left-to-die boat et la vidéo disponible sur vimeo.
[5] Voir notre rapport: Death by Rescue.
[6] Voir notre rapport: Blaming The Rescuers.
[7] Voir le cas du Sea-Watch du 21 octobre 2016.
[8] Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights, Detained and dehumanised, Report on human rights abuses against migrants in Libya, 13 December 2016 (last accessed 12 May 2017).

https://www.google.fr/#q=+R%C3%A9sistance+|+Une+mer+solidaire+face+%C3%A0+une+mer+fronti%C3%A8re

Des épaves brisées de voyages inachevés. La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque et notamment le phénomène des suicides en Grèce sous la crise.

Des épaves brisées de voyages inachevés

Juillet déjà. Le blog dans ses habits d’été ! Euphémismes. Les marionnettes politiques, et d’abord Alexis Tsipras (“Gauche”) et Kyriákos Mitsotakis (“Droite”) “se sont violement affrontés verbalement” au sein du “Parlement”, d’après la presse… dans l’indifférence très générale. Ou sinon, comme l’écrivait Yórgos Seféris, poète d’abord et diplomate ensuite: “Avec des désirs qui jouaient comme les grands poissons dans les mers qui soudain se retirent (…) Le petit état de Commagène ; qui s’est éteint comme la faible veilleuse.” (“Journal – B”, 1944).

En Golfe Argosaronique, la messe. Juillet 2017

Les contractuels au ramassage des ordures ont repris le travail mettant fin à leur grève. Seulement… Daniela Prelorenzou, employée au contrat précaire transformé en CDI il y a peu, âgée de 62 ans et mère d’un enfant handicapé ; elle a été littéralement et définitivement tuée à la tâche. Accident cardiaque sous peine d’un double service durant la même journée accablante. Ramasser les ordures d’Athènes sous les 44 degrés Celsius, c’était à la fin de la semaine dernière (presse grecque du 30 juin 2017) . Le blog… ainsi désemparé… et pourtant dans ses habits d’été, rend ainsi hommage à Daniela, comme à chaque Daniela ! Modernité, cruauté, mœurs relâchés. Été grec, dit celui des vacanciers

Et comme la vie (des autres) continue, en Golfe Argosaronique, comme partout ailleurs au pays, on célèbre parfois les Saints Patrons des lieux, la grande saison des fêtes et des panégyries débute donc pour ainsi rendre si possible l’été bien entier. Le soleil se lève brûlant, alors unique certitude.

En Golfe Argosaronique, la messe. Juillet 2017

La presse s’attardera également, juste pour un moment sur cet accident maritime (et… du travail), quand le vieux navire citerne approvisionnant l’île en eau potable depuis l’Attique, est entré en collision avec une petite embarcation de pêche. Les corps de deux frères, pêcheurs professionnels, Pandelís et Yórgos Bitros (âgés respectivement de 74 et de 62 ans, morts sur le coup) ont été aussitôt “repêchés” par l’équipage du navire citerne. “Des épaves brisées de voyages inachevés, des corps qui ne savent plus comment aimer” (Yorgos Seféris, “Légende”, 1933-1934, trad. Lévesque).

Les médias parlent ainsi de tragédie… avant de passer à d’autres sujets nautiques, entre autres, l’accostage du voilier de l’ex-Roi des Grecs Constantin au port chic de Porto-Heli dans le Péloponnèse, maritimité oblige sans doute.

On remarquera tout de même, que les médias, et cela depuis quelque temps, accordent assez souvent de leurs pages et reportages aux… apparitions de Constantin II de Grèce, le sixième et dernier roi des Hellènes du 6 mars 1964 au 1er juin 1973, date à laquelle il fut déposé (sans abdiquer) et la République proclamée en 1974 après referendum, faisant suite à la fin de la dictature des Colonels (juillet 1974).

Faute de mieux sans doute… sous sa dent, la presse ressort également ces belles photographies du temps et des êtres de jadis, à l’occasion de ce… 6 juillet par exemple, le quotidien “Kathimeriní”, publie cet instantané de Maria Callas, se baignant en mer d’Italie, c’était le 6 juillet 1958, une… éternité.

Daniela Prelorenzou… tuée à la tâche le 30 juin. Athènes (presse grecque) du 2 juillet 2017
Le bateau citerne à Égine. Athènes (presse grecque) du 5 juillet 2017
Le ferry à destination d’Égine. Le Pirée, juillet 2017

Étranges temps humains, âpres, en même temps étirables à souhait. Yórgos Seféris écrivait il y a déjà un moment dans son journal, que “même les cris des animaux ressemblent à des créatures sorties tout droit du grand silence. Les îles grecques sont comme des idées agréables qui se succèdent” (15 novembre 1939). Sauf que ce silence fondamental nous manque alors cruellement et que les îles grecques, ne sont plus que des idées agréables qui se succèdent.

Petits faits classés divers sous la domination des grands faits pervers, et de nouveau, notre petit monde des temporels s’enfonce dans la tourmente. L’histoire ne se répète pas, la sottise si.

“Moments tragiques. Depuis un an, les moments tragiques se succèdent et se répètent à un point tel, qu’il ne vaut plus la peine de les mentionner. C’est comme perdre son temps avec les choses inutiles. Cette guerre (guerre initiée sous couvert d’une situation de soi-disant temps de paix), est alors caractérisée par ceci: Une force du mal a trouvé moyen d’humilier, de broyer, et d’annihiler, tout un monde. Elle ainsi fait remonter à la surface toute cette piètre matière, intérieure chez les hommes, à savoir, l’égoïsme, la lâcheté, la bassesse, la malveillance, pour nous faire croire qu’il s’agit là… des aptitudes fondamentales des gens qui gouvernent ce monde.”

“Cette force du mal détient l’apparence d’une bête mécanique parfaite, tout à fait irresponsable, parce que l’homme et l’humanité n’interviennent pas dans son système.”

L’ex-Roi Constantin (à droite) à bord de son voilier à Porto-Heli (photo presse grecque). Péloponnèse, 6 juillet 2017
L’ex-Roi Constantin vers 1960 (photo presse grecque)
Maria Callas, le 6 juillet 1958 (photo presse grecque)

“Et c’est alors la punition. Ceux qui sont punis: une tourbe de faiblesses. Embourbés là-dedans sans même une ramure pour s’y tenir. Bourreaux et punis méritant ainsi leur sort. Ne parlons pas d’eux. Celui qui s’enfonce est alors la victime d’un accident, ou d’une maladie, d’une tuile qui lui tombe sur la tête, ne parlons pas de lui. Et celui qui veut demeurer digne, il se doit… si possible mourir, à la seule manière digne qui restera pour un homme juste. Rien d’autre. ‘The wrong man’. L’homme s’est trouvé par hasard dans un naufrage tragique. Cependant, l’horreur c’est de ne pas pouvoir mourir en compagnie d’un ami. Un malheur de plus. Voilà tout. (…)”

“Nous vivons à une époque de somnambulisme généralisé. La vie, c’est un rêve, disait jadis le doux-rêveur, celui qui se voulait en dehors au monde. La même chose peut se dire aujourd’hui de la part de tous ceux qu’y vivent très concrètement. La vie se compose de personnes qui rêvent. Et les coups acquiescés sont des coups survenus de la substance des rêves inconsistants. Gagnants comme perdants, ils ont de ces gestes stéréotypés, on dirait sans contenu.”

“Quand le moment du réveil arrivera pour nous, rien ne sera laissé en place. C’est si naturel. Sauf que le seul espoir c’est de voir venir ce moment. L’humanité trace de grands cercles composés de toutes les générations passées. Notre destin bien à nous a voulu que nous soyons très précisément sur cet arc, à travers sa trajectoire, en ce moment immergée dans les profondeurs de la nuit.” (Journal de Yórgos Seféris, 10 avril 1939)

Somnambulisme généralisé. Réclame. Athènes, juillet 2017
Somnambulisme généralisé. Affluence pour la finale du jeu… “Survivor”. Athènes, juillet 2017 (photo: internet grec)
Somnambulisme généralisé. Affluence pour la finale du jeu… “Survivor”. Athènes, juillet 2017 (photo: internet grec)

Nous vivons certainement à une époque de somnambulisme généralisé. Au moment où Daniela Prelorenzou, ou encore mes cousins Kóstas et Sotíris à l’image mortuaire de milliers d’autres Grecs n’ont pas survécu à la nouvelle situation du pays colonisé, une autre (?) partie de la population somnambule et se passionne pour le dit “grand jeu télévisuel Survivor” dont la “finale” avait été organisée dans un parc d’Athènes mercredi 5 juillet.

De “l’affluence fort remarquable” d’après une certaine presse , enfants si précocement nécrosées de tout esprit critique aux parents cliniquement morts de tout esprit tout court depuis longtemps. Gagnants comme surtout perdants, auront de ces gestes stéréotypés, sans contenu.

Sans contenu également et c’est bien dommage, ce monument récemment érigé à la mémoire des employés de la radiotélévision publique ERT, décédés durant les 18 mois de sa fermeture complète, infligée par le funeste gouvernement d’Antonis Samaras, monument érigé devant le bâtiment central de l’ERT dans le quartier athénien d’Agía Paraskeví.

Monument de l’ERT. Athènes, juillet 2017 (photo: presse grecque)

Les trépassés de l’ERT entreront certes de plein droit dans la mémoire des disparus de la dite “crise grecque”, sauf qu’ils ne sont pas les seuls, et que tous les autres, demeurent à l’heure actuelle volontairement oubliés par le funeste gouvernement d’Alexis Tsipras. Pis encore, contrairement aux aspirations (réelles ou pas) du temps de la lutte pour la réouverture de l’ERT, la radiotélévision publique rétablie à la SYRIZA, elle est hélas redevenue ce qu’elle a toujours été. Un lieu d’abord hyper népotiste, servant en exclusivité les intérêts essentiellement privés, du, ou des partis au pouvoir comme de leurs castes. Ensuite, ERT poursuit dans une manière d’aborder les sujets d’actualité sous le seul prisme de la propagande gouvernementale, de surcroît européiste donc pas de changement démocratique non plus. Maigre, très maigre consolation, son Troisième Programme radiophonique, culturel et musical, notre ultime caverne pour certains d’entre nous il faut dire.

C’est ainsi que les autres médias comme tous ceux… qui sont punis et qui ne sont pas de l’ERT, ont forcement ironisé à propos de l’événement. Il a été rappelé à juste titre qu’il y a tant d’autres morts (suicides, maladies, manque de soins, surmortalité liée au stress générée par les dérèglements austéritaires, en réalité dérèglements sociaux, économiques et symboliques imposés), morts ainsi volontairement oubliés par les Syrizistes, car morts gênants, n’appartenant visiblement pas à sa clientèle politique.

Quand le moment du réveil arrivera pour nous, rien ne sera laissé en place. C’est déjà bien naturel car le lien social en Grèce est suffisamment disloqué. Pour la très petite histoire, j’ai été contacté en 2014 par une commission scientifique naissante, syrizocompatible et bénévole ; dont le but aurait été d’étudier le phénomène des suicides en Grèce “sous la crise”, et plus amplement la mortalité qui lui serait liée.

Le suicide de Dimítris Christoúlas. Athènes, le 4 avril 2012 (photo Greek Crisis)
Œuvre du dessinateur Ornerákis. Arbre de Dimitri Christoúlas, avril 2013 (photo Greek Crisis)
Mémoire immédiate. Arbre de Dimitri Christoúlas. Athènes, avril 2012 (photo Greek Crisis)

Cette commission, devait entre autres fournir des analyses et des éléments annexes mais fort essentiels, à la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, dont les travaux avaient été coordonnés comme on sait à l’époque (2015) par Éric Toussaint. L’idée, était aussi que les conclusions des deux Commissions, puissent être conjointement défendables devant l’Assemblée des nations, au sein de l’ONU par exemple, pour ainsi prouver et faire condamner la forme et la pratique criminelles des dites “institutions” (Troïka), finance comprise, cette force du mal a l’apparence d’une bête mécanique parfaite, tout à fait irresponsable.

Il a été aussi question d’ériger un monument bien sobre et digne, devant l’arbre où le retraité pharmacien Dimítris Christoúlas s’est suicidé le 4 avril 2012, acte à caractère ouvertement politique revendiqué de manière bien évidente à travers son ultime lettre:

“Le gouvernement d’occupation de Tsolákoglou a littéralement anéanti tous mes moyens de subsistance, qui consistaient en une retraite digne, pour laquelle j’ai cotisé pendant 35 ans, (sans aucune contribution de l’État). Mon âge, ne me permet plus d’entreprendre une action individuelle plus radicale (même si je n’exclus pas que si un grec prenait une kalachnikov je n’aurais pas été le deuxième à suivre), je ne trouve plus d’autre solution qu’une mort digne, ou sinon, faire les poubelles pour me nourrir. Je crois qu’un jour les jeunes sans avenir, prendront les armes et iront pendre les traîtres du peuple, sur la place Sýntagma, comme l’ont fait en 1945 les Italiens pour Mussolini, sur la Piazzale Loreto, à Milan”. Le général Geórgios Tsolákoglou, signataire de l’armistice avec les forces allemandes, fut le premier chef de gouvernement grec sous l’Occupation, nommé par les occupants d’alors (30/04/1941-02/12/1942). Son nom en Grèce est synonyme de “collaborateur”.

Éric Toussant devant l’arbre de Dimitri Christoúlas. Athènes, avril 2015 (photo Greek Crisis)
Les ferrys partiront toujours à destination des îles. Le Pirée, juillet 2017
Certaines boutiques en faillite du très vieux Pirée. Juillet 2017

La suite est presque connue. La Région d’Attique (administrée par la Syriziste Rena Doúrou depuis 2014), et ensuite le “gouvernement” SYRIZA/ANEL, ont tout fait, d’abord pour saboter et saborder l’affaire du monument sous l’arbre de Dimitri (témoignage direct entre autres de Katerina Thanopoúlou, Vice-présidente à la Région Attique entre 2014 et 2016, et démissionnaire de SYRIZA depuis l’été 2015).

La commission pour la vérité sur la dette publique grecque a été dissoute sous l’ordre de la Troïka, et notamment de Bruxelles comme de Berlin, suite à la trahison Tsipras (référendum et victoire du ‘NON’ du 5 juillet 2015), tandis que la commission suicide, n’a en réalité jamais vu le jour officiellement ni d’ailleurs très concrètement.

Aux yeux des Grecs, depuis 2015, Tsipras c’est aussi un Tsolákoglou, aussi peut-être parce nous vivons à une époque de somnambulisme généralisé. Sous cet angle, on comprend mieux ce rejet alors très inaccoutumé de la part des Grecs, sur cette affaire du monument dédié à la mémoire des pauvre morts de l’ERT, sauf que ceux de l’ERT… éternelle et toujours actuelle, feront encore semblant de ne rien comprendre.

Les voiliers trouveront toujours refuge dans les ports. Golfe Saronique, juillet 2017
Certains animaux adespotes mais adoptés parfois perdus et recherchés. Le Pirée, juillet 2017
Chattons nouveaux… et les filets des chalutiers. Golfe Saronique, juillet 2017

Le petit état de Commagène ; qui s’est éteint comme la faible veilleuse… la Grèce destination touristique… destinée, et au Pirée, les ferrys partiront toujours à destination des îles, tandis que certains animaux adespotes mais adoptés seront quelquefois perdus et ainsi désespérément recherchés.

Certaines boutiques du très vieux Pirée ont fait faillite, les voiliers trouveront toujours refuge dans les ports du Golfe Saronique et les chattons nouveaux, ils se cacheront dans les boutiques du Pirée en faillite, ou sinon, dans les filets des chalutiers aux capitaines Grecs et aux matelots Égyptiens, et cela depuis près de 30 ans.

Juillet déjà. Le blog dans ses habits d’été ! Nous admirerons dignement la seule et vraie aube dorée de l’Égée comme d’en face, à l’expression comme on sait usurpée par les nazillons devenus… homonymes.

En Golfe Saronique. Parfois… petite fréquentation. Juillet 2017

Nous vivons de toute évidence à une époque de somnambulisme généralisé, d’écœurement également. “Je ne suis plus l’actualité, c’est une vraie fosse septique, elle nous empoisonne le peu qu’il nous reste… de dignité… basta. C’est comme perdre son temps avec les choses inutiles”, témoigne alors mon ami Yórgos de l’île de Chios, joint au téléphone. Des épaves brisées de voyages inachevés, des pays qui ne savent plus comment aimer.

“La mer qui nous navra est vaste et insondée, elle déroule un calme infini” (Yorgos Seféris, “Légende”, 1933-1934, trad. Lévesque).

Chat nouveau dans une boutique du Pirée en faillite. Juillet 2017
* Photo de couverture: La seule vraie aube dorée. Golfe Saronique, juillet 2017

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

L’ultimatum de l’Italie sur les migrants met les Européens devant leurs responsabilités

Par Amélie Poinssot sur Mediapart

Dimanche 2 juillet, les ministres de l’intérieur italien, français et allemand se sont réunis après la demande de Rome d’accueillir collectivement les milliers de migrants qui débarquent en ce moment sur les côtes italiennes. Malgré les calendriers nationaux.
Pas certain que l’ultimatum de Rome, mercredi 28 juin, ait porté ses fruits. Débordée par de nouvelles arrivées de migrants, l’Italie avait menacé de fermer ses ports aux bateaux de sauvetage afin de les rediriger vers ceux des autres pays méditerranéens. 220 000 migrants ont besoin d’assistance, avait alors averti le ministre italien de l’intérieur, Marco Minniti. À la suite de cet appel, une réunion était organisée ce dimanche à Paris entre les ministres de l’intérieur italien, français et allemand, et le sujet sera sur la table d’une réunion informelle du Conseil de l’UE à Tallinn (Estonie) en fin de semaine. Mais à lire le communiqué diffusé à l’issue de la rencontre parisienne, aucun changement de cap n’est perceptible chez les dirigeants européens. La feuille de route est claire : il faut « un soutien accru » à l’Italie, mais aussi « contribuer à endiguer le flux migratoire ». Les quatre axes privilégiés ont été vivement critiqués ce lundi par les ONG italiennes.
La première résolution propose en effet de « travailler à un code de conduite pour les ONG, qui devra être préparé et présenté par l’Italie, afin d’améliorer la coordination avec les ONG opérant en Méditerranée centrale ». Les ONG qui agissent en Méditerranée pour sauver des vies humaines sont depuis un moment déjà dans l’œil du cyclone, cible d’une violente campagne de dénigrement visant à les décrédibiliser aux yeux des opinions publiques européennes. Cette fois-ci, il s’agirait d’entraver leur action. « L’idée est que les ONG doivent certes répondre à leur vocation de sauvetage en mer, mais ne pas alimenter elles mêmes ce flux incessant » en entrant dans les eaux territoriales libyennes pour aller au plus près des migrants, explique-t-on dans l’entourage du ministre français. Pour Oliviero Forti, chef du département « Immigration » à Caritas Italie, cité par La Republicca de ce lundi, « limiter fortement l’action des ONG et sous-traiter les frontières est inacceptable, cela signifie aller dans le sens opposé à ce que nous espérions, à savoir trouver des voies légales d’entrée et des systèmes de séjour européen sécurisé ».
En ce qui concerne l’appel de Rome lancé la semaine dernière aux Européens pour qu’ils ouvrent leurs ports aux bateaux secourant les migrants, ce n’est « pas l’option la plus à même de répondre à la situation », souligne-t-on de même source, en rappelant que les ONG elles-mêmes jugent que cela rallongerait le temps en mer. Cela pourrait en outre être « contreproductif » en risquant de « créer un appel d’air supplémentaire », ajoute-t-on.
Le deuxième axe cité dans le communiqué vise en effet à renforcer la coopération avec les autorités libyennes – un pays en proie au chaos et où les lieux de détention sont notoirement connus pour être gangrénés par la torture et l’arbitraire. « Un plan selon nous inacceptable du point de vue des droits de l’homme », ajoute Oliviero Forti. Cette perspective s’inscrit elle aussi dans le droit fil des orientations prises par l’Union européenne ces derniers mois, puisque l’UE a mis sur pied en février un accord bilatéral avec la Libye afin de stopper l’immigration en provenance de ce pays du Maghreb. Il s’agirait de « renforcer le soutien aux gardes-côtes libyens en augmentant les activités de formation et en fournissant un appui financier additionnel, tout en assurant un suivi étroit des activités », selon les mots du communiqué, dans lequel on peut lire également qu’il faudrait « fournir un soutien additionnel à l’OIM [Office international des migrations – ndlr] et au HCR [Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés – ndlr] pour permettre que les infrastructures en Libye atteignent les standards internationaux en termes de conditions de vie et de droits de l’Homme » – une idée chère au ministre italien Marci Minitti, mais qui risque de demander un travail énorme tant les ONG font état de conditions épouvantables dans les centres de détention.
Le plan veut aussi examiner comment renforcer les contrôles à la frontière sud de la Libye « afin d’endiguer les flux migratoires irréguliers », et ce « en coordination étroite avec les pays voisins ». Il s’agirait notamment d’apporter un soutien au Niger, où Agadez représente une plaque tournante du trafic d’êtres humains.

 

L’association AOI, qui regroupe différentes organisations italiennes de coopération et de solidarité internationale, a vivement réagi ce lundi. Dans un texte diffusé sur son site internet, elle exprime sa « forte préoccupation » face aux résultats de la réunion parisienne : « L’Italie, l’Allemagne et l’UE ont décidé de faire “confiance” et d’accorder de l’autonomie dans la gestion des flux de migrants et de réfugiés au gouvernement libyen, lequel n’a aucun respect des droits de l’homme, ainsi que de donner à sa garde côtière une pleine liberté de mouvement (…). »

Les ministres de l’intérieur ont par ailleurs esquissé une troisième perspective : « Renforcer la stratégie de l’UE pour les retours, en tirant pleinement profit des capacités fournies par Frontex ainsi que de la réévaluation agréée de la politique de visas à l’égard de pays tiers pour augmenter les taux de réadmissions lorsque c’est nécessaire. »
En filigrane, ce sont notamment des pays d’Afrique de l’ouest qui sont visés.
Enfin, le dernier axe pourrait prêter à sourire si le sujet n’était aussi tragique. Il en appelle en effet à se saisir du programme européen de relocalisation mis au point il y a deux ans, malgré le fait qu’il s’est illustré par un échec retentissant : sur les 160 000 places prévues pour les réfugiés de Grèce et d’Italie dans les 26 autres États membres, seuls 22 841 de ces réfugiés ont été effectivement réinstallés, dont les deux tiers depuis la péninsule hellénique. Au 29 juin, 7.354 personnes avaient été relocalisées depuis l’Italie, dont 2.947 en Allemagne et 330 en France, selon la Commission européenne.« La France et l’Allemagne se sont engagées à renforcer leurs efforts de relocalisation », dit le communiqué. Faut-il le croire ? Dans ses derniers engagements pris au niveau européen, Paris prévoyait l’accueil de 7 115 réfugiés depuis l’Italie. Seules 990 places ont été mises à disposition, et les personnes effectivement reçues sont au nombre de… 330.
Ce dimanche, dans un entretien à Il Messaggero, Marco Minniti appelait les Européens à prendre leurs responsabilités : « Le match le plus important se joue, en ce moment, en Libye : la frontière libyenne est la véritable frontière méridionale de l’Europe, déclarait-il. En ces cinq premiers mois de l’année, 97 % des migrants sont venus de Libye. Il faut créer un gouvernement stable en Libye et nous sommes en train d’y travailler car cela est aussi un moyen de combattre les passeurs. Si les bateaux chargés de migrants débarquent uniquement dans les ports italiens, il y a quelque chose qui ne marche pas. C’est le cœur de la question. Je suis européen et je serais fier si un seul bateau pouvait arriver dans un autre port européen. Cela ne résoudra pas les problèmes de l’Italie mais ce serait un signal extraordinaire. »
Las, pour l’heure, les dirigeants européens n’en prennent pas le chemin. Faute de vision partagée de la solidarité européenne, chacun se laisse enfermer dans son calendrier national – Macron tout à sa réforme du code du travail, soucieux de ne pas s’exposer sur d’autres sujets sensibles, Merkel les yeux rivés sur les élections législatives de septembre. Les Italiens eux-mêmes n’échappent pas à la règle : si le gouvernement transalpin a tiré la sonnette d’alarme aussi fort cette fois-ci, c’est que le Parti démocrate (PD) a essuyé un échec cuisant aux élections municipales partielles de juin et se trouve bien affaibli à l’aune du scrutin législatif de l’hiver prochain. Jeudi, le premier ministre italien Paolo Gentiloni a averti Emmanuel Macron : « Les flux migratoires ne cesseront pas si l’on ne nous aide pas, et le risque est que les populistes triomphent aux prochaines élections. »
La réponse du président français a fait l’effet d’une douche froide pour la presse transalpine, qui l’a largement commentée : « La France doit faire sa part sur l’asile, mais n’oublions pas que 80 % des migrants qui arrivent en Italie sont des migrants économiques et non des réfugiés, il ne faut pas confondre les deux », a déclaré le patron de l’Élysée.
Plusieurs maires pro-migrants ont été désavoués par les électeurs, au premier rang desquels la très médiatique maire de Lampedusa, Giusi Nicolini, éliminée dès le premier tour avec 900 voix sur 4 000 exprimées. Icône de l’accueil des migrants en Italie, cette ancienne militante de la protection de l’environnement s’est vu promettre une place au sein de la direction du PD, où elle pourrait être chargée des questions d’immigration, écrit le correspondant du Monde à Rome. Mais symboliquement, sa non-réélection est lourde de sens.
Certains bastions démocrates ont en outre été arrachés par des coalitions très à droite et à l’agenda anti-migrants. La défaite la plus emblématique est celle de Gênes, où une alliance constituée par Forza Italia – le parti de Silvio Berlusconi – et la Ligue du Nord a remporté 55 % des voix. C’est la première fois en cinquante ans que la cité portuaire va être gouvernée à droite. Dans les Abruzzes, un autre bastion de gauche, L’Aquila, a également basculé. Au total, la droite a triomphé au deuxième tour dans 15 des plus grandes villes où l’on votait, tandis que le centre-gauche n’a remporté que quatre victoires.
L’Italie, qui a accueilli plus de 500 000 migrants depuis 2014, est redevenue la première porte d’entrée dans l’Union européenne pour toutes ces personnes poussées sur la route de l’exil. Des personnes qui risquent, bien malgré elles, d’être instrumentalisées dans une campagne électorale où l’ancien premier ministre Matteo Renzi joue son retour.

L’opération  » détruire les grecs » chapitre II : Chypre

L’opération « Détruire les grecs « . Chapitre II: Chypre Par Dimitris Konstantakopoulos ancien membre du comité central de Syriza.

Global Research, 03 juillet 2017

 Un coup d’État juridique et politique international se déroule de nos jours avec l’aide et la coopération de la Commission européenne contre un autre Etat de l’UE, après la Grèce la République de Chypre.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, Juncker et Guterres tentent, par l’application des lignes directrices de la politique américaine et britannique, de détruire un deuxième membre de l’UE après la Grèce et de le transformer en une sorte de protectorat post-moderne. Ce qui est encore plus impressionnant, presque personne ne parle de cela dans les médias internationaux, ou, quand ils en parlent, ils reproduisent simplement le récit officiel.

Comme 82% de la population chypriote sont des Grecs par nationalité, ce coup devrait être considéré comme une continuation et une «radicalisation» du programme «Détruire les Grecs» mis en œuvre par l’UE et le FMI, sous la supervision de La Haute Finance en alliance avec l’Allemagne, depuis sept ans. De l’économie, ils passent maintenant à la géopolitique. Jusqu’à présent, ils ont usurpé la souveraineté grecque en matière de politique économique. Avec le coup d’Etat chypriote, ils tentent d’usurper la souveraineté «difficile» du peuple grec.

Je n’utilise pas le terme coup d’état comme un schéma rhétorique, je l’utilise stricto sensu .

Une conférence internationale a été convoquée à Genève, avec trois États étrangers (Grande-Bretagne, Turquie, Grèce) représentés avec des représentants des deux plus grands groupes nationaux de Chypre: les Grecs et les Turcs. La République de Chypre, un État membre de l’UE, n’est pas représentée officiellement dans cette conférence. Deux des trois États (la Grande-Bretagne et la Turquie) ont par le passé lancé des guerres très sanglantes contre les Chypriotes.

Le but de cette conférence est d’élaborer un nouveau «Traité pour une Chypre fédérale» et de décider du futur régime constitutionnel et international de cet état, sans tenir compte de ce que les citoyens de Chypre pensent à propos de cela. La raison pour laquelle ils ont convoqué une telle conférence est qu’ils ne sont pas en mesure de persuader les Chypriotes eux-mêmes d’organiser un référendum pour voter la solution proposée par les puissances occidentales au conflit ethnique de l’île, une solution équivalente au suicide de l’Etat chypriote et sa transformation en un protectorat !

Le gouvernement grec, qui agit de plus en plus comme représentant en Grèce de la Troïka et de l’Occident, non comme représentant du peuple grec, a accepté de participer à cette farce criminelle. Il en est de même avec le président de Chypre lui-même, qui est ouvertement, internationalement et publiquement menacé de diverses allégations criminelles, en particulier le scandale de Lebedev, aux mains de l’administration et des tribunaux américains.

Malheureusement pour le peuple grec en Grèce et à Chypre, sa classe politique et dirigeante a fait le plus grand progrès en Europe pour faire progresser l’agenda totalitaire des puissances étrangères qui cherchent à subjuguer et à détruire le peuple grec, ses états et leur démocratie.

Dans le nouvel «état» qu’ils veulent créer à Chypre, la règle de la majorité (la base de la démocratie) sera officiellement abolie, car les 18% de minorités auront un veto sur toutes les décisions essentielles, et les juges et les responsables étrangers prendront les décisions dans les contingences très probables où les Grecs et les Turcs ne sont pas d’accord.

Le nouvel État n’aura aucune armée ni sa propre police, mais sera sous le pouvoir d’une force de police internationale !

En fait, leur intention est de ramener Chypre au statut de colonie, c’est ce qu’elle était avant sa révolution de 1955 à 1959 et avant qu’elle ne soit indépendante en 1960 !!! Ils ont en gestation un monstre, une sorte d’état Frankenstein.

Ce coup d’État est une expression de plus de l’attaque mondiale contre la souveraineté populaire et nationale, contre l’État social et contre toutes les formes de démocratie.

C’est la même attaque qui est également organisée par des traités tels que TTIP, CETA, etc., qui visent à créer rien de moins qu’un ordre mondial totalitaire, détruisant toute possibilité existante de pouvoirs élus, au niveau local ou national, influant sur les décisions qui affectent les peuples..

Le néolibéralisme était initialement une proposition économique et politique. Il s’agit maintenant d’une proposition de changement de régime. Il est déjà clair que, depuis le Traité de Maastricht au moins, nous avons été témoins d’un coup d’Etat à multiples facettes en Occident, ce qui a miné les fondements mêmes de l’ordre politique occidental. Ils abolissent le principe de la souveraineté populaire en tant que tel, cherchant à le remplacer par un royaume de la finance, dont le pouvoir est incorporé dans diverses organisations internationales et leurs bureaucraties, y compris les institutions et les bureaucraties de l’UE et la plupart des «gouvernements nationaux». Ils ne déclarent pas ouvertement, mais ils procèdent par différents moyens, y compris TTIP, CETA et les autres traités de même nature.

Nous semblons vivre une gigantesque contre-révolution internationale, contre les résultats sociaux et politiques de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des peuples européens contre le nazisme et le fascisme et, en réalité, contre les principes mêmes des Lumières et des révolutions française et similaires (y compris la grecque de 1821 et la chypriote de 1955-59).

Nos nations sont en péril et nos États ont déjà été, plus ou moins, détournés par la mondialisation, c’est-à-dire par la dictature internationale du capital financier, ou du moins par une alliance politiquement et stratégiquement cohérente, en alliance avec le complexe militaire et industriel américain Et l’OTAN.

Le contenu du régime politique occidental, tel que nous l’avons connu depuis 1945, a déjà été largement aboli et sa forme juridique va maintenant progressivement changer pour refléter cette nouvelle réalité. L’un des moyens utilisés est celui des traités internationaux mentionnés précédemment. Un autre facteur pertinent est la manière dont l’Union européenne, le FMI et la BCE ont réagi à la crise bancaire de 2009, en la transformant en une crise de la dette et en l’utilisant comme un outil pour détruire la souveraineté populaire et nationale, en particulier en Europe du Sud.

Nulle part, cette expérience n’est allée aussi loin qu’en Grèce, qui est utilisée, en même temps, comme un exemple pour effrayer les autres Européens, comme bouc émissaire et comme champ d’expérimentation. Le programme de sauvetage imposé au pays a déjà conduit à une crise économique et sociale de proportions sans précédent, plus profonde que l’énorme crise de 1929 aux États-Unis ou la crise de la République de Weimar en 1929-1933.

La Grèce est maintenant le champ de bataille du nouveau totalitarisme financier comme entre 1936 et 1939, l’Espagne était le champ d’expérimentation des totalitarismes nazis et fascistes croissants.

Le programme appliqué à la Grèce n’est pas un programme classique de réformes néolibérales. C’est une erreur de décrire ce qui se passe en Grèce en utilisant des termes comme l’austérité. Il s’agit de l’assassinat d’une nation. Les créanciers ont déjà enlevé la souveraineté nationale et populaire grecque. Une troïka gère même les affaires quotidiennes de l’État et du gouvernement. Toute propriété publique grecque est enlevée. La population grecque se rétrécit car les jeunes n’ont pas d’enfants; Les jeunes ayant des qualifications spécialisées émigrent en grand nombre; La mortalité augmente chez les retraités en raison de l’effritement des systèmes de santé et de sécurité sociale. Les pensions grecques ont été réduites quinze fois dans les sept années du programme de «renflouement». La psychologie et le moral du peuple grec sont au plus bas, remarquablement semblable à la psychologie de M. K., l’accusé dans le procès par Franz Kafka.

Ce n’est pas seulement une expérience politique, économique, sociale mais en quelque sorte anthropologique. Ils veulent non seulement détruire la nation, la démocratie, l’état. Ils veulent détruire leur idée et l’idée même de la citoyenneté. Ils veulent conduire la Grèce à commettre une sorte de suicide collectif et ils ont jusqu’ici en grande partie réussi, spécialement depuis la trahison de SYRIZA, l’une des plus graves trahisons dans l’histoire du mouvement international de gauche.

Maintenant, avec le coup d’Etat de Chypre, cette attaque contre les Grecs prend de nouvelles formes sans précédent et même plus dangereuses.

Ce qui se passe en Grèce, ce qui se passe au Moyen-Orient, ce qui se passe avec le climat, tous sont des preuves que nous sommes confrontés à une offensive horrible, extrêmement radicale et impitoyable par les forces les plus dangereuses et les plus réactionnaires que l’humanité a jamais produites. Aucune illusion n’est permise. Mais la plupart d’entre nous ne donnent pas une réponse proportionnée à la situation. Nous condamnons souvent ces phénomènes, mais nous ne nous comportons pas comme s’il s’agissait d’une question de vie ou de mort pour la civilisation humaine.

Il est important dans ces conditions de défendre chaque élément, partout, de la souveraineté populaire et nationale. Mais en même temps, nous devrions comprendre qu’une telle lutte ne peut finalement pas être gagnée au niveau local ou national, d’autant plus que nous vivons déjà, dans une large mesure, dans ce qui est objectivement un état, et cet état, que nous l’aimions ou non, c’est l’UE. Nos adversaires ont déjà un programme régional et mondial sophistiqué, mais nous essayons de les confronter dans le contexte étroit des réalités nationales de plus en plus sans importance.

Nous avons besoin de nouveaux sujets politiques qui tiennent compte du caractère radical de l’offensive que nous affrontons, consacrée dans nos réalités nationales, mais aussi, dans le même temps, dans la réalité internationale objective.

Plus que jamais, nous avons besoin d’une conférence Zimmerwald B, un siècle après la première.

* Ce qui précède est d’une intervention à la Conférence sur une réponse démocratique aux Accords de libre-échange, organisée par la Fundación Galiza Semper et le Centre Maurits Coppieters à Coruna (Galiza).

La source originale de cet article est Defend Democracy Press

Copyright © Dimitris Konstantakopoulos , Defend Democracy Press , 2017

Lien pour l’article en anglais

http://www.defenddemocracy.press/the-destroy-greeks-operation-chapter-ii-cyprus/

The “Destroy Greeks” operation: Chapter II (Cyprus)

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