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Unissons nous, Résistons !!!

L’austérité tue, la répression fait rage, la démocratie meurt !! Gilets Jaunes ,Gilets Rouges ,sans gilet…
UNISSONS-NOUS, RÉSISTONS !!!

Il y a quatre ans, en 2015 nous étions ensemble, parties politiques de gauche, syndicats et mouvement social on manifestait pour soutenir le peuple grec contre le coup d’état démocratique imposé par la troïka, (l’UE, la BCE et l’FMI) sous la banderole « Grèce, France, Europe l’austérité tue, la démocratie meurt, RESISTONS !!

En Grèce, ils n’ont pas gagné la première bataille, ils ont perdu, malheureusement avec la complaisance de Tsípras qui a trahi son peuple. Dans une société en pleine radicalisation, Tsipras a veillé à prendre le contrôle et à neutraliser toute tendance radicale des gens. Il y est parvenu en transformant en Oui le Non du peuple, qui le 5 juillet avait ignoré les chantages de l’establishment européen tout entier.

Dans ce tournant décisif pour le mouvement, les luttes de classe et les revendications sociales il est crucial que nous tirions les justes conclusions de la défaite grecque.

La première bataille c’était en Grèce. La LUTTE FINALE c’est aujourd’hui en France !

UNISSONS-NOUS, syndicats qui combattent la régression sociale, associations et mouvement sociale,Gilets Jaunes construisons l’ Unité Populaire, le Front Populaire contre le démantèlement néolibéral de la société française, voulu par le Président de riches mais aussi dicté par les traités européennes, contre la répression féroce qui s’abat aujourd’hui aux Gilets Jaunes ,aux syndicalistes, aux travailleurs de ce pays .

UNISSONS-NOUS pour défendre les acquis du CNR, pour une éducation pour tou-te-s, pour la sécurité sociale, contre les privatisations contre la casse des services publiques et pour les droits des usagers citoyennes, pour la justice fiscale, pour la justice sociale, pour l’écologie, fin du monde, fin du mois même combat, construisons la grève générale aux assemblées citoyens, aux assemblées des travailleurs.
L’austérité tue, la répression fait rage, la démocratie meurt !!
UNISSONS-NOUS, RÉSISTONS !!!

Vangelis Goulas

Vaincre l’UE et les réactions xénophobes

Vidéo de la conférence débat à Nanterre du 22 mars 2019 par la campagne Frexit de gauche « Vaincre l’UE et les réactions xénophobes » avec Stathis Kouvelakis et Ugo Palheta.

Depuis la crise de 2008, la brutalité avec laquelle l’Union Européenne malmène les peuples révèle sa vraie nature. Au service des oligarchies nationales, l’UE est un carcan pour étouffer les démocraties et casser les systèmes sociaux.

De façon inquiétante, la dérive technocratique alimente une extrême-droite véhiculant un imaginaire identitaire xénophobe dirigé contre les migrants et les minorités ethniques et religieuses, musulmanes notamment.

En face, la gauche pro-européenne croit combattre le nationalisme xénophobe en se jetant dans les bras de l’Europe. Pourtant, toute politique sociale est impossible dans le cadre de l’UE, puisque celle-ci soumet les peuples à la concurrence et au libre-échange généralisés.

De fait, la construction européenne attise les rivalités tant entre les nations européennes – la Grèce en fournit un exemple tragique – qu’avec le reste du monde.

Pour la gauche fidèle à ses idéaux, la tâche historique est de retrouver le sens de la nation, débarrassée de toute référence identitaire.

Peut-on redéfinir un projet national qui serait indissociable de l’idée d’une solidarité inclusive et d’un internationalisme de coopération, nécessaires tant pour la démocratisation de la France que pour le retour à des relations apaisées en Europe ?

 

Quand cette horreur finira

 

Transmis par Yannis Youlountas

Un texte anonyme qui tourne en ce moment.

 

QUAND CETTE HORREUR FINIRA

Quand cette horreur finira (parce qu’elle finira), on fera des musées et, dans les vitrines, il y aura des chaussures, des lettres, des petites photos, des cartes, des mèches de cheveux, des tas de vêtements déchirés.

Et il y aura des classes d’école qui se demanderont comment cela a été possible.

Et il y aura des survivants qui réécriront « si c’est un homme » en pensant à Primo Lévi.

Et il y aura des intellectuels, des bien-pensants, des quidams de tous bords qui scanderont « plus jamais ça ! »

Il y aura des émissions de télé où on interviewera nos contemporains.

Et il y aura ceux qui diront qu’ils ont obéi aux ordres.

Et il y aura ceux qui expliqueront qu’ils ont eu le courage de désobéir.

Et il y en a même qui, toute honte bue, diront « on ne savait pas. »

Et il y aura des petits-enfants qui demanderont à leurs grands-parents de quel côté ils étaient.

Et il y aura des grands-parents, quelques-uns, qui répondront sincèrement « J’étais du côté de l’humanité. »

Et il y en aura d’autres qui baisseront les yeux et ne répondront pas.

(auteur.e inconnu.e)

Source http://blogyy.net/2019/04/13/quand-cette-horreur-finira/

Manifeste pour un nouvel internationalisme des peuples en Europe

Article collectif présenté par plus de 150 co-signataires dont Eric Toussaint , Esther Vivas , Catherine Samary , Costas Lapavitsas , Stathis Kouvelakis , Tijana Okic , Nathan Legrand , Alexis Cukier , Jeanne Chevalier , Yayo Herrero

Ce Manifeste du réseau ReCommonsEurope a été élaboré par un collectif de chercheuses et chercheurs, de militantes et de militants provenant d’une douzaine de pays d’Europe qui ont souhaité proposer un plan à mettre en œuvre par des forces de gauche populaire qui veulent stimuler un changement social favorable au plus grand nombre et qui arriveraient au gouvernement dans un pays d’Europe avec l’appui du peuple mobilisé. Il s’inscrit dans le cadre du projet « ReCommonsEurope » initié par deux réseaux internationaux, le CADTM et EReNSEP, ainsi que par le syndicat basque ELA afin de contribuer aux débats stratégiques qui traversent la gauche populaire en Europe aujourd’hui. Il a été élaboré au cours de réunions tenues en 2018, et rédigé de manière collective en 2019. Il prolonge notamment l’appel intitulé « Les défis pour la gauche dans la zone euro », texte collectif présenté par plus de 70 co-signataires en février 2017.

Manifeste  à télécharger ici.


Les personnes suivantes ont participé directement à la rédaction de ce manifeste :
Walter Actis (Ecologistas en Accion, État espagnol)
Daniel Albarracin (économiste, Podemos, État espagnol)
Jeanne Chevalier (France insoumise, France)
Pablo Cotarelo (EReNSEP, État espagnol)
Alexis Cukier (philosophe, Ensemble !, EReNSEP, France)
Sergi Cutillas (économiste, EReNSEP, CADTM, Catalogne – État espagnol)
Yayo Herrero (anthropologue, écoféministe, État espagnol)
Stathis Kouvélakis (philisophe, EReNSEP, Grèce et Royaume-Uni)
Janire Landaluze (syndicaliste, syndicat ELA, Pays basque – État espagnol)
Costas Lapavitsas (économiste, EReNSEP, Royaume-Uni)
Nathan Legrand (CADTM, Belgique)
Mikel Noval (syndicaliste, syndicat ELA, Pays basque – État espagnol)
Tijana Okic (philosophe, militante politique, Bosnie-Herzégovine)
Catherine Samary (économiste, ATTAC France, NPA, France)
Patrick Saurin (CADTM, France)
Éric Toussaint (politologue, économiste, CADTM, Belgique)
Ont coordonné la rédaction finale : Alexis Cukier, Nathan Legrand et Éric Toussaint
Traduction de l’anglais vers le français  : Vicki Briault (CADTM), Alexis Cukier (EReNSEP), Nathan Legrand (CADTM), Virginie de Romanet (CADTM) et Christine Pagnoulle (CADTM).
Mise en page  : Tina D’angelantonio (CADTM)

Table des matières :

Avant-propos

Introduction

Chapitre 1 – Les premières mesures d’un gouvernement populaire

Chapitre 2 – Banques

Chapitre 3 – Dette

Chapitre 4 – Travail, emploi et droits sociaux

Chapitre 5 – Écosocialisme et transition énergétique

Chapitre 6 – Féminisme

Chapitre 7 – Santé et éducation

Chapitre 8 – Politiques internationales

Chapitre 9 – Luttes sociales, confrontations politiques et processus constituants

 

Source http://www.cadtm.org/Manifeste-pour-un-nouvel-internationalisme-des-peuples-en-Europe

11 questions sur l’Europe

Les 11 questions sur l’Union européenne de Coralie Delaume et David Cayla

Coralie Delaume et David Cayla viennent de publier un petit livre intitulé 10 questions + 1 sur l’Union européenne[1]. Ce livre vient à point à la veille des élections européennes. Il présente, sous une forme simple mais jamais simpliste, d’une manière très pédagogique les problématiques et les enjeux de cette élection. Ce livre fait suite à un autre ouvrage que ces deux auteurs avaient publié en 2017 : La fin de l’Union européenne[2] et dont on avait rendu compte en son temps. Le présent livre va constituer une lecture indispensable pour tous ceux qui veulent comprendre à la fois le processus que l’on appelle la « construction européenne » et qui se réduit de fait à la construction de l’UE, et qui voudront agir en conséquence lors des élections. C’est donc un petit livre fort utile, et fort bien écrit que nous livrent les deux co-auteurs. La meilleure chose que l’on peut faire est donc de le lire. La seconde meilleure chose et de tenter de réfléchir à partir de ce livre, et pour cela d’en rendre compte. C’est ce que l’on se propose de faire ici.

De l’Union européenne et de la démocratie

Ce livre est donc constitué de 11 chapitres, mais il couvre en réalité 4 grands thèmes. Le premier est bien entendu la question de l’Union européenne et de son rapport à la démocratie. Car, et ce depuis les années 1970, un débat constant existe sur la question de la réalité démocratique du processus de construction de la CEE puis de l’UE. Ce débat a connu bien entendu de nombreux tournant, que ce soit lors de l’adoption du fameux « Acte unique » dans les années 1980, lors du traité de Maastricht et bien entendu lors du référendum de 2005 sur le projet de traité constitutionnel.

Il convient de rappeler que les élections européennes sont des élections au Parlement européen, élu au suffrage universel depuis 1979. Mais de quels pouvoirs disposent donc ce Parlement ? Coralie Delaume et David Cayla montrent de manière très convaincante que ce Parlement n’est pas, et ne peut être un « législateur » au sens entendu par Carl Schmitt dans son ouvrage Légalité, Légitimité[3]. Nos deux auteurs montrent qu’il partage largement ce pouvoir de législation avec deux autres organismes, le Conseil européen, où les Etats sont représentés, et la Cour de Justice de l’Union Européenne. Il peut même être considéré comme un « Parlement croupion » justement car il n’a ni l’initiative ni le dernier mot en matière de réglementation européenne. Ils insistent avec raison sur le rôle extrêmement important de la CJUE qui, depuis ses premiers arrêts en 1963 et 1964 s’est symétriquement auto-instituée en juge constitutionnel et en législateur[4]. De fait, la CJUE a joué un rôle tout à fait déterminant dans la dérive de l’Union européenne d’une organisation internationale à une organisation supranationale[5]. On sait que c’est le projet d’Emmanuel Macron de renforcer cette dérive, et de faire faire à l’UE le saut vers le « fédéralisme », comme le montre la tribune qu’il fit publier dans la presse[6]. On sait aussi que ceci est fermement refusé par les dirigeants allemands et en particulier par Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, la présidente de la CDU[7].

Mais, si l’UE tend désormais vers l’organisation supranationale elle n’en a pas les moyens financiers. Ceux-ci restent largement l’apanage des Etats, et le budget de l’UE n’est alimenté que par les contributions des Etats membres, contributions que dans le cas de l’Allemagne, de la France et de l’Italie sont des contributions nettes (les pays donnent plus qu’ils ne reçoivent de l’UE). De fait, le Parlement européen reste largement dépourvu des attributs logiques d’un Parlement, et ceci s’explique par le fait qu’il ne représente pas un « peuple », au sens d’une communauté politique, mais qu’il représente des peuples, avec chacun sa singularité et son histoire politique propre. Cette réalité a été reconnue d’ailleurs par l’équivalent allemand de la Cour Constitutionnel, la Cour de Karlsruhe. Lors de son arrêt du 30 juin 2009 la Cour de Karlsruhe a stipulé, en effet, qu’en raison des limites du processus démocratique en Europe, seuls les États-nations sont dépositaires de la légitimité démocratique[8].

Qui dirige l’UE ?

Nos deux auteurs posent alors la question de savoir qui dirige l’Union européenne[9]. Et c’est là que le problème de la structure de l’UE se révèle, à la fois dans sa nature technocratique et dans sa logique de « gouvernement des juges ». De fait, c’est bien M. Barroso qui en 2014 a craché le morceau. En affirmant péremptoirement que l’UE est un projet « sui generis »[10], M. Barroso cherche à s’exclure de tout contrôle démocratique, et veut supprimer la possibilité d’une contestation en légitimité, et enterrant ainsi le principe de souveraineté nationale, mais sans le remplacer par un autre principe. C’est le fait du Prince dans toute sa nudité, certes caché dans une formule dont Jean de La Fontaine[11] apprécierait l’hommage (involontaire) à sa fable de la Chauve Souris et des Deux Belettes : « Je suis Oiseau : voyez mes ailes;
Vive la gent qui fend les airs !…. Je suis Souris : vivent les Rats;
Jupiter confonde les Chats ». Ce délitement de la souveraineté nationale s’est mis en place avec le traité de Maastricht. Il s’est amplifié par petit pas. Il est devenu évident lors du référendum de 2005 sur le projet constitutionnel et dans le déni de justice qui suivit et qui conduisit au Traité de Lisbonne. Victor Hugo le disait déjà[12], et comme en son temps on peut écrire que l’on «nous retire petit à petit tout ce que nos quarante ans de révolution nous avaient acquis de droits et de franchises.(…) Le lion n’a pas les mœurs du renard [13] ».

Nos deux auteurs ont amplement raison d’insister sur ce point[14]. Ils auraient cependant pu évoquer la tentative de constituer un droit européen en dehors de toute souveraineté, tentative dont le meilleur représentant est Andras Jakab. Ce dernier se livre à une réfutation du rôle fondateur de la Souveraineté, tel qu’il émerge des travaux de Bodin et de Jean-Jacques Rousseau. Cette démarche est en réalité parfaitement convergente avec le discours tenu par l’Union Européenne. Il convient de s’y arrêter un instant pour chercher à comprendre de quoi il retourne en la matière. Jakab, après une analyse comparée des diverses interprétations de la souveraineté, avance pour le cas français que : « La souveraineté populaire pure fut compromise par un abus extensif de referenda sous le règne de Napoléon Ier et de Napoléon III, la souveraineté nationale pure ayant été perçue comme insuffisante du point de vue de sa légitimation[15] »

C’est soutenir qu’un abus pervertirait le principe ainsi abusé. Mais il ne peut en être ainsi que si l’abus démontre une incomplétude du principe et non de sa mise en œuvre. Viendrait-il à l’esprit des contemporains de détruire les chemins de fer au nom de leur utilisation par le Nazis dans la destruction génocidaire des Juifs et des Tziganes ? Or, ceci est bien le fond du raisonnement tenu par Jakab. Pourtant, il est loin d’être évident dans l’usage politique fait du plébiscite que cet usage soit le seul possible. Si un plébiscite est bien un instrument non-démocratique, tout référendum n’est pas un plébiscite. La confusion établie par l’auteur entre les deux notions est très dangereuse et pour tout dire malhonnête. La pratique qui consiste à assimiler référendum et plébiscite, car c’est de cela dont il est question dans le texte, est une erreur logique[16]. On pratique de manière volontaire la stratégie de la confusion. Ce que reconnaît le Conseil Constitutionnel, en l’occurrence, c’est la supériorité logique de la Constitution sur la Loi. Ce n’est nullement, comme le prétend à tort Jakab l’enchaînement de la souveraineté. En fait, dire que le processus législatif doit être encadré par une Constitution ne fait que répéter le Contrat Social de Rousseau[17]. Ce qui est en cause est bien le parti pris de cet auteur est de refuser ou de chercher à limiter le concept de Souveraineté.

Quitte à mettre deux pages de plus dans l’ouvrage, une critique au fond de l’idéologie portée par le discours de Jakab et par celui des institutions européennes aurait été éclairant pour ce qui suit.

L’UE et la question sociale

Car, dans la suite de leur ouvrage nos deux auteurs vont discuter de l’inexistence d’un couple franco-allemand, un point déjà traité par Coralie Delaume dans un ouvrage de 2018[18], mais aussi interroger le drame de la Grèce et l’exemple du Portugal. Ce qui les conduits au deuxième thème structurant de l’ouvrage, l’UE et la question sociale. Sur la Grèce, beaucoup de choses ont été dites. On peut regretter que nos deux auteurs accordent tant de poids au témoignage de Varoufakis, témoignage certes incontestablement important, mais témoignage biaisé car l’ancien ministre cherche aussi, et cela se voit, à se donner le beau rôle.

Sur la question du Portugal, Coralie Delaume et David Cayla analysent en quelques pages de manière très intéressante à la fois le succès (relatif) de la stratégie du gouvernement portugais et sa limite. Ils montrent de manière convaincante que ce que l’on appelle aujourd’hui dans les cercles de « gauche » une « réussite » repose en réalité sur une émigration massive et sur une stratégie de dumping social et fiscal éhontée[19]. La conclusion à laquelle ils aboutissent est que le Portugal a adopté une stratégie de « parasite »[20], stratégie que l’on appellerait en langage d’économiste (et d’adepte de la théorie des jeux) une stratégie de passager clandestin.

Cela conduit alors nos deux auteurs à discuter de l’impact de l’UE sur la question sociale. Ils montrent de manière très pertinente que l’harmonisation sociale et fiscale au sein de l’Union européenne est un leurre[21]. Cette dernière a été conçue assez explicitement pour mettre en concurrence les pays les uns contre les autres. D’autres l’avaient déjà dit, et il est dommage qu’ils ne soient cités[22]. Notons ici une petite erreur de présentation. Cayla et Delaume construisent leur démonstration sur la base du salaire horaire. Mais, cette même démonstration aurait été bien plus percutante, et plus juste, s’ils l’avaient faite sur le coût salarial réel, autrement dit sur le salaire horaire compensé par la productivité. Ils auraient pu ainsi montrer que l’écart s’accroît et ne se réduit pas, dans la mesure où la productivité augmente bien plus vite dans les pays nouvellement entrés dans l’UE que le salaire horaire[23].

Cette critique n’enlève rien cependant à la démonstration de Coralie Delaume et David Cayla, qui apparaît solide et bien argumentée. Personne ne peut aujourd’hui contester que la pratique du dumping, que ce dernier soit fiscal ou social, fait partie intégrante de l’Union européenne. L’un des aspects les plus importants de ce livre est justement de le rappeler et de montrer qu’il ne peut y avoir une « Europe sociale » dans le cadre de l’UE.

L’UE et l’euro

Un troisième thème important, auquel un chapitre est consacré mais qui court en réalité tout au long d’une partie du livre est la question de l’euro. On trouve cette question abordée dans les chapitres consacrés à la Grèce et au Portugal. De fait, les conditions mises en place par l’euro se font sentir dans de nombreux domaines. Ce point est souligné à de nombreuses reprises dans différents chapitres de l’ouvrage.

Le chapitre qui est spécifiquement dédié à l’euro reprend bien l’ensemble des inconvénients de la monnaie unique. Il analyse les conséquences des imbrications bancaires et financières et pointe que la zone euro est en fait largement ouvertes aux crises spéculatives provenant de l’extérieur. Mais, dans ce chapitre, on aurait aimé voir citer les études du Fond Monétaire International, études qui justement apportent de l’eau au moulin de nos deux auteurs[24], et qui ont été confirmées par un article de 2018 dans la revue de l’OFCE[25]. Plus regrettable, le livre oublie de citer l’ouvrage de Joseph Stiglitz, qui reprend l’ensemble de ces points[26]. Les deux ouvrages qui sont alors cités sont celui de James Galbraith et celui de Yannis Varoufakis, deux ouvrages dont il ne s’agit pas ici de nier les qualités mais qui sont bien plus centrés sur la crise grecque que sur l’euro, et qu’il aurait été logique de citer plus largement dans le chapitre consacré justement à la crise grecque. Plus globalement, les références sont nombreuses sur les inconvénients de l’euro. On pense ici aux travaux de l’économiste allemand Jorg Biböw qui, dès 2007, attirait l’attention de ses collègues sur les risques que la zone euro faisait courir à l’économie européenne, mais aussi à l’économie mondiale[27].

Il y a un autre problème plus grave. Dans ce chapitre, les deux auteurs (et ce n’est pas faire injure à Coralie Delaume que de penser que ce fut David Cayla qui, étant économiste, a tenu la plume), analysent les conséquences financières d’une possible sortie de l’euro[28]. Ils affirment que cette sortie peut poser des problèmes à certains acteurs. Or, ils ne citent pas le travail réalisé par Cédric Durand et Sébastien Villemot, travail publié par l’OFCE, et qui analyse de manière très précise les conséquences financières d’une telle sortie[29]. Il est ici important de rappeler que Durand et Villemot aboutissent à des résultats qui montrent que pour les pays du Sud de la zone euro, à l’exception de l’Espagne, les effets financiers d’une sortie seraient au pire négligeables au mieux favorables. De même, on aurait aimé que l’attitude des autres pays de l’UE qui ne sont pas membres de l’UEM, c’est à dire de la zone euro, soit mieux analysée.

Disons le, ces problèmes n’affectent pas le contenu général du livre. Mais ils sont irritants car des critiques de la thèse général de l’ouvrage peuvent s’en servir pour chercher à minorer son importance.

Que faire de l’UE ?

Le quatrième thème qui traverse cet ouvrage n’est autre que l’attitude que l’on peut avoir par rapport à l’UE. C’est une question politiquement sensible, dans la mesure où certains mouvements se prononcent pour une sortie de l’UE (ce que l’on appelle un « FREXIT ») et que d’autres ont des positions que l’on pourra considérer comme plus nuancées ou comme plus ambivalentes.

Ce que cet ouvrage montre, de manière particulièrement claire, c’est que l’UE entraîne une course au « moins disant » social et fiscal et qu’elle ne peut pas être changée sur ce point de l’intérieur. En effet, il faut avoir une unanimité pour changer les traités. La question des travailleurs détachés est ici exemplaire. Le gouvernement français prétend avoir obtenu des modifications substantielles, mais on constate rapidement qu’il n’en est rien. De ce point de vue, les différentes prises de position invitant à faire, ou à voter pour, une « autre Europe » ne sont ni sérieuses ni crédibles, du moins si par « autre Europe » on entend « autre UE ». De la même manière, les propositions de « désobéissance » aux traités existants ne peuvent être assimilées à ce que l’on appelle « l’opting-out » car ce dernier exige en réalité un traité. Il convient de savoir que dire que l’on ne veut pas appliquer un traité, ou que l’on veut « sortir » d’un traité, ne pourra pas se faire dans le cadre légal de l’UE. Cela ne veut pas dire, naturellement, que cela ne pourra pas se faire, mais cela implique que pour pouvoir le faire il faudra violer la légalité de l’UE et imposer d’autres normes légales. Rares sont ceux qui parlent de « désobéissance » et qui évoquent cette réalité et qui tirent toutes les conséquences d’une sortie de la légalité de l’UE, et donc du rejet de la CJUE. Cette ambiguïté des positions est particulièrement claire en ce qui concerne la « France Insoumise ».

Quelle que soit la manière dont on prend le problème, on voit bien que la sortie de l’UE est au bout. Cette sortie peut être en réalité un éclatement généralisé, comme elle peut prendre la forme d’une crise entraînant certains pays à rompre avec l’UE tandis que d’autres choisiraient de rester en son sein.

Mais, d’un autre côté, les deux auteurs de l’ouvrage analysent très clairement l’autre ambiguïté qui consiste à mettre en avant l’article 50 du TFUE. En effet, et les péripéties du Brexit le montrent de manière de plus en plus claire, l’article 50 n’a pas été écrit pour être appliqué. Il revient à placer le pays qui veut sortir de l’UE entre les mains de cette dernière. C’est une vision profondément technocratique et apolitique du problème de la sortie de l’UE. Or, justement, la logique de l’UE a été de chercher à dépolitiser des questions politiques, de les réduire à des questions purement techniques[30]. On le voit, il est illusoire de vouloir sortir de l’UE par des procédures que l’UE elle-même a fixées, de vouloir sortir de l’UE tout en se pliant aux normes même qu’elle a fixées.

Sur cette question on ne pourra donc pas faire l’économie d’une réflexion sur l’action exceptionnelle, une action qui est prévue dans la Constitution en particulier par l’article 16.

Le référendum et l’article 16

Nous sommes donc renvoyés à la question de l’action exceptionnelle. Il nous faut à nouveau revenir à Carl Schmitt[31]. Quand ce dernier invoque le décisionisme, soit cette capacité de l’Etat de prendre des décisions en dehors de tout cadre juridique, il indique qui est le « souverain ». C’est dans l’état d’exception, principe reconnu par tout juriste conséquent, que s’affirme et se révèle la souveraineté. On sait que pour Carl Schmitt « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle »[32]. Cette définition est importante. Pourtant, il convient de s’arrêter aux mots. Schmitt n’écrit pas « dans la situation » mais « de la situation ». C’est le fait de dire qu’une situation est exceptionnelle qui établirait le souverain. Emmanuel Tuchscherer fait alors justement remarquer que ceci « marque en effet le lien entre le monopole décisionnel, qui devient la marque essentielle de la souveraineté politique, et un ensemble de situations que résume le terme Ausnahmezustand, celui-ci qualifiant, derrière la généricité du terme « situation d’exception », ces cas limites que C. Schmitt énumère dans la suite du passage sans véritablement distinguer : « cas de nécessité » (Notfall), « état d’urgence » (Notstand), « circonstances exceptionnelles » (Ausnahmefall), bref les situations-types de l’extremus necessitatis casus qui commandent classiquement la suspension temporaire de l’ordre juridique ordinaire »[33].

Il est ici important de comprendre que cette suspension de «l’ordre juridique ordinaire » n’implique pas la suspension de tout ordre juridique. Bien au contraire. Le Droit ne cesse pas avec la situation exceptionnelle, mais il se transforme. Le couple légalité et légitimité continue de fonctionner mais ici la légalité découle directement et pratiquement sans médiations de la légitimité. L’acte de l’autorité légitime devient, dans les faits de la situation exceptionnelle, un acte légal. Et l’on peut alors comprendre l’importance de la claire définition de la souveraineté.

Seule la communauté politique, ce que l’on appelle le peuple, est en mesure de définir l’intérêt général et nul ne peut prétendre orienter ou limiter cette capacité à le faire. Mais, le peuple le fait à un moment donné. La définition de l’intérêt général ne peut, de plus, qu’être contextuelle, sauf à prétendre que le peuple, ou ses représentants, serait capable d’omniscience. Ce point de vue est une condamnation radicale de toutes les tentatives pour naturaliser la logique politique, en fixant des limites et des « intérêts » hors de tout contexte.

La décision souveraine nous éclaire un peu plus sur ce que C. Schmitt désigne par situation d’exception. Si celle-ci se déploie en marge de l’ordre juridique normalement en vigueur, elle n’échappe donc pas complètement au droit, puisqu’il n’y a d’exception qu’expressément qualifiée comme telle. L’exception suspend l’ordre juridique ordinaire, celui qui fonctionne dans les circonstances normales. Mais, l’exception ne s’affranchit pas de tout ordre juridique. Elle ne désigne nullement un néant ou une pure anomie. L’exception manifeste au contraire la vitalité d’une autre variante de cet ordre. On peut le considérer comme l’ordre politique ou souverain habituellement dissimulé derrière le cadre purement formel et procédural de l’ordre normatif de droit commun : « Dans cette situation une chose est claire : l’État subsiste tandis que le droit recule. La situation exceptionnelle est toujours autre chose encore qu’une anarchie et un chaos, et c’est pourquoi, au sens juridique, il subsiste toujours un ordre, fût-ce un ordre qui n’est pas de droit. L’existence de l’État garde ici une incontestable supériorité sur la validité de la norme juridique »[34].

Il existe donc deux voies possibles pour sortir de l’UE, deux voies qui seront appelées à être combinées : le référendum et l’article 16. Ces deux voies devront donc être utilisées. Telle est la conclusion que l’on peut tirer de ce livre que l’on doit à Coralie Delaume et David Cayla.

[1] Cayla D., Delaume C., 10 questions + 1 sur l’Union européenne, Paris, Michalon, 2019.

[2] Cayla D., Delaume C., La fin de l’Union européenne, Paris, Michalon, 2017.

[3] Schmitt C., Légalité, Légitimité, traduit de l’allemand par W. Gueydan de Roussel, Librairie générale de Droit et Jurisprudence, Paris, 1936; édition allemande, 1932.

[4] Cayla D., Delaume C., 10 questions + 1 sur l’Union européenne, op. cit., p. 13.

[5] Idem, p. 14.

[6] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/03/04/pour-une-renaissance-europeenne

[7] https://www.cdu.de/artikel/faisons-leurope-comme-il-faut-getting-europe-right

[8] Voir H. Haenel, « Rapport d’information », n° 119, Sénat, session ordinaire 2009-2010, Paris, 2009.

[9] Cayla D., Delaume C., 10 questions + 1 sur l’Union européenne, op. cit., p. 21.

[10] Barroso J-M., Speech by President Barroso: “Global Europe, from the Atlantic to the Pacific”, Speech 14/352, discours prononcé à l’université de Stanford, 1er mai 2014

[11] Et avant lui Esope, mais ceci est une autre histoire….

[12] Voir sa plaidoirie devant le Tribunal de commerce, lors du « Procès de Monsieur Victor Hugo Contre le THEÂTRE-FRANCAIS, et Action en Garantie du THEÂTRE-FRANCAIS Contre le Ministre des Travaux Publics» en 1832. http://librairie.immateriel.fr/fr/read_book/9782824701387/chap_0035

[13] http://librairie.immateriel.fr/fr/read_book/9782824701387/chap_0035

[14] Cayla D., Delaume C., 10 questions + 1 sur l’Union européenne, op. cit., p. 21-22.

[15] Jakab A., « La neutralisation de la question de la souveraineté. Stratégies de compromis dans l’argumentation constitutionnelle sur le concept de souveraineté pour l’intégration européenne », in Jus Politicum, n°1, p.4, URL : http://www.juspoliticum.com/La-neutralisation-de-la-question,28.html

[16] Décision 85-197 DC 23 Août 1985, Voir : Jacques Ziller, « Sovereignty in France: Getting Rid of the Mal de Bodin », in Sovereignty in Transition. éd. Neil Walker, Oxford, Hart, 2003.

[17] Rousseau J-J., Du Contrat Social, Flammarion, Paris, 2001.

[18] Delaume C., Le Couple Franco-Allemand n’existe pas, Paris, Michalon, 2018.

[19] Cayla D., Delaume C., 10 questions + 1 sur l’Union européenne, op. cit., p. 60-61.

[20] Idem, p. 62.

[21] Idem, p. 70 et ssq.

[22] Denord F. et Schwartz A., L’Europe Sociale n’aura pas lieu, Paris, Raisons d’agir, 2009.

[23] Cayla D., Delaume C., 10 questions + 1 sur l’Union européenne, op. cit., p. 71.

[24] Voir http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2017/07/27/2017-external-sector-report et http://www.imf.org/en/Publications/Policy-Papers/Issues/2016/12/31/2016-External-Sector-Report-PP5057

[25] Villemot, S, B Ducoudre et X. Timbeau. 2018. “Taux de change d’équilibre et ampleur des désajustements internes à la zone euro.” In Revue de l’OFCE, no. 155, pp. 303-334.

[26] Stiglitz J.E., L’Euro : comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2016.

[27] Bibow J. et A. Terzi (dir.), Euroland and the World Economy: Global Player or Global Drag?, New York (N. Y.), Palgrave Macmillan, 2007

[28] Cayla D., Delaume C., 10 questions + 1 sur l’Union européenne, op. cit., p. 101.

[29] https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/effets-de-bilan-dun-eclatement-de-leuro/ Ce papier fut publié en 2018 sous la forme d’un article, Durand, C. and S. Villemot. 2018. “Balance sheets after the EMU : an assessment of the redenomination risk.” in Socio-Economic Review

[30] Bellamy R., « Dirty Hands and Clean Gloves: Liberal Ideals and Real Politics », European Journal of Political Thought, Vol. 9, No. 4, pp. 412–430, 2010

[31] Scheuerman W.E., « Down on Law: The complicated legacy of the authoritarian jurist Carl Schmitt », in Boston Review, vol. XXVI, n° 2, avril-mai 2001

[32] Schmitt C., Théologie Politique, traduction française de J.-L. Schlegel, Paris, Gallimard, 1988; édition originelle en allemand 1922, p.16.

[33] Tuchscherer E., « Le décisionnisme de Carl Schmitt : théorie et rhétorique de la guerre » in Mots – Les langages du Politique n°73, 2003, pp 25-42.

[34] Schmitt C., Théologie politique I, op.cit. p.22.

Source https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-les-11-questions-sur-lunion-europeenne-de-coralie-delaume-et-david-cayla/

La BCE Face à ses limites

La BCE face à ses limites Par Martine Orange

Trois mois après avoir annoncé sa volonté de revenir à la normale, la BCE fait demi-tour : elle reprend une partie de sa politique monétaire accommodante pour contrer une conjoncture européenne qui se dégrade rapidement. Les banques et la zone euro ne se sont toujours pas remises de la crise. Elles risquent de ne pas être en état de faire face à une récession.

Ce n’était sans doute pas la performance que Mario Draghi rêvait de réaliser : il va être le seul président de la Banque centrale européenne (BCE) à avoir passé ses huit années de mandat sans jamais augmenter les taux d’intérêt.

Début décembre, il espérait encore finir son mandat en octobre 2019 en ayant normalisé la politique monétaire de la zone euro. Il avait annoncé la fin de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing ou rachat des dettes sur le marché) et prévoyait d’augmenter les taux d’intérêt – à zéro, voire négatifs pour les dépôts depuis des années – avant l’automne.

Trois mois après, tout est oublié. La BCE exclut de remonter ses taux directeurs, au moins jusqu’en 2020. L’institution ressort aussi une partie de ses armes monétaires, estimant que la zone euro a besoin de ces béquilles pour ne pas vaciller.

Pour justifier ce tête-à-queue, le président de la BCE a invoqué le cas de force majeure. « Les perspectives de croissance à court terme sont

Les prévisions économiques révisées de la BCE.
  Les prévisions économiques révisées de la BCE.
inférieures aux anticipations, notamment dans l’industrie », a-t-il expliqué. Les incertitudes géopolitiques, la montée du protectionnisme, le ralentissement de plus en plus marqué de l’économie chinoise, le Brexit, les crispations politiques en Europe s’additionnent, selon la BCE, pour tirer la conjoncture européenne vers le bas. Après l’OCDE, l’institution monétaire a révisé « substantiellement » à la baisse toutes ses prévisions : alors qu’elle tablait encore sur une croissance de 1,7 % en décembre, elle ne prévoit plus que 1,1 %, au mieux.                                                   
La brutalité de ces révisions a surpris de nombreux observateurs. Elles pourraient pourtant se révéler encore trop optimistes : le ralentissement économique en Europe est plus sévère qu’attendu, mais il ne date pas du début de l’année, contrairement à ce que la BCE veut faire croire. Il a commencé au tournant de l’été 2018, frappant d’abord le cœur de la zone euro : l’Allemagne.

La machine à exporter allemande est touchée. Depuis cet été, l’industrie allemande voit ses carnets de commande chuter. En janvier, les commandes à l’industrie ont encore baissé de 2,6 %, alors que les prévisions tablaient plutôt sur une diminution de 0,5 %. Les seules commandes en provenance de l’étranger affichent une chute de 5,6 %.

 © Reuters
    © Reuters
Grande bénéficiaire de l’expansion économique chinoise, l’Allemagne ressent durement depuis quelques mois les effets conjugués du ralentissement chinois, des tensions commerciales provoquées par Donald Trump et de la baisse de la demande en Europe. Facteur aggravant : le secteur automobile, pilier de l’industrie allemande, est entré dans une crise profonde liée à la fin du diesel, mais plus globalement à une remise en cause du rôle de l’automobile dans la société, alors que le réchauffement climatique menace.                                                                   

L’ébranlement du modèle allemand commence à susciter un vaste débat politique outre-Rhin. Certains sujets ne sont plus tabous. Le ministre de l’économie, Peter Altmaier, a ainsi commencé à parler de l’intérêt d’une politique industrielle, soutenue par l’État, visant à développer l’industrie du futur. Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, jusqu’alors considéré comme le gardien du temple de l’orthodoxie monétaire, a déclaré la semaine dernière ne plus être opposé à une politique monétaire plus lâche pour soutenir l’économie, « compte tenu des circonstances ».
Les pouvoirs publics, hostiles depuis des années à tout relâchement salarial, ont accepté une revalorisation salariale de 8 % sur plusieurs années – dont 3,2 % dès cette année – pour tous les salariés de la fonction publique, beaucoup étant sous contrat privé. Le soutien à une demande intérieure, négligée depuis plus d’une décennie, revient dans les discussions, alors que l’économie perd de sa vitesse. Selon les prévisions de l’OCDE, la croissance allemande ne devrait pas dépasser les 0,7 % cette année.

Pour l’Italie, la situation est encore plus difficile : le pays est en récession. Alors que ses exportations ralentissent, il n’existe aucune dynamique interne pour soutenir l’activité économique. Les Pays-Bas, quant à eux, s’inquiètent du contrecoup d’une sortie anarchique du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’Espagne voit ses perspectives s’assombrir. Il n’y a guère que la France, dont l’activité est soutenue en partie par les mesures prises en réponse à la révolte des « gilets jaunes », qui résiste à peu près.

Ce ralentissement général de la zone euro, qui intervient après à peine 18 mois de rebond, se lit en reflet dans le crédit. Si la demande de crédit reste encore assez soutenue en France et en Allemagne, dans les pays de l’Europe du Sud, le resserrement est très net. « L’impulsion du crédit était quasi nulle au quatrième trimestre 2018 en Italie et s’enfonce plus loin en territoire négatif en Espagne, à −2,1 % du PIB, un niveau qui n’avait plus été observé depuis la fin de l’année 2013. […] Il y a fort à parier que ce resserrement du crédit pèsera sur la demande intérieure dans la mesure où cette dernière est fortement corrélée à l’impulsion du crédit », soulignait il y a quelques jours une note de Saxobank.

Face à cette nouvelle montée des risques récessifs, la BCE a pour la première fois préféré agir préventivement plutôt que d’agir en réaction, comme par le passé. À défaut d’autres moyens, elle a choisi de reprendre son programme de refinancement à long terme des banques (TLTRO : Target long-term refinancing operations) à partir de septembre 2019.

Les relations des banques avec la BCE par pays (en bleu, les financements obtenus auprès de la Banque centrale, en vert, les dépôts de liquidités à la Banque centrale). Les relations des banques avec la BCE par pays (en bleu, les financements obtenus auprès de la Banque centrale, en vert, les dépôts de liquidités à la Banque centrale).

Cet outil permet aux banques de se refinancer directement auprès de la Banque centrale européenne, ce qui leur fait bénéficier de conditions de financement beaucoup plus basses que celles du marché. Deux opérations de TLTRO ont déjà été lancées, l’une en 2014, l’autre en 2016. Cette dernière devait s’achever fin juin. Les banques, notamment en Espagne et en Italie, qui dépendent beaucoup des financements de la BCE, risquaient alors de rencontrer des difficultés à lever des fonds sur le marché, ou à un prix tel qu’il aurait conduit à un nouveau resserrement du crédit. Au risque de provoquer ou d’aggraver le ralentissement économique.En ouvrant un troisième programme, la BCE tente de prévenir le péril. Ce programme, toutefois, se veut moins généreux que le précédent, en plafonnant l’accès des banques au guichet de l’institution monétaire. Surtout, il laisse une période de latence entre juin et septembre, qui ne laisse pas d’inquiéter les observateurs financiers. Que se passera-t-il pendant ces trois mois ? Comment les banques se refinanceront-elles à ce moment-là ?

Ces incertitudes ont été repérées par les financiers. Ceux-ci semblent trouver les nouvelles mesures à la fois inquiétantes et insuffisantes. Mais la BCE ne peut faire plus. Elle touche désormais aux limites d’une politique monétaire, qui ne peut s’appuyer sur aucun autre soutien – ni budgétaire, ni fiscal, ni d’investissement –, compte tenu du refus collectif des États membres d’envisager autre chose que l’austérité et la discipline budgétaire. Elle a utilisé depuis 2011 tous les moyens – taux zéro, refinancement automatique, rachats de dettes… – qu’elle avait à sa disposition, dans la limite de son mandat, sans parvenir à rétablir la solidité des banques et surtout, plus largement, de la zone euro.

Dix ans après la crise, en dépit des milliards injectés, le système bancaire européen n’est toujours pas réparé. Les banques sont toujours aussi fragiles, aussi dépendantes du soutien de la Banque centrale. Les disparités mêmes n’ont cessé de se creuser entre les banques dites des pays périphériques – Espagne et Italie – et celles du cœur de la zone – France et Allemagne (à l’exception notable cependant de la Deutsche Bank, qui ne se relève pas de ses turpitudes passées et continue de poser un problème systémique gigantesque pour toute la zone).Ce sont les mêmes disparités que l’on retrouve au niveau économique. Car au-delà des banques, c’est l’ensemble de la zone euro qui reste en souffrance. Les choix politiques de renoncer à toute intervention collective publique, à toute dépense et investissement publics, de préférer financer la dette privée plutôt que la dette publique, de poursuivre des dévaluations internes se sont traduits par une croissance anémiée, un taux de chômage élevé, un exode de la jeunesse sans précédent dans les pays les plus touchés, un sous-investissement massif. La zone euro ne s’en est pas remise.

Elle n’est pas aujourd’hui en état de faire face à une récession, si celle-ci advient, comme d’aucuns le redoutent. Et la BCE, qui a épuisé l’essentiel de ses instruments, pourrait ne plus être en mesure de jouer les paratonnerres. C’est cela aussi que dit l’intervention de Mario Draghi, ce jeudi 7 mars. Comme une dernière tentative pour conjurer le sort.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/080319/la-bce-face-ses-limites?onglet=full

Solidarité dans la crise, justice pour la Grèce

Adressée aux gouvernements de la zone euro, au président de l’Eurogroupe Mário Centeno, et au président de la Banque centrale européenne Mario Draghi

Pétition

Nous soutenons la Grèce, nous exigeons une action en faveur d’une reprise économique prenant vraiment en compte la vie et la dignité des gens. En commençant par leur rendre les intérêts générés par les bons du trésor grecs.

Pourquoi c’est important?

Le peuple grec s’est vu écrasé par la pression des clauses d’austérité. Les hôpitaux peuvent à peine dispenser les soins de base, avec une infirmière pour 40 patients [1]. Les salaires continuent de dégringoler. Les retraites ont été plusieurs fois réduites depuis 2010 [2]. Le chômage a plus que doublé [3].

Et l’argent du plan de sauvetage était censé « aider » la Grèce à sortir de cette situation ? Les pays de la zone euro en ont tiré des milliards d’euros de bénéfices [4].

Mais les ministres des finances européens ont le pouvoir de changer de cap. Si nous leur montrons que les Européens ne veulent pas profiter du désespoir de la Grèce, ils ne pourront plus agir à leur guise et en notre nom.

La Banque Centrale Européenne a commencé à acheter des bons du trésor grecs en 2010, quand le pays a eu besoin d’un premier prêt. Si la BCE n’achetait pas les titres, la Grèce aurait été obligée de faire baisser leur prix. Mais la BCE a empêché la Grèce de le faire, par une condition incluse dans le plan d’aide. Chaque année, ces bons surévalués génèrent un profit colossal, auparavant reversé à la Grèce [5].

Ça a changé en 2015, quand les Grecs ont voté contre les coupes budgétaires qui affectent leur vie quotidienne. Pour punir ce vote, la zone euro a décidé d’empocher les profits engendrés par les bons, au lieu de les reverser à la Grèce comme convenu au départ [6].

Après des années d’austérité, douze augmentations successives des impôts et autant de réductions drastiques des services publics, le peuple grec ne peut plus être exploité. Plus que jamais, le peuple grec a besoin de nous pour les soutenir.

Unis, nous pouvons agir pour que ces titres soient rétrocédés à la Grèce, et exiger que la reprise économique d’un pays prenne en compte la vie et la dignité des gens. Ensemble, nous avons le pouvoir de montrer au peuple grec que nous les soutenons. Et aux gouvernements que nous attendons de la solidarité, pas de l’exploitation.

REFERENCES

[1] “’Dans les hôpitaux grecs, «des malades renoncent à se soigner»” Libération, 14 Juin 2017. http://www.liberation.fr/planete/2017/06/14/dans-les-hopitaux-grecs-des-malades-renoncent-a-se-soigner_1576853

[2] “Grèce : les retraités en colère contre la 12ème baisse de leurs pensions” EuroNews, 4 Avril 2017. http://fr.euronews.com/2017/04/04/grece-les-retraites-en-colere-contre-la-12eme-baisse-de-leurs-pensions

[3] “Grèce. Le taux de chômage a dépassé la barre des 25%” France Info, 11 Octobre 2012. https://www.francetvinfo.fr/monde/grece/grece-le-taux-de-chomage-a-depasse-la-barre-des-25_153761.html

[4] “Comment la BCE a gagné « 7,8 milliards d’euros grâce à la dette grecque »” Le Monde, 26 October 2017. http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/26/comment-la-bce-a-gagne-7-8-milliards-d-euros-grace-a-la-dette-grecque_5206484_3234.html

[5] “ECB to swap Greek bonds to avoid forced losses -sources,” Reuters, 16 February 2012. https://www.reuters.com/article/us-ecb-greece/ecb-to-swap-greek-bonds-to-avoid-forced-losses-sources-idUSTRE81F1EK20120216

[6] “Depuis cinq ans, le malheur des Grecs fait les bénéfices… de l’Allemagne” Alternatives Economiques, 27 Aout 2015. https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2015/08/27/depuis-cinq-ans-le-malheur-des-grecs-fait-les-benefices-de-l-allemagne

Source https://act.wemove.eu/campaigns/Solidarit%C3%A9-dans-la-crise-justice-pour-la-Gr%C3%A8ce?utm_source=civimail-21737&utm_medium=email&utm_campaign=20190306_FR

Annulation dette allemande de 1953 et celle de la Grèce ?

Pourquoi l’annulation de la dette allemande de 1953 n’est pas reproductible pour la Grèce et les Pays en développement 26 février par Eric Toussaint

L’Allemagne a bénéficié à partir du 27 février 1953 d’une annulation de la plus grande partie de sa dette. Depuis cette annulation, qui a permis à l’économie de ce pays de reconquérir la place de principale puissance économique du continent européen, aucun autre pays n’a bénéficié d’un traitement aussi favorable. Il est très important de connaître le pourquoi et le comment de cette annulation de dette. Résumé de manière très concise : les grandes puissances créancières de l’Allemagne occidentale voulaient que l’économie de celle-ci soit réellement relancée et qu’elle constitue un élément stable et central dans la lutte entre le bloc atlantique et le bloc de l’Est.

Une comparaison entre le traitement accordé à l’Allemagne occidentale d’après-guerre et celui imposé aux Pays en développement ou à la Grèce d’aujourd’hui est révélateur de la politique du deux poids deux mesures pratiquée systématiquement par les grandes puissances.

L’allègement radical de la dette de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et sa reconstruction rapide après la seconde guerre mondiale ont été rendus possibles grâce à la volonté politique des puissances créancières occidentales qui avaient remporté la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire les États-Unis et leurs principaux alliés occidentaux, la Grande-Bretagne et la France. En octobre 1950, ces trois puissances alliées élaborent un projet dans lequel le gouvernement fédéral allemand reconnaît l’existence des dettes des périodes précédant et suivant la guerre. Les alliés y joignent une déclaration dans laquelle ils énoncent : « les trois pays sont d’accord que le plan prévoit un règlement adéquat des exigences avec l’Allemagne dont l’effet final ne doit pas déséquilibrer la situation financière de l’économie allemande via des répercussions indésirables ni affecter excessivement les réserves potentielles de devises. Les trois pays sont convaincus que le gouvernement fédéral allemand partage leur position et que la restauration de la solvabilité allemande est assortie d’un règlement adéquat de la dette allemande qui assure à tous les participants une négociation juste en prenant en compte les problèmes économiques de l’Allemagne » [1].

Il faut savoir que l’Allemagne nazie a suspendu le paiement de sa dette extérieure à partir de 1933 et n’a jamais repris les paiements, ce qui ne l’a pas empêché de recevoir un soutien financier et de faire des affaires avec de grandes entreprises privées des États-Unis – comme Ford, qui a financé le lancement de la Volkswagen (la voiture du peuple imaginée par le régime hitlérien), General Motors qui possédait la firme Opel, General Electric associée à AEG et IBM qui est accusée d’avoir « fourni la technologie » ayant aidé « à la persécution, à la souffrance et au génocide », avant et pendant la Seconde Guerre mondiale [2].

La dette réclamée à l’Allemagne concernant la période d’avant-guerre s’élevait à 22,6 milliards de marks, si on comptabilise les intérêts.

Une importante réduction des dettes contractées avant et après la guerre par l’Allemagne à des conditions exceptionnelles

La dette contractée dans l’après-guerre (1945-1952) était estimée à 16,2 milliards. Lors d’un accord conclu à Londres le 27 février 1953 [3], ces montants ont été ramenés à 7,5 milliards de marks pour la première et à 7 milliards de marks pour la seconde [4]. En pourcentage, cela représente une réduction de 62,6 %.

Les montants cités plus haut ne prennent pas en compte les dettes liées à la politique d’agression et de destruction menée par l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale, ni les réparations que les pays victimes de cette agression sont en droit de réclamer. Ces dettes de guerre ont été mises de côté, ce qui a constitué un énorme cadeau supplémentaire pour l’Allemagne de l’Ouest.

De surcroît, l’accord établissait la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions au cas où surviendrait un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources [5].

Les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes

Pour s’assurer de la bonne relance de l’économie de l’Allemagne occidentale et que ce pays constituera un élément stable et central dans le bloc atlantique face au bloc de l’Est, les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà d’une réduction de dette. Les grosses entreprises industrielles allemandes comme AEG, Siemens, IG Farben (AGFA, BASF, Bayer et Hoechst), Krupp, Volkswagen, BMW, Opel, Mercedes Benz et également des sociétés financières de tout premier plan comme Deutsche Bank, Commerzbank, la société d’assurance Allianz ont été protégées et renforcées, bien qu’elles aient joué un rôle de premier plan dans le soutien au régime nazi et qu’elles aient été les complices du génocide des peuples juif et tsigane. Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des gouvernements des grandes puissances occidentales.

Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des grandes puissances occidentales.

En ce qui concerne le problème de la dette qui pouvait être réclamée à l’Allemagne, les alliés partent du principe que l’économie du pays doit être en capacité de rembourser, tout en maintenant un niveau de croissance élevé et une amélioration des conditions de vie de la population. Pour que l’Allemagne puisse rembourser sans s’appauvrir, il faut qu’elle bénéficie d’une très forte annulation de dette. Mais cela ne suffit pas. Comme l’histoire l’a montré, il faut que le pays retrouve une véritable marge de manœuvre et d’autonomie. Pour cela, les créanciers acceptent primo que l’Allemagne rembourse dans sa monnaie nationale, le deutsche mark, une partie importante de la dette qui lui est réclamée. Á la marge, elle rembourse en devises fortes (dollar, franc suisse, livre sterling…).

Secundo, alors qu’au début des années 1950, le pays a encore une balance commerciale négative (la valeur des importations dépassant celle des exportations), les puissances créancières acceptent que l’Allemagne réduise ses importations : elle peut produire elle-même des biens qu’elle faisait auparavant venir de l’étranger. En permettant à l’Allemagne de substituer à ses importations des biens de sa propre production, les créanciers acceptent donc de réduire leurs exportations vers ce pays. Or, 41 % des importations allemandes venaient de Grande-Bretagne, de France et des États-Unis pour la période 1950-51. Si on ajoute à ce chiffre la part des importations en provenance des autres pays créanciers participant à la conférence (Belgique, Hollande, Suède et Suisse), le chiffre total s’élève même à 66 %.

En cas de litige avec les créanciers, les tribunaux allemands sont compétents

Tertio, les créanciers autorisent l’Allemagne à vendre ses produits à l’étranger, ils stimulent même ses exportations afin de dégager une balance commerciale positive. Ces différents éléments sont consignés dans la déclaration mentionnée plus haut : « La capacité de l’Allemagne à payer ses débiteurs privés et publics ne signifie pas uniquement la capacité de réaliser régulièrement les paiements en marks allemands sans conséquences inflationnistes, mais aussi que l’économie du pays puisse couvrir ses dettes en tenant compte de son actuelle balance des paiements. L’établissement de la capacité de paiement de l’Allemagne demande de faire face à certains problèmes qui sont : 1. la future capacité productive de l’Allemagne avec une considération particulière pour la capacité productive de biens exportables et la capacité de substitution d’importations ; 2. la possibilité de la vente des marchandises allemandes à l’étranger ; 3. les conditions de commerce futures probables ; 4. les mesures fiscales et économiques internes qui seraient nécessaires pour assurer un superavit pour les exportations. » [6]

En outre, en cas de litige avec les créanciers, en général, les tribunaux allemands sont compétents. Il est dit explicitement que, dans certains cas, « les tribunaux allemands pourront refuser d’exécuter […] la décision d’un tribunal étranger ou d’une instance arbitrale. » C’est le cas, lorsque « l’exécution de la décision serait contraire à l’ordre public » (p. 12 de l’Accord de Londres).

Le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande

Autre élément très important : le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande, en tenant compte de l’avancée de la reconstruction du pays et de ses revenus d’exportation. Ainsi, la relation entre service de la dette et revenus d’exportations ne doit pas dépasser 5 %. Cela veut dire que l’Allemagne occidentale ne doit pas consacrer plus d’un vingtième de ses revenus d’exportation au paiement de sa dette. Dans la pratique, l’Allemagne ne consacrera jamais plus de 4,2 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette (ce montant est atteint en 1959). De toute façon, dans la mesure où une grande partie des dettes allemandes était remboursée en deutsche marks, la banque centrale allemande pouvait émettre de la monnaie, en d’autres mots : monétiser la dette.

Une mesure exceptionnelle est également décidée : on applique une réduction drastique des taux d’intérêts, qui oscillent entre 0 et 5 %.

L’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre

Une faveur d’une valeur économique énorme est offerte par les puissances occidentales à l’Allemagne de l’Ouest : l’article 5 de l’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre (tant celles de la première que de la deuxième guerre mondiale) que pourraient réclamer à la RFA les pays occupés, annexés ou agressés.

Enfin, il faut prendre en compte les dons en dollars des États-Unis à l’Allemagne occidentale : 1,17 milliard de dollars dans le cadre du Plan Marshall entre le 3 avril 1948 au 30 juin 1952 (soit environ 12,5 milliards de dollars de 2019) auxquels s’ajoutent au moins 200 millions de dollars (environ de 2 milliards de dollars de 2019) entre 1954 et 1961 principalement via l’agence internationale de développement des États-Unis (USAID).

Grâce à ces conditions exceptionnelles, l’Allemagne occidentale se redresse économiquement très rapidement et finit par absorber l’Allemagne de l’Est au début des années 1990. Elle est aujourd’hui de loin l’économie la plus forte d’Europe.

Quelques éléments de comparaison

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette

Le résultat d’une première comparaison entre l’Allemagne occidentale d’après-guerre et les Pays en développement est éclairant. L’Allemagne, bien que meurtrie par la guerre, était économiquement plus forte que la plupart des PED actuels. Pourtant, on lui a concédé en 1953 ce qu’on refuse aux PED.

Part des revenus d’exportation consacrés au remboursement de la dette

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette.

En 2017, les PED ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette

En 2017, les pays en développement ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette [7]. Pour les pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, ce chiffre a atteint 23,5 % en 2017. Quelques exemples de pays incluant des PED et des économies européennes périphériques : en 2017, ce chiffre atteignait 13 % pour l’Angola, 36 % pour le Brésil, 15 % pour la Bosnie, 21 % pour la Bulgarie, 41,6 % pour la Colombie, 17 % pour la Côte d’Ivoire, 21 % pour l’Ethiopie, 28,6 % pour le Guatemala, 34 % pour l’Indonésie, 70 % pour le Liban, 14 % pour le Mexique, 20 % pour le Nicaragua, 22,8 % pour le Pakistan, 21 % pour le Pérou, 22 % pour la Roumanie et la Serbie, 17 % pour la Tunisie, 40 % pour la Turquie.

Taux d’intérêt sur la dette extérieure

Dans le cas de l’accord de 1953 concernant l’Allemagne, le taux d’intérêt oscille entre 0 et 5 %.

En revanche, dans le cas des PED, les taux d’intérêt ont été beaucoup plus élevés. Une grande majorité des contrats prévoient des taux variables à la hausse.

Pour les PED, une grande majorité des contrats prévoient des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et variables à la hausse

Entre 1980 et 2000, pour l’ensemble des PED, le taux d’intérêt moyen a oscillé entre 4,8 et 9,1 % (entre 5,7 et 11,4 % dans le cas de l’Amérique latine et de la Caraïbe et même entre 6,6 et 11,9 % dans le cas du Brésil, entre 1980 et 2004). Ensuite, le taux d’intérêt a été historiquement bas pendant la période 2004 à 2015. Mais la situation a commencé à se dégrader depuis 2016-2017 car le taux d’intérêt croissant fixé par la FED (le taux directeur de la FED est passé de 0,25 % en 2015 à 2,25 % en novembre 2018) et les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises étatsuniennes par Donald Trump entraînent un rapatriement de capitaux vers les États-Unis. Par ailleurs, les prix des matières premières ont eu une tendance à baisser ce qui diminue les revenus des pays en développement exportateurs de biens primaires et rend plus difficile le remboursement de la dette car celui-ci s’effectue principalement en dollars ou en d’autres monnaies fortes. En 2018, une nouvelle crise de la dette a touché directement des pays comme l’Argentine, le Venezuela, la Turquie, l’Indonésie, le Nigéria, le Mozambique, … De plus en plus de pays en développement doivent accepter des taux d’intérêt supérieurs à 7 %, voire à 10 %, pour pouvoir emprunter en 2019.

Monnaie dans laquelle la dette extérieure est remboursée

L’Allemagne était autorisée à rembourser une partie de sa dette avec sa monnaie nationale.

Aucun pays en développement n’est autorisé à faire de même sauf exception et pour des montants dérisoires. Tous les grands pays endettés doivent réaliser la totalité de leurs remboursements en devises fortes (dollar, euro, yens, franc suisse, livre sterling).

Clause de révision du contrat

Les créanciers ont le droit de réclamer des PED le paiement anticipé des sommes dues dans le futur

Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources.

Dans le cas des contrats de prêts avec les PED, les créanciers imposent qu’il n’y ait pas de clause de ce type. Pire, en cas de difficulté des PED, les créanciers ont le droit de réclamer le paiement anticipé des sommes dues dans le futur.

Politique de substitution d’importation

Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant.

Par contre, la Banque mondiale, le FMI et les grandes puissances imposent aux PED de renoncer à produire sur place ce qu’ils pourraient importer.

Dons en devises (en cash)

L’Allemagne, pourtant à l’origine de la deuxième guerre mondiale, a bénéficié de dons importants en devises dans le cadre du Plan Marshall et près celui-ci.

Les PED dans leur ensemble, à qui les pays riches ont promis assistance et coopération, reçoivent une aumône sous forme de dons en devises. Alors que collectivement, ils remboursent plus de 500 milliards de dollars par an, ils reçoivent en cash nettement moins que 100 milliards de dollars.

Les créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal

Incontestablement, le refus d’accorder aux PED endettés le même type de concessions qu’à l’Allemagne indique que les créanciers n’ont pas pour objectif le désendettement de ces pays. Bien au contraire, ces créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal à travers le paiement des intérêts de leur dette, à leur imposer des politiques conformes aux intérêts des prêteurs et à s’assurer de la loyauté de ces pays au sein des institutions internationales.

Allemagne 1953 / Grèce 2010-2019

Si nous risquons une comparaison entre le traitement auquel la Grèce est soumise et celui qui a été réservé à l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, les différences et l’injustice sont frappantes. En voici une liste non-exhaustive en 11 points :

1.- Entre 2010 et 2019, la dette en pourcentage du PIB grec n’a cessé d’augmenter, elle est passée d’environ 110 % à 180 %

La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers

2.- Les conditions sociales et économiques qui sont assorties à l’intervention de la Troïka depuis 2010 ne favorisent en rien la relance de l’économie grecque alors que l’Allemagne a bénéficié de mesures qui ont contribué largement à relancer son économie. Le produit intérieur brut de la Grèce a chuté d’environ 30 % entre 2010 et 2016 en conséquence des mémorandums qui lui ont été imposés. En comparaison la croissance du PIB de l’Allemagne occidentale a été phénoménale entre 1953 et 1960.

3.- La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers principalement alors qu’à l’inverse l’Allemagne était encouragée à renforcer son contrôle sur les secteurs économiques stratégiques, avec un secteur public en pleine croissance et de grandes entreprises privées qui restaient sous le contrôle stratégique du capital allemand.

4.- Les dettes bilatérales de la Grèce (vis-à-vis des pays qui ont participé au plan imposé par la Troïka) n’ont pas été réduites alors que les dettes bilatérales de l’Allemagne (à commencer par celles contractées à l’égard des pays que le Troisième Reich avait agressés, envahis voire annexés) étaient réduites de 60 % ou plus.

5. – La Grèce doit rembourser en euros alors qu’elle est en déficit commercial (donc en manque d’euros) avec ses partenaires européens (notamment l’Allemagne et la France), alors que l’Allemagne remboursait l’essentiel de ses dettes en deutsche marks fortement dévalués.

Le fait de rembourser une partie importante de sa dette en deutsche marks permettait à l’Allemagne de vendre plus facilement ses marchandises à l’étranger. Prenons l’exemple des importantes dettes de l’Allemagne à l’égard de la Belgique et de la France après la seconde guerre mondiale : l’Allemagne était autorisée à les rembourser en deutsche marks. Or que pouvait faire la Belgique et la France avec ces deutsche marks sinon les dépenser en achetant des produits fabriqués en Allemagne, ce qui a contribué à refaire de l’Allemagne une grande puissance exportatrice.

6. – La banque centrale grecque ne peut pas prêter de l’argent au gouvernement grec alors que la Banque centrale allemande (Bundesbank) prêtait aux autorités de l’Allemagne occidentale et faisait fonctionner (certes modérément) la planche à billets.

7. – L’Allemagne était autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette alors qu’aucune limite n’est fixée dans le cas actuel de la Grèce.

Les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni sont compétentes pour les titres de la dette grecque

8. – Les nouveaux titres de la dette grecque qui remplacent depuis 2012 les anciens dus aux banques ne sont plus de la compétence des tribunaux grecs, ce sont les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni qui sont compétentes (et on sait combien celles-ci sont favorables aux créanciers privés) alors que les tribunaux de l’Allemagne (cette ancienne puissance agressive et envahissante) étaient compétents.

9. – En matière de remboursement de la dette extérieure, les tribunaux allemands pouvaient refuser d’exécuter des sentences des tribunaux étrangers ou des tribunaux arbitraux au cas où leur application menaçait l’ordre public. En Grèce, la Troïka refuse que des tribunaux puissent invoquer l’ordre public pour suspendre le remboursement de la dette. Or, les énormes protestations sociales et la montée des forces néo-nazies sont directement la conséquence des mesures dictées par la Troïka et par le remboursement de la dette. Pourtant, malgré les protestations de Bruxelles, du FMI et des « marchés financiers » que cela provoquerait, les autorités grecques pourraient parfaitement invoquer l’état de nécessité et l’ordre public pour suspendre le paiement de la dette et abroger les mesures antisociales imposées par la Troïka.

10.- Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources. Rien de tel n’est prévu pour la Grèce.

L’Allemagne a reçu des dons considérables dans le cadre du Plan Marshall.

11. – Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant afin d’atteindre un superavit commercial et de renforcer ses producteurs locaux. Or la philosophie des accords imposés à la Grèce et les règles de l’Union européenne interdisent aux autorités grecques d’aider, de subventionner et de protéger ses producteurs locaux, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou les services, face à leurs concurrents des autres pays de l’UE (qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Grèce).

On pourrait ajouter que l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale, a reçu des dons dans une proportion considérable, notamment, comme on l’a vu plus haut, dans le cadre du Plan Marshall.

Les mensonges concernant l’aide à la Grèce

Hans-Werner Sinn [8], un des économistes influents en Allemagne, conseiller du gouvernement d’Angela Merkel, n’hésitait pas en 2012 à mentir en affirmant : « La Grèce a bénéficié d’une aide extérieure de 460 milliards d’euros au travers de diverses dispositions. L’aide apportée jusqu’ici à la Grèce représente donc l’équivalent de 214 % de son PIB, soit environ dix fois plus que ce dont l’Allemagne a bénéficié grâce au plan Marshall. Berlin a apporté environ un quart de l’aide fournie à la Grèce, soit 115 milliards d’euros, ce qui représente au moins dix plans Marshall ou deux fois et demi un Accord de Londres. » [9]

Tout ce calcul est faux. La Grèce n’a pas du tout reçu un tel montant de financement et ce qu’elle a reçu ne peut pas être sérieusement considéré comme de l’aide, au contraire.

L’Allemagne n’a payé à la Grèce que le soixantième de ce qu’elle lui doit en réparation pour les dévastations de l’occupation

Hans-Werner Sinn met de manière scandaleuse sur le même pied l’Allemagne au sortir de la seconde guerre mondiale que les dirigeants nazis avaient provoquée et la Grèce des années 2000. En outre, il fait l’impasse sur les sommes réclamées à juste titre par la Grèce à l’Allemagne suite aux dommages subis pendant l’occupation nazie [10] ainsi que l’emprunt forcé que l’Allemagne nazie a imposé à la Grèce. Selon la commission du parlement grec qui a travaillé sur ces questions en 2015, la dette de l’Allemagne à l’égard de la Grèce s’élève à plus de 270 milliards d’euros [11]. Comme l’écrit le site A l’encontre sur la base des travaux de Karl Heinz Roth, historien du pillage de l’Europe occupée par l’Allemagne nazie [12] : « L’Allemagne n’a payé à la Grèce que la soixantième partie (soit 1,67 %) de ce qu’elle lui doit comme réparation des dévastations de l’occupation entre 1941 et 1944. ». [13]

1. Les plans d’« aide » à la Grèce ont servi les intérêts des banques privées, pas ceux du peuple grec

Les plans d’« aide » mis en place depuis mai 2010 ont d’abord servi à protéger les intérêts des banques privées des pays les plus forts de la zone euro, principalement les grandes banques allemandes et françaises, qui avaient augmenté énormément leurs prêts tant au secteur privé qu’aux pouvoirs publics grecs au cours des années 2000. Les prêts accordés à la Grèce par la Troïka depuis 2010 ont servi à rembourser les banques privées occidentales et à leur permettre de se dégager en limitant au minimum leurs pertes.

2. Les prêts accordés à la Grèce rapportent de l’argent… hors de Grèce !

Les prêts accordés à la Grèce sous la houlette de la Troïka rapportent des intérêts conséquents aux prêteurs. Les différents pays qui participent à ces prêts ont gagné de l’argent sur le dos du peuple grec. Quand le premier plan de prêt de 110 milliards d’euros a été adopté, Christine Lagarde, alors ministre des finances de la France [14], a fait observer publiquement que la France prêtait à la Grèce à un taux de 5 % alors qu’elle empruntait elle-même à un taux nettement inférieur.

La situation était tellement scandaleuse (un taux élevé a aussi été appliqué à l’Irlande à partir de novembre 2010 et au Portugal à partir du mai 2011) que les gouvernements prêteurs et la Commission européenne ont décidé en juillet 2011 que le taux exigé de la Grèce devait être réduit [15].

Les bénéfices tirés par la France du sauvetage de la Grèce représentent une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !Sous les protestations du gouvernement grec et face au profond mécontentement populaire qui s’est exprimé par de fortes mobilisations sociales en Grèce, les pays prêteurs ont fini par décider de ristourner à la Grèce une partie des revenus qu’ils tirent des crédits octroyés à Athènes [16]. Mais il faut préciser que les revenus sont ristournés au compte-gouttes et une partie importante d’entre eux ne seront jamais rendus. Pascal Franchet et Anouk Renaud, du CADTM, ont calculé les bénéfices tirés par la France du soi-disant Sauvetage de la Grèce. Ils considèrent qu’il s’agit d’une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !

De mon côté, j’ai dénoncé les profits odieux que fait la BCE sur le dos du peuple grec.

3. La crise de la zone euro a fait baisser le coût de la dette pour l’Allemagne et les autres pays forts

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les pays qui dominent la zone euro tirent profit du malheur de ceux de la périphérie (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, pays de l’ex bloc de l’Est membres de l’UE). L’aggravation de la crise de la zone euro, due à la politique menée par ses dirigeants et non à cause de phénomènes extérieurs, entraîne un déplacement des capitaux de la Périphérie vers le Centre. L’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Finlande, le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique en bénéficient grâce à une réduction très forte du coût du financement de leurs dettes.

Le 1er janvier 2010, avant que n’éclatent la crise grecque et celle de la zone euro, l’Allemagne devait garantir un taux d’intérêt de 3,4 % pour émettre des bons à 10 ans alors que le 23 mai 2012, le taux à 10 ans était passé à 1,4 %. Cela correspond à une diminution de 60 % du coût du financement [17]. Selon le quotidien financier français Les Échos, « un calcul approximatif montre que les économies générées grâce à la baisse des taux du coût de financement depuis 3 ans s’élèvent à 63 milliards d’euros » [18]. Somme à comparer aux 15 milliards (sur 110 répartis entre les différents créanciers) effectivement prêtés (avec intérêt – voir plus haut) par l’Allemagne entre mai 2010 et décembre 2011 à la Grèce dans le cadre de sa contribution au premier plan d’« aide » de la Troïka.

La Grèce permet à l’Allemagne et aux pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables

Nous avons évoqué les taux à 10 ans et à 6 ans payés par l’Allemagne pour emprunter. Si on prend le taux à 2 ans, l’Allemagne a émis des titres de cette maturité le 23 mai 2012 à un taux d’intérêt nul [19]. Début 2012, l’Allemagne a emprunté à 6 mois la somme de 3,9 milliards d’euros à un taux d’intérêt négatif. A ce propos, Le Soir écrivait le 23 mai 2012 : « les investisseurs vont recevoir au terme de ces six mois un tout petit peu moins (0,0112 %) que ce qu’ils ont prêté » [20].

S’il y avait une once de vérité de vérité dans le flot de mensonges à propos de la Grèce (du Portugal, de l’Espagne…), on pourrait lire que la Grèce permet à l’Allemagne et aux autres pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables. La liste des avantages tirés par l’Allemagne et les autres pays du Centre doit être complétée par les éléments suivants.

4. Programme de privatisation dont bénéficient les entreprises privées des pays du Centre

Les politiques d’austérité imposées à la Grèce contiennent un vaste programme de privatisations [21] dont les grands groupes économiques, notamment allemands et français, tirent profit car les biens publics sont vendus à des prix bradés.

5. Les sacrifices imposés aux travailleurs permettent de contenir une poussée revendicative dans les pays du Centre

Les reculs sociaux infligés aux travailleurs grecs (mais aussi portugais, irlandais, espagnols…) mettent sur la défensive les travailleurs d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Autriche, de France, de Belgique… Leurs directions syndicales craignent de monter au combat. Elles se demandent comment revendiquer des augmentations salariales si dans un pays comme la Grèce, membre de la zone euro, on diminue le salaire minimum légal de 20 % ou plus. Du côté des directions syndicales des pays nordiques (Finlande notamment), on constate même avec consternation qu’elles considèrent qu’il y a du bon dans le TSCG et les politiques d’austérité car ils sont censés renforcer la saine gestion du budget des États.

Un accord du type de celui de Londres de 1953 ne pourra être obtenu que suite à des batailles

En octobre 2014, j’ai été interviewé par un important quotidien grec Le Journal des Rédacteurs concernant l’accord de Londres de 1953. Le journaliste m’a posé la question suivante : « Alexis Tsipras appelle à une conférence internationale pour l’annulation de la dette des pays du Sud de l’Europe touchés par la crise, similaire à celle qui a eu lieu pour l’Allemagne en 1953 et par laquelle 22 pays, dont la Grèce, ont annulé une grande partie de la dette allemande. Est-ce que cette perspective est réaliste aujourd’hui ?  »

Il faut désobéir aux créanciers qui réclament une dette illégitime et imposent des politiques violant les droits humains fondamentaux

Je lui ai donné cette réponse : « C’est une proposition légitime. Il est clair que la Grèce n’a provoqué aucun conflit en Europe, à la différence de l’Allemagne nazie. Les citoyens de Grèce ont un argument très fort pour dire qu’une grande partie de la dette grecque est illégale ou illégitime et doit être supprimée, comme la dette allemande a été annulée en 1953. Je ne pense toutefois pas que SYRIZA et d’autres forces politiques en Europe parviendront à convaincre les institutions de l’UE et les gouvernements des pays les plus puissants à s’asseoir à une table afin de reproduire ce qui a été fait avec la dette allemande en 1953. Il s’agit donc d’une demande légitime (…) mais vous ne pourrez pas convaincre les gouvernements des principales économies européennes et les institutions de l’UE de le faire. Mon conseil est le suivant : la dernière décennie nous a montré qu’on peut arriver à des solutions équitables en appliquant des actes souverains unilatéraux. Il faut désobéir aux créanciers qui réclament le paiement d’une dette illégitime et imposent des politiques qui violent les droits humains fondamentaux, lesquels incluent les droits économiques et sociaux des populations. Je pense que la Grèce a de solides arguments pour agir et pour former un gouvernement qui serait soutenu par les citoyens et qui explorerait les possibilités dans ce sens. Un tel gouvernement populaire et de gauche pourrait organiser un comité d’audit de la dette avec une large participation citoyenne, qui permettrait de déterminer quelle partie de la dette est illégale et odieuse, suspendrait unilatéralement les paiements et répudierait ensuite la dette identifiée comme illégitime, odieuse et/ou illégale. »

Comme on le sait, Alexis Tsipras a choisi de mettre en pratique une autre orientation qui a abouti au désastre.

Conclusion :

Ne nous berçons pas d’illusions, les raisons qui ont poussé les puissances occidentales à traiter l’Allemagne de l’Ouest comme elles l’ont fait après la seconde guerre mondiale ne sont pas de mise dans le cas de la Grèce ou d’autres pays endettés.

La réalisation de processus citoyens d’audit de la dette jouera un rôle décisif dans cette bataille contre la dette et l’austérité

Pour maintenir leur pouvoir de domination à l’égard des pays endettés, ou tout au moins la capacité de leur imposer des politiques conformes aux intérêts des créanciers, les grandes puissances et les institutions financières internationales ne sont pas du tout disposées à annuler leurs dettes et à permettre un véritable développement économique.

Pour obtenir une véritable solution au drame de la dette et de l’austérité, il faudra encore de puissantes mobilisations sociales dans les pays endettés afin que des gouvernements aient le courage d’affronter les créanciers en leur imposant des annulations unilatérales de dettes. La réalisation de processus citoyen d’audit de la dette jouera un rôle positif décisif dans cette bataille.

Notes

[1Deutsche Auslandsschulden, 1951, p. 7 et suivantes, in Philipp Hersel, « El acuerdo de Londres de 1953 (III) », https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[3Texte intégral en français de l’Accord de Londres du 27 février 1953 en bas de cette page. Ont signé l’accord le 27 février 1953 : La République fédérale d’Allemagne, les États-Unis d’Amérique, la Belgique, le Canada, Ceylan, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, le Pakistan, la Suède, la Suisse, l’Union d’Afrique du Sud et la Yougoslavie.

[41 US dollar valait à l’époque 4,2 marks. La dette de l’Allemagne occidentale après réduction (soit 14,5 milliards de marks) équivalait donc à 3,45 milliards de dollars.

[5Les créanciers refusent toujours d’inscrire ce type de clause dans les contrats à l’égard des pays en développement ou des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Europe centrale et orientale…

[6Auslandsschulden, 1951, p. 64 et suivantes in Philip Hersel, El acuerdo de Londres (IV), 8 de enero de 2003, https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[8Une biographie utile est publiée par wikipedia en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Hans-Werner_Sinn

[12Voir note biographique en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth et en allemand : http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth

[13Voir également l’interview que j’ai donnée à l’hebdomadaire Marianne : http://www.cadtm.org/Le-27-fevrier-1953-les-allies

[14Christine Lagarde est devenue directrice générale du FMI en juillet 2011.

[15Voir Council of the European Union, Statement by the Heads of State or Government of the Euro area and EU Institutions, Bruxelles, 21 Juillet 2011, point 3, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=DOC/11/5&format=HTML&aged=1&language=EN&guiLanguage=de.

[16Voir European Commission, Directorate General Economic and Financial Affairs, “The Second Economic Adjustment Programme for Greece”, Mars 2012, table 18, p. 45, “Interest rates and interest payments charged to Greece” by the euro area Member States”, http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/occasional_paper/2012/op94_en.htm

[17Financial Times, “Investors rush for the safety of German Bunds”, 24 Mai 2012, p. 29

[18Les Échos, Isabelle Couet, « L’aide à la Grèce ne coûte rien à l’Allemagne », 21 juin 2012. La journaliste précise : « Les taux à 6 ans –ceux qui correspondent à la maturité moyenne de la dette allemande- sont en effet passés de 2,6 % en 2009 à 0,95 % en 2012. »

[19Le Soir, Dominique Berns et Pierre Henri Thomas, « L’Allemagne se finance à 0 % », 23 mai 2012, p. 21

[20Idem.

Résolution du Conseil Politique d’UP sur les élections européennes

Résolution du Conseil Politique d’Unité Populaire sur les élections européennes

Athènes, le 24 février 2019

Le Conseil Politique d’Unité Populaire estime que :

  • Le rassemblement et le renforcement des partis de la Gauche Radicale et Insoumise en Grèce et en Europe sont impératifs et nécessaires pour donner force au courant du renversement et de rupture avec la zone euro et l’UE, dans le l’objectif du dégagement et de la sortie de la zone euro et de l’UE.
  • Les actions, les combats et les interventions de notre eurodéputé Nikos Chountis ont démontré que la Gauche Radicale et Insoumise peut devenir la voix des mouvements sociaux au Parlement européen ainsi que la voix de dénonciation des politiques antisociales et néo-libérales de l’UE et de promotion d’une proposition alternative contraire à ces politiques.

Nous prenons par conséquent l’initiative de déposer une proposition pour l’intervention unitaire de la Gauche Radicale aux élections européennes, pour une politique de renversement et de rupture avec la zone euro et l’UE.

Proposition d’Unité Populaire

Pour une intervention unitaire de la Gauche Radicale aux élections européennes, pour une politique de renversement et de rupture avec la zone euro et l’Union européenne.

  1. Dans les pays de l’Union européenne aujourd’hui, richesses et pouvoir s’accumulent à un niveau sans précédent chez les dominants, mais aussi l’injustice, l’intensification de l’exploitation et de l’oppression des travailleu-se-r-s et des peuples.
  • Les classes dirigeantes ont géré la crise de 2008 en s’obstinant sur des réformes néolibérales et des «politiques de fermeté» face aux résistances ouvrières et sociales. En s’appuyant sur ce qu’elles en ont acquis, elles sont parvenues à une reprise de l’économie, essentiellement nourrie par la démolition des droits et des conquis sociaux et salariaux. Confrontées aux contradictions agissantes du néolibéralisme et aux prévisions d’une nouvelle récession, elles se préparent à des politiques économiques et sociales encore plus austéritaires.
  • Les reculs et défaites des mobilisations ouvrières et populaires, avec pour étapes emblématiques l’année 2015 en Grèce, la contre-attaque de la Droite en Amérique Latine et l’imposition d’états d’urgence même dans les pays au centre du capitalisme occidental, ont renforcé chez les forces de l’establishment la conviction que les problèmes se limiteraient désormais à leurs propres rivalités et conflits internes. Le déclenchement des mobilisations des gilets jaunes en France, la résistance aux projets impérialistes au Moyen-Orient, les mobilisations en Hongrie contre les lois anti-ouvrières démontrent que le facteur populaire est toujours sur le devant de la scène. C’est justement sur le facteur du peuple que doit se concentrer toute notre attention et action car c’est bien à lui que nous avons des comptes à rendre.
  1. Le discours politique qui veut exprimer le monde qui proteste doit apporter, notamment pendant de la période que nous traversons, des réponses à quelques problèmes cruciaux.
  • L’expérience grecque de 2015 démontre que la stratégie visant à réformer l’UE «de l’intérieur» est une impasse totale. L’enfermement dans la politique de «rester dans l’euro à tout prix» conduit à l’acceptation de l’abolition de la souveraineté populaire, à la rétrogradation ou l’annulation du droit du peuple de décider de son avenir.
  • La résistance sociale à l’austérité, si elle veut avoir des perspectives de victoire, doit être accompagnée d’une politique de rupture et de renversement de la zone euro et de l’UE.
  • La Gauche Radicale en Grèce a des devoirs et des obligations spécifiques pour porter ce choix au niveau européen, au sein du courant large de Gauche Radicale, au sein des forces qui n’ayant pas d’expériences similaires aussi dramatiques, ne font pas encore avec la clarté nécessaire ce choix, malgré des avancées et processus positifs qui ont lieu, dans l’après-coup de l’expérience grecque. Ce devoir est d’autant plus important dans la conjoncture actuelle, car les forces de la social-démocratie et du social-libéralisme, et des forces déterminantes du Parti de la Gauche Européenne (SYRIZA, Die Linke, PCF, etc.) convergent avec les principales politiques de l’UE et considèrent l’euro comme une voie à sens unique, laissant ainsi champ libre au discours prétendument anti-systémique de l’extrême Droite, lui accordant de ce fait la possibilité d’entraîner de larges couches populaires.
  1. La politique de rupture et de renversement à l’encontre de la zone euro et de l’UE doit être associée à un programme de transition intégrant les revendications populaires, annonçant clairement la perspective et la référence sociale à partir desquelles cette option centrale est choisie.

L’objectif de renverser l’austérité et le néolibéralisme est au cœur de ce programme.

L’augmentation des salaires et des retraites, le renversement de la flexibilisation des rapports salariaux et le soutien au travail stable et à temps plein, la diminution de l’imposition des classes populaires et travailleuses et des impôts indirects inéquitables (tels que TVA et taxes élevées sur les combustibles, l’eau, l’électricité) sont des aspects essentiels du besoin urgent de soulager les travailleu-se-r-s et les classes populaires.

Cela doit se réaliser en parallèle avec le renversement des acquis réactionnaires que les capitalistes ont accumulé ces dernières années. Le renversement de la politique des privatisations, l’augmentation de la taxation des bénéfices et des énormes richesses accumulées, la lutte pour l’abolition de la «liberté» de déménagement des capitaux sont également des points centraux.

Ces objectifs sont directement associés à la contestation de la légitimité et à la revendication d’effacement de la dette publique et aux politiques visant à rétablir la propriété publique, sous contrôle social et ouvrier, du secteur bancaire et des entreprises stratégiques des secteurs de l’énergie et des transports.

La rupture avec la Politique Agricole Commune (PAC), qui conduit au déclin et à la réorganisation capitaliste de la ruralité, est nécessaire pour garantir l’autonomie alimentaire au profit de tous les travailleu-se-r-s et des couches populaires.

  1. L’expérience commune démontre clairement que la lutte pour le renversement de l’austérité est parallèle de la lutte pour la défense et la consolidation de la souveraineté nationale et populaire, à savoir du droit démocratique de la majorité sociale de prendre les décisions qui déterminent sa vie. Des « institutions » telles que la Troïka et la Banque centrale européenne, des dispositions telles que la validation préalable par Commission européenne des budgets de l’État, l’euro en tant qu’instrument d’application des politiques néo-libérales, les clauses des traités de l’UE qui favorisent le nivellement social et politique, doivent être dénoncées et renversées.
  2. Dans le passé, l’UE a pris des décisions critiques concernant la création d’une armée européenne, le renforcement de l’industrie de la guerre, le renforcement de la présence impérialiste en Afrique, en Europe de l’Est et en Méditerranée orientale. C’est une orientation extrêmement dangereuse à laquelle nous sommes totalement opposés. Dans le même temps, nous soutenons la rupture avec l’OTAN, promu par le gouvernement SYRIZA en principal allié, la fermeture de bases militaires, l’interdiction des missions militaires à l’étranger en toutes circonstances.
  3. Les responsabilités de l’UE sont dramatiques en ce qui concerne les catastrophes militaires, économiques et écologiques qui ont entraîné des vagues de réfugiés. Nous soutenons fermement les droits des hommes, des femmes et des enfants demandeurs d’asile sur le sol européen afin qu’ils puissent s’installer dans les pays de leur choix, travailler et vivre dans l’égalité avec les mêmes droits que dans leurs pays d’origine. Nous réclamons l’abolition de l’accord réactionnaire Grèce-UE-Turquie et de l’accord Dublin III, qui transforment la Grèce et les pays de premier accueil en prisons pour réfugiés et immigrants, la dissolution de FRONTEX et l’abolition des camps de concentration qui enclavent les réfugiés sur les îles. De même, nous réclamons l’égalité des droits en matière d’emploi, de droit social et de démocratie pour les migrants, en soutenant notamment leur intégration dans le mouvement ouvrier et ses organisations dans les pays d’accueil. Nous luttons contre les guerres impérialistes qui augmentent les flux de réfugiés et de migrants. Dans le même temps, nous soutenons tous les migrants grecs vivant et travaillant dans les pays de l’UE et dans le monde.
  4. La menace du changement climatique et la dégradation générale de l’environnement au nom de la croissance capitaliste incontrôlée est une réalité, particulièrement sensible aujourd’hui dans de nombreuses régions. Il y a devoir urgent pour des changements profonds dans l’organisation de la production et de la société afin d’éviter une catastrophe majeure, dont les conséquences seront essentiellement subies par les classes populaires.
  5. Pendant la période de la crise, les politiques européennes communes consistant à y faire face par des moyens néolibéraux, l’acceptation des institutions impérialistes de la « mondialisation » par toutes les parties du spectre politique, ont laissé champ libre pour le développement d’une nouvelle tendance internationale de Droite extrême qui, au nom du protectionnisme et du repli national renforce davantage le pouvoir du capital en utilisant les mêmes armes néolibérales contre les travailleu-se-r-s et les classes populaires.

Ce courant, actuellement dominant aux Etats-Unis, au Brésil, en Hongrie et en Italie prend des mesures pour diviser la classe ouvrière (en ciblant en premier lieu les réfugiés et migrants) et établir un autoritarisme dirigé contre le mouvement ouvrier et toute variante de la Gauche, alors que simultanément, en diffusant le racisme et le sexisme dans la société, il porte une atteinte féroce aux droits des femmes et amplifie les discriminations fondées sur le sexe, la race, la religion, l’orientation sexuelle.

L’accord Salvini – Le Pen, sous la bénédiction de conseillers de Trump, prépare une offensive de l’extrême Droite aux élections européennes. Cet espace politique doit être désigné comme l’adversaire mortel de tous les mouvements sociaux et des organisations progressistes.

Mais il n’y a pas d’illusion à se faire sur le « centre extrême » néolibéral, présenté comme un rempart contre l’extrême Droite ascendante, comme le prétend maintenant Alexis Tsipras, prônant ouvertement la fusion avec les sociaux-démocrates et les Verts. Au contraire, il faut reconnaître que la politique néolibérale des gouvernements européens et de l’UE ouvre la voie au développement de l’extrême Droite raciste et nationaliste et que seule une lutte active contre le « centre extrême » et les gouvernements de l’UE permet de combattre efficacement l’extrême Droite.

  1. Il devient désormais claire que les élections européennes se transforment en combat important mais difficile, connecté directement à la tâche de reconstruction du mouvement social et de la Gauche Radicale aux niveaux national et européen.

Pour y faire face, un rassemblement maximal de forces est nécessaire. Ce constat est la ligne de partage entre toute tentative sérieuse de réorganisation et des automatismes de verbalisme et de sectarisme gratuits, menant à l’impasse.

Nous soutenons la coordination et coopération avec les initiatives lancées dans l’espace européen avec le but d’allier les forces de la Gauche Radicale et de rompre avec la référence actuelle de SYRIZA, du Parti de Gauche Européenne, avec la politique de l’euro-réformisme.

Nous soutenons la coordination, la coopération et l’union des forces du mouvement populaire grec, démocratique, anti-mémorandum et anti-austéritaire, et de la Gauche Radicale, dans la perspective des élections européennes et sur la base de la résistance aux politiques d’austérité et aux réformes néolibérales, résistance à l’impérialisme, au racisme et au nationalisme, sur la base de l’analyse que ces objectifs ne peuvent en effet être servis que par la politique de rupture, de renversement, de sortie de la zone euro et de dégagement de l’UE, par la volonté de la mise en œuvre d’un programme de transition progressiste, de transformation productive et sociale, avec référence au peuple.

Nous considérons encore que la lutte pour une Europe de pays profondément démocratiques et indépendants et de peuples souverains, est aujourd’hui plus que pertinente, elle est nécessaire. Pour une Europe de peuples qui construiront une coopération politique et économique la plus avancée, internationaliste et égalitaire, en s’opposant à tout hégémonisme et nationalisme et à la présence de l’OTAN.

Source https://unitepopulaireparis.wordpress.com/2019/03/01/resolution-du-conseil-politique-dunite-populaire-sur-les-elections-europeennes/

Conseil de l’Europe et usage du LBD

Répression des gilets jaunes: l’avertissement du Conseil de l’Europe Par Karl Laske

Au terme d’une mission conduite en France, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a recommandé la « suspension » de l’usage du lanceur de balles de défense (LBD) lors des manifestations. Cette décision ouvre la voie à une nouvelle saisine de la Cour européenne des droits de l’homme.

 

Le ministre de l’intérieur Christophe Castaner et son secrétaire d’État Laurent Nuñez entendront-ils l’avertissement ? Pas sûr. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, a rendu public, mardi, un mémorandum accusateur consacré au maintien de l’ordre dans le contexte du mouvement des gilets jaunes. Elle recommande la « suspension » de l’usage du lanceur de balles de défense (LBD) durant les manifestations, compte tenu du nombre élevé de tirs et de blessés recensés.

« Cette recommandation ouvre la voie à une nouvelle saisine de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) », s’est félicité Me Arié Alimi, l’avocat de Jérôme Rodrigues, le gilet jaune grièvement blessé à l’œil, le 26 janvier, qui a salué un texte « très fort » dans ses préconisations. L’avocat annonce qu’il se prépare à transmettre à la CEDH une « requête en mesure provisoire » visant à suspendre l’usage des LBD dès la prochaine manifestation de samedi, et les suivantes.

En termes diplomatiques, la commissaire aux droits de l’homme appelle la France à « mieux respecter les droits de l’homme lors des opérations de maintien de l’ordre » et, en outre, « à ne pas apporter de restrictions excessives à la liberté de réunion pacifique à travers la proposition de loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations ». Elle met en garde la France contre l’adoption de la loi anticasseurs.

Cet avertissement intervient après l’adoption au Parlement européen d’une résolution « sur le droit à manifester pacifiquement et l’usage proportionné de la force » approuvée par 438 députés européens – 78 votes contre et 87 absentions. Le 14 février, trois rapporteurs des Nations unies ont par ailleurs jugé que « le droit de manifester en France a été restreint de manière disproportionnée lors des manifestations récentes des gilets jaunes ».

Venue à Paris fin janvier pour y procéder à de nombreuses auditions, Dunja Mijatović « s’inquiète » en particulier « du nombre élevé » de tirs subis par les manifestants au moyen d’armes dites de force intermédiaire – les lanceurs de balles de défense et les grenades à main – « alors même que leur cadre d’emploi est restrictif et qu’ils peuvent provoquer de graves blessures ».

La commissaire aux droits de l’homme a obtenu des autorités françaises des données chiffrées sur les tirs, une information que le ministère de l’intérieur ne divulguait plus depuis le mois de décembre. Entre le début du mouvement des gilets jaunes et le 4 février, les forces de l’ordre françaises ont procédé à 12 122 tirs de lanceur de balle de défense, 1 428 tirs de grenade lacrymogène instantanée (GLI F4) et 4 942 tirs de grenade à main de désencerclement, révèle le rapport de Dunja Mijatović.

La commissaire déplore « un manque de clarté quant aux données relatives aux personnes blessées ». Elle a pris en compte le recensement réalisé par le journaliste David Dufresne – et publié par Mediapart – faisant état de 253 blessés par des « armes de force intermédiaire », dont 193 par des tirs de LBD, sur les 428 signalements collectés, et 189 blessures à la tête, dont 20 éborgnements. Le mémorandum « observe que des armes de défense intermédiaire, en particulier le LBD, sont mises en cause par de nombreuses victimes de ces blessures à la tête alors même que les tirs de LBD doivent, selon les instructions rappelées par le directeur général de la police nationale le 16 janvier 2019, être “ciblées”, le tireur ne devant “viser exclusivement que le torse et les membres supérieurs ou inférieurs” ».

Invité, jeudi, dans l’émission Au tableau ! sur C8, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner s’est justement livré à une explication, non parodique, des parties du corps pouvant être visées par les fonctionnaires équipés d’un LBD devant des élèves d’une classe de primaire. « On a eu une dizaine de tirs, où par accident, il y a eu des tirs sur le visage », a-t-il déclaré aux enfants. Dans une réponse à la commissaire aux droits de l’homme, les autorités françaises ont par ailleurs rejeté les décomptes non officiels, contestant les « chiffres avancés » sans toutefois en présenter d’autres.

« Au cours de sa mission, la Commissaire a pu constater, en particulier, que l’usage du lanceur de balles de défense dans le contexte des manifestations était contesté par la plupart de ses interlocuteurs mettant en avant son inadaptation aux opérations de maintien de l’ordre et sa dangerosité dans un tel contexte », signale le mémorandum, mentionnant l’avis du Défenseur des droits, en décembre 2017, réitéré en janvier dernier. Un avis partagé par « de nombreux professionnels de santé » en raison des dommages parfois irréversibles provoqués par des tirs de LBD.

Tout « en condamnant fermement la violence »« les propos et les agressions racistes, antisémites ou homophobes » de « certains manifestants », Dunja Mijatović rappelle que la tâche première des forces de l’ordre « consiste à protéger les citoyens et leurs droits de l’homme ». Or, souligne-t-elle, le nombre et la gravité des blessures infligées aux manifestants montrent que les méthodes employées lors des opérations de maintien de l’ordre sont incompatibles avec le respect de ces droits.

Dans ses conclusions, la commissaire « encourage les autorités à publier des données chiffrées précisant la qualité des personnes blessées (manifestant, passant, membre des forces de l’ordre, etc.), ainsi que la gravité, la localisation des blessures et leur cause lorsque celle-ci est connue ». « Extrêmement préoccupée par le nombre d’allégations sérieuses, concordantes et crédibles de violences policières ayant entraîné des mutilations et de graves blessures, notamment à la tête », Dunja Mijatović considère que « les blessures à la tête occasionnées par des tirs de LBD révèlent un usage disproportionné de la force », « ainsi que l’inadaptation de ce type d’arme au contexte d’opérations de maintien de l’ordre ».

Le Conseil de l’Europe recommande donc à la France de suspendre l’usage du LBD, mais aussi d’engager « au plus vite » la révision de la doctrine d’emploi des armes de force intermédiaire, en se fondant sur « une évaluation approfondie de la dangerosité de ces armes ». « La commissaire signale l’incompatibilité de la stratégie actuelle du maintien de l’ordre avec le respect du droit de manifester, commente Me Arié Alimi. Elle souligne en outre que les interpellations ne peuvent être un outil préventif de maintien de l’ordre. »Au chapitre de ces manœuvres, le syndicat de la magistrature a révélé, lundi, une directive du procureur de la République aux magistrats du parquet de Paris visant à ne lever les gardes à vue que le samedi soir ou le dimanche matin « afin d’éviter que les intéressés ne grossissent à nouveau les rangs des fauteurs de trouble », en faisant fi des décisions de classement sans suite ou des simples rappels à la loi.

Dans son mémorandum, la commissaire Dunja Mijatović s’inquiète précisément « des interpellations et placements en garde à vue de personnes souhaitant se rendre à une manifestation sans qu’aucune infraction ne soit finalement caractérisée ni aucune poursuite engagée à l’issue de ces gardes à vue » ; elle précise que « de telles pratiques constituent de graves ingérences dans l’exercice des libertés d’aller et venir, de réunion et d’expression et invite les autorités à respecter scrupuleusement l’obligation de s’assurer que toute restriction soit strictement nécessaire et à ne pas utiliser ces procédures comme des outils préventifs de maintien de l’ordre ».

Dernier sujet d’inquiétude de la commissaire aux droits de l’homme : le projet de loi anticasseurs, qui pourrait porter atteinte au droit à la liberté de réunion. Elle recommande notamment à la France « de ne pas introduire une interdiction administrative de manifester » qui « constituerait une grave ingérence dans l’exercice de ce droit, alors même que le code de la sécurité intérieure prévoit déjà que l’autorité judiciaire puisse imposer une interdiction de manifester »

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/260219/repression-des-gilets-jaunes-l-avertissement-du-conseil-de-l-europe

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