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Comité Grenoblois Grèce-Austérité

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Archives de catégorie Luttes- Changer le système

Grèce : Un chef de parti doit rendre compte de son action politique

Par rédaction

La persécution politique à l’encontre de Panayiotis Lafazanis ,une évolution dangereuse qui menace les libertés civiles.

« Ils ont essayé de nous enterrer, ils ne savaient pas que nous étions des graines » Auteur: Thanasis Petrakos

Lorsque, en décembre 2017, le gouvernement a déposé l’amendement sur la possibilité d’ouverture de poursuites à l’initiative du ministère public et l’imposition de sanctions sévères contre tous ceux qui s’opposent aux mises aux enchères des domiciles des foyers populaires, Unité Populaire (LaE) avait déclaré que : « Le gouvernement des Tsipras-Kammenos afin de rendre service aux banquiers fait régresser la Grèce vers des périodes sombres où se pratiquent la persécution politique et l’emprisonnement des opposants ». Malheureusement, quelques mois aprè, nous avons été confirmés.

Il est clair, cependant, que la convocation « pour rendre des explications » devant la Sécurité de l’Etat (!) adressée à Panayiotis Lafazanis, mis en question pour violation de 16 articles du Code pénal grec, ne vise pas à lui faire peur.

Il vise à faire peur à tou-te-s les citoyen-ne-s pour les empêcher de résister aux politiques du mémorandum et notamment aux ventes aux enchères des habitations populaires, aux saisies et au bradage des biens publics. Leur objectif est de terroriser les simples citoyen-ne-s en espérant leur suggérer la réflexion que « si ce gouvernement est capable de poursuivre Lafazanis pour 16 infractions d’articles du Code Pénal, si c’était moi sous leur grappin j’aurais eu à l’ensemble des articles du Code ». Parce que le gouvernement et la Troïka savent bien que, malgré les affabulations sur la prétendue sortie des mémorandums, il y aura un tsunami de mises aux enchères qui s’abattra sur les foyers populaires. Aucune protection de la résidence principale n’est plus en vigueur.

Mais il ne s’agit pas seulement des mises aux enchères et des saisies. Un bradage généralisé des biens publics est sur les rails. C’est pourquoi le « SYRIZA » actuel, ayant subi une totale mutation néolibérale droitière, procède à la persécution politique du secrétaire d’Unité Populaire – LaE. Ils veulent ainsi faire peur aux gens pour qu’ils cessent de résister, mais aussi montrer à leurs patrons qu’ils n’hésitent pas à criminaliser l’action politique de leurs anciens camarades.

Dans tous les cas, la persécution politique à l’encontre de Panayiotis Lafazanis constitue une évolution dangereuse qui menace les libertés civiles. Cela pour les raisons suivantes:

1. Est hautement problématique le fait que, pour la première fois après la dictature des colonels, un chef de parti politique soit appelé à rendre compte devant les services de police de son action politique.

2. Ce ne sont pas les premières poursuites  infligées aux militants qui tentent d’empêcher les mises aux enchères. Les poursuites à l’encontre de trois jeunes activistes et d’autres militants interpellés à Nauplie, Thessalonique et Volos les ont déjà précédées.

3. Il se confirme ainsi qu’en Grèce les mémorandums, ont non seulement installé le plus vaste mécanisme de pillage et d’asservissement d’un peuple, mais ont aussi lancé la mise à l’essai d’un dispositif de terreur et de criminalisation de l’opinion, le plus étendu après celui mis en place par la junte des colonels. Les dirigeants de la Troïka, à travers les gouvernements qui leur sont obéissant, cherchent à faire du protectorat un outil absolu pour la violation des droits et des libertés. Sauf que la criminalisation de la protestation sociale contre les conséquences du mémorandum «éternel» ouvre la voie à un grand déraillement non démocratique des institutions.

C’est pour tout cela que l’intervention du procureur à l’encontre de Panayiotis Lafazanis ne concerne pas principalement sa personne, ni seulement les militants et représentants d’Unité Populaire – LaE. Cette affaire concerne tous les citoyens démocrates. Non seulement ceux qui ont de la sympathie pour LaE, mais encore tou-te-s celles et ceux qui souhaitent se sentir encore des personnes libres.

Cela concerne tous les partis et organisations de Gauche, mais aussi toute force démocratique et progressiste, car les persécutions par le « Département de protection de l’Etat et du régime démocratique », autrement dit par les services de sécurité, rappelle de manière effroyable le passé sombre du pays de Grèce, qui a provoqué l’effusion de beaucoup de sang avant d’être dépassé.

Encore une fois, la défense de la démocratie devient affaire du peuple et de la Gauche! Le peuple doit crier haut et fort: Bas les mains des libertés démocratiques! Indépendance – Liberté – Démocratie! À bas la Troïka et le pouvoir des banques, à bas ceux qui en sont les serviteurs fidèles!

Quant à vous, M. Tsipras, et à votre gouvernement,  j’ai une chose à vous dire: vos banques et vos patrons sont très satisfaits de vous. Mais si vous calculez franchir sans difficultés « l’obstacle » appelé Unité Populaire, vous êtes loin du compte. Je vous dédie, en guise d’épilogue, les paroles du poète Dinos Christianopoulos: « Que n’avez vous fait pour m’enterrer, vous avez pourtant oublié que j’étais une graine »

* Thanasis Petrakos est membre du Secrétariat Politique d’Unité Populaire (LaE) et ancien représentant parlementaire de SYRIZA

Traduction E.Kosadinos

Source https://unitepopulaireparis.wordpress.com/2018/09/28/grece-la-persecution-politique-a-lencontre-de-panayiotis-lafazanis-une-evolution-dangereuse-qui-menace-les-libertes-civiles/

Rappel : Université d’été solidaire et rebelle des mouvements sociaux et citoyens

Par rédaction

Le collectif Grèce-austérité vous invite à participer à

L’Université d’été solidaire et rebelle des mouvements sociaux et citoyens

qui se tiendra cette année à Grenoble

du 22 au 26 août 2018

sur le campus universitaire

Dans le prolongement de nombreuses initiatives citoyennes, cette Université d’été sera un moment important de débats et de formation pour la construction d’initiatives communes et d’actions concrètes, ainsi qu’un temps convivial pour toutes celles et ceux qui partagent des valeurs de solidarité face à la casse imposée par le néolibéralisme. Fin août 2018, cette Université d’été sera un temps fort pour toutes celles et ceux qui agissent aujourd’hui et/ou souhaitent rejoindre un espace commun pour contribuer à construire un monde juste, écologique et solidaire.

ATTAC et le CRID sont à l’initiative de cette édition de l’Université d’été, et ont associé de nombreuses organisations et mouvements pour en co-construire le contenu et participer concrètement à son organisation.

Le programme intégral programme des modules, ateliers et forums

Les organisateurs https://ue2018.org/Avec-qui

Pourquoi cette université https://ue2018.org/Pourquoi-cette-Universite-d-ete

Comment participer https://ue2018.org/Participez

Les informations pratiques https://ue2018.org/Informations-pratiques

Le site organisateur https://ue2018.org/

On recherche encore des hébergements solidaires : Vous habitez l’aire urbaine grenobloise et pouvez offrir un hébergement lors de l’Université d’été (UE). Merci alors de remplir le formulaire <https://ue2018.org/Offrez-un-hebergement-militant-aux-participant-e-s-a-l-Universite-d-ete> . Ces données permettront de vous mettre en relation avec des participant-e-s susceptibles d’être intéressé-e-s par votre offre (à noter que ces données ne seront pas rendues publiques).

Le scandale Novartis n’est que la pointe de l’iceberg

Par rédaction

GRECE : LE SCANDALE NOVARTIS N’EST QUE LA POINTE DE L’ICEBERG Blog : Le blog de Emmanuel Kosadinos

La Grèce est importante pour l’industrie pharmaceutique pour son marché, mais aussi car, en tant que pays de l’UE, elle peut influer sur les prix négociés par les laboratoires dans d’autres pays à travers la clause du « prix de référence externe » (external reference pricing). Les laboratoires pharmaceutiques ont donc tout intérêt que les prix de leurs médicaments restent élevés en Grèce.

Le scandale Novartis n’est que la pointe de l’iceberg  par Antonis Karavas, médecin hospitalier, syndicaliste de la formation syndicale META ( 22/02/18 Traduction : Emmanuel (Manolis) Kosadinos

Source : https://rproject.gr/article/skandalo-novartis-i-koryfi-toy-pagovoynoy

Le bal des profits des industriels du médicament se fait sur le dos des couches populaires modestes.

Le bal des profits engendrés par le médicament est une constante diachronique et il se passe toujours au détriment des travailleurs et des couches populaires. En dépit de la réduction des dépenses pharmaceutiques de l’État suite à l’application des mémorandums, l’effondrement des dépenses publiques a conduit à faire déporter progressivement le coût des services de santé sur le dos du peuple ; ainsi la part majoritaire des paiements directs sera dirigée vers les gains de l’industrie pharmaceutique.

Les restructurations du secteur du médicament à l’ère de la crise capitaliste visent à réduire les dépenses pharmaceutiques publiques, sans pour autant porter préjudice aux capitalistes de la branche tout en préservant leurs profits. Ce changement se produit constamment et nécessairement au détriment de tous les autres acteurs du marché du médicament: par une forte augmentation des restants à charge payés par les gens, par la réduction de la quantité et de la qualité des médicaments fournis aux hôpitaux, par des coupes brutales des frais et des licenciements massifs dans l’industrie pharmaceutique, par une forte réduction du bénéfice des pharmacies, les fermetures de pharmacies et la perspective de conversion des pharmaciens en salariés à 600 euros des supermarchés et centres commerciaux.

Le bal des profits des industriels du médicament se fait sur le dos des couches populaires modestes. Le bal des profits des industriels du médicament se fait sur le dos des couches populaires modestes.

Le retrait de l’Etat de la dépense pharmaceutique par la réduction continue de l’indemnisation couverte par EOPYY 1 a conduit à une augmentation spectaculaire de la participation directe des assurés aux frais des médicaments. Pendant la gouvernance actuelle, qui se prévaut de l’appellation « Gauche », le taux moyen de paiement direct a grimpé de 12% à  28% pour les génériques et à plus de 50% pour les médicaments sous licence! Le coût de la dépense médicamenteuse est devenu insupportable pour les retraités et les couches populaires modestes. Le résultat est que des milliers de personnes ne sont plus en mesure d’acheter leurs médicaments, ils les prennent donc de manière irrégulière ou les arrêtent complètement !

Il est assez largement connu que toutes les compagnies pharmaceutiques ont recherché d’établir des relations privilégiées avec des personnalités de tous les gouvernements  et même qu’elles maintiennent des services chargés à développer ce genre de relations afin d’occuper la meilleur place dans le marché du médicament et les prix les plus élevés. Il est significatif que la compétence pour fixer les prix de médicaments appartienne, jusqu’à récemment en Grèce, au Ministère du Commerce qui les déterminait en dehors de tout critère scientifique. Le cas d’un médicament anticancéreux de Novartis est très parlant : il a obtenu l’accord pour un prix  multiple à celui d’un médicament équivalent, contenant une substance active similaire. Par ailleurs, dans la composition de la Commission officielle qui discute les prix des médicaments les industriels du médicament (l’Association des entreprises pharmaceutiques de Grèce – ΣΦΕΕ / SFEE) étaient bien représentés, mais les salariés du secteur ni de la Santé.

Au cours des dernières années cette compétence a été transférée au Ministère grec de la Santé. Par la mise en œuvre de la dernière « loi-valise » (qui introduit un paquet de mesures néolibérales d’austérité) se constitue une Commission « Health Technology Assessment – HTA » (la colonisation du pays va jusque dans les termes utilisés par son administration) dont la fonction sera « l’évaluation et le remboursement des médicaments à usage humain » ainsi que de faire des propositions au Ministre de la Santé pour l’autorisation de circulation de nouveaux médicaments et l’évaluation périodique de ceux qui sont déjà en circulation,  sans la mise en jeu de l’Organisme grec National du Médicament (EOF/ ΕΟΦ) qui fut jusqu’à présent l’instance la plus compétente, au niveau scientifique et sanitaire, sur ces sujets.

La Grèce est importante pour l’industrie pharmaceutique non seulement pour son marché, mais aussi car, en tant que pays de l’Union Européenne, elle peut influer sur les prix négociés par les laboratoires sur les autres pays à travers la clause du « prix ​​de référence externe » (external reference pricing). Les laboratoires pharmaceutiques ont donc tout intérêt que les prix de leurs médicaments restent élevés en Grèce. Ceci explique pourquoi la clause de « clawback » (récupération de remise) qui dans certains pays impose la récupération par les caisses d’assurance d’une partie de la marge sur les ventes est comparativement très élevée en Grèce afin que le prix du médicament sur le marché grec se maintienne élevé. On comprend ainsi pourquoi cette remise peut atteindre en Grèce les  25%. Malgré cela les intérêts des labos ne sont pas lésés car leur marge de profit  est immense!

Les intérêts des labos ne sont jamais lésés car leur marge de profit  est immense! Les intérêts des labos ne sont jamais lésés car leur marge de profit est immense!

Concurrence

Le scandale Novartis est certainement en rapport aussi avec l’alignement croissant des intérêts du capitalisme grec avec ceux de l’impérialisme américain. Les multinationales du médicament sont des empires d’un immense pouvoir qui ne cèdent pas des marchés à leurs concurrents et qui s’appuient sur leur « mère patrie» pour défendre et développer leurs marchés. Lorsque le Bayer allemand a menacé de pénétrer sérieusement le marché américain du médicament avec un médicament antilipidémique concurrent, ses rivaux, par le biais de la « justice » américaine lui ont attribué la mort de deux patients, l’obligeant ainsi de se retirer de cette classe de médicaments.

Novartis, une firme d’intérêts germano-helvétiques a rapidement gravi les échelons et a attiré l’attention des multinationales américaines qui lui ont infligé dans le passé une série de tracas judiciaires, suivis d’amendes. Maintenant, sous la présidence Trump, ils amplifient leurs attaques en trouvant comme allié le gouvernement … SYRIZA, qui tente d’instrumentaliser la participation présumée d’éminents officiels gouvernementaux des partis PASOK (sociaux-démocrates) et Nouvelle Démocratie (Droite) pour jouer la carte de la lutte contre  la corruption, dans un effort ultime de sauvetage politique alors qu’il sombre progressivement dans l’impopularité à cause de sa politique austéritaire.

Le gouvernement SYRIZA, depuis qu’il a rejeté l’option de la confrontation avec les capitalistes, est condamné à errer parmi les influences  capitalistes antagoniques, dont le seul dénominateur commun est le souhait de réduire continuellement les dépenses sociales. A l’opposé de cette option, la mise en place d’une vaste alliance sociale avec le peuple, les travailleurs et les scientifiques de la Santé contre les multinationales du médicament est l’indispensable outil pour œuvrer, en alliance avec un vrai gouvernement de Gauche, dans le sens du contrôle populaire et riposter aux chantages des capitalistes. C’est dans cette direction que la Gauche Radicale doit se battre aujourd’hui.

Des mesures proposées

Le moyen pour faire cela est de développer immédiatement les structures publiques et sociales sous contrôle ouvrier à tous les niveaux: recherche, production, diffusion, distribution.

  • La mesure-pilier serait la mise en fonctionnement immédiate d’une industrie pharmaceutique publique moderne sous contrôle, social et la création d’une Pharmacie de l’Etat qui assurant au début des médicaments de base, à bas prix, se développant progressivement au détriment du scteur capitaliste privé. Le secteur chimique et pharmaceutique en Grèce est très développé depuis de nombreuses décennies. Il y a une main-d’œuvre et un savoir-faire précieux pour passer à une industrie pharmaceutique nationale moderne avec une nationalisation sans compensation pour les compagnies pharmaceutiques fermées et endettées.
  • Cette mesure devrait être accompagnée de mesures anticapitalistes, de contrôle des entreprises du médicament (audit, remboursement des dettes envers l’Etat et les caisses d’assurance, fin de l’immunité fiscale, interdiction des exportations parallèles, contrôle des capitaux, etc.). Novartis a par exemple les médicaments modernes précieux pour la sclérose en plaques. Un vrai gouvernement de Gauche ne se limiterait pas à la recherche de responsabilités politiques chez les gouvernements précédents, mais contraindrait  Novartis à indemniser l’Etat grec ou d’accepter une grande baisse du prix de ces médicaments, en cas de non compliance de cette compagnie il se saisirait de la molécule et produirait le médicament par l’industrie de l’Etat.
  • Du contrôle par des organismes publics et développement de l’Organisme grec National du Médicament (EOF/ ΕΟΦ) et de  Institut de Recherche et Technologie Pharmaceutique (IFET/ ΙΦΕΤ). Organisation de la recherche et de l’enseignement par des établissements et des institutions publics. En réalité les critiques qui visent les médecins et les autres travailleurs de la Santé, dissimulent sciemment que le financement de Congrès par les labos se fait chaque après accord de l’Organisme grec National du Médicament. Cette institution, comme toutes les autres publiques, devraient obliger les labos de financer les programmes scientifiques de formation choisis par des instances de recherche et d’enseignement public.
  • Rétablissement du Droits du Travail pour les salarié-e-s du médicament (conventions collectives, arrêt des licenciements).

Le gouvernement SYRIZA-ANEL est pris au piège dans des mémorandums et du service des intérêts du capital, en adoptant totalement la logique du médicament-marchandise,  au service des profits des compagnies pharmaceutiques et du déport des coûts sur les usagers.  Ce gouvernement, incapable de confronter le vrai grand scandale de l’industrie pharmaceutique capitaliste, ne le sera pas moins pour confronter Novartis et les personnels corrompus de gouvernements précédents. Le risque serait alors que, dans son impuissance, il choisisse pour boucs émissaires les médecins, les salariés et les scientifiques, c’est-à-dire les moins coupables de cette affaire.

L’action de la Gauche, des syndicats et du facteur populaire dans cette affaire pourrait être primordiale pour que soient dénoncés  à la fois la corruption, les coupes budgétaires dans la Santé et  la spéculation de l’industrie pharmaceutique. C’est une lutte pour que le médicament devienne un bien, pas une marchandise et que la Santé soit publique et accessible à toutes et tous.

1EOPYY: Organisme National d’Offre de Services de Santé, qui correspond, à peu de différences près, à la branche maladie de la Sécurité Sociale.

Solidarité et autogestion sur la terre brûlée

Par rédaction

par Yannis Youlountas · 30/07/2018

Suite aux incendies qui ont frappé les environs d’Athènes : SOLIDARITÉ ET AUTOGESTION SUR LA TERRE BRÛLÉE

Nous avons évoqué précédemment la cuisine sociale « L’Autre Humain », avec un extrait du film « L’Amour et la Révolution », pour faire savoir le dispositif permettant désormais de participer au loyer de son nouveau local*.

Ajoutons qu’actuellement « L’Autre Humain » est tous les jours à Mati, la petite ville la plus ravagée par les récents incendies, avec non seulement sa cuisine de rue, mais aussi des distributions de nombreux matériaux et denrées nécessaires.

Tout cela, dans l’autogestion bien sûr, alors que les pouvoirs se sont révélés, au contraire, totalement incompétents et lamentables : fermeture tragique des accès à la mer, diminution des moyens des pompiers (baisse de 30% des effectifs, restrictions budgétaires, beaucoup de bouches à eau hors-service faute d’entretien, plus qu’un seul canadair opérationnel sur dix), minuscule mobilisation des troufions et de leur matériel, tentatives grotesques de récupération politique de tous les côtés…

Bref, tout s’est déroulé exactement comme en novembre dernier, lors des inondations qui ont dévasté la ville de Mandra, à l’ouest d’Athènes, et causé de nombreux morts et disparus : ce sont les initiatives autogérées qui ont le mieux répondu aux besoins immédiats, à commencer par celles des victimes elles-mêmes et de leurs réseaux alentours, parfois avec des moyens très modestes.

La cuisine sociale « L’Autre humain » était également présente à Mandra l’année dernière, dès le début des inondations. De même, l’équipe médicale de la structure autogérée de santé d’Exarcheia était aussi sur le terrain, à Mandra, comme elle se trouve ces jours-ci également à Mati et Rafina, avec l’appui, une fois de plus, du groupe Rouvikonas.

Loin des grands discours télévisés, des effets d’annonce illusoires, des visites éclairs sous les projecteurs des caméras, des lourdeurs administratives rebutantes et des méandres hiérarchiques abscons, c’est bien l’entraide parmi les opprimé-e-s qui est une fois de plus au rendez-vous sur la terre brûlée.

Prenons nos vies en mains, nous en sommes capables : les circonstances difficiles nous le prouvent.

Maud et Yannis Youlountas

* Voir l’extrait du film « L’amour et la révolution » sur la cuisine sociale « L’autre humain » http://blogyy.net/2018/07/29/la-cuisine-sociale-lautre-humain/

Si vous souhaitez participer, avec nous, chaque mois, au paiement du loyer du nouveau local (trois dernières photos) de la cuisine sociale « L’Autre Humain » : http://blogyy.net/2018/07/29/la-cuisine-sociale-lautre-humain/

Voir toutes les photos http://blogyy.net/2018/07/30/solidarite-et-autogestion-sur-la-terre-brulee/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le nouveau local de la cuisine sociale « L’Autre Humain » :

 

 

 

Scandale Novartis Grèce

Par rédaction

LA NORMALITÉ SCANDALEUSE DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE par Théodoros Mégaloéconomou, psychiatre, Athènes Traduction Emmanuel Kosadinos 

Ce n’est certainement pas un « cas grec» isolé.

L’implication présumée de longue date de personnalités politiques, d’anciens ministres et premiers ministres, soupçonnés avoir bénéficié de pots de vin d’une hauteur considérable de la part de Novartis, est un scandale aux dimensions énormes et tentaculaires, qui cause de nouveaux tremblements dans un système politique multiplement défaillant, corrompu et en crise constante. Mais la question  ne concerne pas uniquement  les pratiques de Novartis, ni n’est un « cas grec» isolé.

La multinationale NOVARTIS est la troisième compagnie pharmaceutique sur le marché européen La multinationale NOVARTIS est la troisième compagnie pharmaceutique sur le marché européen

Ce n’est que l’expression de la « normalité » scandaleuse du mode de fonctionnement de l’industrie pharmaceutique dans son ensemble (un secteur qui est le deuxième plus rentable dans le monde entier après l’industrie de guerre) dans le cadre d’une « Alliance Sacrée » mutuellement bénéfique avec le système politique et, bien sûr, une grande partie du corps médical, des Universités, mais aussi les médias, etc.

Un exemple à citer est le cas impliquant George Bush Jr., qui en tant que gouverneur du Texas avait soutenu la mise en œuvre d’un projet pilote, avec la participation d’un certain nombre de sociétés pharmaceutiques, visant à l’administration d’antipsychotiques et d’antidépresseurs dans les âges de moins de 18 ans. Ces compagnies pharmaceutiques ont contribué par trois fois plus d’argent à la campagne électorale de Bush aux élections de 2000 qu’à celle de Kerry. Sur les 1,6 milliard de dollars de contributions d’Eli Lilly à la campagne électorale – dont le médicament antipsychotique Zyprexa (très onéreux encore à l’époque) était le premier proposé par le projet, 82% sont allés à Bush. 

Après son élection, Bush a favorisé la mise en œuvre obligatoire du projet au niveau fédéral pour faire le diagnostic des troubles mentaux «pas encore diagnostiqués» (ni même manifestés) dans l’ensemble de la population et même d’enfants d’âge préscolaire – pour aboutir, dans un deuxième temps, à l’administration d’antidépresseurs et d’antipsychotiques, par millions d’ordonnances, même chez des nourrissons de moins de 2 ans. Comme il a été révélé, des hauts fonctionnaires et cadres placés à des postes critiques pour la mise en œuvre du projet d’administration des médicaments, ont reçu de l’argent et des cadeaux des compagnies pharmaceutiques pour certifier la validité d’un projet, qui n’était qu’un effort difficilement masqué des entreprises pharmaceutiques pour accéder à un marché plus large pour des antidépresseurs et des antipsychotiques coûteux, par le biais d’un plan gouvernemental obligatoire, qui leur ouvrait les portes de domaines de la vie des gens qui jusque-là étaient hors de leur compétence.

De toute évidence ce n’est pas un hasard que la tendance internationale à surdiagnostiquer le TDAH (trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention) chez les enfants, et même que tout enfant «vif» (dans un système éducatif en état d’effondrement et / ou une famille crise ) a tendance à être diagnostiqué comme « TDAH » soit en rapport avec la promotion de la prescription (souvent déraisonnée) de la Ritaline (méthamphétamine, un dérivé de l’amphétamine), produite par Novartis (en position dominante sur le plan commercial par rapport aux médicaments similaires, produits par d’autres compagnies ). Il s’agit d’un médicament qui, présenté comme «la pilule de l’obéissance », mais qualifié par des experts internationaux « la cocaïne des bébés», a été également présenté (notamment en Grèce), par les médias, comme «le médicament qui aide l’élève et l’étudiant pour préparer ses examens» peu importe si il peut le rendre par la suite dépendant, car il s’agit d’une substance fortement addictive. 

Le scandale Novartis ne sont pas seulement les pots de vin

La question donc qui a vu le jour à travers le scandale Novartis ne doit pas se limiter aux pots de vin des politiques et des autres (aussi grave que cela soit) ni dégénérer en petite guéguerre tactique dont l’enjeu serait la survie politique des uns et des autres, en en cycle sans fin de discours sur la corruption, dont l’expérience nous enseigne qu’ils s’éteignent par l’oubli, mais elle doit s’approfondir et atteindre les racines du problème, le champ global dans lequel évolue la production et la diffusion sur le marché des médicaments et la relation avec le système de santé. Ainsi, il y a besoin de bien comprendre pourquoi sur un tel terrain, les pots de vin sont la règle, pour que soient apposées les signatures nécessaires à la mise en place d’arrangements favorables aux profits des compagnies. Cela en dépit des intérêts de la Santé à laquelle le médicament est supposé rendre service. 

Ainsi la question, ne concerne pas seulement Novartis, mais toutes les compagnies pharmaceutiques, qui, dans la société capitaliste dans laquelle nous vivons, se sont appropriées la production exclusive d’un « bien social » par excellence tel le médicament, comme s’il s’agissait d’une marchandise, générant des profits et des bénéfices élevés sur les bourses internationales lorsque l’entreprise « va bien » avec des profits en croissance, au présent et en prévisionnel. La production et la diffusion, le marketing du médicament, sont essentiellement en rapport avec cela. Elle est bien là la contradiction qui régit sa production en tant que marchandise. Toutes connaissances scientifiques, tous objectifs thérapeutiques à l’origine de son invention et de sa production doivent être en adéquation avec des besoins de rentabilité. Dans tout autre cas de figure (sauf exception), l’usage thérapeutique doit être modulé et promu de manière qui non seulement ne nuise à la rentabilité mais qui, au contraire, l’augmente. 

Systématiquement donc, les sociétés pharmaceutiques:

  • Occultent les résultats des essais lorsqu’ils sont défavorables à l’utilisation des médicaments qu’elles produisent et font une diffusion démesurée de ceux qui leur sont favorables.
  • Payent des médecins et des universitaires pour qu’ils communiquent dans des congrès et conférences scientifiques au sujet de leurs produits et en fassent la promotion,
  • S’y déploient pour multiplier les indications de leurs médicaments – d’une seule maladie, tout à coup à plusieurs (ceci est la règle, tout en particulier pour les psychotropes, car cette démarche est beaucoup moins coûteuse pour les laboratoires que de fabriquer un nouveau médicament);
  • La plupart des articles publiés au niveau international sur « les grandes qualités » de leurs produits sont concoctés par ces mêmes compagnies pharmaceutiques qui les produisent et signés par des prête-noms, autrement appelés « écrivains fantômes» (« ghost writers ») des personnalités scientifiques connues, payées pour simplement apposer leur signature, comme l’a révélé l’hebdomadaire britannique «The Observer» le 7/12/2003. 

En 2012, une amende de 3 milliards dollars US a été imposée à GlaxoSmithKlein (GSK) suite à une série d’infractions en rapport avec la « promotion illégale de médicaments soumis à ordonnance et omission de données de sécurité. » Une partie de cette amende, la somme de 600 millions, de dollars a été allouée à des « témoins protégés » (tels que les « trois du FBI » qui se sont rendus aux États-Unis pour l’affaire Novartis), dans la mesure où aux États-Unis il existe un système contrasté, avec d’une part une large immunité pour l’industrie pharmaceutique et d’autre part des sanctions sévères pour les infractions, jugées à l’aune des intérêts matériels en jeu. La FDA 1 elle-même, chargée d’autoriser la circulation des médicaments, vacille entre ces deux extrêmes – entre les amendes sévères et la tolérance tacite.  

FDA: Food and Drug Administration (l’Autorité suprême du médicament aux Etats-Unis)FDA: Food and Drug Administration (l’Autorité suprême du médicament aux Etats-Unis)

Une collusion structurelle entre médecins et compagnies pharmaceutiques

Examinons maintenant certains aspects de cette collusion structurelle (qui n’implique certainement pas tous les médecins, mais hélas une majorité), telle que nous l’éprouvons dans notre pays la Grèce, (méritant d’être) connue de tous. 

–  Commençons par le siège quotidien et très envahissant, mais accepté comme la norme, de tous les hôpitaux publics, les cliniques, etc., par les visiteurs médicaux. La fonction de ces visiteurs médicaux n’a rien à voir avec une supposée « information » du médecin sur les médicaments (qui en général ne concerne pas de nouveaux produits, mais surtout et sans cesse des bien vieux et connus), mais l’asservissement du praticien (à travers diverses manipulations) à la routine de prescription du médicament promu. Il s’agit plutôt de transactions « de mise au point », concernant parfois le nombre d’ordonnances du médecin avec l’ d’une « récompense » en proportion, etc. Les infirmier-e-s sont également abordé-e-s (notamment les cadres) et, dans chaque hôpital, toutes les personnes en contact avec la distribution des médicaments. La question est la suivante: quelle est l’utilité de ces visites soi-disant informatives des visiteurs médicaux ? Pourquoi, pour un «problème scientifique», d’autres manières pour accéder aux «connaissances et informations scientifiques» ont-elles été exclues? Mais peut-être, parce qu’il s’agit tout simplement de marketing. 

–  Les Congrès intégralement défrayés pour tous les médecins et les internes (dont la formation et son financement sont désormais de la compétence de l’industrie pharmaceutique) dans des hôtels cinq étoiles, souvent tenus dans des lieux « exotiques », dans lesquels « brille » une « science » bien manipulée par l’industrie pharmaceutique. Des Congrès qu’on peut difficilement distinguer des foires commerciales (médico-pharmaceutiques) où, derrière les stands des exposés, on peut trouver l’espace où a lieu la présentation orale des produits. Et même, lors de ces dernières années, il ne suffit plus de mentionner dans le programme des Congrès, les sociétés pharmaceutiques qui les parrainent (deux, trois, quatre, cinq, etc.), mais sont organisées des « tables rondes » à part, qui ont lieu, comme indiqué, avec « noble parrainage… de Janssen… d’Eli Lilly…, de Ludbeck etc. » On est en droit de se demander, qu’est-ce qui est précisément sponsorisé lors de ces « tables rondes» par les sociétés pharmaceutiques ? Est-ce les bouteilles d’eau, le micro, le pupitre de l’intervenant, quoi donc ? 

En mai dernier (2017) précisément, lors du Congrès annuel de la Société Hellénique de Psychiatrie a été annoncé la création, dans le Service de Psychiatrie d’un Hôpital Général, une «clinique de la clozapine» dédiée, un médicament antipsychotique, qui a des effets secondaires graves, et qui était censé être, jusqu’à présent, un moyen de «dernier recours». On comprend que lorsqu’on crée une clinique dédiée à un seul médicament, cela favorisera son utilisation croissante. Il s’agit, bien sûr, du Leponex, commercialisé par Novartis. Alors que s’il existait un réseau intégré de services communautaires de soins psy, le recours à Leponex pourrait être bien moindre. 

–  Une « clinique spéciale » basée sur le même concept a été également annoncée pour l’administration d’antipsychotiques injectables à effet prolongé (retard), pour y administrer trois médicaments relativement nouveaux et coûteux (mais pas plus efficaces que les anciens) qui se disputent aujourd’hui pour la part du marché. 

– Une « innovation » plus récente, importé celle-là comme d’autres du monde anglo-saxon, sont les accords passés entre les médecins des hôpitaux publics et les labos pharmaceutiques, les gens des labos se déplaçant chez des patients qui sont indiqués par les médecins pour leur administrer des antipsychotiques injectables à effet prolongé afin que les produits des labos pharmaceutiques ne restent pas invendus ni inutilisés. A ce propos, en Angleterre cela a été proposé depuis 2012 comme projet officiel, pour parer soi-disant à l’effondrement du NHS. Ainsi la coopération des médecins généralistes et des labos pharmaceutiques a été officialisée pour traiter des patients (notamment des cas au diagnostic incertain, difficiles à traiter) et notamment, ont-ils dit, pour améliorer la compliance des patients au traitement. Car les visiteurs des labos ont toute latitude pour sélectionner dans la file active des médecins généralistes les patients susceptibles de « bénéficier » du traitement pat les médicaments du labo. Nous ne sommes pas très loin, dans la petite Grèce, de ces « sommets scientifiques » atteints dans le monde anglo-saxon. 

– Que dire encore de la Société Hellénique de Psychiatrie (ΕΨΕ), qui lors de la Journée mondiale de la santé mentale (10/10/17), dédiée au thème « Santé mentale et travail », a invité pour premier orateur, le président de l’Association des entreprises pharmaceutiques de Grèce (ΣΦΕΕ / SFEE) le successeur de l’inqualifiable K. Frouzis2? 

–  Il y a eu enfin des dans des hôpitaux publics des « essais » de médicaments psychotropes déjà en circulation (donc accrédités) sans qu’il ne soit jamais étudié dans quels termes et sous quelles conditions ces « essais » furent menés, car ce fut même parfois au détriment des soins des patients qui n’y participaient pas.  

Le Ministère de la Santé est loin tout ça. Il traite de la gestion des conflits d’intérêts (facturations, etc., en application des clauses des mémorandums), à défaut d’aborder la racine du problème. Une question, en fait, est de savoir si les médecins des différents comités du Ministère entretiennent des relations avec des sociétés pharmaceutiques, s’ils se rendent par exemple à leurs Congrès «intégralement défrayés». Y a-t-il parmi eux des personnes qui effectuent, par exemple, des essais et des études commandées par des laboratoires pharmaceutiques? Font-ils la promotion, par quelque moyen que ce soit, de médicaments d’une compagnie – par exemple, par le biais de conférences supposées scientifiques, etc. (comme pour les antipsychotiques à action prolongée)?

Et que se passe-t-il (encore) à l’Université ? 

L'industrie pharmaceutique (avec celle de l'armement) est la plus lucrative dans le capitalismeL’industrie pharmaceutique (avec celle de l’armement) est la plus lucrative dans le capitalisme

Pas de solution tant que le médicament reste une marchandise

Clairement, il n’y aura pas de solution au problème tant que le médicament restera entre les mains de l’industrie pharmaceutique. Tant que le médecin continue à agir comme «intermédiaire» entre la compagnie et l’usager, à qui il / elle doit administrer le médicament / produit pour son traitement. C’est à travers cette relation que se déploient tous les tentacules de la collusion. 

Parce qu’il n’est pas seulement question de la collusion diffuse et de la corruption du système. C’est la «façon même de penser et de pratiquer» du corps médical qui est façonnée et manipulée par ce qui est contrôlé, constitué et proposé en tant que «connaissance scientifique» (en tant que thérapie, «médicament approprié», etc.) – lorsque la connaissance scientifique est manipulée par la logique et les pratiques de rentabilité des sociétés pharmaceutiques – toujours en ligne avec le biopouvoir  dominant. Ce sont ces choix qui sont proposés même aux médecins qui ont les meilleures intentions, ceux qui se soucient avant tout de leurs patients. 

En Grèce, en France, partout dans le monde il faut lutter pour faire advenir des solutions radicales et humanistes!En Grèce, en France, partout dans le monde il faut lutter pour faire advenir des solutions radicales et humanistes!

Bien que cela apparaisse comme un projet « hors sol », la nationalisation de l’industrie pharmaceutique, sous le contrôle des travailleurs et de la société, est la seule réponse aux scandales en cours et celui-là, perpétuel, qui est devant nous – le scandale de l’existence même de l’industrie pharmaceutique privée et de la production du médicament en tant que marchandise. La solution intermédiaire n’existe pas – et cela, encore une fois, sera éprouvé en cours de route.

1 FDA: Food and Drug Administration

2 K. Frouzis, ancien président de l’Association des entreprises pharmaceutiques de Grèce (ΣΦΕΕ / SFEE), dont la responsabilité lourde dans le scandale Novartis Grèce serait quasiment prouvée

Source: http://www.efsyn.gr/arthro/skandalo-novartis-einai-i-skandalodis-kanonikotita-olis-tis-farmakoviomihanias

 

Grèce : incendie, solidarité et colère

Par rédaction

LA GRÈCE BRÛLE… DEUIL, SOLIDARITÉ, COLÈRE ! par Constant Kaimakis

La Grèce brûle…encore une fois. Après les terribles incendies de 2007 du Péloponnèse et d’Eubée, les médias s’accordent à qualifier les incendies de ces derniers jours comme les plus terribles et meurtriers de l’ histoire récente de la Grèce.
Qu’importe les chiffres… Au bout du compte ce seront sûrement encore trop de morts et de blessés, de pauvres grecs traumatisés déjà durement frappés par 10 années de crise.
7… 12… 40… ou plus de départs simultanés de feux dans des zones différentes, réparties sur des fronts géographiques éloignés ( Attique, Crète, Péloponnèse ) des villes durement touchées: KINETA, VOUTZA, MATI, NEA MAKRI, KALAMOS, OROPOS, RAFINA, CORINTHE, environs de CHANIA … et encore et toujours des milliers et des milliers d’hectares partis en fumée, maisons, voitures, hôtels, clubs de vacances… rien n’aura résister cette fois aux vents de feu déchainés…
Après des inondations fin 2017, renouvelées en juin 2018 , ces incendies , eux aussi suivi d’inondations hier après midi à Athènes sont là pour nous rappeler que désormais il faudra compter avec une dialectique Incendie/Inondation: au vu du réchauffement climatique et des dérèglements engendrés, il y aura de plus en plus de cycles alternant pic de chaleur ,et donc incendies, et pic pluviométrique, et donc inondations… Au moment où brûle la Grèce, les forêts Suédoises, le nord de l’Europe mais aussi…le cercle polaire comptent des incendies géants ! 
Si jusqu’ici en Méditerranée, nous savions que nous devions compter avec ces incendies ravageurs et depuis peu avec cette alternance incendies/inondations, parfois, comme en Grèce, cela peut prendre une tournure encore plus dramatique car à la crise environnementale vient se rajouter des crises économico-sociales et politiques.

3 jours de deuil, bien sûr…

Une formidable solidarité … encore et toujours, dans un pays qui connait la résistance , qui sait se relever et rebondir à chaque nouveau drame. Avec des formes inédites … dues à un autre drame, celui des Migrants-Réfugiés, qui sont aujourd’hui une composante démographique de la population vivant en Grèce et qui n’ont pas hésiter à venir apporter leur soutien avec leurs très faibles moyens , et à venir donner leur sang, parfois leur seule et dernière richesse…

Deuil… Solidarité… mais déjà la COLÈRE …

Car bien sûr les grecs sont malheureusement aguerris en matière d’incendie. 
Fin août 2007, 77 personnes avaient péri dans des incendies de forêts sans précédent, qui avaient ravagés 250.000 hectares dans le Péloponnèse-sud et l’île d’Evia (nord-est d’Athènes). En 2012, cinq personnes accusées d’avoir des responsabilités dans ces incendies ont été condamnées à dix ans de prison avec sursis par un tribunal du Péloponnèse: un vice-préfet, un ancien maire, le chef des pompiers locaux, un pompier saisonnier et une femme accusée d’avoir provoqué un incendie alors qu’elle faisait la cuisine. 
Les grecs pensaient que les « autorités » comme ils disent en avaient tirer les leçons…
Cette fois, à MATI, qui semble avoir été l’épicentre de la terreur incendiaire, on parle encore des mêmes causes: une urbanisation dense et anarchique, l’absence de plan d’évacuation… Pire, dans cette cité balnéaire construite dans les 60’ on a pas hésité à sacrifier des forêts entières pour construire au milieu des Pins… Le témoignage de Μαργαρίτα Καραβασίλη , ex-secrétaire du corps des inspecteurs de l’environnement dans une interview à Realfm 97,8 rapportée par le Journal des Rédacteurs, est édifiant . Elle affirme que L’État est corrompu à tous les niveaux : les plans d’urbanisation de cette zone ont subi des pressions des constructeurs, architectes, urbanistes et propriétaires de l’époque quitte à donner quelques bakchichs…Pour elle, « cette zone n’est jamais entrée dans le projet urbain  » de Néa Makri dans le respect de la législation. Le développement urbain des 80′-90′ a généré de grosses contradictions avec notamment toute la difficulté de « normaliser » le territoire au vu des législations actuelles. Dans une zone à 80% forestière… l’ urbanisation galopante s’est faite à l’arrache ! et ce depuis les 60’…sans respect de l’environnement, de la sécurité des biens et des gens… Et elle conclut en disant que dans la dernière phase de développement urbain pour la période 2006-2008, « la pression a été très forte dans une zone qui comportait déjà de nombreuses irrégularités… maisons, hôtels, clubs de vacances sont arrivés jusqu’au littoral, mais avec des clôtures, et l’impossibilité souvent d’accéder à la mer. À Mati où s’est produit la tragédie, il semble qu’il n’y avait plus d’accès à la plage car c’était devenu des  » StockYards » ( parc à bestiaux…) » Tout est dit… Et les photos et vidéos vus ces jours-ci témoignent de ce piège où le vent de 9-12 beaufort a soufflé comme un lance flamme sur les gens piégés dans leur voiture , leur maison, et même sur les plages pour celles et ceux qui ont pu y accéder.
Et puis il y a les 10 années de crise, avec leurs 4 mémorandum et leur arsenal de mesures austéritaires qui ont cassé les Services Publics de la Protection, de l’Environnement, et l’ensemble des autres Services publics.Dans ces cas de crise majeure, on mesure alors l’étendu des dégâts: 
– dégraissage des effectifs POMPIERS et PROTECTION CIVILE ( _ 4000 postes) et pb de leur STATUT NON PERMANENT ( qui a valu de nombreuses grèves, manifestations etc…) , 
– NON RENOUVELLEMENT de matériel, vétuste, mal adapté aux grands feux de forêts ,
– AFFAIBLISSEMENT des administrations concernées ( pb de coordination des autorités, manque d’agents souvent en Burn Out et surchargés, etc…) . 
On peut aussi y rajouter la question de la RÉFORME FORESTIÈRE votée cette année qui a provoqué des grèves d’éleveurs/agriculteurs en janvier dernier. 
Enfin, d’une façon générale l’impact des politiques austéritaires dans la vie quotidienne des grecs: Transports, Santé, Environnement, Écologie etc… Cet ensemble, et sûrement encore d’autres aspects, fait, font que en cas de crise grave liée à un pic climatologique ( Chaleur/Incendies etc…mais il y a qcqs semaines c’était les INONDATIONS…), ces MANQUES, ces DIFFICULTÉS etc… se TRANSFORMENT en VECTEURS DRAMATIQUES, en CAUSES MORTELLES…

C’est pourquoi la colère ne peut qu’éclater chez les pompiers qui avaient averti des risques qu’on prenait et qui expliquaient qu ‘ils ne luttaient pas pour des « privilèges » …mais pour la sécurité des gens…, chez les personnels de santé qui ont déjà bien du mal à gérer le « quotidien normal » des équipements sanitaires et sociaux…imaginez en temps de crise avec des grands brulés, blessés graves etc… jusqu’aux légistes qui ont du mal à identifier les corps par manque de moyens et d’infrastructure.
Et la colère des habitants aussi ,qui en plein deuil national ont envahi le Conseil municipal de Marathon: http://www.iefimerida.gr/…/entasi-sto-dimotiko-symvoylio-ma…
Car par manque de moyens dus à des services publics fracassés, on a du mal à avoir de l’eau, de l’électricité, des médicaments, des soins …

Les enquêtes en cours diront sûrement qui sont les « criminels » …

Mais certains aiment à rappeler que L’État, LES GOUVERNEMENTS passés et actuels ont du mal à faire respecter les articles de la Constitution grecque quand à la protection de l’environnement : Article 24 – Constitution de Grèce – Protection environnement Article 117 – Constitution de Grèce – propriété rurale,forêts,expropriation,zones d’habitation cf http://kinisienergoipolites.blogspot.com/2018/07/24-117.html

PLEURER LES MORTS ET LES BLESSÉS, DÉCRÉTER 3 JOURS DE DEUIL NATIONAL , FAIRE APPEL À L’AIDE INTERNATIONALE…etc C’EST BIEN SÛR LE MINIMUM , mais cela ne gommera pas d’un coup de baguette magique 10 ans de CRISE, 10 ans d’Austérité, 10 ans de CASSE des SERVICES PUBLICS !

 

Solidarité organique et solidarité politique

Par rédaction

Conférence de Christiane VOLLAIRE  Pour la XVIIIe conférence de l’IAHPE (International Association of Health Policy in Europe)

Association Internationale pour les Politiques de Santé en Europe Université Aristote – Thessalonique Du 21 au 24 septembre 2017

SOLIDARITÉ ORGANIQUE ET SOLIDARITÉ POLITIQUE

SUR LE TERRAIN DES LUTTES POUR LA SANTÉ, EN GRÈCE

1. Figures de l’archipel

2. Figures de la santé politique

3. Figures des perversions du politique

4. De la désorientation juridique à la répression policière

5. De la gouvernementalité dans les jeux stratégiques qui la subvertissent

6. La mélancolie peut-elle constituer une dynamique politique ?

Écrivant en 1865 l’Introduction à la médecine expérimentale, Claude Bernard employait le terme de « solidarité organique » pour définir le fonctionnement physiologique du corps humain sur le mode de l’interdépendance entre les organes, dont la désolidarisation est l’annonce même de la mort. Et le texte lui-même y introduisait une analogie politique.

C’est cette analogie que nous avons tenté d’exploiter, Philippe Bazin et moi, par un travail associant photographie documentaire et philosophie de terrain, mené à partir de Thessalonique en juillet-août 2017.

La santé ne nous y est pas apparue comme un simple élément du contrôle social (qu’elle est aussi, dans l’analyse qu’en donne Michel Foucault), mais comme un facteur d’énergie et de vitalité porté par la solidarité politique et la conviction d’une force commune.

Le terme de « solidarité » est d’abord un terme juridique, avant de devenir un terme politique. Et, en tant que terme juridique, il a d’abord un sens économique, lié, dès le XVème siècle, à la question de la dette : être solidaires, c’est assumer en commun une obligation à l’égard d’un créancier. C’est au XIXème siècle qu’il prendra le sens politique d’une interdépendance entre des sujets au sein d’un corps social. La solidarité désigne donc cette interdépendance indissociable de l’égalité, qui empêche les rapports d’assujettissement. C’est ce concept qui prendra corps dans celui d’une « sécurité sociale » égale pour tous, que les politiques néolibérales tentent de saborder. Mais en les sabordant, c’est pour cette raison même à une forme de suicide politique qu’elles se livrent. Et c’est cette parfaite irrationalité d’une démarche qui se prétend rationnelle qu’il faut mettre en évidence.

En Grèce, les luttes d’émancipation de la guerre d’Indépendance, de 1821 à 1830, impliquent un soutien des puissances occidentales qui commence, dès 1893, à forger une rhétorique de la dette. Mais cette histoire est aussi l’histoire parallèle des mouvements de solidarité qui n’ont pas cessé de construire ses alternatives. Et dont nous pouvons, nous aussi, quelles que soient nos origines, nous sentir solidaires.

1. Figures de l’archipel

Sur ce point, l’histoire de la Grèce pose aussi des jalons pour aider à comprendre comment la mémoire politique, dans une forme d’inconscient collectif, travaille avec les réactivations de la violence qui produit, en réaction, des formes spécifiques de solidarité sur ce territoire. C’est en y allant, en parlant, en écoutant mes interlocuteurs, que j’ai saisi une donne géographique : celle d’un territoire qui n’est pas seulement ouvert sur la mer, mais construit à partir d’elle, comme un archipel. Les îles grecques ne sont pas des annexes de la Grèce, mais son mode de constitution et les lieux de sa configuration politique, qui subvertit les usages du centre et de la périphérie. Michel Foucault écrivait, dans un entretien avec Yves Lacoste et la revue Hérodote en 1976 :

Il n’y a qu’une notion qui soit véritablement géographique, c’est celle d’archipel. Je ne l’ai utilisée qu’une fois, pour désigner, et à cause de Soljenitsyne, l’archipel carcéral, cette dispersion et en même temps le recouvrement universel d’une société par un type de système punitif.1

Pourquoi est-ce la « seule notion véritablement géographique » ? Parce que c’est elle qui permet d’écrire un lien entre des terres que la présence de la mer semble avoir dissociées. Les noms des îles de la Grèce, évocateurs de ses traditions littéraires et intellectuelles tout autant que de ses dieux et de ses héros, ne sont pas seulement devenus des objets de la projection touristique. Ils sont aussi les noms de décisions politiques : noms de lieux de déportation et d’enfermement, comme ils sont devenus, dans les politiques européennes contemporaines, des espaces de réalisation tout autant du désir d’accueil que de la violence et de l’absurdité des politiques migratoires. Lesbos, d’où vient la poésie de Sapho, est actuellement un lieu emblématique de cette violence. Makronisos, face au temple de Poseidon sur le cap Sounion, était le lieu de torture privilégié de la dictature de Métaxas et Georges II (de 1936 à 1941), puis de l’Occupation allemande (de 1941 à 1944), avant de devenir celui de la junte des colonels de 1967 à 1974. Ikaria, dont la mythologie dit qu’elle est née de la chute d’Icare, était pendant la guerre civile grecque, de 1946 à 1949, un lieu de déportation des communistes. Devenue par cela même un espace de solidarité de la population locale, et le point d’ancrage d’une transmission des traditions de gauche. L’un de nos interlocuteurs, médecin de santé publique, nous en fait le récit autobiographique, comme origine de son propre désir militant, dans l’expérience fondatrice d’un rapport de classe :

Mon père avait son cabinet de médecine, avec une dame comme secrétaire qui était de l’île d’Icaria. Elle habitait chez nous comme bonne. Là, on a reçu une très importante influence, parce que c’est elle qui était en charge des enfants. On est allés maintes fois dans son village sur cette île. Et cette île est l’île communiste de la Grèce. On reste encore avec toute cette famille qui est restée notre famille : on est en famille. Il y avait une tension entre ma mère et cette dame, parce que ma mère voyait l’influence. Elle disait : « C’est moi la mère, ici ! ».

Cette configuration de l’archipel produit aussi une subversion des liens de solidarité familiale en même temps qu’une reconfiguration des consciences et des rapports de classe.

Et la grande île de Crète, inscrite depuis les guerres balkaniques de 1912-1913 dans l’appartenance grecque, sera en fait le point d’origine, en 2011, d’un vaste mouvement de solidarité envers des migrants grévistes de la faim pris en charge par les médecins militants de Thessalonique. L’une d’entre eux nous en fait le récit :

En 2011 (janvier et février), en Crète, un groupe de migrants a décidé d’organiser une grande grève de la faim. Ils étaient essentiellement originaire d’Afrique du Nord : Égypte, Maroc, Algérie, Tunisie. C’était avant le printemps arabe. Ils étaient travailleurs agricoles en Crète. Ils ont formé un groupe avec des responsables politiques crétois. On en a discuté pendant deux mois, et on a dit OK pour les aider. Ils ont voyagé jusqu’à Thessalonique.

Nous, comme équipe médicale, on était très engagés pour quinze d’entre nous (médecins et infirmiers). Certains avaient des complications graves, et il fallait être là tout le temps. La grève a duré quarante-cinq jours. Elle s’est arrêtée parce qu’ils ont gagné : ils ont eu des papiers, la permission de travailler et d’avoir des documents de travail, de voyager en Grèce pour rendre visite à leurs familles. Plus tard, on a eu plus de travail, pour les syndromes de réalimentation et pour les complications importantes. Mais, face à tout le système politique, le mouvement était très uni, même si c’était à partir de points de vue différents : trotskystes, anarchistes, groupes de gauche. On a créé quelque chose et ça a marché : après, on était très forts et très unis.

La question de la santé ne concerne donc pas seulement les corps, mais la possibilité de créer du commun aussi bien que du conflit entre les sujets. Et l’archipel en est une des figures. Comme il devient aussi une figure de l’internationalisation des luttes.

C’est donc dans une solidarité internationale que peuvent se penser les formes de lutte contre des modes de gestion globalisants, et c’est pourquoi la question des migrations tient une place centrale dans une telle configuration de l’énergie politique. Un texte du philosophe Étienne Balibar, paru en 2002, s’intitulait « Ce que nous devons aux sans-papiers ». Ce « nous » dit clairement la proximité éprouvée à l’égard de ceux dont la nationalité est supposée « étrangère », là où la distance devient abyssale à l’égard d’une direction politique supposée « représentative ». Et cette question de la représentation, dans toutes les modalités de ses perversions, est devenue un enjeu central non seulement des politiques de santé, mais de la santé politique des populations tentant de vivre actuellement, sédentaires ou migrantes, dans un espace européen clairement dévoyé.

2. Figures de la santé politique

J’ai donc mené, pendant cet été 2017 une cinquantaine d’entretiens, de longueur variable (entre un quart d’heure et deux heures), mais d’intensité constante, avec des personnes dont l’âge variait de 14 à 74 ans, de statuts sociaux différents et d’origines différentes.

Rien ne s’est passé comme je l’avais prévu : le dispensaire solidaire de Thessalonique, où j’avais l’intention de faire ce terrain, a fermé le lendemain de notre arrivée. La frontière Est avec la Turquie, où nous avions l’intention d’aller, s’est avérée un trajet trop long pour le temps dont nous disposions. Les camps de migrants, où j’avais l’intention de mener des entretiens (comme on l’avait fait en Pologne en 2008), se sont avérés d’accès difficile par la méfiance que suscitait souvent notre projet.

En revanche, des pistes que nous n’avions pas envisagées se sont ouvertes :

– l’entreprise Viome, reprise par les travailleurs dans une perspective autogestionnaire avec la recherche des soutiens internationaux

– la mine d’or de Skouries, rachetée par un société canadienne avec les luttes pour exiger sa fermeture pour cause de pollution massive.

Des luttes pour ne pas fermer, des luttes au contraire pour fermer.

À cet égard, il nous est bien apparu, par les entretiens menés et les rencontres, à Viome comme à Skouries, comme avec les équipes des dispensaires solidaires, qu’une puissante interaction fait de l’énergie collective et du sens de la responsabilité commune, dans ses modes clairement autogestionnaires, une condition fondamentale de la santé au sens le plus organique du terme. Soigner dans des dispensaires, ce n’est pas fournir du soin, mais c’est envisager la dimension thérapeutique de l’énergie collective. Et sur ce point, la pensée politique de Spinoza, portée par l’idée d’une puissance vitale co-active, et de ses modes de revendication, nous est apparue comme adéquate aux nécessités contemporaines auxquelles nous sommes affrontés :

Par bien j’entends ici tout genre de Joie et tout ce qui, en outre, y mène, et principalement ce qui remplit l’attente, quelle qu’elle soit. Par mal j’entends tout genre de Tristesse, et principalement ce qui frustre l’attente. Nous avons en effet montré que nous ne désirons aucune chose parce que nous la jugeons bonne, mais qu’au contraire nous appelons bonne la chose que nous désirons.2

Le moment de la création du dispensaire solidaire de Thessalonique est décrit dans les termes de l’énergie politique qui ne transmet pas seulement de la force (ou ce que Spinoza appelle de la joie) à ceux qui en bénéficient, mais à ceux-là mêmes qui s’y engagent. Et l’idée même de la solidarité a pour finalité que ceux qui en bénéficient puissent aussi s’y engager, comme l’analyse l’une de ses actrices psychologue :

Ça m’a beaucoup aidée, de m’impliquer dans la clinique de solidarité. Je pense que quand on se sent impliqué, ça n’aide pas seulement les autres, mais soi-même. D’abord et avant tout, je voulais faire cela. J’étais dans la même position qu’eux : je n’avais pas de travail stable. J’allais d’une ville à l’autre, les gens étaient d’accord, ils avaient la même idée, on était impliqués en même temps. On était vraiment enthousiastes, alors même que la situation était mauvaise.

Cette situation mauvaise, c’est celle de 2011, où le gouvernement grec de droite, sous pression de la troïka, prend une série de décisions véritablement criminelles sur le plan de la santé :

La première loi qui a interdit les migrants et les a rendus illégaux est tombée cette année-là. Et trois mois plus tard, c’était la fermeture de l’accès direct aux soins pour les Grecs. En quelques mois, trois millions de personnes n’ont plus eu de couverture sociale : un demi-million de Grecs, et des non-Grecs, sur les dix ou onze millions d’habitants que compte la Grèce. Et cela à cause de la Troïka.

La décision de créer la clinique solidaire apparaît comme une véritable riposte, un tir de barrage. Et elle doit se faire avec l’efficacité stratégique de la rapidité, sur laquelle insiste une autre de ses actrices :

Nous avons donc décidé qu’on voudrait créer et être capables de faire vivre une solidarité sociale. On s’est sentis très forts, c’était le bon moment. On ne demandait aucune aide financière : ni à l’union européenne, ni à un marché, ni à un groupe institutionnel. On essayait d’avoir de l’aide des citoyens et non des groupes politiques.

Très vite, le premier mois, l’aide est arrivée. Le secrétariat avec Eva. En deux-trois mois, on avait un groupe. Très vite. Très vite, le groupe est devenu de plus en plus important : quatre-vingt médecins ont accepté d’être référents et qu’on leur envoie des patients. Ils croyaient en nous, et ont accepté chacun cinq patients par mois en référence. On a été très actifs, dans un sens politique, pour créer un mouvement, pour rendre le projet légal. On a été très actifs dans le sens de changer la loi. On était en lien très étroit. On n’était pas comme MSF ou MDM : on faisait un travail politique contre la troïka.

Cette vitesse stratégique va de pair avec une pensée politique du droit. Mais dans le même temps, elle crée une énergie collective qui est un contre-feu à la violence de la décision des dirigeants. Elle produit, par la vivacité même de sa riposte, de la santé politique.

C’est cette santé politique que produisent aussi les universitaires de Thessalonique, en allant informer les gens sur le terrain, dans les écoles, pour permettre que les enfants de migrants y soient intégrés, et opposer ainsi un autre contre-feu à la propagande de l’extrême-droite. L’un d’entre eux en fait le récit :

C’était très facile qu’il y ait des réactions fascistes, mais je suis sûr que la réaction de l’accueil était beaucoup plus grande et stable. Des structures de solidarité atypiques ont été trouvées. On a aussi parlé dans les écoles. On avait au début les réactions des parents. Là, les fascistes ont joué très bien : ils ont multiplié la peur des gens, sur les problèmes de santé en particulier. On a joué beaucoup : on a fait une campagne intense dans les différentes écoles de la région, et on se bagarrait avec les fascistes devant les parents. Et on a gagné.

Ces contre-feux, ils les ouvrent aussi à Skouries, en allant informer la population de Megali-Panagia des risques majeurs, en termes de santé publique, que présenterait l’exploitation de la mine. Le mineur, que j’interroge dans le campement alternatif où s’organise une partie des luttes, se souvient de cette intervention des médecins de Thessalonique qui a déterminé son choix d’opposition :

Pourquoi as-tu décidé de militer contre l’ouverture de la mine de Skouries, alors que tu étais en retraite ?

Le comité « Panagia » a informé les gens et invité l’université de Thessalonique pour expliquer la situation. Et j’ai très vite compris que c’était plus grave qu’avant, grâce aux explications de ces invités. Beaucoup de monde a été convaincu que c’était dangereux. Même si ensuite, avec l’argent, ils ont changé de camp. Pendant des années il y a eu une campagne d’information. Ils ont commencé par lire le projet de la société Eldorado.

Ce qui détermine ce mineur, et bien d’autres habitants du village de Megali Panagia proche de la mine de Skouries, à refuser l’ouverture de la mine, c’est cette intervention de médecins et chercheurs venus s’associer aux militants locaux pour expliciter les raisons rationnelles de ce refus, et soutenir le combat qui le porte. Solidarité entre classes, entre compétences diverses, qui est l’une des définitions majeures de la santé politique, par l’impact qu’elle a sur la défense de la santé physique.

Et cette énergie politique se retrouve dans le combat de Viome, dont une cinéaste militante dit, à propos de l’ouvrier qui en est la figure charismatique :

Makis arrive à formuler ses pensées, il arrive à tirer vers le haut. Son souci est d’avoir de la participation, mais il ne veut pas diriger. Tous les jours, une ou deux heures, ils se retrouvent pour prendre les décisions. Il y a des moments où ils font des heures de discussion. Il faut rayonner et faire qu’il y ait des synergies, qu’ils ne soient pas poussés dehors. Ces gens-là de Viome, et les solidaires, essaient de mettre au monde quelque chose. Au moins, ils résistent. Ce sont des étincelles, et ça vaut la peine de les soutenir.

Un autre ouvrier de Viome nous dira quelle force peut donner l’idée même de solidarité, dans les combats qu’ils mènent pour reprendre en mains leur entreprise :

Il s’agit de créer un mouvement de solidarité avec des comités locaux, car il s’agit aussi d’unité des travailleurs. C’est très important d’avoir une campagne pour les membres. Et que ce soit de la solidarité, non de la charité. La charité, si c’est pour rien, ça crée des problèmes. La solidarité, ça vient du dialogue, d’un soutien. La solidarité permet de soutenir aussi sa famille. Et de chercher à faire de bons produits organiques. On veut produire de façon à la fois accessible (à bas prix) et qui nous rende fiers.

3. Figures des perversions du politique

Mais le contexte dans lequel nous arrivions, à l’été 2017, donnait un sens particulier à ces solidarités. L’année 2015 a en effet été, pour l’ensemble de la gauche radicale grecque et des mouvements solidaires, une véritable conflagration. En janvier, le parti qui la représentait (Syriza : Coalition de la Gauche Radicale) a remporté la victoire aux élections législatives anticipées, frôlant la majorité absolue, sur un programme anti-austérité, contestant les exigences de la troïka (Commission Économique Européenne, Banque Centrale Européenne, Fonds Monétaire International) qui menaient le pays à sa ruine sociale. Et celui qui était, depuis 2012, le président du mouvement, devenait de ce fait Premier ministre, provoquant non seulement une véritable liesse populaire, mais une dynamique transnationale.

Six mois plus tard, en juin 2015, il organisait un referendum pour soutenir sa position face à la troïka autour de la question de la dette grecque, refusant le plan d’austérité, et remportait 60% des voix. Mais en juillet, à l’encontre de ce double soutien massif de son propre électorat, il mettait en place les mesures d’austérité préconisées par la troïka, dans l’actualisation d’un nouveau « memorandum » de la dette publique.

Cette décision, véritable coup d’État politique par le retournement qu’elle opère, n’a pas eu seulement pour effet de livrer le pays à la prédation des banques européennes. Elle a eu aussi l’effet, beaucoup plus pervers, de plonger l’électorat de gauche et les militants dans une redoutable injonction paradoxale. Car, dans le temps même où se mettait en place cette trahison de la représentativité (réforme du régime des retraites, de la législation du travail, etc.), le gouvernement prenait aussi à la marge quelques mesures sociales, parmi lesquelles, sur le plan de la santé, l’accessibilité aux soins pour tous.

Et les militants de Viome ou de Skouries savaient que ce gouvernement, qui avait cessé de soutenir leurs revendications, était malgré tout le plus à même de tenir encore un tant soit peu à distance leurs ennemis. La désorientation politique s’accompagnait donc, dans bien des cas, et précisément chez les plus engagés, c’est-à-dire aussi ceux qui risquaient le plus, de la nécessité de temporiser, à l’encontre même de leur propre culture militante. Les ouvriers de chez Viome savaient que, si Syriza quittait le pouvoir, l’usine serait définitivement fermée et le terrain vendu. Et les protestataires contre l’ouverture de la mine d’or de Skouries savaient que leur campement sauvage serait rasé et leurs activistes exposés à la violence des MAT (police anti-émeutes).

Pour les militants des dispensaires de santé solidaires, comme pour l’ensemble de la population, le choc est rude. Une psychosociologue de la clinique en parle ainsi :

Nous nous sentons tous fatigués et désappointés. La clinique de solidarité était une part du mouvement. Perdre ce pouvoir et cet enthousiasme est difficile. Ce n’était fait qu’à partir de gens, de la part de tous. L’enthousiasme originel n’est plus là. La crise a détruit quelque chose qui ne peut pas être reconstruit. La structure sociale a été détruite, et tout ce qui va avec. Les gens sont déprimés, ils ont à payer beaucoup de taxes qui augmentent et continuent d’augmenter. Le memorandum qui a été signé est insupportable, et nous savons que ça va durer longtemps.

Une médecin le dit en termes de décadence, et montre comment le risque le plus important est celui de la désolidarisation :

Il y a un déclin de ce mouvement pour beaucoup de raisons. C’est comme vivre les années de décadence. Cela se reflète dans l’aspect du mouvement. Il y avait beaucoup de divisions après que Syriza ait pris le pouvoir. L’une des problématiques initiales est de rester ensemble.

Une psychologue du Centre pour les migrants d’Arsis l’évoque en termes de dévastation :

Pour nous tous, ça a été dévastateur : on est passés du haut au bas. Ils ont enlevé l’espoir de continuer le combat. Ils ont enlevé le besoin de protester, ils l’ont éradiqué. Mais je ne peux pas les blâmer seulement eux. Après cela, les gens ont cessé d’avoir de l’espoir. On peut faire beaucoup de choses, mais pas si on provoque de la dépression. Il faut donner l’espoir d’une respiration.

Une archéologue le décrit en ces termes :

Le peuple en 2015 a donné tout ce que la gauche voulait. Il a donné son vote son soutien, le referendum. Il a donné toute sa force et tout a été perdu tout d’un coup. Le comportement de Syriza à l’égard du peuple a été le pire de tout : mener à une certaine hauteur, puis la chute absolue.

Et elle le réinscrit dans un contexte historique :

La manière dont le pays s’est constitué au XIXème siècle était aussi une mainmise occidentale. Mais au fil du temps, le pays tant bien que mal a réussi à faire son chemin. Il y a aussi eu les grandes guerres mondiales. Concernant la deuxième, es Grecs ont pu construire une identité différente, via la résistance pendant la guerre, puis la guerre civile. On voyait toujours cet indice, mais il était plus ou moins manipulable par l’État grec. Maintenant, c’est aune autre sorte de mainmise : elle fait perdre la souveraineté. Il n’y a plus du tout de démocratie ou de souveraineté : même le gouvernement grec applique mais ne décide pas.

Perte souveraineté nationale et perte de souveraineté populaire ont bel et bien, ici, le même sens : celui, précisément d’une perte de l’énergie vitale qu’un peuple peut donner à son propre pays en se sentant acteur de la décision politique : la désolidarisation que produit la perte de représentativité conduit à une dévitalisation politique traduite, sur le plan de la santé, en termes de dépression. Et une psychiatre-psychanalyste insiste sur la manière dont celle-ci ne doit en aucun cas être psychologisée. C’est un véritable acte thérapeutique d’en reconnaître la nature socio-politique :

Ce n’est pas un problème psychique, c’est un problème social visible psychiquement. C’est pourquoi il y a beaucoup de travail entre nos mains. Les familles pauvres ont plus de problèmes, et les jeunes générations en particulier. Les 35-40 ans qui perdent leur travail ont des attitudes de passivité, de somatisation et de dépression.

Beaucoup de patients ont juste besoin de parler à quelqu’un, ils n’ont pas besoin de psychothérapie. Je leur donne plutôt l’adresse d’un juriste ou d’un travailleur social. Je ne fais pas de travail psychologique avec eux : je refuse de psychiatriser. Si on leur donne des médicaments, ils se sentent malades et donc passifs. Ils doivent s’organiser, et non pas se sentir malades.

L’étroite corrélation entre santé physique, santé mentale et santé politique doit donc être explorée dans les modalités de leur interaction : le découragement, la fatigue, la lassitude, produisent au niveau micropolitique les effets organiques d’une macropolitique dévastatrice. Ils sont des modes de désolidarisation du corps social, là où, au contraire, l’énergie politique est porteuse de ce que Nietzsche appelait « la grande Santé ».

4. De la désorientation juridique à la répression policière

Du côté de ceux qui travaillent auprès des migrants, cette perte de souveraineté va accompagner les processus de globalisation, induisant une véritable désorientation juridique, sur laquelle insiste une intervenante dans les camps que j’ai pu interroger :

La loi change tout le temps, donc on n’a pas de base solide, tout dépend de l’Union européenne. On ne sait donc pas ce qui va se passer d’un moment à l’autre. Cet endroit est temporaire, ils sont là pour ne pas être mis en prison. Ils restent ici deux à trois mois, et ensuite ils cherchent un abri.

C’était plus facile de visiter les camps avant. C’est plus difficile maintenant, parce qu’il y a plus de contrôle. On dépend du ministère de l’immigration, et ça pousse à la paranoïa.

Et elle en montre l’impact sur les migrants mineurs :

Tout le procédé prend un an. Ils préfèrent donc partir illégalement sans attendre. Donc certains préfèrent aller illégalement, même ceux qui ont la possibilité d’y aller légalement parce qu’ils ont de la famille. Ils sont venus ici, ils n’ont pas de famille, ils avaient une culture différente et ils doivent être incorporés dans la nôtre. C’est difficile car ce sont des adolescents, et ils doivent apprendre une langue, aller à l’école, etc.

Il y a donc des violences ici. Beaucoup de combats entre eux ; pas à cause de leur nationalité, mais à cause de leur situation. Ce n’est pas une place sécurisée avec une vie normale.

Une autre ajoute :

J’ai travaillé à Idomeni de janvier à mai 2016, jusqu’à la fermeture. C’était complètement fou. La situation de janvier à mai changeait tous les mois, puis toutes les semaines. Les frontières ont fermé, et il n’y avait plus de centre. Des gens de Syrie, d’Irak, on ne savait pas quoi leur dire, parce que ça changeait tout le temps. Les gens se demandaient s’ils ne venaient là que pour quelques heures, c’était de mal en pis.

C’était la procédure pour l’accompagnement des enfants qui posait problème : ça changeait, d’abord tous les ans, puis tous les mois, puis toutes les semaines, puis tous les jours. On leur disait de voir sur un mois, puis dans une semaine, puis qu’on ne savait pas.

Et elle en montre les conséquences criminelles en termes de trafic d’êtres humains :

Tout le monde à Idomeni était sous la coupe des passeurs, les frontières n’étaient pas ouvertes. C’était une des choses les plus importantes que j’aie vues. C’était très difficile, et si fou tout le temps. Il y avait un hôtel près du camp, qui était très connu pour être un repaire de passeurs. C’était en partie fermé. Après Idomeni beaucoup de gens y allaient. Maintenant, l’hôtel travaille encore. Pour passer la frontière, ils avaient à faire des choses dans cet hôtel. Il y avait beaucoup de mineurs, nous ne savons pas où ils sont maintenant. Peut-être qu’ils ont passé la frontière, mais en échange de quoi ?

La désolidarisation du corps politique donne ainsi prise à l’émergence des mafias, qu’elle alimente. Une politique qui s’affirme à l’encontre du désir de savoir, à l’encontre du désir de mobilité, à l’encontre du désir de solidarité, à l’encontre du désir de sécurité, ne peut donc que s’imposer à l’encontre de ce qui fonde une existence humaine, comme à l’encontre de ce qui construit un corps politique. Dès lors donc que la représentativité a perdu son sens, la décision dirigeante ne peut se réaliser que par l’exercice de la force. C’est la même logique qui fait muter le droit, qui alimente les mafias, qui persécute les migrants et qui tente de bloquer l’émergence des mouvements sociaux. Et elle ne peut le faire que par le recours à la violence policière. Une psychologue de a clinique solidaire le dit :

Syriza est arrivé au pouvoir. Mais la situation est restée la même, la guerre de l’Europe ne finit pas. Oui nous avons une guerre.

Et l’idée en est reprise par un chercheur en sciences politiques :

En mai-juin 2011, il y a eu une véritable guerre avec les gaz chimiques : une violence directe, avec une utilisation des gaz chimiques augmentant en qualité et en quantité, un usage des armes chimiques en masse. Pas seulement pour contrôler la mobilisation, mais pour créer la peur parmi les militants et une société mobilisée dans sa majorité.

D’où la mutation de la police elle-même :

La police a pris les caractéristiques de devenir plus une armée, avec la fondation de l’Unité Delta, conçue comme une unité spéciale anti-révolte. Ce sont des fascistes. Ça a commencé en 2009, après l’expérience de 2008, pour voir comment on chasse les anarchistes et l’extrême gauche.

Et il précise :

Jusqu’en 1974, l’armée joue un rôle principal dans la vie politique en Grèce, à cause de la dictature. Mais, après la dictature, ce rôle est aboli par le gouvernement, aussi à cause de la question chypriote.

La question est : après la dictature, qui jouera le rôle politique qu’avait l’armée ? La réponse à cette question est donnée quelques années après, pendant la décennie soixante-dix, avec la fondation du MAT (forces spéciales de la police), qui sont un pilier de l’établissement du pouvoir post-dictature, et qui opèrent partout, parce qu’il y a un climat de mobilisation très important.

Analyse qui recoupe celle que propose en 2011 l’anthropologue Didier Fassin du rôle joué par la police en France :

Comment comprendre une telle rupture avec le « pacte républicain » au sein même de l’institution chargée de le faire respecter ? On a récemment souligné la militarisation de la police dans de nombreux pays, au regard de l’évolution des stratégies et des technologies, notamment dans les contextes de désordres urbains. S’agissant des BAC, cependant, un autre phénomène est à l’œuvre : on peut le qualifier de paramilitarisation. 3

Cette paramilitarisation est par excellence la maladie du système républicain, celle qui pervertit la raison d’être même d’une police, pour faire muter en politique sécuritaire l’aspiration légitime à la sécurité. La répression y devient alors la forme ordinaire et banalisée de la gouvernementalité républicaine.

5. De la gouvernementalité dans les jeux stratégiques qui la subvertissent

Mais ces effets de violence peuvent être aussi analysés dans la perspective des jeux stratégiques qui permettent de les contourner. Dans un entretien avec le sociologue Howard Becker paru en 1984, Foucault dit :

Il me semble qu’il faut distinguer les relations de pouvoir comme jeux stratégiques entre des libertés (…) et les états de domination qui sont ce qu’on appelle d’ordinaire le pouvoir. (…) Dans mon analyse du pouvoir, il y a ces trois niveaux : les relations stratégiques, les techniques de gouvernement et les états de domination.4

Ce sont ces trois niveaux qu’il nous faut maintenant interroger. Car la gouvernementalité n’est pas seulement la manière dont les États gouvernent les populations, elle est aussi la manière dont les sujets se gouvernent eux-mêmes, et dont d’autres formes de pouvoir se substituant à celui de l’Etat, produisent des effets en retour sur cette gouvernementalité elle-même. Foucault écrivait déjà, en 1978, pour son cours au Collège de France Sécurité, territoire, population :

L’État n’est peut-être qu’une réalité composite, une abstraction mythifiée, dont l’importance est beaucoup plus réduite qu’on ne croit. Peut-être, ce qu’il y a d’important pour notre modernité, c’est-à-dire pour notre actualité, ce n’est pas l’étatisation de la société, c’est ce que j’appellerais plutôt la « gouvernementalisation » de l’État.5

Que signifie une telle distinction ? Elle signifie d’une part que la question du pouvoir n’est pas nécessairement celle de l’État, et que ce dernier est bien loin d’en avoir le monopole. Pour le meilleur et pour le pire, puisque l’ultralibéralisme contemporain donne l’exemple d’une destitution de l’État au profit de systèmes de gouvernementalité globalisés, dont la situation de la Grèce est actuellement emblématique. De ce point de vue, les « états de domination » tels que les évoque Foucault sont d’autant plus puissants, violents et omniprésents qu’ils sont précisément désétatisés, comme le montrent les systèmes entrepreneuriaux de délocalisation, ou l’exemple de ce qu’on nomme « paradis fiscaux », échappant au contrôle étatique. Comme le montre aussi l’uniformisation destructrice des politiques de santé, sous une hégémonie mondialisée, la question de la santé faisant paradigme de la destruction des politiques publiques.

Mais la distinction opérée par Foucault signifie aussi le niveau des « jeux stratégiques entre les libertés ». La gouvernementalité n’est pas seulement la manière oppressive dont s’exerce un gouvernement. C’est aussi la manière subversive dont se tissent des réseaux qui, dans le même temps où ils peuvent donner prise à ce gouvernement, sont aussi susceptibles de lui échapper. Le fait qu’il y ait gouvernementalité signifie non pas seulement que l’État n’a pas le monopole du pouvoir politique, mais que ce pouvoir ne peut pas être centralisé dans une commande unique, et se présente de façon diffuse. Si toute forme de pouvoir subjective les individus, c’est-à-dire les conditionne aussi bien physiquement que mentalement, cette subjectivation elle-même ne produit pas que de l’uniformité, mais ouvre au possible de la solidarité, de même que toute éducation participe à la construction de ce qui va lui échapper.

Une partie de la gouvernementalité relève de la domination (étatique ou globalisée), mais une autre relève des « jeux stratégiques entre les libertés », c’est-à-dire qu’il y a, dans toute forme de pouvoir, du « jeu » au sens mécanique du terme : ça bouge, ça vacille, ça grince, ça ne colle pas. Et ça produit des réactions. Là se trouvent désignés, entre autres, les effets-retour qu’Internet peut permettre, et la façon dont son instantanéité peut produire des formes de réactivité, ou de contournement brutal des pouvoirs comme on l’a vu, depuis les années deux mille, avec les affaires Assange et Snowden. Et sur ce point, la cybernétique, comme art du gouvernement, est aussi destitutrice de l’hégémonie. Si elle engage des formes d’homogénéisation de la pensée, elle suscite aussi des forces plurielles, dont les effets ne sont jamais prédictibles. La grande conférence Macy de 1947, qui a lancé le concept de cybernétique, s’intitulait Feedback mechanisms and circular causal systems in biological and social systems6.

Foucault en annonçait les effets dans sa préface à L’Histoire de la sexualité :

Il m’a semblé qu’il fallait plutôt se tourner du côté des procédés du pouvoir. (…) Ce qui impliquait qu’on place au centre de l’analyse non le principe général de la loi, ni le mythe du pouvoir, mais les pratiques complexes et multiples d’une « gouvernementalité », qui suppose d’un côté des formes rationnelles, des procédures, techniques, des instrumentations à travers lesquelles elle s’exerce et, d’autre part, des jeux stratégiques qui rendent instables et réversibles les relations de pouvoir qu’elles doivent assurer.7

Que les relations de pouvoir soient « réversibles » nous dit très clairement que l’espace des « jeux stratégiques » ne doit pas être laissé aux nouvelles féodalités créées par la globalisation, mais qu’il peut être aussi investi par les mouvements solidaires permettant non pas seulement des résistances, mais des reconstructions de l’espace public. Un certain nombre de mouvements de revendication contemporains, dont l’ampleur a été potentialisée par la capacité de diffusion et de contournement d’Internet (Occupy, Nuit debout, ou les multiples modalités des « printemps arabes ») en ont ouvert comme une amorce, et peuvent nous donner à repenser à nouveaux frais le concept foucaldien de gouvernementalité. Dans un entretien de 1982, Foucault revenait sur ses propres analyses :

J’appelle « gouvernementalité » la rencontre entre les techniques de domination exercées sur les autres et les techniques de soi. J’ai peut-être trop insisté sur les techniques de domination et de pouvoir. Je m’intéresse de plus en plus à l’interaction qui s’opère entre soi et les autres.8

Ces interactions sont au cœur du rapport contemporain au pouvoir et à la solidarité. Si elles supposent une vigilance sans faille à l’égard des risques que la connexion fait courir aux libertés, elles nécessitent aussi une confiance dans les possibilités nouvelles de lutte offertes par l’outil informatique, qu’on ne peut ignorer. Diffuser une information alternative à celle des grands médias, appeler à un rassemblement, faire circuler une pétition, dénoncer les abus de pouvoir, susciter la colère, proposer de nouvelles voies ou d’autres pistes d’action, internationaliser les solidarités, sont des ambitions qui passent désormais par un outil qui, s’il est celui de la surveillance, peut devenir aussi celui de la revendication. Et de ces modalités contradictoires, il est désormais nécessaire de savoir jouer.

6. La mélancolie peut-elle constituer une dynamique politique ?

On doit donc garder en tête que la création de ce qu’on appelle « démocratie », c’est-à-dire de l’idée démocratique moderne, n’est nullement liée à un désir particulier de bienveillance des pouvoirs à l’égard du peuple, mais à la conviction très pragmatique de la nécessité d’une participation collective au bien commun, sans laquelle l’effet de parasitage ne peut que gangréner la construction économique elle-même. C’est de cette rationalité politico-économique réaliste que procédait originellement la valorisation moderne du travail.

C’est précisément à l’encontre de cette rationalité constructive que s’instaure la réalité de l’exploitation. À cet égard, la notion même de « ressources humaines » telle qu’elle se déploie dans le management contemporain, est exactement antagoniste d’un concept du travail lié à la solidarité sociale : elle renoue – en dépit du vernis contemporain que lui confère son adéquation aux processus de globalisation – avec la pensée discriminante des systèmes féodaux. Il nous paraît indispensable de mettre en évidence cet archaïsme socio-politique d’une prétendue modernisation de l’économie, et de montrer au contraire le potentiel novateur d’une pensée politique de la solidarité, rompant avec les archaïsmes charitables de la bienveillance humanitaire.

Et il nous paraît tout aussi indispensable de poser cette question : quand les principes du commun tels qu’ils étaient pensés par la réflexion politique proposée par le marxisme et les théoriciens de l’émancipation ont-ils été mis en pratique à un niveau macropolitique ? Jamais. En quoi devrions-nous donc être « déçus » par des théories auxquelles n’a pas encore été donnée la possibilité de se réaliser ? À cet égard, l’historien Enzo Traverso, dans son livre sur la Mélancolie de gauche paru en 2016, offre des perspectives éclairantes lorsqu’il écrit :

En Europe, les luttes anti-impérialistes se sont construites dans la continuité des mouvements de la résistance contre le nazisme. (…) Cette vague puissante s’est épuisée dans les années 1980. Son épilogue fut la révolution nicaraguayenne en janvier 1979, qui coïncida avec la découverte traumatique des charniers cambodgiens.9

Mais son principe nous paraît erroné lorsqu’il affirme :

Le XXIème siècle nous a donc apporté une nouvelle forme de désillusion. Après le « désenchantement du monde » décrit par Max Weber il y a un siècle – la modernité comme âge déshumanisé de la rationalité instrumentale – nous avons vécu un second désenchantement, né de l’échec de ses alternatives. Cette impasse historique est le produit d’une dialectique bloquée.10

Tenter de faire de la mélancolie un moteur de l’action politique (ce que tente Traverso), nous paraît proposer l’usage d’un moteur d’occasion qui aurait coulé une bielle pour engager la traversée d’un désert. La « bile noire », qui définit depuis Hippocrate l’humeur mélancolique et l’état dépressif qui en est la conséquence peut être une source de créativité littéraire et iconique, ou de recentrement narcissique ; on voit difficilement en quoi elle pourrait mobiliser une action politique ou une énergie collective. Si la mélancolie de gauche est une réalité incontestable, et fort bien analysée dans ses moments historiques par Traverso, elle nous paraît plutôt être un facteur d’analyse des échecs d’une pensée de gauche et de ses difficultés à se réaliser, qu’un élément de dynamisation de l’action. Et s’il est nécessaire de la prendre en compte, c’est bien plutôt pour tenter d’y trouver des parades efficaces et de réels contre-poisons. Car, clairement, le culte de la mélancolie est un luxe que le danger politique ne permet guère. Et lutter pour la santé politique ne nous paraît pouvoir se faire que dans les perspectives de la vitalité.

De fait, le regard rétrospectif ne nous offre pas que la vision de l’échec et d’une « dialectique bloquée ». Il nous offre aussi un inépuisable modèle d’énergie, de courage, d’esprit d’entreprise, de volonté collective et de sens du commun, dont le réservoir alimente la pensée autant que l’action. De ce qui a été réalisé, on peut dire que c’est sorti du possible pour entrer dans l’ordre du réel ; et de ce qui a échoué, on peut chercher les causes de l’échec dans des données historiques dont les soubassements restent à examiner. Enfin, de la réalité des soulèvements, on peut tirer argument non pas seulement pour dénoncer leur répression, mais pour établir leur légitimité, et, plus encore, la possibilité de leur réémergence à de nouvelles conditions.

De ce point de vue, l’activité intellectuelle n’est pas affaire de regard mélancolique sur les deuils ou la déploration, mais bien plutôt de regard prospectif en vue des mobilisations. Et le regard rétrospectif sur l’analyse des échecs ne prend son sens politique que s’il a en vue d’en tirer des enseignements stratégiques. Dans le cas contraire, il ne fait qu’offrir des munitions à l’ennemi.

Qu’une pensée de gauche ne se définisse pas du côté du pouvoir, ne signifie pas pour autant qu’elle se définisse du côté des vaincus, mais bien au contraire qu’elle situe ceux qui semblent les vainqueurs temporaires dans la perspective de leurs défaites futures, et qu’elle contribue à les préparer.

1 Michel Foucault, « Questions à Michel Foucault sur la géographie », in Hérodote n°1, janvier-mars 1976. in Dits et écrits, t. II, Gallimard, 2001, p. 32.

2 Ibid., Prop IX. Scolie, p. 173.

3 Didier Fassin, La Force de l’ordre, une anthropologie de la police des quartiers, Seuil, 2011, p. 265.

4 Idem, « L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté », op. cit, p. 1547.

5 Idem, « La gouvernementalité », op. cit., p. 656.

6 Mécanismes d’effet-retour et systèmes de causalité circulaire dans les systèmes biologiques et sociaux.

7 Michel Foucault, « Préface à l’histoire de la sexualité », op. cit., p. 1401.

8 Michel Foucault, « Les techniques de soi », op. cit., p. 1604.

9 Enzo Traverso, Mélancolie de gauche. La force d’une tradition cachée (XIXe-XXIe siècle), La Découverte, 2016, p. 19.

10 Ibid., p. 17.

 

Communiqué clinique sociale Helliniko

Par rédaction

communiqué du 21/06/2018 du Collectif de la Clinique Métropolitaine Sociale d’Helliniko (CMSH)  traduit en français par le collectif France Grèce solidarité  pour la santé

  La Solidarité est l’arme la plus puissante – Notre mission se poursuit

  Lien vers le texte anglais du communiqué du Collectif de la Clinique Métropolitaine Sociale d’Helliniko (CMSH) :

http://www.mkiellinikou.org/en/2018/06/21/solidarity-is-the-strongest-weapon

  La Clinique Métropolitaine Sociale d’Helliniko était menacée d’expulsion et de fermeture. Mais la solidarité et le soutien de la Grèce et de l’Europe nous ont permis de rester et de poursuivre nos activités. La CMSH (MKIE) installée dans des locaux de l’ancienne base américaine ne sera pas expulsée ni fermée. L’expulsion prévue pour le 30 juin 2018 a été reportée, alors que le gouvernement a promis d’aider à la recherche d’une nouvelle installation appropriée.

La CMSH (MKIE) continuera de fonctionner dans ses locaux actuels, où elle se trouve depuis la fin de 2011.

  Cela signifie qu’au moins pour l’instant la clinique ne sera pas expulsée selon l’ultimatum reçu de la société d’Etat « Elliniko SA » le 31 mai 2018 (communiqué de presse du 01/06/2018). Plus important encore, le gouvernement a promis de soutenir le transfert de la CMSH (MKIE) dans un lieu approprié pour qu’elle poursuive son œuvre.

Toute solution proposée sera discutée par les volontaires. Mais en attendant, nous pouvons poursuivre nos efforts pour soutenir et aider les personnes les plus touchées par la crise.

La bonne nouvelle nous est parvenue au moment où nous tenions une conférence de presse le 14 juin sur la situation de la CMSH (MKIE).

  La Clinique a été créée en décembre 2011 au début de la crise économique grecque qui a privé des milliers de Grecs des soins de santé en raison du chômage et de la fermeture des entreprises. De décembre 2011 à aujourd’hui, la CMSH (MKIE) a traité 7 366 patients et a effectué plus de 64 025 consultations de patients.

  Cette issue positive est le fruit d’un soutien sans précédent de la part d’individus et d’organisations de Grèce et de toute l’Europe. Le compositeur Mikis Theodorakis a immédiatement publié une lettre de soutien. Des centaines de citoyens, de groupes de solidarité, d’universitaires, de journalistes et d’autres Dispensaires Sociaux en Grèce ont ensuite mené des actions et envoyé des messages au gouvernement. Cela a certainement fait la différence.

Les manifestations devant le consulat grec à Bruxelles par les syndicats belges ont fait la différence. Le soutien de plus de 130 universitaires et médecins du Royaume-Uni et de l’Allemagne a fait la différence. Et l’intervention énergique de l’eurodéputée allemande Rebecca Harms (Verts) qui a demandé au Parlement européen d’empêcher l’expulsion et la fermeture a certainement fait la différence.

L’énorme vague de soutien a confirmé notre décision de maintenir le cap, non seulement pour ceux qui dépendent de nous, mais aussi pour la cohésion de la société.

  Nous ressentons une immense reconnaissance et nous remercions tout le monde pour leur amour et leur solidarité, pour leur soutien et leur détermination

Toutes ces personnes travaillant ensemble ont fait la différence. La solidarité est une force positive puissante. Votre soutien a renversé le courant.

Nous nous engageons à ce que la CMSH (MKIE) continue dans sa voie de servir avec humanité et respect, avec dignité, solidarité et résistance.

CLINIQUE SOCIALE MÉTROPOLITAINE D’HELLINIKO

Working Hours
(MONDAY – FRIDAY 10:00 – 20:00)  and (SATURDAY 10:00 – 14:00)
CONTACT PHONE NUMBER: +30 210 9631950
ADDRESS: Inside the old American Military Base,
(200m away from the Traffic Police of the Municipality
of Helleniko, next to the Cultural Center of Helleniko)
Post code TK16777, Elliniko, Attiki, Greece
Website: http://www.mkiellinikou.org/en/
Email: mkiellinikou@gmail.com

Centre de santé Elleniko menacé d’expulsion

Par rédaction

Grèce. L’immobilier de luxe chasse un dispensaire social

Vendredi, 15 Juin, 2018 Rosa Moussaoui l’Humanité

Le centre de santé solidaire d’Elleniko, fondé en 2011, a reçu un avis d’expulsion. Il doit quitter les terrains de l’ancien aéroport, cédés au milliardaire Latsis.

L’ultimatum est sans appel. Soignants et patients doivent déguerpir avant le 30 juin. Installé sur les terrains de l’ancien aéroport d’Athènes, le dispensaire social d’Elleniko est prié d’évacuer les lieux par la société chargée de liquider le foncier. Sans proposition alternative d’hébergement. Fondé en 2011 par le cardiologue Giorgos Vichas, ce lieu a pourtant fait la preuve de son utilité publique, dans la longue nuit austéritaire qui s’est abattue sur la Grèce. De la médecine générale à l’oncologie, plus de 90 praticiens bénévoles y dispensent gratuitement des soins aux patients de toute la région Attique privés de couverture sociale après la perte de leur emploi. « Au mois d’août 2011, j’ai assisté à un concert de Mikis Theodorakis, notre grand compositeur. Il a fait un discours passionné et il a dit, entre autres, ce que je pensais depuis un bon moment, que les médecins devaient entreprendre quelque chose pour aider les gens ayant perdu leur assurance-maladie. Cela m’a beaucoup perturbé, raconte le Dr Vichas. Le concert a eu lieu ici, sur le terrain de l’ancien aéroport. Alors, j’ai eu une idée : il y avait tous ces locaux vides et j’ai pensé qu’on pourrait établir un centre de santé libre dans un de ces bâtiments. Le maire était prêt à nous aider. Il nous a prêté ce bâtiment tout en prenant en charge les frais d’électricité et d’eau. »

Depuis, ce centre de santé, ouvert tous les jours de 16 heures à 20 heures sans jamais désemplir, a rendu possibles 64 000 consultations médicales. Les malades peuvent aussi s’y procurer des médicaments collectés par des réseaux de solidarité. L’expérience d’Elleniko a essaimé dans toute la Grèce, qui compte aujourd’hui une cinquantaine de structures de santé de ce type, organisées sur le mode de l’autogestion démocratique et de l’indépendance économique et politique. Pour ceux qui offrent leur temps pour les faire vivre, médecins, dentistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues, il s’agit de faire face à l’urgence, tout en revendiquant le rétablissement d’une couverture sociale pour tous.

L’oligarque s’est porté acquéreur d’une vaste friche de 620 hectares

Si le dispensaire social d’Elleniko doit aujourd’hui faire place nette, c’est que les terrains de l’ancien aéroport ont été privatisés. Comme les ports d’Athènes et de Thessalonique, les quinze aéroports régionaux, la Compagnie des eaux d’Athènes, l’opérateur ferroviaire Trainose et tant d’autres actifs de l’État grec, ces terrains font partie des biens publics soldés sur ordre des créanciers d’Athènes. Ils sont aujourd’hui livrés à la spéculation immobilière. Le bénéficiaire de cette opération ? Lamda Development, une filiale du groupe tentaculaire sur lequel règne le milliardaire grec Spiros Latsis (banque, immobilier, pétrole, construction navale). Allié à un consortium d’investisseurs chinois et émiratis, cet oligarque s’est porté acquéreur, à prix cassés, de cette vaste friche de 620 hectares en bord de mer, qu’il destine à l’immobilier de luxe. Montant de la transaction : 915 millions d’euros. Les travaux d’aménagement des réseaux d’eau et d’électricité restent, bien sûr, à la charge de l’État. On parle même d’une autoroute qui pourrait relier le futur complexe immobilier au nouvel aéroport. L’affaire est belle. Sa négociation a été facilitée par une certaine Evangelia Tsitsogiannopoulou, experte en spéculation immobilière, qui a occupé, d’avril 2015 à mai 2017, les fonctions de directrice exécutive du Taiped, le fonds chargé de liquider les biens publics grecs. Elle en est toujours, aujourd’hui, administratrice. Il se trouve qu’elle a fait ses premières armes dans le monde des affaires… chez Lamda Development. Les Grecs ont une expression très imagée pour décrire ces arrangements entre amis : ils parlent des « intérêts enchevêtrés » que cultive l’oligarchie. Spiro Latsis en est familier : il se trouve au cœur d’autres transactions litigieuses liées à l’acquisition de biens publics. En 2015, dans un rapport de 200 pages, le parquet anticorruption concluait à la sous-estimation de la valeur raisonnable de 28 bâtiments publics cédés à deux établissements financiers, Ethniki Pangaia et Eurobank Property, filiale de la banque grecque Eurobank, propriété de Latsis. Montant du préjudice pour l’État grec : 580 millions d’euros. L’enquête avait abouti à la mise en examen de six experts et membres du conseil d’administration du Taiped pour « abus criminel de biens sociaux ». Tous ont finalement été relaxés sous pression de Bruxelles, qui conditionnait le versement à Athènes d’une tranche de prêt de 7,5 milliards d’euros à la levée des poursuites. « Des marges de manœuvre satisfaisantes devraient être garanties à tous les experts européens qui aident la Grèce à redresser son économie », avait alors justifié le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas.

Le dispensaire social n’est pas la seule structure d’intérêt public menacée par l’obscure privatisation des terrains d’Elleniko. Ceux-ci accueillent aussi les locaux de la municipalité, des écoles, des clubs sportifs. Opposés à ce bradage comme au bétonnage de leurs 3,5 kilomètres de côte appréciés des promeneurs, les riverains ont multiplié les recours jusqu’au Conseil d’État, qui a finalement donné, en février, son feu vert à la transaction. Un appel de soutien au centre de santé d’Elleniko circule ces jours-ci en Grèce et bien au-delà de ses frontières. Ses signataires soulignent son « immense contribution sociale et humanitaire » et sa valeur d’« exemple novateur de gestion communautaire des biens publics et de l’espace urbain ». Aux antipodes des arrangements entre « experts européens » et gros affairistes pour braquer tous les biens communs, ils appellent à soutenir la lutte du dispensaire social d’Elleniko « pour continuer sur la voie de la solidarité, de la dignité, du respect et de l’humanisme ».

Une pétition contre l’expulsion de la clinique d’Elliniko

Par rédaction

Invitation à signer la pétition en ligne pour soutenir le Dispensaire Social d’Elliniko, en Grèce, menacé d’expulsion suite à la privatisation du site.

 Le lien est le suivant :  https://chn.ge/2JQMVYR 

SOUTIEN A LA CLINIQUE SOCIALE METROPOLITAINE D ELLINIKO.

POUR SON MAINTIEN , CONTRE SON EXPULSION :

La compagnie d’Etat ELLINIKO S.A. a publié la semaine dernière un ultimatum demandant à la clinique sociale d’Elliniko (MKIE) d’évacuer les locaux où elle exerce depuis sa création, dans l’enceinte de l’ancien aéroport public d’Elliniko ; cet ultimatum a pour objectif de faciliter la privatisation du site (exigée par les créanciers, prévue par le mémorandum signé par le gouvernement grec), malgré l’opposition de toutes celles / tous ceux qui y réclament la création d’un parc métropolitain, espace vert d’activités culturelles, sociales et sportives ouvertes à tou.te.s.

L’Etat demande ainsi à la clinique de vider les lieux d’ici le 30 juin 2018, sans proposer de solution alternative (installation dans un autre bâtiment public). Cette expulsion met donc en danger l’activité même de la clinique.

La clinique sociale d’Elliniko a été fondée en décembre 2011 dans la lancée des vastes mobilisations de la place Syntagma.

Elle incarne depuis lors la réponse des citoyens socialement actifs et sensibles à la violence de la crise et à l’austérité imposée au plus grand nombre par un petit nombre de décideurs.

La clinique sociale d’Elliniko est une structure emblématique du mouvement des dispensaires sociaux autogérés grecs apparus pour résister aux conséquences sanitaires de l’austérité massive imposée au peuple grec avec les mémorandums par la troïka (banque centrale européenne, commission européenne, fond monétaire international)

Son principal objectif est de fournir des services de santé et des médicaments gratuits à toute personne non assurée, sans emploi, sans ressources — aux premières victimes de la crise abandonnées par les services de santé publique. Le centre, depuis sa fondation, revendique dans le même temps des soins médicaux gratuits et universels.

En plaçant les êtres humains — et non la maladie — au centre de sa pratique de soins, son action défend et illustre une autre façon d’organiser et de penser la prestation de services de santé.

Fondé sur l’auto-organisation, l’autonomie, l’horizontalité, radicalement indépendant des pouvoirs politiques ou économiques, le MKIE inspire et rassemble des centaines de bénévoles. Tout au long de ces années, ces bénévoles ont reçu et accompagné près de 7.400 patients, à l’occasion de plus de 64.000 consultations. Ses besoins sont par ailleurs soutenus par des actions de solidarité développées, en Grèce et à l’étranger, par des milliers de personnes.

La clinique sociale d’Elliniko répond depuis ses débuts aux besoins de personnes habitant dans toute la région de l’Attique, et au-delà. Il a offert ses services aux camps de réfugiés, à des ONG et des hôpitaux publics. Le centre d’Elliniko veut continuer sans aucun obstacle ses activités ; le besoin en est toujours aussi pressant. Pour cette raison, son personnel est déterminé à lutter côte à côte avec ses patients et celles et ceux qui le soutiennent.

Nous, soussigné(e)s reconnaissons l’immense contribution sociale et humanitaire du MKIE. Nous voyons en outre en lui un exemple novateur de gestion communautaire des biens publics et de l’espace urbain, un incubateur d’approches novatrices en matière de pratiques de santé, un espace où de nouvelles relations sociales et de nouveaux savoirs sont produits.

Nous le soutenons sans réserve dans sa lutte, sur la voie de la solidarité, de la dignité, du respect et de l’humanisme et demandons aux autorités grecs de permettre le maintien des activités de la clinique sociale métropolitaine d’ Elliniko.

PREMIERS SIGNATAIRES :

Danielle MONTEL,  militante CGT, pharmacologue retraitée SANOFI

Jean VIGNES,   ancien secrétaire de la Fédération SUD santé-sociaux

Eric TOUSSAINT,  Porte parole du CADTM international et ex-coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette grecque instituée par la présidente du parlement hellénique en avril 2015
Héléne DERRIEN, Présidente de la coordination nationale de défense des hôpitaux et maternités de proximité

Caroline FIAT, Députée Insoumise, commission des affaires sociales de l’assemblée nationale

Patrick SAURIN, syndicaliste SUD-CADTM-membre de la commission pour la vérité sur la dette publique grecque

Roxanne MITRALIAS, militante écologiste

Alexis CUKIER, Philosophe, Université de Poitiers

Jaime PASTOR, professeur universitaire Madrid, éditeur revue Viento Sur

Vicky SKOUMBI, Rédactrice en chef de la revue grecque αληthεια

Michel ANTONY, Ancien président de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Iñaki Moreno SUESKIN,  plate-forme Navarre de la santé, Pampelune

Pascal FRANCHET, Président du CADTM France, membre du Conseil Scientifique d’ATTAC

Hélène COLOMBANI, Présidente de la Fédération Nationale des Centres de Santé (FNCS)

Frédéric LORDON, économiste,  chercheur au Centre de Sociologie Européenne

Alexis KARACOSTAS, Médecin psychiatre Paris

Miguel URBAN CRESPO , député européen  Podemos

Odile HELIER, Anthropologue

Philippe MENUT, Réalisateur du film ‘’la tourmente grec’’

Maud GELLY, Médecin, Bobigny 93, CGT

Panos ANGELOPOULOS, Traducteur

Daniel TANURO, ingénieur agronome environnementaliste

Françoise NAY, Médecin, responsable de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Pascal BOISSEL, Président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Carine ROSTELEUR, Secrétaire régionale de la Centrale Générale des Services Publics, Belgique

Patrick SILBERSTEIN, Médecin, éditions Syllepse

Jean-yves LEFEUVRE, Délégué Général de la Fédération Nationale des Centres de Santé (FNCS)

Françoise JAFFE, Infirmière Saint-Malo

Benoit BORRITS,  Journaliste Paris

Verveine ANGELI Union Syndicale Solidaires – collectif France Grèce pour la santé Paris

Jérémie BAZART, dentiste Saint-Denis 93, Syndicat National des Chirurgiens Dentiste de Centre de Santé

Angélique KOUROUNIS, Journaliste

Emmanuel KOSADINOS Médecin psychiatre Paris

Stathis KOUVELAKIS, professeur de philosophie politique au Kings ‘collège de Londres

Rosine LEVERRIER, Vice présidente de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

André LOCUSSOL, Economiste Paris, avec les grecs 56

Danièle SENE, infirmière,  Asalée Paris 18

Jean-Claude LAUMONNIER, Cadre de santé retraité

Joseph MAATOUK, Secrétaire de la Coordination Nationale de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité

Jérôme BONNARD, Porte-parole SUD solidaires-BPCE

Marie-Laure Coulmin KOUTSAFTIS, Journaliste Paris

Patrick DUBREUIL Médecin généraliste, Nantes, Syndicat de la Médecine Générale

Eliane MANDINE, Chargée de recherche  SANOFI, retraitée

Bruno PERCEBOIS, Médecin pédiatre 93, Collectif Solidarité France Grèce pour la Santé

Jean MALIFAUD, universitaire SNESUP-FSU

Christine CHALIER, Journaliste

Renè TOURIGUINE, avec les grecs 56, Bretagne Grèce Solidarité Santé

Elena PANIGOULI, Collectif solidarité France Grèce pour la santé Paris

Marc DEVOS, Collectif solidarité Grèce 67

Anne-marie FARMAKIDES, Collectif solidarité France Grèce pour la santé

Jean-claude CHAILLEY, Résistance Sociale

Jan MALEWSKI, Rédacteur de la revue Inprecor

Pieretta SAKELLARIOU, Psychologue, auteure, Toulouse

Philippe GASSER, Vice président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Alain VERREMA, Professeur d’université président de l’association ADAG (aide aux dispensaires autogérés grecs)  Strasbourg

Jean-pierre MARTIN, Psychiatre paris

Yannis YOULOUNTAS    , Réalisateur ‘’je lutte donc je suis’’

David FAROUT, Collectif Soutien au Peuple Grec Paris 5eme/13eme

Morgane NATAF, Collectif Soutien au Peuple Grec Paris 5eme/13eme

Roger CHAMP, Comite de Solidarité avec le Peuple Grec, Lyon

Catherine QUEVERDO, Collectif Soutien au Peuple Grec Paris 5eme/13eme

Michael SINODINOS, Collectif Solidarité Grèce Caen

Catherine ZAMBETTAKIS, Collectif Solidarité Grèce Caen

Jean-Albert GUIDOU, militant UL- CGT Bobigny 93

Paul CESBRON Médecin

Dominique MALHERBE, Saint Jacques de la lande

Omar KEZOUIT, coordinateur ATTAC, association ACDA (Algerie)

Philippe CHARTREUX, Saint Jacques de la lande

Janie ARNEGUY, Conseillère municipale Ensemble ! Nimes 30

Franck PROUHET, Médecin généraliste conseiller municipal NPA Canteleu 76

Jean claude SCHWENDEMANN, Président Alsace Crète

Florence SAVOURNIN, universitaire Toulouse

Marie-jean SAURET, psychanalyste, universitaire, Toulouse

Hervé RICOU, Avec les Grecs 29

Maxime BITTER, producteur

Thomas IACOBI, Journaliste

Claudine RICOU Avec les Grecs 29

Sylviane HOCHER, cadre infirmier en retraite

Comite Solidarité avec le Peuple grec LYON

Association Autogestion

Association Bretagne Grece Solidarité Santé

Association Grèce France Résistance

Collectif Solidarité grèce 67

Syndicat de la médecine générale

Union Syndicale de la Psychiatrie

Collectif Solidarité France Grèce pour la Santé

Association Solidarité Normandie Grèce

Centrale Générale des Services Publics ACOD Belgique

Centrale Générale des Services Publics ALR-LRB Belgique

Centrale Générale des Services Publics ALR Bruxelles secteur santé

Centrale Générale des Services Publics Hôpital Brugmann

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