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Grèce : le troisième mémorandum ne cesse de se durcir

Grèce : le troisième mémorandum ne cesse de se durcir

Par Romaric Godin

Obsédé par son objectif de faire entrer le FMI dans le plan de soutien à Athènes, les créanciers européens ont encore une fois demandé des mesures dures à Athènes.

Dans son roman, Grandeur et Décadence de César Birotteau, Balzac trace le portrait du « petit père Molineux », un propriétaire dont le loisir préféré consiste à tourmenter ses locataires et créanciers. Lorsqu’il le rencontre au bal du parfumeur qui signera sa chute, l’ennemi de Birotteau, le banquier Le Tillet, se fait à lui-même cette réflexion : « Si le père Birotteau fait faillite (…), ce petit drôle sera certes un excellent syndic. (…) Il doit, comme Domitien, s’amuser à tuer les mouches quand il est seul chez lui. » Or, à mesure que la crise grecque s’éternise, l’Eurogroupe, la réunion des ministres des Finances des Etats de la zone euro, ressemble de plus à ce « petit père Molineux ». Il semble prendre plaisir à torturer « sa » mouche, la malheureuse Grèce.

Concessions de l’Eurogroupe

Certes, dans sa réunion du lundi 20 février, l’Eurogroupe a prétendu « lâcher du lest » au gouvernement grec : il a accepté de renvoyer ses inspecteurs à Athènes, ouvrant ainsi la possibilité à terme d’une conclusion de la seconde revue du programme qui, elle-même, ouvre la porte au versement des fonds nécessaires aux remboursements des échéances de juillet prochain qui sont d’environ 7 milliards d’euros, principalement auprès de la BCE. Bref, l’Eurogroupe fait la fleur à la Grèce de ne pas fermer la porte à une faillite dont ils seront, eux-mêmes, les principales victimes.

Plus intéressant, sans doute, est la concession faite à Athènes d’accorder des mesures de croissance, en cas de dépassement des objectifs, comme le gouvernement grec l’a fait en fin d’année 2016 avec la prime accordée aux retraités. Mais, en réalité, l’Eurogroupe semble se comporter avec la Grèce comme le cruel empereur Romain Domitien, cité par Du Tillet, avec ses victimes. « La veille du jour où il fit crucifier son trésorier, il le convoqua dans sa chambre (…), le laissa partir joyeux et rassuré et lui fit même l’honneur de partager son dîner », raconte l’historien Suétone qui résume : « Sa barbarie était non seulement immense, mais encore astucieuse et imprévue. » Ainsi en est-il de l’Eurogroupe qui va faire payer très cher ses bontés.

De nouvelles mesures exigées…

Le gouvernement grec s’est en effet engagé à réaliser une nouvelle réforme des retraites, effaçant ainsi celle qu’il avait lui-même établi l’an dernier et qu’il avait fait accepté aux créanciers au prix d’immenses concessions (notamment des baisses de dépenses automatiques en 2018 en cas de déviation de l’objectif d’excédent primaire de 3,5 % du PIB). Il devra aussi accepter une réforme du marché du travail et une nouvelle réforme fiscale, quelques mois à peine après avoir relevé la TVA d’un point et durci l’impôt sur le revenu. En tout, a indiqué sans badiner et avec une joie non dissimulée, le commissaire européen aux Affaires européennes Pierre Moscovici, la Grèce va devoir encore réaliser des « efforts » de 2 % du PIB.

La logique perdante se poursuit

Très clairement, donc, les créanciers entendent poursuivre la politique menée depuis 2010 en continuant à l’aggraver. Désormais, le troisième mémorandum signé en août 2015, ressemble de plus en plus à une boîte de Pandore d’où surgissent chaque année de nouvelles mesures d’austérité. Et il ne faut pas compter sur les effets « compensatoires » des mesures de « croissance » : ces dernières seront forcément limitées par la marge de manœuvre budgétaire (qui n’est pas certaine d’être chaque année aussi vaste que celle de l’an dernier) et, surtout, de la bonne volonté des créanciers. Il ne s’agira que de « propositions » helléniques qui devront être validées et acceptées par les créanciers. Pas question donc de refaire l’opération de la fin de l’année dernière avec la prime sur les retraites qui avait été une décision unilatérale. Or, selon Le Monde qui cite des sources européennes, « pas question pour les Grecs d’avancer leurs propres réformes tant qu’ils n’auront pas donné toutes les assurances aux créanciers que l’excédent primaire sera d’au moins 3,5 % en 2018 et 2019 ». Et, depuis 2010, tout est dans cette question de « confiance » utilisée par l’Eurogroupe pour obtenir davantage d’Athènes. Autrement dit, Athènes devra attendre pour relancer l’activité, pas pour faire l’austérité. C’est dire si l’on peut douter des déclarations de Michel Sapin selon lesquelles la Grèce est sortie de la logique austéritaire.

Séduire le FMI

C’est qu’en réalité, dans l’esprit des créanciers, la Grèce ne compte pas. Ces mesures ne visent pas à restaurer la compétitivité de l’économie hellénique, pas davantage à rétablir la force de son Etat que l’on dit défaillant, moins encore à rendre soutenable sa dette. Le seul et unique but de ces mesures consiste à résoudre l’impossible équation dans laquelle se sont enfermés les créanciers de la Grèce : parvenir à faire entrer le FMI dans un programme que ce dernier sait intenable tout en ne cédant pas sur la nécessité reconnue par le FMI de réduire le stock de dettes grecques. En exigeant de nouvelles mesures d’économie, les créanciers tentent de faire entrer au chausse-pied la soutenabilité de la dette grecque dans les calculs du FMI. La preuve en est que, d’après le gouvernement grec, l’Allemagne réclame « 10 ans » d’excédents primaires élevés. Une mesure qui ne servirait qu’un objectif : accumuler les réserves pour rembourser la dette. C’est donc une fiction de plus permettant notamment aux Allemands de maintenir cette exigence qui avait présidé à la naissance de ce troisième plan : la participation, théoriquement impossible, du FMI.

Un FMI divisé

Le Fonds de Washington n’a pas encore donné de réponse. Christine Lagarde rencontrera le 22 février Angela Merkel. Sa position est très délicate. D’un côté, les Européens pèsent lourd mais exige une nouvelle fois que le FMI oublie ses règles élémentaires de conduite, comme en 2010. Les membres émergents du Fonds pourraient hésiter à se lancer dans une nouvelle et coûteuse erreur. D’autant que le principal contributeur au Fonds, les Etats-Unis, semblent désormais, peu soucieux de tenir compte des intérêts allemands. La directrice générale du FMI va donc devoir se montrer très convaincante pour faire avaler à la direction du FMI cette nouvelle aventure grecque…

Des Grecs sans marge de manœuvre

Côté grec, la victoire est donc particulièrement amère, même si le gouvernement affirme avoir tenu ses « lignes rouges ». Il jure aussi que, pour tout euro de mesures additionnelles, il y aura un euro de « mesures compensatoires » sous forme de baisse d’impôts sur la propriété foncière, sur les sociétés ou sur la valeur ajoutée. Une ligne de défense peu crédible en Grèce compte tenu des capitulations répétées du gouvernement Tsipras, mais aussi des conditions posées par les créanciers. Comment ces derniers accepteraient-ils des baisses d’impôts alors qu’ils exigent des hausses pour séduire le FMI ? Bref, tout ceci semble peu sérieux. Comme la mouche de Domitien, la Grèce semble encore condamnée à une torture sans fin où son intérêt n’est qu’un élément accessoire pour ceux qui décident de son sort.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-troisieme-memorandum-ne-cesse-de-se-durcir-643580.html

Grèce : le FMI savait que le programme échouerait dès 2010

Nouvelle pierre dans le jardin des créanciers européens sur la Grèce : le FMI avait mis en garde sur les risques de la stratégie mise en place en 2010. Des avertissements ignorés à l’origine du désastre actuel.

Par Romaric Godin La tribune

Alors que la crise grecque pourrait, le 20 février, connaître un nouvel épisode lors de la réunion de l’Eurogroupe sur la deuxième revue du troisième programme de financement de l’Etat grec, de récentes révélations viennent à nouveau éclairer les débuts de cette crise en 2010. Un éclairage qui explique largement les échecs et les aveuglements, même sept ans plus tard…

Ces révélations étaient, pour tout dire, passées relativement inaperçues en Europe lorsqu’elles ont été publiées dans le dernier ouvrage du journaliste étasunien Paul Blustein, Laid Low, paru en octobre dernier aux Etats-Unis aux éditions du Centre international de l’innovation de la gouvernance (CIGI). L’ouvrage s’intéresse particulièrement au rôle du FMI dans la préhistoire du premier mémorandum imposé à la Grèce en mai 2010. Ce récit détaillé confirme ce que d’autres sources avaient déjà établies, notamment la Commission sur la Vérité de la dette grecque, établie au premier semestre 2015 par Zoé Kostantopoulou, alors présidente de la Vouli, le parlement grec, mais aussi par d’autres journalistes étasuniens et par l’instance de surveillance interne du FMI. Mais cet ouvrage donne une vision plus claire des négociations du printemps 2010 et apporte davantage de précisions.

Les réserves du FMI sur le plan de 2010

Paul Blustein confirme ainsi que le FMI a bien participé au premier programme grec contre ses propres règles édictées après la crise argentine qui obligeaient le Fonds à ne pas aider un pays dont la dette n’était pas tenable sur le long terme. Or, les experts du FMI ne se faisaient aucune illusion sur la capacité du programme à sortir la Grèce de l’ornière. C’est la grande information de ce livre qui cite un « mémo interne » du chef économiste du FMI d’alors, Olivier Blanchard, transmis le 4 mai 2010, soit six jours avant l’annonce du plan « d’aide » à Athènes.

Ce mémo est d’une grande sévérité pour le mémorandum qui sera finalement signé avec la Grèce. Ce plan prévoyait, rappelons-le, officiellement, une dette maximale de 149 % du PIB en 2013 pour la Grèce et une légère récession en 2010 de 0,4 %, puis une reprise vigoureuse dans le cas où le pays réaliserait toutes les réformes structurelles imposées. Dans la version officielle qui a toujours cours et qui est encore largement acceptée par les décideurs et observateurs européens, c’est le manque d’implication de la Grèce dans le programme de réformes qui a fait échouer ces plans.

Des réformes vaines ?

Mais Olivier Blanchard, qui, depuis, a quitté le FMI avait déjà mis en garde dès le 4 mai 2010 : « même en remplissant entièrement toutes les conditions posées, rien ne peut soutenir la croissance contre la contribution négative du secteur public ». Et d’ajouter : « la reprise aura plus vraisemblablement la forme d’un « L » avec une récession plus profonde et plus longue que celle projetée ». Et de conclure : « le schéma de croissance en « V » projetée est beaucoup trop optimiste, il est improbable que les forts gains de productivité puisse jouer un rôle significatif ». Ce mémo prouve que le FMI savait donc parfaitement ce qui allait se passer en Grèce. Les informations de Paul Blustein ont été confirmées par Olivier Blanchard lui-même qui, dans un tweet du mercredi 15 février, a indiqué qu’il « n’a pas fait fuité lui-même » ce document, mais qu’il n’est finalement « pas mécontent qu’il ait fuité ».

Une dette non contrôlée

Dans son mémo, le chef économiste du FMI prévoit une explosion de la dette publique grecque jusqu’à 170 % du PIB, une analyse bien plus proche de la réalité (la dette publique grecque est aujourd’hui de 176 % du PIB) que les projections du mémorandum. Olivier Blanchard estimait alors, à mots couverts, que le programme devait prendre en compte l’adoption de « mesures plus radicales » comme la restructuration de la dette. Car, martèle-t-il à nouveau, « même avec une parfaite mise en œuvre des politiques demandées, c’est-à-dire si Athènes fait tout ce qu’elle est supposée faire, le programme peut dérailler ». Le verdict est sans appel : le programme de 2010 était fondé sur des illusions et ceux qui ont pris la décision de le mettre en place le savaient. La responsabilité de l’échec ne saurait alors être imputée à la Grèce et aux Grecs, comme c’est le cas depuis 2010.

Paul Blustein affirme que « cette recommandation d’Olivier Blanchard n’a pas été retenue ». Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a fait avaler la couleuvre au Fonds et fait adopter un programme dont le montant atteignait alors des niveaux jamais vus dans l’histoire du FMI. Il a donc introduit une « exception » aux règles du Fonds pour le faire entrer dans cette aventure dangereuse et ne pas mettre en péril l’architecture fragile et très politique mise en place. Les recommandations des équipes seront modifiées pour laisser une chance à un programme perdu d’avance.

Le FMI a travaillé à la restructuration de la dette grecque

Pourquoi cette insistance ? Paul Blustein l’explique en confirmant les informations publiées en 2015 outre-Atlantique. Le FMI a travaillé durant le printemps 2010 à un « plan B » pour la Grèce conforme à ses propres règles et incluant des mesures plus progressives et une restructuration de la dette publique. Ces plans ne faisaient certes pas l’unanimité au sein du Fonds – et étaient même repoussés par le département européen du FMI – mais ils correspondaient clairement à l’expérience de l’institution qui avait pu constater que l’implication des autorités locales dans les réformes étaient liées à ces deux conditions. Les économistes du Fonds ne sous-estimaient pas l’effet de contagion d’une « faillite » de la Grèce, mais estimaient qu’une action rapide et qu’un programme réussi étaient en mesure de stopper cette contagion. De fait, le programme de 2010 n’a pas empêché la contagion…

Le « non » de la BCE

Pourtant, cette option a été violemment repoussée par Jean-Claude Trichet, alors président de la BCE, qui jugeait la faillite inacceptable. Paul Blustein rapporte notamment une réunion interne à la BCE « durant le printemps 2010 » où l’économiste en chef Jürgen Stark – qui démissionnera en septembre 2011 – évoque la possibilité d’un « haircut », une participation des créanciers au plan d’aide. A ces mots, selon l’auteur, Jean-Claude Trichet « a explosé ». « Nous sommes une union économique et monétaire et il ne doit pas y avoir de restructuration de la dette », lance-t-il « en criant », précise un témoin. La messe était dite. A la mi-avril, Dominique Strauss-Kahn comprend dans une réunion au Sofitel (sic !) de Washington avec les Européens qu’il ne peut proposer cette option. Cela ne l’empêchera pas pourtant de soutenir la participation du Fonds au programme. Le mémo d’Olivier Blanchard ne pouvait que devenir lettre morte…

La responsabilité de Jean-Claude Trichet

Que retenir de tout cela ? D’abord, le rôle majeur joué par Jean-Claude Trichet qui a agi comme un obstacle majeur contre toute restructuration de la dette hellénique. La raison en est évidemment la crainte de la contagion, mais l’exposition, alors, des banques françaises et allemandes à la dette grecque (95 milliards d’euros en tout) a joué aussi un rôle majeur. A l’automne 2010, le président de la BCE fera pression sur les gouvernements irlandais et espagnol pour éviter toute restructuration du même type. En avril 2011, il menacera même le nouveau gouvernement irlandais de « jeter une bombe sur Dublin » en forçant le pays à sortir de la zone euro si le programme de « participation des créanciers » promu par la nouvelle majorité était mise en œuvre. Or, en jetant un tabou sur ce sujet, le Français a créé le nœud coulant de la dette qui étrangle encore la Grèce et qui enserre les autres pays jadis sous programme. Idéologue de « l’austérité expansive », terme à la mode alors, il a forcé une solution impossible contre les voix raisonnables du FMI. Les malheurs de la Grèce depuis sept ans y trouvent là leur origine. Une responsabilité qu’il refuse obstinément d’endosser depuis.

Le coût du mensonge

Deuxième conséquence : sur la Grèce, tout le monde a donc menti en mai 2010, du gouvernement grec au FMI en passant par les dirigeants européens et la BCE. Ce mensonge est structurant pour toute l’histoire de la zone euro, particulièrement l’épisode dramatique du premier semestre 2015. Les demandes du premier gouvernement Tsipras, fondée notamment sur une restructuration de la dette et une réduction du niveau de l’austérité, venaient percuter les vérités assénées depuis 2010. Il a fallu briser cette demande par la violence d’un troisième mémorandum, donc d’une poursuite de la logique de 2010, malgré l’évidence contraire de son échec. Le but était en quelque sorte de « forcer la réalité » pour la faire entrer dans une vision définie en 2010. Sept ans de maux du peuple grec, une fracture béante entre le nord et le sud de l’Europe, une humiliation du gouvernement démocratique grec et une situation toujours aussi bloquée auront été les prix à payer de cette tentative sordide de validation des mensonges des dirigeants européens.

La position du FMI aujourd’hui et le Grexit

Dernier élément : la position actuelle du FMI ne peut plus faire comme si une participation au programme était possible. La torsion effectuée en 2010 aux statuts du Fonds et à la rationalité économique n’est plus possible. Aussi, désormais, la participation du FMI semble une gageure. D’où le débat entre les créanciers européens et le Fonds depuis 2015. D’autant que le FMI a souvent été utilisé, notamment en juillet 2015, comme le « bad cop » des « gentils Européens », scénario largement validé par le gouvernement grec. Dès lors, la fin de cette union entre créanciers européens et FMI semble proche. Elle signe la fin du pacte accepté par Dominique Strauss-Kahn en 2010 et ouvre la porte à des scénarios où le Grexit, la sortie de la Grèce de la zone euro, est une possibilité.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-le-fmi-savait-que-le-programme-echouerait-des-2010-639615.html

Maastricht 25 ans : célébrations ou hommage funéraire

25 ans depuis le traité de Maastricht : un anniversaire entre célébration et hommage funéraire Par Yannis Kimbouropoulos traite_maastricht

L’UE devient victime de sa stratégie de la réussite.

C’est une célébration qui n’en a pas l’air. Elle ressemblerait plus à un hommage funéraire. Célébration ou hommage funéraire, le « clergé » européen tente d’aborder avec enthousiasme un anniversaire « commun » des 25 ans du traité de Maastrich. En faisant notamment référence à deux dates : le 9 décembre 1991, puisque le traité a été adopté par le Conseil européen des 12 membres de celle qui était alors la CEE, et le 7 février 1992, puisqu’il s’agit de sa signature. Cependant, la date effective de la naissance de l’UE, qui succéda à la CEE, est celle du 1er novembre 1993, c’est-à-dire sa date d’entrée en vigueur. Dans l’intervalle, un référendum au Danemark a eu lieu, provoquant son rejet, et une longue négociation s’est opérée au sujet des « exceptions » du traité : le Danemark et bien plus encore la Grande-Bretagne. Mais, les « chefs de cérémonie » de l’UE ne veulent pas établir un lien entre ses « anniversaires dorés » et des événements détestables, des référendums et des consultations populaires (ces dernières étant en principe négatives pour le projet européen).

Nous devons admettre que lors des préliminaires de la célébration qui se sont déroulés dans la ville hollandaise de Maastricht, berceau de l’UE, le 9 décembre 2016, aucun parmi les représentants des instances dirigeantes de l’Europe ayant prononcé un discours (Juncker, Timmermans, Dijsselbloem, Schulz) devant un public académique et restreint, n’a eu recours à des envolées lyriques. Étant donné qu’après 25 ans de transformation du « marché commun » (CEE) en « Union », celle-ci se trouve plus près de la décomposition que de l’achèvement, ils ont préféré recourir à des « chantages » historiques : « Sans l’UE », a déclaré Juncker, « aucun état membre n’est capable à lui seul d’assumer un poids politique au niveau mondial. Nous représentons en ce moment une partie considérable de l’économie mondiale avec 25% du PIB. Dans dix ans, le pourcentage atteindra 15%. Dans vingt ans, aucun membre de l’UE ne pourra à lui seul être membre du G7 ». Et d’ajouter quelques chiffres encore plus terribles quant au déclin démographique de l’UE dans un monde qui, d’ici quelques décennies, comptera 10 milliards d’habitants.

Un échec, produit du succès

Le problème de la nomenclature européenne est qu’il s’avère extrêmement difficile de dissocier la conception anti-Maastricht de l’UE de ce que la majorité qualifiée des sociétés européennes en augmentation dans tous les pays (bien qu’ayant des situations nationales différentes) vit comme un échec de Maastricht et des doutes généralisés qu’elle exprime quant au projet européen, même au travers de messages politiques qui posent problème. L’anniversaire européen risque de devenir non pas victime de son échec, mais du succès de Maastricht : l’offensive déferlante contre le travail et l’État social, l’augmentation des inégalités entre les pays au lieu de la convergence annoncée, l’explosion de la dette publique, la faible croissance de la zone euro et la stabilisation du chômage à des niveaux très élevés ne résultait pas d’une divergence de vues par rapport à la stratégie de Maastricht, mais bien de son application cohérente.

Cette stratégie était simple dans sa conception : la CEE, de simple marché commun sans taxes, devait évoluer en union politique, économique et monétaire, établie sur ce qu’on appelle les quatre libertés de circulation, à savoir celle des capitaux, des biens, des services et des travailleurs. Mais en s’opposant à toute l’expérience historique précédente, sur la base de laquelle l’union politique, notamment sous la forme d’État-nation et de fédération des nations, précède l’union économique et monétaire, tout a été lancé à l’envers dans l’UE : on a d’abord réalisé l’union monétaire, à partir de laquelle s’est engagée l’union économique (avec ses « critères de convergence » devenus par la suite « Pacte de stabilité », avec ses règles drastiques, ses sanctions et ses amendes) et ce n’est qu’à présent que la question du modèle de l’union politique se pose, une entreprise léonine entre des partenaires chaotiquement inégaux créée par l’union monétaire. En ce 25e anniversaire du Traité de Maastricht, l’intégration politique a été encouragée de manière sélective uniquement dans les secteurs de la politique migratoire, de la politique extérieure, de l’assurance et de la militarisation de l’UE, des éléments qui font d’elle une union impérialiste à part entière.

 « Erreur de conception » ou de stratégie ?

Cette intégration « à l’envers » est souvent envisagée, même par la Gauche, comme une « erreur de conception » de l’UE, qui a conduit à un développement déséquilibré au profit de l’Allemagne et de quelques rares pays qui en ont retiré des excédents considérables par rapport aux autres. Toutefois, le fait que l’UEM ait évolué vers une réunification allemande et l’euro vers un mark travesti n’était pas un dysfonctionnement. C’était un choix stratégique partiel du capital européen, et avant tout de la finance, qui a réduit les marges d’influence au sein de l’élite politique européenne et plus particulièrement de l’axe franco-allemand, alors incarné par Mitterand et Kohl.

Il existe une dimension géopolitique évidente dans l’accélération de l’UEM, peu après la réunification allemande et la chute des régimes d’Europe centrale et orientale, alors considérée comme l’espace vital du noyau européen, avec deux vagues d’élargissement faisant passer les 12 de Maastricht à 27 dans l’UE actuelle.  Les critères de convergence, la conformité avec le Pacte de Stabilité, la violente « libération » des marchés par rapport aux réglementations nationales n’étaient pas seulement un « mémorandum » d’ajustement pour anciens et nouveaux États membres, mais un mécanisme de transfert des richesses, des capitaux, de la propriété, ainsi que des ressources humaines hautement qualifiées s’opérant de la périphérie vers le centre de l’UE.

Néolibéralisme ou ordolibéralisme ?

25 ans après Maastricht, l’intégration européenne s’est poursuivie avec un degré de spontanéité et d’adaptation à la conjoncture, notamment celle de la crise financière. Toutefois, elle s’est maintenue au sein d’un plan stratégique cohérent, qu’on identifie souvent avec les impératifs élémentaires du néolibéralisme. Mais ceci reste cependant inexact. Le projet européen a été davantage établi sur la base des principes de l’« ordolibéralisme » (ordoliberalismus, de ordo = classe et libéralisme) issu du mouvement allemand de pensée économique (école de Francfort) sur lequel s’est fondé le modèle de l’Allemagne de l’Ouest dans l’après-guerre. Dans le traité de Maastricht, dans le Pacte de stabilité, dans le Pacte budgétaire et dans le Pacte pour l’euro plus, dans l’irrépressible bavardage allemand autour de « l’unification des règles », dans la constitutionnalisation de l’austérité, dans le fonctionnement de la BCE et du MES, sont gravés les principes fondamentaux de l’« ordolibéralisme ». Ce n’est peut-être pas un hasard si le premier pays à quitter l’enclos européen est celui qui fut le berceau du néolibéralisme, à savoir la Grande-Bretagne.

La métaphysique des excédents

Mais c’est loin d’être le dernier. La mise en œuvre du projet européen selon l’ordre allemand a créé des écarts abyssaux entre les rares gagnants et les nombreux perdants. Elle a provoqué des divisions jusque dans l’oligarchie allemande, dont une fraction est « passée à l’ennemi » de manière évidente en penchant vers l’extrême droite de l’« Alternative pour l’Allemagne » (AfD). Elle a fractionné l’UE en coalitions d’états conjoncturelles.

C’est à peu près inévitable. Nul besoin d’être économiste pour comprendre que l’exigence d’arriver à ce que tous les pays de la zone euro soient à l’identique excédentaires est une absurdité. C’est à juste titre que s’insurge Martin Wolf dans le Financial Times contre cette idée que toute la zone euro peut devenir une grande Allemagne des bas salaires et des grandes exportations : « On suppose que tous doivent garantir un excédent dans la balance des opérations courantes ? S’il en est ainsi, avec qui – avec les Martiens ? Et même si concrètement ils tentent de garantir cet excédent, quel autre résultat peut-on obtenir hormis une récession mondiale ? »…

Questions fort justes, même si elles sont exprimées en faisant comme si la nature autodestructrice du capitalisme extrême n’était pas connue. Ses chefs ont depuis longtemps dépassé la limite entre rationalisme (cynique) et métaphysique.

*Publié dans “Ερ­γα­τι­κή Αρι­στε­ρά” (la Gauche du travail) , φ.375 (11/1/17)

traduction : vanessa de pizzol

https://unitepopulaire-fr.org/2017/02/02/25-ans-depuis-le-traite-de-maastricht-un-anniversaire-entre-celebration-et-hommage-funeraire-par-yannis-kimbouropoulos/de pizzol

Communiqué de presse de Migreurop

« L’Union européenne ne peut pas abolir les hivers : elle doit mettre fin à la politique criminelle des hotspots !

À partir de quel moment la non assistance à personne en danger devient-elle un crime ? Quel nombre de morts permet de qualifier un crime contre l’humanité ? Ces questions se posent depuis longtemps à propos des milliers de personnes décédées en Méditerranée faute de voies légales d’accès à l’Union européenne (UE). Aujourd’hui, la situation de plus en plus grave de milliers d’exilé·es, pris au piège par des températures glaciales dans les camps grecs et sur les « routes des Balkans », met très directement en cause les choix de l’UE en matière de « gestion des flux migratoires ».

Au printemps dernier, pour ne pas accueillir les centaines de milliers de réfugié·es qui fuyaient les conflits syriens, irakiens ou d’autres régions en crise, les fonctionnaires de la Commission et les membres du Conseil européen ont mis en œuvre une « solution hotspot » qui n’a manifestement pas intégré les variable météorologiques : l’hiver, les températures baissent et le froid sévit, y compris sur les îles de la mer Egée désertées par les touristes.  Seuls des camps de toile ont été prévus pour des exilé·es « stockés » dans l’attente de l’organisation des retours forcés, considérés par les fonctionnaires et les dirigeants européens comme la meilleure solution pour régler la « crise migratoire ».

Car la Commission européenne et les États membres n’ont jamais cru à la « relocalisation », dispositif censé « soulager » les pays de première ligne (Grèce et Italie) et permettre aux hotspots de ne pas devenir des lieux durables de relégation « d’indésirables ». De fait, alors que l’objectif annoncé est le transfert de 63 000 personnes depuis la Grèce vers d’autres pays de l’UE avant le mois de septembre 2017, moins de 8 000 ont, à ce jour, pu bénéficier de ce dispositif.

Ainsi, environ 15 000 personnes sont actuellement prisonnières des hotspots des îles grecques, battues par le vent et la neige ; des milliers d’autres sont bloquées, dans une urgence humanitaire et un froid extrêmes, sur les « routes des Balkans » fermées par les membres de l’UE et leurs alliés. Or, les personnes enfermées dans les hotspots sont placées sous l’autorité directe d’agences et de fonctionnaires européens qui doivent veiller à ce que ces lieux ne se transforment pas en mouroirs. Faire remonter la température n’est pas de leur ressort ; supprimer les hivers n’est pas à l’agenda de l’UE. En revanche, la fermeture des hotspots ainsi que l’organisation d’un accès au séjour et d’un accueil durables relèvent du pouvoir des responsables européens. C’est à l’aune des camps de toile disparaissant sous la neige que leur politique criminelle sera jugée.

Contact : contact@migreurop.org

Photo : Belgrade, janvier 2017 | (c) Danilo Balducci

Visite dans les dispensaires sociaux

Du 11 au 15 janvier, une visite de solidarité dans les dispensaires sociaux grecs

par Carine, José, Karim, Marie-France, Nadia, Philippe, Yiorgos de Bruxelles.

krasnyi collectif

Depuis plusieurs mois, la CGSP-ALR Bruxelles, l’Initiative de solidarité avec la Grèce qui résiste, le CADTM avec le soutien des « Supporters and Friends of Elliniko », organisent une campagne de solidarité avec les dispensaires sociaux grecs. Ceux-ci jouent, en effet, un rôle vital dans la situation de crise sanitaire sans précédent que traverse la Grèce. En effet, avec 42,3% des Grecs vivant en 2012 sous le seuil officiel de pauvreté de 2009 |1| et un énorme pourcentage de la population en situation de privation matérielle |2|, il y a plus de 2.5 millions des gens qui n’ont aucune assurance maladie. |3| Les dispensaires sociaux ont été créé par des gens actifs dans les mouvements anti-Troïka pour redonner un accès à la sante à ceux qui en ont été privés par l’austérité brutale imposée à la Grèce. Dans le but de construire des liens de solidarité concrète dans la lutte commune des peuples européens contre le rouleau compresseur néolibéral, nous avons estimé qu’il était de notre devoir d’agir et d’informer sur cette situation dramatique et d’organiser à notre échelle une solidarité importante pour les travailleurs et les jeunes Grecs.

Nous avons, dès lors, mis sur pied une campagne et une soirée de solidarité le 1er octobre à Bruxelles avec une centaine de participants au cours de laquelle le Docteur Vichas, de la Clinique solidaire d’Elliniko, a pu nous expliquer la gravité de la situation sanitaire dans son pays et l’action des dispensaires sociaux. Ceux-ci constituent un exemple de comment le mouvement social organisé peut prendre en charge des problèmes sociaux, tout en continuant de revendiquer une autre politique publique pour leur résolution globale. En décembre, nous avons organisé un petit brunch solidaire afin de continuer la récolte de dons et de médicaments. Contrairement à ce que certains peuvent penser, ces activités nous ont prouvé que la solidarité existe toujours bel et bien parmi les travailleurs car nous avons pu récolter 5000 euros qui ont servi à acheter sur place à Athènes des médicaments urgents et indispensables à la clinique Elliniko. A noter que cette clinique fournit parfois aux hôpitaux publics certains médicaments impossibles à acquérir sur le marché.

Pour être sûrs de la destination de ces dons, nous avons voulu remettre en mains propres le matériel et les médicaments récoltés et en acheter à Athènes sur base d’une liste fournie par la clinique d’Elliniko. Notre délégation a pu ainsi visiter la clinique solidaire ainsi que rencontrer de nombreux militants grecs tout au long de son séjour. Voici un résumé de cette expérience riche en rencontres et qui nous a tous stimulés à continuer le combat contre la régression sociale imposée par l’Union Européenne à l’ensemble des travailleurs.

Visite de la clinique d’Elliniko :

A environ 30 minutes du centre d’Athènes se trouve le dispensaire social d’Elliniko. Le dispensaire est ouvert de 10 à 20 heures en semaine et le samedi matin. Ce sont près de deux cents bénévoles dont une centaine de médecins qui s’y relaient pour offrir des soins et des médicaments à ceux qui n’ont plus les moyens de se rendre dans les hôpitaux publics.

Avec la crise et les plans d’austérité imposés par la Troïka (FMI, UE, BCE), les coupes budgétaires ont concerné tous les secteurs et la santé n’a bien évidemment pas été épargnée. Aujourd’hui, les chômeurs de longue durée, après un an sans emploi, perdent leur couverture sociale ! Plus de 2,5 millions de Grecs n’auraient donc plus d’assurance maladie… Les conséquences sont la réapparition de pathologies qui avaient quasiment disparu, la hausse des suicides, des malades chroniques qui ne sont plus soignées par manque de traitements, des cancers qui ne sont plus soignés ou dont le traitement doit être raccourci, la flambée du VIH, …

Le dispensaire d’Elliniko, créé en décembre 2011 sous l’impulsion du docteur Vichas avec des membres du personnel soignant révoltés de la situation, connaît depuis un succès grandissant. Au début, ils recevaient uniquement les patients sans couverture sociale. Aujourd’hui, alors que la situation sociale s’aggrave, ceux qui ont encore une sécurité sociale mais qui n’ont pas les moyens de payer le ticket modérateur ont aussi recours au centre. Même s’il est l’un des premiers, le dispensaire n’est pas le seul à Athènes à offrir des soins gratuitement ; plus d’une dizaine d’endroits accueillent désormais ceux qui, sans ça, resteraient en marge du système de santé. Des dizaines de milliers de patients ont été soignés ces six dernières années par la trentaine des dispensaires qui ont été établis dans toute la Grèce.

Tous ceux qui y travaillent sont volontaires et bénévoles ; les médecins, les infirmiers, les pharmaciens, ceux qui assurent le secrétariat ; certains sont à la retraite, d’autres sont chômeurs, d’autres y viennent après leurs heures de travail… Les médecins bénévoles sont en mesure d’offrir des consultations et des soins primaires dans toutes les spécialités (pédiatrie, gynéco-obstétrique, chirurgie générale, orthopédie, ORL, cardio, médecine interne et diabétologie, gastro-entero, psychothérapie, néphrologie, dermatologie, dentisterie, une nutritionniste, et des généralistes…).

En avril 2016, face à la pression populaire et aux mobilisations du secteur, le gouvernement a mis en place une nouvelle loi qui est censée donner un accès plus large à la santé publique. Cette loi aurait dû permettre à ceux qui n’ont pas de couverture sociale d’accéder aux soins de santé. Cette loi est cependant considérée par beaucoup comme une loi cosmétique car il reste toujours le ticket modérateur à payer (25% du prix de la consultation) et de très nombreuses personnes en grande difficulté financière restent ainsi encore et toujours exclues des soins. Cette loi ne peut pas non plus vraiment être appliquée car le manque de moyens dans les hôpitaux publics est tel que les listes d’attente sont interminables. Le matériel désuet, les bâtiments en très mauvais état et surtout, le manque de personnel chronique dans les hôpitaux publics ne leur permet pas de répondre aux besoins de la population.

Dans ce contexte, les objectifs définis par le centre sont de mener le combat pour des soins de santé universels, égalitaires et de qualité. Leur approche : ne pas se limiter à la maladie du patient mais prendre en compte son environnement, ses difficultés de vie, … Les membres des dispensaires ne veulent pas se substituer aux services publics et c’est pourquoi, par tous les moyens, ils font pression pour que les hôpitaux publics puissent reprendre leur rôle essentiel.-

Au cours de notre visite, nous avons pu discuter avec des médecins bénévoles, des pharmaciens qui triaient les nombreux dons en médicaments,… Nous remercions l’ensemble des camarades de la clinique Elliniko pour leur travail remarquable et de nous avoir accueilli de la sorte. La solidarité est notre arme, ne l’oublions jamais !

Rencontre avec des médecins syndicalistes de l’ EINAP (Union des médecins des hôpitaux d’Athènes et du Pirée)

Nous avons eu l’honneur de rencontrer des camarades du plus grand syndicat de médecins (par adhésion individuelle)de la Grèce qui compte 9000 adhérents. Ils nous ont expliqué qu’entre 2012 et 2013, dans le cadre des mémorandums imposés à la Grèce, on a assisté 1) à une désarticulation des soins de base non hospitaliers à travers le démantèlement des services offerts par la sécurité sociale, 2) àbeaucoup de fermetures d’hôpitaux, 3) au licenciement de milliers de médecins,… La volonté du gouvernement de l’époque était de réduire la capacité hospitalière de 33000 à 22000 lits. Heureusement, les mobilisations massives des travailleurs du secteur et des habitants ont empêché plus de fermetures et ont mis une limite temporaire à la destruction du secteur public des soins de santé.

Ils nous ont expliqué avoir vécu des manifestations très importantes, des occupations de longue durée par le personnel et les habitants. Pendant toute cette période, il était impossible au Ministre de la santé Adonis Georgiadis (Nouvelle Démocratie) |4| de se rendre dans n’importe quel hôpital en Grèce tellement la colère était grande !!

Les camarades de l’EINAP dénoncent la baisse systématique du financement des hôpitaux publics (de 1,8 milliards en 2013 à 1,1 en 2016). Ils organisent la lutte contre l’apparition des contrats précaires dans les hôpitaux publics, le non-remplacement du personnel partant à la retraite, la baisse importante des salaires du personnel soignant dans son ensemble moins de 30% pour les médecins et les infirmiers). Pour eux, le plus important problème est le manque de personnel : il manquerait 7000 postes de médecins et 30000 postes pour les autres catégories de personnel. Ils nous ont expliqué que par manque de brancardiers, ce sont parfois les familles qui doivent aujourd’hui assurer le transport du patient dans l’hôpital.

En Grèce, aujourd’hui, il y a un besoin de +ou- 3000 lits de soins intensifs alors que seulement 700 existent (550 réellement en fonctionnement car 150 lits n’ont pas le personnel nécessaire). Les conséquences peuvent être très graves, une des plus importantes étant que de nombreuses interventions importantes doivent être postposées. Une estimation d’un conseil scientifique serait qu’à cause de ces 150 lits non utilisables, 1500 vies n’ont pas pu être sauvées l’année passée. Parfois, il faut aussi par exemple attendre des mois pour recevoir un traitement de chimiothérapie. En règle générale, le manque de médicaments est criant dans les hôpitaux publics à tel point que ce sont parfois les dispensaires sociaux qui y envoient des médicaments en urgence.

Nous en avons profité pour expliquer aussi aux camarades les différentes mesures d’économies dans la santé lancées par la ministre Mme De Block. Leur réaction a été : « ici aussi cela a commencé comme ça… ». La combativité des médecins en Grèce contre l’austérité à la santé fait rêver sur les effets qu’une mobilisation des médecins pourrait avoir en Belgique.

Rencontre avec le chef du cabinet du ministère de la santé, Panos Papadopoulos

Nous sommes aussi reçus par Mr Padapopoulos, directeur de cabinet du ministre de la santé (Andreas Xanthos). Nous avons discuté longuement avec lui et il serait impossible de retranscrire l’ensemble de la discussion. Voici quelques éléments qui nous semblaient importants.

Nous l’avons tout d’abord interpellé à propos de la privatisation du terrain de l’ancien aéroport d’Athènes sur lequel se trouve les bâtiments actuellement utilisés par le dispensaire d’Elliniko et le risque d’expulsion par le nouveau propriétaire Spiro Latsis : « Nous n’avons jamais eu d’avertissement à propos d’un problème à ce sujet. C’est la première fois que notre ministère est sollicité sur cette question. On soutient les dispensaires sociaux car ils sont une nécessité. Si la clinique a des problèmes, on essayera de leur trouver un bâtiment ».

Nous avons rebondi en demandant :« Est-ce que vous nous assurez que le dispensaire ne sera pas expulsé ».

« Comme je vous le dis, nous les soutenons et il faut qu’ils nous contactent pour que l’on trouve une solution… ». Nous en avons informé le docteur Vichas.

Quel est le % du PIB consacré aux soins de santé ? : « Aujourd’hui, 5,2% du PIB. Ce pourcentage est très bas… Cela pousse les gens vers le privé. Nous faisons le maximum dans le cadre limité actuel… ».

Une camarade lui demande : « Que nous conseillez-vous de faire pour éviter la situation dans laquelle vous vous trouvez ? »

« Faites payer les riches ! Avant toute autre facteur comme la corruption, certes existante, la cause la plus essentielle de la crise grecque a été la faible imposition des riches ! Ceci ne concerne pas seulement les super-riches mais aussi la couche la plus aisée des classes moyennes et c’est le résultat d’un marchandage socio-politique de longue durée en Grèce sur lequel reposait la domination des partis traditionnels ».

Le ministère a confirmé le manque de 5000 médecins et 15000 autres métiers dans les soins de santé sans commenter la différence avec les estimations que nous avait données le syndicat des médecins. « Des carences, il y en a toujours eues mais la crise les a aggravées ».

Mr Padapopoulos nous explique qu’ il y trois facteurs qui empêchent la couverture des besoins de santé de base de la population : 1) la stricte politique budgétaire de la Troïka qui impose des coupures dans tous les services publics, 2) les limites annuelles que la Troïka nous met en termes d’engagement statutaire 3) son rejet des toutes les propositions du gouvernement grec de taxer les riches.

On lui demande si c’est la troïka (UE-FMI-BCE) qui gouverne la Grèce aujourd’hui ?

C’est l’impression que tout cela nous donne et on ressent que Syriza mène au final la politique d’austérité que la troïka impose. On s’est mobilisé en soutien au peuple grec, en Belgique aussi, et on se sent trahi.

« C’est une question difficile. La déception je la vis aussi. Je viens des mouvements sociaux et du syndicalisme comme vous. J’ai rejoint et j’ai voté Syriza pour en finir avec l’austérité. J’ai mal d’avoir trahi la solidarité des camarades partout en Europe. »

« En juillet 2015, le gouvernement grec a dû faire face à un choix difficile : accepter un nouveau programme d’austérité ou sortir de l’Euro mais de là, aurait résulté entre autres que les multinationales pharmaceutiques ne nous vendraient plus les médicaments dont nous avons besoin. »

« Alors, oui, dans certains champs, c’est la Troïka qui gouverne effectivement : fiscalité, budget,… Par contre, la Troïka ne peut pas et n’essaye pas d’imposer la privatisation de la santé en Grèce. Il existe donc un espoir de revenir sur la privatisation. Notre gouvernement a renversé la politique du favoritisme discret au secteur privé suivi par les gouvernements précédents. Contrairement à ces derniers, nous arrivons aujourd’hui à couvrir chaque jour plus de besoins par le secteur public. Après 2018, nous espérons d’être libres de suivre la politique budgétaire et fiscale que nous voulons. ».

Pour conclure, nous avons demandé quelles initiatives politiques prend le gouvernement grec afin de changer la politique sur la santé au niveau de l’UE. Mr Papadopoulos n’a pas cité d’ initiatives proprement politiques, mais seulement un effort de coordination à faire entre les pays de l’Europe du Sud pour mieux négocier le prix de médicaments avec les multinationales.

Il nous a fortement remerciés pour notre initiative de solidarité.

Notre séjour s’est terminé par une interview radio dans une émission animée par le Dr Vichas lui-même dans la radio publique d’ERT.

L’interview a porté sur la situation de la santé en Grèce et en Belgique. En regardant la Grèce, on voit clairement ce qu’il faut absolument empêcher qu’il arrive en Belgique. Il paraît aussi évident que la dégradation de la santé publique dans un pays européen permet d’exercer une forte pression sur tous les autres pays.

Alors, pour que notre solidarité soit importante, il ne faut pas uniquement les aider mais il faut aussi agir ensemble au niveau de l’Europe, pour faire changer les causes de cette situation !!!

Nous nous sommes engagés à continuer notre campagne de solidarité, mais avant tout à nous préparer au mieux pour faire échouer les projets dévastateurs de Magie de Block. Ceci est une étape indispensable vers de futures luttes pour sauver et améliorer la santé publique pas seulement en Belgique mais dans toute l’Europe.

Carine, José, Karim, Marie-France, Nadia, Philippe, Yiorgos.

Voir en ligne : http://www.infoskes.be/du-11-au-15-…

Notes

|1| Le taux de la pauvreté absolu prenant 2012 comme référence est 23, 1% en 2012 et 21,4% en 2014 (Eurostat). Néanmoins prendre comme référence le seuil de pauvreté en 2009 pondéré avec le pouvoir d’achat de 2012 nous permet de saisir de façon plus claire la paupérisation subie par de vastes couches de la population. Rapport annuel 2015 du service d’étude de la Confédération générale des travailleurs en Grèce (ΙΝΕ-GSEE) : « l’économie grecque et l’emploi », p. 142 http://www.inegsee.gr/wp-content/up…

|2| Selon le ministère de l’emploi, les travailleurs en Grèce ont perdu environ 50% de leur pouvoir d’achat (http://www.amna.gr/article/120204/Y…). Selon Eurostat, le salaire médian en Grèce a tombé de 915€ en 2010 à 793€ en 2011. Selon un développement de la même étude par INE-GSEE, 33,7% de la population n’arrive pas à couvrir trois des neuf besoins de base (situation de privation matérielle), alors que ce pourcentage était de 21,8% en 2008. http://ineobservatory.gr/deltio-tip… Par le passé, INE-GSEE a effectué une étude qui analysait en détail les prix des besoins de base, en concluant le fait que le seuil de pauvreté réel était d’environ 200€ supérieur au seuil de pauvreté officiel (« Approche empirique de la pauvreté absolue en Grèce », décembre 2010, p. 135 http://ineobservatory.gr/wp-content…). Ce seuil n’arrête pas de tomber : à 598€ en 2010, il est arrivé à 376€ en 2014. Notre conclusion est que la pauvreté absolue en Grèce est beaucoup plus importante que ce que les chiffres officiels déjà effrayants dévoilent. Le taux belge (15%) est aussi mis en question (http://www.lalibre.be/economie/libr…).

|3| https://www.theguardian.com/world/2…

|4| Le vice-président actuel de la Nouvelle Démocratie (ND) a été élu pour la première fois avec le parti d’extrême droite « Alerte Orthodoxe Populaire » (LAOS) et il a basculé à ND après l’expérience du gouvernement tripartite imposé par l’UE en 2011-2012. Il est connu pour ses propos racistes récurrents et son anti-syndicalisme primaire.

Renvoi des réfugiés par le rétablissement de l’accord de Dublin

L’Allemagne compte renvoyer bientôt en Grèce des demandeurs d’asile

AFP  12/01/2017

Le gouvernement allemand a dit jeudi vouloir renvoyer en Grèce à partir de mars des demandeurs d’asile arrivés par ce pays, en mettant en oeuvre une autorisation de principe en ce sens donnée récemment par la Commission européenne.

Le ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière a demandé à l’Office pour les migrants et réfugiés du pays (BAMF) d’appliquer au 15 mars le règlement européen dit de Dublin, qui laisse la prise en charge des demandeurs d’asile aux pays de première arrivée dans l’UE, soit essentiellement à la Grèce et à l’Italie. « Conformément à la recommandation de la commission européenne, l’Allemagne considère aujourd’hui que ces renvois seront possibles à partir du 15 mars », a indiqué le porte-parole du ministère, Tobias Plate, à l’AFP.

La Commission européenne avait proposé le 8 décembre le rétablissement du règlement de Dublin, uniquement aux candidats à l’asile arrivés en Grèce illégalement et exception faite des mineurs isolés. Cette mesure avait été suspendue à l’origine en 2011 en raison des mauvaises conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Grèce.

Le système dit de Dublin est critiqué notamment par la Grèce car, de fait, un grand nombre de réfugiés ne souhaitent généralement pas rester dans les pays d’arrivée comme l’Italie ou la Grèce mais visent plutôt l’Allemagne, la Suède ou le Royaume-Uni, où ils pensent pouvoir bénéficier de meilleures conditions d’accueil.

L’organisation allemande de soutien aux migrants « Pro Asyl » a critiqué la décision de Berlin. Elle portera un coup supplémentaire aux capacités d’accueil déjà problématiques de la Grèce, où les camps sont « dans un état terrible » et où les demandeurs d’asile doivent vivre « au milieu de la neige, de la glace et de la boue », a dit un de ses représentants au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.

La Grèce, où sont bloqués plus de 60.000 migrants et réfugiés –dont un tiers sont des enfants– plaide avec l’Italie pour un mécanisme européen qui répartirait la prise en charge des demandeurs d’asile dès leur arrivée.

Le gouvernement allemand a annoncé mercredi une forte baisse du nombre de nouveaux demandeurs d’asile
en 2016 dans le pays : 280.000 contre 890.000 l’année précédente, lorsque la chancelière Angela Merkel avait ouvert en grand les portes de son pays.

http://www.lorientlejour.com/article/1028770/lallemagne-compte-renvoyer-bientot-en-grece-des-demandeurs-dasile.html

 

Citoyen de l’année …il refuse la distinction de l’UE

Kostas Polychronopoulos a été sacré citoyen de l’année par le Parlement européen, mais a refusé cette distinction. Il est à l’origine des cuisines solidaires, qui ont jusqu’à présent distribué 2,5 millions de repas chauds dans toute la Grèce. D’autres cantines du même type devraient ouvrir en Espagne, en Italie et à Londres

Ecouter le reportage d’Angélique Kourounis

http://www.rts.ch/play/radio/le-12h30/audio/kostas-polychronopoulos-sacre-citoyen-de-lannee-par-le-parlement-europeen?id=8264406

Pour une Union méditerranéenne des peuples libres

Par Pétros Papakonstantinou : Lorsque le Premier ministre britannique de l’époque, Neville Chamberlain, revint de Munich, où il venait de signer la capitulation honteuse avec l’Allemagne nazie, Winston Churchill lui adressa ces mots cinglants, restés dans l’histoire : « Tu avais à choisir entre la guerre et l’ignominie. Tu as choisi l’ignominie. Tu n’échapperas pas à la guerre ».

Alexis Tsipras s’est trouvé devoir affronter un dilemme bien différent, mais tout aussi inexorable, au cours du dramatique été 2015, lorsqu’il lui fallut choisir entre la guerre économique de l’Allemagne et l’humiliation politique de son gouvernement. Il fit le choix de la deuxième option, pour maintenir la Grèce à tout prix dans l’euro. Au bout du compte, la Grèce, tout comme les autres pays en difficulté, n’échappera pas à la sortie.

https://unitepopulaire-fr.org/2016/12/12/pour-une-union-mediterraneenne-des-peuples-libres-par-petros-papakonstantinou/

Grèce : démocratie introuvable !

28 décembre par Yorgos Mitralias CADTM

En matière de déni de démocratie, il y a eu évidemment l’illustre précédent du résultat, jamais respecté, du referendum français de 2005 sur la constitution européenne. Mais quand même, ce qui s’est passé en Grèce en ce funeste mois de juillet 2015 n’a pas son pareil dans l’histoire de l’Europe (anti)démocratique. Jugez-en vous-même…

http://www.cadtm.org/Grece-democratie-introuvable

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