Publications par catégorie

Archives de catégorie Luttes- Changer le système

Grèce : une chape de plomb s’abat sur le mouvement social !

Lundi 11 novembre au petit matin. Après un long silence en partie forcé, voici nos dernières nouvelles de Grèce, depuis la Crète puis l’Épire (près de l’Albanie) en passant par Athènes avec une vague sans précédent de perquisitions et d’arrestations, de fausses accusations contre Rouvikonas, la fin du procès d’Aube Dorée et Exarcheia qui devient une poudrière.

GRÈCE : UNE CHAPE DE PLOMB S’ABAT SUR LE MOUVEMENT SOCIAL !

En tout temps et en tous lieux, à chaque fois que le pouvoir s’est durci, il a toujours nommé de façon extravagante ceux qui lui résistaient. Sous l’occupation nazie ou la junte des Colonels, les opposants étaient parfois qualifiés de « terroristes ». Aujourd’hui, ce mot et d’autres du même tonneau sont utilisés à tout bout de champ contre les rebelles d’une société injuste et mortifère.

En Grèce, ce phénomène est encore plus marqué qu’à l’autre bout de l’Europe. Le glissement sémantique est total : des groupes rebelles qui n’ont jamais fait ni mort ni blessé sont montrés du doigt comme les pires criminels. Parmi ces collectifs qui ne visent que des dégâts matériels, le groupe Rouvikonas est sur le point d’être classé parmi les organisations terroristes, chose sans précédent en Europe.

Une fois de plus, la Grèce est un laboratoire du durcissement du capitalisme et de la société toujours plus autoritaire sur le vieux continent. C’est pourquoi nous souhaitons alerter nos camarades de l’autre bout de l’Europe de cette dérive : la criminalisation du mouvement social peut mener aux pires condamnations, à de longues peines de prison et, à terme, à une censure totale de nos idéaux révolutionnaires.

Ce processus s’accompagne de moyens de surveillance et de répression toujours plus importants du côté de l’État qui agit au service des dirigeants économiques et politiques. Nous sommes de plus en plus nombreux à nous retrouver dans le viseur d’un pouvoir qui n’accepte plus la contradiction et qui traque toute forme de résistance avec une violence toujours plus méthodique et perfectionnée. Ce qu’a vécu le mouvement social en France ces derniers mois se reproduit un peu partout dans le monde en ce moment, au rythme de soulèvements qui se heurtent à une répression brutale et décomplexée. Dans ce puzzle planétaire d’un capitalisme à bout de souffle, la Grèce, après une décennie de luttes exemplaires, devient le laboratoire du piège qui nous est tendu : il devient progressivement interdit de rêver, de proposer un monde débarrassé du système politique qui nous vole nos vies, et de lutter contre lui. Celui qui ose résister devient lentement un déviant à surveiller de toutes les façons possibles — avec l’appui de nouvelles technologies — et parfois à dissuader ou neutraliser avant même qu’il ait levé le petit doigt.

Voici notre alerte, camarades et compagnons du bout du monde. Nous sommes nombreux à nous inquiéter de ce glissement dans une société toujours plus autoritaire, à Exarcheia mais aussi ailleurs. Nous assistons à une inversion du sens des mots. Dans son roman 1984, George Orwell écrivait « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force ». Aujourd’hui, nous pouvons ajouter : « Le crime c’est oser défendre la vie ».

Police partout, justice nulle part

Depuis la fin du mois d’octobre, de l’avis de beaucoup, nos communications sont rendues difficiles : serveurs internet HS, ordis à la ramasse, pages facebook fermées, comptes perso bloqués, censures en tous genres, téléphones s’allumant tout seuls et autres délices de l’ère technologique. On ne compte plus les témoignages et, moi aussi, j’ai été contraint au silence quelques jours.

De plus, la surveillance rapprochée devient omniprésente, visible et parfois menaçante : une camarade qui assure avec moi la protection nocturne du squat de réfugiés Notara 26 a eu, il y a quatre jours, les pneus de sa voiture crevés à coups de couteau. Puis, alors qu’elle prenait des photos du sinistre, les policiers de surveillance se sont rapprochés et lui ont dit en ricanant :
La prochaine fois, tu feras attention !

Le lendemain, un autre compagnon de lutte qui vit à l’est du quartier a vu un policier brandir son arme à feu dans sa direction alors qu’il avait simplement demandé qu’on lui « fiche la paix » :
J’en avais marre d’être suivi, observé, asphyxié dans ma vie privée. Les services de renseignement de l’État ne me laissent plus aucune intimité et ne se cachent même plus. Il y a manifestement la volonté de faire monter la pression, de nous dissuader, de nous inquiéter.

Qui terrorise qui ?

Plus grave encore, des policiers de garde sur les postes de surveillance d’Exarcheia ont harcelé à de nombreuses reprises des femmes, mêlant les gestes à la parole. Les langues des victimes commencent à se délier et nous aurons l’occasion d’en reparler. Certains flics, au poste de surveillance de la rue Kalidromiou, évoquent souvent à voix haute un hypothétique « manque d’hygiène des filles d’Exarcheia » au prétexte qu’elles fréquenteraient « de trop près » des migrants. Quand sexisme et racisme ne font qu’un.

Durant les rondes policières qui rasent leurs fenêtres, les migrants blottis dans les squats sont également inquiétés. Ils ont entendu plusieurs fois des injonctions insultantes qui rappellent celles des nazis :
Raus !!! À la douche !!! Bientôt le grand nettoyage !!!
Les MAT (policiers anti-émeutes) ne cachent pas leurs opinions et portent parfois des écussons très explicites, entre autres signes de reconnaissance.

Parallèlement aux pressions et violences policières, les médias du pouvoir ne cessent plus d’annoncer la « fin imminente du nettoyage d’Exarcheia ». Ils évoquent l’évacuation simultanée de 4 squats autour de la place Exarcheia dont le Notara 26 et peut-être le K*Vox, base de Rouvikonas. Certains affirment que le gouvernement souhaite en finir avant les manifestations du 17 novembre, moment fort du mouvement social à la mémoire de l’insurrection contre la dictature des Colonels en 1973, autour de l’École polytechnique située à l’ouest d’Exarcheia. Une rumeur insistante parle d’un « assaut final » qui aurait lieu cette semaine. Difficile de savoir si c’est vrai, mais beaucoup d’éléments concordent.

Le pouvoir prêt à frapper fort

Durant les dernières semaines, le pouvoir s’est longuement préparé. Tout d’abord en essayant de « convaincre l’opinion publique de la nécessité d’en finir ». Un ministre a même précisé :
Nous devons sans attendre rétablir l’ordre au centre d’Athènes. Il ne peut y avoir un espace sans État ni gouvernement, cela n’est pas acceptable. La loi doit être la même partout, à commencer par le respect de la propriété privée et de l’autorité du gouvernement élu (…) Les squats sont illégaux. L’autogestion a des limites. Dans une démocratie, on ne doit pas faire n’importe quoi (sic).

Nuit de garde devant le squat Notara 26 mêlant solidaires et réfugiés.

Le dispositif policier est également prêt pour un assaut encore plus important que les précédents (déjà à 5 reprises du 26 août au 2 novembre). Les voltigeurs DELTA, avec leur motorisation légère et leur objectif purement répressif, sont maintenant opérationnels. L’annonce vient d’être faite : ils sont officiellement sur le terrain dès aujourd’hui. Par contre, leur nom a finalement changé… à cause de leur sinistre réputation ! Au lieu de DELTA, ils s’appelleront DRASI (ce qui veut dire action). L’initiale D est habilement conservée. Un peu comme si en France, on changeait le nom des voltigeurs en vadrouilleurs. Changer de nom pour tenter de faire oublier le passif, un peu comme les partis politiques et grandes firmes. Changer de nom pour que rien ne change.

De nouveaux équipements viennent également d’être livrés, sans que tous les détails ne soient communiqués. On parle à nouveau de matériel français, notamment pour les services de renseignement. Autre point important, le code pénal achève actuellement sa modification pour sanctionner plus durement toutes les formes de résistance. Paroxysme de ce durcissement de la loi, le groupe Rouvikonas, qui est considéré par le pouvoir et les médias comme le principal ennemi — parce que quotidien ou presque dans ses actions contre tous les pouvoirs — est sur le point de subir une classification en « organisation terroriste ». C’est complètement insensé si l’on compare les modes d’actions de ce collectif avec ce qu’on définissait jusqu’ici comme étant du terrorisme, en Grèce comme ailleurs.

Rouvikonas n’a jamais tué personne ? Qu’à cela ne tienne ! Le pouvoir est prêt à tout inventer pour distiller la confusion, à l’exemple d’un incroyable storytelling qui vient de se dérouler depuis deux jours à Athènes.

Désinformation médiatique concernant la responsabilité de Rouvikonas dans l’attaque du poste de police de la rue Charilaou Trikoupi.

Un membre de Rouvikonas tabassé et poursuivi suite à de fausses accusations

Dans la nuit de jeudi à vendredi, un groupe rebelle anonyme est allé attaquer le car de policiers anti-émeute situé à l’est du quartier, dans la rue Charilaou Trikoupi. Ce genre d’initiative est chose courante, très courante même, surtout depuis que le quartier est, en partie, sous occupation policière. Mais cette fois, l’attaque a, il est vrai, été plus puissante qu’à l’habitude et a pris en tenaille les MAT sous un déluge de feu, vers dix heures du soir. Une action anonyme organisée en riposte du siège d’Exarcheia et des agressions perpétrées. Ce soir-là, les cocktails Molotov ont blessé trois policiers dont un à la tête et un autre à la jambe. Une moto de la brigade DIAS a été brûlée. Sans doute le but était-il de tuer.

Mais, dans les minutes qui ont suivi, c’est tout le cœur d’Exarcheia qui a été pris d’assaut par toutes les forces de police alentours. Des dizaines de MAT ont envahi la place centrale en hurlant et ont frappé au hasard les passants, hommes et femmes, jeunes ou vieux, alors qu’ils n’avaient rien à voir avec l’attaque. La scène a duré plus d’une heure. Parmi les habitants du quartier, une trentaine se sont réfugiés à l’intérieur du bistrot nommé Kaféneio (l’un des plus vieux d’Exarcheia), mais les policiers ont tenté d’enfoncer la porte et ont menacé d’interpeller tout le monde, avant de renoncer quelques minutes plus tard. Un célèbre journaliste de la télé, accouru sur les lieux, n’a pas été reconnu par les flics et a été frappé à son tour, provoquant l’hilarité des observateurs de la scène. Dans leur déchaînement de violence, les MAT étaient en train de cogner sur leur plus fidèle allié !

Plus haut sur la place, du côté du K*Vox, plusieurs dizaines d’anarchistes et d’autres compagnons de lutte commençaient à se regrouper pour protester contre les violences policières et défendre les lieux et les personnes. Dans un tonnerre de grenades assourdissantes et un épais brouillard de gaz lacrymogène, les policiers ont réussi à attraper un manifestant et à le traîner au sol, tout en le dénudant en partie et en le frappant à plusieurs reprises. Selon plusieurs témoins, il aurait ensuite été torturé dans la rue Bouboulinas, à quelques dizaines de mètres de là, sous les hurlements rageurs des policiers. Ces derniers ont même été entendus en train de crier : « I hounda iné édo ! » (la junte est encore là). Ce camarade est très connu et ne se cache pas d’être un membre actif de Rouvikonas. C’est un ami généreux, solidaire et expérimenté, détesté par la police mais très apprécié parmi nous. Et surtout, ce camarade n’avait absolument rien à voir avec l’attaque qui venait d’avoir lieu à l’est du quartier, comme de nombreux témoins le confirment.

Si ce n’est toi, c’est donc ton frère !

Oui, mais la police voulait se venger. Elle a frappé des dizaines de personnes au hasard sur la place (à un kilomètre de l’attaque) et a fait 18 interpellations. Quand elle a vu l’état de notre camarade, sérieusement blessé, elle a procédé comme souvent : en l’arrêtant pour résistance, insultes et coups et blessures contre des policiers. Faits complètement farfelus, bien sûr ! Une pure invention, malheureusement courante quand la police passe à tabac quelqu’un. Autre fait important : toutes les autres personnes interpelées ont été relâchées sans être arrêtées. Seul notre camarade s’est retrouvé devant le juge d’instruction, puis le procureur, visiblement blessé avec une attelle et des bleus.

Pourquoi ? Tout simplement, pour être accusé seul de toutes les charges concernant l’attaque voisine contre le bus de la police. Autrement dit, il fallait clairement éviter d’associer des personnes extérieures à Rouvikonas à ce membre notoire du groupe de façon à établir la totale responsabilité de Rouvikonas dans l’opération menée contre les policiers de garde à l’est d’Exarcheia. Une opération qui visait clairement à blesser sinon à tuer, vu la méthode employée (attaque en tenaille, pluie de cocktails Molotov par surprise, groupe nombreux et rapide). Vous l’avez compris, bien qu’il n’ait aucun rapport avec les faits reprochés et malgré les nombreux témoignages qui l’attestent, notre camarade sert de prétexte pour accuser le groupe Rouvikonas tout entier de tentative d’homicide sur des policiers. L’affaire est grave et tombe à pic en pleine modification du code pénal. Pile au moment où l’article 187A va permettre à l’État de frapper lourdement le célèbre groupe anarchiste athénien. Le procès de notre camarade aura lieu dès ce 20 novembre.

Terroriste, Rouvikonas ? En réalité, le premier de tous les terroristes est, bien sûr, le pouvoir qui nous vole diversement nos vies, nous manipule en jouant sur la peur et fabrique, plus que la totalité de la complosphère, des tonnes de fake news qui ne portent pas leur nom (ce qu’on pourrait appeler la « crétinosphère » tant on nous prend pour des imbéciles). C’est ainsi qu’il se présente en sauveur, en protecteur, en rempart contre les méchants anarchistes et autres révolutionnaires qui proposent une autre façon de nous organiser, en prenant nos vies en main dans une réelle liberté, égalité et fraternité. La liberté de choisir nos vies, l’égalité sociale et politique, la fraternité universelle par-delà les peurs, les étiquettes et les frontières.

Ce qui se passe en ce moment à Athènes ne cesse de le confirmer. Comme partout ailleurs dans le monde, le pouvoir tremble, il sent que la colère gronde, que la révolte couve, au point d’exploser en différents points du globe. C’est pour cela aussi qu’il se durcit encore plus et qu’il a besoin de fabriquer des boucs émissaires pour détourner l’attention.

Terrorisme à toutes les sauces

Avant-hier matin, une vaste opération antiterroriste a été lancée dans toute l’Attique, du Pirée à Lavrio et de Megara à Exarcheia. Le contenu d’une quinzaine de perquisitions a été dévoilé par les médias du pouvoir surexcités. Au total : 5 fusils de type Kalachnikov, une mitraillette, de la dynamite, des pistolets, des grenades à gaz lacrymogène, des lance-grenades, des détonateurs et des explosifs. Cette pêche savamment préparée tombe à point nommé : l’État a trouvé un ennemi intérieur et va pouvoir justifier ses nouvelles lois, comme autrefois le Patriot Act aux États-Unis et l’État d’urgence en France. « Pour votre sécurité, vous aurez moins de liberté ». On connait la chanson !

Durant les premières heures après la découverte, les agences de presse ont volontairement entretenu la confusion sur la provenance de ces armes, sans aucune info précises sur les personnes arrêtées. Encore la faute aux migrants ? À Rouvikonas ? À un autre groupe basé à Exarcheia ? Rien ne filtrait et les rumeurs sont allées bon train, jusqu’à ce que le nom d’un obscur groupuscule soit évoqué : « Organisation d’autodéfense révolutionnaire » qui avait essentiellement attaqué l’ambassade de France en 2016 puis celle du Mexique, en solidarité avec les mouvements de lutte dans l’hexagone et au Chiapas.

Aussitôt sur tous les plateaux de télévision, le nouveau premier ministre de droite, Kyriakos Mitsotakis, a fait un orgasme :
Je tiens à féliciter le service de lutte contre le terrorisme, la police grecque et le ministère de la Protection du citoyen pour leur grand succès. Pour réaffirmer, une fois encore, mon engagement à mettre fin de manière permanente et irréversible au problème du terrorisme intérieur en Grèce.

Hier, les perquisitions et arrestations ont continué, en mélangeant tout et n’importe quoi dans la plus grande confusion, au prétexte des saisies de la veille. À 500 mètres au nord d’Exarcheia, tous les locaux de l’Université d’économie ont été fouillés de fond en comble. Idem au domicile de nombreux militants, dont des anarchistes habitant sur la colline de Strefi, membres du groupe Gare, réveillés par 30 policiers cagoulés en présence de leur môme effrayé, puis plongés la tête la première dans un panier à salade, après avoir été traînés dans les escaliers.

Une chape de plomb s’abat actuellement sur Athènes et tout le monde se retrouve menacé et traqué dans une véritable fête foraine pour policiers en manque de gauchistes et d’anarchistes. Un feu d’artifice pour les valets du pouvoir et la grande roue pour le nouveau premier ministre, piètre héritier de la dynastie politique des Mitsotakis, encore plus narcissique que le vil monarque de Prévert dans son œuvre Le roi et l’oiseau. Derrière de plus en plus de groupes et d’individus, sous toutes les formes et toutes les coutures, c’est tout le mouvement social qui est visé. Le but ultime est double : d’une part nous intimider pour nous dissuader et, d’autre part, semer la peur dans la population et faire de tous ceux qui résistent les ennemis de la paix et de la concorde. On vous l’a dit en France aussi : l’État garantit la liberté, l’égalité et la fraternité, c’est même écrit partout, alors quoi demander de plus ?

Selon que vous serez puissants ou misérables…

Bons migrants et mauvais migrants

Alors même que le sinistre camp de Moria à Lesbos vient de dépasser le seuil des 15 000 détenus en son sein (oui, détenus, car ces personnes sont bloquées, désespérées et parfois en très mauvais état de santé, dans un camp créé par l’Union européenne et prévu au départ pour 2600 réfugiés), le gouvernement grec se vante d’avoir réussi son opération « Visas d’or ». Depuis quelques années, la Grèce octroie des visas à tous les non ressortissants de l’Union européenne qui viennent investir au moins 250 000 euros dans l’immobilier sur son territoire, ce qui permet principalement à des hommes d’affaires chinois de s’installer et de se balader tranquillement en Europe pendant que les réfugiés afghans ou érythréens souffrent le martyre dans les camps et le labyrinthe odieux des services d’asile. 5300 visas d’or ont été donnés depuis 2013, dont 3400 à des riches chinois et également plusieurs centaines à des hommes d’affaires russes. C’est beau la fraternité, non ?

L’Internationale du Capital est mieux organisée que la nôtre pour nous dominer et nous exploiter. À nous de faire converger nos luttes, par-delà nos différences, pour nous libérer et prendre nos vies en mains.

En plus de cette inégalité de traitement cynique et sordide, le ministre grec de la police a dit s’inquiéter de la venue probable de djihadistes dangereux parmi les nouvelles barques de migrants qui arrivent sur les côtes de la mer Égée. Une fois de plus, le pouvoir se sert du mot terroriste pour détourner l’attention, semer la peur, stigmatiser et maltraiter des personnes qui n’ont le plus souvent rien à voir avec ce qu’on leur reproche. Depuis la nuit des temps, le pouvoir divise pour mieux régner, puis se pose en arbitre et en protecteur. Le pouvoir sème la discorde en prétendant assurer la concorde. Il ment comme il respire, rassemble les foules avec des flots de mots dépourvus de sens, bâtit des châteaux de cartes et fonde toute sa puissance sur du papier : billets de banque, titres de propriété, dette publique et privée, bulletins de vote, textes de loi, constitution… Du papier, rien que du papier dans une société hors-sol, prisonnière de son propre spectacle et coupée de la réalité d’un monde qui agonise.

Partout, le vent se lève

Il y a deux semaines, j’étais encore en Crète où la lutte contre le nouvel aéroport de Kastelli commence à prendre une autre tournure. Les premiers oliviers ayant été arrachés, la question se pose de plus en plus sur les formes possibles de la lutte. Comment résister ? Telle est la question qui circule, ici et là, en Crète, comme ailleurs. Les hypothèses se chuchotent. On se méfie. On envisage beaucoup de choses sans savoir de quoi demain sera fait.

Idem il y a une semaine, à Athènes, où je participais à un colloque organisé par Rouvikonas et la nouvelle Fédération Anarchiste de Grèce (Anarxiki Omospodia, composée d’approches et de courants divers), durant deux jours dans le théâtre autogéré Embros plein à craquer. Cela faisait des années que je n’avais pas entendu autant d’interventions si pertinentes, lucides et foisonnantes en termes de propositions. Quelque chose se passe, manifestement. Quelque chose de profond, de clair et d’intelligent. Quelque chose qui ressemble à une prise de conscience, critique et politique. Je suis sorti de ces deux jours comme réveillé, ranimé, éclairé, non pas par une quelconque avant-garde, mais par la diversité fertile de nos débats, dans une grande écoute mutuelle et sur un plan d’égalité. De mon côté, on m’avait demandé d’intervenir sur les relations, communications et solidarités internationales. Je n’ai pas manqué de transmettre votre soutien et de résumer les nombreuses actions effectuées dans plus de 60 pays du monde en soutien à Exarcheia et Rouvikonas. J’ai aussi raconté l’anecdote récurrente concernant la lettre P dans l’étoile noire. En effet, on me demande souvent à l’ouest de l’Europe pourquoi il y a un P dans le logo de Rouvikonas. D’ailleurs cela a bien fait rire la salle à Athènes. Dans l’alphabet grec, le P est tout simplement la lettre « ro », c’est-à-dire l’équivalent du R. C’est donc bien l’initiale de Rouvikonas, mais en alphabet grec !

Le crépuscule des gargouilles

Pendant ce temps, le procès d’Aube Dorée se termine enfin, six ans après les assassinats de Shahzad Luqman et Pavlos Fyssas, dans un concert de pleurnicheries nazies. Après le défilé des principaux membres de l’organisation (devenus tour à tour des girouettes à la barre du tribunal, au point qu’un des fascistes apeurés s’est même évanoui), le chef suprême des surhommes aux poignards rouges de sang a parlé en dernier, vendredi, en guise de bouquet final d’une succession de mensonges et de reniements. Les conclusions de la procureure seront rendues en janvier et le verdict au printemps. Ce procès a tellement été long et fastidieux qu’il a donné le temps à ce parti de disparaître totalement du parlement et de tomber à des scores presque négatifs, sous les assauts du mouvement antifasciste partout en Grèce. Aube Dorée approchait la barre des 10% en 2014 (9,4% aux Européennes). Il est tombé à moins de 3% en juillet et maintenant à moins de 0,5% dans les sondages ! Le carrosse est redevenu citrouille et les princes de la nuit se sont transformés en gargouilles grimaçantes, abandonnant presque tous leurs locaux en Grèce, y compris le plus grand, rue Mesoghion à Athènes. Depuis des semaines, les sous-chefs et opportunistes en tous genres démissionnent à la queue-leu-leu.

Le roi est nu. Le führer supplie même ses juges : « je ne savais pas ! » (pour les ratonnades et les assassinats) comme un vulgaire capot des camps d’autrefois. Aube Dorée n’est plus, mais le fascisme est toujours là, y compris au gouvernement et dans les rouages de l’État, plus nuisible et virulent que jamais. Un fascisme qui tente une fois de plus de détourner nos luttes légitimes contre la misère vers des préoccupations identitaires d’un autre âge, mythifiant le passé, fabriquant des boucs-émissaires parmi les plus vulnérables et ménageant ainsi le capitalisme et l’organisation autoritaire de la société. Ne soyons pas naïfs, les ratonnades et les embuscades continueront — comme celle que j’ai subie au Pirée en juin dernier et qui n’a fait qu’intensifier ma volonté de lutter. Aube Dorée n’était qu’une étiquette sur un poison, l’un des multiples noms d’un fléau universel, une facette passagère d’un problème qui reste indissociable de la société autoritaire et capitaliste qui le génère. L’étiquette est tombée, mais le problème reste entier.

C’est pourquoi ceux qui prétendent lutter contre le fascisme sans lutter contre ses causes se moquent de nous. Le capitalisme, le pouvoir et les médias du pouvoir font partie intégrante du problème et sont indissociables du monstre qu’ils génèrent. Les collaborateurs de ce système politique, économique et médiatique ne sont pas des alliés mais des imposteurs, surtout quand ils pratiquent le racisme sélectif au prétexte d’attributs que portent parfois les plus misérables parmi nous.

En attendant le verdict du procès d’Aube Dorée en Grèce, je prendrai bientôt connaissance, à une autre échelle, du verdict du mien en France. En octobre 2017, les petits frères européens d’Aube Dorée, dirigeants de Génération identitaire en France, Italie et Allemagne, m’ont poursuivi pour ma participation au sabotage de leur opération Defend Europe en Méditerranée, alors qu’ils tentaient d’entraver le sauvetage en mer des migrants par des navires d’ONG. J’ai gagné en première instance à Nice, puis perdu en appel à Aix-en-Provence, et j’attends maintenant l’audience de la Cassation qui aura lieu le 26 novembre à Paris. Je saurai probablement début décembre l’issue de cette bataille juridique menée par mes avocats Dominique Tricaud, Matteo Bonaglia et Claire Waquet. Autre accusé à mes côtés, mon ami Jean-Jacques Rue est impatient de savoir ce que va décider la Cour de Cassation. Cette décision sera hautement symbolique vu les circonstances. Je vous tiendrai au courant du verdict dès que j’en prendrai connaissance. Je remercie vivement Pro-Activa Open Arms d’avoir osé témoigner à ce procès pour décrire les agissements des marins fascistes, ainsi que Pia Klemp, mon amie capitaine du Iuventa puis du Sea Watch, qui nous a également beaucoup aidés à Exarcheia.

Les Justes d’aujourd’hui

À l’inverse de cette haine égoïste, crétine et dangereuse, de nombreux solidaires viennent en aide aux réfugiés et migrants, parfois dans des conditions très difficiles, par exemple après avoir réussi à les aider à revenir des sinistres camps conçus par l’Union européenne après les rafles policières dans les squats. C’est notamment le cas d’un instituteur athénien qui nous rappelle les Justes d’autrefois, prenant des risques vis-à-vis de sa hiérarchie et, parfois, de la police, et mêlant sa volonté d’une pédagogie moins autoritaire à des actes concrets de lutte et d’entraide. Cet instit formidable met en œuvre quotidiennement la Pédagogie Freinet dans sa classe, invitant à la coopération plutôt qu’à la compétition, et agit aussi en dehors, jusqu’au domicile de certains enfants et de leurs parents épouvantés par l’expérience des camps. Cette belle histoire qui peut nous servir d’exemple sera également dans notre prochain film(1).

Je viens également de passer en Épire, dans le nord-ouest de la Grèce, tout près de la frontière albanaise, au milieu de montagnes pittoresques et de grottes camouflées qui témoignent du temps de la résistance. C’est sur cette terre sauvage que l’État grec autorise désormais des multinationales à entreprendre des recherches pétrolières et de gaz de schiste. Je vous montrerai cette lutte, parmi d’autres, dans notre prochain film « Nous n’avons pas peur des ruines ». Du nord au sud, la résistance converge de plus en plus entre les luttes de classes, sociales et environnementales, avec une même évidence : tout est politique et nécessite la remise en question profonde d’un système qui est complètement suranné, vérolé, vendu au pouvoir économique. Nous sommes chaque jour plus nombreux à comprendre qu’on ne changera pas le monde sans le transformer à la racine, dans son crédo le plus tabou, c’est-à-dire la pierre angulaire du pouvoir.

Avec Marilena et Anastassis de l’espace social libre Alimoura à Ioannina, dans la lutte contre les extractions pétrolières en Épire, près de la frontière albanaise.

Nous n’avons plus le temps d’avoir peur

Sortir de la préhistoire politique devient une nécessité vitale. Nous organiser autrement, non seulement pour prendre nos vies en main, mais pour sauver la vie tant qu’il en est encore temps. Passer du pouvoir en tant que nom, qualifiant ceux qui nous dominent ou qui prétendent nous gouverner, au verbe pouvoir, qui signifie être en capacité de choisir chacun et ensemble nos vies. Ce n’est qu’en nous débarrassant du pouvoir en tant que nom que nous libérerons le pouvoir en tant que verbe. Ces homonymes sont aussi des antonymes. Pour pouvoir vivre libres, libérons-nous du pouvoir.

D’un bout à l’autre de la planète, en toile de fond de revendications singulières et parfois anodines en apparence, du Chili à l’Indonésie et de la Guinée au Liban, il y a un profond désir de changement qui monte jusqu’en Europe. Un désir de remise en question et de réinvention. Un désir d’en finir avec la politique à l’ancienne et son cortège de mensonges et de corruption. Un désir de ne plus laisser à d’autres le pouvoir de décider de nos vies, de nous écraser, de nous humilier et, parfois, de nous tuer.

Vendredi soir, à la fin du débat qui a suivi la projection de L’Amour et la Révolution(2) à Ioannina, une jeune femme a dit :
— Nous n’avons plus le temps d’hésiter. Nous n’avons plus le temps d’avoir peur. Nous n’avons plus d’autres choix possibles. Nous devons nous mettre en alerte et alerter tout le monde autour de nous : les choses ne peuvent plus durer, la planète n’en peut plus, tout ce qui vit n’en peut plus, l’humanité va dans le mur… Nous devons arracher le pouvoir à ceux qui prétendent nous gouverner. Nous devons arracher le bien commun à ceux qui l’ont volé et le saccagent. Nous n’avons plus d’autre choix : vivre libres ou mourir.

Yannis Youlountas

« Cher capitalisme, ce n’est pas ta faute c’est la mienne… Je plaisante, bien sûr ! C’est toi qui l’a cherché : c’est fini entre nous ! »

 

(1) Si vous voulez en savoir plus et nous aider à produire notre quatrième film Nous n’avons pas peur des ruines (conçu et diffusé comme les précédents), c’est ici :
http://lamouretlarevolution.net/spip.php?rubrique15
(ayant donné jusqu’ici la priorité à la solidarité vers Exarcheia et, plus récemment, vers la cuisine sociale, nous ne sommes encore qu’à 20% de l’appel pour nous aider à financer le film, merci de votre soutien, un nouveau point sera bientôt publié)

(2) Je ne sais pas pourquoi, mais il y a beaucoup de projections de L’Amour et la Révolution en ce moment. Par exemple samedi soir, il y en avait également une à Volos, à Monomero…

Quelques projections cette semaine en France :
Vendredi 15/11 à d’Albi, soirée de soutien à Exarcheia avec une auberge espagnole, des extraits de L’Amour et la Révolution et Sur la route d’Exarcheia, et un échange avec des personnes qui connaissent bien le quartier, à partir de 19h30 au local de Solidaires, 59 rue Sommer à Albi (org. L’Escale + Sud Éducation + Groupe Libertaire ELAFF + Attac Tarn). À peine rentré en France, je serai présent à cette projection tarnaise avec quelques surprises et plusieurs compagnons des convois solidaires passés, mais je ne pourrai pas être présent aux deux autres :
Samedi 16/11 à Quimperlé, Ne vivons plus comme esclaves au gymnase de Kerjouanneau (org. Gilets Jaunes).
Samedi 16/11 au Puy-en-Velay, Je lutte donc je suis à 15h30 à Chadrac (org. Festival Les Mauvaises Herbes).
N’hésitez pas à faire des projections gratuites de nos trois premiers films dans vos lieux de luttes : pas besoin de demander une autorisation.

Merci de votre soutien pour nous aider à écrire notre propre histoire et à produire ce quatrième film très important pour nous (qui sera gratuit sur internet, en creative commons et à but solidaire).

Source http://blogyy.net/2019/11/11/grece-une-chape-de-plomb-tombe-sur-le-mouvement-social/

Exarcheia dans Siné Hebdo d’octobre

Le quartier Exarcheia, à Athènes, est l’épicentre de la résistance aux politiques économiques qui font des ravages. La droite tente d’étouffer ce souffle libertaire, en vain.

Les législatives de juillet ont provoqué le départ de Tsipras, battu par le chef de la droite, Kyriakos Mitsotakis, fils d’un ancien Premier ministre et oncle du nouveau maire d’Athènes. Le retour des dynasties politiques… Sur le plan économique, les privatisations s’accélèrent, le droit du travail est attaqué, les régions sauvages sont données en pâture aux investisseurs : à l’ouest du pays et jusqu’en Crète, plusieurs sociétés pétrolières ont obtenu de fouiller le sous-sol marin pour positionner des plateformes en mer, à quelques kilomètres des côtes. Total et Exxon sont les grands gagnants de cette « tombola de la peur ».

À Paleiochora, dans le sud-ouest de la Crète, Manolis participe à une mobilisation contre le projet : « Ils sont fous ! Faire ça aussi près des plus belles plages de Grèce, c’est risquer d’anéantir le tourisme, la première ressource de l’île ! Tout ça pour quelques dollars en plus ! »

La grosse affaire du nouveau gouvernement est surtout politique. Le Premier ministre a annoncé qu’il allait « nettoyer Exarcheia dès le premier mois ». Ce quartier rebelle du centre-ville d’Athènes, connu pour sa forte concentration de squats, est devenu le Katmandou des anarchistes en Europe, l’endroit où il faut aller un jour, la Mecque des athées désireux de détruire le pouvoir : 1 % de la population d’Athènes, mais de l’autogestion à tous les étages et une banderole.

La suite à lire dans le Siné Hebdo d’octobre

Il sont osé : Exarcheia, Rojava, Zad de l’Amassada, les oliviers en Crète

Comprendre notre impuissance politique par Yannis Youlountas 10/10/19

Ces jours-ci, le pouvoir nous attaque partout simultanément : armada policière dans Exarcheia depuis fin août, attaque militaire contre le Rojava depuis trois jours, expulsion de la ZAD de l’Amassada dans l’Aveyron il y a 48 heures et début de l’arrachage des oliviers de Kastelli en Crète hier matin.

COMPRENDRE NOTRE IMPUISSANCE POLITIQUE

Alors qu’à Athènes, le quartier rebelle et solidaire d’Exarcheia reste partiellement occupé par la police et tente de résister aux tentatives d’évacuation des squats et autres lieux autogérés, nous vivons partout ailleurs une semaine désastreuse pour nos luttes sociales et environnementales, en particulier dans nos poches de résistance.

Le Rojava, seule enclave antifasciste et féministe au Proche-Orient, est aujourd’hui sous les bombes. Les blindés du dictateur Erdogan viennent de franchir la frontière avec la bienveillance de Trump pour écraser l’expérience antiautoritaire et écologiste Kurde, au prétexte de créer une zone de sécurité pour un million de réfugiés syriens. Erdogan ose appeler cette opération « Source de paix ». Simultanément, alors qu’il retire ses troupes au nord du Rojava, Trump en rajoute à l’inverse sur les bases américaines en Grèce et offre ses services à Mitsotakis pour renforcer la surveillance des anticapitalistes athéniens avec ses grandes oreilles militaires. Le père de Mitsotakis était, lui aussi, proche de la CIA et avait facilité l’arrivée au pouvoir de la junte des Colonels dans les années 1965-1967.

En France, une ZAD de plus vient de tomber, mardi matin : la commune libre de l’Amassada dans l’Aveyron qui résistait contre un immense projet de transfo sur un site sauvage magnifique en montagne. Malgré les renforts de dernière minute, rien n’a pu empêcher les 200 gendarmes mobiles et leurs blindés de prendre le contrôle de la zone, avec l’appui d’un hélicoptère et de plusieurs drones. Plus à l’ouest, un projet de barrage en forêt de Sivens est à nouveau à l’ordre du jour, cinq ans après la mort de Rémi Fraisse.

En Crète, ce qu’on craignait de longue date vient d’arriver avec les premières pluies : les bulldozers ont surgi hier matin à l’aube à Kastelli, prenant de vitesse tout le monde, et ont commencé à arracher des centaines d’oliviers sur les 200.000 condamnés pour faire place à un projet d’aéroport insensé. Des compagnons de lutte et des photographes sur place ont été menacés, visés et expulsés hors de la zone des travaux, la police allant jusqu’à casser du matériel vidéo et détruire les prises de vue. La zone est quadrillée depuis hier matin. L’effet de surprise a été terrible.

Le problème à la racine

Alors, pourquoi nous échouons partout ? Pourquoi, tôt ou tard, le pouvoir et ses valets parviennent à nous empêcher d’expérimenter autre chose, de nous organiser autrement et de défendre la Terre qui se meurt ?

Tout simplement parce que nous sommes naïfs (et je m’inclus dans le lot). Nous ne retenons pas assez les leçons de l’Histoire et poursuivons nos répétitions passées qui n’ont jamais rien apporté ou si peu. Nous ne prenons pas assez à la racine les problèmes et n’allons pas jusqu’au bout de la démarche nécessaire pour les résoudre définitivement.

Alors que partout dans le monde, le pouvoir nous écrase, nous appauvrit, nous humilie, nous reprend nos conquêtes sociales, nous crève les yeux, nous enferme, nous affame, nous bombarde, nous empêche de filmer, nous menace, nous frappe, nous tue et détruit la Terre, morceau par morceau, nous réagissons comme s’il était encore possible de discuter et de négocier avec notre agresseur récidiviste.

Nous nous comportons comme si nous avions oublié que le pouvoir a toujours agit ainsi et continuera tant qu’il le pourra. Ses variantes dans le temps et l’espace ont commis les pires atrocités sous toutes les formes possibles et avec tous les prétextes imaginables. Toute l’Histoire de l’humanité est là pour en témoigner.

La valse des tyrans

Aujourd’hui, on parle plus de Trump et de Erdogan, un autre jour de Mitsotakis, un autre encore de Macron, puis de Bolsonaro, Assad, Poutine, Merkel, Johnson, Junker, Salvini, Rohani, Netanyahou, Kim Jong il, Al Saoud ou encore Xi Jinping, et ainsi de suite, en oubliant que le problème n’est pas seulement l’une ou l’autre de ces personnes, haïes tour à tour, mais surtout ce qu’elles incarnent, les moyens colossaux dont elles disposent au sommet de l’État et l’attitude engendrée par leur position.

Autrement dit, le problème de fond, encore et encore, et aujourd’hui plus que jamais, c’est le pouvoir.

C’est parce que nous n’allons pas jusqu’au bout, dans notre refus du pouvoir, que continuons de subir la valse des tyrans d’un bout à l’autre du globe, d’années en années, de siècles en siècles. Les visages changent, mais le problème reste le même. Un problème simple : des gens se posent en chefs, encouragés par nos propres erreurs et se permettent de décider à notre place de nos vies.

Mais ce n’est pas tout : ces gens au pouvoir, ces VIP qui s’amusent à se faire la guerre économique et militaire par victimes interposées comme on joue aux échecs ou à la bataille navale, s’entendent parfaitement dès lors qu’il s’agit de nous empêcher de nous libérer. Car leur priorité est, bien sûr, de stopper ce qui les menacent sur leur piédestal, car si l’un d’entre eux tombait pour laisser place à une société véritablement horizontale, libertaire et égalitaire, les autres seraient aussitôt sur la sellette partout ailleurs. C’est ainsi que les différentes figures du pouvoir se sont souvent entendues, implicitement ou explicitement, par exemple contre la Commune de Paris, la révolution de 1936 en Espagne et beaucoup d’autres expériences politiques qui prouvaient à chaque fois que nous pouvions vivre autrement.

Répression et criminalisation du mouvement social

Aujourd’hui, le fait que le pouvoir frappe simultanément le Rojava, Exarcheia et plusieurs ZAD d’un bout à l’autre de l’Europe n’est pas le fruit du hasard. L’offensive du pouvoir contre toute forme de résistance ne cesse de se durcir depuis des années. Tous les mouvements sociaux en France le confirment : la violence de la répression policière a atteint des sommets dans l’hexagone et les moyens technologiques mis en place pour nous surveiller n’ont désormais plus de limites, du Patriot Act à l’État d’urgence. La réalité dépasse la fiction, y compris celle du roman 1984 de George Orwell. Les dispositifs inquisiteurs et oppressants se renforcent partout en Europe, avec la France en tête de file pour la reconnaissance faciale et la Grèce pour la criminalisation du mouvement social avec le classement imminent du groupe anarchiste Rouvikonas en organisation terroriste, alors qu’il n’a jamais tué personne.

Erdogan parle également de terroristes au sujet des femmes kurdes qui luttent pour leur émancipation dans les rang des YPG. De nombreux chefs d’états utilisent aussi ce terme pour parler de celles et ceux qui leur résistent un peu partout, qui défendent la terre, qui défendent la vie.

Car face au pouvoir, nous ne faisons pas autre chose : nous sommes la vie, la foule, les enfants, la nature qui se défendent.

Une société bâtie sur un leurre

Dès lors, posons-nous la question : lutter pour vivre, sauver la vie, survivre aux injustices, vivre dignement, cela ne signifie-t-il pas nécessairement prendre nos vies en main ? La réponse est tout aussi empirique que logique. Car l’Histoire nous prouve que le pouvoir ne nous a jamais libérés et que toute émancipation n’est jamais venue que de nous-mêmes, de notre volonté, de notre clairvoyance, de notre courage, de nos luttes. La logique nous rappelle également qu’une vie digne revient à une vie libre (nul n’est digne que celui qui est responsable et n’est responsable que celui qui est libre). C’est pourquoi il nous revient de prendre nos vies en main pour bâtir un autre futur.

Le pouvoir tente de nous faire croire que le monde est horrible et que l’homme est un loup pour l’homme, ce qui lui permet d’imposer une forme de société (capitaliste et hiérarchique) pour civiliser, ordonner et pacifier le chaos destructeur. En réalité, nous savons bien que c’est tout le contraire (et c’est ce que nous essayons de faire comprendre aux jeunes en souffrance, aux résignés, aux déprimés et aux suicidaires) : ce n’est pas le monde qui est horrible, mais cette société. Ce n’est pas l’homme qui est un loup pour l’homme (pardon pour les loups, la formule est de Plaute, puis reprise par Thomas Hobbes), c’est cette société qui nous conduit à la guerre et à la compétition de tous contre tous.

L’existence même d’un pouvoir conduit à justifier l’idée de compétition et de hiérarchie partout dans la société. Car on ne peut placer quiconque sur un piédestal sans cautionner les rapports de domination et d’exploitation qui en découlent. Outre ce problème de cohérence, nous avons également vérifié à de nombreuses reprises que le pouvoir corrompt, comme nous mettait en garde Louise Michel.

Il n’y a pas de bon pouvoir

Focaliser sur un ou plusieurs dirigeants au lieu de remettre en question la fonction elle-même est donc une erreur. Bien sûr, certains régimes et hommes politiques sont pires que d’autres. Évidemment, il existe des différences. Mais, ces différences n’ont pas été suffisantes depuis plus d’un siècle pour parvenir à tourner la page du capitalisme et encore moins de la hiérarchie. Nous n’avons eu droit, au mieux, qu’à des réformes arrachées par des grèves, bien plus que concédées par les pouvoirs prétendument sympathiques. Par exemple, contrairement à ce que prétend une rumeur, la première semaine de congés payés n’était pas dans le programme du Front Populaire en 1936 et n’a été obtenue qu’à l’issue d’une des plus longues grèves du vingtième siècle en France. De même, ce n’est pas un régime royaliste ou de droite dure qui a massacré la Commune de Paris, mais la jeune Troisième République à ses débuts (avec le maire de Paris en fuite qui n’était autre que Jules Ferry). Cette même Troisième République s’est terminée honteusement en votant les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain en 1940, après avoir décidé le sinistre embargo sur les armes vers l’Espagne en août 1936, condamnant dès lors l’utopie qui commençait à voir le jour de l’autre côté des Pyrénées.

Le pouvoir, quel qu’il soit, n’est pas un allié et compter sur lui est une folie. Les seules promesses auxquelles nous pouvons croire sont celles que nous faisons à nous-mêmes, c’est-à-dire nos propres engagements réciproques, sur un plan horizontal, pour créer, défendre et bâtir ensemble une société nouvelle sur d’autres bases que la compétition, la domination et l’exploitation.

Le tabou de la violence

Ne plus être naïf, c’est aussi ne plus s’interdire le tabou de la violence face à un pouvoir qui, lui, ne se gêne jamais. Libre à chacun d’en user ou pas et de résister comme bon lui semble. Si quelqu’un veut prier Gaïa ou quelqu’un d’autre dans des manifs, grand bien lui fasse. Mais qu’il impose sa façon de faire et d’agir, c’est une autre affaire. Notamment quand il s’agit d’appeler explicitement au « respect du gouvernement » et de ses valets.

Nous n’avons pas à respecter nos bourreaux. Nous n’avons rien à négocier avec les tyrans. Nous voulons vivre libres. Nous voulons prendre nos vies en mains. Nous voulons congédier à jamais ceux qui veulent nous en empêcher.

Respecter le pouvoir, c’est le cautionner. On ne discute pas avec ceux qui s’affirment d’emblée supérieurs. De même, on ne lutte pas contre un système capitaliste et hiérarchique en reproduisant ses formes lucratives et verticales. Dès lors qu’on a compris la nécessité de détruire le pouvoir, on doit commencer à le faire à l’intérieur même de nos luttes, dans notre façon de nous organiser.

S’organiser autrement pour lutter

Nous ne pouvons pas continuer à lutter contre le pouvoir avec des partis structurés de façon hiérarchique ; des partis qui cautionnent le manège électoral dont les dés sont pipés, puisque c’est le pouvoir économique qui détermine aisément le pouvoir politique grâce à sa possession des moyens de fabriquer l’opinion.

Nous ne pouvons pas continuer à lutter contre le pouvoir avec des syndicats également structurés de façon hiérarchique ; des syndicats dont le sommet est sourd à certaines des atteintes de la base et dont les dirigeants se reconvertissent parfois au sein même du camp d’en face.

Nous ne pouvons pas continuer à lutter contre le pouvoir avec des organisations écologistes structurées elles aussi de façon hiérarchique ; des organisations dont le sommet vaporeux a déjà tout prévu, qui refusent de remettre quoi que ce soit en question et qui imposent une charte de lutte indiscutable à toutes celles et ceux qui s’en rapprochent.

Il est facile de comprendre pourquoi ces structures refusent d’aller jusqu’au bout dans la lutte contre le capitalisme et le hiérarchisme : leurs directions profitent, participent et répètent diversement ce que nous tentons précisément de combattre en leur sein. Elles ne sont ni cohérentes ni déterminées ni libres, contrairement à la société que nous désirons. Elles ne font que reproduire des schémas désuets, modérés et stériles, dans des lourdeurs bureaucratiques, stratégiques et autoritaires.

Multiplier les Rojava, les Exarcheia, les ZAD

Notre impuissance politique est donc à la fois le produit d’une analyse incomplète du problème principal et de la répétition naïve de nos erreurs passées.

Car non, le problème ne se réduit pas à Trump ou Poutine, Erdogan ou Assad, Mitsotakis ou Tsipras, Macron ou Le Pen, et tant d’autres dans la valse des chaises tournantes. C’est le pouvoir lui-même qui est notre éternel ennemi.

Et non, on ne peut lutter contre le pouvoir, sa bureaucratie, sa hiérarchie, sa stratégie de communication, en procédant de la même façon dans nos luttes. C’est d’abord et avant tout parmi celles et ceux qui résistent que nous devons montrer notre capacité à nous organiser autrement pour l’étendre ensuite à toute la société.

Ce n’est qu’à ces deux conditions que nous pourrons enfin sortir de notre impuissance politique. De plus, nous devons absolument nous donner une dimension internationale à nos luttes, par-delà les frontières qui tentent de nous diviser et de nous faire croire que nos intérêts s’opposent. Car il n’en est rien, nous le savons bien : c’est la même lutte partout que nous devons mener, celle de l’émancipation individuelle et sociale pour prendre enfin nos vies en main.

Avec plus de solidarité internationale et plus de résistance locale partout simultanément, les quartiers, ZAD ou régions du monde ne tomberaient pas les uns après les autres, comme des dominos. Nous avons besoin d’autres expériences moins verticales et autoritaires comme le Rojava, d’autres quartiers rebelles et solidaires comme Exarcheia, d’autres ZAD un peu partout et de plus en plus. Ces initiatives sont trop isolées. Nous comptons trop sur elles. Nous les mythifions trop, sur des piédestaux, au lieu de les multiplier, de les réinventer sans cesse et de créer un véritable réseau sans frontières et horizontal dans l’entraide et le soutien mutuel.

Sans chef, il sera beaucoup plus difficile de nous récupérer, de nous corrompre, de nous abattre.

Passer du nom au verbe pouvoir

Pour finir, rappelons-nous que le pouvoir n’est pas seulement un nom, mais aussi un verbe. Et c’est là, précisément, dans la confusion entre ces deux homonymes, que se cache l’un des enjeux de notre époque : sortir enfin de la préhistoire politique de l’humanité. Le pouvoir est un nom : celui de l’autorité qui dirige, qui gouverne, qui exerce tout ou partie des droits d’une autre personne ou de toute une communauté et qui agit pour son compte. Mais pouvoir est aussi et surtout un verbe : il signifie tout simplement être en capacité de faire. Passer du nom au verbe, tel est l’enjeu. Détruire le pouvoir en tant que rapport de domination pour libérer notre capacité à penser et à choisir nos vies.

Ce qui vaut pour la société vaut également pour nos luttes. Donnons à voir partout la société que nous désirons. Cessons d’accepter de nous organiser dans des structures verticales et de courir après des hommes providentiels. Passons à l’étape suivante.

Pour prendre nos vies mains, commençons par prendre nos luttes en main.

Yannis Youlountas

Source http://blogyy.net/2019/10/10/comprendre-notre-impuissance-politique/

 

VioMe La commande groupée 2019 du collectif de Grenoble est lancée

Solidarité concrète avec les travailleurs
de l’usine VIOME occupée et autogérée
à Thessalonique en Grèce

Après que leur usine ait été mise en faillite et abandonnée par les employeurs, les salariés depuis maintenant 6 ans l’ont reprise en coopérative ouvrière.

Ils fabriquent des produits d’entretien ménager écologiques qu’ils distribuent de manière militante. Ils sont menacés d’expulsion par la justice grecque. Ils en appellent à la solidarité internationale.

(Voir l’appel des Viome) https://www.grece-austerite.ovh/appel-des-viome/ et notre tract pour d’information Viome

Depuis 2016 afin de les soutenir, le collectif de Grenoble organise chaque année une commande groupée de leurs produits. Pour celle de 2019 vous trouverez :

– le catalogue et les prix (TTC)  : Catalogue et tarif VIOME 2019

– le bon de commande avec tous les renseignements utiles : Bon-de-commande-Viome-2019

Attention : la date limite de réception des commandes est fixée

au samedi 2 novembre 2019.

Contribuons par nos achats à soutenir cette lutte exemplaire !

A noter que le 22 octobre 2019 à 20h15 au cinéma le Club à l’initiative du collectif projection du film « Leoforio » des réalisatrices Catherine Catella & Shue Aiello.

C’est l’histoire d’une coopérative de bus en Grèce .

Cette soirée sera l’occasion de faire un point d’actualité sur les VioMe et passer les dernières commandes

Soutien aux VioMe- Lancement de la commande groupée de Grenoble

Solidarité concrète avec les travailleurs
de l’usine VIOME occupée et autogérée
à Thessalonique en Grèce

Après que leur usine ait été mise en faillite et abandonnée par les employeurs, les salariés depuis maintenant 6 ans l’ont reprise en coopérative ouvrière.

Ils fabriquent des produits d’entretien ménager écologiques qu’ils distribuent de manière militante. Ils sont menacés d’expulsion par la justice grecque. Ils en appellent à la solidarité internationale.

(Voir l’appel des Viome) https://www.grece-austerite.ovh/appel-des-viome/ et notre tract pour d’information Viome

Depuis 2016 afin de les soutenir, le collectif de Grenoble organise chaque année une commande groupée de leurs produits. Pour celle de 2019 vous trouverez :

– le catalogue et les prix (TTC)  : Catalogue et tarif VIOME 2019

– le bon de commande avec tous les renseignements utiles : Bon-de-commande-Viome-2019

Attention : la date limite de réception des commandes est fixée

au samedi 2 novembre 2019.

Contribuons par nos achats à soutenir cette lutte exemplaire !

A noter que le 22 octobre 2019 à 20h15 au cinéma le Club à l’initiative du collectif projection du film « Leoforio » des réalisatrices Catherine Catella & Shue Aiello.

C’est l’histoire d’une coopérative de bus en Grèce .

Cette soirée sera l’occasion de faire un point d’actualité sur les VioMe et passer les dernières commandes

 

Pour marque-pages : Permaliens. Modifier

Pour la défense d’Exarcheia avec Yannis Youlountas 5e partie

Pour rompre le silence des médias et la désinformation Yannis Youlountas s’exprime depuis Exarcheia à Athènes. Les 5 entretiens seront publiés sur ce site au fur et à mesure de leurs parutions.

Des membres de Radio Libertaire, Le Combat Syndicaliste et Le Monde Libertaire sont venus ensemble voir Yannis Youlountas à Exarcheia, pour regrouper leurs questions dans un seul entretien radio et écrit à paraître bientôt dans leurs médias. Les captations vidéos ci-dessous vous permettent de découvrir quelques extraits de cet entretien.

5e partie : sur le 4eme film en cours de tournage

 

Source http://blogyy.net/2019/09/25/pour-la-defense-dexarcheia-5-5-avec-yannis-youlountas/

Revoir la 3e et 4eme partie https://www.grece-austerite.ovh/pour-la-defense-dexarcheia-avec-y-youlountas-3e-et-4e-partie/

Revoir la 1e et 2eme partie https://www.grece-austerite.ovh/pour-la-defense-dexarcheia/

 

Ancien aéroport d’Athènes

 » Helleniko: un casino pour se consoler « 

par Mouvement anticapitaliste d’Ellinikó-Argyroúpoli :

Ils se sont entretués pour l’ancien aéroport. Il n’y a pas de bulletin d’information ou de journal télévisé qui n’en parle pas. « Tous les obstacles doivent être supprimés, les bulldozers arrivent, les projets doivent commencer le 19 ». Les journalistes, les députés et les ministres font pression pour que le crime soit poursuivi. La vente de Helleniko a longtemps été un sujet majeur sans malheureusement aucune résistance sérieuse, même sans opposition sur la scène politique traditionnelle. Alors pourquoi tant de stress, pourquoi un tel scénario ? Nous pensons que de plus en plus de gens comprennent ce qui se passe.

Nous nous souvenons de toutes les maquettes et des beaux contes de fées du plus grand parc présumé d’Europe. Quelques années viennent de s’écouler. Ensuite, de SYRIZA à Constantatos, tout le monde célébrait le parc métropolitain qui ferait l’envie des grandes capitales du monde. Où est tout cela maintenant? Le plus grand parc est lentement devenu un investissement et cet investissement deviendra un casino! Personne ne parle plus d’un plan complet. Gratte-ciels, casino, centre commercial et c’est tout. Le reste de la vaste région continuera à s’éroder, qui sait pour combien de décennies encore.

Ils doivent même être contraints à un «succès», un symbole d’investissement. Ils admettent que SYRIZA a ouvert la voie, mais ils veulent un exemple qu’ils ont «mieux fait». C’est pourquoi ils brûlent dans la ND. Mais c’est la plus grande preuve de leur échec. Ils ne peuvent pas faire chanter le développement. Ils changent les lois, donnent la terre, la mer et le ciel, mais les « bons » investisseurs en demandent toujours plus. Ils n’accepteront aucun des objectifs fous qu’ils se sont fixés, ils ne donneront aucun avantage, pas de miettes, car ils sont tous liés à la croissance. Le fanatisme continuera, l’anti-populisme s’intensifiera, mais ils se vanteront d’avoir fait de nous un casino pour trouver du réconfort.

C’est vraiment dommage d’avoir une zone aussi vaste, c’est dommage de rater une si belle occasion. Nous disons que l’ancien aéroport doit être exploité, devenir un espace utile pour beaucoup, répondre aux besoins sociaux. Nous disons qu’il doit y avoir un grand espace vert, c’est-à-dire que nous mettons une priorité spécifique, le vert. Bien sûr, il y a d’autres besoins sociaux. Nous avons besoin d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures sportives, etc. Mais il existe dans le tissu urbain des installations et des espaces pour le faire ou prétendre le faire. Cependant, une telle opportunité pour un grand poumon vert en Attique pourrait ne plus exister. En d’autres termes, nous ne pensons pas que nous devrions nous battre pour un autre St. Niarchos, pour une autre marina de Flisvos. Ce n’est pas ce qui nous manque principalement. Nous reconnaissons, bien sûr, qu’il peut exister différentes perspectives répondant de manière hiérarchique aux besoins sociaux. Mais nous devons nous unir dans la base. L’investissement doit être annulé, leurs plans doivent être revus.

L’ancien aéroport doit être un espace public. Il doit appartenir au peuple et le peuple doit avoir une vraie raison de ce qui se passe là-bas.

Nous voulons un espace libre et accessible. Sécher les balustrades et les clôtures. Plutôt que Latsis ne l’occupe, cet espace doit être occupé par des foules, par des collectifs, par des réfugiés et des sans-abri.

Il n’y a pas de temps pour d’autres illusions. Prenez des initiatives unifiantes et militantes immédiates. Opposons-nous à ce que le nouveau gouvernement juge si important. Mais nous devons également placer la barre haute, exactement là où l’adversaire l’a posée. Nous ne nous battrons pas pour un étage au-dessus ou au-dessous de l’Acropole, nous ne demanderons pas moins de machines à sous ni plus de décorateurs. La question est plus grande. Tout finit par être simple maintenant. Nous ne pouvons pas accepter que le seul espoir d’améliorer nos vies soit de faire plus d’affaires avec ceux qui versent notre sang quotidiennement. L’espoir ne réside que dans les luttes de classe en suspens qui mettront au premier plan les besoins et les droits de la population.

                                                                                  Du vert à l’Helleniko !
                                                                  Du Feu pour les investissements ! »

source :pandiera.gr Ελληνικό: Ένα καζίνο για παρηγοριά Παντιέρα αντικαπιταλιστική ενημέρωση

Soutien aux VioMe

Des soutiens européens à une coopérative grecque

À Thessalonique, l’usine ­Vio.Me devait fermer, mais ses ouvriers l’ont reprise et continuent de la faire tourner. Avec l’appui d’autres pays…

« Cela fait presque sept ans que l’on fait des rondes toutes les nuits, dit-il riant, mais là, on ouvre les yeux plutôt deux fois qu’une ! » Le rire de Makis Anagnostou, la cinquantaine bien tassée, résonne dans le hangar de l’usine ­Vio.Me située dans les faubourgs de Thessalonique, dans le nord du pays. Il vérifie que toutes les portes sont bien fermées, les lève-palettes garés, les stocks de produits prêts à partir à l’exportation rangés, et sourit de satisfaction. « Ola kala », tout va bien.

Enfin presque. Il redoute une coupure du courant qui arrêterait cette expérience d’usine autogérée, qui dure depuis plus de six ans. « Depuis l’arrivée au pouvoir de Nouvelle Démocratie (parti conservateur qui a remporté les législatives), en juillet dernier, on s’attend d’un moment à l’autre à ce qu’ils coupent l’électricité », explique Makis, qui fait office de porte-parole de ­Vio.Me, avant d’assurer : « C’est la première chose qu’ils feront pour arrêter la production. »

La barbe poivre et sel, ses mains calleuses dans les poches de son bleu de travail, il a du mal à cacher son inquiétude : « On reçoit via les réseaux sociaux des menaces de leurs députés, du type : ”Vous allez dégager ! La fête est finie, vous n’aurez ni eau ni courant”. Des tas de choses comme ça. On s’y attendait mais quand même, ça fait bizarre. »

Un symbole au-delà des frontières grecques

Du coup, un appel a été lancé sur tous les réseaux sociaux d’Europe, cet été, pour trouver un générateur d’électricité  de 120 kW. But de l’opération : faire tourner l’usine, même en cas de coupure de courant définitive. Une délégation de ­Vio.Me est attendue en Allemagne dès le 15 octobre prochain pour une tournée d’information dans sept villes, et des réseaux solidaires français recherchent aussi activement une solution pour aider ­Vio.Me. Car cette usine est devenue un symbole bien au-delà des frontières grecques.

En France, elle fait rêver les nombreux collectifs de soutien aux Grecs qui se sont créés dès le début de la crise, en 2010. Ainsi Claudine et Hervé Ricou, deux Bretons retraités, qui font régulièrement le trajet de Rennes (Ille-et-Vilaine) à Thessalonique pour s’approvisionner. Lorsque Claudine parle de ­Vio.Me, elle se met à rêver : « À l’époque de Lip, j’avais acheté des actions. Nous sommes les derniers à avoir acheté un Solex à notre fils, quand on espérait encore que l’usine allait s’en sortir. Maintenant j’achète des savons et du liquide vaisselle. C’est le même combat. »

Même mobilisation à Paris et dans le sud de la France, (*) à Montpellier notamment, où les collectifs locaux approvisionnent toute la région et achètent des médicaments qu’ils envoient aux dispensaires grecs, avec les bénéfices engrangés. Idem à Berlin, ou trois boutiques en ligne relaient les produits ­Vio.Me.

En Grèce, de nombreux volontaires vont, à leur frais, chercher ces produits à Thessalonique pour les déposer dans des épiceries alternatives. Bien sûr, il n’y a pas une fête populaire, pas un marché, pas un festival sans ces petites savonnettes bio sur les étalages. « On ne vend pas que des savons », souligne Makis avec un grand sourire, avant de préciser : « On vend une part d’utopie qui peut devenir réalité. Dans tous nos produits, nous mettons une petite note qui explique ce que l’on fait et quels sont les enjeux de notre travail. » Et, de fait, l’enjeu est de taille.

« Quand on a commencé, on espérait tenir six mois, grand maximum »

Au départ, en 1961, ­Vio.Me était une usine de colle à carreaux qui marchait bien, mais la concurrence chinoise a changé progressivement la donne : « Il était impossible de concurrencer leurs prix », se souvient Christina Philippou, ancienne patronne de l’usine. Puis la crise de 2010 est arrivée. Les commandes baissaient et la famille Philippou, lâchée par les banques et ses partenaires britanniques, songeait à se déclarer en faillite pour se délocaliser en Bulgarie.

Les nouvelles lois d’austérité qui venaient d’être votées lui donnaient ce droit, sans avoir à dédommager les salariés. Dimitris Kourmatsiolis, 49 ans, ouvrier depuis l’âge de 14 ans, s’en étrangle encore : « Nous avions accepté d’abord une baisse des salaires, puis pendant plusieurs mois on a continué à travailler sans être payés, pour sauver l’usine. Les commandes arrivaient et les nouvelles machines avaient même été commandées… »

Alors, un soir, la grande décision de l’occupation de l’usine a été prise. Dimitris a encore du mal à y croire : « Vous vous rendez compte ? Cela fait presque sept ans que nous nous battons, que nous maintenons cette usine ouverte, que nous faisons vivre nos familles. Jamais on n’aurait cru tenir aussi longtemps ! » La voix de Makis est plus grave : « Quand on a commencé, on espérait tenir six mois, grand maximum, car on voulait toucher nos salaires impayés. Mais alors qu’on attendait qu’une solution vienne d’en haut, on s’est dit : et pourquoi ne pas se prendre en main ? »

Le terrain de l’usine de nouveau mis aux enchères

La première décision prise collectivement a été de payer les machines qui devaient venir, puis d’honorer les commandes. « On paniquait, se souvient Makis. On n’avait jamais vu des livres de comptes, ni fait des bilans, mais on a appris. Des camarades d’autres expériences autogérées, d’Europe et même d’Amérique latine, sont venus nous apprendre. Et on a prouvé que si nous, des ouvriers qui ont à peine terminé l’école primaire, avons réussi, alors tout le monde peut le faire. »

Pour Christina Philippou, ces arguments n’ont aucune valeur : « ­Vio.Me a un permis pour faire de la colle, pas pour fabriquer des savons. Ils ne payent pas l’électricité, ils occupent mon usine depuis presque sept ans… Comment est-ce possible ? » Même si elle est aigrie, l’ancienne patronne de l’usine affirme avoir tourné la page, ajoutant même : « Il faut qu’une solution soit donnée aux ouvriers, et à moi qui ai tout perdu. J’ai payé pour les autres. On m’a condamnée à dix ans de prison pour quatre millions de dettes envers la Sécurité sociale, alors qu’en Grèce, même si tu tues ta mère, tu n’as pas une telle peine. Cette histoire est politique… »

Sur ce dernier point, Makis est d’accord, mais pas pour les mêmes raisons. Malgré tout le soutien international et un succès commercial inespéré, tout peut encore s’écrouler. Le 19 octobre prochain, le terrain de l’usine sera de nouveau mis aux enchères. « On fera capoter la vente, comme on a fait capoter toutes les autres, même s’ils ne cessent de baisser les prix pour trouver des acheteurs. On va résister jusqu’au bout. Notre succès les gêne, mais on tiendra le coup. »

——————————————————————————————————————

Des produits locaux, bios et coopératifs

Comment ?

Vio. Me emploie 15 salariés à temps plein, qui touchent tous le même salaire, environ 500 €. Tout le monde tourne sur tous les postes de production. Les décisions sont toutes prises collectivement le matin, autour d’un café. Les ouvriers produisent 1 600 savons par semaine et en gardent 3 000 en stock. En 2014, ils créent une société coopérative dotée d’un compte en banque, mais ils ne sont pas propriétaires de leurs actifs.

Pourquoi ?

En 2011, la maison mère de Vio. Me, Phillkeram Jonhson, entreprise gréco-britannique de carrelage, dépose le bilan. Les 70 salariés de la filiale, qui fabriquait de la colle pour carrelage, sont licenciés sans indemnités. Ils décident, pour éviter que les machines ne soient vendues au poids ou délocalisées, d’occuper l’usine. Avec un seul mot d’ordre, devenu leur logo : « Occuper, Résister, Produire. »

En 2012, ils décident, sous l’impulsion d’autres coopératives autogérées, notamment d’Argentine, de produire seuls des produits d’entretien écologiques, car le BTP s’est écroulé et que personne n’achetait plus de la colle à carreaux. Ils travaillent dès lors avec des produits locaux, dont l’huile d’olive bio, qui proviennent de régions économiquement sinistrées.

Et vous ?

Quelque 60 % de la production de Vio. Me part à l’exportation (Allemagne, France, Italie, Espagne, Suisse, Roumanie, Bulgarie) et ses produits sont disponibles au supermarché parisien La Louve, par exemple.

et bientôt dans le  nouveau supermarché coopératif parisien » Les grains de sel « dans le 13ème  http://www.lesgrainsdesel.fr/

Thomas Jacobi, correspondant à Thessalonique (Grèce),


(*) Le collectif de Grenoble continue à soutenir la lutte des VioMe en organisant pour la 4eme année une commande groupée de leurs produits. Une projection-débat est en cours de programmation dans la 1ere quinzaine d’octobre pour le lancement de la commande.Les informations seront données prochainement sur ce site.

Pour la défense d’Exarcheia avec Y. Youlountas 3e et 4e partie

Pour rompre le silence des médias et la désinformation Yannis Youlountas s’exprime depuis Exarcheia à Athènes. Les 5 entretiens seront publiés sur ce site au fur et à mesure de leurs parutions.

Des membres de Radio Libertaire, Le Combat Syndicaliste et Le Monde Libertaire sont venus ensemble voir Yannis Youlountas à Exarcheia, pour regrouper leurs questions dans un seul entretien radio et écrit à paraître bientôt dans leurs médias. Les captations vidéos ci-dessous vous permettent de découvrir quelques extraits de cet entretien.

3eme partie (sur la démocratie) https://youtu.be/TU8cIWnyheM

4eme partie ( sur les luttes internationales) https://youtu.be/qar9JQHegwQ

revoir la 1e et 2eme partie https://www.grece-austerite.ovh/pour-la-defense-dexarcheia/

Translate »