CR Rencontre Makis des Viomé avec les salariés d’Ecopla à Grenoble

LA RENCONTRE VIO-ME/ECOPLA

« Une Autre Europe présente à Grenoble »

Vendredi 1er avril, à la Bourse du Travail de Grenoble, Makis ANAGNOSTOU, représentant de l’usine grecque autogérée VIOME de Thessalonique, a rencontré les ouvriers repreneurs de l’usine ECOPLA de Saint Vincent de Mercuze (Isère).

Le collectif « Grèce-Austérité »* de Grenoble avait délégué deux de ses membres ainsi qu’une traductrice pour permettre les échanges entre l’entreprise autogérée de VIO-ME (production de produits d’entretien biologiques), forte de son expérience d’émancipation depuis 2011 et l’entreprise iséroise ECOPLA (production de barquettes et moules alimentaires en aluminium) en cours de liquidation, proposée à des repreneurs, parmi lesquels les ouvriers d’ECOPLA eux-mêmes sous forme de SCOP.

Makis a d’abord exposé l’historique de VIO-ME avec le refus par 35 ouvriers de la fermeture de leur usine, leur recherche d’aides locales (auprès des associations engagées dans des luttes sociales), universitaires (références théoriques avec le livre du professeur argentin André Rogeli) et internationales (contacts avec une usine autogérée Argentine, FRA-LIB en France, etc… Makis signale l’utilisation du spot de toutes les usines occupées en Argentine « Nous occupons, nous résistons, nous produisons » et préconise une méthodologie basée sur la rencontre avec d’autres cas d’autogestion). Ces 3 types d’aide ont toutes joué un rôle essentiel pour la survie de l’entreprise à une heure où se jouait la survie des ouvriers eux-mêmes. Il souligne que la loi française régissant ce type de structure est l’une des meilleures. Aujourd’hui chez VIO-ME, ils ne sont plus que 25 à fonctionner de manière horizontale, toutes les décisions étant prises en assemblée générale mais leur effectif est en hausse avec le recrutement de deux jeunes techniciens supérieurs et les salaires commencent à dépasser le salaire minimum. Pour l’instant le salaire est le même pour tous même si VIO-ME serait favorable à 2 voire 3 niveaux de rémunération en cas d’évolution importante de l’entreprise afin de rémunérer de manière plus juste le personnel soumis à une plus grosse charge de travail. Tous les bénéfices sont répartis dans les salaires et le développement de l’entreprise. Ils n’effectuent aucun emprunt auprès de banques pour ne contracter aucune dette risquant de remettre en cause leur autonomie.

Puis, Makis s’est penché sur le cas ECOPLA, il a voulu savoir comment cette société du Groupe Péchiney en est arrivée au redressement judiciaire. Cela nous a permis de découvrir le dédale dans lequel ECOPLA a évolué, en proie aux acteurs de la mondialisation et de la globalisation capitaliste. Bien que réalisant un chiffre d’affaires et des marges bénéficiaires conséquentes, la société a été rachetée plusieurs fois (banque anglaise, fond de pension américain, milliardaire chinois..) et d’importantes sommes (6 puis 3,5 millions d’euros) ont été prélevées sur la trésorerie de l’entreprise par les acheteurs et  « pour sauver l’usine-mère Cash-Pudding » basée au Royaume Uni (même histoire que pour viome !). Les 3 points forts d’ECOPLA : 1°) ils sont les seuls fabricants en France sur ce créneau, 2°) Ils sont à l’abri de la concurrence avec les pays dits émergents pour des raisons de coût de transport, vu la légèreté et les volumes de leurs produits, 3°) ils ont développé un modèle qu’ils sont les seuls à pouvoir produire face à leur concurrent européen qu’est l’Italie. Actuellement, ils disposent d’une grosse commande et de matière d’œuvre en attente mais ne peuvent pas accéder à l’outil de production. L’usine, placée dans les mains d’un liquidateur, compte aujourd’hui 2 repreneurs italiens, 1 repreneur français ainsi que la reprise en scoop souhaitée par les ouvriers qui se sentent en bonnes relations avec le liquidateur (…accès autorisé aux bureaux de l’entreprise et outil de travail sous bonne garde) autant qu’avec la communauté de communes du Grésivaudan et les banques coopératives. Ils ont bon espoir d’être retenus et n’envisagent donc pas de rapports de force particuliers.

Leur principal adversaire est bien l’Italie qui a déjà absorbé et neutralisé une grande partie de l’usine de traitement de l’aluminium RHENALU basée à Froges, l’Italie qui concentre déjà toutes les étapes de la production de l’usine de Saint Vincent de Mercuze, avec un prix du travail inférieur à celui de la France et qui n’a d’autre but que de récupérer l’ensemble du marché européen et de l’outil industriel, au mépris des travailleurs notamment français.

Ils n’ont, à ce jour, pas prévu de comité de soutien.

Selon Makis les ouvriers d’ECOPLA doivent avant tout avoir leur propre but et ne pas se soumettre à un acheteur. Ils doivent avoir confiance en eux et confiance en le soutien des autres.

Enfin, Makis propose quelques conseils pour la gouvernance :

De son point de vue, ils doivent conserver précieusement la forme horizontale et égalitaire du fonctionnement de leur structure sous peine de retomber dans le giron du capitalisme et de disparaître. Notamment, pour faire partie de l’entreprise, chaque membre doit être en mesure d’apporter sa quote-part financière, dont le montant et les modalités d’acquisition doivent rester facilement accessibles.

Ils doivent donc inscrire dans les textes fondateurs, l’impossibilité de recruter des ouvriers à leur service, privés des droits liés au fonctionnement coopératif de l’entreprise.

Ils doivent se doter du fort soutien de la population locale et au-delà.

Ils doivent s’entourer de compétences universitaires pour asseoir leurs démarches et pour le recrutement de personnels spécifiques et ne pas confier la fonction de direction à une personne de formation éloignée de l’autogestion.

Ils doivent bénéficier de la solidarité nationale et internationale en se rapprochant des entreprises autogérées étrangères comme ils l’ont commencé avec les FRALIB car ils se trouveront confrontés à l’international. A ce sujet Makis invite les représentants d’ECOPLA à se rendre en Grèce le 28 octobre 2016 à Thessalonique, où a lieu le congrès international des entreprises autogérées et coopératives.

A noter que la traductrice, qui a permis un dialogue rapide et productif grâce à sa grande pratique de la langue grecque et à son esprit de synthèse, a signalé aux travailleurs d’ECOPLA l’aide notable que pourra leur apporter son mari, ancien ingénieur de Péchiney, spécialisé dans l’aluminium et les échanges commerciaux dont les producteurs d’aluminium italiens et grecs auprès desquels les ECOPLA se fournissaient déjà. Ce soutien technique sera sans doute très positif pour le développement du projet des travailleurs d’ECOPLA.

La boucle est bouclée : 1- le collectif grenoblois apporte son soutien aux grecs face à l’austérité subie

2- Un grec en lutte apporte son soutien aux travailleurs français un modèle de résistance économique, tandis qu’un grec issu de l’immigration hautement qualifié dans la filière « Péchiney-aluminium » met à leur disposition ses réseaux et son savoir technique.

N’est-on pas là en présence d’une Europe des peuples et de la solidarité face à une Europe de la concurrence et de la globalisation au service d’une minorité possédante ?

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* Le Collectif Grèce-Austérité Isère est soutenu par Attac-Isère et le Cadtm Grenoble

rédaction

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