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Grèce Données sur la détention des migrants

La détention des immigrants au premier semestre 2021 : Privation systématique de liberté et inaccessibilité des voies de recours.

Les données officielles pour le premier semestre 2021 publiées par la police hellénique en réponse aux questions parlementaires démontrent que les autorités grecques continuent de détenir systématiquement les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière. Ces chiffres révèlent une violation grave du devoir de l’État de ne recourir à la privation de liberté qu’en dernier ressort, lorsque la nécessité et la proportionnalité l’exigent.

Les chiffres en un coup d’œil

9 575 ordres de détention ont été émis
4 % des décisions d’expulsion ont été suivies d’un ordre de détention.
Moins d’un ordre de détention sur dix a été contesté devant les tribunaux.
Le contrôle judiciaire automatique n’a annulé que 7 des 2 091 ordres de détention.
Sur les 2 392 personnes placées dans des centres de pré-renvoi, 1 109 ont été détenues pendant plus de six mois.
Il n’y avait que 10 médecins pour 2 392 détenus dans 7 centres de pré-expulsion.
Les centres de pré-expulsion de Xanthi et Fylakio n’avaient pas d’interprètes, et Paranesti et Kos n’en avaient qu’un chacun.
Il n’y avait que 9 psychologues pour le nombre total de détenus dans les centres de pré-renvoi et un seul psychiatre à Tavros.
Les visiteurs médicaux n’étaient déployés qu’à Amygdaleza et Corinthe.

Recours systématique à la détention

Au cours des six premiers mois de 2021, la police hellénique a émis un total de 9 575 ordres de détention en vertu de la législation sur l’immigration et l’asile. Parmi ceux-ci, 7 247 ont été émis dans le cadre de procédures de retour en vertu de la loi L 3907/2011, 1 980 dans le cadre de procédures d’expulsion en vertu de la loi L 3386/2005 et 348 dans le cadre de la procédure d’asile.
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Les statistiques révèlent que les autorités grecques ont largement recours à la privation de liberté dans le but de procéder à l’éloignement. L’utilisation de la détention est palpable dans les procédures dites d’expulsion menées en vertu de la loi 3386/2005, en dérogation aux garanties de la Directive Retour. Les décisions d’expulsion ont été suivies d’une détention dans 99,4 % des cas.

Des recours inaccessibles contre la détention

Le droit grec prévoit la possibilité de contester la détention par le biais d' »objections » devant le tribunal administratif compétent. La prolongation de l’asile et de la détention avant éloignement est également soumise à un contrôle judiciaire d’office par ce même tribunal.

Moins d’une personne sur dix a demandé un recours contre sa détention au cours du premier semestre de l’année. Sur les 9 575 ordres de détention, seuls 828 (8,6 %) ont été contestés devant les tribunaux administratifs par le biais de la procédure d’objection. Le RSA a documenté une série d’obstacles à l’accès à la procédure d’objection, en particulier le fait que les personnes ne sont pas informées des raisons de leur détention dans une langue qu’elles comprennent et de l’accès à l’assistance juridique. L’ordre de détention émis par les autorités de police est rédigé en grec et l’interprétation ainsi que les informations sur le droit de contester cette décision ne sont souvent pas fournies. De son côté, l’obligation de fournir une assistance juridique n’est pas assurée par l’État dans la pratique.

Le taux de succès des objections contre la détention devant les tribunaux administratifs au cours du premier semestre de l’année était de 52,8% :
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En revanche, le contrôle judiciaire d’office de la prolongation de l’asile et de la détention avant éloignement par ces mêmes tribunaux a continué de déboucher sur l’approbation des ordres de détention, avec seulement 7 décisions sur 2 091 s’opposant à la poursuite de la détention :
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Les statistiques ci-dessus démontrent des disparités palpables dans le fonctionnement des mécanismes de contrôle judiciaire disponibles. Alors que plus de la moitié des ordres de détention portés devant les tribunaux par le biais d’objections ont été jugés illégaux, pas plus de 0,3% des ordres de détention faisant l’objet d’un contrôle automatique ont été annulés. Ces chiffres soulignent une fois de plus le besoin urgent d’une aide juridique adéquate pour garantir un contrôle équitable et efficace de la détention.

Conditions de détention

À la fin du mois de juin 2021, 2 392 personnes se trouvaient encore dans des centres de pré-renvoi. Parmi elles, 46% sont en détention depuis plus de six mois :
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De graves lacunes persistent dans la fourniture de soins de santé et de soutien aux personnes détenues dans les centres de pré-renvoi. Le nombre déjà limité de personnel médical déployé dans l’ensemble des centres de pré-renvoi a chuté de 37 à la fin de 2020 à 34 à la fin du premier semestre de 2021 :
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Le nombre d’interprètes reste également très faible. Fin juin 2021, il n’y avait aucun interprète à Xanthi et Fylakio, un seul interprète à Paranesti et Kos et seulement deux interprètes à Amygdaleza, Tavros et Corinthe.

Enfin, les autorités grecques continuent d’imposer la détention des immigrants dans les commissariats de police, en dépit des critiques sévères et constantes des organismes internationaux. À la fin du mois de juin 2021, 601 personnes étaient détenues dans des postes de police.

Pour plus d’informations :

   RSA, Administrative detention : a human rights ‘black hole’, 22 juin 2021.
RSA, Maintien de la détention malgré des lacunes flagrantes dans la couverture santé des RPC au milieu d’une pandémie, 14 janvier 2021.
RSA & Fondation PRO ASYL, Soumission dans SD c. Grèce, octobre 2020.

Source https://rsaegean.org/en/detention-stats-first-half-2021/

Le trafic d’êtres humains en Grèce : une course sans fin

Le trafic d’êtres humains en Grèce : une course sans fin (Part 1)

Par Marie Vansteenkiste

Avant toute chose, il existe une différence entre la traite et le trafic d’êtres humains. Même si ces deux termes sont proches, il existe une importante différence entre les deux. La traite, elle, se dirige plus vers un côté économique. C’est une exploitation d’individus à des fins lucratives. L’exploitation porte sur la mendicité, le travail ou services dans des conditions contraires à la dignité humaine, le prélèvement d’organes ou de matériel corporel humain et le fait commettre un crime ou un délit contre son gré.

C’est malheureusement la forme d’esclavage d’aujourd’hui. L’exploitation peut également être sexuelle, prostitution mais pas seulement. Les exploiteurs de main d’œuvre pas cher et illégale dans le bâtiment, hôtel, restaurants, cafés ou encore le travail domestique et de plus en plus fréquent.

Quant au trafic des êtres humains, celui-ci se définit par le fait de faire passer illégalement une frontière à des individus pour des fins lucratives.

Du cas par cas

Sur les 193 pays recensés sur la planète, 137 connaissent un esclavage dit moderne. En Grèce, le trafic humain commence sous vos yeux sans que vous en ayez la moindre idée. Les vendeurs de roses, de bracelets, des enfants qui jouent de la musique devant vous, tout commence là. Mi-juin à Thessalonique, la police a arrêté un couple bulgare et un complice. Ce trio a été accusé de traite d’êtres humains, d’exposition et d’exploitation de mineurs en danger.

Ce sont en général des mineurs ou des très jeunes enfants qui mendient ou aident à la mendicité toute la journée sans avoir un suivi scolaire, et qui rapportent de l’argent aux parents en fin de journée. Des enfants qui passent leurs nuits sur les trottoirs, « vivant une vie qui n’est pas conforme à leur activité de mendiants » explique le communiqué de presse de la police. Ce sont les plus marginalisés et les plus fragiles de la société qui se retrouvent dans ce genre de trafic. Les chiffres officiels évoquent 1000 à 2000 femmes et enfants victimes de ce trafic chaque année.

Ces estimations sont largement inférieures à celles des organisations non gouvernementales grecques, reprises par Amnesty International, qui font état de milliers de victimes non reconnues. Amnesty International cite l’exemple caractéristique de l’année 2000, où 90 000 personnes auraient transité par le territoire grec dans le cadre de ce trafic.

Pour le cas des femmes, c’est généralement dans le domaine de la prostitution qu’elles sont « employées ». Toutes ses victimes ne sont donc pas protégées et ne peuvent pas l’être puisque ce sont elles-mêmes qui sont poursuivies pour prostitution illégale et absence de visa ou de carte de séjour. Ces femmes sont souvent emprisonnées avant d’être reconduites à la frontière, toujours sans aucun droit.

Les victimes ne sont pas considérées comme des êtres humains et le manque de considération envers elles empêche la police d’investigation d’intervenir et de mettre un terme à cela. Selon les ONG, sur le millier d’arrestations annoncées par la police ces quatre dernières années, seuls dix ou quinze cas ont fait l’objet d’une enquête judiciaire.

Plus grand trafic au monde, gentiment puni

Un trafic qui pèse plus de 32 milliards de dollars, mais qui n’est que très peu puni par la loi. Les répressions de la traite des êtres humains sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende, sans circonstances aggravantes. Pas de quoi effrayer les trafiquants. Avec les circonstances, la peine peut tripler, s’il est question de criminalité ou délinquance organisée.

Pas de quoi effrayer les trafiquants. Même si des peines nationales existent, de nombreux traités internationaux sont également mis en place afin d’éviter tout trafic d’humains confondus. Tel que

–      La Convention complémentaire des Nations unies relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage.

–      La Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes demande à toutes les parties de supprimer toutes les formes de trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes.

Chacun des pays qui ont signé ces conventions intègrent petit à petit des engagements dans leur législation nationale, mais malgré cela les chiffres de trafic ne cessent d’augmenter. Depuis le passage d’une « législation mondiale contre le trafic des personnes, le protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants » a été adopté par l’Assemblée générale de l’ONU en l’an 2000.

Le trafic des êtres humains n’est plus reconnu comme un problème primordial international. La lutte contre le trafic implique une énorme coopération et demande de la coordination aux niveaux national et international entre les ONG. La coordination est le fruit des bons résultats pour ce genre de trafic.  Malheureusement aujourd’hui, la corruption détient encore un rôle trop important pour mettre un terme au trafic.

Pour la première fois en deux décennies, le nombre d’enfants mis au travail a augmenté – pour atteindre 160 millions dans le monde, soit une augmentation de 8,4 millions en quatre ans – tandis que des millions d’autres sont menacés par la pandémie de COVID-19, selon un nouveau rapport des Nations Unies

Le rapport, intitulé Child Labour : Global estimates 2020, trends and the road forward, publié par l’Organisation internationale du travail (OIT) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), exhorte les gouvernements et les banques internationales de développement, a déclaré la directrice générale de l’UNICEF Henrietta Fore, « à donner la priorité aux investissements dans des programmes qui peuvent sortir les enfants de la main-d’œuvre et les ramener à l’école »

Source https://lepetitjournal.com/athenes/le-trafic-detres-humains-en-grece-une-course-sans-fin-part-1-317767

Le trafic d’êtres humains en Grèce : une course sans fin (Part 2)

Par Marie Vansteenkiste

Publié juste avant la Journée mondiale contre le travail des enfants, le 12 juin, le rapport avertit que les progrès réalisés pour mettre fin au travail des enfants ont marqué le pas pour la première fois en 20 ans, inversant la tendance à la baisse qui avait vu le nombre d’enfants mis au travail diminuer de 94 millions entre 2000 et 2016.

Le rapport souligne, aussi, une augmentation significative du nombre d’enfants âgés de 5 à 11 ans qui travaillent, soit un peu plus de la moitié du total mondial.
Et ceux âgés de 5 à 17 ans effectuant un travail dangereux, susceptible de nuire à leur santé, leur sécurité ou leur bien-être moral, a augmenté de 6,5 millions depuis 2016, pour atteindre 79 millions.
« Ces nouvelles estimations sont un signal d’alarme. Nous ne pouvons pas rester sans rien faire alors qu’une nouvelle génération d’enfants est mise en danger », a déclaré le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder.

L’impact du COVID

En Afrique subsaharienne, la croissance démographique, les crises récurrentes, l’extrême pauvreté et l’inadéquation des mesures de protection sociale ont conduit à ce que 16,6 millions d’enfants supplémentaires travaillent au cours des quatre dernières années, selon le rapport.

Le COVID-19 met en péril les progrès réalisés dans les régions Asie et Pacifique, et Amérique latine et Caraïbes.
Le rapport prévient qu’à l’échelle mondiale, neuf millions d’enfants supplémentaires risquent d’être poussés vers le travail des enfants d’ici à la fin de 2022 en raison de la pandémie, chiffre qui pourrait atteindre 46 millions sans accès à une couverture de protection sociale essentielle.

Les chocs économiques supplémentaires et les fermetures d’écoles provoqués par le COVID-19 signifient que les enfants déjà obligés ou forcés de travailler, peuvent travailler plus longtemps ou dans des conditions plus difficiles, tandis que les pertes d’emplois et de revenus parmi les familles vulnérables peuvent pousser beaucoup plus d’enfants vers les pires formes de travail.

Inverser la tendance

Pour inverser la tendance à la hausse, l’OIT et l’UNICEF appellent à une protection sociale adéquate, y compris des allocations familiales universelles ; à une augmentation des dépenses pour une éducation de qualité et le retour de tous les enfants à l’école, y compris ceux qui ont été forcés de quitter l’école avant COVID-19 ; et à des investissements dans les systèmes de protection de l’enfance, les services publics ruraux et les moyens de subsistance.

Dans le cadre de l’Année internationale pour l’élimination du travail des enfants, le partenariat mondial Alliance 8.7, dont l’UNICEF et l’OIT sont partenaires, encourage les Etats membres, les organisations régionales et internationales et d’autres acteurs à redoubler d’efforts dans la lutte mondiale contre le travail des enfants en prenant des engagements d’action concrets.

Trafic d’êtres humains en Grèce

La traite des êtres humains en Grèce est devenue au fil des ans le crime le plus important du pays, et ce pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, les données relatives à la traite ont considérablement augmenté grâce à la normalisation de la collecte et de la communication des données. En outre, la Grèce possède le 11e plus long littoral au monde, ce qui la rend populaire auprès des groupes criminels organisés.

La côte bordée de nombreuses régions d’Europe, d’Asie et d’Afrique constitue un lieu de transit et de destination approprié. En 2018, l’organisation A21 a estimé qu’il y avait 89 000 victimes de la traite des êtres humains en Grèce et que plus de la moitié étaient des victimes du commerce du sexe.

La majorité des trafiquants en Grèce sont grecs. Pendant ce temps, la plupart des victimes du trafic sexuel sont des femmes et des enfants, et les victimes du travail sont des hommes et des enfants. Les victimes de la traite en Grèce sont le plus souvent des migrants et des demandeurs d’asile qui dépendent de la contrebande et du travail forcé.

La traite des êtres humains est illégale et punissable aux niveaux étatique, fédéral et international. La réponse de la Grèce à la traite des êtres humains se classe actuellement au niveau 2.

Selon le Département d’État américain, un pays qui se classe dans la catégorie 2 ne respecte pas les normes minimales de lutte contre la traite des êtres humains. Le Département d’État américain a demandé, il y a déjà plusieurs mois à la Grèce d’appliquer au plus vite les recommandations qui leur ont été faites, afin de stopper ce trafic.

Malgré cela et les aides financières le gouvernement Grec ne satisfait toujours pas aux normes minimales pour l’élimination de la traite des êtres humains.  La Grèce est donc restée au niveau 2.

Après une deuxième mise en garde, la Grèce a commencé à faire des efforts avec l’unité de lutte contre la traite en déployant de solides efforts d’investigation, tels que des inspections conjointes avec les inspecteurs du travail et les travailleurs sociaux.

Le gouvernement a aussi officiellement lancé un mécanisme national d’orientation multidisciplinaire doté de procédures opérationnelles standard et de directives écrites appropriées. Le bureau du rapporteur national sur la traite des êtres humains a mené des efforts de lutte contre la traite à l’échelle du gouvernement, notamment un projet visant à éliminer le travail forcé dans les chaînes d’approvisionnement du gouvernement local.

Cependant, le gouvernement n’a pas respecté les normes minimales dans plusieurs domaines clés. La lenteur des procédures de filtrage et la surpopulation des installations, notamment des camps de migrants et de réfugiés et des abris pour mineurs non accompagnés, ont exacerbé les vulnérabilités et ont parfois conduit à une nouvelle victimisation des survivants.

En outre, le gouvernement n’a pas déployé d’efforts proactifs pour identifier le travail forcé et les enfants non accompagnés, et certaines autorités ont officieusement renvoyé de force certains migrants et demandeurs d’asile en Turquie, décourageant fortement les victimes de s’identifier ou de coopérer. L’aide spécialisée aux victimes restait inadéquate ou inaccessible, et les procédures judiciaires durent souvent de deux à six ans, ce qui entrave la coopération des victimes et des témoins clés, et entraîne l’acquittement des trafiquants présumés.

Profil de la traite inhumaine

Au cours des cinq dernières années, les trafiquants d’êtres humains exploitent des victimes nationales et étrangères en Grèce, et les trafiquants exploitent des victimes de Grèce à l’étranger. Les trafiquants opérant en Grèce sont principalement des Grecs et d’autres Européens de l’Ouest et de l’Est, mais certains sont également originaires d’Asie centrale.

Les trafiquants soumettent des femmes et des enfants d’Europe de l’Est et du Sud, d’Asie centrale et du Sud, de Chine, de Géorgie, du Nigeria et de Russie à la traite sexuelle dans des maisons closes non autorisées, dans la rue, dans des clubs de strip-tease, dans des salons de massage et dans des hôtels.

Les victimes du travail forcé en Grèce sont principalement des enfants et des hommes originaires d’Europe de l’Est, d’Asie du Sud et d’Afrique. Les travailleurs migrants du Bangladesh, du Pakistan et de l’Afghanistan sont susceptibles d’être soumis à la servitude pour dettes, notamment dans le secteur agricole.

Les enfants roms marginalisés d’Albanie, de Bulgarie et de Roumanie sont contraints de vendre des marchandises dans la rue, de mendier ou de commettre de petits vols. L’augmentation du nombre d’enfants migrants non accompagnés en Grèce a augmenté le nombre d’enfants susceptibles d’être exploités. Les enfants non accompagnés, principalement originaires d’Afghanistan, pratiquent le sexe de survie et sont vulnérables au trafic.

Les femmes réfugiées et migrantes, en particulier celles qui vivent dans les CIR des îles, sont très vulnérables à la traite. Belgrade joue le rôle d’un carrefour entre plusieurs axes (aussi bien pour les prostituées que pour les migrants clandestins), d’Europe orientale vers le nord de l’Italie par les pays de l’ancienne Yougoslavie (où interviennent des trafiquants bosniaques, croates et slovènes), de Turquie vers l’Europe centrale par la route des Balkans, enfin d’Europe orientale vers le sud de l’Italie par les ports monténégrins ou albanais.

Source https://lepetitjournal.com/athenes/le-trafic-detres-humains-en-grece-une-course-sans-fin-part-2-317770

Frontex déféré devant la Cour européenne

L’action légale introduite par Front-lex contre Frontex a été jugée recevable par la Cour Générale de l’UE

Pour la première fois en 17 ans d’existence, FRONTEX est déféré devant la Cour européenne pour violation des droits de l’homme pendant sa mission en Grèce. L’affaire expose la Grèce et le gouvernement Mitsotakis pour les refoulements systématiques des réfugiés en la mer Égée.

Le Tribunal de l’UE a jugé recevable un dossier déposé par une ONG néerlandaise au nom de deux demandeurs d’asile, qui se plaignent d’avoir été victimes de comportements brutaux à Lesbos. Le dépôt de l’action en justice devant la Cour est un camouflet pour  Frontex, dont le représentant, lors du dépôt de l’action en justice, avait déclaré qu’il s’agissait d’un « agenda activiste qui se prétend légal, afin de saper la détermination de l’UE » de protéger ses frontières ».

Source https://www.efsyn.gr/kosmos/eyropi/303601_istoriki-diki-kata-tis-frontex

Renvoi migrants en Turquie

Grèce : inquiétude de nombreux migrants après la nouvelle loi qui prévoit leur renvoi en Turquie

Le nouveau tour de vis des autorités grecques visant à renvoyer plus facilement les demandeurs d’asile vers la Turquie plonge des milliers de migrants dans une nouvelle période d’incertitude.

Dans le cadre d’une nouvelle loi adoptée début juin, tous les demandeurs d’asile originaires de Syrie, d’Afghanistan, de Somalie, du Pakistan et du Bangladesh arrivés depuis la Turquie sont susceptibles d’être renvoyés plus facilement vers ce pays qui est désormais considéré par Athènes comme un « pays tiers sûr » pour eux.

Depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, environ deux tiers des demandes d’asile de personnes ayant rejoint la Grèce depuis la Turquie ont été rejetées dans les jours qui ont suivi leur arrivée.

>> À (re)lire : La Grèce déclare la Turquie « pays tiers sûr » pour les demandeurs d’asile de 5 pays dont la Syrie et l’Afghanistan

Selon A.B., une jeune demandeuse d’asile qui s’est exprimée lors d’une conférence de presse organisée récemment par des ONG grecques, la pression psychologique est devenue insoutenable. Elle vit dans un camp de migrants et craint désormais d’être expulsée vers la Turquie.

« Si vous voulez vraiment savoir comment cette nouvelle règle affecte les migrants, venez et vivez comme un migrant »

« Depuis que j’ai passé cet entretien concernant la Turquie, je ne dors plus et je fais des cauchemars. J’ai peur de la décision qu’ils vont prendre et je ne sais ni comment, ni quand ils vont nous annoncer leur décision. Cela a vraiment un impact sur la vie de tout ceux qui sont logés dans le camp. C’est très difficile de vivre dans une situation dans laquelle vous ne pouvez pas imaginer votre avenir ».

« C’est facile de faire des règles », dénonce A.B.. « Si vous voulez vraiment savoir comment cette nouvelle règle affecte les migrants, venez et vivez comme un migrant ne serait-ce qu’une journée et vous verrez ce que cela fait. »

>> À (re)lire : Frontière Turquie-Grèce : arsenal anti-migrants ultra-moderne le long du fleuve Evros

Pour les cinq nationalités concernées par la nouvelle loi, les autorités grecques ne tiennent désormais plus compte des raisons de fond pour lesquelles un demandeur d’asile a fui son pays d’origine lorsqu’il arrive par la Turquie. Un entretien, qui ne dure pas plus de quelques minutes, vise simplement à vérifier si la personne est exposée à des risques en Turquie.

Pourtant, l’année dernière encore, la quasi totalité des Somaliens demandant l’asile en Grèce avaient obtenu une protection, alors que pour les Afghans, ce taux de protection était de 66 %, note Alexandros Konstantinou du Conseil grec pour les réfugiés.

« Refoulement à tout prix »

Selon Mariana Tzeferakou, avocate de l’organisation Refugee Support Aegean, le véritable objectif est le « refoulement à tout prix ». Les raisons et la méthodologie du gouvernement grec restent, selon elle, un mystère.

D’après les ONG grecques de défense des droits des migrants, cette nouvelle loi s’inscrit dans une politique anti-réfugiés plus large, alors que les camps de migrants hyper surveillés sur les îles grecques ressemblent de plus en plus à des prisons à ciel ouvert et que de nouveaux lieux de détention voient le jour.

>> À (re)lire : En Grèce, la stratégie d’enfermement des migrants prend de l’ampleur

Dans le même temps, Athènes est régulièrement accusée de pratiquer des « pushbacks », ces refoulements forcés et illégaux de migrants en mer Égée. La semaine dernière encore, selon de nouvelles informations, des garde-côtes grecs, dont au moins un était armé d’une mitraillette, aurait forcé un canot pneumatique de migrants approchant l’île de Kos à retourner dans les eaux turques.

L’ONG Amnesty International a récemment décrit les refoulements vers la Turquie comme étant devenus « de facto » la politique frontalière de la Grèce. Le gouvernement grec continue de son côté de démentir ces allégations.

La Turquie, un pays sûr ?

Les ONG de défense des droits des migrants estiment également que la Turquie ne peut pas pas être considérée comme un pays sûr, au vu de son système d’asile et de ses conditions d’accueil pour les réfugiés.

La Turquie accueille près de 4 millions de réfugiés, notamment syriens. Crédit : Çiçek Tahaoğlu
La Turquie accueille près de 4 millions de réfugiés, notamment syriens. Crédit : Çiçek Tahaoğlu

Pour Mariana Tzeferakou, les demandeurs d’asile en Turquie risquent d’être renvoyés dans leur pays d’origine quels que soient les dangers auxquels ils y sont exposés.

Elle note par ailleurs qu’en Turquie, la pratique de détentions arbitraires et illégales, ainsi que les renvois forcés ne seraient un secret pour personne.

H.C., 35 ans, et qui se trouve en Grèce depuis cinq ans, ne peut qu’exprimer sa frustration. « Ils font de la politique avec les réfugiés. Je me vois comme une balle que la Grèce passe à la Turquie, que la Turquie passe à l’Iran et que l’Iran tire vers un autre pays. Tout le monde est fatigué de cette situation. »

La pandémie bloque le processus

Pour le moment, à cause des restrictions liées à la pandémie de coronavirus, les demandeurs d’asile déboutés dans le cadre de la nouvelle loi n’ont pas encore pu être renvoyés physiquement en Turquie. Ankara n’a en effet repris aucun demandeurs d’asile depuis que le pays a fermé ses frontières en mars 2020.

La pandémie renforce ainsi la situation de flottement, d’autant que la loi grecque stipule que si un pays tiers refuse de reprendre un demandeur d’asile, les autorités doivent réexaminer sa demande, mais cette fois sur le fond.

Pour l’instant, les autorités grecques semblent ignorer cette règle. Depuis plus d’un an, les demandeurs d’asile syriens se voient refuser l’accès à un examen sur le fond.

« Nous ne savons pas ce qui va se passer parce que […] des milliers de personnes seront concernées par cette nouvelle loi », affirme Alexandros Konstantinou du Conseil grec pour les réfugiés. « Les demandeurs d’asile déboutés n’auront accès ni aux allocations, ni au marché du travail et ils n’auront qu’un accès très limité au système de santé, ce qui est pourtant très important, notamment en pleine pandémie. »

Une aubaine pour les trafiquants

Le mois dernier, pas moins de 38 organisations ont écrit au gouvernement grec et aux institutions européennes pour les avertir que cette décision aurait de graves conséquences pour les migrants.

D’après Karl Kopp, qui gère les affaires européennes de l’ONG allemande Pro Asyl, la politique de la Grèce va seulement contribuer à enrichir les trafiquants et les passeurs. Il estime que ceux qui risquent d’être renvoyés en Turquie sont susceptibles de tenter de rejoindre l’Europe du nord ou de l’ouest « illégalement » via les Balkans. « Les passeurs vont faire davantage de profit, la souffrance et l’exploitation des migrants vont augmenter. »

Karl Kopp appelle ainsi l’Allemagne et les autres pays européens à faire pression sur la Grèce. « Il y a un silence assourdissant à Berlin et dans les autres capitales », critique-t-il.

Pour la demandeuse d’asile afghane A.B., il est également important de rompre le silence sur la décision grecque. « Nous ne pouvons pas applaudir d’une seule main », explique-t-elle. « Les réfugiés sont comme une main qui a besoin que l’autre main se rassemble pour pouvoir faire du bruit ».

Les initiales A.B. et H.C. ont été utilisées pour des raisons de sécurité et de confidentialité.

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/33778/grece-inquietude-de-nombreux-migrants-apres-la-nouvelle-loi-qui-prevoit-leur-renvoi-en-turquie

Le plus important sauvetage de SOS MEDITERRANEE

Ocean Viking : 572 rescapés doivent être débarqués en lieu sûr sans plus attendre.

Méditerranée centrale, 6 juillet 2021 – Après six opérations de sauvetage dans les zones de recherche et de sauvetage maltaise et libyenne depuis jeudi 1er juillet, l’Ocean Viking a pris en charge 572 rescapés, dont 183 mineurs, qui doivent être débarqués d’urgence dans un port sûr.
En l’absence de coordination maritime, SOS MEDITERRANEE appelle les pays européens à coordonner d’urgence le débarquement des 572 rescapés dans un port sûr.

En un peu plus de 72 heures, l’Ocean Viking – un navire de sauvetage affrété par l’organisation maritime civile et humanitaire SOS MEDITERRANEE – a secouru 572 personnes de six embarcations en détresse en Méditerranée centrale. Le tout, en l’absence constante de coordination et de partage d’informations par les autorités maritimes. L’équipe SOS MEDITERRANEE à bord a également trouvé cinq embarcations en bois vides ayant été interceptées par les garde-côtes libyens dans la zone de recherche et de sauvetage de Malte.

«Ce dont nous avons été témoins en mer ces derniers jours est déchirant», déclare Luisa Albera, coordinatrice des opérations de recherche et de sauvetage à bord de l’Ocean Viking. «Non seulement nous avons sauvé des centaines de personnes – qui ont pris le risque de mourir en mer plutôt que de rester en Libye – sans aucune coordination des autorités maritimes, mais nous avons également vu les restes d’autres embarcations interceptées par les garde-côtes libyens, jusque dans le secteur de recherche et de sauvetage de Malte. Toutes les personnes interceptées sont renvoyées de force et illégalement en Libye, qui ne peut être considérée comme un lieu sûr selon le droit maritime. Nous demandons à l’UE d’au moins coordonner le débarquement des 572 rescapés à bord de notre navire dans un lieu sûr.»

Le plus important sauvetage réalisé par l’Ocean Viking : des centaines de personnes entassées sur une embarcation en bois.

Dans la nuit du dimanche 4 au lundi 5 juillet dernier, dans l’obscurité la plus totale et après quatre heures de recherche, l’équipe de sauvetage de SOS MEDITERRANEE a trouvé une embarcation en bois repérée auparavant par l’avion Colibri 2 de Pilotes Volontaires.

369 hommes, femmes et enfants étaient entassés sur une grande embarcation en bois qui risquait de chavirer. De telles embarcations en bois, en mauvais état, lancées depuis les côtes libyennes, n’avaient plus été rencontrées par nos équipes depuis plusieurs années.

183 mineurs, dont des enfants en situation de handicap, figuraient parmi les rescapés.

A bord, les rescapés ont déclaré avoir passé jusqu’à trois jours en pleine mer avant d’être secourus. Dimanche soir, une femme a dû être transportée sur une civière pour être évacuée. Lors d’une opération de sauvetage qui a permis de sauver 71 personnes d’une autre embarcation en bois surpeuplée, plus tôt dans la journée de dimanche, ce n’est pas une mais quatre personnes qui ont dû être transportées sur une civière depuis leur embarcation sur l’Ocean Viking.

Ces derniers jours, l’équipe médicale de SOS MEDITERRANEE à bord de l’Ocean Viking a traité des cas de brûlures dues au carburant, d’autres causées par le soleil, de déshydratation et d’épuisement extrême qu’entraînent des voyages aussi pénibles en mer. En outre, deux rescapés, qui font partie des 183 mineurs à bord, sont en situation de handicap. L’un d’eux, souffrant d’une paralysie partielle, a été retrouvé à bord d’une embarcation en bois avec son fauteuil roulant.

« Les milices nous traitaient comme des déchets, comme de la marchandise ».

Certains rescapés à bord de l’Ocean Viking ont raconté à nos équipes les violences inimaginables subies en Libye. « Il y a trop de torture en Libye », déclare Susanne*, une femme de 36 ans originaire du Cameroun. « J’ai réussi à m’échapper d’un centre de détention avec ma fille à trois heures du matin un samedi. Nous y avions passé huit mois. Les milices nous ont traitées comme des déchets, comme de la marchandise. Ils nous ont violées ».

Djimon*, un Béninois de 23 ans a également rapporté des abus physiques et sexuels répétés. « J’ai été kidnappé à mon arrivée en Libye. J’ai passé deux mois dans des centres de détention. J’ai été torturé depuis le mois de janvier, battu jusqu’à ce que ma jambe soit cassée. Ils violent tout le monde. J’ai passé quatre jours sans manger, sans boire. »

Avec le Geo Barents de MSF détenu, la Méditerranée ne doit pas être un trou noir cet été.

Alors que l’Ocean Viking opérait en mer, des nouvelles profondément préoccupantes liées à la recherche et au sauvetage nous sont parvenues ces derniers jours. Avec le nouveau navire de Médecins Sans Frontières (MSF), le Geo Barents, placé en détention administrative par les autorités italiennes le 3 juillet, presque tous les navires d’ONG de recherche et de sauvetage sont à nouveau empêchés d’effectuer des missions de sauvetage en Méditerranée centrale. Selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), jusqu’ici cette année, 723 personnes sont mortes ou ont disparu dans cette zone. Plusieurs naufrages meurtriers ont été signalés au cours des seuls derniers jours.

SOS MEDITERRANEE demande qu’un programme européen de recherche et de sauvetage efficace, humain et respectant le cadre du droit maritime soit rétabli de toute urgence, sept ans après la fin de l’opération Mare Nostrum. L’Europe ne peut pas continuer à demeurer passive face aux naufrages à répétition tout en appuyant consciemment un système d’abus innommables en soutenant les retours forcés en Libye.

* Le nom a été changé pour protéger l’identité du / de la rescapé.e.

Source https://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/cp-06-07-2021

« Alors que nous lançons notre Campagne de collecte annuelle, nos équipes prennent soins des 572 personnes rescapé.e.s en Méditerranée, en six opérations de sauvetage. La générosité du public est essentielle pour nous permettre de continuer notre mission ». Sophie Beau, directrice générale de SOS MEDITERRANEE France.

Crédit photo : Flavio Gasperini / SOS MEDITERRANEE

Un nuage néofasciste plane (toujours) au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie

1er juillet par Eva Betavatzi


Image du camp de Kara Tepe en janvier 2021

Le 12 mars 2020, j’écrivais un article intitulé « un nuage néofasciste plane au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie » – voir extraits plus bas – publié sur le site du CADTM [1]. « À l’époque » je pensais que la situation ne pouvait pas être pire pour les personnes demandeuses d’asile en Grèce, sauf que les évènements décrits dans mon précédent article ont eu lieu il y a moins d’un an, « l’époque » n’est donc pas si lointaine. Depuis, les choses ont empiré. Les images qui nous parviennent de Moria 2.0 (le premier camp de Moria a été incendié le 8 septembre 2020) en attestent.

Le camp Moria 2.0 (ou Kara Tepe) situé sur un ancien champ de tir militaire est aussi inhumain que le précédent : manque d’eau, d’électricité, des tentes qui ne protègent ni contre la pluie, ni contre les tempêtes, ni contre la neige. Des personnes atteintes de Covid-19 y vivent avec des enfants, des femmes enceintes, des personnes handicapées, des personnes âgées, etc. Au total, ce camp accueille 10 000 personnes.

Peu avant la signature du Pacte sur la migration et l’asile, présenté le 23 septembre 2020, l’Union européenne avait laissé entendre qu’un quota obligatoire d’accueil de personnes demandeuses d’asile par pays serait envisagé. Sans surprises, les forces xénophobes des gouvernements européens ont été plus fortes que celles des milliers de voix qui se sont élevées pour un pacte solidaire, un accueil humain et la fin de Moria [2]. Les quotas sont tombés à l’eau. La Commission européenne présentait son nouveau Pacte en disant avoir trouvé « la balance entre solidarité et responsabilité », une manière de dire que les choses ne changeront pas. Les xénophobes avaient gagné une bataille importante.

Lorsque l’incendie s’est déclaré au camp Moria 1, la Commission européenne annonçait ‘‘NO MORE MORIAS’’ (plus de Morias), mais, comme l’écrivait un journaliste quelques jours plus tard : « ‘‘No More Moria’’ turned into ‘‘flooded Kara Tepe’’ » (« Plus De Moria » s’est transformé en « Kara Tepe inondé ») [3].

Depuis mars 2020, les conditions de vie des personnes demandeuses d’asile aux frontières de la Grèce se sont dégradées, le camp de Moria a ressurgi malgré les flammes, le nuage néofasciste s’est renforcé grâce au Pacte européen sur la migration et l’asile.


PREMIER EXTRAIT DE L’ARTICLE « UN NUAGE NÉOFASCISTE PLANE AU-DESSUS DES FRONTIÈRES ENTRE LA GRÈCE ET LA TURQUIE »

L’Europe vit une période sombre, la situation aux frontières entre la Grèce et la Turquie en atteste. Les discours se multiplient et l’heure est à la confusion. Chacun·e apporte « son soutien » à l’une ou l’autre partie « victime », tantôt de la dictature d’Erdogan, tantôt d’une prétendue « invasion » de personnes migrantes, tantôt d’une folie humaine déjà installée depuis bien trop longtemps. Une folie humaine qui est restée dans l’ombre des préoccupations grâce à un gros chèque que l’Union européenne s’est accordée à verser à Erdogan. Six milliards d’euros, c’est le montant reçu par la Turquie à la suite de l’accord signé entre son État et l’UE en 2016. Six milliards d’euros, c’est le prix que l’Europe de « l’Union » a payé pour son incapacité à exprimer son refus « d’accueillir » des personnes en exil. Des personnes qui fuient les nombreuses guerres et conflits qui sévissent dans leur pays. Six milliards d’euros c’est bien plus que ce que l’UE n’aurait accepté de rembourser à la Grèce sur les intérêts de sa dette. Dépenser pour refouler des personnes extrêmement vulnérables, oui, annuler la dette illégitime de la Grèce pour éviter le massacre social, non. On ne peut plus clairement résumer les politiques de l’UE.

Nulle question de « place disponible à l’accueil », nulle question « d’origine », que ces personnes migrantes viennent de Syrie, de Palestine, d’Irak, d’Afghanistan ou d’ailleurs peu importe, il s’agit de créer une Europe de l’investissement vide de sens et pleine d’argent, vide de gens et pleine de morts.

Les mots ne sont pas encore assez durs et la colère est légitime

La Grèce est devenue aujourd’hui un territoire de toutes les batailles. Des personnes tentent de sauver ce qu’il reste de notre humanité, en sauvant des vies aux larges des côtes grecques et turques tandis que d’autres se lancent dans une croisade contre l’« étranger » et ses « allié·es ». La police anti-émeute grecque (MAT), chargée de canons à eau, de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes, avait été envoyée par bateau par ordre du gouvernement à la fin février sur les îles de la mer Egée pour réprimer la population locale, en colère d’apprendre la réquisition par le gouvernement de leurs petites propriétés (terrains) pour la construction de nouveaux centres fermés. Ce même gouvernement avait annoncé quelques jours plus tôt son plan en trois points : construire de nouveaux centres fermés pour 20 000 demandeurs et demandeuses d’asile (alors que les camps comptent au total plus de 40 000 personnes aujourd’hui), renforcer les frontières physiques, refuser presque automatiquement les potentielles nouvelles demandes d’asile. S’en sont suivies des images de guerre civile – des affrontements violents ont éclaté entre la population et les autorités locales et la police de l’État – qui laissaient présager le pire.

Les partis néofascistes d’Europe n’ont pas manqué d’y voir une opportunité à leur propagande raciste et hypocrite. Le 10 mars dernier, le parti flamand Vlaams Belang (Parti d’extrême droite flamand en Belgique) organisait un rassemblement devant l’ambassade de Turquie à Bruxelles pour soutenir les grec·ques qui « résistent avec vigueur » au « déboulement » des milliers de personnes migrantes envoyées par le « dictateur turc Erdogan ». Il se vantait d’être le seul parti « solidaire du peuple grec » ! Ce discours écœurant a été lu sur les réseaux sociaux par au moins des centaines de sympathisant·es dont des grec·ques qui remerciaient le Vlaams Belang de son soutien au pays ! À l’heure où le peuple grec luttait pour sa survie contre les mesures d’austérité imposées par la Troïka, le Vlaams Belang tenait un discours radicalement opposé.

Article extrait du magazine AVP – Les autres voix de la planète, « Dettes & migrations : Divisions internationales au service du capital » paru en mai 2021. Magazine disponible en consultation gratuite, à l’achat et en formule d’abonnement.

Source https://www.cadtm.org/Un-nuage-neofasciste-plane-toujours-au-dessus-des-frontieres-entre-la-Grece-et

Les livraisons à Exarcheia ont commencé !

La solidarité continue avec les collectifs et lieux autogérés en Grèce, malgré les pressions et intimidations du pouvoir.

Depuis hier, les livraisons à Exarcheia ont commencé. Elles seront étalées sur plusieurs semaines. Comme toujours, c’est avec le Notara 26, premier squat historique de réfugié-es et migrant-es au centre d’Athènes*, que nos actions simultanées ont quitté d’autres régions de Grèce pour converger sur les catacombes de la capitale. En pleine canicule, les enfants et adultes du squat nous ont chaleureusement accueilli-es dans les accolades et les sourires. Certains visages sont connus depuis longtemps, d’autres sont nouveaux, tous sont affectueux comme lors des retrouvailles d’une grande famille.

Le chargement : une tonne et 350 kg de fruits et légumes de Crète, mais aussi des céréales complètes venues de France, de l’huile d’olive achetée à Kastelli pour soutenir simultanément les paysans en lutte contre le projet d’aéroport, des couches et du lait infantile collectés progressivement, des cadeaux d’enfants de France et de Crète pour les enfants migrants, quelques vêtements et cafetières aussi… Bien sûr, cette livraison sera doublée d’une somme d’argent transmise ce soir dans le cadre de l’assemblée générale du lieu, car il est important également que les collectifs soit autonomes dans leurs choix face aux épreuves qu’ils traversent.

Dans un contexte extrêmement difficile, le Notara 26 est un exemple : il résiste aux fascistes et à l’état grec depuis six ans, sans faiblir, avec toujours autant de monde, d’initiatives, de joie, de courage, d’entraide, de force et d’amour. De la « bonne force» comme on dit par ici : « Kali dynami ! »

Merci à celles et ceux qui nous épaulent pour continuer à faire vivre l’utopie concrète et persévérer dans l’adversité. Pas question de baisser les bras, même si les temps sont difficiles. À bientôt pour d’autres nouvelles du quartier où d’autres lieux sont encore debout et où de nouveaux collectifs viennent même d’être créés ! Non, rien n’est fini, comme vous pourrez le voir dans le prochain épisode 😉

Salut fraternel de nos camarades et compagnons d’utopie ici ✊🖤❤

Maud et Yannis po/ Anepos et les membres et soutiens de l’action

PS : si vous voulez soutenir les prochaines actions dans les jours à venir (évidemment sans subvention ni partenariat médiatique avec les valets du pouvoir) à destination de plusieurs autres collectifs et lieux autogérés à Athènes puis ailleurs), c’est ici :

1- Pour effectuer un virement à ANEPOS
IBAN : FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU
Objet : « Action Solidarité Grèce »
.
2- Pour participer via PAYPAL, suivre le lien :
https://www.paypal.com/cgi-bin/webscr?cmd=_s-xclick&hosted_button_id=LMQPCV4FHXUGY&source=url
.
3- Pour envoyer un chèque à l’ordre de ANEPOS
Adresse postale : ANEPOS – Action Solidarité Grèce – 6 allée Hernando – 13500 Martigues
.
Contact : solidarite@anepos.net
Tél. Grèce (0030) 694 593 90 80 / Tél. France 06 24 06 67 98

* Petite présentation du Notara 26 (vidéo de 14 minutes) :
https://www.youtube.com/watch?v=Aq3SUliz34A

Source et autres photos http://blogyy.net/2021/06/29/les-livraisons-a-exarcheia-ont-commence/

SOS MEDITERRANEE Appel à dons

L’été vient de commencer, et comme depuis plusieurs années maintenant, les départs des côtes libyennes risquent de se multiplier à la faveur de conditions météo favorables.

Comme Mourad qui a dérivé sans boire ni manger durant 48 heures, Esther dont l’enfant est né en pleine mer sur une embarcation surchargée, ou Alex qui a vu le jour une après-midi de mai à bord de notre navire, d’autres prendront la mer pour fuir l’enfer qu’est devenu la Libye.

Ces personnes traversent la Méditerranée au péril de leur vie ; notre devoir est d’agir pour leur venir en aide !

Alors que quatre navires humanitaires sont toujours bloqués par les autorités maritimes, notre bateau citoyen, l’Ocean Viking fait actuellement route vers la Méditerranée centrale pour continuer sa mission : sauver des vies en mer.

Pour assurer notre présence vitale cet été, votre soutien est plus que jamais indispensable. Ensemble, répondons à ces appels de détresse !

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Merci d’être à nos côtés,

L’équipe de SOS MEDITERRANEE
#RepondezACeSOS

 

En tant qu’humain sur cette terre : personne n’est illégal

22 juin par Didier Epsztajn

 

« Penser les migrations sous le prisme de leur contexte politique, c’est en refuser les explications qui reposent sur des causes conjoncturelles et qui invisibilisent les responsabilités des pays dominants. La majorité des personnes migrantes viennent de pays qui se situent dans des régions du Sud lourdement fragilisées par des siècles de colonialisme, puis de politiques néolibérales imposées par les pays du Nord. Les personnes migrantes se déplacent donc bien souvent pour tenter d’échapper à la misère engendrée dans leur pays d’origine par les politiques d’ajustement liées au remboursement de la dette imposées par principaux créanciers : les Institutions financières internationales (IFIs), banques et gouvernements du Nord. Ces mesures reposent sur l’extractivisme, l’accaparement des terres, sur la perturbation des économies locales et le détricotage des mécanisme de protection sociale. »

Dans l’introduction, Dettes et déplacements, les auteurs et autrices rappellent que « La dette est ainsi un outil de domination et de transfert des richesses qui provoque des déplacements importants de population, au Sud comme au Nord ». Elles et ils abordent l’endettement des personnes qui « compense » le fait que les Etats ne s’acquittent pas de l’obligation de « de promouvoir et de réaliser les droits humains », le recours croissant à l’endettement pour financer les coûts de la migration, la servitude pour dettes, les migrant·es qualifié·es d’illégaux et qui forment une main d’œuvre sous-payée, les politiques migratoires très restrictives des pays du Nord, Frontex (en complément possible, Abolissez Frontex, mettez fin au régime frontalier de l’Union Européenne et Claire Rodier : Frontex, Plateforme européenne du business migratoire, les instruments de répressions des migrations, l’externalisation des frontières, « Les politiques contemporaines, véritables nécropolitiques, liées à la défense et à la gestion des frontières, restent profondément imbriquées à la mort ».

« À travers ce nouveau numéro des Autres voix de la planète, c’est un portrait de ce lien, depuis les pays du Sud, et pas uniquement sur les pays du Sud, qui est dressé. Un premier ensemble de textes évoque les facteurs historiques et structurels des migrations. Ces articles rappellent comment l’ampleur des destructions de la colonisation et le maintien des dépendances économiques et politiques après les indépendances causent des migrations. Le deuxième ensemble de textes évoque les fonctions économiques systémiques qu’exercent les immigrations contemporaines, dont la sécurisation et l’externalisation des frontières en sont une des facettes. La troisième partie montre comment les crises économiques et les migrations sont éminemment imbriquées. Elle souligne également que ce lien de cause à effet se déplace car, désormais, certains chemins migratoires fuient les réformes structurelles qui touchent également les pays du Nord. La quatrième partie éclaire sur ce que la dette et les politiques migratoires « font », aux personnes migrantes, souvent poussées à s’endetter dans leurs parcours migratoires. Pour finir, nous proposons de faire état de pistes d’actions, de mobilisations solidaires, qui montrent la possibilité d’autres manières de réellement accueillir, de faire hospitalité. Repenser l’hospitalité prend ici la forme d’une réparation a minima que les pays riches, les pays du Nord, les pays (néo) colonisateurs doivent à l’égard des peuples et territoires exploités ».

Une remarque préalable. L’article 13 de La Déclaration universelle des Droits des êtres humains précise que Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat et que Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Cet article n’est pas réservé aux habitant·es des pays du Nord global nommé·es expatrié·es lorsqu’iels sont migrant·es. Les êtres humains expatriés ou migrants ne peuvent-être considérés comme illégaux.

Quelques éléments choisi subjectivement parmi les différents textes.


Les causes historiques et structurelles des migrations sont analysées dans un premier chapitre.

Saïd Bouamama aborde les facteurs – généralement oubliés – systémiques et structurels des migrations contemporaines, l’ampleur des destructions des périodes coloniales, « Le but de la colonisation occidentale est la destruction totale des logiques économiques [et en conséquence également politiques, culturelles, etc.] dominantes auparavant dans ces pays pour imposer une logique économique correspondant aux intérêts de l’économie du pays colonisateur et de sa classe dominante », l’unification hiérarchisée du monde, les dépendances structurelles des économies dites de la périphérie, l’engendrement d’une « surpopulation permanente » par la destruction de l’agriculture paysanne, les effets des plans d’ajustements structurels, les zones de et les « statuts » de non-droit, la dépendance comme forme systémique « prenant le relais de la colonisation d’avant-hier et du néocolonialisme d’hier »…

Ndongo Samba Sylla discute de la libre circulation des biens et des capitaux mais pas des femmes et des hommes, de la Méditerranée transformée en cimetière, du caractère non-soutenable du système capitaliste, de la concentration des revenus et des patrimoines, des écarts entre niveaux de vie, de « prime de classe » et de « prime de résidence » (« Nous ne naissons donc pas égaux/égales »), des barrières mises en place pour entraver la circulation des personnes, de la création « d’une classe globale de surnuméraires »

Virginie de Romanet « s’intéresse à l’impact de la Banque mondiale et de l’évolution du contexte économique sur la dégradation des conditions de vie qui s’en est suivie et au manque d’opportunités économiques pour les populations fragilisées ». Elle aborde aussi les dettes coloniales, les migrations, « une part très conséquente de l’immigration a lieu entre pays du Sud », la fuite des cerveaux dont les médecin·es, les impacts du changement climatique.

L’autrice souligne deux points :

  • « Tout être humain devrait pouvoir choisir l’endroit où il souhaite s’installer et vivre et il devrait s’agir d’un vrai choix et non d’un choix contraint par des conditions économiques ou politiques défavorables »
  • « Seule l’annulation de la dette, des réparations pour l’exploitation et le pillage colonial et néocolonial, et d’autres transformations fondamentales nécessaires, pourront mettre fin à cette situation »

Nicolas Sersiron discute de la part des facteurs environnementaux dans la croissance des migrations ; les cause visibles, les causes profondes (pauvreté publique, absence de filet social), les destructions de territoires de vie par des multinationales extractives, les accaparements de terres. L’auteur analyse les effets du colonialisme et du néocolonialisme, les techniques d’endettement, la corruption, la concurrence « déloyale » des produits des multinationales, les transferts du Sud au Nord…

Il souligne qu’« il y a peu de migrations environnementales là où il existe des revenus dignes ». Il aborde la non prise en compte des « externalités négatives », les déchets de la consommation effrénée dans les pays industrialisés, la dette écologique envers les populations du Sud…

« Le patriarcat au centre des migrations : Une analyse structurelle et imbricationiste ». Des extraits d’un texte de Jules Falquet sont proposés à la lecture. Je rappelle son important livre, Imbrication. Femmes, race et classe dans les mouvements sociaux. Une citation : « Les nouvelles modalités du travail requièrent des « qualités typiquement féminines » : acceptation du temps partiel et infiniment extensible à la fois, polyvalence et implication « totale », notamment émotionnelle, qui dessinent des formes de servilité normalisées et généralisées ».

L’autrice aborde les « femmes de services » et les « hommes en armes », les effets délétères pour les femmes de la mondialisation néolibérale, les nouveaux emplois féminins et les migrations, l’état de guerre et de contrôle généralisé, les complexes militaro-industriel…


Le second chapitre est consacré aux fonctions économiques et politiques des migrations.

Claire Rodier analyse ce qu’est et ce que fait Frontex. Elle discute de celles et ceux qui doivent fuir leurs pays, des liens entre Frontex et l’industrie militaro-sécuritaire, la surveillance, « Ce choix d’investir dans la surveillance plutôt que dans le sauvetage des vies humaines explique qu’en 2019, la proportion de boat people qui ont perdu la vie en tentant la traversée de la Méditerranée pour rejoindre l’Europe a atteint le seuil historique de 14% (contre en moyenne 2% au cours des années précédentes) », les violations des droits des personnes migrantes…

Il faut s’interroger sur qui profite de la « gestion » des migrations. Jérome Duval, Benoît Coumont et Ludivine Faniel reviennent sur le droit fondamental de liberté de circulation et les politiques sécuritaires qui bafouent ce droit. Iels discutent des moyens militaires mis en place, la délégation de tâches à des entreprises privées, la chaine de sous-traitance, le business florissant du contrôle des frontières, la gestion des centres de détention, « en définitive, la politique anti-migratoire mise en œuvre par l’UE tue »…

Un article est consacré aux politiques migratoires et sécuritaires européennes au Niger, l’association des « enjeux migratoires » aux questions de « l’aide au développement et de la sécurité », les contraintes d’adaptation que cela fait peser sur le Niger et limite les capacités à « décider et agir », le (non) respect des conventions internationales de protection des droits des personnes migrantes….

Stathis Kouvelakis aborde l’histoire récente de la Grèce, la logique des mémorandums, « la logique de ces mémorandums est similaire à celle des programmes d’ajustement structurel », la réduction du rôle des organisations représentatives, le bradage du « patrimoine public », le saccage des ressources naturelles et de l’environnement… Je regrette que l’auteur parle de « souveraineté nationale de l’Etat grec » et non de souveraineté populaire (l’Etat grec, un rouage du fonctionnement du capitalisme, ne pouvant être considéré comme organe de cette souveraineté).

Cet article est complété par une analyse des pratiques de la police anti-émeute grecque, de la « gestion » de la frontière entre Grèce et Turquie, « Un nuage néofasciste plane au-dessus des frontières entre la Grèce et la Turquie »,la montée de partis néofascistes en Europe…


Le troisième chapitre aborde plus précisément
« Crises économiques, dettes et migrations » .

« Les dérives autoritaires et répressives – policières et militaires, voire paramilitaires – particulièrement à l’œuvre au Honduras, au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala à l’encontre de toute dynamique de contestation ou à la faveur des politiques de confinements… aggravent encore le panorama ». Bernard Duterme analyse la situation en Amérique centrale, « Une crise de trop », les effets de la pandémie sur la pauvreté et les inégalités, l’aggravation de la « crise » migratoire, « environ 400 000 Centro-Américain·es tentent chaque année de passer aux Etats-Unis », la fuite face aux violences, les espoirs de réunification familiale, les possibles inversions de tendance du coté de la démocratisation et de l’émancipation…

Je souligne le très intéressant article de Fatima Martin et Jérome Duval, « L’Espagne a basculé de l’immigration à l’émigration en cinq ans de crise de 2008 à 2013 », la chute de la population depuis 2012, le basculement démographique, « L’Espagne était l’un des pays les plus jeunes en 1960. En 2060, il sera l’un des plus vieux, avec un âge moyen de 49,7 ans », le solde migratoire négatif…

Lucile Daumas aborde les « Les politiques migratoires européennes vues du Maroc », le slogan « la mort plutôt que l’humiliation » de certain·es rifain·es lors de leurs mobilisations, le détroit de Gibraltar, les grilles et les murs érigés pour empêcher la sortie des personnes du Maroc, la coopération et la sous-traitance dans la gestion des frontières, les migrant·es d’« Afrique noire » et leurs parcours stoppés au Maroc, les visions sécuritaires de la migration, les migrations circulaires (exemple des travailleuses de la fraise)…

En complément possible :

Christine Vanden Daelen analyse « La dette, mécanisme infernal au cœur de la féminisation des migrations », l’imbrication des rapports sociaux, « Ainsi, capitalisme, patriarcat et racisme s’imbriquent et renforcent mutuellement leurs oppressions », les impacts sexospécifiques du système dette, les effets du démantèlement de l’« Etat social », « Les privatisations et coupes budgétaires imposés aux services publics et sociaux les affectent spécifiquement comme travailleuses, usagères et bénéficiaires majoritaires de ces secteurs mais également comme mères, compagnes, filles… », l’accaparement de terre et l’extractivisme qui prive « les femmes de leurs moyens de subsistance et territoires », les effets du « tout à l’exportation », le microcrédit, les chemins de l’émigration « cadenassés par la dette », les femmes de services et la « reproduction sociale »… « La spirale infernale de la dette atteint ainsi son paroxysme et démontre combien toute stratégie d’émancipation gagne à inclure dans les revendications l’abolition des dettes illégitimes ».


Dans le quatrième chapitre sont examinées
« Ce que les politiques migratoires font aux personnes migrantes » .

Anaïs Carton analyse la situation de « travailleuses domestiques migrantes au Liban, le parcours de la dette » n’est pas propre au Nord global. L’autrice parle de ces femmes « non-arabes » étrangères au Liban, « Les travailleuses domestiques subissent donc trois formes de domination : en tant que migrantes, en tant que femmes, et en tant que travailleuses. Au Liban, cette division sexuelle, sociale et internationale du travail produit des rapports de domination entretenus par le système qui organise cette migration, la kafala », l’absence de protection sociale, « la relation de service qui lie ces femmes à un kafil est donc éminemment marquée par le joug d’une domination », les réseaux de recrutement, la servitude pour dette, la division sexuelle du travail…

Sushovan Dhar aborde les « différentes formes de dettes envers une diversité d’acteurs », les conditions de travail de femmes indiennes dans le pays du golfe, le développement de la prostitution, le système de la « kalafa », l’esclavage moderne, les pièges de la dette et de l’exploitation, « La migration ouvrière et le piège de la dette qui y est associé ont comme conséquence de graves restrictions des libertés des travailleurs/euses en les fixant dans des relations de pouvoir et de dépendance très asymétriques »…

Dans un entretien Richecarde Célestin, revient sur indépendance de Haïti, la continuité entre société coloniale et société d’exploitation et d’exclusion, le boulet de la dette, les formes d’esclavage sous les Duvallier, la violence de l’oligarchie en défense de ses privilèges, la problématique de l’identification, « L’arrêt 168-13 de 2013, pris par la Cour constitutionnelle dominicaine, faisait partie d’une politique migratoire pour contrôler le nombre de ressortissant·es haïtien·nes sur son territoire. Il dénationalise des personnes qui sont nées en République dominicaine alors que la constitution prévoit la nationalité pour toutes les personnes qui sont nées sur le territoire. C’est là que l’État haïtien a réagi avec le Programme d’identification et de documentation des immigrés haïtiens en République dominicaine (PIDIH) », les violations des droits humains…

Laurenne Makubikua K, « L’Europe à tout prix », parle du cout humain et financier de la traversée des océans, de sa vie à Kinshasa et de son parcours, de l’asile refusé, « On ne te frappe pas physiquement, mais tu es abattue à l’intérieur de toi », de la situation d’endettement, des réseaux de solidarité…

Le dernier chapitre est consacré à quelques pistes d’action.

Lucile Daumas fait une lecture critique du « pacte mondial pour une migration sûre, ordonnée et régulière », l’absence de référence à « la liberté de circulation des personnes et au droit de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat et de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays », la légitimation de la criminalisation de la migration et de l’aide apportée aux personnes migrantes, le choix de la migration dite sélective, la distinction entre migrant·es et réfugié·es, les boites à outils « légitimant les pratiques actuelles en matière d’obstacles à la liberté de circulation », l’autorisation des camps de rétention, l’instauration de zones de non-droits, l’internement administratif, le refus « d’égalité de droits des personnes vivant sur un même territoire ». Il convient d’opposer à cela le droit international et la régularisation des personnes migrantes…

« Seules la démilitarisation du monde, la lutte effective contre le réchauffement climatique et l’annulation de l’ensemble des mécanismes qui maintiennent les pays du Sud dans la dépendance et le mal-développement permettront de bannir les migrations forcées et d’aller dans le sens de migrations réellement volontaires »

Les enjeux des uns sont de « contrôler les frontières, de construire des centres fermés, d’y enfermer des personnes innocentes » en dépensant allégrement les deniers publics, d’entraver « le droit de vivre tout simplement là où on se sent en sécurité », de créer la misère pour le bénéfice de quelques-uns. Ils construisent un monde d’inégalités, de murs, de frontières sauf pour les marchandises. Ils ne respectent ni les droits fondamentaux ni les traités internationaux. Leurs politiques ont fait de la Méditerranée un cimetière.

Un numéro très riche pour comprendre ce que la division internationale du travail et le dette font aux femmes et aux hommes.

Nous devons et nous pouvons nous opposer à cette Europe forteresse…

AVP 80 – Les autres voix de la planète : Dettes & migrations : Divisions internationales au service du capital

CADTM – 1er trimestre 2021

Liège 2021, 98 pages, 5 euros

Autres numéros : revue/les-autres-voix-de-la-planete/


Didier Epsztajn

Source http://www.cadtm.org/En-tant-qu-humain-sur-cette-terre-personne-n-est-illegal-19987

Des fraises grecques « fabriquées au Bangladesh »

Des fraises grecques « fabriquées au Bangladesh

Jusqu’à 10 000 travailleurs agricoles migrants vivent dans des camps de fortune dans les champs de fraises d’Ilia, qui produisent « l’or rouge » générant des dizaines de millions d’euros d’exportations. Alors que l’État grec reste indifférent, le nombre de travailleurs devrait augmenter, car la production devrait monter en flèche d’ici 2025, couvrant environ 6 200 acres.
par Stavros Malichudis
4 juin 2021

Photographies : Thodoris Nikolaou (découvrez notre reportage photo sur Manolada)
Vidéo : Fanis Kollias
Reportage supplémentaire : Nasruddin Nizami
Rédaction : Iliana Papangeli
Traduction : Gigi Papoulias

Les magasins situés le long de la route principale de Lappa, un petit village du nord-ouest du Péloponnèse, diffèrent des magasins que l’on trouve dans d’autres régions provinciales de Grèce. Les enseignes des quelques magasins – cafés, stands de souvlaki, boulangeries – écrites en grec, se mêlent à d’autres enseignes de magasins écrites en bengali.

Il y a un restaurant qui sert des plats bangladais et un magasin de vêtements. Il y a un mini-marché où l’on trouve de tout, de l’épicerie aux nattes, couvertures, ventilateurs, en passant par les produits emballés, tous fabriqués au Bangladesh. Les propriétaires du magasin, qui sont originaires du Bangladesh, sont bien conscients des besoins de leurs consommateurs : la communauté de milliers de leurs collègues travailleurs terrestres migrants, qui vivent dans la région et travaillent dans les champs de fraises.

Parfois, ils répondent à ces besoins des consommateurs de manière imaginative, en combinant divers produits et services. Le magasin de vêtements vend également des outils et des pièces détachées. À l’intérieur de la supérette, un espace séparé a récemment été créé derrière une structure en bois – un salon de coiffure. Une coupe de cheveux coûte 5 € et un rasage 2 €, ce qui procure au propriétaire un revenu supplémentaire. « Quand j’ai dit à mon comptable ce que je voulais faire, il a ri, mais il m’a dit que c’était possible », dit-il.

Deux annonces de décès en bengali

Trois hommes sont assis sur des chaises en plastique devant la boutique. L’un regarde un dessin animé sur son téléphone, un autre sirote une boisson énergisante avec une paille. À côté d’eux, sur un poteau à côté de la façade du magasin, deux annonces de décès en bengali ont été affichées.

Le premier indique qu’Odan Mahmad Rajun s’est suicidé le 21 mars 2021. Le second annonce que vingt jours plus tôt, Amin Mia (amin signifie bien-aimé) est mort d’une crise cardiaque. Amin Mia était récemment venu en Grèce pour travailler, comme tous ses compatriotes. Et comme la plupart de ses compatriotes, il était sans papiers.

On estime que quatre à cinq Bangladais meurent ici chaque année. À chaque fois, les membres de la communauté et l’ambassade à Athènes organisent le rapatriement des corps – un voyage de plus de 6 500 kilomètres.

La « distorsion » de la population à Manolada

Certaines personnes, dans toutes les régions de Grèce, craignent que les populations locales ne soient « déformées » par l’arrivée de réfugiés et d’immigrants. Il y a cependant une région où cette « distorsion » s’est déjà produite, mais c’est un changement bienvenu et, depuis des années, il est devenu nécessaire. Cette zone est Manolada.

« Manolada » fait référence à la zone plus large de la préfecture d’Ilia dans le Péloponnèse, à environ 40 kilomètres à l’ouest de Patras, qui comprend les villages de Manolada, Nea Manolada, Neo Vouprasio, Lappa et Varda. Le dernier recensement en Grèce a eu lieu en 2011. À cette époque, Manolada comptait 844 habitants, Lappas 1 000 et Neo Vouprasio 128. Mais le nombre réel de personnes vivant dans la région est bien plus élevé.

En roulant sur la route qui relie les villages, nous arrivons à Nea Manolada. Bien que ce soit dimanche matin, il n’y a pas beaucoup de circulation à l’église située au centre du village. Toute l’activité se déroule plutôt à l’extérieur de la boutique de paris voisine, où un groupe d’hommes d’origine indienne est rassemblé, des bulletins de paris à la main.

À côté des boutiques grecques, des maisons de village abandonnées et des habitations à deux étages avec de grandes cours – une communauté s’est développée, des gens qui vivent dans des fermes délabrées et des camps de fortune, bien cachés des rues principales.

La plupart d’entre eux vivent sans papiers, invisibles pour l’État grec. Comme Ali.

L' »or rouge » de Manolada

Bien que sa voix douce, les traits de son visage et sa morphologie laissent penser qu’il pourrait être beaucoup plus jeune, Ali dit à Solomon qu’il a 17 ans. En 2004, quand Ali est né, les fraises de Manolada faisaient partie des nombreux produits cultivés dans la région et il y avait 1 200 stremmata (environ 300 acres) de champs de fraises.

La raison pour laquelle l’adolescent du Bangladesh et jusqu’à 10 000 travailleurs migrants sont venus dans la région est qu’au cours des dernières décennies, la production de fraises a augmenté rapidement. En 2012, elle couvrait 12 000 stremmata (environ 3 000 acres) et on estime qu’elle a actuellement dépassé les 15 000 stremmata (environ 3 750 acres).

Manolada cultive plus de 90% de la production totale de fraises en Grèce, qui est presque entièrement destinée à l’exportation. Dans un rapport récent, l’un des principaux producteurs de la région, Giannis Arvanitakis, parle d’un « produit exclusivement exportable », ajoutant que « seulement 4 % de la production » est destinée au marché grec.

L' »or rouge » – terme inventé par le Premier ministre grec de l’époque, George Papandreou – désigne une industrie de plusieurs dizaines de millions d’euros, en croissance constante. Selon l’Union of Fruit & Produce Exporters, chaque année, les exportations de fraises de la région battent le record de l’année précédente.

En 2020, malgré la pandémie, lorsque les producteurs ont été contraints de jeter une partie de leur produit, car il ne pouvait pas être exporté, les exportations de fraises ont généré 54 967 tonnes (d’une valeur de 71,7 millions d’euros), soit une augmentation par rapport à 2019, avec 45 178 tonnes (55,4 millions d’euros).

En 2021, la production et les exportations devraient dépasser celles de l’année précédente. Et les producteurs estiment que d’ici 2025, les champs de fraises de la région couvriront 25 000 stremmata (environ 6 200 acres).

Des fraises grecques par des travailleurs bangladais

On estime que la raison intégrale du succès de l’industrie de la fraise est le barrage sur la rivière Pineios, qui rend le sol de Manolada si fertile. Un autre élément clé est la main-d’œuvre bon marché.

Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, à Manolada, la main-d’œuvre était composée d’ouvriers agricoles albanais, roumains, bulgares et égyptiens. Depuis lors, si un petit nombre de Bulgares et de Roumains, pour la plupart, arrivent encore au début de chaque saison, la grande majorité des travailleurs de la terre sont des Bangladais et, dans une moindre mesure, des Pakistanais.

https://youtu.be/r_vOOCp_WnQ

La relation qui s’est établie entre la production de fraises et la main-d’œuvre qui l’assure, est devenue si bien ficelée que la majorité des travailleurs fonciers bangladais de Manolada viennent de la même ville, Sylhet, qui est située dans le nord-est du Bangladesh.

Ces dernières années, Solomon s’est rendu à plusieurs reprises à Manolada et a abordé, entre autres sujets, les défis auxquels des milliers de travailleurs de la terre ont été confrontés pendant la pandémie.

Au cours de nos visites, nous avons découvert l’existence de travailleurs de la terre de « deuxième génération ». Par exemple, des jeunes hommes qui sont venus à Manolada pour rejoindre leurs pères qui travaillent dans la région depuis des années, ou des cas comme celui d’Ali qui est venu pour retrouver son oncle, après que celui-ci lui ait dit qu' »il y a du travail à trouver ici » (mais Ali ne l’a finalement pas rencontré, car l’oncle est parti en Italie).

Les Bangladais sont beaucoup moins chers que leurs prédécesseurs des Balkans, puisqu’ils se contentent d’un salaire journalier de 24 euros pour une journée de travail de sept heures, contre 35 à 40 euros pour les autres nationalités.

En outre, leur morphologie et leur taille relativement courte sont considérées comme idéales pour semer et récolter les fraises. Un autre facteur est leur tempérament doux et leur statut dans le pays : ils sont considérés comme « calmes » et ne « créent pas de problèmes ». Comme la plupart sont sans papiers, leur crainte d’être expulsés ou arrêtés les amène à ne pas réagir en tant que communauté.

L’industrie de la fraise emploie à la fois des travailleurs terrestres hautement qualifiés, qui peuvent avoir plus de dix ans d’expérience, et des nouveaux venus qui se rendent à Manolada dès qu’ils franchissent la frontière. La saison commence à la fin du mois de septembre et se termine à la fin du mois de juin. Au plus fort de la saison, après décembre, on estime que jusqu’à 9 000 travailleurs terrestres travaillent six jours par semaine dans les serres. Les conditions de logement dans lesquelles vivent la plupart d’entre eux ne sont pas différentes de celles des serres où ils travaillent.

Les camps de Manolada

Les camps sont dispersés dans de vastes champs de fraises. Ils consistent en une douzaine d’abris de fortune construits à l’aide de roseaux pour la base et la charpente. Les « murs » sont faits avec les mêmes feuilles de plastique (utilisées pour les serres), renforcées par des couvertures.

Les travailleurs agricoles bangladais parlent peu le grec, seulement ce qu’ils ont appris en travaillant. Cependant, ils ont appris le mot grec qui décrit l’endroit où ils vivent : parāges ou « cabanes ».

Dans le camp que nous avons visité, plus de 100 personnes vivaient dans des dizaines d’abris de fortune. La plupart dorment sur des palettes, en deux rangées de part et d’autre de l’espace. Avec autant de personnes vivant dans un si petit espace, il est impossible de respecter les règles de distanciation sociale. Au printemps, la chaleur à l’intérieur des cabanes est étouffante, et les ventilateurs, qui fonctionnent en permanence, sont alimentés par des connexions de fortune à des sources d’énergie.

Dans la plupart des parties du camp, l’odeur est également suffocante, car les toilettes sont simplement un trou dans le sol. Il n’y a pas d’eau courante et ceux qui vivent dans le camp doivent se laver à l’extérieur ; ainsi, en hiver, ils sont souvent malades, et s’ils ne peuvent pas travailler, ils ne reçoivent pas leur salaire quotidien.

Deux étals font office de cuisines et il y a quatre réservoirs d’eau abrités sous un auvent. Il y a une mosquée de fortune, où certains des travailleurs se rendent chaque après-midi après le travail, en vêtements propres, pour prier.

Le nécessaire système des « masturs »

Kasef est en Grèce depuis un an. Il a traversé la frontière gréco-turque au niveau de la rivière Evros, et alors qu’il se déplaçait vers l’intérieur des terres, il a été attrapé par les autorités et détenu pendant 15 jours dans un poste de police. Il a ensuite été détenu pendant trois mois à Drama, au centre de détention avant éloignement de Paranesti.

Il a reçu une lettre l’invitant à quitter le pays dans un délai d’un mois et a demandé l’asile. Kasef dit qu’il porte le même pantalon depuis son arrivée dans le pays et se plaint que, parce qu’il est pakistanais, il est moins bien payé que les autres.

« Il y a très peu de travail », dit-il. Si Kasef se trouvait en Grèce il y a quelques décennies, il aurait passé ses journées à errer dans les champs pour demander du travail. S’il se trouvait dans un pays d’Europe du Nord, il se serait peut-être adressé à une agence pour l’emploi.

Mais pas à Manolada. Ici, les travailleurs de la terre n’ont pas de liens étroits avec leurs employeurs. Souvent, ils ne connaissent même pas le nom complet de leur employeur, peut-être seulement leur prénom, s’il s’agit de leur nom réel. Les travailleurs de la terre de Manolada établissent plutôt des relations avec les masturs, qui servent de médiateurs entre les travailleurs et les producteurs, et dans les camps où vivent les travailleurs.

Les masturs ou commanda sont leurs compatriotes. En général, ce sont des personnes qui vivent à Manolada depuis des années, qui ont commencé comme ouvriers agricoles, qui parlent un peu le grec et qui ont gagné la confiance des producteurs. Ils ne travaillent plus dans les champs. Pendant la journée, on les trouve dans les supérettes du village en train de siroter des boissons énergisantes ou de commander des fournitures pour le camp, qui sont achetées à crédit et toujours payées en totalité à la fin de chaque mois.

« Sans le mastour, c’est impossible ».

Les mastours entretiennent des liens étroits avec les producteurs locaux. Lorsque la saison est terminée, ils ne se rendent pas dans d’autres régions comme les autres travailleurs, mais ils restent à Manolada pour aider à d’autres travaux.

Un petit producteur de la région, qui a accepté de parler à Solomon sous le couvert de l’anonymat, a déclaré que le mastour est crucial pour le fonctionnement de l’industrie, « sans le mastour, on ne peut tout simplement pas le faire », a-t-il dit.

Il emploie environ 20 ouvriers agricoles dans ses champs, a-t-il expliqué, et il peut reconnaître environ la moitié d’entre eux. Il ne connaît que quelques-uns de leurs noms. Et il est incapable de coordonner et de communiquer avec eux par lui-même. Il dit simplement au mastur combien de personnes il a besoin, et le mastur s’occupe du reste – il va au camp et rassemble les travailleurs nécessaires.

Le mastour reçoit tous les salaires des travailleurs et à la fin du mois, il leur distribue l’argent, gardant 1 € par jour sur les 24 € par jour que chaque personne reçoit. Cependant, ces dernières années, certains masturateurs de Manolada demandent à leurs compatriotes 100 à 200 € en début de saison pour leur trouver un emploi, ce qui provoque leur indignation.

Il est extrêmement rare que les travailleurs de la terre vivant dans le même camp travaillent pour le même employeur. Pendant la saison, en fonction des besoins et des salaires journaliers disponibles, ils peuvent être employés par plusieurs producteurs – toujours par l’intermédiaire du mastour.
40 € de loyer pour une tente en plastique

Les travailleurs de la terre sont obligés de payer un loyer de 30 à 40 euros par mois au mastour, argent qui va généralement au propriétaire du champ. Cependant, lorsque nous avons dit au petit producteur qui nous a parlé que chaque migrant vivant dans le camp sur son champ payait un loyer chaque mois, il a répondu qu’il n’avait reçu aucun paiement à ce titre.

« Qu’ils me donnent juste de l’argent pour couvrir la facture d’électricité et je ne veux rien d’autre », a-t-il dit.

Pour les propriétaires de champs, où jusqu’à 100 personnes sont logées dans des camps, il existe un revenu mensuel non imposable de 3 000 euros. Nous avons visité une ferme où 65 personnes au total vivaient dans un espace commun partagé. Les résidents y paient 30 à 40 € chacun par mois – soit un total d’environ 2 000 € par mois pour vivre dans des conditions horribles.

L’incident de tir en 2013

Les conditions de vie et de travail dans la zone ont été largement connues en 2007, lorsqu’un incendie s’est déclaré dans un camp, exposant les structures grossièrement construites. Mais l’événement qui a attiré l’attention internationale sur la situation à Manolada s’est produit en 2013.

En avril de cette année-là, environ 150 travailleurs bangladais, employés dans les champs de fraises, se sont mis en grève et ont exigé le paiement de leurs arriérés de salaire. Leur employeur, Nikos Vangelatos, qui était dans la région depuis quelques années mais possédait un pourcentage important de la production totale par le biais de l’agriculture contractuelle, a refusé de les payer.

Lorsque l’employeur a tenté d’embaucher d’autres travailleurs de la terre pour les remplacer, 150 des travailleurs migrants non payés se sont réunis pour protester. Leurs superviseurs ont d’abord fui, avant de revenir avec des fusils de chasse. L’un des superviseurs a ouvert le feu, blessant 30 Bangladais

L’incident a fait la une des journaux internationaux, et les rapports ont décrit l’industrie de Manolada comme des « fraises de sang ». Un boycott international a suivi. Depuis lors, les fraises cultivées dans la région ne sont plus présentées comme provenant de « Manolada » (ce qui était autrefois un signe de qualité) mais plutôt d' »Ilia » (la préfecture où se trouve Manolada).

L’absence de l’État

Le 30 avril 2013, au lendemain de l’attaque des travailleurs de la terre, le Conseil régional de la Grèce occidentale s’est réuni. Après avoir condamné l’incident et demandé une enquête sur les autorités étatiques responsables, le chef régional adjoint de la préfecture d’Ilia, Haralambos Kafiras, a évoqué ces « trois conditions essentielles pour rétablir la loi et la dignité humaine dans la région » :

la délivrance de documents appropriés aux immigrants, afin qu’ils puissent vivre et travailler légalement
créer des conditions de vie sûres et hygiéniques
protéger les droits du travail et les droits individuels des travailleurs.

Vassilis Kerasiotis est l’avocat qui a représenté les travailleurs terrestres lésés. En 2017, l’affaire a été entendue par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), et le superviseur accusé a été condamné, en 2019, à une peine réduite de huit ans d’emprisonnement, qui peut être remboursée à raison de 5 € par jour.

Kerasiotis entretient toujours des liens étroits avec la région. Nous lui avons demandé s’il pense que les choses ont changé en ce qui concerne les trois conditions essentielles, au cours des huit années qui se sont écoulées depuis l’incident.

« Ces trois conditions essentielles sont liées entre elles. Il est clair que la question principale est de réglementer leur statut d’emploi, dans un cadre de travailleurs terrestres migrants saisonniers légaux. Les droits des immigrants légaux sont plus facilement protégés que ceux des sans-papiers », a-t-il déclaré à Solomon.

« Cependant, cela permettra de créer un système plus transparent, sans avoir recours à des médiateurs dans le recrutement des travailleurs de la terre nécessaires à la production agricole. »
« Illégalité » de l’État

Suite à la décision de la CEDH, qui a rendu un jugement contre la Grèce pour violation de l’interdiction de la traite des êtres humains et du travail forcé dans le secteur agricole, l’État grec a été obligé de se conformer et d’assurer des conditions de vie décentes aux milliers de travailleurs fonciers migrants.

Afin de se conformer à l’arrêt de la CEDH, le gouvernement a créé l’article 13A de la loi 4251/2014, une disposition qu’Apostolos Kapsalis, (chercheur à l’Institut du travail, créé par la Fédération générale des travailleurs grecs), qualifie d' »illégale ».

L’article 13A de la loi 4251/2014 comprend des dispositions concernant « l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour illégal dans le secteur agricole », qui sont autorisés à travailler légalement et à être assurés via les contrôles des travailleurs.

Toutefois, comme l’explique Apostolos Kapsalis à Solomon, « la seule façon pour un immigrant de travailler en vertu de l’article 13A et d’être assuré au moyen d’un chèque de travailleur, est d’être « expulsable ». S’il ne l’est pas, il doit recevoir un ordre d’expulsion à son encontre. »

Qu’est-ce que cela signifie en pratique ?

« Par exemple, explique Kapsalis, une personne se trouve dans le pays de manière illégale. Un employeur veut l’embaucher, alors l’immigré reçoit un ordre d’expulsion contre lui de la part du commissariat de police. Mais une suspension de l’expulsion est délivrée parce que l’employeur l’engage pour travailler pendant six mois en vertu de l’article 13A. Cependant, après six mois, dès que son travail est terminé, l’immigrant fait toujours l’objet d’un ordre d’expulsion. »

Le paradoxe créé par l’article 13A est que, jusque-là, l’immigrant n’avait pas d’ordre d’expulsion en suspens qu’il était obligé d’obtenir pour pouvoir travailler légalement pendant six mois.

« Bien que l’article 13A ait été soi-disant introduit dans le cadre de la lutte contre le travail forcé, ce qui reste, c’est encore une forme d’obligation et de dépendance absolue de l’employé vis-à-vis de l’employeur », déclare Kapsalis.

Une charge salariale ou un engrais ?

Certes, les travailleurs ont intérêt à être employés et assurés via un chèque ouvrier, et il n’en va pas autrement pour les producteurs.

Depuis 2015, date à laquelle le code des impôts a été modifié, les dépenses liées à la paie des travailleurs de la terre étaient déduites des impôts d’un producteur. Il est rare, cependant, qu’il y ait suffisamment de travailleurs de la terre pouvant travailler légalement, des sources crédibles estimant que seul un travailleur sur vingt dans la grande région de Manolada est employé avec une assurance.

Ce qui est le plus courant, c’est que les travailleurs bangladais en situation régulière sont assurés à l’aide d’un chèque de travailleur et reçoivent également les salaires des autres travailleurs, recueillant ainsi des milliers d’euros sur leur compte, qu’ils distribuent ensuite à leurs collègues.

« Eux-mêmes ne travaillent pas, c’est leur travail, mais un jour, le bureau des impôts les rattrapera », a déclaré le petit producteur. Il ajoute que le fait de ne pas établir de cadre pour que les travailleurs de la terre puissent être employés légalement a diverses conséquences – évasion fiscale, manque à gagner pour les caisses d’assurance – et que chaque année, son comptable est obligé de chercher une solution pour ses charges salariales.

En 2020, une enquête menée par Lighthouse Report en collaboration avec Der Spiegel, Mediapart et Euronews, a mis en lumière la façon dont les producteurs de la région ont inscrit leurs charges salariales sous la rubrique « engrais » dans leurs bilans annuels.

Selon les bilans des plus grands producteurs de la région, sur le papier, les producteurs semblaient n’avoir employé qu’environ six à dix personnes pour chaque champ. Mais en cohérence avec les travailleurs et compte tenu de la taille des terres, plusieurs centaines de travailleurs sont nécessaires pour cultiver chaque champ.

La Convention qui n’a jamais été ratifiée

On pourrait penser que l’État devrait intervenir dans le cas de Manolada, mais la vérité est que l’État, (en plus d’une singulière tolérance pour le maintien des terribles conditions de vie et de travail dans la région), ne dispose pas du cadre juridique qui lui donnerait réellement la capacité d’agir.

Bien que la Grèce soit un pays doté d’une importante industrie agricole, l’État n’a pas créé de législation spécialisée pour effectuer des inspections du travail dans les régions agricoles.

En 1955, la Grèce a ratifié la 81e convention de l’Organisation internationale du travail sur « l’inspection du travail dans l’industrie et le commerce » et l’a effectivement utilisée pour créer et faire fonctionner le corps des inspecteurs du travail (ΣΕΠΕ) en Grèce.

Cependant, depuis 1969, l’Organisation internationale du travail (OIT) a reconnu que l’inspection du secteur agricole avait ses propres caractéristiques et exigences spécifiques, et a en général séparé l’industrie de l’inspection du travail, avec une convention signée en juin 1969 à Genève.

La 129e convention de l’OIT sur « l’inspection du travail dans l’agriculture » fournit le cadre général avec 35 articles, qui stipulent que chaque pays qui ratifie la convention doit avoir un système d’inspection du travail dans l’agriculture, qui fonctionnera sous la direction d’un département spécial d’inspecteurs du travail-fonctionnaires, dont la tâche principale sera d’inspecter les conditions de travail dans le secteur agricole.

Cependant, à l’heure actuelle, la Grèce n’a toujours pas ratifié la 129e convention qui offre l’arsenal juridique nécessaire pour lutter contre les problèmes d’exploitation du travail dans le secteur agricole. Ainsi, jusqu’à présent, les inspections n’ont pas été effectuées dans les champs, mais principalement à l’intérieur (usines de conditionnement), car la 81e convention (que la Grèce a ratifiée) stipule que les inspections doivent être effectuées dans des zones couvertes.

Les deux gouvernements précédents avaient exprimé leur intention de ratifier la 129e convention. Le 14 juillet 2017, le ministre du Travail de l’époque, Efi Achtsioglou, a déclaré que  » nous entrons dans les dernières étapes pour l’achèvement des procédures d’inspection des régions agricoles « . La législation peu claire et l’inaction qui ont permis et toléré des situations de type Manolada sont terminées. » Cependant, quatre ans plus tard, et la 129e convention n’a toujours pas été ratifiée.

C’est soit Manolada, soit un centre de détention

Pour la majorité des Bangladais de Manolada, la réalité est très différente de ce que les trafiquants leur avaient promis avant leur arrivée en Grèce : la plupart n’ont toujours pas les papiers promis, les salaires sont nettement inférieurs et beaucoup n’ont l’intention que de rester ici jusqu’à ce qu’ils décident de leur prochaine étape.

Souvent, ceux qui obtiennent des papiers quittent la région ; certains ouvrent leur propre boutique dans une ville ou travaillent comme plongeurs dans des restaurants. Mais en attendant d’obtenir leurs papiers, ils préfèrent rester ici, où ils savent que la police – qui est tolérante à l’égard des travailleurs qui assurent la production de l' »or rouge » de la région – ne les dérangera pas.

Ils ne connaissent peut-être pas grand-chose de la Grèce, mais ils savent que s’ils se font attraper par la police quelque part en dehors de la région de Manolada, ils risquent de se retrouver dans un centre de détention avant départ et ils savent qu’ils peuvent y être détenus jusqu’à 18 mois.

Les 65 Bangladais que nous avons rencontrés et qui partageaient la petite ferme nous ont montré des vidéos sur leurs téléphones d’un tel centre de détention à Corinthe, lors du soulèvement qui a suivi le suicide d’un détenu kurde en mars dernier.

Dans la vidéo, on peut voir des jeunes hommes crier aux gardes, derrière les barbelés qui limitent leur vie pendant d’interminables mois.

Les Bangladais nous disent : « Non, c’est mieux ici ».

Cet article est publié dans le cadre de la série de reportages approfondis de Salomon sur « Les travailleurs migrants en Grèce à l’époque du COVID-19 ″ et bénéficie du soutien du bureau de Rosa Luxemburg Stiftung en Grèce.

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Source https://wearesolomon.com/mag/on-the-move/greek-strawberries-made-in-bangladesh/?mc_cid=cf88b966bc&mc_eid=3444239cea

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