Pays maritime La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Pays maritime

Septembre déjà. Au Pirée, les habitués du samedi contemplent depuis la terrasse du seul café demeurant aux goûts musicaux humains, les entrées et les sorties au plus grand port grec, acquis par COSCO, le géant chinois. On y discerne même la fumée, ainsi que cette odeur de flexible brûlé émanant des entrailles du ferry ELEFTHERIOS VENIZELOS amarré dans urgence juste en face. Un incendie s’est déclaré dans son garage en pleine mer mardi dernier vers minuit ; le navire avait fait demi-tour vers le Pirée, où ses passages ont été évacués. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse. Grèce pays maritime.

Les habitués du samedi. Le Pirée, septembre 2018

“Notre chance fut que la mer était relativement calme, et que le Pirée n’était guère trop loin”, peut-on lire dans la presse du moment. Surtout, le dispositif anti-incendie automatique s’est exactement déclenché comme prévu, et le sinistre avait ainsi été contenu au garage du navire. Durant toute cette semaine, le pays maritime s’est très légitimement occupé et préoccupé des détails du feuilleton lié à l’aventure du grand ferry crétois blessé.

Entrées et sorties du port. Le Pirée, septembre 2018

Il faut préciser que dans le meilleur de la culture néohellénique, nos navires des lignes de l’Égée et de son l’archipel grec font partie de la famille, autrement-dit, ils posséderaient une certaine âme.

Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018

Mais il y a aussi, le… pire de cette culture néohellénique, redoutablement vacillante. Le pseudo-gouvernement de la marionnette Tsípras vient d’être partiellement remanié, il faut dire dans l’indifférence, ou sinon, sous le sarcasme du peuple privé de son destin. Nominations hétéroclites, entre jeunes femmes “bimboïdes” et qui s’affichent de la sorte très volontairement pour en rajouter (Notopoúlou), ou encore, entre hommes et femmes très largement compatibles Sóros. Du personnel politique voué… à la destruction de la culture, de la société, comme de la nation grecque. Telle est singulièrement, la nomination de la PASÓKienne Myrsini Zorba au ministère de la Culture.

Il s’agit de la compagne de l’historien Antónis Liákos, connu pour incarner le patriarche actuel du révisionnisme “décoloriste” de l’histoire grecque, poulain en son temps du Premier ministre du PASOK et de Berlin Kóstas Simítis , et enfin depuis 2012, mentor alors très familier d’Aléxis Tsípras, un habitué des ateliers très rentables des modalisateurs.

Comme le remarque Státhis Stavrópoulos, caricaturiste et journaliste de la trop vieille gauche, c’est un gouvernement où les anciens PASÓKiens du cercle de Simítis détiennent alors une place de premier choix, à l’instar de Liákos et de sa femme, Zorba. C’est le ministère de la Culture, c’est-à-dire, “la culture grecque aux mains de Sóros”, précise Státhis Stavrópoulos, “To Pontíki”, le 30 août .

Sans parler du cas l’indescriptible Katerina Papakosta redevenue ministre, une arriviste, ancienne député et même ministre de la supposée droite Nouvelle Démocratie, qui en rajoute à l’arrivisme et au ridicule ambiants des criminels Syrizístes. Papakosta, dont la dextérité politique se résume au remplissage régulier et généreux de sa seule poche, elle s’est même présentée à la cérémonie d’investiture accompagnée par sa fille, autre jeune femme dans le vent actuel volontairement “bimboïde”, (presse grecque de la semaine) .

Katerína Notopoúlou, ministre… bimboïde. Athènes, août 2018
Aléxis Tsípras et Katerína Notopoúlou. Athènes, août 2018
Tsípras… Persona non grata. Affiche, Thessalonique, septembre 2018

En quelque sorte, “nos politiciens, hommes ou femmes, incarneraient très exactement ces prostitués à la solde des violeurs et autres occupants escrocs venus de la mondialisation, Mitsotákis de la relève supposée prochaine compris.” Tel est le discours d’une bonne partie du peuple d’en bas, forcément d’en bas, y compris sur les terrasses des café du Pirée donnant face à la mer.

Ainsi va la vie et la mort au pays maritime, entre vents et surtout marées. Dans la série imaginaire si chère au bouffon politique Tsípras, “la Grèce sort du régime de la Troïka”, le gouvernement vient d’annoncer la mise en place prochaine d’un mécanisme de recensement des tous mes biens meubles comme de l’immobilier des Grecs (voitures, embarcations, motos, meubles, œuvres d’art, bijoux etc.), presse grecque, septembre 2018 .

Ceci, histoire d’instituer très officiellement un futur nouvel impôt sur l’ensemble des biens que détiendrait encore le bien bas peuple, en somme, c’est une disposition impériale et totalitaire exigée depuis un moment par le FMI, dans le but de tout contrôler… et sans doute un jour de dépouiller les peuples indigènes… alors jusqu’au bout.

Septembre alors et certains des nôtres ont déjà quitté le pays blessé, comme s’ils étaient évacués de force du ferry en flammes dans le port du Pirée. Au village thessalien, ma nièce qui n’était pas revenue au pays depuis plus de deux ans, elle raconte alors volontiers sa nouvelle vie en Allemagne. Expatriée depuis quatre ans en compagnie de son époux et de leur enfant, ils n’ont eu guère de choix comme ils le disent en soupirant. Thessalie ainsi profonde.

Touristes aux Météores. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018

“Notre famille a été en quelque sorte anéantie. Ma sœur, mon frère et moi nous avons quitté notre patrie au bout de quatre ans de crise et de chômage. Ma sœur vit à Londres, et nous en Allemagne. Rien de commun avec le sort des anciens, des oncles et tantes ayant émigré en Allemagne de l’Ouest entre les années 1960 et 1970. Eux du moins, ils revenaient chaque année au pays pour les vacances, leurs revenus augmentaient au fil des années, et même à présent, ils perçoivent encore leurs retraites, plutôt décentes”.

“Nous, nous ne prétendons et nous ne prétendrons plus jamais à un destin pareil. Nos salaires de misère nous permettent tout juste la survie, nous voyageons alors à peine à l’intérieur de l’Allemagne chez nos divers relais… famille grecque, et pour tout dire, la Grèce nous manque toujours énormément. Et même si nous n’y revenons guère trop souvent, je n’ai jamais voulu mettre ma maison ici en location, location longue ou très à la mode désormais du type Airbnb. Non, jamais. Cette maison c’est mon ultime refuge, ma toute petite patrie, ma solution même d’un retour disons imposé en cas d’urgence. Que dire de plus ?”

Allemands et retraités. Grèce, septembre 2018
Grèce, pays réel. Athènes, septembre 2018

“L’Allemagne non plus, elle n’est point celle que nos parents et grands parents avaient pu expérimenter. Notre bourg… allemand n’a par exemple plus d’enfants allemands. Dans la classe de mon fils âgé de six ans, il s’y trouve un autre enfant originaire d’un pays de l’UE, puis, un seul enfant allemand. La vingtaine des autres enfants sont issus d’une immigration alors très récente, ils sont d’origine arabe et ils sont venus de tant de pays comme la Syrie, l’Irak et bien d’autres. L’ambiance qu’y règne est disons alors étrange quant à la socialisation de mon petit. Nous souhaitons déménager dans une ville allemande où il y a encore une école grecque, mais ce n’est pas évident. Depuis la crise, la Grèce ne finance plus ses écoles à l’étranger et elles ferment l’une après l’autre alors que les jeunes quittent le pays, leurs enfants compris. C’est dramatique”.

“L’année dernière, j’ai pu trouver un billet d’avion pas cher, ainsi j’ai rendu visite à ma sœur à Londres. Elle travaille certes, et elle est, supposons-le, correctement payée. Cependant, elle vit en colocation comme du temps de sa vie d’étudiante, son salaire ne lui permet pas de fonder un foyer et encore moins de revenir en Grèce pour ses vacances. Cela fait près de quatre ans qu’elle n’y a pas retournée. Au même moment, Tsípras a écarté une fois de plus que d’accorder la possibilité du vote aux Grecs de l’étranger. Comme si nous ne devrions plus être concernés par les affaires du pays… tandis que les ressortissants des autres pays européens, voire les Turcs vivant en Allemagne peuvent très naturellement le faire. Le système politique grec a peur de nous, la pays nous a crachés… Reviendrions-nous alors un jour ?”

Au pays des tente millions de touristes, les moines thessaliens transportent encore leurs couvertures et tapis jusqu’aux rares lavoirs traditionnels de la si belle région de ma nièce, tandis que les touristes patientent devant les monastères des Météores… pour un pèlerinage alors bien de masse et pour tout dire, plus stérile que jamais. Peu importe, ma nièce aura déjà quitté le pays à bord d’un vol entre Thessalonique et le pays d’Angela Merkel.

Touristes. Grèce, août 2018
Touristes. Grèce, août 2018
Plage. Péloponnèse, août 2018

Hasard du calendrier, c’est justement en cette même fin août que les nouveaux voisins ayant acquis l’appartement d’en face à Athènes… ont fait leur apparition. Il s’agit d’une famille allemande et heureuse de l’être, des expatriés de luxe, lesquels, et d’après les… normes culturelles grecques parmi les plus récentes, ces gens visiblement, ils jubilent. Tout le voisinage aura remarqué que ces nouveaux arrivants alors fredonnent de leurs chansons fréquemment dans la journée, ce que les Grecs du quartier ne font plus du tout depuis des années. Question de… géopolitique, ainsi heureux ressortissants du principal pays colonisateur du seul européisme réellement existant, gens au demeurant bien accueillis dans le quartier, et manifestement amateurs de musique classique.

Grèce alors, si beau pays des voiliers sous le pont du Canal de Corinthe, mer Égée des régates, terroir enfin des estivants et des retraités qui s’y installent depuis les pays de l’Europe du Nord, ton sort serait ainsi scellé et pour tout dire gravé, non pas dans les marbres du Parthénon… mais plutôt, dans le granite tombal des Traités européistes. Et quant aux… locaux qui travaillent par exemple dans le tourisme… certains d’entre eux, ils n’ont pas pu par exemple quitter leur île de Naxos depuis près de dix ans.

Au pays pourtant maritime, les horizons se ferment et se vident, surtout pour les nationaux lorsque les mondialisateurs auront fini par parfaire toutes les conditions du nouvel et dernier indigénat à l’échelle de l’UE, tel est d’ailleurs entre autres son projet et aucun Plan-B supposé “réformateur” des Traités n’est alors possible. C’est aussi de cette réalité qu’il a été question à travers notre discussion, lorsque j’ai eu l’occasion certes brève mais toujours si heureuse, de rencontrer à Athènes, mon ami, écrivain, historien et vaillant analyste, Olivier Delorme.

Avec mon ami Olivier Delorme. Athènes, août 2018
Voilier empruntant le Canal de Corinthe. Août 2018

Les symboles de saison en Grèce s’affichent en ce moment plus entiers que jamais: vacanciers de retour depuis les îles, décollages ininterrompus depuis les aéroports de Grèce, et qui appartiennent le plus souvent à FRAPORT AG, compagnie allemande , c’est entre autres, le retour obligé à l’Europe du Nord.

Les symboles et autant certaines réalités grecques, alors il faut dire jusqu’au bout de la décomposition souvent cachée et volontairement des touristes. Ainsi, la belle île d’Hydra a été privée de courant électrique et d’eau courante durant plus de trente-quatre heures en cette fin août. Remarquable alors pagaille en ce temps de la dérision, où il est devenu extrêmement difficile de choisir les événements dans un temps étrange où l’existence du monde n’est plus qu’un tumultueux torrent crisique. Des touristes et des Grecs ayant été largement scandalisés, surtout en quête désespérée de bateau de retour précipité, certains ont même porté plainte, car “c’est impossible que d’être privés de courant de la sorte durant nos vacances”.

Litanie habituelle de la suffisance comme de l’ignorance ainsi revendiquées. Pauvres gens, les coupures de courant électrique en Grèce deviendront de plus en plus fréquentes, comme les années précédentes à Santorin, comme en cette fin août à Athènes même. Comme dans toute expansion… coloniale bâclée, les infrastructures ne suivent pas toujours, qui plus est, en cette Grèce où le PIB a été diminué de 30% en huit années de dite crise, et où les investissements dans l’économie réelle ne représentaient en 2017 que 40% de ce qu’elles avaient été en 2008 (presse économique du moment) .

Dans la foulée, les Smartphones des vacanciers ont été branchés d’urgence… alors bien vitale et par dizaines, sur les rares prises à Hydra fonctionnant en bout de chaîne aux rarissimes générateurs électriques disponibles. Urgences d’une civilisation… de l’urgence ainsi jusqu’au néant.

Rares prises. Hydra, août 2018, reportage de l’Agence Sputnik
Curiosité grecque. Athènes, août 2018

Je dirais même que pour décidément combattre l’hybris que représente alors cette condition de débauche et de goinfrerie de toute sorte qui règne à Mýkonos et à Santorin, des activistes de la vraie Grèce comme du vrai Monde, devraient durablement… saboter l’alimentation en électricité des deux îles durant l’été: déjà pour commencer !

Septembre déjà au pays des fantômes et des parasites du réel. Aléxis Tsípras, la marionnette des colonisateurs, prépare alors sa rentrée politique à Thessalonique d’où il prononcera son “grand discours” à l’occasion de la Foire commerciale annuelle de la capitale de la Grèce du Nord. Au même moment, des manifestations s’y organisent et des affiches présentent déjà Tsípras comme étant largement indésirable à Thessalonique. Somme toute, pour ce qui tient du remaniement ministériel à travers le dernier sarcasme des Grecs, certaines vielles photos des murs aux slogans PASÓKiens des années 1980 circulent alors allégrement sur Internet: “PASOK, sauve-nous”.

PASOK sauve-nous. Photo des années 1980, île de Syros (Internet grec)
Le retour des vacanciers. Péloponnèse, août 2018

Septembre déjà au pays réel au Pirée ou à Athènes. Terrasses donnant sur la mer et symboles de la nation devant le Monument du Soldat inconnu installé sous le “Parlement”, la Garde Evzone et surtout, cette présence des animaux adespotes, sous le regard très numérique il faut dire des touristes de la saison.

Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018
Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018

Ma nièce est rentrée en Allemagne, Hercule, son chat mi-adespote, mi-adopté est désormais soigné par son père, mon cousin Kóstas resté au village. Dans cette piètre Europe tout ne serait sans doute pas perdu. Les nouveaux voisins Allemands ont également leurs deux chats et ils fredonnent de la musique classique… sous le regard interrogatif de Kokkinos (Rouquin), notre matou adespote des lieux, nourrit par une partie du voisinage.

Régate d’Andros. Golfe Saroníque, août 2018

Grèce, pays des régates en mer Égée. On aurait même définitivement maîtrisé l’incendie déclaré à bord du ferry. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse.
Grèce pays maritime !

Kokkinos, notre matou adespote des lieu

rédaction

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