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Résolution du Parlement européen sur l’État de droit en Grèce

Les députés se déclarent préoccupés par l’état de droit en Grèce

Le Parlement européen a demandé mercredi à la Commission d’agir sur ce qu’elle a qualifié de « graves préoccupations » concernant l’État de droit en Grèce, citant un environnement hostile pour les journalistes, l’utilisation de logiciels espions contre les opposants politiques et les journalistes et les abus de pouvoir de la part de la police.

Les députés ont adopté la résolution par 330 voix pour, 254 contre et 26 abstentions.

Les parlementaires européens ont noté l’absence de progrès dans l’enquête sur l’assassinat du journaliste de la criminalité Giorgos Karaivaz en avril 2021, et ont déclaré que les journalistes faisaient l’objet de menaces physiques et d’agressions verbales, dans certains cas même de la part de politiciens de haut rang, et de violations de leur vie privée par le recours à des logiciels espions illégaux.

Ils ont également cité des actions abusives de personnes d’affaires et de responsables politiques mentionnés dans des rapports d’enquête.

En ce qui concerne le scandale des écoutes téléphoniques, la résolution a condamné le recours généralisé à la « sécurité nationale » comme moyen d’écouter les opposants politiques, y compris les députés européens. En réponse au scandale, les députés demandent des enquêtes efficaces avec l’aide d’Europol et expriment des inquiétudes quant au transfert de l’enquête à un procureur différent et à la pression politique, à l’intimidation et au harcèlement à l’encontre des fonctionnaires qui examinent le gouvernement.

La résolution souligne également le recours excessif à la force par la police et la qualité insuffisante des enquêtes et décisions de justice ultérieures, la durée des procédures judiciaires et d’éventuels conflits d’intérêts, y compris l’infiltration de la police par la criminalité organisée.

Les députés citent également le traitement des migrants et les rapports de refoulement systématique, ainsi que les attaques contre la société civile, en particulier les campagnes de dénigrement et le harcèlement judiciaire contre les militants des droits de l’homme.

Ils ont également déclaré qu’ils soupçonnaient « l’absence d’impartialité politique » dans l’enquête parlementaire sur la catastrophe du train – qui a causé des dizaines de morts en février 2023.

Le Parlement européen a invité la Commission à utiliser pleinement les outils disponibles pour remédier aux violations des valeurs de l’UE en Grèce, y compris l’évaluation de l’utilisation des fonds de l’UE.

Résolution ici sur le site web du PE

Source https://www.keeptalkinggreece

Liberté des médias et démocratie

Par le responsable du plaidoyer de l’IPI Europe
Jamie Wiseman
10 janvier 2024

La liberté de la presse ne va pas bien dans le berceau de la démocratie. Au cours des dernières années, la liberté des médias en Grèce a connu une nette érosion qui a vu le pays méditerranéen dégringoler dans le classement de la liberté de la presse pour devenir le plus bas de l’Union européenne, ce qui a tiré la sonnette d’alarme à Bruxelles et au-delà. Au cours de cette période, le pays a connu l’assassinat en plein jour d’un journaliste spécialisé dans les affaires criminelles, de multiples incendies criminels dans les bureaux des médias, un scandale tentaculaire de logiciels espions et une série de procès vexatoires contre les journalistes d’investigation, pour n’en citer que quelques-uns.

Ces attaques très médiatisées contre la liberté de la presse ont braqué les projecteurs sur la Grèce, ce qui a conduit à une surveillance accrue de la part de la Commission européenne et à une récente mission d’enquête internationale menée par une coalition d’organisations internationales de défense de la liberté des médias, dont l’Institut international de la presse (IPI). Cependant, les défis immédiats se situent au-dessus de problèmes systémiques bien plus profonds, notamment un manque de pluralisme des médias, des menaces pour l’indépendance des médias découlant de la propriété oligarchique, et une faible régulation de la presse.  Pour compliquer encore le tableau, le marché des médias a été frappé par des crises économiques et financières répétées, qui ont vidé le marché de la publicité et ont conduit les médias traditionnels dans les mains des magnats de l’industrie navale. Il en résulte un paysage médiatique caractérisé par des niveaux élevés de fragmentation et de polarisation et par une autocensure généralisée au sein d’une profession journalistique sous-protégée et sous-financée.

Alors que l’environnement d’une presse libre et d’un journalisme indépendant est depuis longtemps confronté à des défis, le déclin de ces dernières années a coïncidé avec l’élection en 2019 du parti de centre-droit Nouvelle Démocratie, dirigé par le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis. Le parti s’est vu confier un second mandat par les électeurs lors d’élections législatives anticipées en juin 2023. Si Nouvelle Démocratie a réussi à stabiliser l’économie, son bilan en matière de valeurs démocratiques, telles que la liberté des médias et les droits de l’homme, a suscité des inquiétudes, de même qu’un vaste scandale d’écoutes téléphoniques impliquant des hommes politiques, des fonctionnaires et des journalistes, qui a suscité des comparaisons avec l’affaire du Watergate. Confronté à un malaise croissant quant à ses références en matière de liberté de la presse, le gouvernement a pris certaines mesures pour tenter de remédier à la situation, notamment la création d’un groupe de travail pour la sécurité des journalistes. Si certains changements positifs sont apparus, la réaction des autorités grecques n’a pas été à la hauteur de l’ampleur et de la gravité des défis auxquels sont confrontés les médias du pays.

Un assassinat à Athènes

Le coup de grâce pour la liberté de la presse en Grèce a été porté dans l’après-midi du 9 avril 2021 dans une banlieue de la capitale Athènes. Alors que Giorgos Karaivaz, journaliste chevronné spécialisé dans les affaires criminelles, rentrait chez lui après son travail, il a été abattu en plein jour par deux hommes circulant à mobylette. Les assassins lui ont tiré dessus à dix reprises avec une arme silencieuse. Le journaliste avait travaillé pour la chaîne de télévision STAR et tenait son propre blog sur les liens entre le monde criminel grec et les fonctionnaires de police prétendument corrompus. Les autorités ont immédiatement pointé du doigt les organisations criminelles et ont qualifié le meurtre de « coup professionnel ». Face au tollé, le gouvernement a promis une réponse rapide. Cependant, plus de deux ans se sont écoulés sans que des mises à jour significatives n’aient été effectuées. La situation a finalement changé au début de cette année, lorsque deux frères, tous deux de nationalité grecque, ont été arrêtés parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir commis le meurtre. Le procès n’a pas encore commencé et aucune autre arrestation n’a eu lieu depuis. À ce jour, aucun intermédiaire ou cerveau présumé n’a été publiquement identifié ou appréhendé et aucune condamnation n’a été prononcée. Cette impunité persistante pour le meurtre continue de jeter un froid sur la profession journalistique grecque.

Si l’assassinat de Karaivaz en est l’exemple le plus viscéral, la situation générale de la sécurité des journalistes en Grèce au cours des dernières années est l’une des pires de l’Union européenne.. En 2022, le siège du Real Media Group à Athènes a été la cible d’un incendie criminel, qui a causé de graves dégâts matériels mais n’a pas fait de blessés. La même année, d’autres journalistes ont subi sans succès des attaques au canon à gaz devant leur domicile. Toujours en 2021, le rédacteur en chef d’un grand quotidien a bénéficié d’une protection policière après avoir reçu des informations d’une source au sujet d’un contrat de mort circulant dans le milieu criminel. Plusieurs journalistes ont été agressés physiquement et blessés par la police anti-émeute alors qu’ils couvraient des manifestations. Plus récemment, en août 2023, un journaliste du journal TA NEA a été frappé à l’arrière de la tête par un homme d’affaires et armateur bien connu. Dans pratiquement aucun de ces cas, l’auteur n’a été condamné ou emprisonné. De même, l’assassinat en 2011 d’un autre journaliste, Sokratis Giolias, n’a toujours pas été élucidé. Par conséquent, la confiance dans la capacité des autorités chargées de l’application de la loi et des procureurs à rendre la justice est faible, ce qui aggrave le climat d’impunité.

Le Watergate grec

Outre les craintes concernant la sécurité des journalistes dans la rue, la sécurité dans le domaine numérique reste une menace. À partir de 2021, de nombreuses révélations ont été faites sur la surveillance des journalistes grecs par le biais d’écoutes téléphoniques légales et de logiciels espions illégaux.  Plusieurs journalistes et propriétaires de médias ont été mis sur écoute par le Service national de renseignement (EYP), un organisme qui a été placé sous le contrôle du bureau du Premier ministre immédiatement après la formation du gouvernement Mitsotakis. Bien que les autorités aient justifié ces écoutes par la nécessité de protéger la sécurité nationale, les journalistes ont été surveillés alors qu’ils travaillaient sur des sujets tels que la corruption bancaire. Un autre journaliste, Stavros Malichudis, du média d’investigation Solomon, a été surveillé alors qu’il travaillait sur un reportage d’intérêt humain concernant un enfant réfugié, ce qui a suscité de vives inquiétudes quant à l’utilisation abusive des services de renseignement.

Outre ces écoutes téléphoniques controversées mais techniquement légales, au moins un journaliste grec a été ciblé par un logiciel espion. En avril 2022, il a été révélé que le journaliste financier et bancaire Thanasis Koukakis, qui travaille pour CNN Grèce et d’autres médias internationaux, a été surveillé pendant au moins dix semaines au cours de l’été 2021 à l’aide d’un puissant logiciel espion appelé Predator. Il s’agit du premier cas signalé de piratage d’un journaliste dans le monde entier à l’aide de cette technologie, commercialisée par la société malhonnête Intellexa. Comme le logiciel espion Pegasus, mieux connu, il est également capable d’infecter le téléphone portable de la victime, d’accéder à ses données et de le transformer secrètement en un dispositif d’écoute dans la poche de l’utilisateur. Le gouvernement grec a immédiatement nié tout rôle, évoquant plutôt un vague acteur non étatique. Au fur et à mesure que les journalistes d’investigation publiaient de nouvelles révélations, le discours s’est modifié et le Premier ministre a fini par accuser des acteurs malhonnêtes au sein des services de renseignement. Alors que les demandes de comptes se multipliaient, le secrétaire général de Mitsotakis, qui se trouvait être son neveu, a été licencié, de même que le chef de l’agence de renseignement. Bien que les autorités continuent de nier avoir joué un rôle dans l’utilisation des logiciels espions et qu’elles aient depuis adopté une loi interdisant purement et simplement toute utilisation de logiciels espions, il existe un schéma clair entre la fin des écoutes légales de journalistes et le début des logiciels espions illégaux, ce qui indique une coordination évidente dans l’utilisation des outils d’espionnage et permet de pointer du doigt l’État. Bien que de nombreuses plaintes aient été déposées, aucun responsable n’a été désigné pour la violation de la vie privée ou de la confidentialité des sources journalistiques. Les enquêtes pénales n’ont rien donné jusqu’à présent.

La jalousie juridique


Ces dernières années, la Grèce a également connu une augmentation du nombre de procès en diffamation vexatoires et de poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPP), reflétant une tendance croissante dans toute l’Europe. Parmi les cas les plus marquants, on peut citer un procès SLAPP intenté par le neveu du Premier ministre contre les médias qui ont révélé ses liens avec des sociétés de logiciels espions, ce qui a conduit à sa démission. Dans le nord du pays, le média d’investigation Alterthess a été poursuivi en vertu des règles du GDPR pour un rapport judiciaire qui mentionnait le nom d’un dirigeant d’une mine d’or condamné pour la pollution environnementale de l’entreprise. Les exemples de ce type de litiges abusifs sont nombreux. Dans une autre affaire juridique alarmante, quatre journalistes et éditeurs grecs ont fait l’objet de poursuites pénales et risquaient de longues peines d’emprisonnement à la suite d’un reportage d’investigation réalisé par leur média, qui avait révélé un scandale pharmaceutique. Les quatre ont finalement été acquittés en juillet 2022.

Bien que le gouvernement grec se soit plaint d’être le pire pays de l’UE en matière de liberté des médias, derrière des pays comme la Pologne ou même la Hongrie, la réalité est que dans aucun de ces pays un journaliste n’a été assassiné en plein jour ces dernières années, et que les journalistes n’y sont pas non plus confrontés à un éventail de pressions aussi toxiques, allant de la surveillance aux attaques physiques en passant par les poursuites-bâillons. Dans l’UE, seule la Hongrie a connu plus de cas de journalistes surveillés à l’aide de logiciels espions au cours de cette période. Et si la Grèce ne présente pas la même forme de mainmise de l’État sur les médias que celle inaugurée par Victor Orbán – dans laquelle un écosystème médiatique pro-gouvernemental gonflé par la publicité de l’État domine le discours public -, l’écosystème médiatique grec souffre de multiples problèmes systémiques et à long terme.

Une crise pour les médias indépendants

Nombre d’entre elles peuvent être attribuées à la crise financière prolongée du pays, qui a gravement affaibli le marché des médias et aggravé l’enchevêtrement toxique des médias avec des intérêts politiques et commerciaux particuliers. La propriété des principales chaînes de presse et de télévision par des dynasties familiales et des magnats du transport maritime, dont beaucoup ont des liens politiques et des intérêts croisés dans des industries dépendant de contrats avec l’État, expose ces médias à des conflits d’intérêts potentiels et affaiblit leur indépendance éditoriale. En conséquence, bien que les actes de censure directe soient rares, l’autocensure est très répandue au sein de la profession journalistique et certains sujets sont largement considérés comme interdits. Les reportages qui risquent de nuire au contrôle du message du gouvernement, y compris les reportages sur des sujets tels que les refoulements de réfugiés ou les violations des droits de l’homme, sont largement absents des grands médias, en particulier de la télévision. La précarité économique des journalistes en Grèce, due aux bas salaires et aux faibles protections du secteur, rend les professionnels des médias plus vulnérables aux pressions éditoriales.

Pour compliquer encore les choses, le radiodiffuseur public du pays, la Hellenic Broadcasting Corporation (ERT), et l’Athens-Macedonian News Agency, la principale agence de presse, restent sous le contrôle direct du cabinet du Premier ministre. Cette décision d’exercer un contrôle politique plus étroit sur les organes de presse publics a été l’une des premières mesures prises par Mitsotakis lorsqu’il a pris le pouvoir. Bien que les organes se soient stabilisés après une période de crise, cela continue à poser des questions majeures sur leur indépendance, malgré les garanties ostensibles. L’indépendance et la compétence du Conseil national de la radio et de la télévision (NCRTV) restent également sujettes à caution.

Parmi les nombreux problèmes, il y a des exemples positifs. Alors que le pays bénéficie d’un groupe restreint mais très professionnel de médias indépendants et d’investigation publiant un journalisme d’intérêt public primé, ces titres restent isolés en marge du paysage médiatique et manquent de soutien. Les révélations fracassantes faites par ces médias d’investigation sont régulièrement ignorées ou déformées de manière à réduire les dommages potentiels pour le gouvernement. La combinaison de ces nombreux défis signifie que le journalisme grec est confronté à une crise de crédibilité et qu’il est l’un des pays de l’UE où le niveau de confiance des citoyens dans les médias est le plus bas, selon le Reuters Institute for the Study of Journalism (Institut Reuters pour l’étude du journalisme).

Des politiques pour inverser la tendance


Pour endiguer le phénomène et répondre à l’inquiétude croissante de Bruxelles, le gouvernement a créé en 2022 un groupe de travail sur la sécurité des journalistes, qui réunit notamment la police, les procureurs, les syndicats et les associations de journalistes.
 Un amendement controversé visant à faire passer une loi réglementant les « fake news » a été supprimé. Pour mettre fin au scandale de la surveillance, le gouvernement a adopté une loi interdisant officiellement toute utilisation de logiciels espions, bien que le commerce de cette technologie à l’intérieur de la Grèce reste légal. Des mesures ont également été prises au niveau systémique. Parmi les changements positifs, citons le nouveau registre de la presse écrite (MET) et le registre de la presse électronique (MHT), qui visent à améliorer la transparence de la propriété des médias, y compris la propriété effective. Dans le cadre d’un nouveau système, les médias qui ne sont pas enregistrés dans ces organismes ne peuvent pas bénéficier des campagnes publicitaires de l’État. Cette mesure fait suite au scandale de la pandémie de 2020, surnommé « liste Petsas », dans lequel les fonds destinés à la diffusion de messages de santé publique dans les médias ont été distribués de manière discriminatoire. Si ces changements semblent positifs sur le papier, leur impact reste à voir.

En fin de compte, les défis du pluralisme et de l’indépendance des médias sont parmi les plus complexes à relever et toute évolution positive en Grèce nécessitera l’action et la responsabilité des journalistes et des médias, soutenus par les syndicats et appuyés par une forte volonté politique de la part du gouvernement. Si la forte détérioration de la liberté de la presse amorcée en 2021 semble s’être calmée pour l’instant, il reste encore beaucoup à faire pour remédier à la situation et l’améliorer. Les journalistes et les groupes de défense de la liberté des médias ont le sentiment que la réaction des autorités grecques n’est pas à la hauteur de la gravité de la situation. L’État doit notamment mettre en place des mécanismes beaucoup plus solides pour protéger la sécurité des journalistes, rendre pleinement justice pour le meurtre de Karaivaz, veiller à ce que les responsables de la surveillance illégale rendent compte de leurs actes et mettre en œuvre de meilleures lois pour protéger l’indépendance et le pluralisme des médias. Reconstruire les piliers sévèrement érodés de la liberté des médias ne sera pas une tâche facile, mais elle est essentielle pour la résilience de la démocratie grecque.

Ce texte a été initialement publié dans la British Journalism Review le 4 décembre 2023.

Source http://www.defenddemocracy.press

En Grèce, la presse sous surveillance

Liberté cadenassée Par , correspondant à Athènes.

Le rapport publié fin mars sur la liberté de la presse en Grèce démontre que le journalisme indépendant est de plus en plus restreint. Exercer ce métier y devient compliqué, au mépris de la démocratie.

« Monsieur Mitsotakis « est obsédé par le contrôle de l’information » », ce qui fait de la Grèce un « pays problématique en matière de liberté de presse et de démocratie ». Cette attaque contre le Premier ministre actuel, Kyriakos Mitsotakis (Nouvelle Démocratie, ND, Droite conservatrice) vient de son prédécesseur à la tête du gouvernement grec de janvier 2015 à juillet 2019, le leader de la gauche (Syriza) Alexis Tsipras. Pour tweeter ces mots, il s’appuie sur le rapport du Centre européen pour la liberté de la presse et des médias, en coopération avec d’autres organisations comme Reporter sans frontières (RSF) ou Fédération européenne des journalistes (FEJ), intitulé Contrôler le message : des défis pour le journalisme indépendant en Grèce, publié fin mars.

Le porte-parole du gouvernement, Yannis Economou, a rétorqué : « C’est dommage qu’un parti grec adopte et utilise un rapport qui porte atteinte à la fois la presse grecque et ses responsables et aux institutions de notre pays. » Affirmant ensuite : « La Grèce est un pays européen régi par l’état de droit et l’indépendance de la presse est garantie par la Constitution. Le pluralisme et la liberté d’expression et de critique sont une pratique quotidienne. »

Une détérioration depuis le retour de la droite

Pourtant, au fil des 27 pages, les auteurs démontrent que la situation s’est « détériorée » depuis le retour du parti de droite Nouvelle Démocratie au pouvoir, en juillet 2019. Certes, la question de l’indépendance de la presse se pose de longue date dans un État au paysage médiatique extrêmement polarisé. Mais en 2020, la Grèce est passée de la 65e à la 70e place au classement de la presse établi par RSF. En juillet 2019, la première loi votée par le parti de droite a ainsi consisté à faire passer l’agence de presse nationale et les radios et télévisions publiques sous le contrôle direct du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis.

Conséquence : « Des pressions exercées sur les journalistes ont plusieurs niveaux, dont la plupart sont cachées », explique à Marianne Mahi Nikolara, membre du bureau de l’Union des journalistes d’Athènes et journaliste à ERT (le groupe audiovisuel public grec). Elle précise que « des journalistes qui travaillaient pour ERT depuis des années en contrat à durée indéterminée ont été mis de côté. Le journal télévisé a été fortement réduit, les émissions d’investigation ont toutes été progressivement supprimées. Je travaillais sur la dernière qui existait encore l’an dernier. Aujourd’hui, il n’y a plus d’enquête ». Elle parle même d’un « contrôle étouffant » que ce soit à la radio ou à la télévision. Le rapport évoque, plus généralement, un « climat pesant pour le journalisme indépendant. »

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Cette pesanteur est renforcée par un arsenal juridique qui restreint la liberté de la presse adopté en moins de trois ans. En novembre 2021, le Parlement a voté une loi sur les fake news pénalisant les personnes qui propageraient des « fausses informations » susceptibles d’inquiéter le public ou de détériorer la « confiance dans l’économie nationale, les capacités de la défense nationale ou la santé publique ». En mars 2022, une loi est passée accordant au Conseil supérieur de l’audiovisuel grec le pouvoir de contrôler les « dérives » supposées des médias, y compris ceux de presse écrite. Les journaux et directeurs de publication lui sont redevables d’amendes. En revanche, l’enquête sur l’assassinat du journaliste Giorgos Karaïvaz, le 7 avril 2021, n’avance pas.

« Participer à cette mission m’a ouvert les yeux sur la réalité de la situation grecque », a confié la représentante de la FEJ lors de la présentation du rapport. Une situation que le rapport estime également « alarmante » en ce qui concerne l’économie des médias. Un seul exemple en témoigne : la « liste Petsas », du nom de l’ancien porte-parole du gouvernement, qui a été révélée sur l’insistance de l’opposition au Parlement. Elle comportait les noms des entreprises de presse, blogs etc. qui avaient bénéficié de 20 millions d’euros au total pour diffuser des messages gouvernementaux lors de la pandémie. Les médias proches de l’opposition et ceux d’investigation n’étaient pas dessus.

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Le directeur du magazine d’investigation Documento, Kostas Vaxevanis, a même affirmé que ses recettes publicitaires avaient été réduites peu de temps après l’arrivée de ND au pouvoir. Avec un objectif : étouffer économiquement son journal qui dérange régulièrement. En 2012, Kostas Vaxevanis avait, par exemple, publié la « liste Lagarde » comportant les noms de riches fortunes grecques réalisant de l’évasion fiscale en Suisse. Il a également mis à jour le « scandale Novartis », une affaire de pots-de-vin versés à des responsables politiques et médecins pour augmenter le prix des médicaments. Il se retrouve devant les tribunaux, accusé de complot, comme la journaliste Gianna Papadakou qui, elle aussi, a enquêté sur le groupe pharmaceutique suisse.

« De pire en pire »

En revanche, en janvier 2022, la commission spéciale du Parlement, compétente pour enquêter sur les personnalités politiques mises en accusation – dont ses pairs – a conclu à l’innocence de tous les responsables politiques et l’affaire a été classée. Pour cette ancienne journaliste, « le journalisme est considéré comme un crime et ce gouvernement fait tout pour empêcher les enquêtes. Il souhaite simplement que les journalistes propagent son message ».

Même certains élus de la majorité s’offusquent de ces manières d’agir, mais peu publiquement. Quand ils le font, ils en subissent les frais. C’est le cas de Giorgos Kyrtsos, député ND au Parlement européen, qui a été exclu après « avoir indiqué au gouvernement qu’il se trompait de cible dans l’affaire Novartis. J’ai aussi critiqué les pressions faites sur les médias grecs par le gouvernement, notamment des pressions financières ». Et il ajoute : « Mon cas personnel montre que le gouvernement essaye de contrôler les médias, jusqu’à la parole des parlementaires de son bord ! C’est de pire en pire. » Dans le berceau de la démocratie, c’est un des piliers de l’information et du libre choix qui est attaqué.

Grèce : deux ans d’ultra-libéralisme et de répression généralisée

Avec le gouvernement d’une droite revancharde et ultra-libérale, aucun secteur n’est épargné par des attaques, ce qui donne lieu à des mobilisations jusqu’ici dispersées.

En revenant au pouvoir après les élections de juillet 2019 et en refermant ce qu’elle traitait de « parenthèse du gouvernement Syriza », la droite de Kyriakos Mitsotakis, héritier d’une famille de politiciens de la grande bourgeoisie conservatrice, n’avait pas caché ses appétits : reprendre en mains tous les postes de pouvoir, empêcher tout retour au gouvernement de la gauche, même timidement réformiste, et réprimer toute contestation sociale au nom d’un dogme « loi et ordre » fleurant bon l’ancienne dictature des colonels (1967–74). De fait, parmi les « hommes forts » du gouvernement figurent au moins deux vestiges de l’extrême droite, les ministres Georgiadis (Développement) et Voridis (Intérieur), qui cherchent à peine à cacher leurs convictions fascisantes. Mais surtout, ce qui caractérise ce gouvernement à faire pâlir d’envie un Orban, c’est une politique économique ultra-libérale à la chilienne de Pinochet, avec comme particularités, en dehors d’un anachronisme profond qui reflète l’absence de projet politique, son incompétence, sa nullité culturelle et son recours permanent à une propagande reposant sur ses liens avec les affairistes et les armateurs propriétaires des grands médias du pays. Il n’empêche : face à cette situation rappelant parfois la période de la guerre civile (par exemple, les mesures de fin de l’asile et de création d’un corps de policiers dans les facs sont inspirées de Kostas Plevris, vieil idéologue en chef des nazis grecs), les mobilisations et les résistances continuent depuis deux ans et malgré la pandémie ! Mais ce qui fait tenir une droite aussi agressive et nulle, ce sont en dernier lieu deux facteurs connus ailleurs : la crise du mouvement syndical et l’absence de perspectives d’alternative crédible à gauche.

Privatisations et surexploitation

Tsipras avait en son temps annoncé la fin des mémorandums de la troïka (Commission et Banque européennes, FMI), mais pour la plus grande partie de la population peu de choses ont changé, et la politique d’appauvrissement populaire s’accentue, comme on le voit avec le feu vert donné à la vente des domiciles de personnes endettées. Malgré les grands discours sur les investissements, le chômage continue à flamber : de 18,4 en décembre 2018 à 15,8 % deux ans plus tard, avec 34,2 % chez les 15-24 ans et 22,9 % chez les 25-34 ans. Les organisations patronales viennent de refuser (une nouvelle fois !) d’augmenter le SMIC, que Syriza avait porté modestement de 586 à 650 euros (558 net), la Grèce étant dernière pour le SMIC dans l’Union européenne. Soulignons que le coût de la vie dans les grandes villes n’est pas très éloigné de celui de la France…

Et quand Mitsotakis parle investissements, ses perspectives ne peuvent qu’approfondir la crise : d’une part parce que dans ses priorités figurent des choix contestables même du point de vue de la bourgeoisie. Ainsi la fuite en avant pour le tourisme, et cela alors que les conséquences d’une ouverture touristique à plein tube en 2020 se sont traduites dès septembre par une montée en flèche des victimes (moins de 100 morts en juin 2020, plus de 12 000 désormais). Cette insistance sur le tourisme se fonde sur un chiffre aujourd’hui contesté : estimé comme composant plus de 30 % du PIB, il en représenterait plutôt 6 à 7 %. Cette priorité erronée au tourisme masque d’autant moins la politique de désindustrialisation du pays, comme avec la fermeture de centrales au lignite, évidemment très polluantes, mais sans aucun plan sérieux d’emplois pour les travailleurs/euses.

Et de manière générale, le seul credo économique de ce gouvernement, ce sont les cadeaux au privé et les privatisations, étendant de manière délirante une politique que Syriza n’avait pas remise en cause de 2015 à 2019 : projet de privatiser la société nationale de l’eau, participation réduite à la compagnie des pétroles de Grèce pour en faire cadeau au groupe Latsis, projet de privatisation du système de gestion des retraites complémentaires, menaces de gestion privée sur un système de santé public qui malgré tous les coups reçus depuis 10 ans, a montré sa capacité à empêcher la catastrophe grâce au dévouement de ses personnels (pendant que le privé pouvait continuer de faire son beurre en maintenant ses fructueuses opérations!), des musées nationaux passant à un statut semi-privé… On pourrait multiplier les exemples, sans oublier les incroyables cadeaux faits par Mitsotakis aux médias à sa solde, en offrant sous couvert d’information publique sur le Covid des millions à des médias de droite parfois extrêmes ou inexistants, pendant que les médias de gauche avaient droit à des miettes ou à rien ! Le démantèlement accéléré du service public et l’État au service immédiat du patronat, voilà la ligne catastrophique de cette droite ultra-libérale.

Ce qui est en jeu ces dernières semaines, c’est une attaque d’ampleur contre ce qui reste de droit du travail : le ministre Hadjizakis, spécialiste des mauvais coups contre les travailleurs/euses, va déposer un projet de loi portant et sur le temps de travail et sur les droits syndicaux. Objectif du gouvernement : casser la « contrainte » de la journée limitée à 8 heures de travail, la porter à 10 heures, dans le cadre d’un calcul de temps de travail flexible, étendant le dimanche comme jour normal de travail à de nombreux secteurs, augmentant en même temps la limite des heures sup (de 120 annuelles maxi à 150), poussant à des compensations non pas en rémunération mais en repos (pour aller cueillir les olives, a osé dire le ministre…), alors qu’un sondage montre que 73 % des travailleurs/euses veulent être rémunérés, 11 % préférant un repos. Une évidence : un enfer de surexploitation se dessine pour les travailleurs/euses, pousséEs à signer des « conventions individuelles » plutôt que relever de conventions collectives… Mais pour les aider à « choisir », le projet comporte un pan antisyndical effarant : procédures bureaucratiques pour enregistrer les sections syndicales, vote électronique de la grève avec 50 % + 1 d’avis favorables, sinon la grève serait illégale, interdiction des piquets de grève, diminution des représentantEs du personnel protégéEs… On le voit, le patronat l’a rêvé, Mitsotakis lui offre : casser totalement le droit du travail, et cela alors que l’urgence sociale serait évidemment de créer des postes pour lutter contre le chômage, 50 % des chômeurs/euses étant de longue durée.

L’éducation, exemple d’une offensive généralisée

Avec ce gouvernement d’une droite revancharde, signe de la panique qui avait saisi la bourgeoisie grecque en janvier 2015 avec la victoire de Syriza, et ayant pour seul souci les cadeaux aux copains patrons, aucun secteur n’est épargné, ce qui donne lieu à des mobilisations très diverses. On comprend bien sûr que l’enjeu dans la période à venir sera leur centralisation. Entre autres exemples de secteurs très différents mais attaqués frontalement, prenons celui de l’éducation, avec à la tête du ministère une réactionnaire affichée, exemple du lien profond de l’ultra-libéralisme osant se prétendre moderniste avec les conceptions les plus rétrogrades.

Son objectif est double : supprimer tout enseignement critique – celui de la sociologie au lycée a été remplacé par des cours de religion… – et réprimer toute tentative contestataire – d’où l’incroyable article de loi de création d’un corps de 1 000 policiers implantés dans les facs ! – et de l’autre côté, passer à une étape supérieure de la sélection sociale, avec une loi taillée sur mesure pour faire fermer des sections ou de petits centres universitaires et favoriser la création de « facs » privées, que la Constitution interdit ! D’ores et déjà, malgré une opposition quasi unanime, ses mesures visent à empêcher environ 25 000 lycéenNEs de Terminale d’entrer en fac, les poussant soit à chercher un emploi (précaire) soit à payer s’ils le peuvent une fortune pour engraisser une de ces boites privées autorisées désormais à délivrer un diplôme professionnel. La ministre Kerameos, rivalisant avec Blanquer pour le titre de ministre de l’Éducation le plus haïssable, ne s’arrête pas là : tentatives d’imposer une « évaluation » des enseignantEs dans le cadre d’un projet aboutissant à la casse de leur statut, cours universitaires payants pour des étudiants étrangers, premier pas vers des universités publiques payantes, le tout se déroulant pendant la fermeture quasi totale des facs depuis plus d’un an pour se mettre à l’abri des mobilisations…

On pourrait citer bien sûr d’autres secteurs : l’environnement, avec les alléchantes propositions à des entreprises du « capitalisme vert » d’installer partout des éoliennes, malgré les réactions de la population, et tout en niant toute préoccupation écologique dans bien des domaines (achat de vieux bus mal recyclés à Salonique, maintien et extension des centres d’incinération d’ordures…). Mais aussi l’environnement archéologique, avec une incroyable bétonisation de l’Acropole pour favoriser les visites de groupes ou l’arrachage de magnifiques vestiges byzantins pour soi-disant accélérer la construction d’une station de métro à Salonique, malgré les protestations de masse et même celles venues de l’étranger.

Au service de la casse : propagande et répression

Si en France, Macron, c’est Jupiter, en Grèce, Mitsotakis, c’est Moïse, comme le nomment sans rire ses partisans ! La flagornerie est d’autant plus ridicule que le personnage et tout son entourage, après avoir multiplié les promesses électorales, font preuve d’une réelle incompétence à défendre une grosse partie de leurs électeurs : les couches moyennes, qui risquent en outre de sortir étrillées de la période des confinements Covid. Malgré un impressionnant matraquage quotidien de la presse et des médias aux ordres – quand on pense que la télé publique avait été brutalement fermée par la droite en 2013 (mais rouverte sous Syriza) pour cause d’esprit critique ! – la déception se fait jour à travers les sondages, même si la Nouvelle Démocratie (le parti de Mitsotakis) reste en tête des intentions de vote.

Alors, à défaut de pouvoir changer de politique économique, la droite grecque, malgré des défections, se concentre sur ses fondamentaux : répression et nationalisme, avec tout ce que cela suppose. La répression, elle est à l’œuvre au quotidien, contre la jeunesse en particulier, et elle a culminé en mars quand les flics (la droite a recréé des unités de voltigeurs) se sont déchaînés dans la banlieue de Nea Smyrni contre 10 000 manifestantEs protestant contre leurs violences. Des cas de tortures ont été dénoncés, mettant ouvertement en lumière les pratiques d’une police dont une bonne partie votait pour les nazis d’Aube dorée : même un pope orthodoxe a dénoncé les violences qu’il a subies, disant comprendre désormais ce qu’il lisait sans y croire ! Ce climat inquiétant de répression est évidemment encouragé par la couverture que la droite offre toujours aux fascistes de tout poil : ceux de son gouvernement et de ses équipes (nombreux cas), mais aussi aux nazis d’Aube dorée (un de leurs chefs est toujours en fuite, alors qu’il était censé être surveillé de près…).

Autre volet : le nationalisme, avec bien sûr le climat de tension entretenu avec la Turquie d’Erdogan. Pourtant, malgré la propagande et la période odieuse de la chasse aux réfugiéEs et leurs soutiens dans l’hiver 2020, orchestrée par le gouvernement et l’extrême droite grecque et européenne, les sondages attestent qu’une écrasante majorité des populations grecque et turque affirme n’avoir aucun problème avec le voisin, ajoutant que les problèmes sont créés par les gouvernements. Ces sentiments demandent évidemment à être confortés par des initiatives solidaires communes (qui existent), d’autant que Mitsotakis, en dehors des préparatifs guerriers (2,5 milliards d’euros pour l’achat de Rafale !), incite en permanence au racisme en faisant passer les réfugiéEs pour de dangereux envahisseurs lancés par la Turquie contre la Grèce. Le résultat est terrifiant pour les réfugiéEs : d’une part, des camps de plus en plus fermés (murs en béton, avec au passage des cadeaux pour des sociétés de construction…), de l’autre, une politique de refoulement vers la Turquie, interdite mais à laquelle l’UE coopère en dépit de ses critiques officielle…

De nombreuses mobilisations, un début de recherche de perspectives politiques

On le voit : cette droite sans aucun principe éthique fonce, pour détruire au plus vite ce qui reste d’acquis sociaux mais aussi pour faire le plus de bonnes affaires, et la situation est très inquiétante… mais ce n’est pas cela qui décourage toute résistance ! Dès l’été 2019, Mitsotakis a dû affronter les mobilisations étudiantes. Mais le moment décisif a été l’automne dernier, avec le fantastique rassemblement antifasciste le jour du verdict des assassins d’Aube dorée, exemple de ce que peut une mobilisation déterminée dans un cadre prenant un caractère unitaire. De là, une détermination massive à se mobiliser malgré les mesures de confinement : un véritable mouvement contre l’étouffement des droits démocratiques, d’innombrables manifestations étudiantes contre la loi Kerameos-Chryssochoïdis (ce dernier est le Darmanin grec) cassant l’université et le droit aux études, avec en particulier des manifs puissantes à Salonique, mobilisation qui continue aussi pour l’ouverture immédiate des facs.

Et bien sûr, l’enjeu actuel c’est de faire reculer le gouvernement sur sa loi « temps de travail ». Le 6 mai a eu lieu une mobilisation nationale assez réussie et désormais, toutes les semaines, des actions ou des manifs contre ce projet de loi ont lieu, avec le soutien de toute la gauche (en ordre dispersé…) et même du PASOK (désormais intitulé Kinal). Une grève devait avoir lieu le 3 juin mais la confédération syndicale du privé GSEE ayant appelé à la grève nationale le 10 juin, celle du 3 a été reportée au 10. Décision contradictoire : d’un côté, cela élargit l’appel lancé pour le 3 par ADEDY (la Fédération du secteur public), PAME (courant syndical du KKE, le PC grec), les syndicats de base liés à la gauche radicale et anticapitaliste, diverses unions locales… Mais d’un autre, cela repousse la mobilisation, urgente puisque le projet de loi va être déposé, et certains pensent que ce report est dû au fait que le 3 avait été lancé par les syndicats de base… Ce détail renvoie aux deux problèmes sur lesquels on reviendra dans un article ultérieur : d’une part, la crise profonde du syndicalisme en Grèce, mais aussi, en lien partiel avec cela, le « confinement » des organisations de la gauche réformiste et anticapitaliste sur elles-mêmes, malgré quelques perspectives qui semblent s’ouvrir pour relancer une perspective de gauche internationaliste et anticapitaliste : ainsi la procédure de fusion entamée entre Synantissi et Anametrissi, deux orgas surtout de jeunes, provenant de Syriza et Antarsya. À suivre !

Athènes, le 4 juin 2021

Source https://nouveaupartianticapitaliste.org/actualite/international/grece-deux-ans-dultra-liberalisme-et-de-repression-generalisee

La liberté de la presse entravée lors du G7

Communiqué de presse

Les journalistes devront-ils désormais renoncer à couvrir certains événements ou s’habituer à ne pas pouvoir le faire normalement et en informer leurs concitoyens ? La question se pose, après la tenue du G7 à Biarritz ce week-end.

Ainsi, les journalistes accrédités -environ 2000- ont été canalisés et entravés dans l’exercice normal de leur profession. Certains ont été contraints au huis-clos, quand d’autres étaient traités en gêneurs, voire en suspects.

Contrôles abusifs, matériels de protection confisqués, vérifications très longues et humiliantes, cartes de presse internationales non reconnues… De très nombreux témoignages et preuves audiovisuelles confirment l’attitude déplorable des forces de sécurité à l’égard des journalistes. En toute impunité !

Ekhi Erremundeguy, journaliste professionnel au quotidien en langue basque Berria, raconte : « Il y a eu de fortes tensions autour des manifestations contre le G7 mais c’est la journée de samedi qui a été la pire, nous avons été nassés dans le quartier du Petit-Bayonne. Ce qui nous a empêché de couvrir des mobilisations de Gilets jaunes ». Ce confrère raconte qu’il a également été menacé par la brigade anti-criminalité, dans la nuit de samedi à dimanche, dans le Petit-Bayonne. « J’avais un casque presse. J’ai montré ma carte de presse. J’étais clairement identifiable. J’ai eu très peur ».

Un photographe de l’AFP s’est vu confisqué son matériel de protection (casque, masque à gaz), samedi matin, avant le début de la manifestation déclarée. Des journalistes de Radio Parleur ont également été bloqués à un rond-point à Bidart. Les incidents de ce type se sont multipliés.

Les journalistes étrangers n’ont, évidemment, jamais été confrontés à des problèmes de cette sorte. L’image de la France en est bien entachée.

Si des plaintes sont déposées, le SNJ, co-auteur du « Guide de défense des journalistes », se mettra aux côtés des plaignants.

La culture constitutionnelle de la liberté de la presse semble avoir disparu des esprits des autorités de ce pays. Pourtant, des femmes et hommes politiques, et pas des moindres, ont encore récemment fustigé les autorités russes et hongkongaises pour leur brutalité à l’encontre des manifestants et des journalistes. La cécité ne les frappe que pour leur patrie.

En ce jour du 230e anniversaire de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » adoptée le 26 août 1789, un constat terrible se dégage. L’article 11 proclamant « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux » n’est plus dans les esprits de l’exécutif français.

Le SNJ, première organisation de la profession, invite les responsables politiques à relire la Constitution française et à la mettre en pratique.

Paris, le 26 Août 2019

Source http://www.snj.fr/article/g7-la-presse-canalis%C3%A9e-et-entrav%C3%A9e-1210624153

Grèce : incendie, solidarité et colère

LA GRÈCE BRÛLE… DEUIL, SOLIDARITÉ, COLÈRE ! par Constant Kaimakis

La Grèce brûle…encore une fois. Après les terribles incendies de 2007 du Péloponnèse et d’Eubée, les médias s’accordent à qualifier les incendies de ces derniers jours comme les plus terribles et meurtriers de l’ histoire récente de la Grèce.
Qu’importe les chiffres… Au bout du compte ce seront sûrement encore trop de morts et de blessés, de pauvres grecs traumatisés déjà durement frappés par 10 années de crise.
7… 12… 40… ou plus de départs simultanés de feux dans des zones différentes, réparties sur des fronts géographiques éloignés ( Attique, Crète, Péloponnèse ) des villes durement touchées: KINETA, VOUTZA, MATI, NEA MAKRI, KALAMOS, OROPOS, RAFINA, CORINTHE, environs de CHANIA … et encore et toujours des milliers et des milliers d’hectares partis en fumée, maisons, voitures, hôtels, clubs de vacances… rien n’aura résister cette fois aux vents de feu déchainés…
Après des inondations fin 2017, renouvelées en juin 2018 , ces incendies , eux aussi suivi d’inondations hier après midi à Athènes sont là pour nous rappeler que désormais il faudra compter avec une dialectique Incendie/Inondation: au vu du réchauffement climatique et des dérèglements engendrés, il y aura de plus en plus de cycles alternant pic de chaleur ,et donc incendies, et pic pluviométrique, et donc inondations… Au moment où brûle la Grèce, les forêts Suédoises, le nord de l’Europe mais aussi…le cercle polaire comptent des incendies géants ! 
Si jusqu’ici en Méditerranée, nous savions que nous devions compter avec ces incendies ravageurs et depuis peu avec cette alternance incendies/inondations, parfois, comme en Grèce, cela peut prendre une tournure encore plus dramatique car à la crise environnementale vient se rajouter des crises économico-sociales et politiques.

3 jours de deuil, bien sûr…

Une formidable solidarité … encore et toujours, dans un pays qui connait la résistance , qui sait se relever et rebondir à chaque nouveau drame. Avec des formes inédites … dues à un autre drame, celui des Migrants-Réfugiés, qui sont aujourd’hui une composante démographique de la population vivant en Grèce et qui n’ont pas hésiter à venir apporter leur soutien avec leurs très faibles moyens , et à venir donner leur sang, parfois leur seule et dernière richesse…

Deuil… Solidarité… mais déjà la COLÈRE …

Car bien sûr les grecs sont malheureusement aguerris en matière d’incendie. 
Fin août 2007, 77 personnes avaient péri dans des incendies de forêts sans précédent, qui avaient ravagés 250.000 hectares dans le Péloponnèse-sud et l’île d’Evia (nord-est d’Athènes). En 2012, cinq personnes accusées d’avoir des responsabilités dans ces incendies ont été condamnées à dix ans de prison avec sursis par un tribunal du Péloponnèse: un vice-préfet, un ancien maire, le chef des pompiers locaux, un pompier saisonnier et une femme accusée d’avoir provoqué un incendie alors qu’elle faisait la cuisine. 
Les grecs pensaient que les « autorités » comme ils disent en avaient tirer les leçons…
Cette fois, à MATI, qui semble avoir été l’épicentre de la terreur incendiaire, on parle encore des mêmes causes: une urbanisation dense et anarchique, l’absence de plan d’évacuation… Pire, dans cette cité balnéaire construite dans les 60’ on a pas hésité à sacrifier des forêts entières pour construire au milieu des Pins… Le témoignage de Μαργαρίτα Καραβασίλη , ex-secrétaire du corps des inspecteurs de l’environnement dans une interview à Realfm 97,8 rapportée par le Journal des Rédacteurs, est édifiant . Elle affirme que L’État est corrompu à tous les niveaux : les plans d’urbanisation de cette zone ont subi des pressions des constructeurs, architectes, urbanistes et propriétaires de l’époque quitte à donner quelques bakchichs…Pour elle, « cette zone n’est jamais entrée dans le projet urbain  » de Néa Makri dans le respect de la législation. Le développement urbain des 80′-90′ a généré de grosses contradictions avec notamment toute la difficulté de « normaliser » le territoire au vu des législations actuelles. Dans une zone à 80% forestière… l’ urbanisation galopante s’est faite à l’arrache ! et ce depuis les 60’…sans respect de l’environnement, de la sécurité des biens et des gens… Et elle conclut en disant que dans la dernière phase de développement urbain pour la période 2006-2008, « la pression a été très forte dans une zone qui comportait déjà de nombreuses irrégularités… maisons, hôtels, clubs de vacances sont arrivés jusqu’au littoral, mais avec des clôtures, et l’impossibilité souvent d’accéder à la mer. À Mati où s’est produit la tragédie, il semble qu’il n’y avait plus d’accès à la plage car c’était devenu des  » StockYards » ( parc à bestiaux…) » Tout est dit… Et les photos et vidéos vus ces jours-ci témoignent de ce piège où le vent de 9-12 beaufort a soufflé comme un lance flamme sur les gens piégés dans leur voiture , leur maison, et même sur les plages pour celles et ceux qui ont pu y accéder.
Et puis il y a les 10 années de crise, avec leurs 4 mémorandum et leur arsenal de mesures austéritaires qui ont cassé les Services Publics de la Protection, de l’Environnement, et l’ensemble des autres Services publics.Dans ces cas de crise majeure, on mesure alors l’étendu des dégâts: 
– dégraissage des effectifs POMPIERS et PROTECTION CIVILE ( _ 4000 postes) et pb de leur STATUT NON PERMANENT ( qui a valu de nombreuses grèves, manifestations etc…) , 
– NON RENOUVELLEMENT de matériel, vétuste, mal adapté aux grands feux de forêts ,
– AFFAIBLISSEMENT des administrations concernées ( pb de coordination des autorités, manque d’agents souvent en Burn Out et surchargés, etc…) . 
On peut aussi y rajouter la question de la RÉFORME FORESTIÈRE votée cette année qui a provoqué des grèves d’éleveurs/agriculteurs en janvier dernier. 
Enfin, d’une façon générale l’impact des politiques austéritaires dans la vie quotidienne des grecs: Transports, Santé, Environnement, Écologie etc… Cet ensemble, et sûrement encore d’autres aspects, fait, font que en cas de crise grave liée à un pic climatologique ( Chaleur/Incendies etc…mais il y a qcqs semaines c’était les INONDATIONS…), ces MANQUES, ces DIFFICULTÉS etc… se TRANSFORMENT en VECTEURS DRAMATIQUES, en CAUSES MORTELLES…

C’est pourquoi la colère ne peut qu’éclater chez les pompiers qui avaient averti des risques qu’on prenait et qui expliquaient qu ‘ils ne luttaient pas pour des « privilèges » …mais pour la sécurité des gens…, chez les personnels de santé qui ont déjà bien du mal à gérer le « quotidien normal » des équipements sanitaires et sociaux…imaginez en temps de crise avec des grands brulés, blessés graves etc… jusqu’aux légistes qui ont du mal à identifier les corps par manque de moyens et d’infrastructure.
Et la colère des habitants aussi ,qui en plein deuil national ont envahi le Conseil municipal de Marathon: http://www.iefimerida.gr/…/entasi-sto-dimotiko-symvoylio-ma…
Car par manque de moyens dus à des services publics fracassés, on a du mal à avoir de l’eau, de l’électricité, des médicaments, des soins …

Les enquêtes en cours diront sûrement qui sont les « criminels » …

Mais certains aiment à rappeler que L’État, LES GOUVERNEMENTS passés et actuels ont du mal à faire respecter les articles de la Constitution grecque quand à la protection de l’environnement : Article 24 – Constitution de Grèce – Protection environnement Article 117 – Constitution de Grèce – propriété rurale,forêts,expropriation,zones d’habitation cf http://kinisienergoipolites.blogspot.com/2018/07/24-117.html

PLEURER LES MORTS ET LES BLESSÉS, DÉCRÉTER 3 JOURS DE DEUIL NATIONAL , FAIRE APPEL À L’AIDE INTERNATIONALE…etc C’EST BIEN SÛR LE MINIMUM , mais cela ne gommera pas d’un coup de baguette magique 10 ans de CRISE, 10 ans d’Austérité, 10 ans de CASSE des SERVICES PUBLICS !

 

Grèce : Rencontre avec les journalistes d’Ephemerida ton Zyntkton

Nous avions déjà publié le témoignage d’un psychiatre faisant partie d’un groupe de médecins de retour d’un voyage en novembre 2015 organisé par le SMG ( syndicat de la médecine générale) et l’USP ( union syndicale des psychiatres) à la rencontre des bénévoles des dispensaires de santé .

Lors de ce voyage les médecins sont allés à la rencontre des journalistes d’Ephemerida ton Zyntkton, le Journal des Journalistes, né des cendres de la crise grecque .

L’interview  Grèce rencontre avec Le Journal des Journalistes v.f. -1

Tsipras mandaté par la Vouli pour arracher un accord

L’Humanité du 11 juillet : « Je ne vous le cache pas, l’accord que nous présentons est très éloigné de ce que nous prévoyions et
de ce que nous voulions pour le rétablissement du pays. Le 25 juin, nous avons reçu un ultimatum,
sans aménagement de la dette, sans versement avant cinq mois et sous conditions de quatre
évaluations. Nous l’avons refusé et porté au choix du peuple grec. Nous avons demandé une
prolongation du programme précédent, pour que le scrutin se déroule normalement. Malgré la
fermeture des banques le peuple grec, de manière très mature, a choisi de repousser cette
proposition », a dit Alexis Tsipras.

Lire la suite sur le site de l’Humanité

Mediapart le 12 juillet : L’Eurogroupe divisé sur la Grèce, Berlin étudie un Grexit « temporaire » : Après plus de huit heures de réunion samedi, les ministres des finances de la zone euro n’ont pas réussi à tomber d’accord. Ils reprennent leurs échanges ce dimanche, avant la tenue d’un sommet de la zone euro, en fin d’après-midi à Bruxelles. Toutes les options, Grexit compris, restent sur la table.

Sur France soir du 12 juillet : François Hollande exclut la possibilité d’un « Grexit » temporaire :

Le couple franco-allemand serait-il en train de vaciller? En effet, alors que samedi 11 Berlin envisageait la sortie possible de la Grèce de la zone euro de façon temporaire, ce dimanche, François Hollande l’a assuré: « il n’y a pas de Grexit provisoire. Il y a la Grèce dans la zone euro, ou plus la Grèce dans la zone euro« .

« Si la Grèce n’est plus dans la zone euro, c’est une Europe qui n’avance plus, et ça, je n’en veux plus« , a ajouté le président de la République à son arrivée à Bruxelles (Belgique) pour le sommet extraordinaire de la zone euro. Une réunion des chefs d’Etat de la zone euro dont « l’enjeu est de savoir si demain la Grèce sera dans la zone euro« , a affirmé le président français. Et d’ajouter: « la France va tout faire pour trouver un accord ce soir« .

« La Grèce a fait déjà des efforts, il y a des réformes qui sont nécessaires, elle doit faire la démonstration qu’elle est prête à les engager rapidement et puis à ce moment-là, l’Europe tout entière, la zone euro, doit dire qu’elle apporte son soutien« , a conclu François Hollande.

Ce sommet, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras en attend beaucoup et a expliqué qu’un « accord est ce soir possible si tout le monde le veut« . Il a répété « œuvrer pour tous ceux qui ne veulent pas voir l’Europe divisée« .

Une analyse absolument pas partagée par la chancelière allemande Angela Merkel qui a affirmé « ne pas vouloir d’accord à tout prix » et que « les principes doivent être respectés« . « La valeur la plus importante, à savoir la confiance et la fiabilité, a été perdue » avec Athènes, a ajouté la chancelière qui a promis des « négociations ardues« .

150417 SYRIZA «Nous sommes présents

Le gouvernement met en place les engagements programmatiques pour le rétablissement d’un modèle fort, juste, démocratique et productive, capable de loger les vies et les rêves des générations présentes et futures.

  • Le premier projet de loi sur la crise humanitaire a été adopté. Il garantie l’alimentation, des allocations de logement et l’électricité gratuit pour les plus durement touchés.
  • Le projet de loi pour rembourser les dettes échues vers l’Etat a été voté aussi (100 mensualités).
  • Les mises aux enchères de la résidence principale seront supprimées.
  • Les professions libérales et les PME ne sont plus menacés d’emprisonnement pour leurs dettes vers les fonds d’assurances.
  • Le ticket de 5 euros pour faire les examens médicaux dans les hôpitaux publics s’est supprimé, aussi que la contribution à chaque prescription médicale. Enfin, on peut offrir gratuitement des soins de santé aux personnes non-assurés à la sécurité sociale.
  • On commence directement un dialogue social pour rétablir le SMIC et restaurer des conventions collectives.
  • La réouverture prochaine de la radiotélévision publique ERT, est une solution équitable à la honte «d’écran noir».
  • Les chaînes de télévision sont obligées de payer ce qu’ils doivent pour toutes les années que le peuple grec payait cher et de façon disproportionnée.
  • L’épuisante pour les étudiants et les parents Banque de sujets s’est terminée. Ce système transitoire de l’accès à l’enseignement supérieur, pourra offrir beaucoup plus de possibilités aux étudiants.
  • Le système pénitentiaire s’humanise.
  • Les enfants d’immigrés acquièrent la nationalité grecque.
  • Les  remboursements des prêts d’occupation et les réparations de guerre sont enfin réclamés.
  • On a formé une Commission pour l’audit de la dette.
  • Le peuple va apprendre la vérité sur ceux qui ont choisi les mémorandums et pour quelle raison.

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150416 Faire cause commune avec la Grèce

Publié par Par Cédric DURAND Economiste à Paris-XIII Razmig KEUCHEYAN Sociologue à Paris-IV et Stathis KOUVÉLAKIS Philosophe au King’s College de Londres dans le Journal Libération

Avec l’arrivée au pouvoir, fin janvier, de Syriza en Grèce, une hypothèse aura été définitivement invalidée : il serait possible de mettre en œuvre des politiques alternatives au néolibéralisme dans le cadre de l’Union européenne (UE). L’ADN des traités européens est néolibéral. Depuis l’Acte unique européen (AUE) de 1986 au moins, cet ADN n’a cessé de se confirmer, et même de se renforcer. Jusqu’à présent, l’hégémonie sans partage du néolibéralisme pouvait éventuellement être mise sur le dos de tel ou tel gouvernement nouvellement élu. Si les politiques d’austérité règnent en Europe, c’est parce que François Hollande, Matteo Renzi ou tel autre social-libéral manque de courage, ou parce qu’il a trahi l’engagement électoral de réorienter les politiques européennes.

Cet argument tombe avec Syriza. Car chacun voit avec quel acharnement Aléxis Tsípras et Yánis Varoufákis œuvrent en faveur du changement à l’échelle continentale. En vain. Depuis le 4 février, la Banque centrale européenne (BCE) a coupé la principale source de financement du système bancaire grec, tandis que les versements européens sont interrompus depuis l’été 2014. L’étau se resserre, poussant le pays à une banqueroute désordonnée et au chaos, à moins bien entendu d’accepter les conditions humiliantes posées par l’UE. Conclusion : l’alternative au néolibéralisme passe par la rupture avec le cadre européen, et donc – comment pourrait-il en être autrement ? – par la sortie de la Grèce de l’euro. Car toute mesure d’autodéfense élémentaire que le gouvernement Syriza est amené à prendre pour faire face à l’agression permanente dont il fait l’objet de la part de la BCE et de l’UE, telle que le défaut de paiement sur la dette et la mise sous contrôle public de son système bancaire, le place en dehors du cadre de l’euro. Cette rupture ne sera bien sûr pas la panacée. Il n’y a pas de bonne solution pour la Grèce, seulement une solution moins mauvaise. Mais la rupture avec l’UE porte en elle la possibilité d’une renaissance pour ce peuple héroïque, soumis au cours des dernières années à une torture austéritaire sans précédent.

La séquence écoulée aura permis de mettre en lumière un autre fait : la faiblesse du soutien à Syriza sur le continent européen. D’abord, de la part des autres gouvernements du Sud de l’Europe. On se souvient que le premier voyage effectué par Tsípras à l’étranger, début février, l’avait amené à Paris. Mais Hollande n’a rien fait pour lui venir en aide. Il faudra s’en rappeler lorsque sera venue l’heure de faire le bilan de ce calamiteux quinquennat, quand les appels à l’«union de la gauche» venus de la rue de Solférino se feront insistants.

Le plus tragique est que si Tsípras n’a pas obtenu de soutien du gouvernement français, il n’en a pas trouvé non plus dans le mouvement social et syndical. En France, la plus importante manifestation de soutien à la Grèce, mi-février, a réuni tout au plus 5 000 personnes. Les confédérations syndicales en étaient presque absentes. C’est une véritable honte. Cette absence de soutien à Syriza aura démontré l’affaiblissement de la conscience internationaliste sur le continent, particulièrement au sein du mouvement ouvrier français. L’internationalisme ne consiste pas à soutenir la «cause de l’autre» par altruisme ou devoir moral. Cela consiste à comprendre que les intérêts des classes populaires française et grecque sont liés, notamment parce que leurs adversaires sont les mêmes. Comment imaginer que la mise en œuvre de politiques alternatives au néolibéralisme en Grèce serait sans effets en France ? Les rapports de force sociaux et politiques s’en trouveraient bouleversés ! Ces politiques offriraient, au mouvement syndical français, un puissant levier pour sortir de sa léthargie actuelle, de son incapacité à organiser la résistance aux politiques du gouvernement Valls. Ce que le mouvement ouvrier ne saisit pas, les classes dominantes européennes l’ont très clairement à l’esprit. Leurs efforts, BCE en tête, sont tendus vers un seul but : humilier le gouvernement Syriza, le contraindre à renier son mandat populaire. Pas question de laisser un accident électoral briser le monopole de l’extrême centre. Ce n’est rien de moins que le There Is No Alternative de Margaret Thatcher qu’il s’agit de sauver.

Au cours du mois d’avril, les échéances de remboursement de la dette grecque vont se succéder. La perspective d’une sortie – plus ou moins ordonnée – de l’euro se fera de plus en plus précise. Le mouvement syndical français compte parmi les principaux acteurs du drame qui va se dérouler à partir de là sur le continent. Autant que le gouvernement allemand, la BCE, ou les «hommes en noir» du FMI. Les mobilisations qu’il pourrait déclencher en solidarité avec le peuple grec pourraient changer la donne stratégique, y compris en France.

A cette occasion, l’hostilité des classes populaires au système en place trouverait un autre débouché que le vote Front national. Elle redeviendrait internationaliste, c’est-à-dire capable de trouver dans la résistance d’un autre peuple une cause qui est intégralement la sienne.

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