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Hors cadre : La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque .

Hors cadre

Histoires de notre humanité alors hors cadre. Quotidien répété, crise régurgitée, le tout sous un soleil que l’on perçoit encore heureusement comme radieux. “La Grèce ne se relèvera plus jamais. Son économie ne sortira nullement de sa tombe, et quant au pays déjà colonie de Schäuble, il finira… par être dépecé”. Constants et craintes que l’on répète sans cesse… oraison funèbre bien d’ici, devenue permanente et ambiante, non pas celle de Périclès, mais l’autre, propagée autant par les ondes radio, à l’instar de cette complainte extraite de zone matinale du 31 mars 2017 (radio 90.1 FM).

Galerie marchande, boutiques en faillite et drapeaux. Athènes, mars 2017

Les médias répètent à souhait que “le prochain accord technique (‘staff level agreement’) entre le gouvernement et les institutions (Troïka élargie) n’est qu’une affaire de temps, d’ailleurs bien court. Et par conséquent, le gouvernement vient d’entreprendre dans l’urgence son habituel ‘massage’ préparatoire… des parlementaires de sa majorité pour ainsi faire avaler la énième pilule mémorandaire. D’autant plus, que parmi les mesures pressenties, figurent, l’abaissement du seuil d’imposition ramené à 5.900€ de revenus par an (au lieu de 8.636€ actuellement), autant que la nouvelle diminution du montant des retraites (plus de 900.000 retraités actuels seront concernés), une baisse d’ailleurs estimée à 30% en moyenne” (voir par exemple le quotidien “Kathimeriní” du 31 mars.

Accord qui ne peut être que “technique” et qu’il le demeurera à jamais… jusqu’à l’effondrement à venir que l’on pressent… fort chaotique sous l’Acropole. En tout cas, pour rendre nos affaires humaines décidément hors cadre plus claires, il faut préciser qu’en Grèce, l’employé moyen du secteur privé restant et qui gagnant pour un temps plein 400€/mois, ce qui devient de règle, deviendra ainsi imposable.

Les journées passent, le Printemps avance et nos touristes se demandent (et me questionnent) parfois au sujet de la crise grecque. Car de temps à autre ils ont du mal à distinguer cette crise décidément grecque du premier regard, sauf à se promener en Grèce de manière à peine plus approfondie et cela d’abord à Athènes. Maigre consolation pourtant (crise ou pas) pour les badauds d’où qu’ils viennent, sur les hauteurs du mont Hymette on y découvre encore quelques rares troupeaux. Puis, près du jardin botanique, des travaux de restauration ont pu reprendre sur le site des thermes romains, cette fois en plein centre-ville. Tout n’est pas sombre alors. La découverte de ces thermes avait d’ailleurs contraint dans les années 1990 le constructeur du métro à modifier ses plans. Autres temps ?

Troupeau du mont Hymette. Attique, mars 2017
Sur le site des thermes romains. Athènes, mars 2017
Sur le site des thermes romains. Athènes, mars 2017

Rappelons que les historiens et les archéologues retiennent que ces thermes romains ont été fondés après le raid des Hérules, ethnie comme on sait germanique ayant pillé Athènes vers l’an 267 de notre chronologie, mettant ainsi fin à la tradition sculpturale de la ville. Peut-être que les historiens et les archéologues du futur, de toute évidence les… paléo-informaticiens du temps d’après, retiendront qu’à la suite du… raid de la Troïka élargie sur Athènes en ce début du troisième millénaire, le pays ne s’est plus jamais relevé.

Histoires de notre humanité décidément hors cadre. L’Union syndicale des journalistes d’Athènes a déclenché jeudi 30 mars un mouvement de grève du personnel à la radio de SYRIZA 105,5, dénonçant très précisément, le licenciement abusif d’une journaliste. Le communiqué adopté de manière quasi-unanime par l’assemblée générale du personnel de la radio de SYRIZA 105,5 FM est clair:

“Nous condamnons fermement la décision de licenciement de notre collègue Katerina Kanaki. Il lui a été annoncé qu’elle ne pourra plus continuer à travailler à notre radio, à compter du 31 mars. Nous condamnons et nous dénonçons autant, la tentative entreprise de la part de la direction, consistant à présenter ce licenciement comme relevant plutôt d’une ‘non-embauche’. Notre collègue travaillait à la radio 105,5 FM, pour d’ailleurs de besoins confirmés et permanents depuis le 1er juin 2016. Pour ces dix mois de travail et jusqu’à présent, elle n’a reçu que deux versements de 400 euros chaque fois.”

Manifestation place de la Constitution. Athènes, mars 2017
Manifestation place de la Constitution. Athènes, mars 2017
Touristes à Athènes, mars 2017

“Ainsi, nous condamnons avec indignation la méthode utilisée par la direction, car après neuf mois d’obstruction, et alors prétendant ‘examiner les moyens, tout comme le cadre de son recrutement’ promis, elle lui fait signer en trompe l’œil un contrat d’apprentissage d’une durée de 15 jours seulement le 17 Mars, en réalité dans le but de faire valoir le cadre juridique qui en découle, et pour aussitôt y mettre fin.” “Nous considérons que le licenciement de notre collègue inaugure une période bien funeste pour les salariés de la radio SYRIZA 105,5 FM, menaçant directement les relations au travail, étant donné en outre des propos abominables ouvertement tenus par certains membres de la direction, du genre: ‘ceux qui ne tiennent pas le coup, ils peuvent partir’ etc.”, presse grecque, le 30 mars 2017, par exemple “IEfimerida”.

Vue… d’Athènes. Mars 2017

Et comme le ridicule tue rarement… hormis la gauche, le député et… intellectuel organique du parti ANEL (partenaire de SYRIZA au gouvernement), vient de déclarer (31/03): “Je ne suis pas d’accord avec toutes ces nouvelles mesures (d’austérité), d’autant plus que le pays est sous occupation. Il s’est transformé en une colonie de la dette, et certes, la politique du gouvernement, c’est bien une politique de gauche, sauf que sa mise en œuvre ne l’est pas”, journal “To Pontíki”.

Les Grecs n’ont plus l’air de prêter la moindre attention aux déclarations des Tsiprosaures, sur la place de la Constitution seul le soleil brille encore ou sinon, quelques rares manifestants héroïques et symboliques. Ceux dénonçant par exemple la mise en vente de l’importante compagnie d’assurance filiale de la dite Banque Nationale de Grèce, qui n’est plus une banque, et encore moins nationale, ni… de Grèce, car bradée à de funds étrangers (sous la… gouvernance Tsipras II en automne 2015) au 2% de sa valeur. Nos touristes, déjà assez nombreux à Athènes, observent la scène, “Athens, very beautiful sightseeing”, en effet !

“NON à l’euro”. Athènes, mars 2017
Un euro symbolique ? Athènes, mars 2017
Rencontre… au mont Hymette. Mars 2017

Devant le siège de l’Union syndicale des journalistes d’Athènes, une grande banderole déployée croit rappeler aux passants restés indifférents, les luttes menées depuis déjà un moment “Pour la liberté, comme pour la dignité” de notre société. Sauf que la Troïka est passée par là, et ensuite… SYRIZA. Ce n’est tout de même pas rien, sept ans d’histoires vécues et pratiquées depuis 2010, crise dite grecque.

Et pour rendre ce “futur” mieux compréhensible à nos amis Français (bien justement occupés et même préoccupés par le Printemps électoral qui est le leur), je dirais que l’affaire SYRIZA se résumerait alors tout simplement dans un certain cas tout à fait hypothétique et imaginaire: Jean-Luc Mélenchon est élu et aussitôt il se comporte comme un… François Hollande, pour ensuite ouvertement revendiquer et même imposer, le programme bancocrate et européiste d’Emmanuel Macron (on pourrait imaginer pareillement un cas équivalant à droite, avec Marine Le Pen). Inimaginable dirions-nous tout cela !

Athènes, tout de même sous un soleil radieux. La Garde Evzone (République)… gardera, particulièrement les apparences, les équipes sportives iront toujours se rencontrer dans les gymnases, et les touristes admireront comme il se le doit le stade antique d’Athènes, rénové pour les premières Jeux olympiques de l’ère moderne, en 1896. Notre existence, la plus élémentaire qu’elle soit parfois, elle ne demandera pas tant d’imagination pour… se loger volontiers dans une si petite boîte du temps présent.

“Pour la liberté, comme pour la dignité”. Athènes, mars 2017
La Garde Evzone. Athènes, mars 2017
Équipes sportives. Athènes, mars 2017
Le stade des Jeux olympiques de 1896. Athènes, mars 2017
Dans une petite boîte. Animal de Greek Crisis, Athènes, mars 2017

“Nous savons concilier le goût du beau avec la simplicité et le goût des études avec l’énergie. Nous usons de la richesse pour l’action et non pour une vaine parade en paroles. Chez nous, il n’est pas honteux d’avouer sa pauvreté ; il l’est bien davantage de ne pas chercher à l’éviter. Les mêmes hommes peuvent s’adonner à leurs affaires particulières et à celles de l’État ; les simples artisans peuvent entendre suffisamment les questions de politique. Seuls nous considérons l’homme qui n ‘y participe pas comme un mutilé et non comme un oisif.”, c’était l’autre oraison funèbre, d’après Thucydide celle de Périclès… décidément aujourd’hui totalement hors cadre.

“Athens, very beautiful sightseeing”. Vraiment !

“Athens, very beautiful sightseeing”. Athènes, mars 2017
* Photo de couverture: Hors cadre ? Athènes, mars 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Un an après l’accord UE-Turquie

 HarekAct Déclaration : Un an après l’accord UE-Turquie  22/3/17

Aujourd’hui, c’est le premier anniversaire de la signature de la déclaration UE-Turquie, communément appelée accord UE-Turquie, qui vise à empêcher l’arrivée des demandeurs d’asile et des migrants dans l’UE. Il a été signé le 18 mars 2016 en réponse au «long été de migration» 1 en 2015, lorsque des milliers de personnes ont fait usage de leur droit à la liberté de mouvement et traversé la Turquie vers la Grèce afin de poursuivre leur chemin vers l’Europe. L’accord vise à réduire le nombre de migrants et de réfugiés arrivant en Europe en échange de certaines promesses faites à la Turquie: des voyages sans visa pour les citoyens turcs, une aide financière pour l’accueil des migrants déportés et des pourparlers accélérés.

Depuis le début, l’accord a été utilisé comme un outil politique par les politiciens européens et turcs pour les affaires nationales et internationales de même. Juste cette semaine, les autorités turques ont publiquement menacé l’UE de mettre un terme à la mise en œuvre de l’accord en raison de la crise diplomatique avec les Pays-Bas et d’autres États qui ont interdit les politiciens turcs tenant des rassemblements politiques dans leurs pays. Malgré ces faux pas, les dirigeants européens sont fiers de présenter cette honteuse opération comme un succès politique. En outre, afin de renforcer davantage les frontières et d’empêcher les personnes d’accéder à l’asile en Europe, elles incitent d’autres pays à signer des accords de réadmission avec de nouveaux partenaires et à reproduire l’accord dans d’autres pays.3 En bref, les cascades d’externalisation sont construites!

Comme nous l’avons dit dans de nombreux cas 4 , cet accord constitue une violation des droits fondamentaux de l’homme et a des conséquences dévastatrices 5. En marge du régime migratoire européen, des milliers de migrants et de réfugiés sont laissés dans les limbes alors que nous assistons à une prolifération de troubles mentaux et physiques problèmes de santé. Non seulement en Turquie, mais aussi sur les îles grecques et la Grèce continentale, beaucoup sont bloqués tout en étant exposés à des abus et des violations des droits dans de très mauvaises conditions.

Nous nous opposons à l’accord UE-Turquie et aux plans pour le reproduire dans d’autres pays, comme la Libye, le Soudan et le Niger. Nous condamnons cet accord honteux qui détruit des vies humaines et finira par avoir un impact négatif important non seulement sur les migrants et les réfugiés, mais sur toute l’humanité.

https://translate.google.fr/translate?hl=fr&sl=en&u=http://moving-europe.org/&prev=search

Équipe éditoriale de HarekAct

Les références

  1. Http://bordermonitoring.eu/ungarn/2015/09/of-hope-fr/
  2. Http://harekact.bordermonitoring.eu/2017/03/16/erdogan-threatens-to-scrap-eu-turkey-migrant-deal/
  3. Http://harekact.bordermonitoring.eu/2017/02/14/eu-human-rights-cost-of-refugee-deal-with-turkey-too-high-to-be-replicated-elsewhere/
  4. Http://harekact.bordermonitoring.eu/2017/03/14/un-year-after-the-eu-turkey-deal-new-msf-report/
  5. Http://harekact.bordermonitoring.eu/2017/03/17/report-eu-turkey-deal-makes-seeking-refuge-in-europe-mission-impossible-for-most-vulnerab/

Grèce : parole d’un exilé en grève de la faim

par passeursdhospitalites

Venus de Grèce, la lettre d’un exilé qui avait entamé une grève de la faim pour s’opposer à son expulsion vers la Turquie, et le récit qui l’accompagne et en donne le contexte. Aujourd’hui, la demande d’asile de Mohammed A. est en cours d’examen en Grèce.

« Le texte qui suit a été écrit par des personnes ayant participé à une campagne de soutien pour la libération et le droit d’asile pour Mohamed A. alors en grève de la faim pendant sa détention à la préfecture de Lesbos-en Grèce.

La lettre écrite par Mohamed A. sur sa situation, à la suite de ce texte, a été traduite de l’arabe vers le grec, puis en anglais et enfin en français. Il se peut que les traductions successives manquent de rendre tout à fait la teneur de la lettre écrite alors.

Aujourd’hui Mohamed A. a été libéré dans cette prison à ciel ouvert qu’est en train de devenir l’île de Lesbos pour les migrants qui s’y retrouvent bloqué., il est en attente d’une réponse suite à sa troisième demande d’asile. Une situation comme beaucoup d’autres, tandis que la Grèce est en train de devenir une machine de déportation et un réseau de centre de détention où sont emmenés manu militari les migrants arrêtés dans les rafles régulières des squats, du port, et des rues d’Athènes comme des îles frontières.

Texte du 13/01/2017- issu du site musaferat.espivblogs.net

Depuis Octobre 2016, Mohamed A. est en détention administrative dans les bureaux de la police de Lesbos et risque la déportation, sa demande d’asile ayant été rejeté. Il a commencé une grève de la faim depuis le 13/12/2016, pour contester sa déportation et le refus de son droit d’asile.

Son état de santé se détériorant progressivement depuis ces derniers jours, il a été transféré à l’hôpital de Mytilène Vostaneio le 10/01/2017, où les médecins ont affirmé la nécessité d’une hospitalisation. Il retourna chercher ses affaires au centre de rétention avec la garantie des policiers qu’il serait ensuite reconduit à l’hôpital. Pourtant il y resta détenu, la police lui indiqua qu’il serait emmené à l’hôpital le matin suivant. Le jour suivant, à son arrivée à l’hôpital, ils obtinrent son consentement à ne pas être hospitalisé en lui faisant miroiter qu’ils s’occuperaient de son cas et qu’il serait transférè à Athènes dans les jours prochains. Le jeudi 12/1, le commissaire de police annonça à Mohamed la décision de son renvoi vers la Turquie, selon les lois infâmes des accords entre l’Europe et la Turquie.

Grâce à la pression des avocats et de personnes solidaires, Mohamed fut de nouveau hospitalisé. Face à la gravité de son état psychique et physique, des médecins imposèrent son hospitalisation au vu des symptômes évidents de fatigue (vertiges, syncopes, troubles de la vue) ; et il lui a été administré des solutés salés. Son hospitalisation permit l’annulation de l’ordre de déportation, ce qui ne fut pas le cas pour les dix autres migrants déportés ce matin du vendredi 13 janvier.

Depuis Mohammed A. est toujours hospitalisé, pendant que la police, manifestement déçue de l’annulation de la procédure, essaye de toutes les manières possibles de faire pression sur les médecins afin qu’ils signent une décharge, qui permettrait de le déporter. En même temps, contre les règles en vigueur de l’hôpital, la police a interdit l’entrée de la chambre de Mohamed aux personnes venues le soutenir.

La situation actuelle- par ces faits, la tentative de déportation d’un migrant au 32eme jour d’une grève de la faim – est sans précédent, au vu du risque vital engagé. De cette manière, l’État et ceux qui le servent font avancer encore d’un pas le totalitarisme existant . Ce sont ces mêmes fonctionnaires qui tiennent en otage un enfant de 6 ans pour nourrir leur revanche contre ses parents *; L’État qui interdit des événements dans les universités publiques; l’État qui torture des milliers de migrants dans les centres de détention tous les jours, jusqu’à leur déportation finale. Cet état qui s’ennorgueille de sa capacité à décider de la vie et la mort de ceux qui ne rentre pas dans le rang, de ceux qui sont vus comme un « surplus », de ceux qui résistent.

Nous exprimons notre solidarité avec Mohamed contre cette violence quotidienne de ségrégation, de racisme et d’exploitation; Nous exprimons notre solidarité avec les centaines de migrants déjà déportés; notre solidarité avec ceux qui combattront avec nous contre la dévalorisation de la vie.

Solidarité avec le gréviste de la faim Mohamed A.

Réponse favorable immédiate à ses revendications

Arrêt de toutes les déportations

* référence au chantage effectué contre les membres de lutte révolutionnaire actuellement en détention, par la menace sur leur enfant. A 6 ans, il est surnommé par certains médias « le plus jeune prisonnier politique du monde », il a été détenu au siège de la police antiterroriste d’Athènes puis a été confiné dans une aile pour enfants d’un hôpital psychiatrique. le 8 janvier il fut finalement confié à sa grand mère suite aux mouvements de protestations et à la gréve de la faim et de la soif du groupe Lutte révolutionnaire. Cette garde est provisoire et doit être confirmé d’ici six mois

Lettre du gréviste de la faim Mohamed A. le 3/01/2017

Le corps tout entier perd ses capacités quand le cœur se fait silencieux dans la cage thoracique. La douleur domine le cœur mais l’esprit véritable tient dans le fait de ne pas lâcher…

Battements de cœur de douleur dans la cage d’une prison

Ne vous souciez pas de ce que vous détenez aujourd’hui car demain vous pourriez avoir tout perdu. Un jour, vous pourriez vous trouver à ma place, peut être serez-vous alors celui qui arrive dans mon pays. Quand ce jour viendra, je vous traiterai mieux que cela ! Ne surestimez pas votre pouvoir aujourd’hui, car demain c’est peut être moi qui ferai un don du sang pour vous lorsque vous vous retrouverez à l’hôpital…La générosité tient dans la manière de faire…

Pensez-vous que je serai inculpé pour avoir affirmé la nécessité d’une justice et tout ce que je ressens pour les personnes qui souffrent autour de moi ? S’il est vrai que se retrouve coupable quiconque a parlé de justice, défendu de plus faibles, combattu l’injustice et dit NON , alors j’accepte la sentence. Je mourrai honnête, courageux et intègre, à dire la vérité, plutôt que de vivre une vie sans honneur ni dignité, comme un hypocrite. Même si je possédais la moitié des trésors de ce monde, cela ne vaudrait pas grand chose parce que ces choses s’achètent avec de l’argent. Voici ce que c’est que d’être humain. Ne pas juger ni sur la couleur ni sur la religion. Nous sommes tous à égalité ici. Si je dois être puni pour être humain, voici l’enjeu de la torture : Une vie sans honneur, décence, justice. Une vie où les lâches règnent. Oh mon dieu, voila la sanction de la conscience…

J’ai plein de forces et je ne vous imposerai pas de me respecter car à ce moment précis ma force est la peur. Je tente ici de ne pas user de cette force. Je voudrais comprendre de quoi vous êtes fait sans que cela ne m’influence. Parce que je suis comme l’or : même si vous le fondez, il ne se mélange pas. Je ne changerai pas. Vous ne pourrez pas m’affaiblir. Même si vous ne me traitez pas mieux, je n’entrerai pas en conflit avec vous, je ne deviendrai pas comme vous. Je resterai comme je suis et personne ne m’empêchera de parler de justice.

Ici, dans cette société beaucoup de gens savent de quoi je parle, car ils sont sensibles, ils peuvent comprendre les autres. Ils connaissent la valeur de la vérité. Ils connaissent la joie d’aimer peu importe les religions. Comme il est beau de vivre dans une société sans mensonges ni haine, et qui ne désire que l’amour et la paix.

Je défendrai la justice et l’égalité et je combattrai l’injustice. Je soutiendrai ceux qui sont maltraités, j’éprouverai la souffrance des autres même si cela doit me coûter mes propres mensonges. Non à une vie sans égalité !

Je serai la plume qui crache l’encre de la justice pour que ceux souffrant d’injustice sortent vainqueur et que celle-ci soit abolie.

Questions :

Où sont ceux qui disent défendre les droits de l’homme ? Ces mots ne veulent- ils rien dire ? Cherchez vous une réponse à cela ? Désolé , il n y en a pas.

Ceci n’est pas toute l’histoire. Ceci était juste une introduction. 22 jours sans manger, je suis à bout de force. Je voudrais vous parler du racisme et de l’éthique de certains peuples. Je voudrais vous dire ce qui s’est passé en Egypte. Vous parler de tellement de choses… »

 

Eurogroupe : Jeroen Dijsselbloem dérape et refuse de s’excuser

Par Romaric Godin  La tribune

Le président de l’Eurogroupe qui cherche à s’accrocher à son siège a déclaré que les pays du sud ont « dépensé leur argent pour de l’alcool et des femmes » puis ont demandé de l’aide. Des propos qui reflètent toutes les erreurs de la crise de la zone euro.

Jeroen Dijsselbloem a apparemment bien du mal à se remettre de la lourde défaite de son parti travailliste qui a perdu 27 sièges sur 36 lors des élections néerlandaises du 15 mars. Dans un entretien avec le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), celui qui est encore ministre des Finances des Pays-Bas et président de l’Eurogroupe – et qui entend rester à ce dernier poste selon ses dires – a défendu sa position de fermeté face aux pays du sud.

Pas d’excuses

« Durant la crise de l’euro, les pays du nord ont montré de la solidarité avec les pays touchés par la crise. En tant que social-démocrate, je donne beaucoup d’importance à la solidarité. Mais vous avez aussi des obligations. Vous ne pouvez pas dépenser tout l’argent dans l’alcool et les femmes et ensuite demander de l’aide », avait ainsi déclaré Jeroen Dijsselbloem. Des propos d’une grande violence pour lesquels le Néerlandais a refusé catégoriquement de s’excuser devant le parlement européen ce mardi 21 mars.

Interpelé par le député européen des Verts catalans Ernest Urtasun, Jeroen Dijsselbloem a pris un ton docte : « l’idée qu’il s’agit d’une attaque lorsque je suis sérieux sur les règles et que je les prends au sérieux est une erreur », a-t-il indiqué. Avant d’ajouter : « ce que vous devez comprendre c’est que si vous voulez maintenir le soutien politique et public dans toute l’Union européenne pour la solidarité, vous devez toujours parler des engagements et des efforts qui doivent être faits par chacun pour maintenir cette solidarité ». Bref, la métaphore de Jeroen Dijsselbloem ne visait donc qu’à faire accepter aux peuples du nord de l’Europe le « soutien » (sous forme de prêts associés à de l’austérité) à leurs « partenaires » du sud.

Prendre acte pour rester en place ?

L’explication n’a guère convaincu Ernest Urtasun qui a jugé qu’il ne l’a pas jugé « drôle » et s’est interrogé s’il s’agissait du « premier acte de la candidature du Néerlandais à la poursuite de son poste ». Et de fait, Jeroen Dijsselbloem, dans la même interview, a affirmé que son départ plus que probable du ministère des Finances du royaume ne lui interdit pas de poursuivre son mandat jusqu’en janvier 2018. En prenant un ton rude, à la limite de l’insulte, il confirme au véritable maître de l’Eurogroupe, Wolfgang Schäuble, le ministre fédéral allemand des Finances, sa détermination à se montrer ferme envers la Grèce.

Excès de zèle

Sur la Grèce, l’Eurogroupe ne cesse de se montrer ferme et d’ajouter de nouvelles exigences à Athènes pour faire entrer le FMI dans un troisième mémorandum qui est plus que jamais un échec.  Cette exigence de faire entrer le FMI dans le programme, ce qui suppose un durcissement de ce programme, est une demande germano-néerlandaise, donc une demande de Jeroen Dijsselbloem et de Wolfgang Schäuble. Dernière trouvaille en ce sens de l’Eurogroupe : les ministres des Finances pourraient demander un feu vert de l’opposition grecque pour s’assurer que les engagements du gouvernement grec soient maintenus en cas d’élections. Une nouveauté qui réduit encore la capacité d’action des autorités helléniques. Dans cette fermeté renouvelée et sans fin, Jeroen Dijsselbloem semble vouloir faire preuve d’un certain excès de zèle afin de conserver un poste que la logique, la décence et la démocratie voudraient qu’il rende.

Xénophobie

Au-delà de cet élément de contexte (qui explique aussi en partie l’indignation espagnole puisque le ministre des Finances espagnol Luis de Guindos est candidat non déclaré à la présidence de l’Eurogroupe), cette déclaration de Jeroen Dijsselbloem est un révélateur des erreurs et des aveuglements de ceux qui dirigent l’Eurogroupe. La narration que ces dirigeants soutiennent et qu’ils présentent à leurs peuples est celle de peuples du sud indolents et dépensiers. Et ce serait pour cette raison que la crise de l’euro a éclaté et que les peuples du nord ont dû mettre la main à la poche pour les aider. Ce faisant, contrairement à ce qu’il affirme, Jeroen Dijsselbloem ne défend pas la solidarité, il défend une vision ethnique de l’Europe avec des peuples de fourmis travaillant pour des cigales. Il attise la xénophobie, entretient l’incompréhension mutuelle et flatte les égoïsmes nationaux. Il tue ce qui fait l’idée européenne.

Controuver les faits

Surtout, il controuve les faits. Les Grecs sont ceux qui travaillent le plus en Europe, les Allemands et les Néerlandais étant plutôt en queue de peloton. Enfin, la crise de l’euro doit autant à la hausse des dépenses publiques grecques qu’à l’entrée de la Grèce dans l’euro, à la dérégulation financière et aux maintiens d’excédents courants immenses de l’Allemagne et des Pays-Bas. Dans une union monétaire, il n’y a pas de « bons » et de « mauvais » élèves, il y a des actes individuels de certains Etats qui ont des conséquences pour tous. La modération salariale unilatérale de l’Allemagne a été sans doute la principale force, avec la crise de 2007, du déclenchement de la crise de la zone euro. La Grèce a ainsi toujours eu un niveau de dépenses sociales inférieur à celui de la moyenne européenne.

Arrogance

Enfin, ce mot désastreux de Jeroen Dijsselbloem est une preuve de ce sentiment de supériorité et d’arrogance des pays du nord de l’Europe qui ont voulu imposer leur modèle coûte que coûte aux pays du sud, déclenchant une aggravation de la crise en rajoutant de l’austérité à l’austérité. Une logique que la Grèce paie encore… En attendant, des députés espagnols ont réclamé la démission du ministre néerlandais. Ils risquent d’en être pour leurs frais. Le favori pour remplacer Jeroen Dijsselbloem, le Slovaque Petr Kazimir avait, en juillet 2015, fait polémique en se félicitant d’avoir brisé le « printemps d’Athènes »…

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/eurogroupe-jeroen-dijsselbloem-derape-et-refuse-de-s-excuser-668111.html

Ni piéton ni phoque : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque .

Ni piéton ni phoque

Le beau temps revient au pays en case. Il faut bien dire que la pluie soutenue tombant sur Athènes devient rapidement gênante. C’est connu, les rues et les avenues se transforment aussitôt en ruisseaux et il ne fait pas bon d’être piéton dans pareils cas. De toute manière, les Grecs préfèrent le soleil. Lui seul, il attenue les souffrances de la crise, il amoindrit les esprits, comme il doit sans doute nous faire éviter… certains suicides. Alors soleil !

Par ce temps, on redécouvre l’histoire. Athènes, Parc d’Histoire maritime

Et par cette météo entre soleil et orages, on redécouvre parfois notre histoire lorsque le temps nous le permet. Par exemple, les navires de guerre au Parc d’Histoire maritime accueillent alors les curieux, autochtones ou hétérochtones. Un passé présenté comme toujours glorieux au beau milieu d’un présent alors si gluant. On visite par exemple le croiseur cuirassé Geórgios Avéroff ayant servi comme navire amiral de la marine royale grecque durant la première moitié du XXe siècle, et c’est le seul navire de ce type existant encore des nos jours au monde, désormais exposé comme navire musée dans ce port de Phalère.

Les années passent, et ainsi certaines traces demeurent. Photos exposées, réalisées par son équipage de ce jadis d’entre-deux-guerres (de l’autre siècle), l’uniforme de l’Amiral Kountouriotis, et bien en face, l’autre navire célèbre, le légendaire contre- torpilleur Velos II.

Il ne fait pas bon d’être piéton. Athènes, mars 2017

Ce dernier est entré dans l’histoire en 1973, lorsque son équipage, sous le commandement du capitaine Nikólaos Pappás avec six officiers et 25 sergents, se retire d’un exercice de l’OTAN, et part se réfugier en Italie pour demander l’asile politique, en réaction de taille, face à la dictature des Colonels (1967-1974).

L’ex USS CHARETTE DD-581 de la classe ‘Fletcher’ construit en 1942, avait été offert par les États-Unis à la marine grecque en 1959 et a servi jusqu’en 1991, quand il a été désarmé. Mais pour les Grecs, pour ceux déjà qui n’ont pas la mémoire courte, Velos demeurera l’exact synonyme de ce geste extraordinaire contre la junte d’alors.

Photo exposée à bord du Croiseur cuirassé Avéroff. Athènes, mars 2017
L’uniforme de l’Amiral Kountouriotis. Croiseur cuirassé Avéroff, Athènes, mars 2017
Le légendaire contre- torpilleur Velos II. Athènes, mars 2017

Sauf que du côté des… autres petites histoires bien grecques, et fort actuelles, rien ne change. D’après la presse du moment, les dettes des Grecs envers l’État (non acquittées) ont augmenté de 1,6 milliards, rien qu’en janvier 2017. Il faut en outre comprendre que sur dix millions d’habitants que compte encore ce pays, exactement sous le soleil, plus de 4,7 millions de Grecs sont redevables (contributions impayées) envers l’État (fisc), et plus de 850.000 de citoyens… se sont vus saisir leurs biens ou leurs revenus par l’administration, quotidien “Kathimeriní”.

Dans le même registre, avec seulement 50% versé du montant total des cotisations sociales des indépendants (professions libérales) en ce début 2017, c’est alors la consternation pour le “gouvernement”. Le nouveau calcul initié en 2016… oblige les indépendants à verser entre 60% et 80% de leur chiffre d’affaires (en impôts, taxes et cotisations, par l’obligation faite d’avancer l’impôt de l’année suivante), et c’est ainsi que la date limite des paiements vient d’être repoussé une deuxième fois par le “gouvernement”. “L’effondrement c’est pour bientôt”, croit savoir le voisin Chrístos, tout comme le voisin Kóstas, ou encore, le voisin Petros. Nous sentirions la fin arriver… nous l’espérerions même.

En attendant, les gens se baladent, les jeunes surtout, et ce 25% à 30% de la société s’en sort encore bien ou difficilement, tandis que le grand corps mourant de l’ex-classe moyenne s’enfonce davantage. Rien que les cas (repérés) de branchements illégaux au réseau électrique ont dépassé les 10.000 en 2016 d’après la Régie… record absolu d’après les reportages. Cela, au moment où les premières fraises ont fait leur apparition à Athènes, au même titre que le drapeau national… accompagné de celui de l’occupation européiste, et de celui enfin, de l’équipe du Pirée, le légendaire Olympiakós. Donc circulons !

Les gens sortent. Athènes, mars 2017
Fraises, bananes et autres fruits. Athènes, mars 2017
Les trois drapeaux. Athènes, mars 2017

En attendant, et même si certains se baladent encore, Peter Koening (économiste et analyste géopolitique) vient d’adresser son accablante et émouvante “Lettre ouverte au peuple de Grèce: Vous êtes abattus sous les yeux du monde entier” (en anglais sur le site canadien d’analyse “Global Research”).

L’auteur, dénonce entre autres et à très juste titre, les “socialistes caviar de SYRIZA pour avoir laissé leur pays saigner à mort littéralement, moralement, socialement et psychologiquement. (…) Prenez votre situation en vos mains. Ne croyez pas vos politiciens, ni vos médias ! Quittez cette organisation criminelle appelée Union européenne, de même que ce système monétaire criminel de l’Occident, et qui vous étrangle jusqu’à la mort. Récupérez votre souveraineté, votre monnaie. Cessez de payer la dette, et le système occidental ne pourra rien faire contre votre décision. Et il ne pourra rien faire, parce que vous ferez tourner votre pays via vos propres banques publiques et votre monnaie, en y allant progressivement mais sûrement, en reconstruisant toute une économie dévastée. Le paiement de la dette est d’ailleurs négociable. Les exemples abondent dans ce monde. L’Argentine en est un, et d’ailleurs récent. Même l’Allemagne avait renégocié sa dette internationale en 1952 lors des Accords de Londres sur la dette extérieure allemande”.

Ô peuple de Grèce, réveille-toi devant l’évidence. N’acceptez pas ce que le gouvernement, Bruxelles et la Troïka vous imposent, à vous, comme à votre pays. Exigez le Grexit en suite fort logique et légale à votre vote triomphant du ‘NON’ à tout nouveau ‘plans de sauvetage’ passant par l’austérité imposée par la Troïka. Si vous le faites, vous verrez rapidement la lumière au bout du tunnel – une lumière ayant a été trop longtemps dissimulée par l’Allemagne, par ces gangsters de la Troïka et par votre propre gouvernement”.

En librairie, nouveau siècle ? France, 2016
L’Union européenne, “Quotidien des Rédacteurs”, Athènes, mars 2017
L’Union européenne allemande, “Quotidien des Rédacteurs”, Athènes, mars 2017

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, essaye toujours de duper les Grecs, et d’impressionner le reste du monde, en menaçant de la Grèce de sortie de la zone euro. Tout gouvernement sain d’esprit, saurait pourtant transformer cette menace en initiative propre, afin de quitter ce monstre pétrifié que vous appelez l’Union européenne, ainsi que sa fausse et illusoire monnaie commune nommée euro. Sauf qu’en Grèce, c’est la morbidité qui y règne, et c’est tout le problème. Ainsi, à la morbidité de la Troïka, le gouvernement grec répond par sa propre et totale servitude morbide, en se conformant entièrement à la destruction de millions de compatriotes dépossédés et réduits en esclavage”.

Le beau temps qui revient au pays comme à sa case, les gens fréquentant les cafés en bord de mer comme si de rien n’était, notre théâtre est si ambiant… L’acteur et metteur en scène Alexandre Kollatos m’avait invité cette semaine à la première répétition privée de sa nouvelle pièce de théâtre. Elle est intitulée “Yanis et Alexis”, une fiction… d’amour, imaginée entre Yanis Varoufákis et Alexis Tsipras dont l’histoire bien brève relate de manière tragi-comique la (première) terrible période Syriziste, entre janvier et juillet 2015.

Ma photo est certes floue, sauf que la pièce ne l’est pas du tout. Nous n’étions que quatre spectateurs invités à cette première avant l’heure et nous avons tous bien pu rire. C’est alors si important par les temps qui courent et qui ne rigolent alors plus en Grèce depuis 2015, et c’est autant vrai que nous ne rions pratiquement plus.

Le pays en case. Grèce, déjà en 2012
Les gens qui fréquentent les cafés en bord de mer. Athènes, mars 2017
“Yanis et Alexis” d’Alexandre Kollatos. Athènes, mars 2017

Alexandre, comme son “Yanis et Alexis” sont à la recherche d’une salle à Athènes, puis, qui sait peut-être plus tard à Paris, à Londres, à Bruxelles ou à Berlin. Nous le lui souhaitons ardemment.

En attendant, le beau temps revient au pays où il ne fait pas toujours bon d’être piéton, la mesure se perd et c’est pour que l’hybris triomphe. L’inexplicable tient de l’insupportable (comme son contraire). Car en cette… belle Cyclade d’Ios, Théodosis, le phoque connu et aimé (presque) de tous, a été retrouvé inanimé… Une mort causée par balle alors tirée d’une arme à feu que l’on dira toujours “humaine”. Sur l’île, d’après les reportages de la presse locale c’est la consternation. Pays où il ne fait pas bon d’être piéton ni phoque.

Maigre consolation… maritime, les archéologues pensent avoir découvert les vestiges de la base navale de la flotte grecque menée par Eurybiade et Thémistocle face à celle des Perses de Xerxès Ier pendant la bataille de Salamine en 480 av. J.-C.. Autres temps ?

L’assassinat de Théodosis, île d’Ios. Cyclades, mars 2017
Maigre consolation… Vestiges de la bataille de Salamine, mars 2017 (presse grecque)

Sauf qu’en Grèce, c’est la morbidité qui y règne, et c’est toujours tout le problème. L’esclavage c’est encore la nouvelle convention en interne que la direction des magasins H&M entend imposer aux salariés. Ces derniers devraient accepter (entre autres), d’être mutés temporairement à n’importe quelle boutique de l’enseigne à travers toute la Grèce, le tout, en supportant les coûts des déplacements et de l’hébergement… pour quelques centaines d’euros par mois de salaire seulement. C’est aussi cela la politique de la Troïka, et autant celle de… SYRIZA caviar au pays où il ne pleut pas, sauf seulement l’été.

Manifestants devant un magasin H&M. Athènes, mars 2017 (presse grecque)

Le beau temps reviendra un jour au pays en case… et c’est l’animal (à peu près) adespote (sans maître) de ‘Greek Crisis’ qui nous le dit. Pour les piétons, pour les employés des magasins H&M, et peut-être même pour les phoques.

L’animal de Greek Crisis. Athènes, mars 2017

* Photo de couverture: Le croiseur cuirassé Geórgios Avéroff. Athènes, mars 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Nouveau monde : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque .

Nouveau monde

Irrésumable ambiance actuelle. Pluies et orages s’abattent par intermittence sur Athènes toute cette semaine. Et dans la journée du 8 mars, les paysans Crétois, venus depuis la grande île manifester devant le Ministère de l’Agriculture, ils ont été reçus comme… il se doit par les temps qui gouttent, comme par les forces de l’ordre. Le système devenu tyrannique est désormais à cours d’arguments. SYRIZA est cette dernière feuille morte de l’arbre abattu de la démocratie (et accessoirement de celui la gauche). Printemps grec pourtant.

Crétois devant le Ministère de l’Agriculture. Athènes, le 8 mars (presse grecque)

Les Crétois ont alors répliqué à leur manière, en brisant la façade du ministère. “Attitude de videurs agressifs”, d’après les déclarations du Ministre de l’Agriculture et du régime “déconstitutionnalisé” actuel grec (radio 90.1 FM, le 8 mars). Joint en direct par les journalistes de la radio 90.1 FM du Pirée (8 mars), le représentant du cortège des paysans Crétois, a d’abord rappelé que le gouvernement avait trahi leur ‘NON’ au referendum de 2015, et qu’en janvier 2015, les électeurs de l’île avaient très largement plébiscité les élus Syrizistes.

En second lieu, nombreux sont ceux qui ont remarqué (presse comprise), la présence dans cette manifestation, du drapeau de la Crète Indépendante (1896 – 1913). Il faut rappeler, que ce drapeau était une variante du drapeau des insurgés de l’indépendance grecque en 1821-1822. Une croix blanche, divisée en quatre carrés, dont trois bleus (les couleurs de la Grèce), tandis que le premier carré était rouge, frappé une étoile blanche placée en son centre. Ce drapeau redevient à la mode depuis les années de la Troïka (comme par hasard), il est ainsi parfois imprimé sur des t-shirts ou des autocollants qui circulent.

Dans le même ordre d’idées… si bien originales en étrangetés introduites avec la… nouvelle Grèce de la Troïka, deux grandes entreprises, Vodafone et Ryan Air ont également montré ce drapeau à travers leurs messages de publicité, une “erreur” paraît-il. Il faut ici préciser que l’étoile sur fond rouge symbolise l’allégeance à la Sublime Porte (siège du gouvernement du sultan de l’Empire ottoman). Comme le fait remarquer la presse locale actuelle citant les sources d’il y a un siècle, c’est très précisément pour cette raison, que les Crétois d’alors, n’avaient jamais reconnu ce drapeau comme étant le leur, ce dernier avait été uniquement utilisé par l’administration officielle de la Crète sous tutelle étrangère (France, Grande-Bretagne, Italie, Russie), avant le rattachement de la grande île à la Grèce (1913).

Crétois devant le Ministère de l’Agriculture, et… le drapeau de la Crète Indépendante. Athènes, le 8 mars 2017 (presse grecque)
Crétois et policier. Athènes, le 8 mars 2017 (presse grecque)
Crétois… et policiers. Athènes, le 8 mars 2017 (presse grecque)
Crétois accrochant le drapeau grec sur un car de la Police. Athènes, le 8 mars 2017 (presse grecque)

Joint aussi en direct par les journalistes de la radio 90.1 FM du Pirée (8 mars), le vice-ministre de l’Agriculture a répondu (plutôt en guise d’apologie) que “dans le cadre actuel du mémorandum, il n’est pas possible d’aller plus loin dans la politique appliquée” (cité de mémoire). Cynisme et simplicité.

Autant dire que nous ne pratiquons plus ce régime (même supposé) représentatif, et qu’à force d’exécuter tout simplement des ordres imposés depuis l’étranger (entre autres, depuis Berlin et depuis Bruxelles) et d’ailleurs en violation flagrante de la Constitution, l’existence (la fonction) des ministres et des députés ainsi décoratifs devient alors superflue, voire, outrageusement scandaleuse aux yeux des Grecs.

Pratiquement tout le monde en Grèce, réalise enfin, combien et comment cette caste politique ne tient en place que pour assurer un (dernier ?) service au maintien approximatif de la façade. Celle également des faits comme des expressions encore en usage, “démocratie”, “responsabilité”, “acquis européens”. On comprend également, que ces politiciens s’accrochent à leurs postes, aussi pour assurer leur propre (et souvent bien large) survie économique. Le tout, après avoir vidé le pays de ses meubles comme de ses habitants les plus jeunes. L’exil massif économique des Grecs (500.000 départs depuis 2010), c’est finalement l’exil politique des temps métadémocratiques. Triste sort alors, celui réservé à ceux qui restent, comme l’illustre l’iconographie adoptée par la presse et par le web grecs. Modernité, dès lors métanthropique.

Sous l’Acropole. Peinture murale, Athènes, mars 2017
Athènes… de surface. Mars 2017

Signe des temps, dans une récente enquête d’opinion réalisée en Grèce (mars 2017), la question posée avait été la suivante: “Quelle confiance accordez-vous aux institutions de votre pays figurant ci-dessous ?”. Sans surprise, l’armée arrive en tête largement plébiscitée (60%), en deuxième et troisième place y figurent respectivement, les entreprises privées (46%) et la police (44%). Et en fin de ce parcours de la défiance, paraissent comme attendu, le “Parlement” (9,5%), les syndicats (7%), les médias (6,5%) et… tout naturellement les partis politiques (5,5%).

Après cinq scrutins législatifs, quatre gouvernements et un referendum trahi depuis 2009, le système politique grec n’est plus, et nous sommes passés de l’autre côté du miroir déformant des mensonges, comme de celui des illusions si chèrement payées, SYRIZA surtout et d’abord. Ainsi, le vrai changement si changement il y a, aura nécessairement un caractère profond et non plus de surface. Autrement-dit, en Grèce (en ce moment en tout cas), ce n’est plus par le biais des élections que la solution (de toute manière douloureuse) peut arriver, mais par un changement de régime. Nous en sommes arrivés à ce point.

Et j’ajouterais alors ceci, pour que nos lecteurs depuis les pays (supposés ?) démocratiques et espérons-le, encore souverains, puissent mieux saisir… toute la teneur du régime d’occupation technocoloniale et européiste que connaît cette autre Grèce: Depuis 2015, les exécutants et les représentants des dits “créanciers” (en réalité il s’agit d’une attitude criminelle “d’en haut”, imposant au pays des taux d’intérêts proches de 10% et par la même occasion, la spoliation des biens et des richesses qui sont les siens, actuels comme futurs), reçoivent les “ministres” grecs à l’hôtel Hilton de la capitale, cela en bons administrateurs coloniaux. L’hôtel de luxe, se transforme à chaque arrivée des Troïkans en bunker, les cars des forces spéciales de la Police formant une impressionnante ceinture autour de lui, ceci explique sans doute tout franchement cela.

“Quelle confiance accordez-vous aux institutions de votre pays figurant ci-dessous ?”. Presse grecque, mars 2017
L’hôtel Hilton… et les cars de la Police. Athènes, mars 2017, (presse grecque)
Triste sort réservé à ceux qui restent. Web grec, mars 2017

La société reste calme sauf qu’elle se trouve tout de même en ébullition. Lors d’un déplacement récent du… chef de l’exécutif à Thessalonique, une femme (tenue à une certaine distance par les policiers et gardes du corps) a interpellé Alexis Tsipras et la scène a été filmée et par la suite diffusée à travers la presse et d’abord sur internet : “Peux-tu vivre toi avec 400 euros par mois, tout en ayant la charge de ta famille en plus ? Non, alors crève, tu peux crever… Et d’ailleurs, je m’en tape de la presse, présente ici”.

Sa dernière phrase avait été formulée en réponse à la remarque faite par un collaborateur Syriziste: “Tu fais tout ce cinéma car les journalistes et les télés y sont présents”. Sur la page You Tube affichant la vidéo de la scène, un commentaire éponyme (et très grossier) en rajoute: “Que le traître, ce fils de putain Tsipras crève enfin, et merde sur sa tombe”. On peut supposer que notre administration coloniale ne censure pas ce type de messages et de commentaires si grossiers, histoire d’offrir peut-être, un espace (inoffensif ?), où la colère populaire s’y exprime… comme pour faire évacuer un peu de son aigre vapeur.

À travers la mutation anthropologique qui est celle des Grecs depuis 2010, renforcée depuis le Coup d’État SYRIZA/ANEL, faisant suite à l’outrageante trahison du résultat du Référendum de juillet 2015 (‘NON’ à la politique de la Troïka à 62%), la mort, et autant sa pulsion, tout comme une certaine forme de culture de guerre, font désormais partie de l’imaginaire politique au sein des mentalités. De très nombreux Grecs, souhaitent, non-pas seulement la mort politique des dirigeants (ce qui se comprend déjà) mais alors autant… leur élimination physique. Une… pulsion ayant dépassé son équivalant je dirais, celui ressenti par exemple du temps des Colonels (dictature de 1967 à 1974), sans pour autant atteindre (et heureusement), le seuil paroxysmique pratiqué durant la Guerre civile en Grèce (1944-1949).

Demeure d’un sans-abri près d’Athènes. Mars 2017
Maison fermée. Athènes, mars 2017
Athènes depuis le mont Hymette. Mars 2017

Lors d’une l’émission (nocturne), d’analyse politique et géopolitique à la radio 90.1 Fm (au Pirée) à laquelle j’ai participé en studio (dans la nuit du mercredi au jeudi 9 mars), Dimítris Kollatos (réalisateur, scénariste de cinéma, dramaturge et écrivain), a publiquement évoqué un épisode jusqu’alors peu connu, remontant au mouvement dit des places et des indignés (mai – juillet 2011). Dimítris Kollatos, avait été également à l’époque l’initiateur d’un mouvement populaire exprimant son mécontentement à l’égard de la classe politique:

J’étais présent au moment des grandes manifestations place de la Constitution devant le Parlement. Le peuple voulait attaquer… prendre d’assaut le Parlement. Un officier de la Police affolé, était venu me voir. ‘Monsieur Kollatos, il faut éviter à livrer l’assaut, nous n’avons pas assez de forces, le bâtiment n’est pas protégé’. J’ai hésité… Ceux qui contrôlaient alors la partie basse de la place, autrement-dit les Syrizistes, sont aussitôt venus me voir également. ‘Il ne faut pas attaquer le Parlement, il ne faut pas’. Ainsi, je suis hélas tombé d’accord j’ai reculé avec les miens. Je n’aurais pas dû m’en laisser convaincre. Ce Parlement devrait être pris…” Esprit résistant, on se souviendra aussi que durant la dictature des colonels, Dimítris Kollatos s’installa à Paris en 1971 où il créa le Théâtre d’Art, sur un flanc du Théâtre du Châtelet om il y monta plusieurs pièces.

Mutation anthropologique pourtant partielle, ou sinon, inachevée, toujours sous contrôle. Irrésumable ambiance actuelle, aux apparences (de façade) sauvées. Aux quartiers chics du sud de la capitale, les nantis (ou encore les nantis de justesse), fréquenteront déjà les plages, ou encore, ils achèteront chez les traiteurs… aux prix astronomiques atteignant parfois 200€ le kilo pour certaines épices exotiques. Les pauvres quant à eux, ils se conteront (et encore) de la viande de vielle chèvre laitière, vendue à près de 3€ le kilo sur le marché populaire Athènes.

Radio 90.1 Fm. Dimítris Kollatos (à droite) et Leonidas Aposkitis (à gauche). Le Pirée, le 9 mars 2017
Chez le traiteur… Athènes, mars 2017
Viande de vielle chèvre laitière. Athènes, mars 2017
Plage déjà fréquentée. Sud d’Athènes, mars 2017

Paupérisation rapide de la population, disparition forcée de la classe moyenne, “ambiance psychiatrique régnante” (radio 90.1 Fm, le 10 mars, zone matinale) et d’abord, régime d’exception, telle est la réalité grecque.

La Grèce à été, rappelons-le, volontairement placée (et cela au moyen d’un Putsch devenu permanent) en dehors du cadre des droits fondamentaux (supposés valables dans l’Union européiste). Cette triste vérité, difficilement dissimulable désormais, est de ce fait remarquée par certains journalistes de la presse internationale (même largement mainstream), à l’instar de “La Tribune”:

Le 1er décembre, deux députés socialistes, la Portugaise Maria Joao Rodrigues, vice-présidente du groupe, et sa consœur allemande Jutta Steinruck, coordinatrice pour les questions d’emploi, écrivent à Jean-Claude Juncker pour déplorer que ‘la Grèce a été forcée par les memoranda de décentraliser la négociation collective, ce qui a entraîné l’effondrement du système de négociation collective’. Des mesures qui expliqueraient des baisses de salaires pouvant atteindre 40 %”.

Les deux élues somment le président de la Commission de faire respecter en Grèce la Charte des droits fondamentaux, dont le président Juncker se dit par ailleurs un ardent supporter, et qui stipule en son article 28 le droit à la négociation collective. ‘Le système actuel n’est pas conforme à la Charte des droits fondamentaux, ni avec les conventions de l’Organisation internationale du travail. Il faut restaurer l’exercice collectif de la négociation collective’, écrivent les élues dans ce courrier vu par La Tribune.

Irrésumable ambiance actuelle, bouquiniste. Athènes, mars 2017
Irrésumable ambiance actuelle, un autre regard… Athènes, mars 2017

La réponse, envoyée une semaine plus tard par le président de la Commission, et dont la teneur a été également vue, a de quoi susciter un certain émoi. S’appuyant sur un arrêt de la Cour européenne de Luxembourg, le président répond que les Memorandum of Understanding (MoU) -en clair, les conditions posées par les créanciers pour accorder leur soutien-, sont des actes du Mécanisme européen de stabilité ‘qui tombent en dehors de l’ordre légal de l’Union européenne’. En mettant en œuvre le MoU, la Grèce ne met pas en œuvre la loi européenne et ‘par conséquent, la Charte des droits fondamentaux ne s’applique pas en tant que telle aux mesures grecques’”.

En d’autres termes : la Charte laborieusement entrée en vigueur en 2009 ne s’applique plus dans la Grèce de 2017… De quoi, pour le moins, susciter l’émoi des citoyens ordinaires qui se croyaient protégés par la Charte et dont ils pensaient qu’elle serait une sorte de parapluie de droits universels.” (Blog de Florence Autret, le 2 mars 2017).

La conséquence logique et cependant irrationnelle des “Memorandum of Understanding” (MoU) passablement illégaux, conduit très précisément au… cannibalisme prononcé des rapports économiques, sociaux et symboliques entre les êtres supposés finalement humains. Déjà en Grèce, de bien nombreux employés du secteur privé, sont payés en coupons alimentaires au lieu et place de salaire, une pratique illégale. Ensuite, une loi relativement récente, oblige les employeurs à verser chaque mois sur le compte bancaire de leurs employés, la somme alors… très exacte, correspondant au montant précis de leur salaire en conformité avec les contrats et conventions signés.

Irrésumable ambiance actuelle, mont Hymette… Athènes, mars 2017
Athènes depuis le mont Hymette, mars 2017

Et ce n’est pas un truisme que de l’exprimer ainsi. Pour ne pas trop surprendre les amis et lecteurs du blog, disons plutôt… heureux habitants des pays encore moins marqués par le dernier capitalisme réellement existant, je dois préciser ceci: de nombreux employeurs ne versaient souvent et jusqu’alors, qu’une partie du salaire légal, après avoir conclu avec leurs salariés, un “accord” implicite et oral, introduisant une baisse ainsi illégale des rémunérations, sous la menace verbale et parfois même physique exercées sur les employés.

Depuis cette nouvelle loi, la… pratique a évolué, franchissant un cran essentiel quant à la prolifération des pratiques alors ouvertement mafieuses. On apprend ainsi en ce mars 2017, que… sitôt les salaires versés dans certaines entreprises, des gros bras “accompagnent” les employés devant les guichets automatiques à proximité de leurs lieux de travail, les obligeant à retirer de leurs comptes cette part des salaires… “devant revenir” aux patrons. Sous la menace d’être tabassés, et/ou licenciés.

Quotidien athénien. Mars 2017
Touristes fréquentant les toits-terrasses des hôtels athéniens. Mars 2017

Ces pratiques mafieuses, ont été facilitées comme on sait par la législation troïkanne, ayant imposé et entraîné l’effondrement du système de négociation collective. Et dans la mesure où, le chômage réel atteint plus de 40% des travailleurs potentiels, les syndicats ne peuvent définitivement plus rien faire en termes de réaction, par la voie supposée encore conforme à la législation et pour tout dire… pacifique, (pratiques mafieuses au sein des entreprises, révélées par la presse grecque en ce début mars, par exemple, le “Quotidien des Rédacteurs”, le 9 mars 2017).

L’Agora romaine. Athènes, mars 2017

Comme l’écrit très justement Bertrand Renouvin dans son blog, en présentant l’ouvrage de Marcel Gauchet, “Le nouveau monde”, “Bien entendu, le nouveau monde est riche d’événements historiques mais il est vrai que nous sommes entrés dans un nouveau rapport à la temporalité. Les capacités de changement hic et nunc de la modernité sont tellement considérables qu’elle n’a plus besoin de s’appuyer sur le passé”.

Irrésumable ambiance actuelle et alors autant insoutenable. Printemps grec 2017. Pluie mais aussi grand soleil. Fréquentant les toits-terrasses des hôtels athéniens en face de l’Acropole, les touristes n’auront vu que les employés souriants et énergiques… Et pourtant.

Temps aussi des tortues. Athènes, Agora romaine, mars 2017

Temps qui ne sont toujours pas de notre côté, cependant, en guise de signe de vie, dans l’enceinte de l’Agora romaine d’Athènes, à l’exact emplacement ancien de l’illustre bibliothèque d’Hadrien (empereur romain de la dynastie des Antonins), nos tortues, déjà réveillées s’agitent dans l’indifférence générale.

Le tout, sous le mystérieux regard il faut dire de nos animaux, alors plus adespotes (sans maître) que jamais. Pluies et orages s’abattent par intermittence sur Athènes. Manière de vivre.

Manière de vivre. Nos animaux adespotes. Athènes, mars 2017

* Photo de couverture: Crétois devant le Ministère de l’Agriculture. Athènes, le 8 mars (presse grecque)

Grèce : nouvelle contraction du PIB en 2016

Par Romaric Godin La tribune

La Grèce a connu un dernier trimestre noir l’an passé avec un recul de 1,2 % du PIB. Sur un an, la richesse hellénique a reculé de 0,1 %. Une nouvelle preuve de l’impasse actuelle de la stratégie des créanciers.

Voici quelques jours, alors qu’il était en voyage officiel en Grèce, le premier ministre français Bernard Cazeneuve faisait part de sa « grande confiance » envers le « succès des réformes ». Et d’ajouter qu’il ne s’agissait pas de « wishful thinking » (de la « pensée désirée ») mais de « faits ». Et de se réjouir des performances du pays en matière d’ajustement budgétaire et de croissance. L’hôte de Matignon devra sans doute (mais y croit-on ?) revoir son jugement. Ce lundi 6 mars, l’institut statistique grec ELSTAT a révisé fortement à la baisse les chiffres de croissance du pays sur le quatrième trimestre 2016 et sur l’ensemble de l’année passée.

Une croissance stagnante et un niveau de PIB très faible

Entre octobre et décembre, le PIB hellénique s’est contracté de 1,2 % contre les 0,4 % initialement prévu. C’est la plus lourde chute depuis le troisième trimestre 2015, lors de l’établissement du contrôle des capitaux et la signature du troisième mémorandum. En termes ajustés et en volume, le PIB se situe à 45,82 milliards d’euros. Jamais un PIB du quatrième trimestre n’avait été aussi faible en Grèce depuis celui de 1998, voici donc 18 ans. Difficile donc d’adhérer à l’optimisme sur le « succès des réformes » de Bernard Cazeneuve.

Sur l’ensemble de l’année 2016, le PIB qui a bénéficié d’un bon troisième trimestre (+0,6%, soit la meilleure performance depuis le premier trimestre 2015) reste quasiment stable, mais il perd tout de même 0,1 % face à son niveau de 2015. Là encore, la première estimation d’une croissance de 0,3 % est effacée. C’est la deuxième année de contraction de la richesse grecque en volume après la baisse de 0,2 % de 2015. Depuis 2009, le PIB grec a reculé de 24,2 % alors que la population du pays a reculé de 2,9 % selon Eurostat. La richesse par habitant a donc reculé de 21 % au cours de ces huit années. Le pays étant soumis à la surveillance de plus en plus renforcée de ses créanciers, il est bien difficile de tirer de cette administration un bilan positif.

Le poids de la consolidation budgétaire

Le bilan du troisième mémorandum, lui, est déjà clairement négatif. Les « réformes » imposées au gouvernement grec ont certes produit un excédent primaire (hors service de la dette) record, mais elles n’ont pas permis la reprise de l’économie. En réalité, il faut modifier cette façon même d’envisager la réalité grecque : c’est bien le troisième mémorandum qui a tiré vers le bas l’économie grecque, encore une fois. Soumis aux exigences de leurs créanciers et croyant (à tort) qu’une bonne performance leur permettra de réduire ces dernières, le gouvernement grec s’est fortement serré la ceinture. Au cours des quatre trimestres de 2016, la consommation publique a fortement été réduite. Au dernier trimestre de 2016, elle a reculé de 2,5 % sur le trimestre et de 2 % sur un an. Comme la consommation des ménages reste stable (+0,2 % sur le trimestre), cette politique d’austérité budgétaire a nettement pesé sur la croissance. Autrement dit, pour arracher sa bonne performance budgétaire, la Grèce a détruit sa croissance. La remarque de Bernard Cazeneuve sur l’amélioration budgétaire et la croissance n’a donc aucun sens.

Échec des politiques de « réformes »

Mais il y a davantage. En théorie, les « réformes structurelles » doivent améliorer la compétitivité externe du pays, donc les exportations et l’investissement. Là aussi, le bilan est déplorable. Au dernier trimestre 2016, l’investissement productif affichait un recul de 13,8 % sur un an. Le niveau d’investissement productif est inférieur au niveau du dernier trimestre de 2014. Sur un an, l’investissement productif est stable.

Du côté des exportations, même constat. Certes, sur un an, les exportations progressent de 5,7 %, mais elles reculent de 1,4 % sur un trimestre. Et sur l’ensemble de l’année, les livraisons à l’étranger reculent de 1,6 %. Là encore, les « réformes » n’ont pas payé. D’autant que le pays demeure très dépendant de l’étranger puisque son outil productif a très lourdement souffert de la crise et que l’investissement ne repart pas. A l’évidence, la stratégie économique des créanciers n’est pas la bonne.

Rien d’étonnant à cela puisque la stratégie des créanciers est fondée non pas sur la reprise économique de la Grèce, mais sur la capacité de ce pays à rembourser le nominal de la dette. Cette obsession d’éviter la faillite, et principalement la faillite de la gestion de la crise grecque depuis 2010, conduit à étrangler l’économie hellénique et à le priver d’horizon de sortie de crise. Le refus de mettre en place une restructuration sérieuse de la dette publique grecque, comme le demande notamment le FMI, de la part de l’Eurogroupe est une désincitation forte à investir dans ce pays. De même, la décision d’instaurer des baisses de dépenses automatiques en 2018, et peut-être au-delà, et les pourparlers pour exiger la poursuite des objectifs d’excédent primaire de 3,5 % du PIB sont autant de raison pour tout investisseur de se garder d’investir en Grèce et, pour les ménages, de modérer leurs dépenses.

Conditions d’une nouvelle crise

Bernard Cazeneuve se trompe donc fort, comme tous les créanciers de la Grèce. Il continue de vouloir faire croire à ce qui n’est qu’un mythe qui, depuis trop longtemps, garrotte ce pays : celui que les « réformes » rétabliraient la croissance et la prospérité, alors qu’elles continuent à tirer le pays dans une spirale infernale. Après huit ans d’échec, l’heure serait sans doute venue de changer de stratégie. Mais ceci supposerait de reconnaître des erreurs, ce qui ne semble pas à l’ordre du jour. Dès lors, le premier ministre français confirme la position faible de la France sur ce dossier. François Hollande prétend à qui veut l’entendre avoir « sauvé » la Grèce. Mais ce « sauvetage » semble fantomatique et bien fragile. Le troisième mémorandum ne cesse de se durcir et l’économie grecque stagne à un niveau très bas. Ces mauvais chiffres interviennent en pleine négociation sur la deuxième revue du programme et sur les conditions futures du soutien financier européen. Elles n’y joueront logiquement aucun rôle compte tenu de la logique dominante. Progressivement, et de façon fort compréhensible, les Grecs commencent à s’interroger sur l’opportunité de rester dans l’euro. Même si la croissance revient en 2017, on sait combien ce type de croissance, obtenue par les « réformes » est inégalement répartie. Compte tenu du carcan et du niveau bas de l’économie, cette croissance ne permettra pas le retour à la stabilité. Les conditions de la prochaine crise grecque se réunissent donc peu à peu à nouveau.

http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/grece-nouvelle-contraction-du-pib-en-2016-654927.html

Grèce Eurogroupe accord de subordination

Le gouvernement Tsipras se dirige vers un accord de subordination et de reddition devant les créanciers. Par Vangelis Goulas

Accord de subordination et de reddition devant les créanciers. Le gouvernement essaie de « faire avaler la pilule » des mesures drastiques et de la déréglementation.

Le gouvernement traite de l’accord intervenu lors de l’Eurogroupe, pour le retour à Athènes des chefs de mission après le Lundi Pur[1], dans le but de négocier pour finaliser l’accord technique (SLA), lequel est toujours susceptible, selon le gouvernement, d’avoir lieu d’ici quelques jours.

Le gouvernement admet qu’il a accepté de légiférer immédiatement concernant les mesures, même s’il n’a rien communiqué à ce sujet, pour enjoliver les évolutions, les mesures et les réformes concrètes qu’il a convenu de faire avancer.

Selon nos informations, le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre, une par une, toutes les exigences des créanciers tant en matière de prérequis que de nouvelles mesures drastiques concernant la réduction des revenus non imposables et des retraites, avec une attention particulière à l’égard de la déréglementation néolibérale.

Le paradoxe réside dans le fait que le gouvernement soutient que l’accord met en avant comme condition sine qua non qu’aucun euro supplémentaire ne sera déboursé au nom de l’austérité.

Et ce miracle se réalisera, toujours selon les « lumières » du gouvernement, car il y aura des mesures compensatoires d’un autre genre, qui aboutiront à la neutralité du solde budgétaire.

Cela signifie concrètement qu’il permettra soi-disant au gouvernement, par exemple, de réduire d’un côté l’exemption d’impôt chez les classes populaires et de compenser dans le même temps les pertes occasionnées par des prestations financièrement égales pour ces mêmes catégories sociales !

Il semble plutôt évident que l’impossibilité qu’une telle chose se produise est quasiment acquise, et sa validation par les « institutions », plus encore : en tout état de cause, dans la pratique, cela n’a aucun sens et constitue, par conséquent, une manœuvre gouvernementale de plus pour faire passer la pilule de la reddition et des nouvelles taxes.

Néanmoins, il faut souligner que le gouvernement va prélégiférer pour des mesures dépassant les 3,6 milliards d’euros en l’absence de mesures concernant la dette, en l’absence d’une détente quantitative, avec l’incertitude qui pèse sur la participation du FMI, avec les tranches à attribuer après la clôture du paquet de réformes et bien entendu si tous les prérequis sont réunis, dont le gouvernement ne souffle mot, mais qui sont vraiment intenables.

Dijsselbloem: il contredit le gouvernement. « Des réformes » aboutissant à un résultat budgétaire.

Dans le cadre des réformes sur lesquelles va devoir prélégiférer le gouvernement grec, pour l’après 2019, nous examinerons également les objectifs budgétaires, a notamment indiqué le chef de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, interrogé sur la composition des mesures qui déverrouilleront la 2e évaluation du programme. Comme il l’a déclaré, l’accent devra être mis sur les réformes structurelles, lesquelles aboutiront cependant à un résultat budgétaire.

« Pas un euro de plus d’austérité, ce ne sont pas mes propos », a-t-il notamment déclaré, en répondant à une question, au vu du positionnement adopté par la partie grecque. « Nous avons encore beaucoup de travail », a ajouté le ministre hollandais des Finances.

Monsieur Dijsselbloem a indiqué que les structures techniques reviendront très prochainement à Athènes et travailleront avec les autorités grecques concernant le paquet supplémentaire de réformes sur le marché du travail, le régime de pension communautaire et le régime fiscal.

Nous irons au-delà de l’austérité et nous nous concentrerons sur les réformes profondes, qui sont un élément fondamental pour la participation du FMI, a-t-il souligné.

En réponse à une question, il a encore affirmé qu’en tant que ministre des Finances il ne peut absolument pas promettre la fin de l’austérité, mais ce qu’il peut affirmer c’est qu’un énorme travail a été produit en Grèce et que cette dernière se trouve en bien meilleure posture. Il faut que nous dépassions l’austérité grâce à des réformes structurelles, c’est ce qu’a souligné également le FMI, c’est un changement d’orientation, a-t-il ajouté.

Le président du Conseil des ministres des Finances de la zone euro a clarifié qu’il n’existe pas d’accord politique pour le moment et a souligné qu’un énorme travail reste à faire.

Il a ajouté que nous regagnerons l’Eurogroupe si et dans la mesure où il existe un accord technique et là, les derniers débats politiques auront lieu.

Au sujet du calendrier, M. Dijsselbloem a affirmé que la question de la liquidité ne se pose pas à court terme pour la Grèce, mais que nous sentons tous qu’il existe une urgence au vu du débat essentiel portant sur la confiance.

[1] Premier lundi du Carême orthodoxe, jour férié.

Traduction Vanessa de Pizzol

https://unitepopulaire-fr.org/2017/02/27/le-gouvernement-tsipras-se-dirige-vers-un-accord-de-subordination-et-de-reddition-devant-les-creanciers/

Après l’Eurogroupe, la presse grecque et les partis «déchiffrent»

 Publié par Alencontre le 23 – février – 2017  Par Sotiris Siamandouras

Lors la réunion de l’Eurogroupe, le 20 février 2017, les quatre «institutions» (la Commission européenne, la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international et le Mécanisme européen de stabilité) ainsi le gouvernement de la Grèce disent avoir trouvé un accord. Mais pas exactement, du moins pas encore, ce qui permet aux médias et aux partis politiques grecs de diffuser des versions assez disparates de la réalité.

Le gouvernement, dans son communiqué de presse et dans le journal du parti de SYRIZA (Avgi – L’Aube), présente une version triomphale. Le quotidien écrit qu’il s’agit de la fin de l’austérité – «il n’y aura pas un euro de plus d’austérité». Une formule que Tsipras avait déjà affirmée précédemment. Il salue le retour (le 28 février 2016) des experts des institutions à Athènes pour conclure la seconde revue d’application du programme (troisième mémorandum) qui, de fait, conditionne le versement des sommes nécessaires au «remboursement» à la BCE, à l’échéance de juillet 2017. Avgi souligne l’ouverture de la possibilité de «mesures compensatoires» après 2019 et annonce un programme de création de 100’000 emplois d’un montant de 3 milliards. Il passe sous silence le reste.

Le Journal des rédacteurs ­­– un journal qui a le statut d’une coopérative et qui est actuellement assez proche de SYRIZA – présente une image moins triomphale, mais toutefois positive. Le journal écrit que «les institutions reviennent», un commentaire que le lecteur pourrait interpréter comme favorable. Il fait état d’un «accord politique», but fixé par le gouvernement, et le qualifie comme un accord de «juste milieu». Il souligne de même les mesures dites compensatoires, mais ne cache pas que le gouvernement a accepté de pré-légiférer des mesures austéritaires après 2018.

Aux antipodes, le principal parti de l’opposition – la Nouvelle Démocratie (ND) – accuse le gouvernement qu’«ils se foutent du peuple grec encore une fois». La ND met question même l’existence d’un accord réel, puisque «tout est renvoyé au futur», malgré «les concessions, les mesures douloureuses et les défaites additionnelles du gouvernement». Kathimerini, quotidien (comme son nom l’indique) historique de la droite, suit une approche un peu moins agressive. La satisfaction des classes possédantes transparaît face à ce que Jeroen Dijsselbloem affirme: «Il y aura un changement dans le dosage des politiques (policy mix) en s’éloignant de l’austérité et en mettant plus l’accent sur des réformes en profondeurs.» Le quotidien écrit qu’il s’agit d’un «accord de principe» qui est devenu possible suite à l’engagement du gouvernement grec (Syriza-ANEL) de pré-légiferer – un nouveau mot qui vient enrichir le newspeak ­– des mesures pour 2019. Certes, elles ne sont pas encore totalement clarifiées, mais comportent la réduction additionnelle du montant des retraites, un abaissement du seuil du revenu annuel soumis à l’impôt et une dégradation accrue de ce qui reste comme «droit du travail» (présentée comme une réforme du «marché du travail»).

Ta NEA (Le Nouvelliste), journal historique du «centre démocratique» – qui se trouve aujourd’hui proche de la «Coalition démocratique» [1] – critique sévèrement le gouvernement de n’avoir rien accompli si ce n’est prévoir (pré-légiférer) des mesures encore plus rigoureuses. La critique est similaire à celle faite par Kathimerini, à la différence qu’elle met plus en relief les conséquences en matière de droit du travail.

Enfin, le paysage de la presse grecque ne serait pas complet sans Rizospastis (Radical), le quotidien du Parti communiste (KKE). Le journal y voit «un accord de principe sur des nouvelles mesures anti-populaires et des mémorandums du jour d’après» et dénonce la tentative du gouvernement de «duper le peuple encore une fois». Le parti appelle à une journée de mobilisation. Ainsi PAME («front de masse» du KKE) a organisé une manifestation le mardi 21 février. Le secrétaire général du KKE (en fonction depuis avril 2013), Dimitris Koutsoumbas, a déclaré à cette occasion: «Les gens ne peuvent plus supporter de nouvelles mesures contre les revenus, contre leur vie même et celle de leurs enfants. Ici se trouve l’espoir, la lutte, la lutte en accord avec le Parti communiste, afin de préparer une meilleure vie pour nous, pour nos enfants, pour tout le peuple grec.» Antérieurement, Dimitris Koutsoumbas déclarait sur les ondes de la radio du parti: «La monnaie pourrait être l’euro en même temps que la drachme. Une monnaie à l’intérieur et une autre à l’extérieur du pays.» [2] Une mobilisation antérieure à la réunion de l’Eurogoupe n’a pas été envisagée et l’orientation reste celle d’une auto-affirmation partisane.

Pour mieux déchiffrer la situation, nous avons demandé l’opinion d’un économiste de la gauche radicale. Petros Stavrou nous dit que «le dit “préaccord” n’échappe pas au caractère spécifique du troisième mémorandum par rapport aux deux autres. Tandis que les mémorandums antérieurs avaient impliqué l’application d’une politique rigoureuse d’austérité et une stratégie de dévaluation interne (baisses des revenus, augmentations des impôts, etc.) sans précédent, le troisième mémorandum fait le lien entre cette politique de dévaluation interne et un mécanisme secondaire de redistribution de revenus des classes populaires vers les possédants. L’aggravation de la dévaluation interne détruit les revenus et crée la nécessité: 1° de réduire les retraites, puisqu’elles ne peuvent pas être financées par des salaires compressés; 2° d’élargir chaque fois la base d’imposition des revenus annuels les plus bas. Le but de ce mécanisme est un transfert des revenus du bas de l’échelle vers les classes les plus riches. Ces dernières ne vont pas, bien sûr, investir ces ressources, ils vont les stocker. Donc, ce “préaccord” continue dans la direction de la création et du fonctionnement de ce mécanisme. A ceux qui doutent de cette version, il faut rappeler la fin d’un autre “préaccord”, celui de février 2015, qui a pavé la rue au troisième mémorandum.» [3]

Pour sa part, Antonis Ntavanellos, un des animateurs du Réseau Rouge, de DEA – qui est une composante de l’Unité Populaire – ajoute: «Le gouvernement Tsipras-Kamenos (Syriza-ANEL) vient de signer toutes les exigences des créanciers pour éviter la chute immédiate et rester au pouvoir, sans souci pour les conséquences politiques et sociales néfastes de cet accord misérable. Le gouvernement a accepté de “pré-légiferer” des mesures additionnels d’austérité, qui seront appliqués après le 1er janvier 2018, et au plus tard le 1er janvier 2019: réduction radicale du niveau de revenu annuel qui échappe à l’imposition, réduction des retraites, doublement du pourcentage des licenciements “légaux”. Le mécanisme des coupures automatiques s’inverse: sur la base de l’austérité pré-légiferée, le gouvernement aura le droit de prendre quelques mesures compensatoires (qui concernent principalement le “soulagement ” des… entrepreneurs des impôts et des contributions) seulement si l’Eurostat confirme statistiquement, en début 2019, l’existence d’un surplus primaire [avant paiement du service de la dette] de 3,5% du PIB en 2018!» (21 février 2017)

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[1] La Coalition démocratique est une coalition politique formée le 30 août 2015 en vue des élections législatives grecques de septembre 2015. Elle regroupe aujourd’hui le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK), la Gauche démocrate (DIMAR, ancienne scission de SYRIZA à sa droite) et le Mouvement des socialistes démocrates de l’ancien Premier ministre Giórgos Papandréou. Une coalition qui se donne pour objectif de passer la barre des 3% pour obtenir des élus.

[2] Des extraits de cet entretien sont disponibles sur iskra.gr: https://goo.gl/ZuYU7n.

[3] Romaric Godin, dans La Tribune, en date du 21 février 2017, écrit à propos des résultats de la réunion de l’Eurogroupe du 20 février: «Très clairement, donc, les créanciers entendent poursuivre la politique menée depuis 2010 en continuant à l’aggraver. Désormais, le troisième mémorandum signé en août 2015 ressemble de plus en plus à une boîte de Pandore d’où surgissent chaque année de nouvelles mesures d’austérité. Et il ne faut pas compter sur les effets «compensatoires» des mesures de «croissance»: ces dernières seront forcément limitées par la marge de manœuvre budgétaire (qui n’est pas certaine d’être chaque année aussi vaste que celle de l’an dernier) et, surtout, de la bonne volonté des créanciers. Il ne s’agira que de «propositions» helléniques qui devront être validées et acceptées par les créanciers. Pas question donc de refaire l’opération de la fin de l’année dernière avec la prime sur les retraites qui avait été une décision unilatérale.

Or, selon Le Monde qui cite des sources européennes, «pas question pour les Grecs d’avancer leurs propres réformes tant qu’ils n’auront pas donné toutes les assurances aux créanciers que l’excédent primaire sera d’au moins 3,5% en 2018 et 2019». Et, depuis 2010, tout est dans cette question de «confiance» utilisée par l’Eurogroupe pour obtenir davantage d’Athènes. Autrement dit, Athènes devra attendre pour relancer l’activité, pas pour faire l’austérité. C’est dire si l’on peut douter des déclarations de Michel Sapin [ministre des Finances du gouvernement Hollande] selon lesquelles la Grèce est sortie de la logique austéritaire.

Et de conclure: «Côté grec, la victoire est donc particulièrement amère, même si le gouvernement affirme avoir tenu ses «lignes rouges». Il jure aussi que, pour tout euro de mesures additionnelles, il y aura un euro de «mesures compensatoires» sous forme de baisse d’impôts sur la propriété foncière, sur les sociétés ou sur la valeur ajoutée. Une ligne de défense peu crédible en Grèce compte tenu des capitulations répétées du gouvernement Tsipras, mais aussi des conditions posées par les créanciers. Comment ces derniers accepteraient-ils des baisses d’impôts alors qu’ils exigent des hausses pour séduire le FMI? Bref, tout ceci semble peu sérieux.» (Réd. A l’Encontre)

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Post-Scriptum

Karolina Tagaris, journaliste auprès de l’agence Reuters (20 février 2017), décrit la situation de la retraitée grecque Dimitra. Cette dernière dit qu’elle n’a jamais imaginé une vie réduite à des aides alimentaires: du riz, deux sacs de pâtes, un paquet de pois chiches, quelques dattes et une boîte de lait pour le mois. A 73 ans, Dimitra – qui elle-même a aidé les personnes désargentées en tant que serveuse dans un centre de distribution alimentaire de la Croix-Rouge – fait partie aujourd’hui du nombre croissant de Grecs qui ne peuvent survivre. Dimitra affirme «qu’une telle situation ne lui a même jamais traversé mon esprit de toute sa vie». Elle accepte de le raconter, tout en refusant de donner son nom car la stigmatisation de ceux et celles qui reçoivent une aide existe encore: «J’ai vécu frugalement, je n’ai jamais été en vacances. Rien, rien, rien.» Maintenant, plus de la moitié de son revenu mensuel de 332 euros va à la location d’un petit appartement à Athènes. Le reste: payer les factures de base. «Je ne pense pas qu’il existe une seule personne, dit Dimitra, qui ne craint pas pour le futur.» Agkisalaki, elle, n’a pas droit à une pension parce que son contrat a pris fin lorsque l’âge de la retraite a été relevé à 67 ans, selon les exigences du programme mémorandaire. Elle n’a pas pu trouver de travail, dit-elle. Une partie de la pension de son mari, qui a passé de 900 euros à 600 euros, est destinée aux deux familles: celle de son fils et de sa fille. En échange du bénévolat dans un centre d’assistance alimentaire, Agkisalaki reçoit des aides alimentaires. Elle les partage entre sa fille au chômage et son fils. «Nous végétons», dit-elle, en s’asseyant au bout d’une  longue table en bois, pour le prochain repas fait de soupe de haricots, de pain, d’œuf, d’un bout de pizza et d’une pomme. «Nous subsistons, la plupart des Grecs ne font que subsister.» (Rédaction A l’Encontre)

http://alencontre.org/europe/grece/grece-apres-leurogroupe-la-presse-grecque-et-les-partis-dechiffrent.html#more-39300

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