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Loi travail : La France rejoint la Grèce dans la perte de ses droits

Ordonnances loi Travail : interpellez les député·e·s !

Le temps est compté si nous voulons empêcher le gouvernement d’imposer une nouvelle et inutile régression du droit du travail. Pour faire passer au plus vite sa « loi Travail XXL », Emmanuel Macron veut procéder par ordonnance et en empêchant tout débat au parlement. Un projet de loi d’habilitation doit être voté au parlement le 28 juillet. Puis les ordonnances doivent être adoptées en Conseil des ministres à partir du 20 septembre.

Mobilisons-nous pour empêcher le gouvernement de bâillonner le débat démocratique ! Plusieurs initiatives ont déjà été lancées, dont un outil d’interpellation des député·e·s pour leur demander de rejeter la procédure d’ordonnances.

C’est pourquoi nous vous appelons à vous adresser à vos député·e·s grâce à l’outil d’interpellation disponible ici sur le site d’Attac.

 

Hommage aux personnes migrantes disparues en mer

À l’occasion de la journée internationale des réfugiés, ce mardi 20 juin, artistes, associations et habitants ont rendu hommage aux plus de 10 000 personnes migrantes mortes ou disparues en mer Méditerranée depuis 3 ans.

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Près du canal de l’Ourq à Paris, des centaines de personnes ont participé à l’action citoyenne baptisée « Fais ton bateau » initiée par la chanteuse Emily Loizeau. Petits et grands sont invités, par les différentes associations ayant répondu à l’appel (Amnesty, Souria Houria, La Cimade, LDH, Médecins du Monde, etc.), à plier de fragiles embarcations de papier, symbolisant autant de personnes ayant eu le courage de tenter la traversée maritime la plus dangereuse au monde. Parmi les stands présents sur le parvis de la rotonde, l’association européenne SOS Méditerranée permet de nombreux sauvetages, son bateau l’Aquarius intervenant rapidement dans les eaux internationales au large des côtes libyennes où la plupart des naufrages se produisent.

Pour ne pas être « noyé dans la honte »

Sans l’actions de ces associations, nous serions « noyés dans la honte car notre indifférence assassine » dénonce Daniel Pennac. À l’intérieur de la rotonde, c’est devant un parterre d’enfants, ravis d’écouter l’auteur du livre Eux c’est nous, abordant la question des réfugiés, qu’il explique que cette journée est en l’honneur de « tous ceux qui sur cette planète ont besoin de nous ».
Après sa lecture en duo avec le comédien Emmanuel Noblet, l’auditoire regagne l’extérieur malgré la torpeur de cette chaude après-midi, attiré par la musique de Lamma Orchestra. Pendant plus de deux heures de nombreux artistes se partagent la scène (Sandra N’kake, Bab X, Sanseverino, Dominique A, Naissam Jalal et Osloob et d’autres). Les chansons sont  ponctuées par des lectures intenses. Les comédiennes Anouk Grimberg et Irène Jacob ont choisi de donner à entendre Atiq Rahimi et Eri de Luca et le réalisateur Cyril Dion lit pour sa part quelques lignes écrites par Laurent Gaudé.

« La mort flotte à la surface de la Méditerranée »

Avant de clôturer le concert, Emily Loizeau partage avec le public une note d’espoir illustrant la force des mobilisations: l’association Paris d’Exil vient de lui annoncer qu’une expulsion a pu être empêchée. Elle invite ensuite un slameur, Marvin Ouattara, à prendre le micro.

Le poète réfugié scande dans un texte poignant : « dites à ma mère que la mer m’emporte dans ses bras ». La chanteuse interprète Invisible en écho à sa volonté de mettre en lumière « ces humains et ces histoires » avant de guider la foule vers l’une des rives du bassin de la Villette pour le grand lâcher de bateaux.
Les gestes joyeux se mêlent aux regards graves. Le symbole est d’autant plus fort que des mineurs isolés étrangers, soutenus par l’Asmie (association de solidarité avec les mineurs isolés étrangers), ont témoigné quelques instants plus tôt de leurs parcours et la plupart ont affronté les flots.
Suite à ce moment de recueillement, des projections de documentaires (Les migrants ne savent pas nager de Jean-Paul Mari et Franck Dhelens, Les enfants de la jungle de Thomas Dandois et Stéphane Marchetti, Silent war de Manon Loizeau et Annick Cojean et Exode de James Bluemel) sont proposées dans les salles du cinéma sur les rives du canal.
À la nuit tombée, certains rejoignent l’enceinte de la rotonde pour participer aux échanges avec les réalisateurs et différents acteurs associatifs, engagés sur terre comme en mer.
Les personnes cherchant refuge sont les premières victimes des politiques migratoires européennes. Et elles sont contraintes de prendre des voies de plus en plus meurtrières. Ceux qui ont participé à des sauvetages en mer, vu les centres de rétention, révélés les camps de torture tirent la sonnette d’alarme. Face à l’inacceptable, tous appellent à porter devant les élus la question morale de leur responsabilité, à exiger notamment l’ouverture de voies légales et la fin des politiques d’externalisation des frontières.
« On essaie de nous vendre une crise migratoire qui relève plus de la crise de l’accueil qu’autre chose. On vit une crise humanitaire, car on laisse des milliers de personnes prendre des risques démesurés. Les différents pays européens ont créé ces conditions » analyse Jean-François Corty de Médecins du Monde.
Quant aux situations dramatiques dans lesquelles se retrouvent les migrants ayant réussi à atteindre notre rive de la Méditerranée, elles relèvent elles aussi de choix politiques. « Quand on est la sixième puissance du monde, on a la capacité d’accueillir dans des conditions décentes et les stratégies d’insuffisance délibérées doivent être dénoncées » insiste-t-il.
Pour clore cette riche initiative, acteurs de la société civile et participants s’accordent sur la nécessité de penser la suite pour approfondir ces partages et nourrir cet élan de solidarité.
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La Tribune d’Emily Loizeau publiée dans Libération : Nous sommes tous potentiellement un migrant

La pétition adressée au Président de la République : M. Macron, trop de réfugiés meurent en mer. Agissez !

Article publié par La cimade http://www.lacimade.org/hommage-aux-personnes-migrantes-disparues-mer/

France : La rigueur budgétaire est à l’ordre du jour

La rigueur budgétaire est à l’ordre du jour un article de Romaric Godin publié le 27 juin 2017 dans Mediapart 

Bruno Le Maire a annoncé des « économies très concrètes » dès 2017. Une volonté de sabrer dans les dépenses malgré les coûts macroéconomiques, qui a pour ambition de restaurer la « confiance » de l’Allemagne. La conversion du gouvernement aux orientations de la droite se confirme.

Ces deux axes n’ont rien d’étonnant : ils sont les deux arguments que souhaite apporter Emmanuel Macron à Angela Merkel pour la convaincre – et convaincre l’opinion publique allemande – d’avancer sur davantage d’intégration dans la zone euro. C’est la conséquence logique de la stratégie du nouveau président : d’abord « réformer » la France avant de réformer la zone euro.

L’objectif de faire passer dès cette année le déficit public sous les 3 % du PIB est donc érigé en priorité de l’action gouvernementale. Bruno Le Maire affirme ne pas faire des « 3 % un totem, mais un symbole ». Ce qui revient en réalité à en faire un… totem. Et pour atteindre cet objectif, tout semble devoir être mis en œuvre. « L’intérêt national impose de prendre des décisions difficiles pour repasser sous la barre des 3 % de déficit public », indique Bruno Le Maire, qui promet des « décisions très concrètes d’économies ». Une position confirmée lundi 26 juin au journal de 20 heures de TF1 où il a annoncé des « propositions qui concerneront tous les secteurs de la dépense publique ».

Autrement dit, l’austérité budgétaire sera au menu du second semestre de 2017 et sans doute encore de l’année 2018. Là encore, rien d’étonnant : Bruno Le Maire, défenseur, pendant les primaires de la droite, d’un extrémisme budgétaire, à l’image de nombre de ses concurrents, a été nommé à Bercy pour rallier une partie de la droite après la présidentielle. Autrement dit, le choix du ministre est politique mais aussi économique. Du reste, sur TF1, il a repris les discours de la primaire de la droite parlant d’une France « droguée à la dépense publique ».

La Cour des comptes rendra public, jeudi 29 juin, son rapport sur les finances publiques, qui déterminera une grande partie du budget 2018. L’institution de la rue Cambon devrait confirmer le « dérapage » budgétaire pour 2017, ce qui donnera lieu à des mesures immédiates et sans doute très dures car, comme on l’a vu, le budget n’a pas vocation à gérer une situation française, mais à envoyer un message à Bruxelles et à Berlin. Un déficit public de 3,2 % du PIB en fin d’année dans le cadre budgétaire actuel est parfois évoqué, ce qui supposerait de trouver cinq à six milliards d’euros d’économies, soit un quart de point de PIB. Ces décisions devraient être prises, selon Bruno Le Maire, dès cet été.

Ces décisions passeront-elles par une loi de finances rectificative, un « collectif budgétaire » ? Quelques indices laissent penser que le gouvernement ne fera pas ce choix. Ainsi, une ordonnance a été prévue à la loi d’habilitation pour suspendre le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu en 2018. Or cette décision aurait normalement dû faire l’objet d’un projet de loi de finances rectificative, preuve que l’on ne souhaite pas entrer a priori dans cette logique. Cela pourrait signifier que l’exécutif ne veut pas entrer dans des mesures de recettes pour régler le problème de 2017. L’effort sera donc porté par des mesures de réduction des dépenses, ce que Bruno Le Maire a implicitement confirmé au Figaro, qui a repris son antienne contre « l’addiction de la France aux dépenses publiques ».

Comme le gouvernement ne souhaite pas modifier l’objectif budgétaire inscrit dans la loi de finances 2017 (qui est de 2,8 % du PIB pour le déficit public) et qu’il ne souhaite pas passer par des hausses d’impôts, il peut avoir recours aux méthodes de pilotage des dépenses, telles la mise en réserve de certains crédits ou les « décrets d’annulation », qui permettent de réduire les crédits prévus de 1,5 %. Il n’est cependant pas certain que ces moyens suffisent. Mais Bruno Le Maire annonce dans Le Figaro qu’il ne veut pas « colmater des brèches ». Lundi sur TF1, il annonce un effort qui concernera tous les secteurs de l’État. Dans ce cas, si le gouvernement souhaite couper dans la dépense de façon durable et forte – et cela impliquera nécessairement une réduction des transferts sociaux –, il lui faudra en passer par un collectif budgétaire. Ce qui est certain désormais, c’est que l’heure est à la rigueur budgétaire.

Et ce mouvement devrait se poursuivre en 2018. Là encore, il faudra attendre, jeudi, l’audit de la Cour des comptes pour estimer les grands choix du prochain budget. Mais une deuxième année sous les 3 % du PIB de déficit public permettrait à la France de sortir en 2019 de la procédure de déficit excessif. Le gouvernement peut penser que ce serait une preuve du changement de politique suffisante pour convaincre Berlin. Il y aura donc, pour le premier budget du quinquennat, une volonté de serrer encore les boulons. C’est pourquoi Bruno Le Maire a annoncé dans Le Figaro que la transformation du CICE en baisse permanente de cotisations, transformation qui suppose un double coût annuel de 20 milliards d’euros puisque le CICE est un crédit d’impôt versé avec un décalage, est reportée, sans doute au moins à 2019.

Le ministre a également annoncé des cessions de participation de l’État dans des secteurs « non stratégiques ». Cela pourrait permettre de réduire le déficit, mais n’empêchera pas de couper dans les dépenses, ce qui semble être une priorité du locataire de Bercy. De fait, Bruxelles a tendance à saluer davantage les baisses de déficit fondées sur des baisses de dépenses. Dans ces conditions, il sera intéressant de suivre les arbitrages du futur budget au regard des objectifs fixés par le président de la République durant la campagne électorale, notamment en matière d’investissement public. C’est en effet ce poste qui a été le plus sacrifié, jusqu’ici, sur l’autel de la consolidation budgétaire.

L’austérité budgétaire pour rétablir la « crédibilité » de la France en Europe. Ce pari repose sur l’idée que la croissance résistera à ce nouveau tour de vis budgétaire centré sur les dépenses. Or une telle politique aura nécessairement des conséquences négatives sur la croissance. Le déni de cette évidence par le ministre de l’économie, sa volonté de réduire à tout prix la dépense publique sont autant de signes inquiétants d’une certaine inconscience à cet égard. D’autant que l’on sait que les réformes du marché du travail ont, dans un premier temps du moins, des effets négatifs pour la croissance.

La question, centrale pour l’exécutif, consiste donc à évaluer la solidité de l’accélération actuelle de la croissance française et sa capacité à absorber un choc budgétaire. La note de conjoncture de l’Insee publiée la semaine dernière permet d’en douter. La croissance y passerait bien de 1,1 % à 1,6 %, mais elle n’est pas soutenue par un mouvement solide : la demande intérieure ralentit et le commerce extérieur affiche toujours une contribution négative, certes moins forte qu’en 2016.

L’autre question que devra se poser le gouvernement est celle des bénéfices attendus de cette politique. Il n’est pas certain que Berlin se contente d’un retour sous les 3 % du PIB du déficit public avant de se lancer dans une forme de mutualisation des ressources au sein de la zone euro. La question centrale que pose un budget européen ou un parlement de la zone euro, par exemple, est bien le risque qu’une telle évolution fera prendre aux contribuables allemands. Pour réduire ce risque, Berlin – surtout si les libéraux du FDP rejoignent la coalition gouvernementale en septembre prochain – pourrait exiger davantage, notamment un désendettement, qui suppose un recul du déficit primaire et du déficit structurel.

Bruxelles devrait, de toute façon, demander à Paris encore des efforts après 2019, notamment pour ramener le déficit structurel en 2020 à 0,5 % du PIB et engager, conformément au pacte budgétaire, une politique de désendettement. L’Italie, quoique sous les 3 % du PIB de déficit depuis 2012, reste sous la pression constante de la Commission en raison de sa dette publique encore élevée. Il pourrait en être de même pour la France. Le chemin pour convaincre Berlin est donc encore long.

Le risque de cette politique est évident : obsédée par la consolidation budgétaire, la France pourrait courir après des objectifs d’autant plus difficiles à atteindre qu’ils affaiblissent une croissance déjà fragile et faible. Le cercle vicieux de l’austérité ne saurait être écarté pour la France.

https://www.mediapart.fr/journal/economie/270617/la-rigueur-budgetaire-est-lordre-du-jour

Réactions Unité populaire au résultat des élections en France

Le résultat de Mélenchon et de la Gauche française au premier tour des élections présidentielles en France est une grande réussite

Déclaration de Panayiotis Lafazanis, secrétaire du Conseil Politique dUnité Populaire

Je salue de la part d’Unité Populaire les pourcentages obtenus par Mélenchon, et la Gauche française de combat, au premier tour des élections présidentielles.

Les pourcentages de Mélenchon sont une grande réussite pour lui et pour la Gauche. Obtenus à ce combat électoral mené dans les conditions d’adversité et d’alarmisme, ils sont une surprise agréable et positive.

La réussite de Mélenchon a d’autant plus de valeur qu’elle a été obtenue en dépit d’un climat de diffamation de la Gauche, créé dans l’Europe entière, et en France en particulier, par Alexis Tsipras et par SYRIZA, transformé en parti nouvellement converti aux mémorandums, par leur capitulation humiliante et leur trahison.

La Gauche se révèle bien résiliente ; en se refondant elle devient la réponse à un grand besoin des peuples, l’espoir pour des sociétés et un monde plus humains.

Nous souhaitons à Mélenchon, et aux forces qui l’ont soutenu, le succès aux élections législatives françaises à venir, lors desquelles un Grec binational, militant d’Unité Populaire, se propose comme candidat aux bulletins électoraux de la Gauche de combat, soutenus par Mélenchon.

Après ce premier tour des élections présidentielles la France ne restera pas la même. Les establishments d’Allemagne et d’Europe ont beau jubiler. Leur victoire aux élections françaises est  une victoire à la Pyrrhus, sans perspective.

L’axe franco-allemand est gravement traumatisé. Tout comme la zone euro et l’UE, il est sans avenir, voire sans avenir immédiat.

La Grèce a encore moins d’avenir avec l’euro dans l’UE néolibérale.

Le message des élections françaises est un message pour marcher et lutter en commun adressé à toutes les forces de la Gauche de combat en Grèce.

C’est un message pour la création d’un grand front politique, populaire et électoral de toutes les forces radicales de gauche, des forces progressistes, patriotiques, anti-mémorandistes de notre pays, sans exclusions ni velléités de petites hégémonies.

Toutes les forces de l’espace politique ainsi défini, qui opposent un déni, ou qui feignent lindifférence, face au besoin d’un grand projet unitaire, offrent objectivement des services précieux et inespérés au régime mémorandiste compromis, dont nous avons le devoir de faire tomber ici et maintenant et de faire s’écrouler avec lui le personnel politique et l’oligarchie qui le soutiennent et qui pillent notre pays et notre peuple.

Le Bureau de Presse

Athènes, le 24/04/2017  

https://unitepopulaire-fr.org/2017/04/24/declaration-de-panayiotis-lafazanis-secretaire-du-conseil-politique-dunite-populaire-grece/

Zone euro : qui doit réformer d’abord, la France ou l’Allemagne ?

Par Romaric Godin 17/4/17

Emmanuel Macron propose de réformer d’abord la France pour pouvoir obtenir de l’Allemagne un cadre plus coopératif en zone euro. Mais l’urgence ne serait-elle pas plutôt de réformer l’Allemagne ?

Dans cette « super année électorale », deux chemins se dressent devant la zone euro : la poursuite de la situation actuelle fondée sur des ajustements unilatéraux et la compétition de tous contre tous au sein de l’union monétaire ou la réforme de son fonctionnement dans un cadre plus coopératif. L’issue de l’élection présidentielle française sera une étape déterminante pour l’issue de ce choix qui, par ailleurs, peut se résumer simplement ainsi : qui doit « réformer » en premier, la France ou l’Allemagne ?

La France devrait réformer d’abord

La plupart des observateurs français et la quasi-totalité des observateurs allemands estiment que c’est à la France de réformer d’abord. C’est, d’ailleurs, le choix qui est fait par Emmanuel Macron, le candidat d’En Marche ! Dans un entretien à Ouest-France paru le 12 avril, ce dernier place la priorité dans les « réformes » françaises. Selon lui, tant que la France ne sera pas réformée, « on ne pourra pas retrouver la confiance des Allemands ». Et tant qu’on n’aura pas retrouvé cette confiance, pas question d’aller plus loin dans l’intégration. Grâce à la magie des réformes françaises, Emmanuel Macron espère ensuite arracher à Berlin un « budget de la zone euro contrôlé par un parlement de la zone euro » et lançant des investissements communs. Bref, le programme de Benoît Hamon, mais seulement après les réformes françaises.

Les mots utilisés par Emmanuel Macron dans son interview sont sans équivoque. C’est seulement une fois la « confiance » en la France revenue que l’Allemagne devra se réformer : « ensuite, il faut que l’Allemagne considère que sa situation elle-même n’est pas durablement tenable », explique l’ancien secrétaire générale de l’Elysée (je souligne). Bref, la clé réside donc dans la réforme française.

Les réformes françaises, prélude à une Europe plus coopérative ?

Cette priorité n’est pas anodine. Emmanuel Macron adhère ainsi à l’idée que l’essentiel des difficultés de la France vient de son manque de compétitivité, et que ce manque de compétitivité s’explique principalement par des effets « structurels » qui, pour être simple, se résument à une question de coût du travail. Ce qu’on appelle souvent « flexibilité » n’est qu’une façon d’évoquer le coût des licenciements, car il est en réalité, assez aisé à un employeur de licencier en France pour peu qu’il accepte d’en payer le prix. C’est donc un élément de coût du travail. De même, la consolidation budgétaire n’a d’autre fonction que de permettre des baisses d’impôts et de cotisations. Les « réformes » ne visent donc qu’à réduire ce coût du travail, perçu comme l’alpha et l’omega de la politique économique.

Une fois redevenue compétitive, la France ne présentera plus de « risque » pour le contribuable allemand qui, dès lors, pourra accepter de mettre en commun une partie de ses recettes fiscales. C’est ce qu’Emmanuel Macron et son soutien allemand, le ministre fédéral des Finances Wolfgang Schäuble, appellent la « confiance ». Faire en sorte que le besoin de solidarité disparaisse pour mettre en place la solidarité. C’est l’Europe au moindre coût pour les Allemands.

Double langage et leurre

Cette stratégie pose plusieurs problèmes. Le premier, et non des moindres, c’est qu’il est étrange de reconnaître que la position de l’Allemagne n’est pas tenable dès à présent, et ne rien proposer pour changer la donne immédiatement. Il n’est pas moins étonnant d’entendre Jean Pisani-Ferry, le principal conseiller économique du candidat, reconnaître que la politique européenne de 2010 à 2014 a été une « erreur » qui a conduit à une seconde récession parfaitement évitable, et proposer en même temps de se conformer à une architecture institutionnelle de la zone euro qui est le fruit de ces erreurs et qui les a même inscrites dans le marbre des traités : surveillance budgétaire renforcée, sanctions facilitées, pacte budgétaire et solidarité sous conditions d’austérité dans le traité du Mécanisme européen de Stabilité.

Ce double langage laisse inévitablement penser que la stratégie de réformes de la zone euro relève davantage du leurre que de la vraie volonté. En s’engageant d’abord dans les réformes françaises, sans exiger de réformes allemandes, le candidat d’En Marche ! accepte l’ordre établi de l’union monétaire. Il accepte sa logique d’ajustement unilatéral. Or c’est cette logique qui a échoué à partir de 2010 et qui a donné à beaucoup – non sans raison – le sentiment que l’euro n’était plus une monnaie protectrice.

Rétablir la confiance ? Mission impossible !

Car l’Allemagne sait parfaitement jouer sur le registre de la confiance que l’on perd aisément, mais que l’on retrouve difficilement. Il faudra faire preuve non seulement de volonté, mais aussi prouver des résultats. Et quand bien même ces résultats seront obtenus, alors il faudra encore sans doute en faire davantage. Si l’on observe les attitudes face à l’Espagne, au Portugal ou à la Grèce, on remarque que ces pays ne vont jamais assez loin dans les réformes. La Grèce en est l’exemple caricatural puisqu’on en est encore à réclamer des gages de confiance sous la forme de nouveaux plans d’austérité après sept ans d’ajustements. Mais l’Espagne, dont on loue tant les « réformes », qu’a-t-elle obtenu ? Deux ans pour réduire son déficit public au lieu d’une sanction immédiate. Et pas même la présidence de l’Eurogroupe qui semble devoir encore échapper à son ministre des Finances Luis de Guindos, alors que le pays n’a plus de représentants au directoire de la BCE et n’obtient aucun poste à responsabilité en Europe… L’Italie de Matteo Renzi a tenté d’obtenir des concessions en retour de ses « réformes » : elles lui ont été refusées. Pourquoi diable la France d’Emmanuel Macron obtiendrait davantage ?

Déni allemand

La réalité est plus cruelle : l’Allemagne n’accepte pas de se remettre en cause. Elle voit dans son succès économique le fruit de sa « vertu » et cette vision morale ne peut donc déboucher que sur l’exigence de se dresser en modèle. Il n’est qu’à voir les articles indignés de la presse conservatrice allemande sur les critiques d’Emmanuel Macron, pourtant modérées. Le directeur adjoint de la rédaction du Handelsblatt, le quotidien officiel du monde des affaires outre-Rhin, Hans-Jürgen Jakob, parle de « communication patriotique » du candidat pour contrer le FN « sous la forme d’un bashing de Teutons ». On peut voir ici un vrai refus de toute remise en cause de l’excédent courant allemand, qui s’élève à 8,6 % du PIB, soit 270 milliards d’euros, un record. Ce refus est également illustré par le dernier rapport du conseil des experts économiques allemands qui s’échine à prouver le caractère bénin de cet excédent.

Un poids pour la demande

Pourtant, cet excédent pose clairement plusieurs problèmes majeurs. D’abord, il est le symptôme d’une économie allemande qui vit en dessous de ses moyens. Le sous-investissement a été estimé par Marcel Fratzscher, le président de l’institut DIW de Berlin, à 100 milliards d’euros annuels. Cet investissement trop faible touche autant le secteur privé que le secteur public. En donnant la priorité à son désendettement, le gouvernement fédéral est allé très loin, refusant même d’utiliser la très faible marge de manœuvre que lui offre le « frein à l’endettement » inscrit en 2009 dans la Constitution. L’investissement public en a pâtit.

Dans le secteur privé, les entreprises allemandes investissent également trop peu. L’investissement productif a été ralenti par la position de quasi-monopole obtenue sur certains secteurs comme les biens d’équipements ou sur certains niveaux de gamme dans les biens de consommation. Dans ces secteurs, l’investissement nécessaire est minimal. Ailleurs, la modération salariale et les effets des « réformes » du marché du travail ont réduit l’incitation à augmenter la productivité et à investir. Car les salaires sont clairement encore sous-évalués outre-Rhin, et c’est aussi ce que dit l’excédent allemand. Certes, les rémunérations réelles se sont accélérées depuis 2014, avec trois ans de hausse à 1,9 %, 2,4 % et 1,8 %. Mais ces hausses sont encore trop faibles au regard de la quasi stabilité des salaires pendant la décennie précédente. Surtout que, en 2016, le rattrapage s’est singulièrement ralenti.

Un ajustement unilatéral plus difficile

Pas assez d’investissements, pas assez de salaires, c’est autant de moins pour la demande mondiale et celle de la zone euro. Globalement, cet excédent allemand est donc un frein à la croissance des partenaires commerciaux de l’Allemagne. Mais il y a pire : cet excédent rend quasiment impossible l’ajustement unilatéral au sein de la zone euro. Si l’Allemagne disposait encore de sa propre monnaie, son excédent conduirait à une forte appréciation de sa monnaie. Parallèlement, ce phénomène contribuerait à faciliter l’ajustement des pays en déficit. Dans une union monétaire, ce phénomène n’existe pas et seuls les pays en déficit doivent s’ajuster. Mais si l’excédent allemand continue de progresser, l’ajustement devient de plus en plus difficile, voire quasiment impossible. Rééquilibrer cette balance à coup de « réformes » est un leurre. Et lorsque que l’on observe l’évolution des soldes allemands avec les pays de la zone euro qui ont mené des politiques de « réformes », on constate que l’excédent allemand ne se réduit guère suite à ces politiques. C’est pour cette raison que réformer la France seule est une gageure.

Le refus de Bruxelles de sanctionner Berlin

Il conviendrait donc de mettre en place un système permettant de réduire les excédents excessifs en zone euro. En théorie, ce système existe puisque la Commission européenne peut demander des politiques correctrices depuis 2013 lorsque l’excédent courant dépasse 6 % du PIB. Mais si Bruxelles blâme régulièrement Berlin, elle n’engage pas une politique du même ordre dans ce domaine que dans celui des déficits. Rien n’oblige donc Berlin à investir et à dépenser plus, pas davantage qu’à favoriser un meilleur ajustement des salaires. La politique européenne est donc clairement déséquilibrée : elle instaure des plans de consolidation des déficits, sans en faire autant pour les excédents. Elle renonce à « réformer » ceux qu’elle juge « bons élèves », faisant porter le fardeau aux seuls « mauvais élèves ». La morale reste la règle.

Les maux de la France se règleront-elles par des « réformes » ?

Globalement, l’excédent allemand est bel et bien un problème plus urgent que les « réformes » françaises. En octobre dernier, une enquête réalisée auprès de 67 économistes européen par l’institut étasunien Center for Economic and Policy Research (CEPR) montrait que près des deux tiers d’entre eux jugeait inquiétant cet excédent. A l’inverse, les maux de la France pourraient ne pas être où on le croit. Le CEPR publie ce mardi 18 avril une note de recherche qui conclut qu’il existe « de nombreuses preuves qui soutiennent l’idée que le chômage de masse et la stagnation en France sont le résultat d’une demande inadéquate plutôt que de problèmes structurels sur le marché du travail ou d’une dette publique trop élevée. » La question de la « demande inadéquate » souligne à la fois la difficulté de la France à trouver un bon niveau de gamme et la faiblesse structurelle de la demande où l’Allemagne a sa part, comme on l’a vu. On voit mal alors comment une politique de baisse des dépenses publiques pourrait relancer cette demande, quand bien même seraient-elles compensées par des baisses d’impôts qui, souvent, viennent alimenter l’épargne.

La question du niveau de gamme de l’industrie est centrale. Monter en gamme suppose des investissements, notamment dans la recherche. La France dispose d’un outil assez performant dans ce domaine, le Crédit Impôt Recherche qui, cependant, ne se traduit pas par une montée de gamme de l’industrie. Il est vrai que l’Allemagne occupe une place prépondérante sur les marchés de cette gamme. Baisser le coût du travail serait-il alors la solution ? On ne saurait réussir une montée de gamme par ce biais qui, au contraire, à tendance à maintenir la France dans son point faible : un niveau de gamme moyen qui subit la concurrence directe des pays à bas coût. La solution réside sans doute plutôt dans le soutien public à des industries nouvelles et innovantes. C’est, en tout cas, dans cette voie que le Royaume-Uni, après le Brexit vient de se lancer avec un ambitieux plan industriel centré sur les industries nouvelles. Mais ceci, comme la relance de la demande, exige d’oublier la priorité donnée au désendettement par l’architecture de la zone euro mise en place après 2011. On pourrait aussi envisager un vaste plan au niveau européen, porté par la Banque européenne d’Investissement (BEI) pur porter ce type d’évolution dans l’ensemble de la zone euro.

Un choix erroné

Le choix de réformer la France sans réformer l’Allemagne ressemble donc à une erreur comme celle qui a été commise après 2010. C’est le signe, en réalité, de l’acceptation du statu quo actuel. Derrière les dénonciations de l’excédent allemand, rien de concret n’est engagé pour mettre en place une politique plus coopérative. Se contenter d’un « plus tard » ou d’une volonté de « rétablir la confiance » revient à donner à Berlin le pouvoir de décider à quel moment son excédent est trop élevé et à quel moment la France aura bien fait ses « devoirs ». Or, l’expérience prouve que l’Allemagne n’est pas décidée à changer de logique. La politique de réformes promise risque donc d’affaiblir la France sans permettre de renforcer la zone euro. C’est un scénario bien inquiétant.

https://lemouvementreel.com/author/romaricgodin/

 

Dette : déconstruire le discours dominant

Sortir la dette des marchés financiers Par Pierre Khalfa

Pierre Khalfa est syndicaliste, membre du Conseil économique, social et environnemental au titre de Solidaires, co-président de la Fondation Copernic et membre du Conseils scientifique d’Attac France.

« Les candidats face au fardeau de la dette publique » titrait Le Monde (dimanche 12 et lundi 13 mars 2017). C’est ainsi que la pensée dominante voit la dette publique, comme un fardeau, et le quotidien du soir de s’alarmer du niveau de la dette publique française1 – 97,5 % du PIB au troisième trimestre 2016 – et de dicter ses consignes au futur président de la République qui « devra d’abord rassurer les investisseurs et surtout nos partenaires de la zone euro sur sa volonté de respecter les règles budgétaires communes ». Face à ce discours qui justifie la mise en œuvre généralisée de plans d’austérité au nom de l’ampleur de la dette et des déficits publics, sa déconstruction et la mise en avant de solutions alternatives sont des éléments clefs de l’agencement des rapports de forces.

Déconstruire le discours dominant

Tout d’abord, et quitte à manier le paradoxe, il faut affirmer qu’un bon État est un État qui s’endette. En effet la dette joue un rôle intergénérationnel. S’imposer un quasi-équilibre budgétaire, comme les règles actuelles de l’Union européenne le prescrivent, signifie que les investissements de long terme seront financés par les recettes courantes. Or ces investissements seront utilisés des décennies durant par plusieurs générations, il est donc absurde que leur financement ne soit assuré que par les recettes du moment. Respecter ces règles entraîne l’impossibilité, de fait, d’investir pour l’avenir, alors même que, par exemple, la nécessité d’amorcer la transition écologique va demander des investissements massifs. La dette permet de faire financer par des générations successives des infrastructures qui seront utilisées par elles. Elle joue donc un rôle fondamental dans le lien entre les générations.

De ce point de vue, la dette publique doit être mise en regard avec le patrimoine public car les administrations publiques détiennent des actifs physiques et des actifs financiers. Si l’on prend en compte le patrimoine public, la France n’est pas endettée mais possède au contraire une importante richesse nette (27 % du PIB). Même si ces actifs physiques ne doivent pas être vendus – il serait de toute façon difficile d’évaluer la valeur marchande exacte de certains d’entre eux -, cela montre que la France n’est pas au bord de la faillite.

Mais surtout, il faut comprendre qu’un État ne rembourse jamais sa dette. Il ne paie que les intérêts de cette dernière, la charge de la dette. Lorsqu’un titre de la dette publique arrive à échéance, l’État emprunte de nouveau pour le rembourser : il « fait rouler » la dette. Enfin remarquons que le ratio dette sur PIB n’est pas particulièrement robuste car on compare là un stock, la dette, à un flux, la richesse créée en une année le PIB. Il serait plus juste de mettre en regard du PIB, un autre flux, celui de la charge de la dette qui représente en France environ 2 % du PIB. Mais difficile alors tenir un discours alarmiste sur le sujet.

La dette publique française est-elle soutenable ?

Une étude célèbre réalisée par deux économistes mainstream Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff2 en 2010 arrivait à la conclusion qu’une dette supérieure à 90 % du PIB aurait des conséquences très négatives sur la croissance… jusqu’à ce qu’un étudiant de l’Université du Massachusetts découvre en 2013 des erreurs de calcul qui en faussaient totalement le résultat. Cette anecdote serait assez drôle si l’article en question, ressassé ad libitum, n’avait pas servi de base théorique pour justifier, au nom de la croissance et donc de l’emploi, l’adoption de politiques d’austérité massive pour réduire la dette.

La dette française est aujourd’hui sous contrôle. Il y a dix ans, la France empruntait à plus de 4 % pour un emprunt à 10 ans. Début janvier 2017, et malgré une légère remontée par rapport à 2016, le taux pour un emprunt de même maturité était de 0,78 %. A mesure donc que l’État renouvelle sa dette pour rembourser des créances plus anciennes la charge de la dette diminue. L’année 2016 a été historique puisque, sur la dette à court terme, le taux moyen auquel la France a emprunté est négatif (- 0,48 %). Le pays s’est donc enrichi en empruntant. Il y a deux raisons à cette situation exceptionnelle. La première renvoie à « la fuite vers la qualité ». La France est, avec l’Allemagne, un pays sûr pour les investisseurs qui fuient les pays considérés comme plus à risque comme l’Espagne ou l’Italie. De plus la politique dite de Quantitative Easing (QE) menée par la Banque centrale européenne (BCE) a abouti à une baisse généralisée des taux.

Faut-il pour autant se satisfaire de la situation actuelle ? Non, et ce pour trois raisons. D’abord, même si la charge de la dette a baissé, elle reste élevée (44,5 milliards en 2016). Une partie de cet argent pourrait être utilisée à des fins utiles socialement. Ensuite, parce que la période de taux bas ne va pas durer éternellement. Déjà la Banque centrale des États-Unis a commencé un mouvement de hausse de ses taux directeurs et même si la BCE refuse pour le moment d’en faire autant, arrivera un moment où la politique de QE prendra fin. Le risque est alors que la dette de la France soit victime de l’effet « boule de neige » : si le taux d’intérêt réel (défalqué de l’inflation) est supérieur au taux de croissance de l’économie, le rapport dette/PIB augmente mécaniquement et cela même si le déficit primaire (avant le paiement des intérêts de la dette) est nul. Ce processus avait été une des causes essentielles de l’aggravation de l’endettement dans les années 1990.

Mais surtout, la dette publique est aujourd’hui sous l’emprise des marchés financiers. Or l’expérience du gouvernement Syriza a montré qu’un pays voulant rompre avec le néolibéralisme pourrait être victime d’un étranglement financier. Il y a donc fort à parier que l’arrivée en France d’un gouvernement de gauche voulant engager un processus de transformation sociale et écologique serait victime d’un tel étranglement qui se traduirait immédiatement par une hausse des taux auxquels la France emprunterait.

Le recours aux marchés : un choix politique

Après la seconde guerre mondiale, la France instaure une série de dispositifs qui rendront inutiles le recours au marché des capitaux3. La mise en place d’une collecte centralisée de l’épargne vers le Trésor public – le circuit du Trésor -, rendue possible par le contrôle du système bancaire, permet de drainer les ressources dont la puissance publique a besoin. Deux dispositifs complètent le système : l’obligation pour les banques de détenir une quantité de bons du Trésor rémunérés à un taux fixé par l’État – procédé dit « des planchers » – et la possibilité pour le Trésor de demander des avances à la Banque de France.

La mise en place d’un marché de la dette publique s’effectue progressivement au fur et à mesure des progrès de la déréglementation financière. Le circuit du Trésor est petit à petit démantelé à partir des années 1960. Les « planchers » sont supprimés dès 1967 et la dérèglementation financière réalisée en 1985 par Pierre Bérégovoy parachève le processus de libéralisation mise œuvre depuis une vingtaine d’années. En 1993, la loi sur l’indépendance de la Banque de France suite à l’adoption du traité de Maastricht supprime le régime des avances directes au Trésor4.

L’existence d’un marché de la dette publique est donc le résultat d’un choix politique qui vise à faire de l’État un emprunteur comme un autre. L’objectif est de le mettre sous la pression des marchés financiers et ainsi de le discipliner. Pour pouvoir emprunter à des taux raisonnables sur le marché, l’État doit se plier aux désirs des investisseurs. La dette publique devient ainsi un élément fondamental de la domination des marchés.

Le traité de Maastricht inscrit cette nouvelle donne dans le marbre des traités européens. Les marchés financiers deviennent l’arbitre des équilibres budgétaires des pays de l’Union européenne ce qui a ainsi favorisé les mouvements spéculatifs à l’origine de la crise de la dette publique au printemps 2010. Cette crise s’est traduite par une augmentation considérable des taux auxquels certains pays étaient obligés d’emprunter sur les marchés, montant jusqu’à 12 % pour la Grèce… alors que les banques se refinancent à l’époque aux alentours de 1 % auprès de la BCE.

L’emprise des marchés financiers sur la dette publique est une spécificité européenne que l’on ne retrouve pas au Japon et aux États-Unis. La dette publique japonaise s’élève à 250 % du PIB, très loin donc de la France et même de la Grèce (180 % du PIB). Et pourtant, il n’y a aucune spéculation sur la dette japonaise. La raison en est simple, la dette publique japonaise est pour l’essentiel hors marché. Les bons du trésor japonais sont achetés par des institutions financières qui les placent en grande partie auprès des épargnants japonais. Les institutions publiques japonaises, dont la Banque centrale, en détiennent environ 38 %. Ainsi le poids des investisseurs non résidents, enclins à spéculer sur la dette, est très faible : ils possèdent moins de 7 % de la dette publique contre plus de 60 % dans le cas de la France. Si le cas des États-Unis est particulier en raison du rôle international du dollar comme monnaie de transaction et de réserve, la dette publique (105 % du PIB) échappe aussi pour l’essentiel aux marchés financiers : les organismes appartenant au gouvernement fédéral en détiennent 28 %, la banque centrale, la Fed, plus de 18 %, les autres banques centrales et les organisations internationales 30 %, les investisseurs privés étrangers seulement 15 %.

Sortir du piège de la dette

Il faut d’abord en finir avec les politiques d’austérité. Menée conjointement dans tous les pays de l’Union européenne, elles ne peuvent qu’aboutir à une récession généralisée qui risque de se transformer en dépression. La zone euro a ainsi connu une récession suivie d’une stagnation économique entre 2011 et 2013. On se retrouve dans une situation similaire que dans les années 1930 lorsque les gouvernements avaient mené ce type de politique qui avait abouti à la Grande dépression. Dans cette situation, il est difficile de réduire les déficits publics qui pourraient même s’aggraver si les recettes fiscales chutaient plus vite que la réduction des dépenses. Il faut aussi une réforme fiscale d’ampleur qui redonne des marges de manœuvres à l’action publique et dont la condition est la mise en place d’un contrôle des capitaux. Son point central doit être la mise en place d’une fiscalité de haut niveau sur les rentiers, les ménages les plus riches et les grandes entreprises.

Nous insisterons ici sur la politique monétaire et sur la nécessité de sortir de l’emprise des marchés financiers. Face à un possible étranglement financier piloté par la BCE, une solution pourrait être la création d’un moyen de paiement complémentaire5 ou IOU (« I owe you »), une « monnaie » dont la valeur serait garantie par les recettes fiscales futures. Elle permettrait de retrouver des marges de manœuvres financières en ne recourant plus aux marchés financiers, de relancer l’économie et réduire la dette de court terme, la « dette flottante ». Sa convertibilité au pair avec l’euro, qui resterait la monnaie nationale, étant garantie, un tel dispositif s’apparente en fait à un prêt à court terme que les citoyen-ne-s accordent à leur gouvernement. Il s’agirait alors d’un geste autant politique qu’économique qui renforcerait notablement la position du pays dans ses rapports avec les institutions européennes. Il serait d’autre part possible d’activer des modes de financement direct par l’État des grands programmes publics en reprenant le contrôle des banques à l’image du « circuit du trésor ».

Au-delà, la BCE et les banques centrales nationales doivent pouvoir financer directement les déficits publics par création monétaire. Elles doivent pouvoir le faire à partir d’objectifs économiques, sociaux et écologiques démocratiquement débattus et décidés. Pour contourner les traités européens actuels – les changer nécessite l’unanimité des États -, cela pourrait passer par la création d’un établissement financier dédié à cet effet, comme dans le cas français la Banque publique d’investissement, qui demanderait un prêt auprès de la Banque centrale. Cela est explicitement autorisé par l’article 123-2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Concernant le stock de la dette existant, la BCE pourrait le racheter sur le marché secondaire, amplifiant une politique qu’elle mène depuis la crise. La politique monétaire doit redevenir l’objet de débats politiques et de décisions démocratiques au niveau national comme au niveau européen et les politiques économiques européennes doivent être réellement coordonnées afin d’éviter le chacun pour soi.

Deux objections sont soulevées à cette proposition. La première brandit le spectre de l’inflation. Une création monétaire incontrôlée serait porteuse d’une inflation qui le serait aussi. Remarquons d’abord que cette menace n’est pas évoquée lorsque la BCE déverse des milliers de milliards d’euros dans le système bancaire. Mais, outre qu’il ne s’agit pas dans cette proposition d’une création monétaire incontrôlée, mais au contraire politiquement et démocratiquement contrôlée, cet argument s’appuie sur la vieille théorie quantitative de la monnaie qui relie directement accroissement de la masse monétaire et inflation. Or, contrairement à ce qu’affirme cette théorie, il n’y a aucun effet d’automatisme en la matière. L’effet d’un accroissement de la masse monétaire dépend essentiellement de l’utilisation qui en est faite et de la manière dont elle est répartie. Une création monétaire qui permet la création d’une richesse nouvelle n’est pas inflationniste. Au-delà, durant les « Trente glorieuses », les pays européens ont vécu avec un peu d’inflation et cela ne les a pas empêchés de connaître une certaine prospérité économique6. Un peu d’inflation n’aurait d’ailleurs pas que des effets négatifs car cela aiderait au désendettement des ménages et des entreprises.

La seconde objection est politique et met en avant le fait que cette solution est aujourd’hui refusée par la plupart des pays européens et notamment l’Allemagne. Elle renvoie à la stratégie. Cette nouvelle politique monétaire constituerait une rupture avec l’emprise des marchés financiers. Elle suscitera donc l’opposition des gouvernements conservateurs ou de ceux dominés par le social-libéralisme. Un gouvernement progressiste devrait alors engager un bras de fer avec les autres gouvernements européens comme cela s’est fait à de nombreuses reprises dans l’histoire de la construction européenne. Il devrait prendre des mesures unilatérales en rupture avec les traités européens. D’un point de vue juridique, un tel gouvernement pourrait s’appuyait sur le « compromis de Luxembourg » qui prévoit que les États peuvent déroger aux règles européennes s’ils estiment que leur « intérêt vital » est en jeu. Cette clause dite de l’opt out a d’ailleurs été utilisé par certains pays européens (le Royaume Uni, la Pologne, la Tchéquie) pour refuser l’application de la Charte des droits fondamentaux intégrée au traité de Lisbonne. Ce gouvernement s’adresserait aux peuples européens en tenant un discours prônant la construction d’une Europe démocratique et sociale et en refusant que les populations payent le prix de la crise. Nul doute que l’écho en serait important et permettrait de créer un rapport de forces au niveau européen.

1 Il s’agit de la dette au sens de Maastricht, c’est-à-dire la dette brute de l’État, des organismes divers d’administration centrale (ODAC), des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale.

2 Kenneth Rogoff a été économiste en chef du Fonds monétaire international de 2001 à 2003.

3 Pour une description minutieuse de ces dispositifs et de leur destruction, voir, Benjamin Lemoine, L’ordre de la dette, La Découverte, 2016.

4 Contrairement à une légende tenace – à laquelle d’ailleurs l’auteur de ces lignes a cru aussi – la loi de 1973 réformant le statut de la Banque de France n’a aucunement interdit ces avances. Il faut remercier Alain Beitone d’avoir avec constance mené le débat sur ce point. Voir notamment http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/12/29/la-loi-pompidou-giscard-rothschild-votee-en-1973-empecherait-l-État-de-battre-monnaie_1623299_3232.html.

5 Cette solution a été particulièrement développée par Bruno Théret. Voir notamment pour le cas grec Bruno Théret, Woytek Kalinowsky, Thomas Coutrot, « L’euro-drachme, ballon d’oxygène pour la Grèce », http://www.liberation.fr/monde/2015/03/15/l-euro-drachme-ballon-d-oxygene-pour-la-grece_1221089.

6 Il ne s’agit pas ici de faire l’apologie de cette période, mais simplement de montrer que le discours catastrophiste sur l’inflation n’a pas de fondement.

VIO.ME… ECOPLA mêmes luttes

Hasard du calendrier ce jeudi 20/10 les salariés de VIO.ME (Thessalonique) et d’ECOPLA ( St Vincent de Mercuze) se battaient à nouveau contre la justice. Malheureusement pour ECOPLA la joie n’était pas au rendez-vous comme pour VIO.ME.

Lors de sa venue à Grenoble-Lyon- St Etienne, Makis Anagnostou avait rencontré le 1er avril 2016 les salariés d’Ecopla qui à l’époque préparaient le dossier de reprise de leur usine.

Pour ECOPLA :

Le 16/6/16 le tribunal de commerce avait attribué la reprise de l’usine à son principal concurrent Italien privilégiant ainsi le transfert du savoir faire, des machines et laissant sur le carreau les salariés français. Le 5/10 ces salariés faisaient appel et le jugement a été rendu le 20/10.

Voir l’article de Libération sur le dossier  le 5/10 http://www.liberation.fr/france/2016/10/05/ecopla-l-etat-s-invite-a-l-audience_1519890

et le 20/10 http://www.liberation.fr/france/2016/10/05/ecopla-l-etat-s-invite-a-l-audience_1519890

Ecopla soutenu par Fakir : http://www.fakirpresse.info/ecopla-le-20-octobre-la-surprise

Pour les VIO.ME :

Jeudi 20/10 au tribunal de Thessalonique les Vio.Me ont obtenu un report de la mise aux enchères du terrain sur lequel se trouve la fabrique. Plus que jamais ils ont besoin du soutien international.

La caravane solidaire se trouvait sur place et a fait passer ce récit

https://solidariteaveclagrececollectifs.wordpress.com/2016/10/20/victoire-pour-viome-20-10-16/

Voir le récit heure par heure 20-octo-16-viome-heure-par-heure

Pour rappel un autre combat : 22/9/16 Attaque judiciaire des VIO.ME à Thessalonique 

La justice de Thessalonique a décidé de criminaliser l’expérience des VIO.ME qui font tourner leur usine en autogestion. Le procureur a décidé de mener une enquête préliminaire et cette procédure vise maintenant directement tous les administrateurs de l’association de travail de Vio.me. Dans un communiqué les travailleurs de Vio.Me protestent contre « une persécution dirigée contre le «cœur» de notre lutte : notre refus d’abandonner l’usine, d’accepter la mort lente du chômage et de la dépression, notre décision de se battre pour nos emplois et notre propre dignité et celle de nos familles, notre décision de faire fonctionner l’usine en auto-gestion et avec le contrôle social de la main-d’œuvre . Ils nous reprochent la « violence illégale » parce que chaque jour nous sommes dans l’usine, mais ils savent que nous ne sommes pas licenciés et nous sommes en rétention depuis 2011. Parce que nous stockons et conservons les machines et les bâtiments en bon état, qui sinon seraient des ruines et de la ferraille. Parce que nous osons produire des produits utiles. Parce que dans tout le pays et dans l’Europe, d’autres travailleurs apprennent que vingt-trois travailleurs de Thessalonique font mieux que les patrons et les gestionnaires. Est ce cela « les violences illégales » ? Si ils veulent juger cette occupation, ils devront nous juger avec toutes celles et tous ceux qui ont combattu avec nous toutes ces années. Ils veulent nous juger pour justifier l’illégalité de nos anciens patrons. » et de conclure sur la nécessaire résistance et le combat qui reste encore à mener. SOLIDARITÉ AVEC LES VIO.ME !

Grèce : François Hollande et sa fausse légende

Par Romaric Godin publié par La tribune d’info Grèce

Dans le livre de confidences paru la semaine dernière, François Hollande se dresse un portrait de « sauveur de la Grèce ». La réalité pourrait être différente.

Derrière le bruit médiatique qui s’est concentré depuis la sortie du livre de « confidences » du président de la République sur les « gaffes » de l’hôte de l’Elysée et ses «erreurs de communication », il convient de ne pas oublier que l’essentiel de l’ouvrage vise bien à construire l’image d’un président en action, dans toute la splendeur et l’étendu de son pouvoir. Nulle part cet effort n’est si visible que dans les pages consacrées à la politique étrangère, et en particulier à la troisième crise grecque du premier semestre 2015.

Sauveur de la Grèce, le storytelling de l’Elysée

Intitulé « le facilitateur », ce chapitre de 14 pages* dresse le portrait en pied d’un François Hollande arbitre de l’Europe, capable de retenir la furie destructrice d’Alexis Tsipras, le premier ministre hellénique, et de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances. Le chef de l’Etat français aime se présenter comme « protecteur » du chef du gouvernement grec. Les deux journalistes auteurs de l’ouvrage soulignent ainsi sa « mansuétude » envers Alexis Tsipras (qu’ils comparent avec celles, coupable à leurs yeux, qu’il a adopté envers Christiane Taubira et Emmanuel Macron), de son « acharnement » à maintenir la Grèce dans la zone euro. On le voit batailler avec Angela Merkel pour que « tout faire pour maintenir la Grèce » dans l’union monétaire.

Ce discours, soutenu tant par les auteurs que par le président, n’est pas étonnant. Il est la « version officielle » française des événements depuis que, au petit matin du 13 juillet 2015, Alexis Tsipras a signé une capitulation complète devant ses créanciers, faisant replonger le pays dans la crise et dans l’assujettissement le plus complet. Selon le Château, qui en vend la version à qui veut bien l’entendre, c’est la France qui a stoppé l’Allemagne dans sa volonté de chasser les Grecs de la zone euro.

Les deux auteurs rendent donc l’image d’un président gonflé d’orgueil d’avoir l’impression, sur ce dossier grec, de « faire l’histoire ». Du reste, eux-mêmes, présents dans les bureaux dorés de l’Elysée, avouent cette « impression légèrement grisante d’observer l’histoire en marche ». Jamais la connivence entre le monarque et ses secrétaires « embusqués » n’est aussi forte que sur ce dossier. Jamais l’admiration du chef de l’Etat n’y est aussi palpable. Mais si l’on y regarde de plus près, ce portrait élogieux du « sauveur des Grecs » apparaît fort contestable.

Mépris et réalisme

Premier élément. Si François Hollande est très soucieux « d’avoir la position la plus proche des Allemands », il montre un mépris ouvert et constant envers « l’ami grec ». « François Hollande, semble s’adresser à un petit frère un peu trop dissipé », notent les auteurs. Plus loin, ils soulignent que le président français « assume parfaitement ce rôle de grand frère ».  Mais les deux journalistes évoquent aussi l’attitude de « proviseur compréhensif » de l’élève Tsipras. Elève de quelle leçon ? Mais celle du « réalisme », bien sûr. Le réalisme consiste pour l’Elysée à faire de la politique en ne changeant absolument rien. Rester donc à tout prix dans la zone euro, quel qu’en soit le prix, mais tenter de présenter un storytelling qui « sauve la face ». « Tsipras entend sauver à la fois son pays… et les apparences », expliquent les auteurs en décryptant le discours présidentiel.

Clichés désolants

Mais ce qui frappe par-dessus tout, c’est l’incompréhension complète de la situation grecque. François Hollande ne semble pas saisir l’enjeu du succès de Syriza, qui s’appuie sur la défaite absolue de la stratégie menée par les Européens depuis 2010 en Grèce, sur la protection de l’oligarchie pendant l’austérité, sur le désastre social qu’il a causé et sur le sentiment d’humiliation des actes de la Troïka. Pas un mot de tout cela dans la bouche d’un président qui, en 2012, tout fraîchement élu, avait appelé les Hellènes à voter contre Syriza, donc pour le parti conservateur Nouvelle Démocratie d’Antonis Samaras. Pire même, le président français ne peut saisir que, si la Grèce a sa part de responsabilité,  les déséquilibres de la zone euro ont conduit au désastre et que, de ce fait, tout le monde a sa part de responsabilité. Et doit donc prendre sa part de fardeau.

François Hollande refuse d’entendre la réalité grecque, jamais il n’évoque l’idée d’un assouplissement des exigences ou un plan « actif » de reconstruction économique du pays. Il impose à la malheureuse Hellade sa propre réalité, faite de clichés désolants de Grecs rétifs aux impôts, au travail non déclaré et aux retraites à 50 ans et d’une dette immense (dont il oublie de préciser qu’elle vient principalement désormais des crédits accordés par les Européens). Dès lors, la situation est simple : Alexis Tsipras doit accepter les « réformes » et les demandes de ses créanciers pour sauver sa place dans la zone euro. La faute est grecque, la Grèce doit payer. Tout en « sauvant les apparences ». Avec de tels amis, la Grèce n’a guère besoin d’ennemis.

Accepter l’alternative allemande

Les faits l’ont confirmé. François Hollande a accepté « par réalisme » de discuter des conditions d’une expulsion de la Grèce de la zone euro avec Wolfgang Schäuble. Dès lors, il en acceptait la possibilité et participait à la stratégie allemande en acceptant un « plan B » fondé sur cette expulsion. Il est un peu piquant de voir par la suite l’hôte de l’Elysée s’émouvoir d’une éventuelle demande à la Russie d’impression de drachmes de la part de la Grèce, alors que lui-même travaille à chasser la Grèce de la zone euro. Il est de même assez étonnant de voir François Hollande et ses hagiographes expliquer « qu’à force de persuasion, la France va réussir à éviter le pire », puisque ce « pire » même est une option acceptée par la France. Si Paris avait refusé une expulsion qui, par ailleurs n’est nullement prévue dans les traités, si elle avait usé de son influence pour « changer de logique », ce « pire » n’eût pas été possible. En acceptant l’option de l’expulsion, la France tirait dans le pied des Grecs, puis se réjouissait qu’on ne leur eût pas tiré dans la tête.

La France passive

Le récit des deux auteurs est, du reste, assez étrange. A les lire, dans les jours qui ont suivi le référendum perdu par les créanciers, le 5 juillet 2015, c’est la France qui a aidé, grâce à une « mise sous tutelle française de l’administration grecque » et à sa « force de persuasion », Athènes à demeurer dans la zone euro. Rien n’est moins juste. Alexis Tsipras a paniqué après la victoire du « non » : il ne s’est pas vu assumer un dernier combat qu’il a jugé perdu d’avance. Il a alors espéré que l’appui français lui permettrait de faire une proposition « acceptable ». 10 fonctionnaires ont été envoyés à Athènes, mais la proposition « française » (une réplique à peine durcie de celle rejetée par les Grecs le 5 juillet) a été rejetée par l’Eurogroupe du 11 juillet ! Ce jour-là, Wolfgang Schäuble et ses alliés ont relevé les mises et imposé de nouveaux critères, notamment un « fonds de privatisation » de 50 milliards d’euros (chiffre absolument irréaliste) et une mise sous tutelle étroite des finances publiques grecques.

C’est cette « proposition » du 11 qui va être la base de discussions du 12 et qui sera, à peine aménagée, acceptée le 13 par Alexis Tsipras. François Hollande n’a contribué – s’il a vraiment agi – qu’à négocier quelques détails de cette proposition allemande « punitive ». La France a alors permis à Angela Merkel de « vendre » à son opinion publique le maintien de la Grèce dans la zone euro. Quant à la Grèce, elle a, grâce à son « ami français » pu repartir avec un troisième mémorandum qui a mis encore à genoux son économie défaillante et qui a mis son gouvernement sous une tutelle humiliante. Sans que le gouvernement grec ne parvienne, comme promis le 13 juillet 2015, à ouvrir de vraies négociations sur sa dette publique. Depuis, la France a continué à accepter la position extrêmement dure de l’Eurogroupe, sans vraiment la modifier. Un détail, sans doute, dont ne parlent pas les deux auteurs.

La France absente à l’Eurogroupe

Au reste, même l’attitude « bienveillante » de la France face à la Grèce durant les négociations est peu convaincante. En quoi François Hollande a-t-il joué le rôle de « facilitateur » ? Le chapitre débute sur une scène où le président français assure Alexis Tsipras du soutien de la France avant l’Eurogroupe du 9 mars 2015. A ce moment, la Grèce prépare un plan de réforme suite à l’accord du 20 février. L’accord doit être validé le 9 mars et la crise pourrait alors s’apaiser. « Il y a un Eurogroupe lundi et nous pourrons peut-être agir », explique alors François Hollande. Mais ce que les deux auteurs ne relèvent pas, c’est que, ce 9 mars, l’Eurogroupe va refuser tout plan grec et, cela, pendant deux mois. L’Eurogroupe réclame des baisses de pension. La France ne s’oppose pas à cette demande. Elle ne tente pas « d’agir », elle ne joue aucun rôle de facilitateur. A lire les deux auteurs, la Grèce est alors restée immobile. « Tsipras tarde à produire ses réformes », explique François Hollande en avril qui tenterait de « réfréner les ardeurs belliqueuses » du Grec. Problème : de mars à mai, la Grèce multiplie les plans de réformes qui sont systématiquement rejetés par un Eurogroupe qui veut obtenir la baisse des pensions, signe final de la capitulation politique du gouvernement grec. Et la France soutient cette politique. Loin d’être « facilitateur », François Hollande a soutenu les objectifs politiques de l’Eurogroupe et a placé le gouvernement grec devant une alternative : sortir de l’euro ou capituler.

Miser sur les mauvais chevaux

Enfin, dernier point, de détail, celui-là. François Hollande donne deux conseils à Alexis Tsipras : s’appuyer sur l’OCDE et sur Jean-Claude Juncker. Le problème, c’est que c’était miser sur deux mauvais chevaux. La décision n’était pas à la Commission, qui a été entièrement mise sur la touche pendant les négociations, mais à l’Eurogroupe. En demandant à Alexis Tsipras de s’appuyer sur la Commission, François Hollande demande à Bruxelles de faire ce qu’il refuse de faire lui-même : apaiser l’Eurogroupe alors même que la France siège à cet Eurogroupe… Quant à l’OCDE, la Grèce s’est beaucoup appuyée effectivement sur cet organisme, notamment pour rejeter les demandes de l’Eurogroupe.

L’obsession de l’Allemagne

François Hollande fait donc mine d’oublier qu’il est acteur – passif, s’entend – du blocage entre la Grèce et ses créanciers. En réalité, il le sait et finit par le reconnaître : plus que son « amitié » pour la Grèce, le président français sauve « sa » relation avec l’Allemagne. « Si les Allemands me lâchent, c’est fini

http://www.info-grece.com/actualite/2016/10/17/grece-francois-hollande-et-sa-fausse-legende

Euro, Plan B. Sortir de la crise en Grèce, en France et en Europe

Euro, Plan B. Sortir de la crise en Grèce, en France et en Europe
par Costas Lapavitsas, Heiner Flassbeck, Cédric Durand, Guillaume Etievant, Frédéric Lordon
Disponible le 20 août, commandes en ligne dès maintenant :
http://www.editions-croquant.org/…/…/product/346-euro-plan-b
Il y a un an, le 5 juillet 2015, un nouveau plan d’austérité était massivement rejeté en Grèce. Le gouvernement d’Alexis Tsipras cédait pourtant à la pression des institutions européennes et signait une semaine plus tard un troisième Mémorandum. Cette capitulation a ouvert un débat sur les perspectives de la gauche radicale en Europe. Y avait-il une alternative ?
Pour les auteurs de ce livre, la réponse est clairement positive. Ils récusent l’idée qu’il est possible de réformer de l’intérieur l’Union européenne et ce qui en est le noyau : la monnaie unique et la zone euro.
Le cœur du livre est constitué par la présentation par Heiner Flassbeck et Costas Lapavitsas d’un « programme de salut public pour la Grèce ». À partir d’une analyse économique rigoureuse, ils montrent que le problème de la zone euro est pour l’essentiel à chercher dans la politique allemande, qui est à l’origine de l’écart de compétitivité en faveur de ce pays. Et ils proposent des solutions concrètes pour sortir de la zone euro, régler le problème de la dette publique et libérer les peuples du pouvoir de la finance. Les contributions de Cédric Durand, Guillaume Etiévant et Frédéric Lordon complètent cet ouvrage de référence dans les débats pour un « plan B » en Grèce, en France et en Europe.
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