Par Dimitris Georgopoulos
Grève de la faim grecque, depuis 45 jours maintenant, Dimitris Koufontinas, 63 ans, a insisté auprès de ses médecins pour qu’ils lui retirent les derniers instruments lui permettant de survivre. Les médecins, après un dialogue assez intense avec lui, n’ont pas eu d’autre choix que de respecter sa volonté. Sa mort est considérée comme très probable dans les heures ou les jours à venir.
Le prisonnier a demandé aux personnes qui gèrent son propre blog de publier le poème « Ne m’oubliez pas » de l’un des plus grands poètes grecs, Yannis Ritsos (http://kufontinas.blogspot.com/).
Dans un appel personnel au Premier ministre grec Mitsotakis, le célèbre réalisateur de cinéma Costa Gavras lui a demandé d’appliquer la loi (sauvant ainsi la vie de Koufontinas, car la demande du gréviste est l’application de la loi concernant la détention de prisonniers comme lui, votée par le gouvernement pour le punir !) Des appels similaires ont été lancés par l’écrivain Vassilis Vassilikos, ancien ambassadeur auprès de l’UNESCO, la section grecque d’Amnesty International, l’Union grecque des droits de l’homme et des centaines de médecins, de professeurs d’université, de personnalités internationales et six députés européens.
Mais tout cela n’a eu aucune influence sur le nouveau gouvernement grec, élu à la suite de la défaite par capitulation de SYRIZA (qui n’était pas du tout préparée à appliquer sa promesse) et de son humiliation par l’Allemagne, l’UE et la Troïka. Le nouveau gouvernement grec suit une politique de plus en plus autoritaire, utilisant un langage de « guerre civile » et revenant rapidement aux pires traditions de la droite grecque d’avant 1974.
Ce gouvernement est également fortement influencé, dans toutes ses politiques, par Geoffrey Pyatt, l’ambassadeur des États-Unis en Grèce et ancien ambassadeur en Ukraine, lors du coup d’État à Kiev et de la guerre civile qui a éclaté par la suite (il en allait de même avec le gouvernement SYRIZA précédent). M. Pyatt a déjà critiqué avec force les décisions des tribunaux grecs concernant les conditions de détention de Koufontinas, qu’il trouvait trop douces. M. Pyatt intervient publiquement dans toutes les sphères de la vie publique grecque, d’une manière qu’aucun ambassadeur américain dans l’histoire n’a jamais fait. Selon un article du magazine Covert Action, publié en septembre dernier, il travaille sur un projet visant à créer une nouvelle extrême droite en Grèce.
Si Koufontinas meurt, ce sera la première fois depuis la mort des prisonniers irlandais républicains, il y a quarante ans, qu’un gréviste de la faim meurt dans un pays européen. Sa mort sera une nouvelle expression d’un virage général vers les méthodes autoritaires sans précédent utilisées actuellement dans plusieurs pays européens.
Koufontinas appartient à la génération de jeunes Grecs radicalisés au cours des dernières années de la dictature militaire imposée par les États-Unis en Grèce (1967-74). Après la chute de la junte, il a adhéré au PAMK, une organisation d’élèves créée par le PASOK. Insatisfait de son parcours, il adhérera plus tard à l’organisation terroriste d’extrême gauche le 17 novembre. L’organisation a été démantelée il y a 20 ans et a été vaincue politiquement encore plus tôt. Lorsque de nombreux membres de son organisation ont été arrêtés, il a décidé de se présenter à la police, pour qu’il puisse défendre son organisation. Arrêté, il a été condamné à la prison à vie. Après l’élection du gouvernement de la ND au pouvoir, le nouveau gouvernement a adopté une législation destinée à rendre plus difficile sa condition de prisonnier et prévoyant son transfert à la prison de Korydallos à Athènes.
Mais le gouvernement n’a même pas appliqué la loi qu’il avait votée au Parlement pour le punir. Au lieu de cela, il a ordonné son transfert à la prison de haute sécurité de Domokos, loin de sa famille et l’a placé dans une cellule avec deux autres détenus fumeurs. Puis Koufontinas a entamé une grève de la faim pour demander au gouvernement d’appliquer la loi qui avait été votée (déjà pour le punir !) et de le transférer à la prison de Korydallos comme prévu par celle-ci.
On peut se demander si toute cette opération a été conçue dès le début comme un moyen de pousser Koufontinas à la mort, afin de terroriser toute résistance sociale restante en Grèce. Mais aussi pour pousser une partie de la jeunesse grecque au terrorisme, afin de fournir le prétexte pour imposer un régime beaucoup plus dur en Grèce. Peut-être nécessaire pour opprimer une éventuelle résistance sociale, étant donné la détérioration rapide de la situation économique, mais aussi pour contribuer à transformer la Grèce en un simple bastion d’interventions impérialistes.