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Grèce : émigration des médecins

« Hémorragie dans la santé : En 10 ans, 12 408 médecins grecs sont partis travailler en Europe

Depuis 10 ans on assiste à une véritable hémorragie dans le secteur de la santé en Grèce avec 12 408 médecins qui ont émigré à l’étranger. Le Président de l’Association des Médecins d’Athènes ( ISA) ne décolère pas : « L’Angleterre, l’Allemagne, Chypre, la Suède, les Emirats Arabes Unis, la France… les accueille, alors que nous les avons formés…nous sommes la « matrice » des ressources médicales pour d’autres pays ! ».

Il dénonce cette fuite dans le domaine vital de la science médicale avec le départ de milliers de médecins, principalement des spécialistes, dans divers pays européens et autres à la recherche d’un emploi qu’ ils ne trouvent pas chez eux.

Si jusqu’en 2009 cet exode concernait principalement de jeunes médecins diplômés, il s’agit depuis 2010 du départ de médecins spécialistes, des médecins qui ont étudié et ont acquis une spécialité grâce à l’investissement du système éducatif et du système de santé en Grèce. Au cours des six dernières années , le nombre de médecins spécialistes fuyant la Grèce a plus que doublé le nombre de médecins non qualifiés.

En 2017, ont demandé et obtenu les certificats nécessaires auprès de l’ISA, 1293 médecins, dont 923 spécialistes et 370 sans spécialité médicale. En 2016 , étaient partis 862 qualifiés et 306 non qualifiés. En 2015 , les départs étaient encore plus importants avec 356 médecins qualifiés et 1165 non qualifiés. En 2014 , on a enregistré une « fuite » au total de 1 380 médecins, dont 1.006 de scientifiques qualifiés. En 2013 , ont quitté 1 488 médecins, avec 1086 d’entre eux qualifiés. 2012 , a été enregistrée comme l’année « noire » de la dernière décennie pour la « fuite » des ressources médicales : ont quitté la Grèce 1 808 médecins avec 1 166 médecins qualifiés.

 » Le chômage, l’ incertitude et le manque de méritocratie poussent le personnel le plus qualifié dans le pays pour chercher sa fortune à l’ étranger. La Grèce s’est maintenant transformée en une matrice d’exportation d’un potentiel médical , mais qui bénéficient à d’ autres pays « , a déclaré le président de l’ ISA, M. George Patoulis.

Selon M.Patoulis la « saignée » des scientifiques n’est pas traitée: « Aucun responsable n’ a traité la fuite des cerveaux. En particulier en ce qui concerne les médecins , la situation est très déprimante. Je crois que si la politique de santé ne change pas, la « saignée » s’intensifiera. On ouvre des postes pour les unités sanitaires locales (Tommy) et on propose des salaires de 1200 euros.

Quelle est l’incitation donnée à un médecin qualifié pour rester en Grèce lorsque vous pouvez demander une position autre rémunération et d’ autres dynamiques en Europe? « Demande M. Patoulis.

De plus ce phénomène de départs des médecins grecs à l’ étranger s’accentue avec le départ à la retraite des médecins du système national de santé (NHS). Selon la Fédération nationale des médecins hospitaliers Association (POEDIN), la nécessité pour les médecins spécialisés dans les hôpitaux du NHS dépasse les 6000 postes. Au ministère de la Santé les données actuelles comptabilisent 7271 médecins du NHS et 2.000 autres médecins auxiliaires .

« Cette inflation de jeunes médecins et la politique de santé inexistante au niveau du gouvernement ont provoqué une situation suffocante pour le monde médical. Dans quel autre pays voit on une situation perverse et paradoxale: un système de santé en effondrement basé sur du personnel âgé , et les jeunes médecins à la recherche d’ un emploi à l’ étranger? Qui, quand et comment transmettre les connaissances dans les hôpitaux grecs aux jeunes médecins ? « note profondément préoccupé M. Patoulis.

CK

Vivre avec la pension des parents

LA MOITÉ DES GRECS VIVENT GRACE AUX PENSIONS DES PARENTS !

Édifiant, le reportage que vient de publier le journal américain Wall Street Journal qui a interviewé de nombreux jeunes forcés de retourner à la maison familiale pour joindre les deux bouts et qui vivent grâce aux pensions des parents retraités.

Ainsi témoigne, Lumbi Nychas, âgé de 33 ans qui il y a 2 ans est revenu dans sa chambre d’enfant, après sa faillite de ses ventes de bijoux. Quelques mois plus tard, il rentra chez lui ainsi que sa sœur, avec son mari et leur fille. Aujourd’hui, tout repose en grande partie sur la pension de leur père âgé de 67 ans.

Comme le décrit le WSJ, le système de retraite en Grèce est devenu un réseau social de facto pour les citoyens les plus vulnérables du pays, avec des millions de personnes âgées qui utilisent leur pension de retraité pour fournir ce qui est nécessaire à leurs familles.

Cette vaste dépendance des pensions explique la douleur ressentie par les Grecs alors que le gouvernement se prépare à présenter une nouvelle série de coupes dans les retraites en 2018 et 2019. Les retraités devraient voir leur pension réduite d’un cinquième, jusqu’à la treizième réduction qui s’applique dès le début du protocole d’accord en 2010.

« Étant donné que la société grecque repose en grande partie sur le paiement des pensions, les dépenses consacrées aux retraites sont plus importantes que les autres formes de dépenses sociales qui pourraient être utilisées pour lutter contre les fléaux de l’Europe, tels que la pauvreté, les taux de natalité, l’inégalité des revenus et l’imprévisibilité de la main-d’œuvre pour l’économie d’aujourd’hui « , a indiqué le journal.

Il poursuit: « Les pensions en Grèce représentent désormais 17,4% du produit intérieur brut, selon les derniers chiffres du ministère grec du Travail, le taux le plus élevé en Europe. En dépit de coupes successives, les dépenses de retraite en pourcentage du PIB ont atteint leur point culminant de la crise, alors que l’économie du pays a diminué de plus d’un quart « .

« Dans les années 1950 et 1960, plus de la moitié des Grecs qui recevaient des pensions n’avaient pas cotisé. Jusqu’en 2011, les coiffeurs, les mannequins et les diffuseurs de recettes de télévision d’Etat occupaient des «emplois lourds et insalubres», pour lesquels une année de cotisation produisait les mêmes avantages que trois années payées par un comptable ou un détaillant » poursuite le Wall Street Journal.

Comme il le souligne, l’abandon de telles exagérations crée le sentiment que les Grecs plus âgés, peut-être sans leur propre responsabilité, ont souffert de l’avenir de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Avec le stress d’attirer les électeurs, les gouvernements ont favorisé la retraite anticipée.

« Avec l’effondrement de l’économie grecque et le chômage à 21%, les retraités constituent la principale source de revenus pour la moitié des habitants du pays », note la publication.

Il poursuit: « En 2016, la Grèce a octroyé 30 milliards d’euros en pensions, mais moins de 1 milliard d’euros de prestations de chômage, qui n’indemnise que un grec sur trois au chômage… Le pays dépense moins de 2% du PIB pour soutenir les familles, le logement et la lutte contre la pauvreté ».

Et comme le conclut le Wall Street Journal, tout ceci rend particulièrement douloureux les réductions de pensions exigées par les créanciers internationaux en Grèce, en particulier après de nombreuses coupes précédentes.

CK

De l’interprétation des chiffres de la crise migratoire

La «crise migratoire» n’a pas eu lieu

Par Carine Fouteau Mediapart

Le nombre d’arrivées de migrants ayant traversé la Méditerranée pour rejoindre l’UE a été divisé par deux en 2017 par rapport à 2016 et par cinq par rapport à 2015. La « crise » est terminée. A-t-elle jamais eu lieu ?

La « crise migratoire » est terminée mais les États membres de l’Union européenne n’en finissent pas d’agiter les peurs et de durcir leurs politiques pour empêcher les migrants de débarquer sur leurs côtes. Lors de ses vœux aux Français, le 31 décembre 2017, Emmanuel Macron, après avoir affirmé qu’« accueillir les femmes et les hommes qui fuient leur pays parce qu’ils y sont menacés » était un « devoir moral, politique », s’est empressé d’ajouter que « nous ne pouvons accueillir tout le monde », afin de justifier les mesures de « contrôle d’identité » prévues par une circulaire du 12 décembre dans les foyers d’hébergement d’urgence, mettant en cause l’accueil inconditionnel.

Les statistiques disponibles auprès de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), rattachée à l’ONU, montrent pourtant que les arrivées de migrants par la Méditerranée ont drastiquement chuté en 2017 : leur nombre a été divisé par deux par rapport à 2016 et par cinq par rapport à 2015. En 2017, 170 249 personnes ont traversé la mer au péril de leur vie, contre 363 401 en 2016 et 1 012 169 en 2015 !

Les arrivées de migrants par la mer en Europe, de janvier 2015 à janvier 2018 © UNHCR
Les arrivées de migrants par la mer en Europe, de janvier 2015 à janvier 2018 © UNHCR

Ce que l’ONU a désigné comme étant l’exode le plus important qu’ait connu l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale n’aura duré que quelques mois, du printemps 2015 au printemps 2016, avec un pic à l’automne 2015. Le record a été atteint avec 220 579 arrivées au cours du seul mois d’octobre 2015. À titre de comparaison, elles n’auront pas dépassé 14 000 deux ans plus tard durant la même période.

L’« exode » de 2015-2016 a concerné principalement des Syriens et des Afghans fuyant leur pays et ayant traversé la Méditerranée via la mer Égée, au départ de la Turquie. Les images de cohortes de familles réfugiées remontant la route des Balkans à pieds, bagages et bébés sous le bras, ont marqué les esprits, ainsi que celle du petit Aylan Kurdi, dont le corps a été retrouvé étendu sur une plage turque, après le naufrage de l’embarcation qui devait le conduire en Europe. Associé au blocage successif des frontières en Europe centrale, l’accord politique et financier signé entre l’UE et la Turquie en mars 2016 et autorisant le renvoi massif des demandeurs d’asile débarqués en Grèce a provoqué un ralentissement net des tentatives de passage, au risque de laisser sans protection des personnes menacées dans leur pays d’origine.

Les arrivées en Italie au départ de la Libye ont ensuite pris le relais, mais dans des proportions (en moyenne 20 000 par mois) qui n’ont jamais concurrencé les 200 000 du mois d’octobre 2015 entre la Turquie et la Grèce. Les pays d’origine ont logiquement changé, les Nigérians, en 2017, arrivant en tête, devant les Guinéens, les Gambiens et les Ivoiriens.

Les arrivées de migrants par la mer, mois par mois, au cours des trois dernières années © OIM
Les arrivées de migrants par la mer, mois par mois, au cours des trois dernières années © OIM

 

Lors de la dernière période, les départs depuis la Libye ont à leur tour diminué, à la suite des très contestables alliances plus ou moins secrètes conclues entre Rome et diverses milices de trafiquants libyens. Et c’est l’Espagne, tout en restant en troisième position derrière l’Italie et la Grèce, qui a enregistré la hausse la plus importante des arrivées : leur nombre a plus que doublé en un an, pour atteindre 26 941 en 2017 (contre 118 914 en Italie et 33 986 en Grèce par voie de mer et de terre). Après avoir atteint un niveau record en 2006 (39 180), elles avaient pourtant ensuite nettement diminué, jusqu’à devenir marginales, en raison des patrouilles des bateaux de Frontex, l’agence de surveillance européenne des frontières extérieures, dans le détroit de Gibraltar. Nouveauté, l’Algérie rejoindrait le Maroc comme pays de départ. La diversification des routes est une constante dans l’histoire des mouvements migratoires : qu’une voix d’accès se ferme, son remplacement par une autre est immédiat.

L’examen approfondi de l’« exode » de 2015-2016 permet d’aller encore plus loin. Terminée, la « crise » a-t-elle même eu lieu ? Dans l’ouvrage collectif publié, fin 2017, par le réseau européen et africain de militants et de chercheurs Migreurop, Atlas des migrations en Europe, approches critiques des politiques migratoires (Armand Colin), l’instrumentalisation des chiffres des migrations par les gouvernants et les médias fait l’objet d’une vive critique. Ses auteurs expliquent que les statistiques sont généralement diffusées en valeur absolue, sans comparer les années les unes par rapport aux autres, et de manière décontextualisée et partielle. « Cette utilisation des chiffres est l’un des rouages classiques de la construction de l’idée d’envahissement », soulignent-ils.

L'Union européenne est-elle confrontée à un nombre important de réfugiés ? © «Atlas des migrants en Europe», Migreurop, 2017.
L’Union européenne est-elle confrontée à un nombre important de réfugiés ? © «Atlas des migrants en Europe», Migreurop, 2017.

 

Pour déconstruire leur usage, ils rappellent leur face cachée. Ainsi, les données fournies par Frontex sont peu fiables : certains « franchissements illégaux » de frontières sont comptés plusieurs fois, par exemple lorsque les personnes, entrées une première fois dans l’UE par la frontière turco-grecque, en ressortent ensuite par la Macédoine, avant d’y entrer de nouveau via la Croatie ou la Hongrie. Ces chiffres reflètent en outre l’augmentation du budget de cette agence et donc l’accroissement de l’activité de ses gardes-frontières.

Les auteurs du livre notent par ailleurs que le durcissement des politiques migratoires européennes a pour conséquence de considérer davantage de migrants comme étant en situation irrégulière. Préférant parler de « crise de la politique migratoire » que de « crise des migrants », ils font remarquer que si les arrivées des demandeurs d’asile au sein de l’UE en 2015 (1 257 030) et 2016 (1 204 280) sont effectivement supérieures à celles de l’année 2014 (562 700), elles sont réparties de manière très inégale entre les États membres, 60 % des demandes ayant été déposées en Allemagne en 2016. Le nombre total d’entrées de ces personnes en Europe, ajoutent-ils, ne représente que 0,24 % de ses 508,2 millions d’habitants. « Plus encore : la totalité des demandes d’asile déposées dans l’UE ces dix dernières années représente moins de 1 % de sa population en 2016 », écrivent-ils, observant que des hausses similaires ont existé au début des années 1990 et que l’augmentation de 2015-2016 est également à mettre en relation avec l’élargissement de l’UE de 15 à 28 depuis 2004. « L’usage des chiffres, couplé aux images diffusées par les médias et aux déclarations politiques, participe à faire croire que ce qui se déroule à une échelle locale, par exemple sur l’île grecque de Lesbos, est représentatif de la situation à l’échelle nationale, voire européenne », indiquent-ils.

Au bout du compte, le nombre des arrivées est systématiquement perçu comme trop élevé, par rapport à une situation supposée normale qui serait fixée à zéro. « L’immigration apparaît dès lors non seulement comme surnuméraire, mais aussi comme une anomalie », concluent les auteurs de l’Atlas des migrants en Europe. Et le tour est joué : l’ennemi imaginaire sert à cristalliser les peurs des opinions publiques, qui se développent pour tout un tas d’autres raisons, notamment économiques et sociales, et à justifier la mise en œuvre de politiques toujours plus dures à l’égard des migrants.

La mesure humaine La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Dans cette rubrique il évoque Lávrion et ses mines qui devinrent aussi un des principaux centres des luttes sociales et politiques en Grèce, dont la révolte du 7 avril 1896 et réagit à l’approbation de l’aménagement de l’ancien aéroport d’Ellinikon.

La mesure humaine

 

À Athènes, l’année 2018 celle de la météo, a bien commencé avec des températures (disons) saisonnières qui ont atteint 15 °C par endroits. Les mieux pourvus, et ceux ayant pu se permettre une si rare exception qui toujours confirme la règle, se sont rués sur les plages comme sur les tavernes de la Riviera d’Attique. Au même moment, le “gouvernement” aura encore “légiféré”, essentiellement par décrets entre le 1er et le 2 janvier, pour… le meilleur des méta-mondes. Ah… la bonne année !

Bords de mer en Attique. 1er janvier 2018

Encore heureux, nous ne connaissons pas pour l’instant cette ère “prometteuse” lorsque les… avatars iront se ruer par milliers sur les exosquelettes ou sur les… bio-conservateurs (encore) réellement existants, rien que parce que ces derniers auront tout simplement voulu faire si possible preuve d’héliotropisme. Ainsi, l’époque qui est la nôtre, elle roule déjà sur l’herbe, celle que nos futures chèvres… numérisées ne mangeront plus. Autrement-dit, de… blabla-car à blabla-corps, ce ne serait finalement qu’une affaire de chemin à parcourir.

Fuyant donc les tavernes des bords de mer (et pour cause), votre humble chroniquer et toute sa crise avec, ont plutôt préféré pour cette première journée de l’année calendaire rendre hommage au… Chaos, comme autant rendre hommage au passé des humains, à leurs lieux d’une certaine mémoire, s’agissant des mines de Lávrion, vestiges allant de l’antiquité au 19e siècle. C’est un beau coin que je fais parfois visiter à mes participants aux programmes Greece Terra Incognita guère loin du Cap Sounion et du célèbre Temple de Poséidon.

Et c’est dans cette partie de l’Attique, qu’on y découvre aussi ce fameux gouffre, un effondrement géologique tel un trou béant que les locaux font semblant d’attribuer parfois à une météorite… que personne n’a certainement jamais vu. Ce… trou, se nomme paraît-il “Chaos” depuis l’Antiquité. Oui, en cette première journée de 2018 nous avons visité… Chaos, pour ensuite rendre aussi hommage à l’Homme !

Lávrion et en face ; les îles de Makrónissos et de Kéa. Janvier 2018
Taverne des bord de mer. En Attique, le 1er janvier 2018
Passé industriel et minier. Lávrion, janvier 2018
Chaos. En Attique, janvier 2018

Et comme le fait remarquer (par mail) à très juste titre mon ami (ami aussi du blog, il tient aussi son propre blog) Jean-François: “C’est bien d’avoir revisité le site du Chaos: en prévision du prochain effondrement qui nous contraindra à remettre en question l’échange marchand, le lieu devrait reprendre une bonne charge symbolique et devrait devenir l’omphalos (nombril) du monde ! Au vu des images, je doute fort que la théorie du météore soit la bonne. Je pense plus à l’effondrement de la voûte au-dessus d’une poche soudain vidée de ce qui la remplissait – eau ou gaz.”

“C’est comme pour le capitalisme qui ne disparaîtra pas à cause d’une météorite de contestations, de grèves ou de partis politiques, mais à cause de sa base théorique, laquelle induit mécaniquement de grosses bulles, ontologiquement ‘éclatantes’ !!!”. Alors… méditons sur Chaos, comme sur tout le reste (ou le restant) !

Les pauvres et les moins… pauvres Grecs, n’aiment décidément pas vraiment marcher. Contrairement aux bords de mer, nos vestiges industriels puis notre… Chaos, n’ont pas été à l’honneur en ce 1er janvier. Nous y avons rencontré seulement quatre heureux Allemands, retraités et (quasi) habitants de la colonie. Le bon sens alors pratique !

Lávrion, alors bourgade connue depuis l’Antiquité classique pour l’exploitation des mines d’argent ayant pu permettre à Athènes de battre monnaie et surtout d’armer sa flotte durant l’époque classique (Guerres médiques et Guerre du Péloponnèse), revient dans l’actualité au XIXe siècle lorsqu’une société franco-italienne décida de relancer l’activité minière.

Depuis l’Antiquité. Lávrion, janvier 2018
Passé et présent. Lávrion, janvier 2018
Musée des mines… comme des luttes. Lávrion, janvier 2018

La localité qui se créa autour de cette activité prit alors le nom “les Usines” en français (en grec “Ergastiria”, de la Compagnie française (plutôt franco-italienne) des mines de Lávrion, “Roux – Serpieri – Fressynet CIE”, omniprésente en son temps. Les mines furent d’ailleurs la cause d’un sérieux différend diplomatique entre les deux pays (France et Grèce) entre 1871-1872, où d’ailleurs Jules Ferry avait été nommé au poste d’Ambassadeur à Athènes pour mieux suivre l’affaire.

Le Parlement hellénique avait voté une loi stipulant expressément que les minerais anciens ne faisaient pas partie de la concession (française). Reprises par une compagnie grecque, les mines firent également l’objet de la première bulle spéculative de la Grèce contemporaine par la (nouvelle) Compagnie Française des Mines du Lávrion.

Cette Compagnie Française des Mines du Lávrion introduisit d’ailleurs en Grèce, la dite “organisation scientifique du travail”, en l’occurrence le système Bedaux système qui pourrait se résumer en… “Travailler mieux ou gagner moins”. Et aussi pour rappel en cette première journée ensoleillée de 2018, Lávrion et ses mines devinrent aussi un des principaux centres des luttes sociales et politiques en Grèce, dont la révolte du 7 avril 1896. C’est le nom de la petite rue… forcement en pente, bien en face du musée des mines… comme des luttes.

Cette grande grève avait duré 18 jours, une première à l’époque. Les principales revendications des travailleurs en ce supposé lointain 1896, (les mines où ils travaillaient était propriété de la deuxième société minière franco/italienne), ont été essentiellement: la suppression des sous-traitants… au versement des salaires alors intermédiaires entre les employés et les patrons, le paiement donc des travailleurs désormais directement par l’entreprise, l’augmentation de leur paye journalière à 3,5 drachmes (au lieu de 2,5), et la mise en place d’un hôpital ou du moins d’une pharmacie près des mines pour enfin cesser le transfert des blessés vers l’hôpital de Thorikon sur la côte (5 à 10 km depuis les mines).

Car bien souvent, ces ouvriers (définitivement) infortunés mouraient lors de ce transfert en charrette. Les grévistes, réclamaient également un moyen de transfert adapté pour les blessés et les malades, et enfin, la possibilité… d’habiter une varie maison, car jusque-là, ils vécurent dans les cavernes des environs ou dans de nombreuses cabanes de fortune.

Passé industriel et manufacturier. Lávrion, janvier 2018
Traces… humaines. Lávrion, janvier 2018

Il y a plusieurs années, ceux ayant directement vécu cette grève ont livré leur témoignage, tel l’ancien ouvrier Vougioukas, et ils ont décrit plus précisément ces événements historiques:

“Il y avait une tension terrible durant cette première grande grève. Il faut noter que Serpieri – alors directeur général de l’entreprise – avait été déguisé et habillé femme ou en prêtre pour quitter les lieux ! Le gouvernement avait aussitôt dépêché sur place les ‘CRS’ de l’époque, puis un navire de guerre dans la baie, pour y enfermer les grévistes arrêtés. La tension était énorme. Une pierre avait été balancée par un gréviste sur un gendarme, et le conflit avait éclaté. Les gendarmes ont ouvert le feu et quatre ouvriers ont été touchés. La bourgade s’est aussitôt transformée en champ de bataille” (enquête du quotidien communiste “Rizospástis” 24/08/2008) .

Notons qu’en décembre 1896, le procès des 15 grévistes a finalement eu lieu, et ils ont été acquittés, ils retrouvèrent ainsi leurs postes sans conditions préalables. Suite à cette grève, un détachement militaire avait été définitivement et durablement installé près des mines, afin… de anticiper les révoltes des travailleurs.

Anciennes maisons ouvrières et bâtiments de la compagnie. Lávrion, janvier 2018
Ruines et symbolismes rajoutés. Lávrion, janvier 2018
Rue du 7 avril 1896. Lávrion, janvier 2018

Longtemps après, les révoltes ont plutôt cessé, tout comme le travail d’ailleurs. Pourtant, les avatars (déjà) politiques, en précurseurs des… futurs robotonymes se ruent sans vergogne aucune, sur les endosquelettes ou sur les… bio-conservateurs et autres travailleurs (encore) réellement existants.

Début 2018, et les mieux pourvus se sont rués sur les plages comme sur les tavernes de la Riviera d’Attique, tandis que l’escroc politique Alexis Tsipras et les siens (sous forme de commissions dites “d’experts”) décideront alors en comité restreint (clos) et sans la presse (la nouvelle vient de tomber), du sort architectural de l’ancien aéroport d’Ellinikón (ou Hellenikó, également sur la Rivier d’Athènes). Il s’agit bien de ce site dont le “gouvernement de la gauche radicale” a ainsi finalisé la vente aux “promoteurs”. Il fut un temps pas si lointain, où Tsipras se faisaient photographier avec ceux qui luttaient contre cette vente (en réalité, il a été bradé). Tsipras, dernier arriviste de l’ultime gauche dans ce pays, ira ainsi jusqu’au bout de l‘hybris.

On sait que la société privée grecque ‘Lamda Development’, soutenue par le groupe multinational ‘Global Investment’, le groupe chinois ‘Fosun’ et une société d’Abou Dhabi, a emporté le… morceau moyennant donc 915 millions d’euros. Elle devient le propriétaire de l’ancien aéroport sur une zone côtière de 3,5 kilomètres de longueur et une marina, pour lancer son… méga-projet immobilier sur le site de l’ancien aéroport, avec la construction de nombreuses résidences de toute taille et des parcs d’activités, voir d’ailleurs à ce propos les articles… dithyrambiques dans la presse plus autorisée que jamais . Pauvres journalistes, incroyables avatars !

Ce qui s’y joue, tient autant de l’autorisation accordée aux “promoteurs” pour y bâtir toute une série d’immeubles très élevés, et même l’autre dictature, celle des Colonels (1967-1974) avait pourtant renoncé à un projet analogue sous la pression collective comme culturelle (colères certes sourdes). En réalité, le POS régissant la construction à Athènes, interdit ce type d’immeubles bien grands, c’est-à-dire plus hauts que l’Acropole, et cette règle est autant et d’abord morale, d’où l’énormité dans la transgression ainsi commise par… la bande à Tsipras.

Mineurs de Lávrion du temps de jadis (presse grecque)
Mineurs de Lávrion du temps de jadis (presse grecque)
Tsipras, magnifique menteur… contre la privatisation d’Ellinikón. Temps… de jadis (Internet grec)
Vision… cauchemardesque d’Ellinikón. “Quotidien des Rédacteurs”, janvier 2018

D’ailleurs à ce sujet, même au “Quotidien des Rédacteurs” (pourtant journal pro-SYRIZA), on ne peut qu’exprimer de l’indignation devant ce nouveau crime d’Alexis Tsipras (et du “gouvernement” SYRIZA/ANEL):

“Ces… esprits ‘instruits’ du gouvernement veulent ainsi autoriser la construction d’une barrière de bâtiments imposants, une miniature (peut-être une copie) de Dubaï, de tout ce toc, alors réalisé aux limites de l’hybris, (autant) au moyen d’arrangements avec et au sein du para-État gouvernemental. Et pourtant en face, elle se trouve la population locale et les citoyens démocrates qui se révoltent, de même que la plupart des scientifiques cohérents d’esprit : archéologues, architectes, voire les artistes.” (“Quotidien des Rédacteurs” du 3 janvier 2018) .

L’Aéroport international d’Ellinikón était comme on se souvient, cet aéroport historique qui desservait la ville d’Athènes, avant d’être remplacé en 2001 par Elefthérios-Venizélos (aéroport actuel) dont ses promoteurs de l’Allemand Hochtief qui détenait encore 40 % des parts en 2013, ont expressément exigé la fermeture. Pourtant, le bon sens exprimé même publiquement à l’époque avait argumenté en faveur du maintient du site comme deuxième aéroport (à l’instar de Roissy après Orly et après Le Bourget en France). Et comme en 2017, le nombre de visiteurs du pays avoisine les 30 millions par an, voilà que le nouvel aéroport de la capitale n’est guère loin d’être saturé.

Dans ce même… (Nouvel) ordre d’idées, la Tsiprostructure actuelle, prépare une autre bien étrange loi, rendant possibles les juridictions de proximité. Le projet de loi avait été lancé pour rester soi-disant consultable, entre… le 28 décembre et le 3 janvier 2018, comme par hasard. Juridictions de proximité, pourquoi pas dans un sens ?

Sauf que contrairement par exemple, au cas analogue français, là où le juge de proximité, sauf exception, n’est pas magistrat de formation mais recruté dans la société civile, cependant parmi des praticiens du droit et selon des critères légaux (entre autres, il faut soit avoir exercé une profession judiciaire pendant au moins 4 ans, soit avoir une expérience d’au moins 25 ans dans un service juridique d’entreprise ou d’administration), en Grèce, pour ce même recrutement un simple diplôme universitaire (de n’importe quelle discipline) satisferait les exigences liées à cette mission.

De nombreux juges ont aussitôt argumenté à travers la presse pour dénoncer cette “privatisation de la justice” , et très officiellement l’Union des Magistrats laisse exprimer toute son inquiétude, à l’instar des avocats du… pauvre pays, s’exprimant également de la même manière .

2018, Quotidien des Rédacteurs, janvier 2018
Le… ‘Diable de Phalère’. Presse grecque, janvier 2018
Musique populaire et extase. Temps de jadis (presse grecque – janvier 2018)

L’année 2018, celle de la météo a certes bien commencé à Athènes. Fuyant donc les tavernes des bords de mer (et pour cause), votre humble chroniquer et toute sa crise avec, ont plutôt préféré pour cette première journée de l’année calendaire rendre hommage au… Chaos. Au même moment, la presse aime parfois publier certaines photos issues des transes comme des extases de la musique populaire et de son temps, forcément de jadis, histoire de rendre hommage à, Dieux sait, quelles originalités, constitutives de ce dont on a le plus besoin, une référence exacte dans le passé, comme à définir en quelque sorte, une unité de mesure humaine, surtout et d’abord face à l’hybris. Et ce n’est pas gagné…

L’année 2018 sera peut-être le moment où il va falloir apprendre ou réapprendre à nager… en toutes circonstances, planétaires ou comme on dit depuis la novlangue des mondialisateurs, circonstances “locales”. Il fut un temps… de mesure humaine, où nos poètes étaient encore parmi nous, ils caressaient même parfois leurs chats, peut-être aussi, pour ne pas vraiment caresser les oreilles du public.

Le poète Odysséas Elytis et son chat. (Internet grec)
Premières fleurs. Lávrion, janvier 2018
Nager… en toutes circonstances. Hermès de ‘Greek Crisis’, janvier 2018

Oui, ce n’est pas gagné… Au moment des premières fleures en ce 2018 et non loin de l’ancien aéroport d’Athènes, la Municipalité de Phalère vient de financer et d’installé peu avant la fin de l’année dernière, cette sculpture disons d’époque, et il faut dire fort controversée, étant donné que de bien nombreux habitants (à l’instar d’une partie de l’Église locale), estiment qu’elle représenterait… en réalité le diable.

Ah… la bonne année diabolique 2018, de… diablabla-car à diablabla-corps, ce ne serait finalement qu’une affaire de chemin à parcourir, et c’est sans doute aussi pour cette raison que nous avons ainsi visité Chaos fuyant les tavernes des bords de mer.

2018 et votre blog ‘Greek Crisis’ poursuit sa route contre vents et marées, il faut alors l’admettre, de plus en plus souvent… surveillé de près. Puis, lorsqu’on aura légiféré sur les… fausses informations en ligne, il finirait comme l’autre poète de la mer l’avait alors prédit, connaissant le même sort que “ces navires rayés du contrôle des flottes”. Ah… la si bonne année !

Votre blog ‘Greek Crisis’… surveillé de près. Athènes, janvier 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Soutien aux Vio.Me pour bloquer la vente aux enchères

La lutte des travailleurs de VIO.ME depuis 6 ans est une lutte emblématique en Grèce. Actionnaires et famille du groupe Philippou avaient abandonné l’usine et ses travailleurs impayés. Les travailleurs de VIO.ME ont pris leur affaires en main, ont reconverti la production de l’usine dans des produits de nettoyage écologiques, et ont organisé sa production de façon autogérée. Malgré une guérilla juridique et une absence de soutien des autorités, ils tiennent bon depuis 6 ans. Avec l’aide de leur Comité de soutien, des avocats et des professeurs de droit, ils ont soumis une proposition complète pour faire fonctionner l’usine de façon légale et efficace, à la fois économique et productive, et pour la distribution des produits.

Contre le gaspillage des deniers publics (cotisations fiscales et d’assurance des employés) et pour protéger l’intérêt public contre les énormes sommes que doivent les entreprises Filkeram SA et BIOME SA, ils exigent de confisquer aux propriétaires les biens immobiliers et mobiliers. Il existe des décisions irrévocables contre les employeurs. Les agences d’État et les organismes publics devraient déjà être intervenus. Ensuite, ils demandent à ce que les propriétés puissent être louées à la coopérative des employés de BIO.ME pour assurer les emplois.
En outre, ils exigent que les biens qui ont déjà été engagés (et exclus de la vente aux enchères) par un gouvernement précédent en 2012 soient confisqués et donnés à la coopérative pour qu’il entre directement en fonctionnement normal avec ce qui est requis pour une légalisation complète.

Les VIO.ME revendiquent un environnement de travail très différent de ceux qui existent en Grèce :
– Faire participer les employés et la société dans le contrôle de la production et de la distribution.
– Avec un contrôle permanent via les assemblées du fonctionnement économique
– Avec l’égalité absolue dans les décisions parce que nous avons tous une voix.
– Avec un salaire égal pour un temps de travail égal.
une production orientée vers les besoins sociaux et environnementaux et non sur l’accumulation de profit.

Les VIO.ME rappellent leur long combat . Les gouvernements qui se sont succédés tout ce temps, n’ont pas fait ce qu’ils ont promis. Ils n’ont déposé aucune proposition légale, indépendamment des allégations faites par les membres des partis politiques qui les soutiennent.

Les VIO.ME demandent le soutien de la société dans cette lutte, car elle influe sur la capacité de tous les employés de stimuler l’économie et la vie dans leurs mains . Avec la solidarité de toute la classe ouvrière et de la société , ils veulent imposer leur propre besoin avec leur propre droit civil!

Ils appellent à se mobiliser le jeudi 11 janvier à 9h devant le Tribunal de Thessalonique contre la Vente aux enchères:

VIO.ME N’EST PAS À VENDRE !

Grèce : encore plus d’agressivité envers les petits créanciers

Les informations que donnent les médias grecs sur la politique à venir de l’État grec envers les citoyens endettés démontrent une agressivité sans précédent vis à vis des petits créanciers, et tout cela pour plaire aux créanciers dans le cadre de l’évaluation du 3 ème mémorandum! Ainsi 1,8 millions d’emprunteurs ayant des difficultés à rembourser leurs dettes de plus de 500 euros sont ciblés par l’administration fiscale. 2,3 millions d’ autres vont vivre chaque mois avec la peur de dépasser cette limite, en fonction des diverses tranches de paiement d’impôt.
Cette situation est unique : jamais auparavant autant ont été confrontés à des ventes aux enchères. Près d’ un contribuable sur trois (soit un ménage sur trois) va connaitre en 2018 des situations sans précédent.

L’accord conclu avec les prêteurs pour fermer la troisième évaluation est à la source de cette situation. En effet, avant le 20 Janvier, le gouvernement aura adopté « dans la douleur »… des centaines de nouvelles dispositions, parmi lesquelles les modifications du code de recouvrement des recettes publiques (KEDE), ouvrant la voie à des ventes aux enchères de masse par l’administration fiscale et les fonds de sécurité sociale.
Le gouvernement a déjà démontré sa détermination à mettre en œuvre le plan avec l’amendement adopté vendredi dernier et mettra immédiatement en application les poursuites d’ office en arrêtant tous ceux qui entravent les ventes aux enchères. De même, il est prévu que les propriétaires soient exclus même par la force de leur maison mise en vente.
Le cocktail des nouvelles mesures est le suivant :
– Les enchères électroniques vont proliférer ( trois fois par semaine au lieu de une actuellement) et vont remplacer le processus traditionnel des tribunaux du comté.
– Bien que souvent reporté par peur des manifestations (après celle du 30 Novembre et les graves incidents au sein du tribunal du comté devant les caméras et pour les beaux yeux de la Troïka afin de finaliser l’évaluation) les ventes aux enchères seront à nouveau organisées, une fois la nouvelle loi adoptée, immédiatement après les vacances.

Les dispositions de la même loi étendent à l’État les dispositions du Code de procédure pénale de sorte que les mêmes règles s’appliquent aux ventes aux enchères qu’aux individus. À partir de seulement 500 euros de dette, le gouvernement exercera nécessairement une action de recouvrement contre les débiteurs.
– Il n’y a pas de protection pour la première résidence prévu par le KEDE, et le gouvernement n’y a pas apporté de modifications au cours des derniers jours pour distribuer un dividende à partir de la surpopulation.
– Dorénavant, la valeur objective ne sera pas entravée afin de vendre aux enchères une propriété pour dettes envers l’État. Basé sur le KEDE, si la propriété n’avait pas obtenu l’objet, il était interdit de vendre, donc toutes les ventes aux enchères étaient pratiquement stériles. Maintenant, l’immobilier ira aux ventes pour les dettes à l’État et la valeur commerciale (c’est-à-dire, sous l’objectif).
– Les temps d’avertissement et de réponse pour le débiteur rétrécissent considérablement. Avec un courrier électronique informatif du Département du Trésor, les délais commenceront à courir sans perdre de temps pour effectuer ou reporter les saisies, étant donné qu’il est automatiquement considéré que le débiteur a pris connaissance du jour de l’envoi (et non reçu) de l’avis.
– À compter du 1er janvier 2018, la mort subite est également prévue pour ceux qui utilisent le régime des  » 100 doses ». Le règlement sera perdu si le débiteur ne paie pas toutes ses nouvelles dettes à temps (en plus des versements qu’il paie). C’est-à-dire, même pour un jour de retard, il va perdre le règlement, sans la moitié ou un mois de marge pour l’empêcher de payer.

Et les personnes qui sont à risque sont nombreuses lorsque l’on sait que sur 4,1 millions de contribuables qui avaient des dettes à l’administration fiscale en Octobre, huit sur 10 (3,5 millions au total) sont aux prises avec de petites dettes d’environ 3 000 euros en moyenne. On sait que près de 2,35 millions d’ emprunteurs doivent , mais ne peuvent pas payer les dettes de seulement 1 à 500 euros. Les 1,75 millions d’ emprunteurs restants doivent plus de 500 euros, mais seulement 400 000 ont des dettes de plus de 10.000 euros.

Source : journal Protothema.

Grèce : Visa et enchères immobilières

Visa d’or et enchères immobilières en ligne attirent l’intérêt russe et chinois

Le malheur de l’un est la fortuité de l’autre. Les investisseurs russes et chinois montrent un grand intérêt pour l’acquisition de propriétés en Grèce, surtout maintenant que les banques grecques se débarrassent de leurs prêts non performants avec des enchères de propriétés en ligne. Il y a une forte demande pour le programme Golden Visa car il ouvre la voie aux citoyens non-européens pour un billet vers l’Europe.

Il existe un intérêt international croissant pour l’acquisition de propriétés en Grèce via des enchères en ligne, en particulier des pays qui pourraient bénéficier du programme Golden Visa , car la Grèce accorde des visas aux non-ressortissants de l’UE s’ils achètent des propriétés d’au moins 250 000 euros.

Les bas prix et la perspective de futures plus-values, ainsi que le calendrier de la sortie prévue du plan de sauvetage de la Grèce, ont accru l’attrait du marché immobilier local, non seulement aux yeux des fonds d’investissement étrangers, mais aussi des investisseurs étrangers. Russie et Chine.

George Kachmazov, directeur général de la plate-forme immobilière russe Tranio , a déclaré à Bloomberg la semaine dernière: «Nous souhaitons participer aux enchères immobilières grecques et acquérir des propriétés directement auprès des banques.

Il a déjà acheté un immeuble à Athènes et prévoit d’en acheter cinq autres dans le but de revendre les appartements à des investisseurs étrangers intéressés par l’obtention d’un permis de séjour grec grâce au programme Golden Visa. Étant donné que les prix du marché se sont stabilisés, les acheteurs peuvent s’attendre à des gains en capital grâce à l’intérêt croissant du tourisme pour la Grèce et à la hausse de la location à court terme via des plateformes de partage de logements.

Les investisseurs chinois regardent également le pays: Carrie Law, PDG du site immobilier chinois Juwai, a déclaré à Bloomberg: «Nous avons des acheteurs qui sont très intéressés par le processus d’enchères électroniques en Grèce. Ils croient qu’il offrira des opportunités d’achat au bas du marché. « 

Selon Kachmazov, le faible seuil d’un Visa d’Or en Grèce est un avantage supplémentaire: en Grèce, les investisseurs doivent dépenser au moins 250 000 euros, alors qu’au Portugal, par exemple, 500 000 euros (soit 350 000 euros pour les 30 ans).

Citant des données d’Enterprise Greece, l’agence d’État chargée de promouvoir les investissements et les exportations, Bloomberg note que la Grèce a attribué 2 053 visas d’or entre 2013 et octobre 2017, les investisseurs chinois représentant 43% d’entre eux. Les Russes arrivent en deuxième position avec 18,6% et les investisseurs de la Turquie voisine arrivent en troisième position avec 8,4%. La Grèce a levé plus de 513 millions d’euros d’investissements étrangers dans le programme de visas.

Les citoyens turcs ont également un grand intérêt à acquérir des biens en Grèce et obtenir un visa d’or néanmoins en raison de l’instabilité politique en Turquie et de la proximité géographique.

Spitogatos: Cette année, les recherches sur les biens grecs ont augmenté de la Chine (203%), de la Turquie (90%), de l’Allemagne (68%) et des États-Unis. Émirats arabes unis (50%).

Portugal, au pays de la gauche qui marche

Par Amélie Poinssot 28 décembre 2017 Médiapart

Depuis octobre 2015, les socialistes tiennent les rênes de l’exécutif portugais. Avec l’appui d’une coalition originale au Parlement : la gauche radicale du Bloco et le parti communiste. Un attelage qui pourrait être riche d’enseignements ailleurs en Europe. Premier volet de notre série de reportages.

Lisbonne (Portugal), envoyée spéciale.-  Ce jour-là, Mario Centeno, fraîchement élu à la présidence de l’Eurogroupe, est auditionné en session parlementaire. Le ministre des finances portugais à la tête de l’institution de la monnaie unique : une bonne nouvelle pour ce petit pays qui se relève doucement d’une longue cure d’austérité ? « Pas vraiment, tranche sèchement Catarina Martins, la « coordinatrice » du Bloco de Esquerda, le parti de gauche radicale portugais, qui soutient pourtant au parlement le gouvernement socialiste dont Mario Centeno est issu. Le changement en Europe ne viendra pas de l’Eurogroupe. Et Centeno est un libéral, il prônait entre autres la facilitation des licenciements. »

Nous sommes début décembre à Lisbonne et la députée Catarina Martins vient d’interpeller le ministre des finances à l’assemblée. « Oublions un instant que le Bloco ne croit pas en l’Eurogroupe. Oublions que l’Eurogroupe est un forum informel qui n’existe dans aucun traité européen et où l’Allemagne a toujours le dernier mot. Oublions que l’Eurogroupe a exclu le ministre grec des finances de ses réunions. Oublions que l’Eurogroupe a insulté le Portugal et imposé l’austérité dans plusieurs pays du Sud. Même si nous oublions tout cela, il y a un problème : vous avez dit en septembre que l’union monétaire était une zone de divergences… Si tout le monde est conscient de cela, au sein du Parti socialiste comme à Bruxelles, quelle est votre stratégie à la tête de l’Eurogroupe ? » lui a-t-elle lancé. Toute l’habileté du Bloco tient dans cette capacité à critiquer le gouvernement socialiste et à assurer le rôle d’un « parti minoritaire »… tout en le poussant, avec l’aide du Parti communiste portugais (PCP), à mettre en œuvre des mesures sociales.

Depuis octobre 2015, c’est cet attelage original qui préside aux destinées du Portugal. Les législatives n’ayant pas débouché sur une majorité claire, le Parti socialiste (PS), arrivé deuxième, a alors pris la main pour former l’exécutif. Il a obtenu le vote du Bloco et du PCP pour l’investiture, en échange de quoi son gouvernement, minoritaire, s’est engagé sur un certain nombre de mesures sociales afin de compenser les effets dévastateurs qu’ont produits la crise économique et la cure d’austérité imposée entre 2011 et 2015 par la droite au pouvoir et la Troïka (Commission européenne, FMI et Banque centrale européenne). « Ce n’est pas que nous soutenons ce gouvernement, nous ne gouvernons pas, corrige Miguel Tiago, élu du Parti communiste. Nous nous contentons de ne pas le faire tomber. »La nuance est de taille pour ces deux partis qui risquent de se brûler les ailes à voter d’une même voix aux côtés des élus socialistes. Comment convaincre ensuite leurs électeurs qu’ils sont toujours opposés à l’Union européenne dans sa forme actuelle, à la monnaie unique, à l’OTAN… et qu’ils sont accessoirement très différents l’un de l’autre, même s’ils se partagent la gauche de la gauche de l’échiquier politique ? Pour l’instant, le résultat des dernières élections municipales, en octobre dernier, n’est guère probant.

Le Bloco, qui n’est pas très bien implanté localement, a certes légèrement progressé dans certaines villes, comme à Lisbonne, où le PS gouverne désormais là aussi suivant un accord avec le Bloco. « Nous sommes aujourd’hui le troisième parti du Portugal », se targue Catarina Martins. Mais le Parti communiste recule ; il a perdu quelques-uns de ses bastions, comme la commune d’Almada qui, de l’autre côté du Tage, fait face à Lisbonne. Et ce malgré un « pacte de non-agression » conclu avec le PS local, qui y avait envoyé comme candidate une actrice sans lien avec le terrain. Elle a réussi à dépasser le PCP de quelque 400 voix…Celui qui semble le mieux profiter de cette alliance, finalement, c’est le Parti socialiste. Le ministre adjoint aux finances, Ricardo Mourinho Félix, s’en réjouit : les positions du Bloco et du Parti communiste « ont de manière évidente influencé notre manière de gouverner ces deux dernières années. Je ne le vois pas comme quelque chose qui s’impose à nous et nous met dans une situation inconfortable », dit-il. (L’intégralité de l’entretien sera à lire dans un prochain article.) En fait, pour une partie du PS, ce soutien est un soulagement…

En témoigne également le député socialiste et vice-président du groupe à l’assemblée Joao Galamba : « La crise a accru nos divergences avec la droite portugaise. La possibilité d’une alliance avec le Bloco et le PC est apparue comme une chance pour la gauche, qu’il ne fallait pas rater. Ne perdons pas de temps et concentrons-nous sur les points où nous pouvions tomber d’accord : telle a été notre philosophie. Nous n’étions pas à la recherche d’idéal, de consensus, de convergence absolue : nous voulions des changements concrets dans la vie quotidienne des gens. »

De fait, la liste de mesures mises en œuvre est impressionnante au regard de ce qu’ont fait – ou plutôt n’ont pas fait – les autres gouvernements sociaux-démocrates en Europe ces dernières années : augmentation du salaire minimum de 5 % par an jusqu’à atteindre 600 euros brut en 2019, allègement de l’impôt sur les plus bas revenus, hausse des petites pensions de retraite, rétablissement de quatre jours fériés qui avaient été supprimés…

Le dernier budget – le 3e voté par cet attelage PS-Bloco-PCP –, adopté fin novembre, s’inscrit lui aussi dans cette lignée : l’impôt sur le revenu est abaissé pour les premières tranches de revenus (1,6 million de foyers touchés au total) ; une nouvelle taxe est introduite pour les grandes entreprises qui dégagent plus de 35 millions d’euros de profits annuels ; les pensions de retraite sont augmentées de manière variable en fonction de leur niveau (de 1 à 10 %), et les livres scolaires deviennent gratuits jusqu’à la sixième année d’éducation.

Le grand écart du PC portugais

Jusqu’à présent, tous les termes du contrat ont été respectés : les mesures sociales sont bien mises en œuvre par l’exécutif, et entre les trois partenaires de circonstance, on ne parle pas des sujets qui fâchent. « Nous nous sommes mis d’accord sur quatre principes, explique Catarina Martins. Le premier, c’est la hausse, chaque année, d’une partie des salaires et des retraites afin de compenser les coupes des années précédentes. Le deuxième, c’est l’impossibilité de nouvelles baisses de revenus, et donc de hausse des prélèvements obligatoires pour les salariés ainsi que des taxes sur les biens essentiels. Le troisième, c’est l’arrêt définitif des privatisations, qui dans le passé avaient été décidées par le Parti socialiste lui-même. Et le quatrième, c’est l’impossibilité de retirer davantage de droits aux travailleurs. » Car le droit du travail, comme en Grèce et comme en France aujourd’hui, a été sérieusement entamé au Portugal pendant les années de Troïka.

« Sur ce plan-là, on ne reviendra pas en arrière avec ce gouvernement, regrette Jorge Costa, autre député du Bloco. C’est la limite de cet accord, et, me semble-t-il, le résultat d’un accord tacite avec le patronat, en contrepartie de la hausse du salaire minimum. » « Les socialistes sont trop compromis avec le système capitaliste pour qu’on puisse évoluer là-dessus », renchérit le communiste Miguel Tiago, qui regrette par ailleurs un blocage tout aussi complet sur le budget alloué à la culture, un budget « misérable, inacceptable », ainsi que l’impossibilité de faire baisser le prix du gaz domestique, « trop élevé pour quantité de foyers au Portugal ».

Autre zone d’ombre de l’accord : le travail précaire, de plus en plus répandu au Portugal. Un décret à venir doit permettre de titulariser 30 000 contractuels de la fonction publique au cours du premier semestre 2018. Une victoire à rajouter au compteur du Bloco. Mais dans le privé, rien ne change. Si l’emploi est reparti à la hausse, ces derniers temps, c’est le plus souvent au détriment des protections sociales élémentaires. Le système d’auto-entreprenariat, où le travailleur doit cotiser lui-même pour ses couvertures santé et retraite, devient en effet de plus en plus la règle… et rien ne permet aujourd’hui d’enrayer cette tendance.« Pour mieux protéger ces travailleurs dits indépendants, nous avons émis des propositions au sein d’un groupe de travail sur la précarité, explique le député du Bloco Jorge Costa. Notamment l’établissement d’un taux très réduit de cotisations sociales pour les bas revenus, le maintien de la protection sociale même si l’activité s’interrompt, et un accès à la caisse d’assurance chômage. » Le texte, présenté mi-décembre au parlement, est en bonne voie d’être adopté.

Restent des désaccords idéologiques de fond et tous les points qui sortent de l’accord avec le PS, sur lesquels les deux partis échouent à faire avancer les choses dans leur sens. Ainsi en est-il par exemple du coût de l’énergie portugaise, l’un des plus élevés du continent. Le Bloco a proposé que le secteur de l’énergie renouvelable – qui fait des profits ahurissants au Portugal – soit taxé au même niveau que le secteur conventionnel et que cette hausse permette au consommateur de payer un prix moins élevé. Échec total.

Face à ces divergences, Bloco comme PCP assurent maintenir une ligne idéologique claire. « Les socialistes et la droite s’entendent parfaitement sur la politique européenne. Ce qui fait que nous avons 80 % des députés engagés dans le statu quo européen, lâche Catarina Martins. Mais nous, notre engagement n’est pas aux côtés du PS. Il est aux côtés de nos électeurs. C’est pourquoi nous n’abandonnerons aucun de nos principes. » Parmi ces principes, il y a une franche hostilité à l’euro, « qui rend chaque jour les pauvres de plus en plus pauvres et l’Allemagne de plus en plus riche – sans que cela ne bénéficie toutefois aux travailleurs allemands », selon les mots de Catarina Martins, pour qui le vrai problème, en réalité, est la renégociation de la dette publique portugaise.

Le professeur d’économie Francisco Louça, membre fondateur du Bloco, ne voit quant à lui aucune contradiction entre cette opposition à l’euro et le fait de voter d’une même voix avec un gouvernement qui envoie son ministre des finances à la tête de l’Eurogroupe : « Ce que change, pour le Bloco, cette attitude de soutien au gouvernement, c’est son agenda. Cela l’inscrit dans la gestion politique d’un travail quotidien. Cela lui donne plus de poids, plus de profondeur. Mais on reste dans le cadre d’un contrat très clair : il s’agissait d’éviter le prolongement de la droite au pouvoir et d’ouvrir la porte aux mesures sociales. »

Le PCP, l’un des derniers partis communistes d’Europe avec le KKE grec à n’avoir pas rompu avec le marxisme-léninisme, fait de son côté le grand écart. Après avoir refusé pendant des années de dialoguer avec les autres partis (posture dans laquelle se trouve encore aujourd’hui le parti frère hellénique, qui agit dans un isolationnisme total, y compris sur le plan syndical), il affiche aujourd’hui un certain pragmatisme, sans rien abandonner de son corpus théorique.

« Le PS ne s’est pas engagé à exaucer tout ce que nous demandons en dehors de l’accord, et de notre côté, nous ne sommes pas obligés de voter ce qui sort de l’accord. Nous avons simplement trouvé un terrain commun sur une liste délimitée de sujets, justifie l’élu communiste Miguel Tiago. C’est pourquoi, par exemple, nous ne pouvons pas faire tomber le gouvernement parce qu’il refuse la nationalisation du système bancaire que nous voulons : cela sort de notre accord. Nous essayons pour le moment de tirer le meilleur de la situation dans laquelle nous nous trouvons, de construire avec les conditions que nous avons. Mais cela ne veut pas dire que nous abandonnons notre lutte. »

« Le PS a retrouvé son électorat traditionnel »

Et le député de rappeler les grèves que le parti a soutenues, les manifestations auxquelles les élus ont participé, la volonté de dissoudre l’euro, l’Union européenne et l’Otan. « Notre objectif n’est pas que le PS tourne le dos à l’Union européenne et se rapproche de nous. Notre objectif, c’est d’élargir notre base. » Le PS n’a d’ailleurs aucunement infléchi sa politique européenne et le gouvernement se targue même de remplir les critères de Bruxelles au-delà des objectifs fixés.

Toutefois, à écouter Miguel Tiago, le principal ennemi du PCP semble être à l’heure actuelle le Bloco… « parti bourgeois, au fonctionnement électoraliste, dont toutes les positions sur le plan international, comme la Corée du Nord, le Venezuela et l’Angola, ne font que suivre la tendance. Certes, nous avons des positions similaires sur le plan social. Mais tout nous sépare en réalité ».

Mais, au-delà de la rhétorique, difficile d’appréhender ces divergences, à l’exclusion de la politique étrangère où le Bloco est en effet beaucoup plus critique envers des régimes corrompus comme l’Angola que le Parti communiste qui, en raison de vieux liens historiques avec le MPLA au pouvoir, ne s’est jamais avancé à critiquer le régime de l’ancienne colonie portugaise. Les deux partis de gauche, d’ailleurs, ne discutent pas entre eux. Les négociations sur les mesures gouvernementales se font de manière parallèle, entre le PS et le PC, d’un côté, et le PS et le Bloco, de l’autre.

« Cette alliance au parlement est un défi, reconnaît de son côté le socialiste Joao Galamba. Il y a des tensions entre nous. Mais cela nous force à être créatifs. Et en général, nous arrivons à un compromis qui est meilleur que notre position de départ. De plus, les citoyens voient que les compromis sont possibles à l’intérieur du parlement : c’est bon pour la santé démocratique du pays… »

utre les bénéfices sociaux indéniables de cette configuration exceptionnelle pour le parlement portugais, cet attelage inédit instille, de fait, une nouvelle manière de faire de la politique à Lisbonne : à la fois un certain pragmatisme chez des partis tenus par un solide socle idéologique, et une recherche du compromis que l’on observe généralement plutôt dans les pays du nord de l’Europe, habitués des coalitions politiques.

« Il n’y avait jamais eu dans le passé de négociation entre les partis de gauche au Portugal, reconnaît Jorge Costa. C’est la première fois de l’histoire du pays qu’un budget est voté par le Parti communiste et la gauche radicale… Cela n’est pas le résultat d’une négociation qui aurait formé un gouvernement rigide. C’est au contraire le résultat de discussions permanentes, graduelles, qui nous permettent de faire la preuve que nous ne sommes pas seulement des partis de confrontation. Les électeurs voient que nous sommes aussi capables de gouverner et de trouver des compromis. »

Une expérience inspirante pour le reste du continent ? Tous nos interlocuteurs le disent : difficile de reproduire ailleurs ce qui a marché dans un contexte exceptionnel, dans un pays particulier. Mais chacun en tire des leçons à sa manière. Pour le député Joao Galamba, il en sort une évidence pour le Parti socialiste : « En se démarquant très clairement de la droite, en s’ouvrant à la gauche radicale, le PS portugais a retrouvé son électorat traditionnel. Il faut montrer à l’électorat qu’il existe une alternative franche aux politiques de droite et que des compromis avec la gauche sont possibles. Si ce choix est proposé aux électeurs, les sociaux-démocrates européens pourront se relever. Mais s’ils restent quelque part dans l’entre-deux, sans valeur claire, ou avec une action sans rapport avec les valeurs affichées, ça ne peut pas marcher. »

Pour le député du Bloco Jorge Costa, il faut rester modeste : « Il ne faut pas surestimer le succès de la gauche au Portugal. Cela ne change rien au rapport de force au niveau européen. Il ne faut pas croire non plus que le Parti socialiste portugais a viré à gauche… Il n’y a pas eu de révolution culturelle au PS. Ce dernier a été obligé, pour des raisons de survie politique, de trouver un accord avec sa gauche. Ce n’était pas un acte volontaire pour ce parti, qui était entré en campagne en 2015 avec le programme le plus à droite de son histoire. Il l’a fait de manière contrainte et forcée. »

Quant à l’éventualité de répéter une telle alliance dans le futur, aucun de nos interlocuteurs ne s’y est engagé. Rien ne dit qu’ils voudront, ni qu’ils pourront, reproduire cet attelage dans la prochaine législature. Se glisser momentanément dans les interstices d’un pouvoir socialiste affaibli : voilà ce qu’auront réussi, pour l’heure, Bloco de Esquerda et Parti communiste portugais

France : Immigration inquiétude sur la loi en préparation

Immigration : « Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n’avait osé aller jusque-là »
Patrick Weil, historien et politologue, spécialiste de l’immigration, s’inquiète de la posture adoptée par le gouvernement vis-à-vis des migrants, alors qu’une loi immigration est en préparation pour le début 2018.

INTERVIEW : ouvrir le lien ci-dessus pour écouter Patrick Weil qui dénonce  plus de choses (pas tout) que celles transcrites ci-dessous.
La nouvelle loi sur l’immigration agite l’opposition et les associatifs. Alors qu’une concertation doit démarrer en janvier, une circulaire validée par le ministère de l’Intérieur, permettant de contrôler les populations accueillies dans les centres d’hébergement, notamment pour identifier les migrants, a provoqué une levée de boucliers. « Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n’avait osé aller jusque-là », s’indigne mercredi au micro de la matinale d’Europe 1 Patrick Weil, historien et politologue, spécialiste de l’immigration.

Un principe sacré. « On a un principe, qui nous vient peut-être de nos traditions chrétiennes : un enfant, on ne lui demande pas ses papiers quand on l’accueil à l’école, un malade, on ne lui demande pas ses papiers quand il a besoin d’être soigné à l’entrée de l’hôpital, et quelqu’un qui n’a pas de quoi se loger, on ne lui demande pas ses papiers à l’entrée d’un centre d’hébergement d’urgence. Monsieur Macron et monsieur Collomb ont violé ce principe », relève le chercheur. « Si le projet [de loi, ndlr] s’inscrit dans cette lignée, ce sera une régression dramatique », alerte-t-il.

Un président doux dans ses déclarations et violent dans ses actes ? « Monsieur Macron, c’est l’inverse de monsieur Sarkozy. Monsieur Sarkozy était violent verbalement, mais sur le terrain il était pragmatique. Monsieur Macron est doucereux verbalement, et sur le terrain c’est la dague. Il est un peu comme un chasseur à cour qui ferait des messages d’amour, le soir, pour les animaux. C’est ce qu’il fait pour les migrants : il leur souhaite des vœux, il dit bienvenue aux réfugiés et il signe la nuit des ordres qui les mettent dans la rue et les empêchent de se nourrir », estime Patrick Weil.

« On ne touche pas à ça ». Tant que les gens ne sont pas reconduits, notre devoir est de bien les traiter sur des points fondamentaux : l’accueil des enfants à l’école, la santé et l’hébergement d’urgence. On ne touche pas à ça. Après, s’ils sont en situation irrégulière, il faut les reconduire, mais on n’y arrivera pas de cette façon-là », conclut le politologue.

http://www.europe1.fr/politique/immigration-aucun-gouvernement-depuis-la-seconde-guerre-mondiale-navait-ose-aller-jusque-la-3531317

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Migrants: le médecin Raphaël Pitti a rendu sa Légion d’honneur

par la rédaction de Médiapart

Le spécialiste de la médecine de guerre proteste contre les « conditions indignes » dans lesquelles les migrants sont accueillis en France.

Le célèbre spécialiste de la médecine de guerre, et soutien d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, Raphaël Pitti, a annoncé vendredi 29 décembre à l’AFP avoir rendu la Légion d’honneur que le président de la République lui avait remise l’été dernier pour protester contre le traitement des migrants en France.

Le médecin met ainsi à exécution sa décision, annoncée il y a une semaine dans une tribune publiée par Libération. Dans ce texte, intitulé « Pour un bon Noël, monsieur le Président », il expliquait qu’il entendait ainsi dénoncer les « conditions indignes de la République » dans lesquelles les migrants étaient accueillis en France.

« Votre accession cette année aux plus hautes responsabilités se fit à l’aune d’une situation sociale et politique imprévisible et unique », écrivait Raphaël Pitti. « Toutefois, poursuivait-il, huit mois après, la réponse de l’État n’est pas à la hauteur des enjeux. 60 000 migrants ont été accueillis en 2016 dans des conditions indignes de notre République. »

Dans sa lettre, le médecin dénonçait le traitement « dégradant » réservé aux migrants. « J’appelle “dégradant”, en cette fin d’année dans notre République française, les agressions que subissent des gens en transit sur notre sol et auxquels on ne permet pas de satisfaire les besoins les plus fondamentaux tels que l’accès à l’eau, à la protection et à la sécurité, aux toilettes, au chauffage, à un couchage », écrivait-il. « On préfère les reléguer au statut d’ombre, dans les jungles, les forêts, les montagnes, allant jusqu’à condamner ceux qui auraient la bienveillante idée de les secourir. »

Raphaël Pitti s’inquiétait également de la place prise par le ministère de l’intérieur dans la politique migratoire. « Le versant sécuritaire de ce ministère a aujourd’hui pris le pas sur l’accueil et l’intégration, ce qui va à l’encontre de nos valeurs et de notre histoire », estimait-il. « Des maires – ils vous l’ont rappelé récemment –, des autorités – comme le Défenseur des droits –, des associations et des bénévoles pourraient témoigner du mauvais sort fait aujourd’hui aux migrants sur notre sol. Recevez-les, monsieur le Président, écoutez-les : une simple tape dans le dos ou une accolade ne leur suffira pas. »

En annonçant sa décision de rendre la Légion d’honneur qui lui a été remise en juillet dernier, Raphaël Pitti demandait au chef de l’État « de décider durant cette période de grand froid de suspendre toute mesure coercitive et de prendre les mesures urgentes de mise à l’abri de toutes les personnes en situation de fragilité ».Une semaine plus tard, le médecin est donc passé à l’acte. « J’ai été en Belgique et en Allemagne, j’ai vu les conditions d’accueil et j’ai honte de mon pays », réaffirme-t-il à cette occasion à l’AFP. Raphaël Pitti, qui avait rejoint en septembre 2016 les soutiens d’Emmanuel Macron, explique aujourd’hui avoir constaté un virage dans la politique gouvernementale. Le chef de l’État « avait un discours très humaniste, tout ça allait dans le bon sens et voilà que tout a changé mi-décembre », estime le médecin.

Il explique avoir été particulièrement choqué par la circulaire prévoyant, dans le cadre du projet de loi sur l’immigration et l’asile, de recenser les migrants dans les centres d’hébergement d’urgence. « D’entendre le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, dire qu’un Érythréen ou un Syrien peut demander l’asile, mais pas un Sénégalais… ce n’est pas à lui de décider qui a le droit de demander l’asile », fustige Raphaël Pitti.

« Le mouvement migratoire s’est amorcé et va s’amplifier, il faut en faire une cause nationale », plaide le médecin qui demande l’organisation « d’assises nationales de l’émigration et de l’intégration ». Le médecin précise également qu’il doit être reçu le 3 janvier par des conseillers du président.

Raphaël Pitti est un médecin humanitaire qui a travaillé sur nombre de conflits armés, en Yougoslavie ou au Liban. Depuis 2012, il forme du personnel soignant en Syrie. Il est également élu au conseil municipal de Metz.

Droit du travail démantelé en Europe

Hold-up social : comment le droit du travail a été démantelé en Europe, sans aucun bénéfice sur l’emploi et les gens

par Elisa Simantke, Harald Schumann

L’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la Roumanie, ou encore l’Espagne… Et maintenant la France. Ces dix dernières années, la plupart des pays de l’Union européenne ont subi de profondes réformes du droit du travail. Officiellement, au nom de la lutte contre le chômage. Mais les études réalisées depuis, y compris par les institutions les plus libérales, sont unanimes : leur impact sur l’emploi a été minime. En revanche, ces politiques se sont traduites par une explosion de la précarité et une baisse des rémunérations pour les salariés. Basta !, en collaboration avec les journalistes d’Investigate Europe, vous propose une enquête grand format sur le hold-up des « réformes structurelles ».

La misère de l’emploi précaire a de nombreux visages. Elle peut prendre la forme de contrats de travail sans assurance maladie ni protection sociale. Il peut s’agir de temps partiels qui n’apportent pas un revenu suffisant pour vivre. Ceux et celles que cette misère affecte en sont aussi réduits à s’accrocher à un contrat temporaire après l’autre, ou sont contraints de gagner leur vie en tant qu’auto-entrepreneurs fictifs ou travailleurs prétendument indépendants. Les méthodes varient selon les législations nationales de chaque pays, mais le résultat est toujours le même : des millions d’Européens doivent se contenter d’emplois précaires et mal payés, qui ne leur offrent aucune perspective. Et le phénomène continue de s’étendre.

Le président français Emmanuel Macron souhaite renforcer cette tendance. Dans sa dernière réforme, son gouvernement a par exemple autorisé les employeurs à embaucher des travailleurs pour des projets ponctuels, avec des contrats qui prendront automatiquement fin à l’issue de leur réalisation. Dans le même temps, les accords collectifs nationaux, qui offraient jusqu’ici des protections importantes aux salariés, ont vu leur rôle fortement affaibli.

Un jeune européen sur deux en contrat précaire

Tout ceci à un moment où l’économie européenne se porte un peu mieux qu’elle ne l’a fait depuis dix ans. Dans la seule zone euro, 5,5 millions de personnes ont trouvé un nouvel emploi depuis la fin 2012. Mais selon les données collectées par Eurostat, l’agence de statistiques de l’Union européenne, 4 de ces nouveaux emplois sur 5 sont temporaires ou à temps partiel. Dans leur majorité, ils sont mal rémunérés. Pourtant, les deux tiers des personnes concernées souhaiteraient un emploi permanent à temps plein, comme le confirme la Commission européenne dans son dernier rapport sur le marché du travail dans l’UE. Conclusion du département recherche de la banque américaine Merrill Lynch elle-même : la supposée prospérité actuelle de l’Europe est « de mauvaise qualité ».

Les jeunes en sont de loin les premières victimes. Près de la moitié des travailleurs âgés de moins de 25 ans sont en contrat temporaire. En Espagne, ce chiffre dépasse les 70%. « C’est extrêmement problématique, reconnaît Marianne Thyssen, commissaire européenne à l’Emploi et aux Affaires sociales. Ils ne peuvent quitter la maison de leurs parents, acheter un logement, faire des projets. Cela affaiblit l’économie toute entière », avertit cette femme politique conservatrice belge. « Les gens qui sont en emploi précaire n’investissent pas dans leurs compétences, et leurs employeurs non plus, explique-t-elle. Plus les emplois sont précaires, moins l’économie est productive. »

Un diagnostic partagé par d’éminents économistes. « Toutes ces formes non-sécurisées d’emploi sont extrêmement coûteuses, à la fois pour les personnes concernées et pour la société dans son ensemble », explique par exemple Olivier Blanchard, longtemps économiste en chef au Fonds monétaire international (FMI).

Des dirigeants européens obsédés par la flexibilité

Mais pourquoi l’emploi précaire atteint-il de tels niveaux ? Que faire pour inverser la tendance ? Dans leur entreprise de dérégulation des marchés du travail, les gouvernements européens et la Commission se sont basés depuis des années sur des hypothèses et des théories qui se sont révélées fausses et irréalistes. Les commissaires et les ministres nationaux en charge de l’économie ont systématiquement cherché à démanteler ou affaiblir les accords sociaux collectifs, combattu les syndicats et, ce faisant, favorisé les inégalités et l’insécurité au travail. Les pays de l’Union européenne sont aujourd’hui pris dans une course au moins-disant en ce qui concerne les salaires et les droits des salariés, rendant toute réponse au seul niveau national encore plus difficile.

Le mot-clé qui résume ces développements est la « flexibilité », explique le syndicaliste français Thiébaut Weber, un économiste chargé de suivre ces questions au sein de la Confédération européenne des syndicats (CES). Les dirigeants européens sont « obsédés par l’idée que le marché du travail est un marché comme les autres et qu’il doit être rendu aussi flexible que possible », précise-t-il. Ce qui signifie permettre aux entreprises d’employer leurs salariés à leur propre discrétion, selon les conditions du marché, et au coût le plus bas possible. En d’autres termes, les employés sont les perdants. Selon Thiébaut Weber, les politiques sociales suivent le même principe à travers toute l’Europe, et « la précarité en est le résultat logique ».

451 réformes du droit du travail en dix ans

De fait, le droit du travail des pays de l’Union européenne a connu une vague de dérégulation depuis deux décennies, qui ne semble pas prête de s’arrêter. L’Organisation internationale du travail (OIT) a recensé, dans les pays dits « développés » et notamment dans l’UE, 451 réformes du droit du travail depuis l’année 2008. La plupart de ces réformes structurelles, comme elles sont appelées dans le jargon des économistes, suivent la même recette : si les travailleurs sont suffisamment flexibles et bon marché, alors les entreprises créent de l’emploi, le chômage baisse, et l’économie croît.

Telle est également la logique sous-jacente à l’« Agenda 2010 » mis en œuvre par l’ancien chancelier fédéral allemand Gerhard Schröder pour casser les prétendues « structures ossifiées » du marché du travail. Les emplois temporaires ont été « libérés des contraintes bureaucratiques » et la limitation de ces contrats temporaires dans les start-ups allongée à quatre ans. Les « mini jobs » et les emplois à bas salaire ont bénéficié d’un traitement fiscal de faveur, et les chômeurs ont été contraints d’accepter n’importe quelle offre d’emploi, aussi mal payée soit-elle. En parallèle, un grand nombre d’entreprises ont choisi de s’exempter des accords salariaux collectifs et de recourir à des travailleurs temporaires, contractualisés ou à temps partiel, pour réduire leurs coûts salariaux.

Le tableau catastrophique de l’emploi allemand

Aujourd’hui encore, ces réformes sont considérées dans l’Europe entière comme une réussite incontestée. Le taux de chômage allemand est tombé au plus bas depuis la réunification (2,5 millions d’Allemands seraient au chômage mais plus de 7 millions occupent un emploi à bas salaire, lire notre article ici). Les hommes politiques des autres pays se plaisent à évoquer le modèle allemand lorsqu’ils veulent déréguler un peu plus le marché du travail national. La chancelière Angela Merkel a elle aussi l’habitude de chanter les louanges des « réformes » allemandes. Ce n’est que grâce à ces réformes que l’Allemagne « a pu distancer la France », a-t-elle affirmé en mai 2017.

Pourtant, le mythe du miracle allemand de l’emploi est trompeur. Certes, le nombre de personnes actives a augmenté de plus de 10 % entre 2003 et fin 2016, passant de 39 à 43 millions. Mais ce résultat n’a été atteint que par le remplacement d’emplois à temps plein par des temps partiels et des mini jobs. En réalité, le nombre d’heures travaillées n’a pas du tout augmenté jusqu’en 2010 ; le travail a seulement été réparti entre davantage de personnes. En outre, depuis 2011, le nombre d’heures travaillées a augmenté beaucoup plus lentement que l’emploi, et reste en deçà du niveau du début des années 90.

Résultat : en 2016, 4,8 millions de personnes en Allemagne vivaient exclusivement de « mini jobs ». Et 1,5 million de personnes supplémentaires occupent des emplois à temps partiel imposé. Sans oublier environ un million d’employés temporaires ou intérimaires, et plus de deux millions de personnes auto-employées, dont la plupart n’a pas assez de travail.

Une « armée de sous-employés à temps partiel »

L’« armée industrielle de réserve » constituée par les chômeurs, d’après la célèbre expression forgée par Karl Marx, « n’a vu sa taille réduite qu’au prix de la croissance d’une armée de réserve de sous-employés à temps partiel ou de sur-employés qui doivent jongler entre plusieurs emplois pour survivre ». C’est ainsi que le sociologue et économiste Oliver Nachtwey, auteur du bestseller allemand La société du déclin [1], résume la situation.

Le prétendu miracle allemand a ainsi condamné des millions de gens à vivre à cheval sur le seuil de pauvreté. Ces personnes doivent se débrouiller avec moins de 60 % du revenu moyen, environ 1070 euros par mois. En dépit d’un taux de chômage très bas, cette catégorie sociale n’a cessé de s’étendre pour atteindre aujourd’hui 16 % de la population. Une grande partie de ceux qui bénéficient encore de contrats à temps plein ont eux-mêmes été laissé sur la touche.

Les plus modestes gagnent moins en 2016 qu’en 1996

En tenant compte de l’inflation, les 40 % les plus modestes des salariés allemands gagnaient moins en 2016 que vingt ans auparavant, comme le gouvernement fédéral a dû l’admettre dans un récent rapport sur la pauvreté et la richesse. Ce qui a conduit le Financial Times à qualifier le miracle allemand de « simple mythe ». Une conclusion partagée par Christian Odendahl, chef économiste du think tank patronal Center for Europe Reform, lequel a résumé la teneur du rapport à destination du public international.

Mais dans les faits, le concept de la flexibilisation du marché du travail s’est transformé en un puissant dogme économique. En Espagne, les contrats à durée déterminée de quelques mois sont devenus la norme. Les Pays-Bas ont également rendus leurs salariés plus « flexibles » à travers diverses formes de contrats à temps partiel. En Italie, le nombre de « faux travailleurs indépendants » a explosé après que les professions libérales comme celles d’avocat ou d’architecte aient été « ouvertes à la concurrence » en 2006, et que l’encadrement des tarifs ait été aboli.

La Pologne, championne de la précarité

Mais c’est peut-être en Pologne que la sécurité de l’emploi a été la plus durement frappée. Pour rendre le pays encore plus attractif vis-à-vis des investisseurs internationaux après son entrée dans l’UE, le gouvernement de Varsovie a apporté en 2004 sa propre innovation dans le secteur des contrats précaires : tous les salariés seraient désormais employés à durée déterminée, et pourraient être renvoyés à tout moment sans avoir à fournir de justification particulière.

En parallèle, le gouvernement polonais a favorisé une expansion massive des contrats limités à des projets particuliers, en dehors du droit du travail. Les personnes concernées se voient refuser toute assurance maladie et toute protection sociale. Elles ne bénéficient pas non plus du salaire minimum. Des multinationales aux PME, de nombreux employeurs se sont rués sur l’aubaine. De sorte qu’aujourd’hui, plus d’un tiers des actifs polonais travaille sans sécurité ou pour des salaires de misère, davantage que dans tout autre pays de l’Union européenne. La législation polonaise sur le travail constitue un « retour au 19ème siècle », s’indigne Adam Rogalezski, secrétaire pour l’Europe de la confédération syndicale polonaise OPZZ.

Mais la Pologne n’est pas un cas isolé. Lorsque la crise financière a entrainé de nombreux pays de l’UE dans la récession, provoquant une forte hausse de la dette publique et du chômage, la dérégulation du marché du travail a été présentée comme la solution magique à tous les maux par la Commission, alors dirigée par le très libéral José Manuel Barroso, et par les ministres des Finances de la zone euro.

La flexibilité salariale, « un dogme religieux »

Pour l’économiste Olivier Blanchard, qui dirigeait au même moment le département de recherche du FMI, ce soudain engouement a quelque chose d’énigmatique. « Avant 2009, les réformes structurelles étaient un sujet secondaire », se souvient-il. Mais elles se sont rapidement transformées en slogan ressassé dans toutes les conférences officielles. « L’idée que l’affaiblissement des syndicats et la flexibilité salariale étaient le moyen de sortir de la crise était exposée comme un dogme religieux. » Ce qui était aussi évidemment, ajoute-t-il, « une manière pour les ministres des Finances et les banques centrales de se défausser du problème sur d’autres. »

Le responsable des questions économiques dans la Commission Barroso, le finlandais Olli Rehn, a appelé les pays frappés par la crise à rechercher « une fixation flexible du salaire et davantage d’incitations à retrouver du travail pour les personnes sans emploi ». Dans le même temps, le patron de la Banque centrale Mario Draghi a mis la pression sur les gouvernements espagnol et italien. Afin de restaurer leur solvabilité, les deux pays devaient « réformer le système de négociation des accords salariaux, et privilégier les accords au niveau de chaque entreprise pour adapter les salaires et les conditions de travail à leurs besoins spécifiques », selon les termes d’une lettre adressées aux dirigeants italiens. De l’Espagne étaient parallèlement demandées « des mesures pour réduire les salaires dans le secteur privé », et l’autorisation de contrats de travail « ne proposant qu’une compensation minime en cas de licenciement ».

Limiter le pouvoir des syndicats

Les fonctionnaires travaillant sous l’égide d’Olli Rehn ont précisé ce qu’ils considéraient comme des réformes « favorables à l’emploi » dans un rapport sur le « développement du marché du travail ». Selon ce document, les réformes souhaitables sont celles qui « assouplissent les conditions des licenciements », « augmentent la durée maximale des contrats à durée déterminée ou d’intérim, ainsi que le nombre maximal de renouvellements », « réduisent le pouvoir de négociation ou la portée des accords collectifs » et « ont pour conséquence de limiter globalement le pouvoir des syndicats en matière de négociation salariale ».

C’est dans les pays les plus exposés à la crise, comme le Portugal, la Grèce ou la Roumanie, que les dirigeants européens ont favorisé de la manière la plus outrancière les intérêts des actionnaires. Les gouvernements de ces derniers pays étaient sous la dépendance des prêts en urgence des autres pays membres de la zone Euro et du FMI. Les fonctionnaires de la « troïka » formée par la Commission, le FMI et la Banque centrale européenne (BCE) ont mis à profit cette situation pour imposer – au nom des créanciers – une réforme radicale du droit du travail et des législations relatives au dialogue sociale, pour le plus grand bénéfice des employeurs.

Le droit social grec laminé sur commande

C’est ainsi qu’en octobre 2011, par exemple, Pierre Deleplanque, patron du producteur de ciment Heracles, lui-même filiale du leader mondial des matériaux de construction Lafarge, a pu transmettre directement ses exigences au chef de la délégation du FMI à Athènes, après un rendez-vous privé avec les fonctionnaires de la troïka. Le journal grec Efimerida ton Sinakton, partenaire d’Investigate Europe, a révélé la teneur de ce document confientiel. Le cadre de Lafarge y demande, outre « la suspension des accords salariaux de branche », l’abolition des accords salariaux en vigueur dans les grandes entreprises « afin de favoriser les accords individuels » et supprimer ainsi toute protection collective pour les employés (sur ce sujet, lire notre article ici).

Tous ces vœux ont été exaucés. Les contrats associés aux prêts d’urgence à la Grèce, intitulés « protocoles d’accord », stipulaient que désormais les salariés pourraient être licenciés en ne recevant qu’une compensation minimale. Les accords salariaux nationaux ou de branche qui avaient été la norme jusqu’alors furent abolis. Aujourd’hui, les négociations ont presque systématiquement lieu à l’échelle de chaque entreprise, le plus souvent directement avec les salariés, sans passer par les syndicats.

De nouvelles lois « ont donné aux employeurs le pouvoir de prendre des décisions unilatérales », comme « la conversion de contrats traditionnels à temps plein en contrats précaires », ont conclu des chercheurs de l’Université de Manchester dans une étude ultérieure, financée – ironiquement – par la Commission européenne. Selon cette étude, d’innombrables contrats permanents ont été transformés depuis 2011 en contrats à temps partiel et à durée déterminée, et dans quatre cas sur cinq sans l’accord des personnes affectées. Le projet visait à rendre l’emploi moins sécurisé, et les salaires ont chuté de 23 % en moyenne.

En Roumanie, les lobbies patronaux rédigent des lois

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la fin imposée des négociations salariales contrevenait pourtant aux conventions internationales. Ce qui n’a pas suscité d’états d’âme du côté de la Commission européenne. Au contraire, ses fonctionnaires ont décidé d’appliquer les mêmes réformes radicales au Portugal. Dans ce pays, ils ont mis fin à l’expansion des contrats faisant l’objet d’accords négociés au niveau national pour toutes les entreprises d’une même branche, qui étaient jusqu’alors la norme. Avec un succès retentissant. Jusqu’en 2008, environ 45 % des salariés portugais disposaient de contrats liés à des accords de branche nationaux. Six ans plus tard, ce chiffre était tombé à 5 %.

En Roumanie, les fonctionnaires de l’UE ont même excédé leur mandat pour imposer une libéralisation radicale. En posant comme condition à un prêt d’urgence, en 2009, le « dégraissage des enceintes institutionnelles de négociation salariale », ils se sont directement mis au service des intérêts des multinationales et de leurs lobbies.

« Le Council of Foreign Investors et l’US Chamber of Commerce [deux lobbys patronaux américains] ont été impliqués dans la rédaction même des nouvelles lois relatives au marché du travail, pour leur plus grand bonheur », explique la chercheuse Aurora Trif, de l’Université de Dublin, qui a étudié les acteurs impliqués pour une autre étude financée par l’Union européenne. Selon elle, ces deux institutions n’ont même pas cherché à cacher leur influence sur cette législation. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

40 % des employés roumains au salaire minimum : 318 euros par mois

Résultat : un droit du travail permettant aux entreprises de passer leurs employés à temps plein sous des contrats à temps partiel, de proposer des nouveaux contrats à durée déterminée, et de recourir sans aucune restriction aux intérimaires. Dans le même temps, à l’initiative de la Commission européenne, le gouvernement roumain a supprimé tout dialogue social à l’échelle nationale, laissant la négociation des nouveaux contrats à la discrétion des employeurs.

Le système de négociation collective qui prévalait jusqu’alors, s’appliquant à 90% des salariés, « a été pratiquement anéanti », déplore Petru Dandea, secrétaire de la confédération syndicale Cartel Alfa. Les représentants élus du personnel ont également perdu toute protection contre le licenciement, tout comme les employés qui osaient faire grève. En conséquence de ces réformes draconiennes, les salaires ont subi une telle dégringolade que désormais 40% des salariés roumains ne touchent que le minimum légal (318 euros mensuels). « Nous sommes payés comme si nous étions un pays de travailleurs non qualifiés », résume le syndicaliste roumain.

La Commission européenne en a pris bonne note. Lorsqu’un gouvernement ultérieur à Bucarest a annoncé en 2012 qu’il souhaitait encourager à nouveau les accords salariaux nationaux contraignants, les émissaires du commissaire Olli Rehn, avec ceux du FMI, ont mis leur veto. « Nous pressons fortement les autorités de s’assurer que les accords collectifs nationaux ne contiennent pas d’éléments relatifs aux salaires et ne remettent en cause les progrès obtenus avec le nouveau code du travail adopté en mai 2011 », ont-ils écrits au gouvernement. En plein accord avec la Chambre du Commerce des États-Unis, qui a elle aussi signé une lettre de protestation. Le gouvernement a dû faire machine arrière.

Des réformes qui n’ont aucun bénéfice mesurable pour l’économie

Cependant, en intervenant ainsi, Olli Rehn et ses fonctionnaires usurpaient une prérogative qui n’était pas la leur. L’article 153 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit explicitement que l’UE et ses organes n’ont aucune responsabilité quelle qu’elle soit en ce qui concerne les « rémunérations ». Olli Rehn siège aujourd’hui au conseil de la Banque centrale de Finlande. Ne souhaitant pas revenir sur son rôle dans la réforme du droit du travail d’autres pays, il a refusé nos demandes d’entretien. L’ancien ministre des Finances des Pays-Bas, Jeroen Dijsselbloem, qui a supervisé en tant que président de l’Eurogroupe la précarisation massive du travail au Portugal et en Grèce, n’a pas non plus souhaité nous répondre.

Ils n’ont peut-être pas eu tort. Il est en effet clair depuis longtemps que les « réformes structurelles » qui pénalisent les salariés n’ont aucun bénéfice mesurable pour l’économie. « La régulation du marché du travail n’a pas d’effet statistiquement significatif sur la productivité », confirme le rapport annuel 2015 du FMI. Même les économistes de l’OCDE, le club des nations les plus riches, traditionnellement très libéraux, ont dû concéder l’année dernière que « la plupart des études empiriques examinant les effets des réformes visant à flexibiliser le marché du travail suggèrent qu’elles n’ont qu’un impact très limité, voire pas d’impact, sur le niveau de l’emploi ».

Une étude de l’Institut syndical européen, think tank des syndicats du continent, s’est penchée sur la question à partir de sondages approfondis dans huit pays, dont l’Espagne, la Pologne et l’Allemagne. Ces données suggèrent « un résultat très clair », selon Martin Myant, chef économiste de l’Institut : il n’y a « aucune preuve empirique » que la « dérégulation a amélioré l’emploi ou réduit le chômage de certains groupes sociaux ». Mais ces réformes ont été « accompagnées par une augmentation de l’emploi précaire, en particulier dans les pays où la dérégulation a été la plus agressive », ont conclu Martin Myant et ses collègues.

Généralisation du dumping social

Même le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, qui pressait naguère l’Espagne et l’Italie de modérer les salaires et d’affaiblir les syndicats, semble en proie au doute. Certes, l’économie européenne semble renouer avec la sacro-sainte croissance. Mais pas les salaires. Conséquence : l’inflation reste si basse, que Mario Draghi et ses collègues n’osent pas rétablir les taux d’intérêts à leur niveau traditionnel. « Les modes de fixation des salaires et des prix dans la zone euro ont changé durant la crise, a-t-il récemment déclaré. Par exemple, les réformes structurelles qui ont renforcé le rôle des négociations salariales au niveau des entreprises ont pu rendre les salaires plus flexibles à la baisse, mais pas nécessairement flexibles à la hausse. » Est-ce vraiment une surprise ?

Le mécanisme comporte un risque énorme : les réformes, qui n’ont pas apporté de résultats tangibles, ont enfermé les pays de l’UE dans une course au moins-disant social, en termes de salaires et de conditions de travail. C’est aujourd’hui en France que cette course se poursuit. Le pays compte moins de personnes piégées dans des contrats précaires et mal payés que ses voisins européens.

Pour les patrons français, c’est un désavantage, et ils réclament une « décentralisation » des négociations salariales et des contrats de travail plus flexibles. Emmanuel Macron a exaucé leurs vœux avec sa récente réforme « pro-business », selon les termes du Financial Times, du droit du travail (lire notre article : Priorité à la négociation d’entreprise : pourquoi les salariés ont tout à y perdre).

En France, le processus est en cours

Cette politique est menée en France alors qu’il « n’y a pratiquement aucune preuve que la libéralisation du marché du travail y réduira le taux de chômage », avertit l’économiste de Harvard Dani Rodrik. Cela ne semble pas inquiéter Emmanuel Macron et ses conseillers. Dans l’avenir, employés et patrons seront encouragés à négocier directement au niveau de l’entreprise, et le gouvernement a décidé de restreindre le champ d’application des accords collectifs nationaux. « Nous donnons aux employés et aux employeurs la liberté de s’organiser eux-mêmes », a expliqué un haut fonctionnaire du ministère du Travail, architecte en chef de la réforme d’Emmanuel Macron, dans le cadre d’une entrevue accordée à Investigate Europe. Il n’a cependant pas souhaité que son nom soit cité. Ce technocrate conteste que le but de la réforme soit de réduire les salaires, même les réformes similaires menées en Espagne ou au Portugal ont conduit à ce résultat.

Le gouvernement français a simultanément créé une nouvelle forme d’emploi précaire : à l’avenir, des travailleurs pourront être embauchés dans le cadre de « contrats d’opération » conclus pour un projet déterminé, sans limite formelle de durée, mais qui prendra automatiquement fin au terme de la réalisation du projet.

La France se dirige donc tout droit vers une aggravation de l’insécurité au travail, au moment même où c’est le contraire qui serait nécessaire. « Si nous voulons nous attaquer à la hausse des inégalités, c’est une re-régulation du droit du travail qui est requise, pour renforcer à nouveau le pouvoir de négociation des salariés », déclare par exemple Gustav Horn, dirigeant de l’Institut allemand de macro-économie (IMK), lié aux syndicats. « Les emplois précaires ne doivent pas devenir la norme », estime également Marianne Thyssen, commissaire européenne à l’Emploi et aux affaires sociales, qui déclare avoir abandonné les politiques de dérégulation qui étaient celles de ses prédécesseurs.

Face aux libéralisations, opposer un nivellement par le haut

Existe-t-il une voie pour sortir de l’impasse dans laquelle les dirigeants actuels nous ont précipité ? Une idée fréquemment avancée consisterait à augmenter significativement les contributions des employeurs à la sécurité sociale pour les emplois précaires. Les travailleurs concernés par ces contrats doivent recourir bien plus souvent que les autres aux assurances sociales. Il serait donc logique que les entreprises paient le juste prix de la « flexibilité » imposée à ces employés. « Nous ne voulons plus de profiteurs de nos systèmes sociaux », affirme la commissaire européenne. Serait-ce pour autant suffisant ?

Une autre piste consisterait à réformer la base même des législations européennes du travail, juge Claudio Treves, secrétaire général pour les professions libérale de la confédération syndicale italienne CGIL. Au lieu de réguler tous les types de contrats de travail qui existent au sein de l’UE, le but devrait être de créer une « charte européenne des droits fondamentaux des travailleurs » [2], qui garantisse à chacune et chacun le droit à l’assurance maladie et à l’assurance retraite, ainsi qu’à un salaire minimum décent, quel que soit le type de contrat de travail. Une revendication déjà soutenue par plus de 1,3 millions de personnes en Italie, souligne-t-il.

Les nouveaux défenseurs de la sécurisation du travail n’ont cependant pas encore suffisamment de poids et d’influence pour pousser une telle réforme. Seul un tout petit nombre de précaires sont aujourd’hui membres de syndicats. Mais la situation pourrait évoluer, car l’économie numérique entraine à son tour une explosion de la précarité. Les entreprises de l’économie des plateformes, telles Uber, Foodora ou Amazon, contournent le droit du travail à grande échelle, et leurs employés n’ont souvent aucune forme de protection sociale, de comité d’entreprise ou de protection contre les licenciements. Mais les nouveaux forçats du 21ème siècle pourraient bien vouloir en finir avec cet ordre des choses.

Harald Schumann et Elisa Simantke, pour Investigate Europe

(Traduction : Olivier Petitjean)

source https://www.bastamag.net/Hold-up-social-comment-le-droit-du-travail-a-ete-demantele-en-Europe-sans-aucun

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