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Stéphan Pélissier acquitté

La justice grecque acquitte enfin Stéphan Pélissier, poursuivi pour avoir aidé sa famille syrienne Par Amélie Poinssot.

Jugé en appel pour avoir aidé sa belle-famille syrienne à passer, en 2015, de Grèce en Italie, Stéphan Pélissier a été relaxé ce vendredi 1er mars par le tribunal de Patras. Dans un livre qui vient de paraître, il raconte son histoire. Je voulais juste sauver ma famille est un récit revigorant sur les victoires auxquelles peut aboutir un combat juste et obstiné.

C’est une « délivrance ». Joint par Mediapart, Stéphan Pélissier avoue que jusqu’à l’énoncé du verdict, il « s’interdisait d’y croire ». Ce vendredi 1er mars, cet habitant d’Albi était jugé en appel par le tribunal de Patras, en Grèce. En novembre 2017, il avait été condamné en première instance à sept ans de prison pour avoir tenté de faire passer, en 2015, des membres de sa belle-famille syrienne de Grèce en Italie. Après trois ans de procédures, la Cour a prononcé la relaxe. « J’espère que ce jugement va contribuer à faire jurisprudence en Europe. Que cela mette fin à ce qui pourrait ressembler à un “délit de solidarité familiale”. »

Stéphan Pélissier, dont Mediapart avait raconté l’histoire et les démêlés avec la justice grecque, fait le récit de son aventure dans un livre qui vient de paraître, aux éditions Michel Lafon : Je voulais juste sauver ma famille. Un texte bouleversant où l’absurdité, l’injustice et l’horreur resurgissent à chaque étape. Un témoignage haletant qui illustre, à travers les multiples embûches vécues par une famille franco-syrienne tentant de mettre les siens à l’abri de la guerre menée par Bachar al-Assad, le drame vécu par des centaines de milliers de Syriens partis sur la route de l’exil en 2015.

Août 2015. Originaire d’Albi, Stéphan Pélissier, marié à une Syrienne arrivée en France quelques années plus tôt pour ses études, part pour la Grèce. Il doit y récupérer ses beaux-parents, sa belle-sœur, son beau-frère ainsi qu’un jeune cousin qui y sont arrivés après un voyage périlleux depuis Damas. Il tente de repartir avec eux sur le ferry qui fait la liaison entre le port grec de Patras et l’Italie. Mais le petit groupe se fait arrêter au moment de l’embarquement et le livret de famille dont Stéphan s’était précieusement muni pour prouver les liens de parenté ne change rien à l’affaire : aux yeux des autorités grecques, il est un passeur.

Deux ans plus tard, alors que le tribunal de Patras l’avait laissé sans nouvelles pendant tout ce temps, Stéphan Pélissier reçoit une convocation : il va être jugé pour « transport illégal en masse du territoire grec vers le sol d’un pays membre de l’Union européenne de ressortissants d’un pays tiers, non munis de passeport ». Le procureur a retiré du dossier son élément principal, à savoir le lien de parenté entre Stéphan Pélissier et les personnes qu’il a tenté de secourir. Entre-temps, la belle-famille de Stéphan, arrivée en France après avoir traversé la dangereuse « route des Balkans » a obtenu, fin 2016, le statut de réfugié au terme d’innombrables déconvenues auprès de l’administration française.

Le verdict tombe fin novembre 2017 : l’Albigeois est condamné par la cour d’assises de Patras à sept ans de réclusion ferme. Bizarrerie du jugement : la peine de prison est commuable en une amende équivalente à 5 euros par jour sur la période couvrant les sept années de détention prévues. Soit une somme de 12 775 euros. Dans un premier temps, Stéphan et sa famille se disent qu’il vaut mieux payer, « pour tourner la page ». Ils lancent une campagne de dons. Mais au moment de s’acquitter de la somme, ils apprennent que le montant est en réalité deux fois plus élevé en raison d’une taxe de « droit d’accroissement » calculée sur le nombre de jours de prison convertis en jours-amendes. Ils n’ont pas les moyens de payer cette somme. C’est alors qu’ils prennent la décision de faire appel.

Ce second procès s’est donc tenu ce vendredi 1er mars à la cour d’assises de Patras. L’avocat a plaidé la relaxe, en s’appuyant non seulement sur les liens de parenté entre Stéphan et les personnes qu’il a cherché à secourir, mais aussi sur le fait que l’ensemble de la famille était, déjà en 2015, sous le régime des textes et des conventions internationales en matière de protection internationale. Ces derniers stipulent en effet qu’on ne devient pas réfugié au jour de l’obtention du statut, mais dès l’instant où l’on quitte son pays. Stéphan Pélissier avait obtenu l’assurance de la ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau, que cette fois, contrairement au procès en première instance, un représentant du gouvernement français serait présent au tribunal. De fait, l’ambassade de France en Grèce avait dépêché quelqu’un sur place.

« Même si l’on sait qu’on a raison, que la morale est avec nous, tant que l’on est condamné, on ne vit pas normalement, confie Stéphan Pélissier ce vendredi à Mediapart. Cette relaxe va nous permettre, enfin, de passer à autre chose. »

Plus de trois ans après la vague d’arrivées en Europe d’exilés fuyant la guerre en Irak et en Syrie, son livre qui vient de paraître est un témoignage crucial pour comprendre ce que toutes ces personnes ont enduré à partir du jour où elles ont décidé de quitter leur terre d’origine. Au-delà des chiffres, des considérations politiques autour de la « question migratoire » et des replis frileux des gouvernements européens, c’est une plongée au cœur d’une famille comme il en existe beaucoup d’autres aujourd’hui en Europe.

Je voulais juste sauver ma famille raconte les nuits sans sommeil et le sentiment d’impuissance de ceux qui ont réussi à quitter la Syrie à temps et observent, de loin, un conflit qui a fait entre 400 000 et 500 000 morts et douze millions de déplacés, et un Bachar al-Assad toujours en poste. Mais c’est aussi un récit revigorant sur les victoires auxquelles peut aboutir, in fine, un combat juste et obstiné. « Zéna et moi n’avons rien d’héroïque ou d’extraordinaire, écrit Stéphan Pélissier au sujet de lui et son épouse. Nous sommes des gens simples, nous nous retrouvons dans une tourmente qui nous dépasse, mais que nous ne voulons pas laisser nous emporter. »

Samos: la honte de l’Europe

« Ici à Samos c’est la honte de l’Europe » Thomas Jacobi et Marie Verdier, envoyés spéciaux à Samos ,

Les habitants se sentent abandonnés et réclament la fermeture du hotspot créé dans le sillage de l’accord UE-Turquie et de la fermeture des frontières en mars 2016.

« Is this love, is this love… » La chanson de Bob Marley envahit la taverne Joy. Ses promesses d’amour, et « de vivre ensemble avec un toit juste au-dessus de nos têtes », bercent la baie de l’île grecque de Samos. Le soleil de février s’est enfin gaiement manifesté, après des semaines de pluies diluviennes, et les façades à flanc de montagne se laissent volontiers caresser. La patrie de Pythagore et d’Épicure en mer Égée semble tout entière jouir de ce moment de félicité.

Placardée sur la porte vitrée, une affiche crie pourtant « Stop au crime ». Michalis Mitsos, le patron de la taverne et président de l’union des restaurateurs vient de bonne grâce s’attabler pour raconter combien la vie paisible de Samos a été profondément chamboulée depuis que, dans le sillage de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, en mars 2016, les milliers d’exilés d’Afrique et du Moyen-Orient se retrouvent piégés sur l’île, transformée en prison à ciel ouvert, à quelques encablures des côtes turques. « Les autorités cachent ce qui se passe. Il faut le dénoncer à toute l’Europe », espère-t-il.

Sur les hauteurs de Samos (1), quelque 4 000 demandeurs d’asile croupissent dans des conditions « abjectes » selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) qui avait pressé les autorités grecques à prendre des mesures d’urgence avant l’hiver. Depuis lors, rien n’a changé. Et les 7 000 habitants se sentent abandonnés de la Grèce et de l’Europe. « Nous ne sommes pas racistes. Nous avons secouru les Syriens quand ils arrivaient par milliers en 2015. Aujourd’hui il faut que les migrants soient mieux logés sur le continent et que les Samiotes soient soulagés », revendique Michalis Mitsos.

« J’ai peur de faire pipi la nuit »

En haut de la jungle de Samos, Amadou est notre première rencontre. Le jeune homme élancé, de Guinée, s’affaire à ramasser des pierres pour tenter de mieux tenir les bâches de son campement. Il faut avoir le pied agile pour ne pas glisser sur la pente boueuse et ne pas déraper sur la mer de détritus. Amadou a, lui, des savates en plastique. « On était mieux traités dans les prisons turques, au moins avait-on un toit, un matelas, du chauffage, à manger. » Après sept tentatives et six passages par la case prison en Turquie, Amadou a fini par s’échouer à Samos le 24 octobre 2018, avant de s’enfoncer dans l’hiver, le corps saisi par le froid et tétanisé par l’effroi dès la tombée du jour. « J’ai peur. J’ai peur de faire pipi la nuit. »

Manos Logothetis, que tout le monde connaît sous le nom de « docteur Manos », l’unique médecin à officier dans le camp, expliquera plus tard que, la nuit, « les hommes font pipi dans des bouteilles », et que « des femmes se mettent des couches » pour ne pas sortir de leurs tentes, à cause du noir, du froid, des bêtes, de la violence, de la drogue. Stratégies de survie pour ces rescapés qui ont bravé l’hiver sous de petites tentes de camping accrochées aux terrains pentus, battues par le vent et la pluie, sans électricité, avec des points d’eau et une vingtaine de toilettes bien trop loin dans le camp.

Cela fait si longtemps que les hangars en tôle et les conteneurs installés pour 640 personnes sur l’ancien camp militaire encerclé de clôtures grillagées ne peuvent plus abriter les nouveaux arrivants… Seules de rares familles sont logées dans les 49 appartements loués sur l’île. Alors, à mesure que la jungle s’étend, « ceux qui arrivent installent leurs tentes sur les endroits qui étaient jusqu’alors les toilettes sauvages dans les bois », précise docteur Manos.

« J’ai tant de soucis dans ma tête, elle va exploser »

Avec Amadou, nous nous réfugions sous une bâche estampillée « UNHCR », petit point de ralliement entre quatre tentes où convergent une douzaine de ses compagnons. À la lueur d’une lampe solaire récemment distribuée par une ONG, nous écoutons les récits, feignant d’ignorer la ronde des rats tout autour.

Ils croyaient avoir laissé derrière eux leurs souffrances. Guinéens, Camerounais, Congolais, etc., tous sont là depuis trois, six, neuf mois. L’attente, le désœuvrement, les lieux avilissants détruisent les esprits les plus aguerris. « J’ai tant de soucis dans ma tête, elle va exploser. Quand la tête ne va pas, le corps ne va pas non plus. » En aparté, Amadou confie être homosexuel et avoir fui pour échapper aux châtiments de son père imam. « Ici c’est une vraie prison, mais je vais trouver la force de m’en sortir », se persuade-t-il.

Le lendemain Hugo, ingénieur de 37 ans, racontera que Sassou-Nguesso, le président du Congo-Brazzaville, l’a contraint à l’exil. « Ses milices ont organisé une chasse à l’homme contre les partisans de Mokoko », l’opposant emprisonné pour vingt ans pour « atteinte à la sécurité de l’État ».

« Ça peut être très nuisible de raconter ce qui s’est passé »

Les femmes confinées dans un maigre espace voisin restent silencieuses. Parole aux hommes. Néné confiera plus tard, comme d’autres, avoir voulu échapper à un mariage forcé. La jeune Guinéenne n’en dira guère plus sur cette « histoire douloureuse ».

« Ça peut être très nuisible de raconter ce qui s’est passé, les personnes revivent ce qu’elles ont vécu par la parole. Or nous sommes totalement démunis pour les soutenir, il n’y a qu’un psychologue dans le camp, l’absence de prise en charge de la santé mentale est un grand souci », déplore Bogdan Andrei, la véritable âme de l’île. Venu de Roumanie début 2016, il a fondé sur place l’ONG Samos volonteers. Les bénévoles aussi, venus de divers pays, « vivent des moments émotionnels difficiles », ajoute-t-il. Alors l’ONG a instauré une règle d’or : « se focaliser à fond sur le présent ».

C’est exactement ce que fait Néné au centre Alpha, le refuge ouvert par Samos volonteers dans la ville en contrebas du camp. Elle est l’une des rares femmes à s’immiscer dans la foule des hommes venus se réchauffer, boire un thé, jouer aux dames ou aux échecs, et recharger leur téléphone. Néné est si assidue aux cours de grec, et si résolue, qu’Annie, l’enseignante française retraitée en Grèce, lui a confié les premiers cours sur l’alphabet grec.

« Sans Alpha, on deviendrait fou »

« On vient se relaxer l’esprit, sans Alpha, il y aurait beaucoup de dégâts, on deviendrait fou ». John, 34 ans, vient de Béni, ce lieu de toutes les tragédies dans le Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Béni où l’on tue, l’on viole et où sévit le virus Ebola. John est recherché, ses sœurs ont été égorgées, sa femme se cache au pays. « Jusqu’à quand va-t-on nous torturer ? On devient malade de l’intérieur. On veut juste vivre dans la dignité. Ici, à Samos, c’est la honte de l’Europe. » John supplie : « Quand tu ne peux pas aider quelqu’un, donne-lui la liberté pour qu’il puisse se prendre en charge ». Il extirpe de sa poche ses documents, et lit, effaré, la date de sa convocation pour sa demande d’asile : le 22 juillet… 2020, à 15 heures très précisément.

Le centre d’enregistrement et d’identification des demandeurs d’asile ne devait pourtant être qu’un camp de transit pour des séjours de moins d’un mois. Le HCR confirme que les personnes récemment arrivées se voient dorénavant attribuer des dates d’entretien jusqu’en 2021. « Dans tous les pays les procédures d’asile sont longues », souligne-t-on à l’EASO, le bureau européen d’appui en matière d’asile venu en renfort des services grecs. « Mais à Samos, à cause des problèmes de sécurité, nous ne menons plus d’interviews le soir, cela limite le nombre d’entretiens à quatre ou cinq par jour », ajoute notre interlocuteur.

La colère couve

Alors, sous la bâche, dans la jungle, la colère couve. Wadi, Camerounais de 58 ans à la barbe grisonnante, dit « le doyen » ou « papa », tente de jouer son rôle de vieux sage et de dissuader les plus jeunes, déterminés à mettre le feu au camp. « Ici on est comme au Togo, menotté, maltraité, dénonce Souleymane. À cause du froid et des souris, tu ne peux pas dormir. Le matin, le midi, le soir, tu dois faire deux à trois heures de queue, subir les bagarres, pour la distribution de repas que tu ne peux même pas manger tellement c’est mauvais. »

« Le commissaire de police, la directrice du camp avaient promis des améliorations, rien n’a changé ! », rugit son voisin, évoquant les propos tenus au lendemain de deux jours de marche pacifique des exilés brandissant des pancartes « Freedom » dans les rues de Samos, fin janvier. « Si on met le feu c’est pour qu’ils soient obligés de nous transférer sur le continent », veut-il croire. Ce sont finalement les poubelles qui ont flambé, le 7 février au petit jour. Résultat : sept personnes arrêtées et poursuivies pour incendie volontaire, trois maintenues en détention et encore plus de colère et de désespoir.

« Je voudrais avoir le VIH, peut-être qu’alors on s’occuperait de moi… »

Dans le brouhaha d’un attroupement qui s’est formé aux abords du camp, une voix lâche : « Je voudrais avoir le VIH, peut-être qu’alors on s’occuperait de moi… » « Les gens se cherchent des maladies, ils sont prêts à tout pour être vulnérables, rapporte le docteur Manos. De fait, ils le sont tous, à moi d’identifier les plus vulnérables des vulnérables au regard de la loi. » Ce statut conférant en théorie une priorité pour le transfert sur le continent. (2) « Mais il y a des maladies que nous ne pouvons pas diagnostiquer ici, admet le médecin. Et parmi les victimes, il y a aussi des bourreaux qui se cachent, l’exercice est difficile. »

Et où se situe le seuil de gravité ? À l’autre bout du camp, dans le quartier moyen-oriental, Mohammed, le jeune Afghan qui travaillait à l’ambassade des États-Unis à Kaboul se le demande encore après six mois sur l’île. Sa jeune épouse, qui était étudiante en dentaire, est « très, très perturbée mentalement ». « Elle parle toute la journée dans le vide. »

Et Mohammad ? « Je ne peux plus maîtriser mon comportement », avoue le professeur d’anglais et de mathématiques couché sous la tente achetée 100 € à des Syriens partis à Athènes. Ses papiers médicaux mentionnent « troubles psychotiques ». Il cherche désespérément des photos sur son téléphone pour attester de son drame : « J’ai perdu ma famille dans une tuerie à Kameshli, au nord de la Syrie, perpétrée par des milices kurdes. » Mohammad partage sa couche avec Salah et Ahmed. Ahmed entend peu, parle difficilement. Les deux frères ont fui la guerre à Idlib après qu’Ahmed a eu la mâchoire arrachée par un éclat de bombe.

Cela fait deux mois que tous les trois sont prioritaires pour une levée de restriction géographique devant leur permettre de quitter Samos…

La visite dans l’enceinte du camp est minutée

Et toujours les rats, même en plein jour. La tente voisine est désertée. « Ce sont des mineurs qui vivent là », pointe Mohammad. Ils profitent des premiers beaux jours sur l’île. Une centaine d’entre eux vit dans la jungle. Car l’espace « mineurs non accompagnés » dans le camp implose : cent autres sont entassés dans les sept conteneurs délabrés prévus pour 56 personnes.

Et une pièce aux côtés des services de police est réservée aux quatorze adolescentes. On ne voit pas comment, même en se serrant les unes contre les autres, elles peuvent dormir dans ce réduit. Interdit d’y pénétrer. La visite dans l’enceinte du camp est minutée, fermement encadrée. Pas question de jeter un œil au travers d’une vitre cassée, de soulever une couverture qui fait office de porte ou d’admirer la crèche, le tout petit havre réservé à une vingtaine d’enfants, quand tant d’autres jouent dans les flaques et les déchets. « Les mineurs isolés rêvent tous de partir vite, mais dans les faits, ils restent en moyenne trois à six mois sur l’île, parfois même un an », reconnaît Alexandra Katsou, l’assistante sociale qui en a la charge.

« On ne peut pas faire face. Le personnel est insuffisant. Mille personnes ne sont pas encore enregistrées par les services de l’asile », reconnaît la directrice du camp Maria-Dimitra Nioutsikou. La jeune femme au regard d’acier exerce son métier « avec beaucoup de patience et de sang froid ». Elle n’est « pas affectée », et n’a pas à se préoccuper des milliers de tentes « sur des espaces privés à l’extérieur du camp ». C’est « pour calmer le jeu » face aux tensions grandissantes que le bureau chargé de donner des rendez-vous a été fermé pendant deux semaines en février. Et les ONG n’ont pas le droit de pénétrer dans le camp, « parce qu’elles ne sont pas accréditées auprès du ministère des migrations ».

« Il y avait la volonté de ne pas améliorer les conditions de vie indignes »

Peu habituée à cet ostracisme, Médecins sans frontières en garde un souvenir cuisant. Avant de quitter l’île au printemps 2018, l’ONG s’était proposée de réparer les toilettes, les douches, les vitres cassées, le système électrique, etc. « Tout a été refusé », s’indigne encore Clément Perrin, le responsable de mission d’alors. « Nous étions dans une logique d’urgence, mais à cause de l’obsession de l’appel d’air, il y avait clairement la volonté de ne pas améliorer les conditions de vie indignes », se souvient-il.

La seule tolérance accordée à Samos volonteers consiste à venir récupérer du linge sale. Dans la petite laverie de l’ONG, la seule de l’île, les machines tournent en continu. Le duo Emma l’Anglaise et Nima l’Iranien, affectés à la tâche, lèvent à peine le nez : « On fait 55 sacs par jour. À ce rythme il nous faut trois à quatre mois pour faire le tour du camp. » C’est peu, mais ô combien précieux.

Avocats sans frontières France (ASF) a vite compris l’écueil dès son arrivée à Samos, début 2019, pour offrir une assistance juridique aux demandeurs d’asile. « Seule l’avocate grecque qui travaille avec nous est autorisée à collecter, au compte-goutte, des informations sur les dossiers auprès des services de l’asile, déplore la coordinatrice Domitille Nicolet. Pourtant, les besoins sont immenses. » Et ASF craint de devoir quitter cette île oubliée, l’ONG n’ayant obtenu des financements que jusqu’à fin mars.

« Arrivés sur l’île, les Syriens embrassaient le sol »

« Tout est allé de mal en pis depuis l’accord UE-Turquie. Avant il y avait des soutiens locaux, la mairie coordonnait l’action des bénévoles et réceptionnait les dons. » Bogdan Andrei a vu ensuite « les ONG partir, la municipalité se désinvestir et l’argent européen ne pas arriver jusqu’aux bénéficiaires ».

« La mairie n’est pas habilitée pour gérer la crise migratoire. L’État veut tout contrôler. L’hébergement et la nourriture sont du ressort du ministère de la défense qui n’est pas compétent », maugrée le maire, Michalis Angelopoulos, qui veut « une solution viable » et craint que l’activité touristique – 73 % du PIB de l’île – ne soit affectée, même si, pour l’heure, elle a crû de 10 % l’an dernier.

Devenue « hotspot », Samos ne s’en est pas remise. Les retraités Giorgos et Rena Fragkoulis se souviennent avec émotion de cette année 2015, quand ils sortaient leur bateau la nuit pour aller secourir les Syriens échoués sur les plages et les côtes rocheuses, juste en contrebas de leur maison à Kerveli, à l’extrême Est de l’île. « Ils arrivaient terrorisés, tailladaient leur zodiac pour qu’ils ne puissent pas être renvoyés. Ils se couchaient d’épuisement. Ils embrassaient le sol. » À l’époque les habitants avaient tous dans leur voiture de l’eau, des biscuits et des vêtements.

Au cas où. Puis les arrivants poursuivaient leur chemin, ils prenaient le bateau pour Athènes. « Les frontières étaient ouvertes. Il n’y avait pas de hotspot. » Aujourd’hui, Frontex est à la manette. « C’est interdit d’aider les réfugiés. » Rena et Giorgos ont longtemps gardé un sac de voyage récupéré dans la mer avec dedans « des photos, des papiers, des diplômes, le résumé le plus précieux d’une vie » en espérant pouvoir un jour le restituer à son propriétaire. Mais des voisins ont fini par leur faire peur. Et s’ils étaient complices d’un trafiquant ? « On a jeté le sac. »

« L’empathie s’érode, nous n’en pouvons plus »

Maintenant tout a changé. Sur l’île une naissance sur trois est étrangère. Rena et Giorgos ont une liste de récrimination longue comme le bras : « Les réfugiés sont partout. Ils envahissent les terrains de sport. Il y a des queues à la poste, l’hôpital est débordé. Les habitants ont peur. Ils ne laissent plus leurs enfants sortir seuls, ils ferment leurs maisons et n’accrochent plus leur linge dehors. » Philippe Leclerc, représentant du HCR en Grèce en convient : « La population est révoltée, on met de l’huile sur le feu. »

Au bord de la baie, il n’y a plus guère que les réfugiés qui déambulent et font de maigres emplettes avec les 90 € mensuels alloués par tête par le HCR. Il fait si beau en cette journée de février que Samos volonteers a délocalisé son cours d’anglais sur les bancs au bord de l’eau. Mais Ghaïssane (3), 36 ans, onze mois de Samos, a le regard hagard. « Ici nous n’avons qu’une chose : du temps. » Dans un anglais hésitant, il vante son « très beau pays, très cultivé, l’Iran, s’il n’y avait pas son gouvernement », et veut témoigner de « sa terrible vie à Samos » dans un long texte en farsi qu’il nous tend.

Alors pour Rena et Giorgos, il est temps de dire stop au hotspot, stop au projet de deuxième hotspot plus loin dans la montagne. « Les réfugiés et les habitants veulent la même chose, qu’ils poursuivent leur chemin ! » Ils étaient 3 000 réunis sur la grand-place au bord de la baie, le 7 février, plusieurs popes aux premières loges, avant de se disperser dans une ambiance bon enfant. C’était « la plus grande mobilisation qu’ait jamais connue Samos ! », s’exclame Michalis Mitsos, le patron de Joy. Pour le métropolite Eusebios, il est clair que « l’empathie s’érode. Nous n’en pouvons plus. »


75 000 demandeurs d’asile en Grèce

► En Grèce

En 2015, 860 000 migrants sont arrivés, 799 ont péri en mer.

En 2018, ils n’étaient plus que 32 500 et 174 morts. La Grèce est devenue le 3e pays de l’UE en nombre de demande d’asiles.

En 2019, près de 5 000 sont arrivés depuis janvier. 75 000 sont présents sur le sol grec, dont 3 700 mineurs non accompagnés.

Le HCR gère 27 000 places en appartement et distribue des cartes de cash (90 € par tête, 50 € de plus par membre d’une famille) à 65 000 bénéficiaires. Il prévoit de transférer ses compétences à l’État grec d’ici à 2020 et de se retirer du pays.

► À Samos

L’île compte 33 000 habitants, la ville de Samos 7 000 habitants et 4 000 demandeurs d’asile.

25 % sont Afghans, 18 % Congolais de RDC, 13 % Irakiens, 10 % Syriens et 10 % Camerounais.

53 % d’hommes, 22 % de femmes et 25 % d’enfants, les trois quarts ayant moins de 12 ans.

Depuis janvier, 479 ont été transférés sur le continent en Grèce, et 834 sont arrivés de Turquie.


Enquêtes sur l’usage des fonds européens

Sur la période 2014-2020, l’Union européenne a accordé 1,4 milliard d’euros à la Grèce en dotations de base et financements d’urgence pour l’accueil des migrants, les procédures d’asile et la sécurité des frontières. 579 millions d’euros ont déjà été versés, 70 % au titre des fonds d’urgence. Sans compter l’aide en matériel et le renfort de 700 agents Frontex et de 200 experts de l’asile.

Or dès mars 2017, l’ONG Solidarity now s’est inquiétée du fait que l’argent versé n’ait pas permis d’améliorer les conditions de vie désastreuses des demandeurs d’asile. Dans une pétition adressée au parlement européen, elle demandait qu’une enquête soit menée sur la mauvaise gestion et d’éventuels détournements de ces fonds par l’État grec, notamment les ministères des migrations et de la défense.

En décembre 2017, l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) a ouvert une enquête. En octobre 2018, c’était au tour de la Cour suprême grecque d’ordonner une enquête sur d’éventuels abus dans la gestion des fonds européens.


L’accord UE-Turquie de mars 2016

Il prévoyait des mesures pour tarir les flux migratoires :

– surveillance des frontières maritimes et terrestres par la Turquie

– renvoi vers la Turquie des migrants en situation irrégulière arrivés sur les îles grecques ne demandant pas l’asile ou déboutés de leur demande

– réinstallation d’un Syrien de Turquie vers l’UE pour chaque Syrien renvoyé en Turquie

– accélération du versement des 3 milliards d’euros d’aide à la Turquie pour la gestion des réfugiés, + 3 autres milliards si les engagements sont respectés.

D’avril 2016 à janvier 2019, 1 825 migrants ont été renvoyés vers la Turquie.

En 2018, 16 042 personnes ont été réinstallées depuis la Turquie, près de la moitié en Allemagne et aux États-Unis.

La relocalisation

22 000 ont été relocalisés depuis la Grèce dans un autre État de l’UE jusqu’à l’arrêt du dispositif d’urgence de relocalisation en novembre 2017.

Procédure Dublin

En 2018, les États européens ont durci leurs positions. Ils ont réclamé le renvoi en Grèce de 8 190 demandeurs d’asile. La Grèce en a accepté 307.

Thomas Jacobi et Marie Verdier, envoyés spéciaux à Samos

(1) Samos est à la fois le nom de l’île et de sa capitale

(2) L’agence sanitaire Keelpno promet à nouveau pour le printemps le renfort de quatre médecins. Pour avoir des candidats, les salaires mensuels ont été portés de 1 100 € à 3 000 €.

(3) Prénom changé.

 

 

 

Migrant : France condamnée par la justice européenne

Migrants : comment un mineur afghan a fait condamner la France par la justice européenne

1er mars 2019 par la rédaction d’info migrants

La France a été reconnue jeudi coupable de traitements dégradants à l’égard d’un jeune Afghan qui a vécu six mois dans la jungle de Calais alors qu’il n’avait que douze ans. La Cour européenne des droits de l’Homme a estimé que Paris n’avait respecté ni le droit français, ni le droit international relatif à la protection de l’enfance.

Jamil Khan avait déposé une requête contre le gouvernement français devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) en mars 2016. Arrivé seul en France alors qu’il n’avait que 11 ans, il avait vécu pendant six mois dans la jungle de la Lande de Calais. Dans sa requête, il dénonçait le manque de protection et de prise en charge de la France envers « les mineurs isolés étrangers qui, comme lui, se trouvaient sur le site de la Lande de Calais », rappelle la CEDH dans son arrêt rendu public jeudi 28 février.

Le jeune Afghan, aujourd’hui âgé de 15 ans et installé dans un foyer à Birmingham (Royaume-Uni), a obtenu gain de cause. La cour a condamné la France à lui verser 15 000 euros. Les juges ont estimé que la France n’a respecté ni son droit interne, ni le droit international relatif à la protection de l’enfance, en laissant ce mineur vivre « durant plusieurs mois (…) dans un environnement totalement inadapté à sa condition d’enfant, que ce soit en termes de sécurité, de logement, d’hygiène ou d’accès à la nourriture et aux soins ».

Six mois dans la jungle

Né en 2004 en Afghanistan, Jamil Khan a indiqué avoir quitté son pays à la mort de son père. Il souhaitait se rendre au Royaume-Uni pour y demander l’asile et s’était retrouvé à Calais « en suivant des exilés rencontrés sur la route, dans l’espoir d’y trouver un moyen de passer au Royaume-Uni ».

Installé avec les autres migrants dans la jungle de la Lande à Calais, Jamil Khan a vécu pendant plusieurs mois au milieu d’adultes, dans une cabane de fortune, sans scolarisation.

La CEDH note qu’il a fallu attendre le 22 février 2016 pour qu’un juge, saisi par une ONG, ordonne la prise en charge de l’adolescent alors âgé de 12 ans, alors que sa cabane venait d’être détruite dans le démantèlement de la zone sud du campement sauvage de migrants à Calais.

Le gouvernement s’est défendu en affirmant que ni le jeune homme, ni son représentant ad hoc, ni son avocate ne s’était présenté aux services sociaux. Par ailleurs, l’adolescent a définitivement quitté la France environ un mois plus tard, en mars 2016, pour entrer clandestinement au Royaume-Uni où il a été recueilli par les services britanniques de l’aide à l’enfance, détaille la cour dans son arrêt.

Mais la cour a fait savoir qu’elle n’était pas convaincue que les autorités françaises aient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour offrir protection et prise en charge à l’adolescent.

« La France viole le droit tous les jours en matière d’accueil des étrangers »

« Avec cet arrêt, on pourra forcer un peu plus les autorités françaises à faire davantage pour les personnes vulnérables en situation d’exil », a estimé Me Lionel Crusoé, coreprésentant de Je Jamil Khan auprès de la CEDH.

Car au-delà de ce cas précis, c’est l’obligation de prise en charge des mineurs isolés étrangers, « individu(s) relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société », qui est rappelée par la CEDH à la France et plus généralement à l’Europe.

« La France viole le droit tous les jours en matière d’accueil des étrangers », a réagi auprès de l’AFP François Guennoc, de l’Auberge des Migrants à Calais, qui s’attend à ce que le pays « s’assoie sur cette condamnation, comme d’habitude ».

Didier Degrémont, président départemental du Secours catholique dans le Pas-de-Calais, met de son côté en garde : « Le problème existe encore aujourd’hui, avec un nombre important de mineurs non accompagnés qui dorment dehors ».

Par ailleurs, une vingtaine d’associations emmenées par l’Unicef ont saisi jeudi le Conseil d’État contre le très controversé fichier des mineurs isolés étrangers, qu’elles accusent de servir la lutte contre l’immigration irrégulière au détriment de la protection de l’enfance.

Les 19 requérants ont déposé un référé et une requête en annulation contre le décret du 31 janvier créant ce fichier biométrique. L’objectif est d' »obtenir rapidement la suspension de ce texte et à terme, son annulation », expliquent dans un communiqué ces associations, parmi lesquels l’Armée du salut, Médecins du monde, la Cimade et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS, qui revendique 850 associations).

Source https://www.infomigrants.net/fr/post/15456/migrants-comment-un-mineur-afghan-a-fait-condamner-la-france-par-la-justice-europeenne

Souffrance des migrants en détention

 Un rapport révèle combien les souffrances des migrants sont «minimisées» en rétention
21 février 2019 Par Mathilde Mathieu
Alors que des migrants se suicident en rétention, un rapport pointe l’insuffisance des soins dans ces lieux d’enfermement. Il faut « redéfinir les missions » des médecins, leurs moyens, et prévoir enfin des psychiatres, affirme Adeline Hazan, contrôleuse des lieux de privation de liberté, dans un avis publié jeudi 21 février.

Qu’on se le dise : les ministres de l’intérieur et de la santé ne resteront pas les bras ballants face au rapport alarmant publié, jeudi 21 février, par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (la magistrate Adeline Hazan), qui pointe des trous béants dans l’accès aux soins pour les étrangers en centres de rétention administrative (CRA), enfermés en vue de leur expulsion.

Dans une réponse écrite, Christophe Castaner a annoncé qu’un « groupe de travail interministériel », d’ores et déjà en place, allait désormais accélérer, histoire « de faire aboutir rapidement ces travaux ». En réalité, ce « groupe de travail » existe depuis bientôt sept ans, loin des priorités de la place Beauvau.

Or il y a désormais urgence. Depuis janvier, en  application de la loi « asile et immigration » de Gérard Collomb, la durée maximale de rétention est passée de 45 à 90 jours, soit un doublement de l’enfermement autorisé. Avec un risque dédoublé que des étrangers porteurs de maladies infectieuses ne contaminent policiers ou coretenus, qu’ils ne s’automutilent ou se suicident en cas de pathologies psychiatriques, ou que leur droit fondamental « à la protection de [leur] santé » ne soit tout simplement – mais silencieusement – bafoué.

Après une soixantaine de visites, Adeline Hazan et ses équipes, dotées du statut d’autorité indépendante, affirment aujourd’hui que cet allongement de la rétention légale (supposé faciliter l’obtention des laissez-passer consulaires indispensables à tout renvoi dans les pays d’origine) « impose de redéfinir les missions dévolues » au personnel médical des CRA, et de réviser tant les textes que les pratiques. Voici leur diagnostic.

Présence insuffisante des médecins. Dans ces 27 centres d’allure souvent carcérale, où sont passées 43 000 personnes en 2018 (y compris des enfants), les soins sont bien sûr gratuits, puisque « le suivi médical des étrangers malades est primordial non seulement pour […] l’individu mais pour la protection de la collectivité », rappelle Adeline Hazan.

Chacun dispose ainsi d’une « unité médicale », dont le fonctionnement est fixé par convention entre la préfecture et un hôpital public local, avec un temps de présence du personnel (médecins, infirmiers, pharmaciens) corrélé à la taille du centre (selon trois catégories grossières : moins de 50 lits, entre 50 et 100, plus de 100). Pour 2019, le budget s’élève à quelque 16 millions d’euros (en hausse de 2 millions).

« Les effectifs et le temps de présence réelle des médecins au sein de leur unité respectent rarement la convention », révèle cependant Adeline Hazan, jugeant que les étrangers, dans certains endroits, « ne bénéficient pas d’une qualité de prise en charge sanitaire suffisante ». D’autant que les conventions omettent de s’adapter au taux d’occupation réel des centres.

Or celui-ci a explosé sous l’impulsion de Gérard Collomb, traumatisé par l’attentat de la gare de Marseille perpétré à l’automne 2017 par un Tunisien interpellé sans papiers quelques jours plus tôt et laissé libre (sans que la préfecture n’ait ordonné un placement en rétention, ni même signé une obligation de quitter le territoire). Mis sous pression, les préfets ont fait grimper le taux d’occupation des CRA à 79 % au premier semestre 2018 (contre 68 % sur l’année 2017).

Résultat : des « unités médicales » sous-dimensionnées. Et une « réflexion » à mener sur les « conditions [de leur] financement approprié et pérenne », alerte Adeline Hazan.

Aucun dépistage systématique. Concrètement, elle estime que « chaque personne [devrait] être reçue à l’unité médicale à son arrivée », sans avoir à réclamer, afin d’éviter l’organisation indigne constatée dans l’un des CRA, où « ce sont les policiers qui sélectionnaient les demandes de consultations », avec des critères a priori peu respectueux du Vidal.

« Dans une optique de santé publique, il faudrait aussi […] envisager le recours à des spécialistes », glisse-t-elle, et « proposer systématiquement un dépistage des maladies sexuellement transmissibles », ainsi que de la tuberculose, « pathologie contagieuse très fréquente au sein des populations de migrants » – sachant que l’administration se retrouve à libérer ses retenus dans la majorité des cas, faute de laissez-passer des consulats.

Au passage, pour aider les médecins à communiquer, l’avis préconise le recours à des interprètes plutôt qu’à « des expédients (pictogrammes, sites de traduction en ligne, pantomimes, etc.), voire à des coretenus ou des fonctionnaires de police parlant la langue du patient », à rebours du « secret médical ». En creux, sacré tableau.

Les alertes n’ont d’ailleurs pas manqué, ces derniers mois, de la part d’associations (dénonçant une situation « explosive ») ou de syndicats policiers (parlant de « Cocotte-Minute »), avec deux suicides au moins répertoriés (dont un Algérien pendu à Toulouse), un Géorgien malade qui s’est cousu la bouche à Rennes, et une grève de la faim initiée en janvier par une centaine de sans-papiers dans les CRA de région parisienne.

Souffrances « psy » minimisées. Alors que les troubles psychiques (syndromes psychotraumatiques, dépressions, angoisses, etc.) sont « surreprésentés » chez les migrants (et pas seulement ceux passés par la Libye), potentiellement réactivés par la rétention, « il est fréquent d’entendre des [soignants et policiers] minimiser et banaliser [ces troubles], perçus comme un moyen de faire échec à l’éloignement (“Ils font cela pour ne pas prendre l’avion”), regrette Adeline Hazan. Ainsi la demande de soins psychiatriques se heurte-t-elle à un soupçon d’instrumentalisation. »

D’autant que « les unités médicales ne disposent pas de postes de psychiatre ou de psychologue » (à l’exception du CRA du Mesnil-Amelot, en région parisienne) et que les conventions sont rares à prévoir l’accès à ce type de soins à l’extérieur – en cas d’urgence, on se contente d’appeler le 15… Pour l’autorité indépendante, il faut « organiser, au sein des CRA, le recours à une équipe soignante dédiée ».

Dans sa réponse écrite, Christophe Castaner concède l’instauration de consultations, mais pas de médecins, plutôt de psychologues. Des chefs de centre l’ont en effet réclamée « suite à l’augmentation de la durée de rétention », glisse le ministre, qui a donc chargé la police aux frontières « d’établir une expression des besoins CRA par CRA ».

Des mises à l’écart injustifiées. Il existe des chambres dites de « mise à l’écart », utilisées pour raison sanitaire (comme en cas de trouble à l’ordre public), « dépourvues de tout mobilier à l’exception d’une banquette en béton recouverte d’un matelas ou d’un lit en métal et d’un bloc sanitaire », en général sans « lumière naturelle », avec interdiction de sortie. Si la CGLPL n’est pas choquée par l’usage court fait dans certains centres, elle estime que l’isolement prolongé « peut conduire à une dégradation de l’état » de la personne, voire constituer « un traitement inhumain et dégradant ».

« Il n’est pas acceptable, comme cela a pu être constaté à plusieurs reprises, que des personnes soient enfermées […] au motif qu’elles souffrent de troubles psychologiques ou psychiatriques », dénonce le rapport de contrôle. En livrant un exemple : « Un médecin enfreint les règles de déontologie lorsqu’il prescrit, s’agissant d’une personne retenue ayant des antécédents psychiatriques avérés, “sa mise en chambre sous surveillance vidéo constante jusqu’à son départ du centre” – en l’occurrence pendant dix jours. » Pas admissible non plus : le menottage au lit.

« L’étranger mis à l’écart doit pouvoir bénéficier de visites régulières du personnel médical », insiste Adeline Hazan. La durée d’isolement légitime ? Celle « strictement nécessaire à la mise en place d’un traitement de la contagion ou à l’organisation d’une hospitalisation » en bonne et due forme. C’est-à-dire une hospitalisation accompagnée d’une levée « immédiate de la mesure de rétention », puisque l’étranger se retrouve « dans l’impossibilité d’exercer ses droits ». Or dans bien des cas, le délai de 90 jours continue à tourner…

Des hospitalisations hors des clous ? En France, un « tiers » peut organiser une hospitalisation en psychiatrie sans consentement du malade, à condition d’être un membre de la famille ou d’avoir « un intérêt à agir » – sinon la loi exige la signature du préfet, ou l’existence d’« un péril imminent ». « Il n’est pas acceptable, comme cela a pu être constaté par la CGPLP dans une note de service en vigueur au sein d’un CRA, d’envisager […] la procédure d’hospitalisation à la demande du chef de centre faisant office de tiers demandeur : ce dernier ne saurait en effet être regardé comme susceptible d’agir dans l’intérêt du malade », fustige Adeline Hazan.

Elle rappelle, enfin, que tous les médecins de CRA peuvent rédiger un « avis d’incompatibilité » entre l’état de « vulnérabilité » d’un malade et la rétention – les autorités sont ensuite libres de suivre cet avis ou non. Ainsi, « pour une même pathologie », les pratiques varient du tout au tout : « Une personne insulino-dépendante, malade mentale, non voyante, à mobilité réduite, atteinte de tuberculose, d’hépatite ou du VIH sera libérée ou non selon le CRA dans lequel elle a été placée », résume Adeline Hazan. En rappelant les médecins à leur « devoir » déontologique, d’abord « de s’interroger », puis « de rédiger un certificat d’incompatibilité » le cas échéant.

De même, ils doivent fournir un certificat médical aux personnes qui lancent, depuis un CRA, une demande de titre de séjour en tant qu’« étranger malade » (au motif qu’ils ne pourront accéder à un traitement approprié dans leur pays d’origine). Or dans certaines unités médicales, on ne trouve pas trace du moindre certificat. Et d’autres indiquent « qu’elles ont reçu des consignes [de restriction] s’agissant de certaines pathologies et de certaines catégories de personnes, en particulier les demandeurs d’asile en procédure “Dublin” [déjà enregistrés dans un autre pays de l’UE responsable de leur dossier, vers lequel la France peut donc les transférer – ndlr] ».

Les conclusions du groupe de travail interministériel sont désormais attendues « au cours du premier semestre 2019 ». En tout cas, les ministères « s’accordent sur l’importance de [le] faire aboutir » à courte échéance

voir plus en détail :
Avis du 17 décembre 2018 relatif à la prise en charge sanitaire des personnes étrangères au sein des centres de rétention administrative

Appel urgent convoi solidaire de février pour la Grèce

Si vous n’avez pas pu vous présenter le 6/2, lors de la permanence assurée par Nicolas le chauffeur du camion Savoyard pour le prochain convoi solidaire pour la Grèce de février, vous pouvez toujours apporter une contribution financière .

La collecte pour les 27 fourgons conduits et accompagnés par 65 militants de France, Suisse et Belgique a été extraordinairement fructueuse en jouets, fournitures scolaires, outils numériques et matériel médical. Les fourgons sont tous pleins en revanche cette collecte a été beaucoup plus pauvre que d’habitude en nourriture (adulte et enfant), produits ménagers et hygiène.

Les réserves de lieux autogérés sont vides aussi nous rappelons ici les modalités de participations financières de préférence par virement :

IBAN d’ANEPOS
FR46 2004 1010 1610 8545 7L03 730
BIC : PSSTFRPPTOU
Merci de mentionner en objet du virement :  Action Solidarité Grèce

Mais vous pouvez aussi établir un chèque à l’ordre d’ANEPOS et l’envoyer à ANEPOS « Action Solidarité Grèce » BP10 81540 Sorèze .

Le système d’asile ne répond plus

Campements, loterie, service payant: le système d’asile ne répond plus

En Île-de-France, la demande d’asile se fait… par téléphone, vers un numéro payant, sur une ligne saturée en permanence. Outre le retard, cela a pour conséquence de rendre invisibles les personnes en attente d’enregistrement de leur demande d’asile. Les files d’attente ne sont plus devant les services de la préfecture, mais elles existent toujours… au bout du fil.


Dix associations venant en aide aux demandeurs d’asile en Ile-de-France demandent au juge du tribunal administratif de Paris (TA) de prendre des mesures d’urgence pour garantir un véritable accès à la demande d’asile, dans le respect du délai légal d’enregistrement de trois jours. Il est aujourd’hui impossible pour une personne souhaitant déposer une demande d’asile en Ile-de-France d’accéder aux services de la préfecture sans attendre plusieurs semaines.

En cause : le numéro de téléphone mis en place en Ile-de-France en mai 2018 par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Ce service téléphonique est censé permettre à une personne souhaitant déposer une demande d’asile d’obtenir un rendez-vous par SMS auprès de la Spada, la plateforme d’accueil pour demandeurs d’asile. La Spada lui remet ensuite une convocation papier, sésame incontournable permettant d’accéder au guichet unique des demandeurs d’asile regroupant services de la préfecture et de l’Ofii, pour y déposer sa demande d’asile.

Premier écueil : ce numéro est très difficile d’accès ; il faut appeler des dizaines de fois, et attendre plus d’une demi-heure, avant de pouvoir entendre un agent de l’OFfii au bout du fil. Autre élément incompréhensible, ce numéro est un numéro payant.

Pour un seul appel de 45 minutes, le montant facturé par les principaux opérateurs utilisés par les exilés est équivalent à 6.75 euros. Ce coût est particulièrement exorbitant pour des personnes sans ressources qui, pour beaucoup, sont obligées de dormir dans la rue tant qu’elles n’ont pas pu déposer leur demande d’asile. De plus, au bout de 45 minutes d’attente, la communication s’arrête automatiquement et il faut alors tout recommencer.

Un délai qui pèse lourdement sur les exilés

Une situation d’autant plus grave que tant que la personne n’a pas enregistré sa demande d’asile, elle est en situation irrégulière et risque à tout moment d’être placée en rétention et expulsée. Elle n’a pas non plus accès aux droits sociaux destinés aux demandeurs d’asile : hébergement (sauf le 115, saturé), allocation, couverture maladie.

Pire, l’administration retiendra ce délai d’attente, qui n’est pas du fait des exilés mais bien de son fait, pour les placer en procédure « accélérée » qui est plus expéditive et moins protectrice et leur refuser le bénéfice des conditions matérielles d’accueil (notamment allocation et hébergement), si les personnes ont pris plus 90 jours après l’entrée en France pour déposer leur demande d’asile.

De plus, l’autre système local d’entrée dans la procédure d’asile, les CAES (centres d’accueil et d’examen de la situation), est saturé. Pour y avoir accès, il faut au préalable être passé par des centres d’accueil de jour parisiens, eux-mêmes saturés. À tel point que l’un d’entre eux a dû avoir recours à des solutions aberrantes comme le tirage au sort pour permettre l’accès des personnes à la procédure d’asile.

Un accès à la demande d’asile pointé du doigt à de nombreuses reprises

L’accès à la demande d’asile dans la région à de nombreuses fois été dénoncé par le Collectif asile Ile-de-France dont font partie la plupart des associations requérantes. En 2016 notamment, les délais d’enregistrement étaient de plusieurs mois, entraînant la formation de nombreux campements notamment dans le nord de Paris qui mettaient les exilés dans une précarité extrême.

Pourtant, le Ceseda (Code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), transposant la directive européenne dite « accueil », prévoit que l’autorité administrative a trois jours pour enregistrer une demande d’asile (ou maximum dix jours en cas de nombre élevé de demandes).

Aujourd’hui, nos dix organisations condamnent les graves dérives du système de plateforme téléphonique payante de l’Ofii qui n’a pas pour but de faciliter l’accès à l’asile, au contraire. Il a surtout pour conséquence de rendre invisible les personnes en attente d’enregistrement de leur demande d’asile. Les files d’attente ne sont plus devant les Spada, mais elles existent toujours… au bout du fil. Nous demandons au tribunal administratif de Paris qu’il garantisse un véritable accès à la demande d’asile pour tous et toutes, dans le délai légal de trois jours.

Organisations signataires :

ACAT France, ARDHIS, La Cimade IDF, Dom’Asile, Gisti, Groupe Accueil et Solidarité, JRS France, Ligue des droits de l’Homme, Secours catholique-Le Cèdre, Solidarité Jean Merlin

Source https://blogs.mediapart.fr/association-gisti/blog/110219/campements-loterie-service-payant-le-systeme-d-asile-ne-repond-plus

La mer Méditerranée vidée de ses bateaux de secours aux migrants

Sauvetage en mer par l’équipe de Sea-Watch. [Marcus Wiechmann/Sea-Watch.Org]

Le blocage italien du navire de l’ONG allemande Sea Watch dans le port de Catane, en Sicile, laisse pour l’instant la Méditerranée sans bateaux d’organisation humanitaire pour secourir des migrants. Un article d’Euroefe.

L’embarcation Sea Watch 3 est paralysée dans le port sicilien de Catane, depuis que les autorités italiennes ont détecté une série « d’irrégularités ». Le bateau ne pourra pas ressortir en Méditerranée tant que la situation n’est pas éclaircie.

Le parquet de Catane a ouvert une enquête, qui pour l’instant n’est dirigée vers personne en particulier, après que l’ONG a débarqué le 31 janvier 47 migrants secourus en mer douze jours plus tôt.

Ces personnes ont attendu pendant presque deux semaines qu’on leur donne un accès à un port, jusqu’à ce que l’Italie laisse l’embarcation se diriger vers Catane, suite à un accord de relocalisation des personnes sauvées entre sept pays européens.

L’enquête a été ouverte pour écarter l’hypothèse d’une supposée association criminelle destinée à faciliter l’immigration illégale. Selon les médias italiens, le procureur Carmelo Zuccaro veut déterminer si l’équipage a agi en toute légalité et identifier les possibles trafiquants de personnes.

Carmelo Zuccaro est connu dans le pays pour avoir entrepris plusieurs actions contre les ONG opérant en Méditerranée centrale et a accusé par le passé ces organisations de complicité avec les réseaux de trafiquants de personnes.

Pour l’ONG allemande, la décision de bloquer le navire n’est autre qu’un « prétexte technique pour mettre un terme aux activités de sauvetage en mer ».

Dernier navire de sauvetage

Le Sea Watch 3 était le dernier bateau présent en Méditerranée pour porter secours aux migrants qui tentent d’atteindre les côtes européennes dans des embarcations de fortune.

En janvier, l’ONG espagnole Proactiva Open Arms a reproché aux autorités espagnoles d’empêcher le « Open Arms » de sortir du port de Barcelone, puisque la Sécurité maritime, qui dépend du ministère du Développement, ne lui donnait pas l’autorisation d’appareiller pour la Méditerranée centrale.

Le fondateur et directeur de cette ONG, Òscar Camps, assure que son organisation respecte « toutes les obligations légales ».

Le 2 février, Òscar Camps a regretté la « persécution » dont font l’objet depuis deux ans les ONG qui sauvent des vies en Méditerranée. Une campagne qui a commencé avec les accusations selon lesquelles elles attiraient les migrants, puis les autorités s’en sont prises aux sources de financement, puis ont procédé à la formation des garde-côtes libyens.

Désormais, les États isolent les bateaux dans les ports avec des blocages administratifs « incompréhensibles » qui selon lui, ont pour but d’écarter tous témoins en Méditerranée.

Une décision politique

« Tout laisse penser qu’il s’agit d’une décision politique pour éloigner les ONG de la Méditerranéequi transportent à bord des politiques, des journalistes qui mettent en lumière ce qui se passe en mer », estime Òscar Camps.

Le navire de l’ONG Sea Eye est en train de mener à bien les actions nécessaires au changement et à la mise au point de l’équipage, et prévoit de reprendre la mer dans deux semaines.

L’Aquarius est aussi à l’arrêt après que les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans Frontières ont annoncé en décembre la fin de la mission d’un navire qui, depuis son premier départ du port de Marseille en février 2016, a porté secours à près de 30 000 personnes dans les eaux internationales.

Depuis le mois de juin, le « Lifeline » de l’ONG allemande du même nom est détenu à Malte, où il fait l’objet d’une enquête sur sa situation administrative, après le débarquement à La Valette de quelque 230 immigrants six jours plus tôt.

La petite ONG allemande Jugend Rettet a également vu son bateau « Iuventa » saisi par les autorités italiennes en août 2017, le même mois où Médecins Sans Frontières (MSF) a annulé les opérations de « Prudence » et Save the Children a fait la même chose avec « Vos Hestia ».

Un mois plus tard, l’ONG maltaise Migrant Offshore Aid Station (MOAS) a mis fin à ses activités de secours en Méditerranée, faute d’« abris garantis pour les personnes sauvées dans des ports sûrs » et s’est dirigée vers l’Asie du Sud-Est pour aider le peuple Rohingya.

Selon les données du ministère italien de l’Intérieur, 202 migrants sont arrivés sur les côtes du pays depuis le début de l’année, c’est 95,58 % de moins que les 4 566 personnes qui sont arrivées en 2018 et 4 531 personnes en 2017 durant la même période.

Source https://www.euractiv.fr/section/all/news/la-mer-mediterranee-videe-de-ses-bateaux-de-secours-aux-migrants/

Vies perdues en méditerranée alerte du HCR

Méditerranée : six décès de migrants et réfugiés par jour en moyenne en 2018, selon le HCR

© UNHCR/Hereward Holland
Une Ethiopienne prie quelques minutes après avoir été secourue par le navire Sea Watch, au large de la Libye.
 
Malgré une baisse importante du nombre d’arrivées sur les côtes européennes, un total de 2.275 migrants et réfugiés sont morts ou portés disparus en tentant de traverser la Méditerranée l’an dernier. Parallèlement, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) souligne que 139.300 personnes sont arrivées en Europe par la mer, essentiellement via l’Espagne.
Selon le rapport intitulé Voyages du désespoir, publié aujourd’hui par le HCR, six vies humaines ont été perdues, en moyenne, chaque jour. Si le nombre des arrivées est celui le plus faible en cinq ans, les réfugiés et les migrants qui tentent de rejoindre l’Europe par la mer Méditerranée ont perdu la vie à un rythme alarmant en 2018, regrette l’agence onusienne.

Sur les itinéraires reliant la Libye à l’Europe, une personne est décédée en mer sur 14 arrivants en Europe – soit une forte hausse par rapport au taux de l’année 2017. Des milliers d’autres ont été renvoyées en Libye, où elles vivent dans des conditions épouvantables dans des centres de détention.

Dans le même temps, l’agence onusienne note qu’une réduction des opérations de recherche et de sauvetage continue de faire de cette traversée maritime la plus meurtrière au monde. Or « sauver des vies humaines en mer n’est ni un choix, ni une question de politique, mais bien une obligation séculaire », a estimé Filippo Grandi, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

Le nombre de morts en Méditerranée occidentale a presque quadruplé

Par ailleurs, le rapport révèle également des changements importants intervenus dans les itinéraires empruntés par les réfugiés et les migrants. Pour la première fois ces dernières années, l’Espagne est devenue le principal point d’entrée en Europe avec environ 8.000 arrivées par voie terrestre (à travers les enclaves de Ceuta et Melilla) et 54.800 autres personnes ont traversé avec succès la dangereuse Méditerranée occidentale.

Par conséquent, le nombre de morts en Méditerranée occidentale a presque quadruplé, passant de 202 en 2017 à 777. Environ 23.400 réfugiés et migrants sont arrivés en Italie en 2018, soit cinq fois moins que l’année précédente. La Grèce a reçu un nombre similaire d’arrivées par la mer, environ 32.500 personnes, contre 30.000 en 2017, mais le nombre de personnes arrivant par sa frontière terrestre avec la Turquie a presque triplé.

Ailleurs en Europe, la Bosnie-Herzégovine a enregistré environ 24.000 arrivées de réfugiés et de migrants ayant transité par l’ouest des Balkans. Chypre a reçu plusieurs bateaux transportant des réfugiés syriens en provenance du Liban, tandis que le Royaume-Uni a connu un petit nombre de traversées depuis la France vers la fin de l’année.

Le rapport décrit d’ailleurs la manière dont les changements intervenus dans la politique menée par certains États européens ont entraîné de nombreux incidents, au cours desquels un grand nombre de personnes ont été immobilisées en mer pendant plusieurs jours, dans l’attente d’une autorisation d’accoster. « Les bateaux des ONG et leurs équipages ont été confrontés à des restrictions accrues dans le cadre de leurs opérations de recherche et de sauvetage », déplore le HCR.

© UNHCR/Hereward Holland
Des réfugiés et migrants africains à bord d’un bateau attendent d’être secourus par le navire Sea Watch, au large de la Libye.

Avoir le courage et l’ambition de regarder au-delà du prochain bateau

Pourtant selon M. Grandi, « nous pouvons mettre un terme à ces tragédies ». Pour le chef du HCR, il suffit juste d’avoir « le courage et l’ambition de regarder au-delà du prochain bateau ». Il plaide aussi pour l’adoption « d’une approche à long terme fondée sur la coopération régionale et centrée sur la vie humaine et la dignité ».

D’autant que pour beaucoup de ces migrants et réfugiés, l’arrivée en Europe représentait la dernière étape d’un voyage cauchemardesque, au cours duquel elles ont été victimes de torture, de viols et d’agressions sexuelles, ainsi que de menaces d’enlèvement ou de détention en échange d’une rançon.

Toutefois, des lueurs d’espoir ont été constatées ça et là. Malgré l’impasse politique sur la mise en place d’une approche régionale en matière de sauvetage et de débarquement en mer, comme l’avaient demandé le HCR et l’OIM en juin dernier, plusieurs États se sont engagés à relocaliser les personnes secourues en Méditerranée centrale – ce qui pourrait constituer le fondement d’une solution prévisible et durable. Des milliers de places de réinstallation ont également été promises par les États pour évacuer les réfugiés hors de Libye.

Selon l’Agence des Nations Unies chargé des migrations (OIM), 5.757 migrants et réfugiés sont entrés en Europe par la mer depuis le début de cette année, soit une légère hausse par rapport aux 5.502 qui étaient arrivés pendant la même période l’an dernier. Près de trois semaines après le début de l’année, 207 décès ont été recensés le long des trois principaux itinéraires méditerranéens, contre 242 à la même période en 2018.

Source https://news.un.org/fr/story/2019/01/1035212

Encore 170 disparus en Méditerranée

Migrants: encore 170 disparus en Méditerranée Par Mathilde Mathieu Mediapart

« On doit faire cesser cette tragédie », a réagi un responsable du Haut Commissariat aux réfugiés, après que 170 personnes ont disparu en Méditerranée, dans deux naufrages distincts. Au large de la Libye, trois rescapés ont été hélitreuillés, faute de navires sur zone.

Une fois de plus, ce week-end, le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) a tapé du poing sur la table, après la disparition de près de 170 personnes en Méditerranée, dans deux naufrages distincts ces derniers jours. Entre l’Espagne et le Maroc, c’est d’abord une patera de 54 passagers qui a chaviré, avec 53 disparus, et un seul rescapé, selon une association.

Puis un bateau pneumatique avec 120 personnes a visiblement sombré corps et âme avant d’atteindre la Sicile, à l’exception de deux Soudanais et un Gambien sauvés par des militaires italiens, à l’issue d’opérations théoriquement placées sous la responsabilité des garde-côtes libyens.

« On doit faire cesser cette tragédie, a réagi Vincent Cochetel, l’envoyé spécial du HCR pour la Méditerranée, samedi 19 janvier au soir. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur un si grand nombre de personnes qui meurent aux portes de l’Europe. Aucun effort ne devrait être épargné ni entravé pour sauver des vies humaines en détresse en mer. »

Dans un communiqué, l’agence de l’ONU, qui se dit « atterrée », a semblé pointer des responsabilités européennes : « Le HCR est préoccupé par les mesures prises par les États qui ont un effet dissuasif croissant sur les ONG souhaitant mener des opérations de recherche et de sauvetage. Le HCR demande qu’elles soient immédiatement levées. »

En creux : notamment une critique des stratégies de criminalisation des humanitaires menées par Malte ou l’Italie, avec un procureur de Catane qui a demandé la saisie de l’Aquarius en novembre, au motif que l’équipage aurait dissimulé la nature « contaminée » de certains déchets (dont les vêtements des migrants rescapés)

Il y a quelques jours, l’ONG qui affrète l’Open Arms a aussi affirmé que l’État espagnol l’empêchait de reprendre la mer, après une escale à Barcelone qui avait permis le débarquement de 311 migrants (repêchés au large de Malte et de l’Italie, mais refusés par ces deux pays). « Nous empêcher de sauver des vies est irresponsable et cruel », a tonné le fondateur de l’ONG, Oscar Camps, à l’intention du gouvernement espagnol.

À l’entendre, les autorités portuaires reprocheraient à l’Open Arms de violer les règles internationales en matière de sauvetage en mer.

Alors le HCR tape du point sur la table, mais après ? Combien d’États européens, lundi 21 janvier, seront encore assis à la table commune ? Combien le nez dans leur assiette verront à peine leur fond de soupe frémir ? Quatre ans après le début de la crise des réfugiés, combien de chaises déjà vides ?

Les drames, eux, se répètent. En l’occurrence, un pneumatique chargé de 120 personnes s’est lancé jeudi dernier du port de Garabulli, en Libye, avec notamment une quarantaine d’exilés du Soudan à son bord (un pays dont les ressortissants obtiennent majoritairement l’asile en France quand ils ont la chance de déposer un dossier), mais aussi dix femmes, dont une enceinte, et deux enfants, dont un bébé de deux mois, selon les témoignages des survivants.

Après dix heures en mer, le rafiot aurait commencé à se dégonfler, à prendre l’eau, livrant les passagers aux eaux glacées. Seule une poignée a réussi à se maintenir à flot, des heures durant, jusqu’à être repérée par un avion de patrouille italien. D’après un officier, Fabio Agostini, interviewé sur la chaîne RaiNews24, cet avion a largué deux radeaux de secours, avant de repartir illico faute de carburant.

C’est finalement un hélicoptère, toujours de la marine italienne, qui est venu hélitreuiller les survivants, emmenés ensuite à Lampedusa et soignés, en hypothermie sévère. Ils n’étaient que trois.

Interrogés sur l’île par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM, une agence de l’ONU), les deux Soudanais et le Gambien ont raconté avoir passé trois heures environ dans l’eau.

Samedi, Matteo Salvini, le ministre de l’intérieur italien, a réagi en se félicitant d’avoir fermé, l’été dernier, tous les ports du pays aux humanitaires, accusés de faire le jeu des trafiquants. « Ce dernier naufrage est la preuve que si vous rouvrez les ports, davantage de personnes mourront », a déclaré le leader de la Ligue, parti d’extrême droite.

En l’occurrence, parce que le naufrage est survenu dans la « zone de recherche et de sauvetage » (SAR) libyenne, sous responsabilité de Tripoli, les Italiens n’étaient pas en charge d’organiser les secours, de repérer et de mobiliser les bateaux les plus proches. La marine italienne a donc expliqué avoir alerté les garde-côtes libyens, qui auraient ordonné à un navire marchand de se rendre sur zone, sans succès.

Mais comme Mediapart l’a raconté, la création de l’énorme « SAR » libyenne ne remonte qu’à juillet dernier – jusque-là, c’est Rome qui s’en chargeait. Et elle doit beaucoup à l’Italie et à l’Union européenne, qui l’ont encouragée : l’UE a même budgété plus de 8 millions d’euros en 2017 pour aider Tripoli à la déclarer officiellement, alors même que les garde-côtes libyens sont régulièrement accusés de violences, et certaines de leurs unités soupçonnées de complicité avec des trafiquants de migrants.

Au large du Maroc, la proportion de survivants n’aura pas été meilleure : 1 pour 53 disparus. D’après le récit confié par l’unique rescapé à l’association d’aide aux migrants Caminando Fronteras, l’embarcation aurait pris la mer le 12 janvier, avant d’errer pendant six jours, avec trois femmes à bord et des exilés mauritaniens. Alertée par téléphone depuis la patera, c’est l’association qui aurait averti les secours, à la fois espagnols et marocains, qui ont patrouillé plusieurs jours sans jamais réussir à repérer le bateau.

Et puis, jeudi 17 janvier, en pleine nuit, « il y a eu un accident », selon ce rescapé. « Quelque chose nous a renversés, qui a fait noyer tout le monde », soit 53 personnes. Lui aurait flotté une journée au moins, avant d’être sorti de l’eau par des pêcheurs, d’être hospitalisé au Maroc, puis de contacter l’association.

Sur les seize premiers jours de 2019, le nombre de migrants et réfugiés qui ont débarqué sur les côtes européennes a presque doublé par rapport à l’an dernier, avec 4 216 arrivées contre 2 365 sur la même période, d’après le recensement de l’OIM. 200 sont déjà morts.

Sans compter les dizaines de personnes interceptées en mer par les garde-côtes libyens et ramenées en arrière, comme ils le font systématiquement, pour être expédiées en détention. Loin du « port sûr » de débarquement imposé à tous les sauveteurs, les vrais, par le droit maritime international.

Dimanche, en début de soirée, au large de la Libye, un nouveau bateau avec 100 personnes à bord environ était signalé en panique, et, et en attente de secours.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/200119/migrants-encore-170-disparus-en-mediterranee

SOS Méditerranée : repartir avec un nouveau navire

Avec poésie, des professionnels bénévoles ont imaginé un film portant les valeurs de SOS MEDITERRANEE. Nous vous partageons leur message d’espoir et d’humanité en guise de vœux pour cette nouvelle année.

Pendant ce temps et très concrètement nos équipes travaillent d’arrache-pied pour trouver une nouvelle ambulance des mers,  puis l’équiper et repartir au plus vite en mer. Notre indignation reste intacte, notre détermination est sans faille. Les traversées meurtrières se poursuivent en Méditerranée centrale et l’hiver ne semble plus être un frein car la situation de chaos et l’horreur perdurent en Libye. Notre place est aux côtés des autres navires de sauvetage dont le nombre est bien insuffisant pour faire face aux besoins. Il est temps aussi que cessent les attentes interminables en mer imposées par les Etats européens, incapables de se mettre d’accord pour organiser le débarquement des rescapés.

Parce que les grands projets ne se font jamais seuls, nous avons plus que jamais besoin de vous pour sauver des vies en mer. Au vu de l’état du marché, notre nouveau navire citoyen aura un coût d’affrètement supérieur à celui de l’Aquarius. SOS MEDITERRANEE est financée presque exclusivement par des dons privés. C’est une force qui nous permet d’agir dans l’urgence et en toute indépendance.

Votre soutien aujourd’hui nous aidera à reprendre la mer demain ! http://www.sosmediterranee.fr/

En 2019, repartir avec un nouveau navire

Suite à une campagne de harcèlement administratif, politique et judiciaire ciblant l’Aquarius, SOS MEDITERRANEE annonçait début décembre sa décision de se séparer du navire qu’elle affrétait depuis le début de ses opérations. Après s’être vu retirer son pavillon sous pressions politiques à deux reprises (Gibraltar puis Panama), puis s’être fait menacer de mise sous séquestre par les autorités judiciaires italiennes, l’Aquarius ne pouvait plus constituer une solution durable pour sauver des vies en mer. Malgré tous nos efforts, nos négociations avec plusieurs pays pour retrouver un pavillon n’avaient pas abouti. Parallèlement, une éventuelle mise sous séquestre du navire aurait signifié un arrêt de l’Aquarius pour une durée indéterminée, sans pouvoir mettre un terme au contrat de location du navire et sans possibilités matérielles et financières de continuer à agir en mer. Nous avons donc pris la décision difficile mais salutaire de nous séparer de l’Aquarius pour mieux repartir en mer car sauver des vies est et restera notre mission !

Le nouveau navire que nous cherchons activement sera pour nous un nouvel outil. Plus récent que l’Aquarius, il sera paré d’un pavillon qui, nous l’espérons, résistera aux pressions politiques. À ce jour nous avons reçu de réelles propositions que nos équipes étudient méticuleusement. Ce navire doit en effet répondre à des critères techniques et des standards professionnels précis, notamment en termes de sûreté et de sécurité : être de taille sensiblement égale à celle de l’Aquarius, avec assez d’espace pour y installer une clinique, différents lieux d’accueil pour les rescapés et au moins deux canots de sauvetage semi-rigides pour nos opérations en mer.

Navires de sauvetage cherchent « lieu sûr » où débarquer

Pendant ce temps, en Méditerranée centrale, plusieurs navires d’ONG ont enfin pu retourner dans la zone de recherche et sauvetage en fin d’année 2018, après plusieurs mois bloqués au port suite à la criminalisation dont ils avaient été victimes. L’ONG espagnole Proactiva-Open Arms a secouru plus de 300 personnes au large de la Libye quelques jours avant Noël et, essuyant les refus de plusieurs pays côtiers pour débarquer les rescapés en lieu sûr, a navigué sept jours durant pour finalement accoster en Espagne.

Au même moment commençait le dernier « record » de l’attente pour les rescapés de la Méditerranée centrale à bord de deux autres navires d’ONG de sauvetage : des négociations impliquant quelques États européens et la Commission européenne ont plongé 49 rescapés dans une incertitude interminable, dégradante et inacceptable pendant 19 longs jours. Les navires des organisations allemandes Sea Watch et Sea Eye ont fait des ronds dans l’eau des jours durant, sans pouvoir accoster. Comble de l’indifférence européenne envers ces survivants, les côtes maltaises s’offraient tous les jours aux yeux des rescapés bloqués à bord des navires. Par désespoir, l’un d’eux a fini par sauter à l’eau pour tenter de rejoindre la terre ferme à la nage. Secouru par les équipes de sauveteurs, cet homme aura donc risqué sa vie en mer à deux reprises en quelques jours.

Les conventions maritimes internationales ont précisément été conçues pour éviter de telles situations (1). Mais, depuis sept mois et la fermeture des ports italiens, les négociations politiques ad hoc sur la répartition de rescapés sur le territoire européen se répètent inlassablement. Les solutions trouvées par quelques États Membres de l’UE sont réelles mais tardives, mettant chaque jour un peu plus en danger les rescapés. Ces questions de répartition des personnes secourues ne peuvent en aucun cas conditionner et mettre en péril leur débarquement. Le 14 janvier, le navire Open Arms se voit interdire son départ du port de Barcelone vers la zone de recherche et sauvetage : les autorités espagnoles invoquent justement le manque de lieux sûrs et proches où débarquer… Mais bloquer les ONG qui portent secours en Méditerranée n’est pas une solution au manque de coopération de l’Union européenne. Un mécanisme commun, prévisible et coordonné doit être créé de toute urgence, car les départs des côtes libyennes -décembre l’a montré- se poursuivent.

« Horreurs inimaginables »

Chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants continuent de risquer leur vie pour fuir la Libye et le bilan publié début janvier par le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) de l’ONU pour l’année 2018 est lourd. Au moins 2 260 personnes ont perdu la vie en mer Méditerranée l’année dernière dont 1314 (2) sur l’axe de la Méditerranée centrale. Et puis il y a les garde-côtes libyens, financés par l’Union Européenne, qui depuis le début 2017, toujours selon l’ONU, ont intercepté et ramené en Libye 29 000 personnes qui cherchent justement à fuir ce pays en proie au chaos. Un rapport onusien décrit les « horreurs inimaginables » auxquelles les personnes migrantes et réfugiées sont soumises dans le pays (3). Des conditions racontées par tant de témoignages recueillis après chaque sauvetage à bord de l’Aquarius pendant ses 34 mois d’activité.

Si les ponts de l’Aquarius pouvaient parler, ils raconteraient les près de 30 000 histoires, les douleurs, les horreurs de la Libye et de la traversée mais aussi les moments de joie retrouvée à bord de ce bateau ambulance. L’Aquarius fut un outil de sauvetage et de témoignage inoubliable et nous vous remercions infiniment pour avoir rendu cela possible.

Dans le contexte actuel, il est urgent de repartir pour poursuivre notre mission de sauvetage en mer. Ensemble, nous reprenons la mer en 2019.

(1) Une opération de sauvetage n’est considérée comme terminée que lorsque les rescapés sont débarqués le plus rapidement possible en un « lieu sûr » proche de l’endroit où s’est déroulé le sauvetage, c’est-à-dire un lieu où la sûreté des rescapés ne sera plus menacée et leurs besoins fondamentaux seront respectés.

(2) Chiffres de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations)

(3) « Un rapport de l’ONU met en lumière les « horreurs inimaginables » des migrants et réfugiés en Libye et au-delà », https://news.un.org/fr/story/2018/12/1032271, 20 décembre 2018

 

 

 

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