Taxe GAFA : une mesure symbolique qui ne s’attaque pas à l’injustice fiscale
Mercredi 6 mars, Bruno Le Maire présentera en Conseil des ministres le projet de loi dit « taxe GAFA ».
Cette taxe doit s’appliquer à toute entreprise proposant des services numériques en France et dont le chiffre d’affaires lié aux activités numériques est supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France. Le gouvernement espère 500 millions d’euros de rentrées fiscales par an. Une trentaine d’entreprises du numérique seraient concernées, telles que Uber, Booking ou Airbnb, mais aussi et surtout, les GAFA* (Google, Amazon, Facebook, Apple), premières cibles de cette taxation.
500 millions, un rendement modique
Il est aujourd’hui de notoriété publique que les géants du numérique déclarent artificiellement leurs revenus dans des paradis fiscaux comme l’Irlande ou les Pays-Bas, et payent des impôts dérisoires en France. Le gouvernement affirme que la « taxe GAFA » va résoudre cette anomalie.
Or le projet se limite à instaurer une taxe de 3% sur ce que Bruno Le Maire nomme le « chiffre d’affaires numérique » (marketplace, ciblage publicitaire, revente de données personnelles à des fins publicitaires). La recette espérée de 500 millions d’euros est un montant symbolique quand on sait qu’Amazon seule a un chiffre d’affaires estimé en France à 6,6 milliards d’euros en 2018 [1].
Selon Raphaël Pradeau, porte-parole d’Attac, « Cette taxe est symbolique et ne règle en rien le problème de l’évasion fiscale massive de ces multinationales. C’est comme si on reconnaissait à ces entreprises un droit à l’évasion fiscale et qu’on se contentait de récupérer quelques miettes. Contrairement à ce que prétend la majorité, les GAFA ne vont pas être imposés « comme tout le monde » [2], ni payer leur « juste part d’impôts » [3]. Cette mesure est avant tout un coup de communication, destiné à montrer, à quelques semaines des élections européennes, que le gouvernement prétend répondre à la demande de justice fiscale ».
Pour une taxation unitaire des multinationales
Pour Dominique Plihon, porte-parole d’Attac, « si le gouvernement voulait vraiment mettre fin à ce scandale, il faudrait plutôt prélever une partie des bénéfices mondiaux des multinationales en s’appuyant sur des critères d’évaluation de leur activité réelle dans chaque pays : nombre d’employé·e·s, usines, magasins, montant des ventes ou encore parts de marché. »
Appelée taxe globale ou taxe unitaire, cette mesure permettrait de neutraliser durablement les transferts artificiels de bénéfices vers les paradis fiscaux. Fin janvier, dans le cadre de l’OCDE, 127 pays se sont engagés à trouver d’ici à 2020 un accord international sur la taxation des géants du numérique. « Un engagement qui va dans le bon sens, poursuit Dominique Plihon, mais il reste encore beaucoup d’obstacles politiques pour que cela devienne réalité. »
Les difficultés pour évaluer les pertes fiscales engendrées par les pratiques des géants du numérique puisent leur source dans l’absence de transparence et la grande opacité dont ils bénéficient. Il est donc nécessaire d’instaurer un reporting public pays par pays, afin de connaître l’activité réelle des multinationales dans chaque pays et de les taxer en conséquence.* nous reprenons ici le terme employé par le gouvernement mais il serait plus juste de parler de « taxe GAFAM », en ajoutant Microsoft à ce terme, tant l’entreprise possède un poids économique et une présence sur le « marché du numérique » semblables aux « GAFA ».