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Solidarité dans la crise, justice pour la Grèce

Adressée aux gouvernements de la zone euro, au président de l’Eurogroupe Mário Centeno, et au président de la Banque centrale européenne Mario Draghi

Pétition

Nous soutenons la Grèce, nous exigeons une action en faveur d’une reprise économique prenant vraiment en compte la vie et la dignité des gens. En commençant par leur rendre les intérêts générés par les bons du trésor grecs.

Pourquoi c’est important?

Le peuple grec s’est vu écrasé par la pression des clauses d’austérité. Les hôpitaux peuvent à peine dispenser les soins de base, avec une infirmière pour 40 patients [1]. Les salaires continuent de dégringoler. Les retraites ont été plusieurs fois réduites depuis 2010 [2]. Le chômage a plus que doublé [3].

Et l’argent du plan de sauvetage était censé « aider » la Grèce à sortir de cette situation ? Les pays de la zone euro en ont tiré des milliards d’euros de bénéfices [4].

Mais les ministres des finances européens ont le pouvoir de changer de cap. Si nous leur montrons que les Européens ne veulent pas profiter du désespoir de la Grèce, ils ne pourront plus agir à leur guise et en notre nom.

La Banque Centrale Européenne a commencé à acheter des bons du trésor grecs en 2010, quand le pays a eu besoin d’un premier prêt. Si la BCE n’achetait pas les titres, la Grèce aurait été obligée de faire baisser leur prix. Mais la BCE a empêché la Grèce de le faire, par une condition incluse dans le plan d’aide. Chaque année, ces bons surévalués génèrent un profit colossal, auparavant reversé à la Grèce [5].

Ça a changé en 2015, quand les Grecs ont voté contre les coupes budgétaires qui affectent leur vie quotidienne. Pour punir ce vote, la zone euro a décidé d’empocher les profits engendrés par les bons, au lieu de les reverser à la Grèce comme convenu au départ [6].

Après des années d’austérité, douze augmentations successives des impôts et autant de réductions drastiques des services publics, le peuple grec ne peut plus être exploité. Plus que jamais, le peuple grec a besoin de nous pour les soutenir.

Unis, nous pouvons agir pour que ces titres soient rétrocédés à la Grèce, et exiger que la reprise économique d’un pays prenne en compte la vie et la dignité des gens. Ensemble, nous avons le pouvoir de montrer au peuple grec que nous les soutenons. Et aux gouvernements que nous attendons de la solidarité, pas de l’exploitation.

REFERENCES

[1] “’Dans les hôpitaux grecs, «des malades renoncent à se soigner»” Libération, 14 Juin 2017. http://www.liberation.fr/planete/2017/06/14/dans-les-hopitaux-grecs-des-malades-renoncent-a-se-soigner_1576853

[2] “Grèce : les retraités en colère contre la 12ème baisse de leurs pensions” EuroNews, 4 Avril 2017. http://fr.euronews.com/2017/04/04/grece-les-retraites-en-colere-contre-la-12eme-baisse-de-leurs-pensions

[3] “Grèce. Le taux de chômage a dépassé la barre des 25%” France Info, 11 Octobre 2012. https://www.francetvinfo.fr/monde/grece/grece-le-taux-de-chomage-a-depasse-la-barre-des-25_153761.html

[4] “Comment la BCE a gagné « 7,8 milliards d’euros grâce à la dette grecque »” Le Monde, 26 October 2017. http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/26/comment-la-bce-a-gagne-7-8-milliards-d-euros-grace-a-la-dette-grecque_5206484_3234.html

[5] “ECB to swap Greek bonds to avoid forced losses -sources,” Reuters, 16 February 2012. https://www.reuters.com/article/us-ecb-greece/ecb-to-swap-greek-bonds-to-avoid-forced-losses-sources-idUSTRE81F1EK20120216

[6] “Depuis cinq ans, le malheur des Grecs fait les bénéfices… de l’Allemagne” Alternatives Economiques, 27 Aout 2015. https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2015/08/27/depuis-cinq-ans-le-malheur-des-grecs-fait-les-benefices-de-l-allemagne

Source https://act.wemove.eu/campaigns/Solidarit%C3%A9-dans-la-crise-justice-pour-la-Gr%C3%A8ce?utm_source=civimail-21737&utm_medium=email&utm_campaign=20190306_FR

Annulation dette allemande de 1953 et celle de la Grèce ?

Pourquoi l’annulation de la dette allemande de 1953 n’est pas reproductible pour la Grèce et les Pays en développement 26 février par Eric Toussaint

L’Allemagne a bénéficié à partir du 27 février 1953 d’une annulation de la plus grande partie de sa dette. Depuis cette annulation, qui a permis à l’économie de ce pays de reconquérir la place de principale puissance économique du continent européen, aucun autre pays n’a bénéficié d’un traitement aussi favorable. Il est très important de connaître le pourquoi et le comment de cette annulation de dette. Résumé de manière très concise : les grandes puissances créancières de l’Allemagne occidentale voulaient que l’économie de celle-ci soit réellement relancée et qu’elle constitue un élément stable et central dans la lutte entre le bloc atlantique et le bloc de l’Est.

Une comparaison entre le traitement accordé à l’Allemagne occidentale d’après-guerre et celui imposé aux Pays en développement ou à la Grèce d’aujourd’hui est révélateur de la politique du deux poids deux mesures pratiquée systématiquement par les grandes puissances.

L’allègement radical de la dette de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et sa reconstruction rapide après la seconde guerre mondiale ont été rendus possibles grâce à la volonté politique des puissances créancières occidentales qui avaient remporté la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire les États-Unis et leurs principaux alliés occidentaux, la Grande-Bretagne et la France. En octobre 1950, ces trois puissances alliées élaborent un projet dans lequel le gouvernement fédéral allemand reconnaît l’existence des dettes des périodes précédant et suivant la guerre. Les alliés y joignent une déclaration dans laquelle ils énoncent : « les trois pays sont d’accord que le plan prévoit un règlement adéquat des exigences avec l’Allemagne dont l’effet final ne doit pas déséquilibrer la situation financière de l’économie allemande via des répercussions indésirables ni affecter excessivement les réserves potentielles de devises. Les trois pays sont convaincus que le gouvernement fédéral allemand partage leur position et que la restauration de la solvabilité allemande est assortie d’un règlement adéquat de la dette allemande qui assure à tous les participants une négociation juste en prenant en compte les problèmes économiques de l’Allemagne » [1].

Il faut savoir que l’Allemagne nazie a suspendu le paiement de sa dette extérieure à partir de 1933 et n’a jamais repris les paiements, ce qui ne l’a pas empêché de recevoir un soutien financier et de faire des affaires avec de grandes entreprises privées des États-Unis – comme Ford, qui a financé le lancement de la Volkswagen (la voiture du peuple imaginée par le régime hitlérien), General Motors qui possédait la firme Opel, General Electric associée à AEG et IBM qui est accusée d’avoir « fourni la technologie » ayant aidé « à la persécution, à la souffrance et au génocide », avant et pendant la Seconde Guerre mondiale [2].

La dette réclamée à l’Allemagne concernant la période d’avant-guerre s’élevait à 22,6 milliards de marks, si on comptabilise les intérêts.

Une importante réduction des dettes contractées avant et après la guerre par l’Allemagne à des conditions exceptionnelles

La dette contractée dans l’après-guerre (1945-1952) était estimée à 16,2 milliards. Lors d’un accord conclu à Londres le 27 février 1953 [3], ces montants ont été ramenés à 7,5 milliards de marks pour la première et à 7 milliards de marks pour la seconde [4]. En pourcentage, cela représente une réduction de 62,6 %.

Les montants cités plus haut ne prennent pas en compte les dettes liées à la politique d’agression et de destruction menée par l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale, ni les réparations que les pays victimes de cette agression sont en droit de réclamer. Ces dettes de guerre ont été mises de côté, ce qui a constitué un énorme cadeau supplémentaire pour l’Allemagne de l’Ouest.

De surcroît, l’accord établissait la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions au cas où surviendrait un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources [5].

Les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes

Pour s’assurer de la bonne relance de l’économie de l’Allemagne occidentale et que ce pays constituera un élément stable et central dans le bloc atlantique face au bloc de l’Est, les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà d’une réduction de dette. Les grosses entreprises industrielles allemandes comme AEG, Siemens, IG Farben (AGFA, BASF, Bayer et Hoechst), Krupp, Volkswagen, BMW, Opel, Mercedes Benz et également des sociétés financières de tout premier plan comme Deutsche Bank, Commerzbank, la société d’assurance Allianz ont été protégées et renforcées, bien qu’elles aient joué un rôle de premier plan dans le soutien au régime nazi et qu’elles aient été les complices du génocide des peuples juif et tsigane. Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des gouvernements des grandes puissances occidentales.

Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des grandes puissances occidentales.

En ce qui concerne le problème de la dette qui pouvait être réclamée à l’Allemagne, les alliés partent du principe que l’économie du pays doit être en capacité de rembourser, tout en maintenant un niveau de croissance élevé et une amélioration des conditions de vie de la population. Pour que l’Allemagne puisse rembourser sans s’appauvrir, il faut qu’elle bénéficie d’une très forte annulation de dette. Mais cela ne suffit pas. Comme l’histoire l’a montré, il faut que le pays retrouve une véritable marge de manœuvre et d’autonomie. Pour cela, les créanciers acceptent primo que l’Allemagne rembourse dans sa monnaie nationale, le deutsche mark, une partie importante de la dette qui lui est réclamée. Á la marge, elle rembourse en devises fortes (dollar, franc suisse, livre sterling…).

Secundo, alors qu’au début des années 1950, le pays a encore une balance commerciale négative (la valeur des importations dépassant celle des exportations), les puissances créancières acceptent que l’Allemagne réduise ses importations : elle peut produire elle-même des biens qu’elle faisait auparavant venir de l’étranger. En permettant à l’Allemagne de substituer à ses importations des biens de sa propre production, les créanciers acceptent donc de réduire leurs exportations vers ce pays. Or, 41 % des importations allemandes venaient de Grande-Bretagne, de France et des États-Unis pour la période 1950-51. Si on ajoute à ce chiffre la part des importations en provenance des autres pays créanciers participant à la conférence (Belgique, Hollande, Suède et Suisse), le chiffre total s’élève même à 66 %.

En cas de litige avec les créanciers, les tribunaux allemands sont compétents

Tertio, les créanciers autorisent l’Allemagne à vendre ses produits à l’étranger, ils stimulent même ses exportations afin de dégager une balance commerciale positive. Ces différents éléments sont consignés dans la déclaration mentionnée plus haut : « La capacité de l’Allemagne à payer ses débiteurs privés et publics ne signifie pas uniquement la capacité de réaliser régulièrement les paiements en marks allemands sans conséquences inflationnistes, mais aussi que l’économie du pays puisse couvrir ses dettes en tenant compte de son actuelle balance des paiements. L’établissement de la capacité de paiement de l’Allemagne demande de faire face à certains problèmes qui sont : 1. la future capacité productive de l’Allemagne avec une considération particulière pour la capacité productive de biens exportables et la capacité de substitution d’importations ; 2. la possibilité de la vente des marchandises allemandes à l’étranger ; 3. les conditions de commerce futures probables ; 4. les mesures fiscales et économiques internes qui seraient nécessaires pour assurer un superavit pour les exportations. » [6]

En outre, en cas de litige avec les créanciers, en général, les tribunaux allemands sont compétents. Il est dit explicitement que, dans certains cas, « les tribunaux allemands pourront refuser d’exécuter […] la décision d’un tribunal étranger ou d’une instance arbitrale. » C’est le cas, lorsque « l’exécution de la décision serait contraire à l’ordre public » (p. 12 de l’Accord de Londres).

Le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande

Autre élément très important : le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande, en tenant compte de l’avancée de la reconstruction du pays et de ses revenus d’exportation. Ainsi, la relation entre service de la dette et revenus d’exportations ne doit pas dépasser 5 %. Cela veut dire que l’Allemagne occidentale ne doit pas consacrer plus d’un vingtième de ses revenus d’exportation au paiement de sa dette. Dans la pratique, l’Allemagne ne consacrera jamais plus de 4,2 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette (ce montant est atteint en 1959). De toute façon, dans la mesure où une grande partie des dettes allemandes était remboursée en deutsche marks, la banque centrale allemande pouvait émettre de la monnaie, en d’autres mots : monétiser la dette.

Une mesure exceptionnelle est également décidée : on applique une réduction drastique des taux d’intérêts, qui oscillent entre 0 et 5 %.

L’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre

Une faveur d’une valeur économique énorme est offerte par les puissances occidentales à l’Allemagne de l’Ouest : l’article 5 de l’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre (tant celles de la première que de la deuxième guerre mondiale) que pourraient réclamer à la RFA les pays occupés, annexés ou agressés.

Enfin, il faut prendre en compte les dons en dollars des États-Unis à l’Allemagne occidentale : 1,17 milliard de dollars dans le cadre du Plan Marshall entre le 3 avril 1948 au 30 juin 1952 (soit environ 12,5 milliards de dollars de 2019) auxquels s’ajoutent au moins 200 millions de dollars (environ de 2 milliards de dollars de 2019) entre 1954 et 1961 principalement via l’agence internationale de développement des États-Unis (USAID).

Grâce à ces conditions exceptionnelles, l’Allemagne occidentale se redresse économiquement très rapidement et finit par absorber l’Allemagne de l’Est au début des années 1990. Elle est aujourd’hui de loin l’économie la plus forte d’Europe.

Quelques éléments de comparaison

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette

Le résultat d’une première comparaison entre l’Allemagne occidentale d’après-guerre et les Pays en développement est éclairant. L’Allemagne, bien que meurtrie par la guerre, était économiquement plus forte que la plupart des PED actuels. Pourtant, on lui a concédé en 1953 ce qu’on refuse aux PED.

Part des revenus d’exportation consacrés au remboursement de la dette

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette.

En 2017, les PED ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette

En 2017, les pays en développement ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette [7]. Pour les pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, ce chiffre a atteint 23,5 % en 2017. Quelques exemples de pays incluant des PED et des économies européennes périphériques : en 2017, ce chiffre atteignait 13 % pour l’Angola, 36 % pour le Brésil, 15 % pour la Bosnie, 21 % pour la Bulgarie, 41,6 % pour la Colombie, 17 % pour la Côte d’Ivoire, 21 % pour l’Ethiopie, 28,6 % pour le Guatemala, 34 % pour l’Indonésie, 70 % pour le Liban, 14 % pour le Mexique, 20 % pour le Nicaragua, 22,8 % pour le Pakistan, 21 % pour le Pérou, 22 % pour la Roumanie et la Serbie, 17 % pour la Tunisie, 40 % pour la Turquie.

Taux d’intérêt sur la dette extérieure

Dans le cas de l’accord de 1953 concernant l’Allemagne, le taux d’intérêt oscille entre 0 et 5 %.

En revanche, dans le cas des PED, les taux d’intérêt ont été beaucoup plus élevés. Une grande majorité des contrats prévoient des taux variables à la hausse.

Pour les PED, une grande majorité des contrats prévoient des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et variables à la hausse

Entre 1980 et 2000, pour l’ensemble des PED, le taux d’intérêt moyen a oscillé entre 4,8 et 9,1 % (entre 5,7 et 11,4 % dans le cas de l’Amérique latine et de la Caraïbe et même entre 6,6 et 11,9 % dans le cas du Brésil, entre 1980 et 2004). Ensuite, le taux d’intérêt a été historiquement bas pendant la période 2004 à 2015. Mais la situation a commencé à se dégrader depuis 2016-2017 car le taux d’intérêt croissant fixé par la FED (le taux directeur de la FED est passé de 0,25 % en 2015 à 2,25 % en novembre 2018) et les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises étatsuniennes par Donald Trump entraînent un rapatriement de capitaux vers les États-Unis. Par ailleurs, les prix des matières premières ont eu une tendance à baisser ce qui diminue les revenus des pays en développement exportateurs de biens primaires et rend plus difficile le remboursement de la dette car celui-ci s’effectue principalement en dollars ou en d’autres monnaies fortes. En 2018, une nouvelle crise de la dette a touché directement des pays comme l’Argentine, le Venezuela, la Turquie, l’Indonésie, le Nigéria, le Mozambique, … De plus en plus de pays en développement doivent accepter des taux d’intérêt supérieurs à 7 %, voire à 10 %, pour pouvoir emprunter en 2019.

Monnaie dans laquelle la dette extérieure est remboursée

L’Allemagne était autorisée à rembourser une partie de sa dette avec sa monnaie nationale.

Aucun pays en développement n’est autorisé à faire de même sauf exception et pour des montants dérisoires. Tous les grands pays endettés doivent réaliser la totalité de leurs remboursements en devises fortes (dollar, euro, yens, franc suisse, livre sterling).

Clause de révision du contrat

Les créanciers ont le droit de réclamer des PED le paiement anticipé des sommes dues dans le futur

Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources.

Dans le cas des contrats de prêts avec les PED, les créanciers imposent qu’il n’y ait pas de clause de ce type. Pire, en cas de difficulté des PED, les créanciers ont le droit de réclamer le paiement anticipé des sommes dues dans le futur.

Politique de substitution d’importation

Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant.

Par contre, la Banque mondiale, le FMI et les grandes puissances imposent aux PED de renoncer à produire sur place ce qu’ils pourraient importer.

Dons en devises (en cash)

L’Allemagne, pourtant à l’origine de la deuxième guerre mondiale, a bénéficié de dons importants en devises dans le cadre du Plan Marshall et près celui-ci.

Les PED dans leur ensemble, à qui les pays riches ont promis assistance et coopération, reçoivent une aumône sous forme de dons en devises. Alors que collectivement, ils remboursent plus de 500 milliards de dollars par an, ils reçoivent en cash nettement moins que 100 milliards de dollars.

Les créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal

Incontestablement, le refus d’accorder aux PED endettés le même type de concessions qu’à l’Allemagne indique que les créanciers n’ont pas pour objectif le désendettement de ces pays. Bien au contraire, ces créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal à travers le paiement des intérêts de leur dette, à leur imposer des politiques conformes aux intérêts des prêteurs et à s’assurer de la loyauté de ces pays au sein des institutions internationales.

Allemagne 1953 / Grèce 2010-2019

Si nous risquons une comparaison entre le traitement auquel la Grèce est soumise et celui qui a été réservé à l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, les différences et l’injustice sont frappantes. En voici une liste non-exhaustive en 11 points :

1.- Entre 2010 et 2019, la dette en pourcentage du PIB grec n’a cessé d’augmenter, elle est passée d’environ 110 % à 180 %

La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers

2.- Les conditions sociales et économiques qui sont assorties à l’intervention de la Troïka depuis 2010 ne favorisent en rien la relance de l’économie grecque alors que l’Allemagne a bénéficié de mesures qui ont contribué largement à relancer son économie. Le produit intérieur brut de la Grèce a chuté d’environ 30 % entre 2010 et 2016 en conséquence des mémorandums qui lui ont été imposés. En comparaison la croissance du PIB de l’Allemagne occidentale a été phénoménale entre 1953 et 1960.

3.- La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers principalement alors qu’à l’inverse l’Allemagne était encouragée à renforcer son contrôle sur les secteurs économiques stratégiques, avec un secteur public en pleine croissance et de grandes entreprises privées qui restaient sous le contrôle stratégique du capital allemand.

4.- Les dettes bilatérales de la Grèce (vis-à-vis des pays qui ont participé au plan imposé par la Troïka) n’ont pas été réduites alors que les dettes bilatérales de l’Allemagne (à commencer par celles contractées à l’égard des pays que le Troisième Reich avait agressés, envahis voire annexés) étaient réduites de 60 % ou plus.

5. – La Grèce doit rembourser en euros alors qu’elle est en déficit commercial (donc en manque d’euros) avec ses partenaires européens (notamment l’Allemagne et la France), alors que l’Allemagne remboursait l’essentiel de ses dettes en deutsche marks fortement dévalués.

Le fait de rembourser une partie importante de sa dette en deutsche marks permettait à l’Allemagne de vendre plus facilement ses marchandises à l’étranger. Prenons l’exemple des importantes dettes de l’Allemagne à l’égard de la Belgique et de la France après la seconde guerre mondiale : l’Allemagne était autorisée à les rembourser en deutsche marks. Or que pouvait faire la Belgique et la France avec ces deutsche marks sinon les dépenser en achetant des produits fabriqués en Allemagne, ce qui a contribué à refaire de l’Allemagne une grande puissance exportatrice.

6. – La banque centrale grecque ne peut pas prêter de l’argent au gouvernement grec alors que la Banque centrale allemande (Bundesbank) prêtait aux autorités de l’Allemagne occidentale et faisait fonctionner (certes modérément) la planche à billets.

7. – L’Allemagne était autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette alors qu’aucune limite n’est fixée dans le cas actuel de la Grèce.

Les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni sont compétentes pour les titres de la dette grecque

8. – Les nouveaux titres de la dette grecque qui remplacent depuis 2012 les anciens dus aux banques ne sont plus de la compétence des tribunaux grecs, ce sont les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni qui sont compétentes (et on sait combien celles-ci sont favorables aux créanciers privés) alors que les tribunaux de l’Allemagne (cette ancienne puissance agressive et envahissante) étaient compétents.

9. – En matière de remboursement de la dette extérieure, les tribunaux allemands pouvaient refuser d’exécuter des sentences des tribunaux étrangers ou des tribunaux arbitraux au cas où leur application menaçait l’ordre public. En Grèce, la Troïka refuse que des tribunaux puissent invoquer l’ordre public pour suspendre le remboursement de la dette. Or, les énormes protestations sociales et la montée des forces néo-nazies sont directement la conséquence des mesures dictées par la Troïka et par le remboursement de la dette. Pourtant, malgré les protestations de Bruxelles, du FMI et des « marchés financiers » que cela provoquerait, les autorités grecques pourraient parfaitement invoquer l’état de nécessité et l’ordre public pour suspendre le paiement de la dette et abroger les mesures antisociales imposées par la Troïka.

10.- Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources. Rien de tel n’est prévu pour la Grèce.

L’Allemagne a reçu des dons considérables dans le cadre du Plan Marshall.

11. – Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant afin d’atteindre un superavit commercial et de renforcer ses producteurs locaux. Or la philosophie des accords imposés à la Grèce et les règles de l’Union européenne interdisent aux autorités grecques d’aider, de subventionner et de protéger ses producteurs locaux, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou les services, face à leurs concurrents des autres pays de l’UE (qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Grèce).

On pourrait ajouter que l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale, a reçu des dons dans une proportion considérable, notamment, comme on l’a vu plus haut, dans le cadre du Plan Marshall.

Les mensonges concernant l’aide à la Grèce

Hans-Werner Sinn [8], un des économistes influents en Allemagne, conseiller du gouvernement d’Angela Merkel, n’hésitait pas en 2012 à mentir en affirmant : « La Grèce a bénéficié d’une aide extérieure de 460 milliards d’euros au travers de diverses dispositions. L’aide apportée jusqu’ici à la Grèce représente donc l’équivalent de 214 % de son PIB, soit environ dix fois plus que ce dont l’Allemagne a bénéficié grâce au plan Marshall. Berlin a apporté environ un quart de l’aide fournie à la Grèce, soit 115 milliards d’euros, ce qui représente au moins dix plans Marshall ou deux fois et demi un Accord de Londres. » [9]

Tout ce calcul est faux. La Grèce n’a pas du tout reçu un tel montant de financement et ce qu’elle a reçu ne peut pas être sérieusement considéré comme de l’aide, au contraire.

L’Allemagne n’a payé à la Grèce que le soixantième de ce qu’elle lui doit en réparation pour les dévastations de l’occupation

Hans-Werner Sinn met de manière scandaleuse sur le même pied l’Allemagne au sortir de la seconde guerre mondiale que les dirigeants nazis avaient provoquée et la Grèce des années 2000. En outre, il fait l’impasse sur les sommes réclamées à juste titre par la Grèce à l’Allemagne suite aux dommages subis pendant l’occupation nazie [10] ainsi que l’emprunt forcé que l’Allemagne nazie a imposé à la Grèce. Selon la commission du parlement grec qui a travaillé sur ces questions en 2015, la dette de l’Allemagne à l’égard de la Grèce s’élève à plus de 270 milliards d’euros [11]. Comme l’écrit le site A l’encontre sur la base des travaux de Karl Heinz Roth, historien du pillage de l’Europe occupée par l’Allemagne nazie [12] : « L’Allemagne n’a payé à la Grèce que la soixantième partie (soit 1,67 %) de ce qu’elle lui doit comme réparation des dévastations de l’occupation entre 1941 et 1944. ». [13]

1. Les plans d’« aide » à la Grèce ont servi les intérêts des banques privées, pas ceux du peuple grec

Les plans d’« aide » mis en place depuis mai 2010 ont d’abord servi à protéger les intérêts des banques privées des pays les plus forts de la zone euro, principalement les grandes banques allemandes et françaises, qui avaient augmenté énormément leurs prêts tant au secteur privé qu’aux pouvoirs publics grecs au cours des années 2000. Les prêts accordés à la Grèce par la Troïka depuis 2010 ont servi à rembourser les banques privées occidentales et à leur permettre de se dégager en limitant au minimum leurs pertes.

2. Les prêts accordés à la Grèce rapportent de l’argent… hors de Grèce !

Les prêts accordés à la Grèce sous la houlette de la Troïka rapportent des intérêts conséquents aux prêteurs. Les différents pays qui participent à ces prêts ont gagné de l’argent sur le dos du peuple grec. Quand le premier plan de prêt de 110 milliards d’euros a été adopté, Christine Lagarde, alors ministre des finances de la France [14], a fait observer publiquement que la France prêtait à la Grèce à un taux de 5 % alors qu’elle empruntait elle-même à un taux nettement inférieur.

La situation était tellement scandaleuse (un taux élevé a aussi été appliqué à l’Irlande à partir de novembre 2010 et au Portugal à partir du mai 2011) que les gouvernements prêteurs et la Commission européenne ont décidé en juillet 2011 que le taux exigé de la Grèce devait être réduit [15].

Les bénéfices tirés par la France du sauvetage de la Grèce représentent une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !Sous les protestations du gouvernement grec et face au profond mécontentement populaire qui s’est exprimé par de fortes mobilisations sociales en Grèce, les pays prêteurs ont fini par décider de ristourner à la Grèce une partie des revenus qu’ils tirent des crédits octroyés à Athènes [16]. Mais il faut préciser que les revenus sont ristournés au compte-gouttes et une partie importante d’entre eux ne seront jamais rendus. Pascal Franchet et Anouk Renaud, du CADTM, ont calculé les bénéfices tirés par la France du soi-disant Sauvetage de la Grèce. Ils considèrent qu’il s’agit d’une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !

De mon côté, j’ai dénoncé les profits odieux que fait la BCE sur le dos du peuple grec.

3. La crise de la zone euro a fait baisser le coût de la dette pour l’Allemagne et les autres pays forts

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les pays qui dominent la zone euro tirent profit du malheur de ceux de la périphérie (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, pays de l’ex bloc de l’Est membres de l’UE). L’aggravation de la crise de la zone euro, due à la politique menée par ses dirigeants et non à cause de phénomènes extérieurs, entraîne un déplacement des capitaux de la Périphérie vers le Centre. L’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Finlande, le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique en bénéficient grâce à une réduction très forte du coût du financement de leurs dettes.

Le 1er janvier 2010, avant que n’éclatent la crise grecque et celle de la zone euro, l’Allemagne devait garantir un taux d’intérêt de 3,4 % pour émettre des bons à 10 ans alors que le 23 mai 2012, le taux à 10 ans était passé à 1,4 %. Cela correspond à une diminution de 60 % du coût du financement [17]. Selon le quotidien financier français Les Échos, « un calcul approximatif montre que les économies générées grâce à la baisse des taux du coût de financement depuis 3 ans s’élèvent à 63 milliards d’euros » [18]. Somme à comparer aux 15 milliards (sur 110 répartis entre les différents créanciers) effectivement prêtés (avec intérêt – voir plus haut) par l’Allemagne entre mai 2010 et décembre 2011 à la Grèce dans le cadre de sa contribution au premier plan d’« aide » de la Troïka.

La Grèce permet à l’Allemagne et aux pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables

Nous avons évoqué les taux à 10 ans et à 6 ans payés par l’Allemagne pour emprunter. Si on prend le taux à 2 ans, l’Allemagne a émis des titres de cette maturité le 23 mai 2012 à un taux d’intérêt nul [19]. Début 2012, l’Allemagne a emprunté à 6 mois la somme de 3,9 milliards d’euros à un taux d’intérêt négatif. A ce propos, Le Soir écrivait le 23 mai 2012 : « les investisseurs vont recevoir au terme de ces six mois un tout petit peu moins (0,0112 %) que ce qu’ils ont prêté » [20].

S’il y avait une once de vérité de vérité dans le flot de mensonges à propos de la Grèce (du Portugal, de l’Espagne…), on pourrait lire que la Grèce permet à l’Allemagne et aux autres pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables. La liste des avantages tirés par l’Allemagne et les autres pays du Centre doit être complétée par les éléments suivants.

4. Programme de privatisation dont bénéficient les entreprises privées des pays du Centre

Les politiques d’austérité imposées à la Grèce contiennent un vaste programme de privatisations [21] dont les grands groupes économiques, notamment allemands et français, tirent profit car les biens publics sont vendus à des prix bradés.

5. Les sacrifices imposés aux travailleurs permettent de contenir une poussée revendicative dans les pays du Centre

Les reculs sociaux infligés aux travailleurs grecs (mais aussi portugais, irlandais, espagnols…) mettent sur la défensive les travailleurs d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Autriche, de France, de Belgique… Leurs directions syndicales craignent de monter au combat. Elles se demandent comment revendiquer des augmentations salariales si dans un pays comme la Grèce, membre de la zone euro, on diminue le salaire minimum légal de 20 % ou plus. Du côté des directions syndicales des pays nordiques (Finlande notamment), on constate même avec consternation qu’elles considèrent qu’il y a du bon dans le TSCG et les politiques d’austérité car ils sont censés renforcer la saine gestion du budget des États.

Un accord du type de celui de Londres de 1953 ne pourra être obtenu que suite à des batailles

En octobre 2014, j’ai été interviewé par un important quotidien grec Le Journal des Rédacteurs concernant l’accord de Londres de 1953. Le journaliste m’a posé la question suivante : « Alexis Tsipras appelle à une conférence internationale pour l’annulation de la dette des pays du Sud de l’Europe touchés par la crise, similaire à celle qui a eu lieu pour l’Allemagne en 1953 et par laquelle 22 pays, dont la Grèce, ont annulé une grande partie de la dette allemande. Est-ce que cette perspective est réaliste aujourd’hui ?  »

Il faut désobéir aux créanciers qui réclament une dette illégitime et imposent des politiques violant les droits humains fondamentaux

Je lui ai donné cette réponse : « C’est une proposition légitime. Il est clair que la Grèce n’a provoqué aucun conflit en Europe, à la différence de l’Allemagne nazie. Les citoyens de Grèce ont un argument très fort pour dire qu’une grande partie de la dette grecque est illégale ou illégitime et doit être supprimée, comme la dette allemande a été annulée en 1953. Je ne pense toutefois pas que SYRIZA et d’autres forces politiques en Europe parviendront à convaincre les institutions de l’UE et les gouvernements des pays les plus puissants à s’asseoir à une table afin de reproduire ce qui a été fait avec la dette allemande en 1953. Il s’agit donc d’une demande légitime (…) mais vous ne pourrez pas convaincre les gouvernements des principales économies européennes et les institutions de l’UE de le faire. Mon conseil est le suivant : la dernière décennie nous a montré qu’on peut arriver à des solutions équitables en appliquant des actes souverains unilatéraux. Il faut désobéir aux créanciers qui réclament le paiement d’une dette illégitime et imposent des politiques qui violent les droits humains fondamentaux, lesquels incluent les droits économiques et sociaux des populations. Je pense que la Grèce a de solides arguments pour agir et pour former un gouvernement qui serait soutenu par les citoyens et qui explorerait les possibilités dans ce sens. Un tel gouvernement populaire et de gauche pourrait organiser un comité d’audit de la dette avec une large participation citoyenne, qui permettrait de déterminer quelle partie de la dette est illégale et odieuse, suspendrait unilatéralement les paiements et répudierait ensuite la dette identifiée comme illégitime, odieuse et/ou illégale. »

Comme on le sait, Alexis Tsipras a choisi de mettre en pratique une autre orientation qui a abouti au désastre.

Conclusion :

Ne nous berçons pas d’illusions, les raisons qui ont poussé les puissances occidentales à traiter l’Allemagne de l’Ouest comme elles l’ont fait après la seconde guerre mondiale ne sont pas de mise dans le cas de la Grèce ou d’autres pays endettés.

La réalisation de processus citoyens d’audit de la dette jouera un rôle décisif dans cette bataille contre la dette et l’austérité

Pour maintenir leur pouvoir de domination à l’égard des pays endettés, ou tout au moins la capacité de leur imposer des politiques conformes aux intérêts des créanciers, les grandes puissances et les institutions financières internationales ne sont pas du tout disposées à annuler leurs dettes et à permettre un véritable développement économique.

Pour obtenir une véritable solution au drame de la dette et de l’austérité, il faudra encore de puissantes mobilisations sociales dans les pays endettés afin que des gouvernements aient le courage d’affronter les créanciers en leur imposant des annulations unilatérales de dettes. La réalisation de processus citoyen d’audit de la dette jouera un rôle positif décisif dans cette bataille.

Notes

[1Deutsche Auslandsschulden, 1951, p. 7 et suivantes, in Philipp Hersel, « El acuerdo de Londres de 1953 (III) », https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[3Texte intégral en français de l’Accord de Londres du 27 février 1953 en bas de cette page. Ont signé l’accord le 27 février 1953 : La République fédérale d’Allemagne, les États-Unis d’Amérique, la Belgique, le Canada, Ceylan, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, le Pakistan, la Suède, la Suisse, l’Union d’Afrique du Sud et la Yougoslavie.

[41 US dollar valait à l’époque 4,2 marks. La dette de l’Allemagne occidentale après réduction (soit 14,5 milliards de marks) équivalait donc à 3,45 milliards de dollars.

[5Les créanciers refusent toujours d’inscrire ce type de clause dans les contrats à l’égard des pays en développement ou des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Europe centrale et orientale…

[6Auslandsschulden, 1951, p. 64 et suivantes in Philip Hersel, El acuerdo de Londres (IV), 8 de enero de 2003, https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[8Une biographie utile est publiée par wikipedia en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Hans-Werner_Sinn

[12Voir note biographique en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth et en allemand : http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth

[13Voir également l’interview que j’ai donnée à l’hebdomadaire Marianne : http://www.cadtm.org/Le-27-fevrier-1953-les-allies

[14Christine Lagarde est devenue directrice générale du FMI en juillet 2011.

[15Voir Council of the European Union, Statement by the Heads of State or Government of the Euro area and EU Institutions, Bruxelles, 21 Juillet 2011, point 3, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=DOC/11/5&format=HTML&aged=1&language=EN&guiLanguage=de.

[16Voir European Commission, Directorate General Economic and Financial Affairs, “The Second Economic Adjustment Programme for Greece”, Mars 2012, table 18, p. 45, “Interest rates and interest payments charged to Greece” by the euro area Member States”, http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/occasional_paper/2012/op94_en.htm

[17Financial Times, “Investors rush for the safety of German Bunds”, 24 Mai 2012, p. 29

[18Les Échos, Isabelle Couet, « L’aide à la Grèce ne coûte rien à l’Allemagne », 21 juin 2012. La journaliste précise : « Les taux à 6 ans –ceux qui correspondent à la maturité moyenne de la dette allemande- sont en effet passés de 2,6 % en 2009 à 0,95 % en 2012. »

[19Le Soir, Dominique Berns et Pierre Henri Thomas, « L’Allemagne se finance à 0 % », 23 mai 2012, p. 21

[20Idem.

L’action du FMI dans la crise de la dette grecque

 25 février par Pierre Pénet

Athènes, le 5 mai 2010 (CC – Flickr – Nikos Roussos)

Cet article analyse comment les gouvernements européens se sont employés à « tordre » les chiffres produits par le Fonds Monétaire International (FMI) afin de permettre la certification des politiques austéritaires durant la crise de la dette européenne. Le cas traité est celui du programme d’austérité en Grèce. Trois résultats sont mis en évidence.

- Cet article montre qu’en 2010 les économistes du Fonds du FMI ont proposé une restructuration de la dette grecque car ils avaient de sérieux doutes sur les chances de succès de l’austérité. Face au refus des pays européens de restructurer la dette grecque, les experts du FMI ont été contraints d’ignorer les risques de l’austérité sur l’économie grecque.

- Sur la base de données inédites, cet article identifie dans les rapports d’expertise du FMI plusieurs paragraphes copiés-collés à partir des rapports de la Commission Européenne. Ce plagiat institutionnel a permis au FMI d’effacer les doutes que ses experts entretenaient vis-à-vis de l’austérité et de mettre en scène un consensus public avec les institutions européennes.

- Plus généralement, le plan d’austérité en Grèce n’a pas été conçu pour « réussir » d’un point de vue économique : son véritable objectif était de combler des procédures décisionnelles défaillantes et de permettre la survie de l’Eurozone. De ce point de vue, l’application généralisée de l’austérité à l’échelle continentale ne procède pas simplement d’une préférence idéologique pour les coupes budgétaires mais découle surtout des contraintes institutionnelles européennes qui découragent des types alternatifs d’action publique comme la relance budgétaire et la mise sous contrôle des banques, des outils appliqués aux États-Unis après 2008).

Ici le lien libre d’accès vers l’article en anglais : https://www.researchgate.net/publication/328124673_The_IMF_failure_that_wasn’t_risk_ignorance_during_the_European_debt_crisis

Auteur.e Pierre Pénet Chercheur senior FNS Université de Genève | Institut d’histoire économique Paul Bairoch

Source http://www.cadtm.org/L-action-du-FMI-dans-la-crise-de-la-dette-grecque

E.Toussaint au sujet de Yanis Varoufakis 8e partie

  Série : Le témoignage de Yanis Varoufakis : accablant pour lui-même

À qui profite la dette grecque ? Le FMI

21 janvier par CADTM Belgique , ZinTV

Crise grecque. On nous parle d’une dette grecque insoutenable, impayable… mais au fait : à qui cette dette profite ? Qui sont les créanciers de la Grèce ? Pourquoi ont-ils prêté de l’argent à la Grèce et à quelles conditions ? Pourquoi la Grèce n’a pas été « sauvée » ?

Cette courte vidéo animée vous propose quelques éléments de réponses sur le Fonds monétaire international (FMI). Élaborée à partir du travail d’audit de la dette grecque, elle fait partie d’une série d’autres vidéos sur les créanciers de la Grèce.

Aidez-nous à diffuser cette vidéo auprès de vos contacts pour que les mensonges sur la dette grecque cessent (n’hésitez pas à l’inclure dans vos newsletters, la publier sur vos sites internet, sur vos réseaux sociaux, etc.)


Revoir :
Le premier épisode : Les prêts bilatéraux
Le second épisode : Les banques privées
Le troisième épisode : La Banque centrale européenne – Questions pour du pognon

Les Grecs, otages fiscaux de la Troïka et des banquiers

7 janvier par Louv Coukoutsi CADTM Grèce

En Grèce, une Autorité Autonome des Ressources Publiques (Anexartiti Archi Dimosion Esodon, AADE), où siègent deux représentants de la Commission européenne, a remplacé le Trésor Public et récupéré toutes les attributions du Ministère des Finances [1]. Résultat : de plus en plus de contribuables modestes se retrouvent dans l’incapacité de payer leurs impôts. Pour recouvrer les arriérés de paiement et dettes envers l’État, l’Agence Autonome opère des saisies directement sur les comptes bancaires des particuliers, sans crier gare. Pourtant les objectifs fiscaux fixés par l’AADE sont largement atteints pour la troisième année consécutive.

En septembre 2018, date de la deuxième échéance du paiement de l’impôt sur le revenu, ce sont 500 000 contribuables grecs supplémentaires, personnes physiques ou morales, (sur un total de 6 348 353) qui se sont retrouvées à leur tour endettées auprès de l’AADE, portant à 4,2 millions le nombre de contribuables en cessation de paiement de leurs impôts [2].En conséquence, plus de 1,15 million de contribuables, personnes physiques ou morales, se sont vus imposer des mesures de « prélèvements directs » sur le versement de leur salaire, de leur pension de retraite ou sur leur compte bancaire (autrement dit, des saisies sur les revenus des ménages).
L’AADE annonce encore plus de 700 000 mesures de saisie dans les mois à venir.

Plus de 1,15 million de contribuables ont subi des « prélèvements directs » sur leur salaire, leur retraite ou sur leur compte bancaire

En trois ans, le chiffre des dettes des contribuables grecs envers les impôts est passé de 74 milliards d’euros [3] – en février 2015 dus par environ 3,9 millions de contribuables (dont 400 000 entreprises) – à 103,36 milliards d’euros en décembre 2018. (Ce chiffre ne prend pas en compte les majorations qui dépassent les 80 milliards d’€.)« Les institutions créancières considèrent que l’économie grecque doit être saignée à blanc et que les contribuables sont des machines à payer, tels les condamnés d’une colonie de la dette », selon Nadia Valavani, ministre des Finances pendant le premier gouvernement Syriza entre janvier et août 2015. D’après ses archives, une grosse part de la dette fiscale a été créée après 2010, début des mesures d’austérité qui conditionnent les « plans d’aide » – à l’époque, 47 milliards sur les 74 milliards de dette fiscale de l’époque. Les 29,36 milliards de nouvelles dettes ajoutées entre 2015 et 2018 portent donc ce chiffre à 76,36 milliards. Pour résumer, les mesures d’austérité sont la cause de 74% du total de la dette des contribuables grecs.

Les mesures d’austérité sont la cause de 74% du total de la dette des contribuables grecs
Or pour l’essentiel, ces dettes d’impôt sont comprises entre 50 euros et 1000 euros. L’Autorité AADE a d’ailleurs remis en service les 100 versements pour faciliter les rentrées d’impôts, dans un contexte où le nombre des foyers qui se heurtent à une impossibilité de paiement augmente de trimestre en trimestre.En effet les Grecs ont été soumis à des baisses des salaires et retraites allant jusqu’à 40% de leurs revenus, le chômage a explosé, les allocations et aides diverses se sont évaporées dans le même temps où les impôts directs et indirects étaient multipliés de manière exponentielle. Finalement, en 2018, un Grec sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté ramené à 382 euros par mois, d’après le site d’information [4] citant une étude de mars 2018 du Ministère du Travail grec.Si en 2000, la dette des contribuables grecs envers les impôts s’élevait seulement à 3,5 % du PIB, elle s’élevait déjà à 40% du PIB en 2014, pour atteindre 55,5% du PIB en 2018. (Le PIB étant passé de 242 milliards d’Euros en 2009 à 186,4 milliards d’euros en 2018 [5].)Pourtant l’État grec a encore dégagé un excédent primaire estimé à 7,626 milliards d’€ dans les 11 premiers mois de 2018, dépassant significativement l’objectif initial de 4,071 milliards d’€ inscrit pour la même période dans le budget prévisionnel.  [6].

Les excédents primaires records sont aussi le résultat de la terreur fiscale qui règne en Grèce
C’est bien la preuve que les contribuables grecs, ponctionnés à la source pour 80% d’entre eux (tous les salariés et pensionnés du public et du privé) sont les otages d’un système fiscal inique, qui ne tient pas compte de la réalité économique des citoyens.Rappelons que pour dégager un excédent primaire le gouvernement prolonge la politique antisociale brutale voulue par la Troïka. Les excédents primaires records sont aussi le résultat de la terreur fiscale qui règne en Grèce.À la lumière de la crise sociale qui secoue la France devant l’injustice fiscale imposée par les pactes européens et la politique de la monnaie unique, il est temps d’en finir définitivement avec la propagande médiatique qui a décrit les Grecs comme de mauvais payeurs et mauvais contribuables, accusés injustement d’être ainsi responsables de leur dette publique par leur indigence.
Notes
[1« L’Autorité jouit d’une autonomie de fonctionnement, elle est autonome administrativement et économiquement, et elle n’est soumise au contrôle ou à la tutelle d’aucun organe du gouvernement ni d’institution d’État ni d’autres autorités administratives ». De même dans la loi qui fonde cette institution, on note que « le président, les membres du Conseil d’administration, le Conseiller (nommé sur proposition de la Commission européenne) et l’Administrateur, exercent leurs fonctions selon la loi et leur seule conscience ; ils ne sont soumis à aucun contrôle hiérarchique ni aucune tutelle administrative, à aucun organe du gouvernement ni à d’autres autorités administratives ni autre organisme public ou privé. » in Dikaiologitika.gr

Que disent exactement les textes des Memoranda grecs ?

Que disent exactement les textes des Memoranda grecs ? 9 janvier par Ariane G. CADTM

Athènes, Place Syntagma, Grèce, le 30 juin 2011 (CC – Wikimedia)

Cet article est tiré d’un mémoire de fin de master en sciences politiques, dont l’objectif principal était de démontrer les préceptes idéologiques néolibéraux, philosophiques comme socio-économiques, qui ont sous-tendu la réponse apportée par la Troïka (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Commission européenne) à la crise en Grèce dès 2010.

En octobre 2009, dans un contexte de crise économique mondiale, furent révélés des taux d’endettement et de déficit public de la Grèce bien plus élevés que ceux présentés officiellement jusqu’alors. Cette situation fut immédiatement suivie d’une réaction de méfiance de la part des marchés financiers qui fixèrent les taux d’intérêts vis-à-vis de la Grèce à un niveau extrêmement élevé, sous l’argument de l’insoutenabilité de ses finances publiques, et donc de son incapacité à rembourser ses emprunts. Par conséquent, le gouvernement grec fit appel à la Commission européenne et au FMI en vue de demander une aide financière. Ce fut le déclencheur, dès 2010, d’un important programme d’austérité (contenu dans les Memoranda of Understanding) élaboré par la Troïka et imposé à la Grèce comme condition à l’octroi de prêts. L’objectif officiel était de rendre l’état des finances de la Grèce conforme aux normes budgétaires de l’Europe en vue de garantir ses capacités à rembourser sa dette et de restaurer la « confiance des marchés » afin qu’ils permettent un retour à un taux d’intérêt « normal » pour la Grèce.

À ce sujet, il faut questionner la naissance, dans ce contexte, de la Troïka, alors que le Parlement européen, dans une résolution datant de 2014 [1], rapporte son inexistence juridique ainsi que celle de l’Eurogroupe (un groupe informel rassemblant les Ministres des finances de la zone euro). De fait, le Parlement rappelle l’importance du rôle qu’a joué l’Eurogroupe, malgré une absence de légitimité démocratique, dans les négociations et dans la prise de décisions finales relatives aux conditionnalités de l’assistance financière, adoptées sur la base des recommandations de la Troïka : selon le Parlement, ce groupe « assume donc la responsabilité politique des programmes ». D’ailleurs, la Commission n’a signé les Memoranda qu’au nom des Ministres des finances qui composent cet Eurogroupe. Le Parlement explique par ailleurs que la Troïka forme une entité « ad hoc » ne pouvant se fonder sur aucune base juridique européenne, ce qui le mène à déclarer que la responsabilité politique des activités de la Troïka revient in fine aux Ministres des finances de la zone euro, et donc à leurs gouvernements.

Une analyse lexicométrique des textes des trois Memoranda élaborés respectivement en 2010, 2012 et 2015, qui comportaient les conditions politiques, législatives, économiques, fiscales, budgétaires et sociales aux prêts financiers accordés à la Grèce, a donc été nécessaire aux fins de cette recherche. L’analyse lexicométrique est une analyse quantitative de textes, opérée grâce à un logiciel, qui permet d’étudier les spécificités et tendances lexicales et langagières d’un ou de plusieurs discours. Cette méthodologie a ainsi permis de répondre à la question suivante : comment expliquer le choix des réformes structurelles contenues dans les Memoranda au-delà de leur dimension purement économique ? La réponse était en effet à trouver dans le système idéologique néolibéral prédominant dans les institutions qui ont décidé des politiques à imposer à la Grèce. L’objectif était donc de déceler les rapports de pouvoir qui régissaient l’application de ces réformes en Grèce, et qui expliquent que les objectifs économiques portés par les Memoranda ne formaient pas l’objectif ultime mais constituaient plutôt des instruments permettant l’exportation du modèle socio-économique néolibéral au sein de la société grecque.

L’analyse qui suit a donc été basée sur une étude statistique des textes des trois Memoranda dans leur version anglaise et a permis d’en tirer des indices de la prédominance de la doctrine néolibérale dans les réformes qu’ils prônent.

La neutralisation de la puissance publique : un État grec sous programme

Discipliner et réduire l’incertitude des comportements de l’État grec en interférant dans ses choix

Alors que le mot will (en anglais) apparaît être la forme la plus fréquente au sein des trois textes (1371 apparitions), l’analyse de son environnement lexical immédiat, à savoir les mots qui le précèdent ou le suivent directement, montre qu’au niveau des mots qui le précèdent directement, le mot authorities y apparaît 124 fois, le mot government, 122 fois, et le mot Greece, 47 fois. Par ailleurs, les termes 2015, 2016, by, apply, continue ou encore program figurent parmi ceux qui apparaissent le plus fréquemment dans son réseau lexical, c’est-à-dire les mots qui apparaissent régulièrement dans son environnement lexical plus large, non-immédiat. Ces données laissent penser que l’État grec, détenteur de l’action publique, voit ses décisions politiques dictées à travers ce mot « will », dont l’analyse lexicale montre qu’il s’accompagne de verbes déterminant la direction à suivre ainsi que d’indicateurs temporels qui dictent les délais précis de l’application des mesures. Cette programmation élaborée au niveau européen permet de discipliner et de réduire l’incertitude des comportements de l’État grec en interférant dans ses choix tout en contrôlant ses ressources et leur utilisation (budget, fiscalité, dépenses, entreprises). En effet, l’adjectif public se retrouve en quatrième position d’apparition dans les textes (421 apparitions) : l’analyse de son réseau lexical démontre qu’il se rapporte particulièrement au secteur public, à l’administration publique, aux finances publiques, à l’emploi public, aux entreprises publiques. Les principaux noms communs et les verbes qui accompagnent le mot public démontrent les préférences de la Troïka à leur sujet : ils évoquent la modernisation, la réforme, l’investissement, le management, la réduction. L’objectif est de rétablir l’équilibre des finances publiques grâce à une réduction des dépenses qui sont considérées comme excessives (« overspending ») : cette réduction permet la dépossession de l’État social, c’est-à-dire de la prérogative publique qui vise à intervenir dans la société en vue de diminuer les inégalités. On retrouve ces tendances dans cet extrait :

  • « Le gouvernement devra identifier toutes ces mesures d’ici juin 2012 et les adopter dans ses budgets de 2013 et de 2014 afin d’atteindre les objectifs. Etant donné que les possibilités de réduction horizontale des dépenses ou d’augmentation d’impôts sont épuisées (…), ces économies devront venir de réformes structurelles des dépenses. » (MoU2012)

On note que, paradoxalement, certaines mesures budgétaires précises élaborées par la Troïka et concrètement mises en œuvre par le gouvernement grec sont parfois qualifiées d’« automatiques », tout comme les objectifs qu’elles visent sont parfois évoqués comme s’ils étaient issus de mécanismes automatiques. Par exemple, dans l’accord de 2012 :

  • « L’objectif du solde primaire pour 2012 était fixé à -1,0% du PIB. L’objectif était défini d’une façon qui nécessite un effort budgétaire similaire à celui d’avant, tout en laissant les stabilisateurs automatiques opérer. (…) Afin d’atteindre l’objectif budgétaire révisé pour 2012, le gouvernement s’est engagé à réduire les dépenses de 1,5% du PIB. (…) De plus, le gouvernement met en place un mécanisme de récupération automatique (à savoir une remise qui sera facturée aux entreprises pharmaceutiques sur une base trimestrielle) qui garantira que les dépenses pharmaceutiques ambulatoires pour 2012-2015 n’excéderont pas l’enveloppe budgétaire annuelle disponible. » (MoU2012)

Ce faisant, les décideurs laissent penser qu’ils fondent leurs choix sur des préceptes rationnels et naturels de l’économie réelle, incarnés dans l’idée de l’automaticité.

C’est sur la base de cette opposition entre l’arbitraire et l’objectivité que les Memoranda enjoignent également de réduire la main de l’État sur l’économie. Ils rejettent en théorie toute forme d’intervention étatique dans les domaines économique et social au profit de mécanismes de marché qui seraient neutres et rationnels ; pourtant, chacune des réformes composant ces accords ne peut être mise en œuvre que par la main du gouvernement.

L’adoption, la modification ou la suppression de lois ou de mesures législatives dans le système grec sont prépondérantes dans les conditionnalités

La nature des domaines dans lesquels est exigée une réduction de l’intervention publique appuie l’idée que, en réalité, l’opinion de la Troïka vis-à-vis du principe de l’intervention étatique dépend en fait de l’enjeu. S’il s’agit de redistribution des richesses et d’égalisation des conditions socio-économiques, l’action étatique est contrôlée, sous l’argument du nécessaire équilibre budgétaire et du caractère néfaste de politiques qui seraient « arbitraires ». S’il s’agit de mesures qui permettent d’instituer la norme de la concurrence entre les individus ou entre les pays, alors l’action gouvernementale est indispensable. C’est ce que la Troïka prône quand elle affirme ceci : « Nous examinerons en permanence les effets de ces mesures sur le marché du travail et sur les coûts unitaires du travail (…) afin d’assurer la flexibilité des salaires et l’augmentation de l’emploi. Si à la fin de l’année 2012, les effets sur le marché du travail restent difficiles à atteindre, nous envisagerons des interventions plus directes. » (MoU2012)

La Troïka interfère donc non seulement dans les politiques grecques en matière budgétaire, fiscale, économique et sociale mais également dans le système législatif et constitutionnel de la Grèce, afin d’y insérer des normes indispensables au système que l’on veut exporter dans la société grecque. Sur ce point, il apparaît que les mots law et legislation apparaissent en 14e et 29e position dans les textes. On observe également que la fréquence d’apparition du mot law au fil des textes augmente de manière constante dès la fin du Memorandum de 2010 jusqu’à la fin du Memorandum de 2015. La même tendance est à observer pour la famille de mots qui sont issus de la racine legislati-. On découvre ainsi que l’adoption, la modification ou la suppression de lois ou de mesures législatives dans le système grec sont prépondérantes dans les conditionnalités. En 2012, il est décidé ceci :

  • « Nous sommes déterminés à contrôler plus étroitement toutes les dépenses de l’administration publique et à empêcher l’accumulation d’arriérés. Cela nécessitera d’améliorer chaque étape de notre processus de dépenses : procédures de budgétisation, contrôles des dépenses vis-à-vis des engagements, rapports financiers, surveillances budgétaires. Afin d’améliorer les budgétisations à moyen et court terme, nous (…) adopterons les lois et règlement d’ici octobre 2012 (…). À la fin du mois d’avril 2012, le gouvernement introduira dans la structure légale grecque une disposition garantissant la priorité accordée aux paiements du service de la dette. Cette disposition sera introduite dans la Constitution grecque dès que possible. » (MoU2012)

Ces observations témoignent d’une stratégie de contrôle politique bien précise : les futurs choix étatiques sont ainsi limités à long terme grâce à l’insertion, dans le droit national grec, de règles qui resteront a priori en vigueur après que les programmes de prêts auront pris fin. Ce processus de restriction politique est renforcé par des échéances (« à la fin du mois d’avril 2012 », « d’ici octobre 2012 »…) attachées à presque toutes les réformes, ainsi que par les rapports que la Grèce doit fournir pour prouver leur bonne mise en œuvre (« les autorités fournissent à la Commission et à la BCE des rapports de conformité sur le respect des conditionnalités (…)  »).

La même tendance se trouve dans le réseau lexical de la famille de mots issus de la racine sustain-, dont les membres apparaissent 750 fois dans les trois textes. Au sein de ce réseau, les mots long-term, return et restore cadenassent les politiques concernant les finances, la dette et la croissance, et ce à travers l’injonction de la durabilité, de la stabilité et de l’équilibre.

À ce sujet, la debt est renvoyée à la responsabilité de l’État grec : sur 273 apparitions, ce mot est précédé à 72 reprises des adjectifs government, greek, public ou sovereign. De plus, les mots sustainability (soutenabilité/durabilité) et ceiling (plafond) apparaissent régulièrement dans son environnement ; la nécessité d’un contrôle et d’un plafonnement du taux d’endettement public en vue de sa soutenabilité apparait ici comme logique et incontestable.

La crédibilité vis-à-vis des marchés constitue donc un critère essentiel pour considérer une politique publique comme légitime

Par ailleurs, la préoccupation vis-à-vis du « sentiment » des marchés illustre la dépendance financière de l’État grec vis-à-vis du jugement de ces marchés : les marchés jouent en effet un rôle important dans l’évolution de la situation économique grecque selon le « sentiment » que le contexte politique ou budgétaire leur inspire. Par exemple, le lendemain de l’annonce de la tenue des élections anticipées par le Premier ministre grec, en décembre 2014, et alors que Syriza était en tête de tous les sondages, les marchés faisaient grimper les taux d’intérêts sur les obligations grecques, et la Bourse d’Athènes chuta de 13% (et de 9% après les premières déclarations de Tsipras suivant son élection). À quelques jours du référendum grec de 2015, plusieurs Bourses européennes chutaient également. La crédibilité vis-à-vis des marchés constitue donc un critère essentiel pour considérer une politique publique comme valide ou légitime. En 2010, la Troïka décidait ceci :

  • « La crise mondiale de 2008-2009 a révélé les vulnérabilités de la Grèce. En conséquence, le sentiment des marchés vis-à-vis de la Grèce s’est fortement dégradé au début de l’année 2010. La récession économique a eu de lourdes conséquences sur les finances publiques. Des dépenses excessives et une forte baisse des recettes publiques ont porté le déficit des administrations publiques à environ 13,6% du PIB en 2009. La dette publique a atteint 115% du PIB à la fin de l’année 2009. De plus, l’ampleur de la détérioration de la situation budgétaire a été révélée relativement tard à cause de sérieuses déficiences des systèmes comptable et statistique de la Grèce. Cette mise en œuvre tardive des mesures correctives a surpris les marchés, qui se sont préoccupés de la soutenabilité des finances publiques. Les principales agences de notation ont déclassé la dette publique. (…) La priorité immédiate est de contenir les besoins de financement du gouvernement et de rassurer les marchés sur la détermination des autorités à tout mettre en œuvre pour assurer la soutenabilité des finances publiques à moyen et long terme. (…) Il ne fait aucun doute qu’une mise en œuvre disciplinée du programme garantirait la soutenabilité de la dette extérieure et souveraine et contribuerait à restaurer la crédibilité de la Grèce vis-à-vis des investisseurs étrangers, ainsi qu’à aider le pays à avoir à nouveau accès aux marchés internationaux de capitaux. » (MoU2010)

On observe également, dans les Memoranda, une utilisation massive de seuils et d’indicateurs numériques. En effet, % et percent sont respectivement la 3e et la 8e forme à apparaître le plus fréquemment au sein des trois textes. L’environnement de % renvoie principalement au domaine fiscal, ce qui appuie l’idée que cette mobilisation importante d’indicateurs numériques devient un instrument, dans le système néolibéral, de contrôle de l’action de l’État, en particulier ses prérogatives fiscales et budgétaires. Les mesures austéritaires que l’on retrouve dans les Memoranda s’en trouvent, en apparence, dépolitisées et formulées de manière extrêmement technique : elles semblent former des solutions rationnelles et pragmatiques vis-à-vis des diagnostics posés pour la Grèce, tels des remèdes médicaux vis-à-vis d’un diagnostic scientifique, et non de préférences idéologiques et subjectives. Ces indicateurs chiffrés permettent ainsi la délimitation des actions de l’État (prévision de futures conséquences chiffrées et/ou injonction de réformes chiffrées à mener).

La privatisation : contre l’intérêt général, pour la compétitivité

Ajoutons que des finances et un taux d’endettement public qualifiés d’insoutenables peuvent mener à des privatisations de biens publics en même temps qu’au contrôle des dépenses publiques, les deux ayant pour but de rétablir l’équilibre et de rembourser la dette. Ici, la fréquence d’apparition des mots issus de la racine privati- illustre une augmentation régulière de leur utilisation dès le Memorandum de 2012, et jusqu’à la fin du Memorandum de 2015. En l’occurrence, les Memoranda enjoignent l’État grec de privatiser, de manière « irréversible », les secteurs de l’eau, de l’électricité et du gaz, le secteur minier, certains ports, chemins de fer, autoroutes et aéroports, le secteur touristique et des télécommunications, certains biens immobiliers, ou encore, la poste. Le secteur privé est considéré comme la solution efficace par nature :

  • « Les privatisations peuvent contribuer à rendre l’économie plus efficace et à réduire la dette publique. Alors que le processus de privatisations avait été stoppé au début de l’année, le gouvernement s’est désormais engagé à lancer un programme ambitieux de privatisations et d’explorer toutes les possibilités afin de réduire l’enveloppe de financement, grâce à une trajectoire fiscale alternative ou des recettes plus importantes de privatisations. » (MoU2015)

Les privatisations contribuent non seulement à la suppression de l’autorité de l’État grec sur une part croissante des entreprises et des services, mais aussi à l’extension de la norme de la performance compétitive jusque dans les biens d’intérêt général, dès lors qu’ils sont placés sur le marché. Par ailleurs, la privatisation n’est pas toujours présentée comme nécessaire si ces biens publics sont libéralisés de sorte d’être soumis à une logique concurrentielle et rentable.

Si les Memoranda plafonnent précisément les dépenses budgétaires grecques,ce seuil ne concerne pas les dépenses de recapitalisation des banques privées

Prenons l’exemple du secteur de l’énergie grecque : on observe une évolution entre le Memorandum de 2010, qui appelle d’abord à sa libéralisation – et qui n’évoque que très peu l’idée de la privatisation (5 fois sur l’ensemble du texte) :

  • « Améliorer le climat des affaires et renforcer les marchés concurrentiels. (…) Les industries du réseau seront progressivement libéralisées, en particulier dans le secteur de l’énergie et des transports (…) » (MoU2010)

Et le Memorandum de 2015, qui décide définitivement de la privatisation de certaines entreprises énergétiques à moins que l’État grec ne propose une alternative qui engendrerait les mêmes résultats en termes de logique compétitive :

  • « Les marchés grecs de l’énergie ont besoin de vastes réformes afin de les rendre conformes aux politiques et à la législation européennes, de les rendre modernes et compétitifs, de réduire les monopoles et les inefficacités, de promouvoir l’innovation (…). D’ici octobre 2015, les autorités prendront des mesures irréversibles en vue de privatiser l’entreprise de transport d’électricité, ADMIE, à moins qu’un schéma alternatif ne soit fourni avec des résultats équivalents en termes de concurrence et de perspectives d’investissement (…). » (MoU2015)

De plus, le Memorandum de 2015 décide que les recettes engendrées par les privatisations seront destinées au remboursement du dernier prêt du Mécanisme européen de stabilité (un dispositif européen qui accorde des prêts à l’Etat grec), tandis que la moitié de ce prêt sera destiné à la recapitalisation des banques, un quart au remboursement de la dette, et un quart à l’investissement. Si les Memoranda plafonnent précisément les dépenses budgétaires grecques, ils précisent toutefois que ce seuil ne concerne pas les dépenses de recapitalisation des banques privées :

  • « Les dépenses primaires de l’administration centrale (…) excluent tous les paiements en espèces relatifs à la restructuration bancaire, lorsqu’ils sont effectués dans le cadre du programme de la stratégie de restructuration du secteur bancaire. Les coûts qui peuvent être exclus du solde budgétaire incluent les prêts à des institutions financières et les placements dans les fonds des institutions financières (…). » (MoU2010)

Les Memoranda veillent ainsi au bien-être financier d’institutions privées grâce à leur recapitalisation, commencée dès 2009. On observe ici la priorité accordée à la protection d’institutions privées sous couvert de l’argument de la stabilité financière. Tout comme l’injonction de réduire les dépenses publiques et de vendre les biens publics afin d’en transférer les ressources vers le secteur privé, ces mesures font pencher la balance en défaveur du bien-être collectif et en faveur de propriétaires de capital privé. De fait, parmi les objectifs figurent ceci :

  • « Nous visons à accomplir un transfert fondamental des actifs publics vers le secteur privé. Transférer des actifs des secteurs clés de l’économie (tels que les ports, les aéroports, les autoroutes, l’énergie et l’immobilier) vers des utilisations plus productives à travers des privatisations et des concessions (…). » (MoU2012)
  • « Il est nécessaire de préparer et de mettre en œuvre un ambitieux agenda de réformes structurelles afin de renforcer la compétitivité externe, d’accélérer la réaffectation des ressources du secteur non-marchand vers le secteur marchand (…). Des réductions de dépenses équivalent à 7% du PIB seront mises en œuvre. (…) Ces réductions et le déblocage conséquent de ressources pour le secteur privé devraient également contribuer à restaurer la compétitivité. » (MoU2010)


La réforme du marché du travail : une main d’œuvre grecque précarisée

Ensuite, la recherche de compétitivité des entreprises mais aussi des individus s’impose en vue de relancer la croissance. Cela se traduit dans une politique visant à flexibiliser le marché du travail et à réduire les coûts de production (salariaux ou non). Selon le texte de 2012, cette compétitivité :

  • « ne se matérialisera que si la réforme du marché du travail s’accompagne d’une action visant à promouvoir la compétitivité sur le marché des biens et des services afin de permettre de répercuter la réduction des coûts du travail sur les prix à la consommation. » (MoU 2012)

À ce sujet, le mot competitiveness (76 apparitions dans les textes) est précédé 21 fois des verbes boost, enhance, improve, promote, recover, restore/ing. De plus, son réseau lexical dépeint une nécessité (need) urgente (accelerate, quickly) de restaurer une compétitivité perdue (gap, weak) des entreprises nationales (external) et des travailleurs (employment, labour), et ce, à travers une politique de désinflation compétitive (price, deflation, policies). Quant au mot competitive, une partie de son environnement lexical renvoie plus particulièrement au processus de privatisation (privatisation et privatised), ce qui appuie l’idée de privatisations comme moyen de renforcer toujours plus la compétitivité des entreprises.

En ce qui concerne la politique de la réduction des salaires, on observe que le travail (labour, 155 apparitions) renvoie la plupart du temps à son marché, à son coût ou à sa réserve. En effet, le travail étant désormais considéré comme un bien marchand comme un autre, son « coût » (les salaires) est ajusté en fonction de son niveau d’offre et de demande. D’ailleurs, les mots référant à la réduction (reduc-) trouvent dans leur environnement les mots costs, pensions, employment, wage(s) et expenditure (coûts, pensions, emploi, salaire(s) et dépenses). De plus, l’analyse de l’environnement des mots issus de la racine flexib- montre que les mots more, facilitate, impediments ainsi que wage et price y sont parmi les plus fréquents. Cette politique se concrétise ainsi :

  • « Le gouvernement a légiféré une réduction des salaires minimums. Les seuils salariaux dans la Convention Collective Générale Nationale (NGCA) ont été réduit de 22%, ou même de 32% pour les moins de 25 ans. Ceci est important car le niveau des salaires minimums et des autres salaires réglementés par la NGCA est devenu plus contraignant alors que le salaire moyen décline. Par conséquent, la réduction du salaire minimum crée une marge supplémentaire pour qu’un ajustement à la baisse des salaires soit décidé par les employeurs et les employés dans chaque entreprise ou secteur. (…) Les mesures décidées par le gouvernement reposent sur deux piliers : un ajustement des niveaux de salaire et une révision du système de négociation collective (…). Une action anticipée est justifiée au vu des rigidités dans les systèmes de fixation des salaires, qui ont empêché l’ajustement des salaires du secteur privé et ont contribué à une forte augmentation du chômage, en particulier chez les travailleurs peu qualifiés et les jeunes. (…) La flexibilité à la baisse des salaires aide les entreprises viables à réduire leurs coûts de production, créant ainsi un gain potentiel des parts de marché extérieur, favorisant les investissements et accélérant le changement indispensable de la structure de l’économie. La mission a noté, cependant, que les réformes des marchés du travail et des produits nécessitent d’être menées en parallèle afin d’éviter que les réductions de salaires ne résultent en une augmentation des marges de profits, ce qui serait socialement préjudiciable. » (MoU2012)

En réalité, la réduction de 24% des « coûts salariaux » opérée entre 2009 et 2014 n’a pas été répercutée sur les prix à l’exportation, alors que c’est l’objectif officiel de cette réduction salariale ; en revanche, les bénéfices à l’exportation ont augmenté [2]. Le dernier extrait montre que la discipline salariale s’accompagne d’une certaine culpabilisation des travailleurs, avec l’idée de la « préférence collective pour le chômage » selon laquelle le chômage serait dû à des salaires trop élevés ou trop rigides, et que par conséquent, le seul moyen de sauver ou créer des emplois serait d’accepter une réduction des salaires. En 2012, la Troïka affirmait ainsi que
« des réformes supplémentaires du marché du travail sont nécessaires pour permettre aux salaires et aux heures de s’ajuster plus rapidement et en fonction des besoins des entreprises et de l’activité économique au sens large, contribuant ainsi à sauver des emplois et à créer de nouvelles opportunités d’emplois. » (MoU2012)

En ce qui concerne les « coûts du travail non-salariaux », leur diminution passe par la baisse de contributions sociales des entreprises ; et afin de compenser cette perte budgétaire, les textes enjoignent de réduire davantage les dépenses sociales « non-essentielles » (sans préciser quelles dépenses sont visées) :

  • « Des réductions des coûts du travail non-salariaux contribueront également à rendre l’économie plus compétitive. Au cours des prochains trimestres, les taux des cotisations sociales devraient être réduits de 5%. Compte tenu des besoins d’assainissement budgétaire, cela devra se faire de manière neutre pour le budget, via une réduction parallèle des avantages sociaux non-essentiels. » (MoU2012)

Dans le même temps, les travailleurs grecs font face à une individualisation de leurs droits, de leurs rémunérations et des contrats de travail, non seulement sur la base de leur situation économique individuelle mais également en fonction du degré de leur performance individuelle et de responsabilité au travail. Une tendance à la responsabilisation des travailleurs se met ainsi en place :

  • « Les autorités, d’ici octobre 2015, légiféreront des réformes supplémentaires qui prendront effet à partir du 1er janvier 2016 : améliorations spécifiques en termes de conception et de paramètres afin d’établir un lien plus étroit entre les cotisations et les allocations (…). Le gouvernement adoptera d’ici mars 2016 une série supplémentaire de régimes de soutien à l’emploi pour 150 000 personnes (…) avec des mesures individualisées du marché du travail actif pour les participants (…). D’ici octobre 2015, les autorités réformeront la grille salariale unifiée, qui sera mise en œuvre dès le 1er janvier 2016 (…) avec une application complète dans le secteur public, y compris en décompressant la répartition des salaires sur tous les salaires en fonction de la compétence, de la performance, de la responsabilité et de la position du personnel. (…) La réforme basera le recrutement des cadres sur le mérite et la compétence (…) ; les autorités (…), d’ici novembre 2015, légiféreront le nouveau cadre d’évaluation des performances de tous les employés, afin de construire une culture orientée vers les résultats. » (MoU2015)

Cette institution de la concurrence sociale, c’est-à-dire entre les individus, résulte de l’application du critère de la performativité vis-à-vis des individus. C’est à partir de cette conception que sont élaborées certaines politiques publiques pour la Grèce, notamment dans le domaine de l’éducation et des formations : elles sont pensées comme des investissements dans la rentabilité potentielle des travailleurs, eux-mêmes désormais considérés comme « capitaux humains » :

  • « La stratégie de croissance, qui pourrait notamment viser à créer un environnement des affaires plus attractif, à améliorer le système éducatif aussi bien que la formation du capital humain grâce à la formation et l’enseignement professionnels, au développement de la recherche et du développement, et à l’innovation. » (MoU2015)

Par ailleurs, la réduction des salaires a été rendue possible grâce, notamment, à l’affaiblissement des institutions de négociations collectives et de protection sociale. Les extraits suivants tirés des Memoranda montrent que ces mécanismes sont mis en œuvre en Grèce à travers diverses mesures législatives de déconstruction du droit du travail grec : procédures de licenciement facilitées, emplois partiels ou temporaires favorisés, négociations des salaires décentralisées, tranche de salaires au-dessous du salaire minimum légal instituée, ou encore, salaires globalement réduits ou gelés. De plus, et particulièrement dans les Memoranda de 2010 et de 2012, la comparaison avec des concurrents voisins de la Grèce est souvent utilisée afin de préconiser des réformes d’ajustement à la baisse (« alignement ») :

  • « Premièrement, le gouvernement lancera un pacte social avec les partenaires sociaux afin de parvenir à un consensus sur la décentralisation des négociations salariales (afin de permettre, au niveau local, de déroger aux accords d’augmentation des salaires au niveau sectoriel), l’introduction de salaires en dessous du seuil de salaire minimum pour les jeunes et les chômeurs de longue durée, la révision d’aspects importants des règles et des coûts de licenciement, et la révision des réglementations du travail à temps partiel et temporaire. (…) Le gouvernement modifie la législation sur la protection de l’emploi afin d’étendre la période probatoire pour les nouveaux emplois à un an, de réduire le niveau général des indemnités de licenciement (…), de relever le seuil minimal d’activation des règles en matière de licenciement collectif, en particulier pour les grandes entreprises, et de faciliter une plus grande utilisation de contrats temporaires et travail à temps partiel. » (MoU2010)

« L’ensemble des mesures en matière de marché du travail qui seront mises en œuvre comprend :

  • Des mesures structurelles visant à uniformiser les règles du jeu en matière de négociations collectives (…) : la durée des contrats collectifs et révisions des ‘conséquences’ des contrats collectifs (…) ; la suppression de la ‘titularisation’ de tous les contrats existants dans toutes les entreprises (…) ; le gel de ‘l’échéance’ garantie par la loi et/ou les accords collectifs (référant à toutes les augmentations automatiques des salaires en fonction du temps) (…) ; l’élimination du recours unilatéral à l’arbitrage, et l’autorisation des demandes d’arbitrage uniquement si les deux parties y consentent (…)
  • Adaptation des niveaux de salaire (…) : Nous légiférerons : (i) un réalignement immédiat du niveau de salaire minimum déterminé par la Convention Collective Générale Nationale de 22 % à tous les niveaux (…) ; ii) son gel jusqu’à la fin de la période du programme ; et (iii) une nouvelle baisse de 10 % pour les jeunes, qui s’appliquera généralement sans conditions restrictives (pour les moins de 25 ans). Ces mesures permettront de réduire l’écart entre le niveau du salaire minimum et celui des pairs (Portugal, Europe centrale et du Sud-est). (…) De concert avec les partenaires sociaux, nous préparerons d’ici fin juillet 2012 un calendrier clair pour la révision de la Convention Collective Générale Nationale. Cela alignera le cadre de salaire minimum de la Grèce sur celui des pays de comparaison et lui permettra de remplir sa fonction de base consistant à assurer un filet de sécurité uniforme pour tous les employés.
  • Travail de suivi. Nous examinerons en permanence les effets de ces mesures sur le marché du travail et sur les coûts unitaires de main-d’œuvre et, le cas échéant, (…) adopterons des mesures correctives supplémentaires pour faciliter la négociation collective, afin de garantir la flexibilité des salaires et la création d’emplois. Si, à la fin de l’année 2012, les effets sur le marché du travail restent difficiles à atteindre, nous envisagerons des interventions plus directes. » (MoU2012)


L’imposition de l’universel : quand l’idéologique prend la forme du logique

Quand l’idéologique prend la forme du logique

Dans certains extraits, on observe l’utilisation des expressions « dialogue social », « forger le consensus », et « partenaires sociaux ». Ainsi, le « dialogue constructif entre les partenaires sociaux », selon les termes du texte de 2015, remplace le véritable débat politique, neutralisant le conflit démocratique et social au sein de la communauté européenne. La philosophie individualiste de l’idéologie néolibérale a pour conséquence l’impossibilité de considérer l’institutionnalisation du conflit social et le compromis qui en découle. En effet, en 2012, il est décidé qu’en cas d’échec du dialogue social, le gouvernement grec utiliserait tout de même le système législatif national en vue de l’ajustement des salaires et des coûts de production :

  • « Si le dialogue social en cours ne permet pas d’identifier des solutions concrètes, alors, pour atteindre l’objectif, le gouvernement prendra des mesures législatives dans l’intérêt public urgent afin de permettre aux coûts salariaux et non-salariaux de s’ajuster en fonction des besoins ». (MoU2012)

L’objectif de compétitivité ne tolèrerait donc pas d’opposition : tout le monde devrait convenir de son caractère primordial et supérieur. Dans une telle optique, le fait que certains s’opposent encore à cet objectif s’expliquerait par leur méconnaissance de cette supériorité : il y aurait donc lieu de la leur imposer. On retrouve cette idée de l’incontestabilité des politiques décidées par le Troïka dans cette formulation de 2010 : « Il y avait une compréhension similaire (…) du nombre limité d’options de politiques disponibles ». Plus précisément, « d’importantes réductions des pensions et des salaires publics sont inévitables. »

Par conséquent, les décisions économiques sont formulées, dans les Memoranda, en termes techniques, occultant ainsi leur nature idéologique : cette dépolitisation des décisions se justifierait par le rejet de l’arbitraire et est présenté, dans le discours néolibéral, comme une mise en œuvre de solutions objectives et universelles, voire mathématiques – les très nombreux graphiques et indicateurs chiffrés que l’on retrouve dans les Memoranda illustrent ce fait.

  • « Les autorités entendent moderniser et renforcer significativement l’administration grecque (…) en dépolitisant l’administration grecque. (…) La réforme basera le recrutement de cadres sur le mérite et la compétence, en dissociant la mise en œuvre technique de la décision politique (…), en vue de permettre une dépolitisation et une meilleure mémoire institutionnelle. » (MoU2015)

On retrouve également cette stratégie dans le discours de la Troïka lorsqu’elle affirme :

  • « les conditionnalités politiques structurelles pour la Grèce reposent sur une analyse fondée sur des preuves. L’analyse comparative des politiques structurelles, basée sur des méthodologies développées par le comité de politique économique européen, révèle que la Grèce est moins performante (…). » (MoU2010)

Enfin, on peut déceler, dans les trois Memoranda, une appropriation d’une partie du vocabulaire contestataire de la politique néolibérale imposée à la Grèce – contestation qui cible particulièrement ses effets sociaux désastreux : l’objectif est d’absorber les idées qui critiquent les décisions de la Troïka, ce qui rend le caractère idéologique de ces décisions encore plus difficile à distinguer. Aussi, lorsque la Troïka aborde la lutte contre l’évasion fiscale, elle précise son utilité comme permettant une meilleure acceptation sociale du programme : cette mesure laisserait en effet penser à un juste partage des efforts et à une certaine justice sociale, ce qui permettrait d’apaiser les contestations :

  • « Ce n’est pas seulement à cause de la nécessité d’augmenter les recettes et de réduire le déficit budgétaire (…). C’est aussi important pour l’acceptabilité sociale du programme d’ajustement, car la réduction de l’évasion fiscale permettra un partage plus équitable de l’effort d’ajustement. » (MoU2012)

Les réformes pour les programmes sociaux grecs ne sont accompagnées d’aucune donnée chiffrée ni d’aucune date d’échéance

On notera ici que, contrairement à toutes les autres réformes fiscales, budgétaires, économiques ou législatives, les réformes préconisées par la Troïka pour les programmes sociaux grecs ne sont accompagnées d’aucune donnée chiffrée ni d’aucune date d’échéance. Ceci illustre bien les priorités politiques de la Troïka. Qui plus est, les déficiences grecques en matière de politiques sociales mènent la Troïka à conclure, paradoxalement, que c’est un secteur qui doit réduire ses dépenses et faire des économies, tout en assurant la justice sociale :

  • « Etant donné le mauvais ciblage des programmes sociaux, il y a une possibilité de générer des économies supplémentaires dans ce domaine, tout en protégeant de manière plus efficace les plus vulnérables. Jusqu’ici, les politiques sociales en Grèce semblent manquer d’une stratégie claire en matière de ciblage des parties de la société qui ont vraiment besoin de l’aide publique. (…) L’examen de l’OCDE, en cours de préparation, devrait mettre en évidence les domaines dans lesquels il y a des possibilités de réaliser des gains d’efficacité importants et de générer des économies, tout en améliorant l’équité sociale des politiques respectives. » (MoU2012)

Ici, alors que le véritable objectif des mesures tirées de cet extrait est de réduire les budgets des programmes sociaux, la Troïka y a attaché la finalité de l’équité sociale afin de légitimer cette réduction. Pourtant, cette finalité est incompatible avec l’objectif principal, puisque celui-ci vise clairement l’affaiblissement des ressources qui auraient justement permis plus d’équité sociale, en tendant à la réduction des inégalités socio-économiques des diverses classes sociales grecques.



Notes

[1Résolution du Parlement européen du 13 mars 2014 sur le rapport d’enquête sur le rôle et les activités de la troïka (BCE, Commission et FMI) dans les pays sous programme de la zone euro : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2014-0239+0+DOC+XML+V0//FR

[2Comité pour la vérité sur la dette publique, « Rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque », 2015 : http://www.cadtm.org/Rapport-Preliminaire-de-la

Géopolitique tombale La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Géopolitique tombale

Athènes, sous un soleil hésitant et une bonne partie du pays toujours sous la neige. Ombre et lumière comme évidemment pour les affaires humaines. Semaine grecque largement crépusculaire, marquée par la démission théâtralisée de Pános Kamménos de son poste de Ministre de la Défense dimanche 13 janvier, une démission accompagnée du retrait du gouvernement. Semaine autant marquée par la visite de la Chancelière Angela Merkel deux jours auparavant, histoire d’inspecter… la bonne marche de la colonie. Les habituels valets politiques se sont exécutés comme d’habitude. Le pays… sous la neige

Un temps de chien. Grèce Centrale, janvier 2019

C’est surtout l’accord Macédonien celui que Kamménos fait semblant de ne pas accepter, accord comme on sait, imposé par Berlin, Bruxelles et Washington et qui doit être ratifié par la simple chambre d’enregistrement, autrement-dit le “Parlement”, lorsque les Grecs lui sont opposés à près de 80% d’après les sondages, bien entendu sans referendum… mais réclamé depuis sa démission par la marionnette Kamménos. Jeu de rôle nous sommes nombreux en Grèce à considérer que tout cela n’est qu’un scenario imposé, et pour tout dire, mal interprété. Notons que les voisins Slavomacédoniens avaient invalidé leur référendum sur la question par le boycott. Rien n’y fait, la géopolitique est une marmite où les peuples ont rarement l’usage de la louche. Un temps de chien, ou simplement… “histoires de la Grèce et des Balkans” comme dirait mon ami Olivier Delorme.

Rien n’y fait donc, et pour ce qui est du “Parlement” à Skopje, certains journalistes de ce pays, mais également d’autres journalistes depuis Athènes alors prétendent, “que le tarif très convaincant pour faire passer l’accord auprès des députés récalcitrants s’élèverait entre cinq et huit millions de dollars par tête, et pour le même résultat probable et prochain en Grèce, on ignore quel serait l’équivalent en euros de cette… realpolitik alors très germanique”, émissions de la zone matinale et du soir sur la radio 90.1 FM, journalistes Trángas et Kalarrýtis, semaine du 7 janvier 2019, cité de mémoire.

Déjà, au “Parlement” à Athènes, la partie visible des tractations en cours, tiennent de la volatilité et autant excitation dont font preuve les députés des petits partis. De celui dit de la Rivière et du journaliste Stávros Theodorákis, une création à notre humble avis bruxelloise et berlinoise, ceux du parti des Centristes de Vassílis Levéntis propulsé comme on sait par les medias depuis 2012, enfin et surtout, des élus plus opportunistes que jamais du parti des Grecs (prétendument) Indépendants de Pános Kamménos qui se dit opposé à l’accord Macédonien de Tsípras, allié de SYRIZA au pseudo-pouvoir jusqu’à cette semaine et dont la moitié des élus sont passés du côté SYRIZA, à la fois pour voter la confiance au gouvernement, vote prévu jeudi prochain, et surtout ensuite le terrible accord macédonien de Tsípras.

Hiver grec. Grèce Centrale, janvier 2019
Garde Evzone en tenue d’hiver. Athènes, janvier 2019 (presse grecque)
‘La Division Merkel’ à Athènes. Presse grecque, le 9 janvier 2019

Toute cette agitation des “mouches scatophages” du dernier fumier politique grec n’est d’ailleurs pas sans lien avec la visite d’Angela Merkel à Athènes cette semaine. Et comme tous les journalistes de la colonie grecque ne sont pas encore totalement muselés, Státhis Stavrópoulos issu de la vielle gauche, écrit dans “To Pontíki” sous un ton très moqueur, “que Tsípras aurait déjà dicté son agenda à Madame Merkel, ainsi l’obergruppenfuhrer allemande exercera ses pressions à Mitsotákis de la Nouvelle Démocratie pour que ce dernier puisse se monter complaisant au sujet toujours de l’affaire Macédonienne. Puis, Tsípras toujours, il fera sans doute preuve de courage lorsqu’il évoquera devant la Chancelière la double question du prêt forcé et des réparations de guerre que l’Allemagne n’a jamais voulu régler, faisant suite aux années 1940 et à son autre Occupation de la Grèce.” Obergruppenfuhrer, était un grade de général dans l’Allgemeine SS et dans la Waffen-SS, du temps de l’autre Reich, celui des années 1940.

“Allez, Madame Merkel et toi Monsieur Trump, mangez encore plus de Grèce, encore plus de Croatie ou de Serbie, mangez du Kurdistan, de la Syrie et de l’Irak, dévorez les pensions, les salaires, les ressources, les humains, mangez même votre mère, privatisez vos enfants et régurgitez tout jusqu’à la pétarade. De même, vous autres qui êtes leurs domestiques, fermez vos gueules, cessez de parler, car vous alignez mensonge sur mensonge, et donc tant de grossièretés et d’inepties morbides. Rassasiez-vous des restes et taisez-vous par-dessus les maigres pensions des veuves comme par-dessus la perte de la patrie”, “To Pontíki” du 9 janvier 2019.

Et aux yeux de… l’autre presse, et je remercie l’ami du blog Jean-Marie N. de m’avoir signalé cet article: “L’Allemagne ‘assume complètement la responsabilité des crimes’ commis par les nazis en Grèce pendant la Seconde Guerre mondiale. ‘Nous sommes conscients de notre responsabilité historique. Nous savons aussi quelle souffrance nous avons infligée à la Grèce (…) durant la période du national-socialisme’, a admis vendredi Angela Merkel lors de sa première visite à Athènes depuis 2014, avant de s’entretenir avec le président de la République hellénique, Prokópis Pavlópoulos et le Premier ministre, Aléxis Tsípras. Une repentance pour tenter d’apaiser le climat tendu entre les deux pays au pic de la crise grecque (2010-2014), et qui persiste depuis: l’Allemagne reste associée dans l’esprit des Grecs aux politiques strictes de rigueur imposées au pays pour éviter le risque d’un défaut de paiement et une implosion de la zone euro.”

Angela Merkel et Aléxis Tsípras. Athènes, le 10 janvier 2019 (presse grecque)
L’Occupation allemande et son image chez les autres. Presse allemande en 2015
Vision grecque de la… nouvelle Occupation allemande. Presse grecque, janvier 2019

“Aussitôt élu en 2015, Aléxis Tsípras, le leader de la gauche radicale Sýriza s’était rendu à Kaisarianí où 200 résistants ont été exécutés en 1944. Une façon de rappeler à la chancelière l’histoire les traces indélébiles laissées par les nazis en Grèce, qui ont occupé ce bout d’Europe d’avril 1941 à octobre 1944 (et même jusqu’à l’armistice en 1945 pour certaines régions de Crète). Environ 800 villages furent entièrement décimés et 70 000 personnes assassinées. Privations, famines (on estime à 300 000 le nombre de personnes mortes uniquement de la faim: la Grèce perdit environ 8% de sa population. Hitler obligea aussi le pays à ‘participer à l’effort de guerre nazi’: 476 millions de reichsmarks furent empruntés à la Banque de Grèce, l’équivalent de 10 milliards d’euros, considérés comme un prêt forcé”, rapporte Fabien Perrier, correspondant de “Libération” à Athènes.

Le reportage est suffisamment juste, sauf que la presse française, surtout autorisée n’écrira jamais que les crimes commis par les nazis en Grèce ou ailleurs, sont les crimes commis par les forces très exactement allemandes, liées à une histoire et à une vision géopolitique d’avant comme d’après, et que le nazisme n’est pas né à Tombouctou. La presse mainstream, elle ne dira surtout pas que la continuité entre l’avant et l’après Hitler, dont d’ailleurs le projet européiste final, n’est pas qu’une légende propagée par les… populistes. Pour mieux comprendre cette continuité, il suffit de consulter par exemple les travaux de l’historien britannique Mark Mazower, et notamment son ouvrage: “Hitler’s Empire. Nazi Rule in Occupied Europe”. Il me semble que ce livre d’analyse et d’histoire n’a pas été traduit en français, tandis qu’il a été traduit en grec et publié à Athènes dès 2009. Simple hasard ?

Ce même reportage ne nous dit pas non plus que la couronne de fleurs déposée par la Chancelière devant la Tombe du Soldat Inconnu à Athènes, elle a été aussitôt piétinée et détruite par des manifestants instituteurs, proches du PC grec quelques heures après, et que ces manifestants ont été il faut dire très violemment “aménagés” par les forces de l’ordre. Un élu communiste a perdu l’usage d’une oreille, tandis qu’une institutrice et syndicaliste a été blessée à la tête. “Nous sommes conscients de notre responsabilité historique. Nous savons aussi quelle souffrance nous avons infligée à la Grèce”, comme dirait la Chancelière. L’histoire ne se répète pas, la géopolitique si.

Imagerie populaire. Athènes, janvier 2019
L’institutrice blessée Theodora Drimala. Athènes, le 11 janvier 2019, presse grecque
La couronne déposée par Angela Merkel piétinée. Athènes, le 11 janvier 2019, presse grecque

Et pour compléter les funestes réalités de l’Occupation, celle des années 1940, il faut rappeler certaines données historiques que les spécialistes de la période, dont Thános Verémis, et Nikos Maratzídis avaient rappelé lors d’une très longue émission, d’une durée de près de huit heures, en rediffusion samedi 12 janvier sur la radio d’ailleurs très systémique, Skáï 100.1 FM. D’abord, et concernant l’emprunt obligatoire durant l’Occupation, l’Allemagne avait obligé la Grèce à fournir aux forces occupantes, vivres, travail, matériel, produits et services contre de bons de reconnaissance de cette dette sur… papier simple mais officiel, dont d’ailleurs une infime partie, environ 1% du total, ayant été remboursé peu avant le départ des troupes allemandes de la Grèce continentale en 1944.

D’après même l’historien Hagen Fleischer, cet emprunt obligatoire lequel équivalait au PIB annuel grec, avait autant servi pour une part non négligeable, à financer les besoins de l’Armée Rommel en Afrique du Nord, ainsi que l’essentiel des… frais générés par la logistique de l’extermination des communautés juives de Grèce et des Balkans. Rappelons que l’importante communauté juive de Thessalonique, elle a été quasi-complètement exterminée lors de l’Holocauste.

Pour les autres chiffres, l’Occupation Allemande, entre avril 1941 et octobre 1944, a laissé derrière elle un pays largement broyé, 26% des habitations étaient détruites, 1.200.000 Grecs sans-abri, 97% des infrastructures de transport détruites dont le Canal de Corinthe, 70% des installations des ports comme le Pirée, Patras ou Vólos devenues inutilisables, 90% du matériel roulant des trains et des lignes détruits, et aussi près du tiers des équipements hydrauliques. Donc et en dépit de la propagande, une certaine Grèce n’est pas prête à oublier et encore moins à passer outre… de cette dette allemande, sauf on dirait “nos” politiciens.

Rue d’Athènes, janvier 2019
Tsípras menteur. Athènes, janvier 2019
Angela Merkel et Prokópis Pavlópoulos. Athènes, le 10 janvier 2019, presse grecque

Notons aussi que la Grèce a été dépecée en trois zones d’Occupation, allemande, italienne et bulgare, et que suite aux événements italiens de l’été et de l’automne 1943 et notamment l’armistice de Cassibile , la zone italienne a été réunie avec la zone allemande, et il faut ici préciser, que la Macédoine orientale et la Thrace, régions alors grecques sous Occupation bulgare, elles ont été annexées de fait par la Bulgarie, et leurs habitants grecs déportés, massivement, voire exécutés, le tout, avec une amorce de remplacement de la population grecque par des une population arrivée de manière organisée de la Bulgarie.

Notons aussi que la géopolitique de l’Allemagne dans les Balkans autant que celle du Kominterm d’ailleurs, elles visaient à promouvoir le Macédonisme slave et/ou bulgare, pour ainsi à terme, amputer la Grèce des régions de la Macédoine et de la Thrace, un Macédonisme agressif, et ouvertement affiché toujours actuellement depuis Skopje et l’ex-République Yougoslave de Macédoine, y compris à travers son irrédentisme inscrit dans la Constitution de ce pays.

D’où tout le danger du projet germano-occidental imposé en l’absence des peuples intéressés et qui consiste à baptiser ce pays en “République de Macédoine du Nord”. Les autres habitants de la planète qui ne sont pas obligés que de connaître l’histoire des Balkans, penseront qu’il y a une Macédoine du Sud, en réalité la région historique grecque avec laquelle les voisins Slaves n’ont aucun rapport, ni culturel, ni linguistique, à unifier un jour avec la… “République de Macédoine du Nord”. Notons encore l’exemple de la Bulgarie, actuellement et d’après les déclarations officielles, y compris de son Président Roumen Radev, elle ne reconnaît pas la langue dite “Macédonienne” (langue appartenant au groupe slave méridional et d’ailleurs considérée comme faisant partie du bulgare), et encore moins l’ethnicité homonyme, considérant qu’il s’agit en réalité de frères un peu marginalisés, vivant de l’autre côté de la frontière, reportage de la presse grecque, décembre 2018. Ainsi, le rejet de cet accord déjà néfaste par l’immense majorité des Grecs n’est pas le fait d’un nationalisme exacerbé comme le prétend la propagande Syrizo-mondialiste, mais une réaction attendue face à une agression, une usurpation de l’identité culturelle, et surtout face à un putsch géopolitique et même politique.

Car à non humble avis, le but ce n’est pas d’imposer un accord dangereux, voire humiliant les Grecs ou les voisins Slaves, mais d’arriver un jour, à un compromis sincère et surtout prometteur de paix et d’amitié. Tel a été le cas d’ailleurs entre la Grèce et la Bulgarie, lorsque dans les années 1960, Sofia a officiellement abandonné toute visée territoriale sur la Macédoine et la Thrace grecques. Depuis, et indépendamment des gouvernements en place, régime des Colonels compris, les relations entre les deux pays n’ont cessé de s’améliorer.

Semaine ainsi très crépusculaire, marquée par la visite de la Chancelière, histoire de vérifier la bonne tenue de la colonie grecque. L’histoire qui ne se répète pas… et pourtant. On se balade non loin de la demeure du célèbre en son temps Ioánnis Kolétis, chef du parti… français, et homme politique du siècle bien d’avant. Comme l’écrit mon ami Olivier Delorme dans “La Grèce et les Balkans”, au sujet du Congrès de Berlin , c’était en cette année 1878… disons si lointaine:

“Le Congrès de Berlin apparaît comme l’acmé de cette diplomatie du ‘concert européen’ dans lequel certains veulent vois aujourd’hui une instance irénique ayant évité à l’Europe un conflit majeur. Mais outre que ce concert ne fut longtemps qu’un syndicat de gouvernements réactionnaires surtout préoccupé d’éviter la propagation des idées libérales et de faire régner la paix des cimetières – en Espagne, en Pologne, en Italie, en Grèce -, cette instance qui, dans l’ordre international, s’apparente à ce qu’est l’oligarchie dans l’ordre politique interne, ne sut jamais, de Laybach en 1821 à Berlin en 1878, dégager les solutions susceptibles d’assurer à l’Europe du Sud-Est un minimum de stabilité et de paix. Elle ne sut créer les conditions du conflit suivant. Ce que son but ne fut jamais que la recherche du compromis entre des impérialismes contradictoires (…) dans ce jeu, les États nés des luttes nationales de libération cruelles, voire tragiques, furent toujours traités en pions, non en acteurs.”

Délabrement. Athènes, janvier 2019
Un temps de chien ! Athènes, janvier 2019
La maison de Kolétis. Athènes, janvier 2019

“Le Congrès de Berlin évite certes un conflit entre Russes, Autrichiens et Anglais. Mais en faisant la paix sur le dos des peuples de la région, en les tenant à l’écart d’une négociation dont le résultats leur est ensuite imposé sans qu’on ait le moins du monde sollicité leur consentement, il met en place la logique qui conduit, dès 1885, à la remise en cause de la carte qu’il a dessinée par l’union de la Roumélie orientale à la Bulgarie, à la guerre serbo-bulgare qu’elle provoque, à la guerre gréco-turque de 1897, à la guerre civile larvée de Macédoine, au carnage des guerres Balkaniques de 1912-1913, et finalement à l’attentant de Sarajevo qui sert de détonateur au premier conflit mondial en 1914.”, Olivier Delorme dans “La Grèce et les Balkans”, tome I.

Sauf qu’en 2019, c’est cette géopolitique tombale qu’elle impose aux Grecs (et ce n’est qu’un exemple) l’apraxie comme la paralysie, en plus du fait, que les supposées élites politiques et intellectuelles trahissent alors la souveraineté, leur patrie et autant les droits des citoyens. La Grèce n’arrive pas à faire usage de la puissance géopolitique à son niveau rien que pour se défendre, tandis que Gauche et Droite alors autorisées, se sont mises au service de la mondialisation occidentale, dont de celle de l’Union européenne sous le contrôle de l’Allemagne… pour les affaires disons locales.

Lors d’une réunion ouverte des Comités de la capitale pour la défense de la Macédoine grecque, tenue à Athènes dimanche 13 janvier dans la salle de l’Ancien Parlement, débat, notons-le, couvert… par la seule presse russe, les journalistes et universitaires invités, dont les journalistes et analystes Nikos Igglésis et Stávros Lygerós et le géopoliticien Konstantinos Grívas enseignant à l’École Militaire, ils ont, entre autres, rappelé ce que ce blog ne cesse de répéter depuis hélas si longtemps, à savoir l’importance du mécanisme de l’euro d’abord et de l’Union européenne ensuite dans cette neutralisation sans précédent des réactions possibles des États, des nations et des peuples.

Car l’euro, et plus exactement la dette des pays en euros, n’est l’équivalent que d’une prison de très haute sécurité sous la surveillance des élites économiques d’abord allemandes. Avant l’an 2000, 75% de la dette grecque était édité en monnaie nationale, la drachme, lorsqu’en 2002 elle est exprimée et détenue à 100% en monnaie étrangère, en cette sorte de Reichsmark allemand du nouveau siècle que les autres pays ne contrôlent pas ou sinon si peu. La Grèce, pour ne rester… que dans son exemplarité, elle est ainsi devenue une colonie de la dette, ce qui conduit au bout du processus à l’anéantissement économique, démographique, culturel et ainsi géopolitique du pays. D’où sans doute toute l’utilité de l’exemple grec pour les autres peuples de la dite Union européenne, il ne faut en arriver là, aussi, parce que la dite construction européenne est synonyme de haine et des conflits en gestation entre les pays comme au sein des sociétés concernées, d’où autant la nécessité à accélérer son démantèlement et ceci dans l’urgence.

Pour la petite histoire et pour le reportage, ajoutons que cette réunion des Comités pour la défense de la Macédoine grecque, elle avait été directement saluée par Vassílis Levéntis, chef du parti du Centre, ainsi que par Yórgos Patoúlis, maire de Maroússi et proche de la Nouvelle Démocratie. Je ne dirais pas que leur présence m’est parue bien convaincante, les lecteurs de ce blog, savent combien je reste très réservé et méfiant devant les politiques, surtout depuis le… choc SYRIZA, et ainsi la fin effective du système politique grec, en tout cas, aux yeux de ceux qui s’efforcent autant que faire se peut, à réfléchir sur nos réalités bien apocalyptiques.

Réunion des Comités de la Macédoine grecque, Athènes dimanche 13 janvier, 2019
Konstantínos Grívas, Nikos Igglésis et Stávros Lygerós. Athènes, le 13 janvier
Vassílis Levéntis, chef du parti du Centre. Athènes, le 13 janvier
Yórgos Patoúlis, maire de Maroússi. Athènes, le 13 janvier

Athènes et le Pirée alors sous leur temps d’hiver et une bonne partie de la Grèce toujours sous la neige. L’Orthodoxie fêtera toujours la mémoire des néo-martyres du 19e siècle à l’instar de Saint Georges de Jannina, exécuté par les Ottomans en 1838, tandis que la Chancelière est déjà rentré en Métropole.

Le Congrès de Berlin… en 2019, il se nomme Union européenne et OTAN, faisant la soi-disant paix sur le dos des peuples de la région, en les tenant à l’écart d’une négociation dont le résultats leur est ensuite imposé sans qu’on ait le moins du monde sollicité leur consentement. Sauf qu’il y a un lustre de pseudo-démocratie, et que les marionnettes, à la manière de Tsípras et de Zaev, le Premier ministre de l’ex-République Yougoslave de Macédoine, ils font semblant de négocier et de décider, au besoin, en violation flagrante et délibérée des volontés de “leurs” peuples, referendums rarement organisés compris.

Saint Georges néo-martyre. Monastères des Météores, janvier 2019
Neige en Grèce. Thessalie, janvier 2019
Au Pirée et en hiver. Janvier 2019

Le peuple se rebiffe alors comme il peut. Des rassemblements sont prévus en ce mois de janvier pour stopper l’accord Macédonien imposé par Berlin, Bruxelles et Washington et qui devrait être ratifié par les marionnettes d’ici comme d’ailleurs.

Déjà au “Parlement” à Athènes, pour la partie visible des tractations en cours, elle tient de la volatilité et autant de l’excitation dont font preuve les députés des petits partis, sauf qu’une liste contenant les données personnelles des élus du parti de Kamménos… circule alors sur Internet depuis cette semaine… et que leurs téléphones sont submergés de messages… les menaçant de mort au cas où ils vont dire ‘oui’ à l’accord Macédonien de Tsípras, presse grecque du 12 janvier. Régime… “démocratique” et ses conséquences.

Politiciens ainsi durablement et même… fièrement installés dans le cynisme et l’hybris, et voilà que la boîte de Pandore s’ouvre peu à peu. Austérité et géopolitique même combat ! Après tout, Hermann Göring, au sujet des populations aux pays très exactement occupés, il avait déclaré sans état d’âme que “les riches seront appauvris, les pauvres mourront, et l’Allemagne vaincra à la fin” (samedi 12 janvier, radio Skáï 100.1 FM).

Athènes pluie et humidité, un temps de chien certes, mais c’est surtout nos chats adespotes animaux sans maîtres qui retiennent alors toute notre attention. Histoire de la Grèce et des Balkans !

Chat adespote. Athènes, janvier 2019

* Photo de couverture: Angela Merkel à Athènes. Janvier 2019, presse grecque

Sauvetage de la Grèce : une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !

Par Pascal Franchet , Anouk Renaud CADTM France

La France, une des principales puissances économiques, est aussi l’un des principaux États créanciers de la planète, avec des créances bilatérales (c’est-à-dire sur des États tiers) de plus de 41 746 millions d’euros au 31 décembre 2016, soit 14,5 % de l’encours total des créances du Club de Paris (ce club sans aucun statut juridique regroupe les 21 principaux États créanciers et est hébergé à Bercy). De même, la France joue un rôle non négligeable dans les orientations du FMI et de la Banque mondiale, en raison du poids démesuré accordé aux pays riches dans ces institutions.

Cette position de la France – qui n’est pas sans rapport avec son histoire coloniale – est utilisée à outrance pour faire du fric : soutien aux dictatures, ventes d’armes, blanc-seing donné aux banques commerciales françaises, imposition de réformes libérales favorisant les multinationales, etc. Du fric réalisé en se moquant de la souveraineté des peuples, que l’on appauvrit en leur demandant de payer des dettes illégitimes et odieuses quand elles ne sont pas illégales, et souvent insoutenables puisqu’elles exigent de sacrifier des droits humains fondamentaux afin d’être remboursées. En voici quelques exemples.

En mai 2010, États européens, FMI et institutions européennes sortent l’artillerie lourde pour soi-disant « aider la Grèce ». En fait, c’est sauver les banques privées françaises et allemandes dont il était question. À partir de là, les plans de sauvetages, les prêts et leurs contreparties austéritaires se sont enchaînés. À l’instar des autres pays européens, la France a participé à ces plans dits de sauvetage et cela de différentes façons.

1° Un prêt bilatéral de 11,4 milliards d’euros : la première créance bilatérale française

Deuxième prêteur après l’Allemagne, la France a octroyé en mai 2010 un prêt bilatéral de 11,4 milliards d’euros à la Grèce. Il s’agit de la créance la plus importante que détient la France sur un pays étranger à l’heure actuelle. Son taux d’intérêt a atteint 4% en mars 2011 alors qu’elle-même empruntait en 2010 autour de 1,8%. Depuis fin 2012 et après révision des conditions, ce taux est proche de 0,6%. Fin 2013, Bercy avait déjà perçu 729 millions d’euros d’intérêts sur ce prêt. Ce sont les derniers chiffres connus…

2° Des rachats de titres grecs : une opération très juteuse

À partir de mai 2010, la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales vont se mettre à racheter de la dette grecque sur le marché secondaire avec les programmes SMP et ANFA. Ces rachats se font à seulement 70% de la valeur des titres alors que la Grèce s’acquitte des intérêts de 6%, calculés sur 100 % de la valeur de ces titres.

Selon la Cour des Comptes, entre 2012 et 2017, la seule Banque de France a engrangés 2,3 milliards d’euros de profits grâce à ces rachats. Ces profits abusifs devaient être restitués à la Grèce mais aucun versement n’a eu lieu depuis 2014, car les intentions des premières heures de Syriza ne plaisaient pas à l’Eurogroupe. Finalement, en juin 2018, l’Eurogroupe annonce enfin la reprise des transferts de ces bénéfices à la Grèce. Mais ces transferts ne reprendront qu’à partir des profits réalisés en 2017. Autrement dit, l’argent perçu en 2015 et 2016 restera dans les poches des créanciers, soit la modique somme de 758,1 millions d’euros concernant la France.

De plus, ces transferts arrivent sur un compte spécial dédié au remboursement de la dette grecque. Pas question donc que la Grèce décide elle-même de l’utilisation de cet argent qui lui est dû !

Et en plus des profits qu’elles génèrent toutes ces contributions financières de la France sont conditionnées à l’application d’une austérité néolibérale féroce. Le peuple grec n’en a pas vu la couleur et pourtant c’est à lui qu’on enjoint de rembourser en coupant dans ses alloc’s chômage, ses retraites, ses services publics, ses droits au travail… La France doit rembourser à la Grèce ces profits scandaleux parce que réalisés sur une dette illégitime, odieuse, illégale et insoutenable comme l’a démontré la Commission pour la vérité sur la dette grecque [1].

Que représente le marché secondaire des dettes ?

On pourrait l’appeler le marché d’occasion ou encore l’Ebay des dettes publiques. Lorsqu’un titre de dette est émis, il est vendu par le débiteur sur le marché primaire. Ensuite le premier acquéreur peut le revendre sur le marché secondaire. Sur cette brocante de la dette, les titres s’achètent et se revendent plusieurs fois et très rapidement. Le prix de revente dépend alors de la capacité (ou non) de l’État débiteur à le rembourser. Plus le risque de défaut est probable, plus le titre perd de sa valeur et se revend à bas coût.

Pour en savoir plus sur la crise grecque, les plans de sauvetage, la destination de cet argent, les mesures d’austérité imposées, les créanciers de la Grèce => voir la série vidéo « À qui profite la dette grecque ? ».

Notes

[1La vérité sur la dette grecque, Les liens qui libèrent, 2015

 

Comment les médias dominants manipulent le thème de la dette

Les questions que les médias dominants ne posent pas… 19 décembre 2018 par Eric Toussaint , The Medium

Le discours des médias dominants et des gouvernements consiste à dire qu’il y a un excès de dette, trop de dépenses publiques des États, et, en conséquence, qu’il faut payer la dette et réduire ces dépenses publiques. Avec le CADTM, nous essayons tout d’abord de nous demander d’où viennent les dettes, est-ce que les buts poursuivis via l’accumulation des dettes étaient légitimes, et est-ce qu’elles ont été contractées de manière légitime et légale ? Voilà l’approche que nous essayons d’avoir et il est certain en effet que celle-ci n’est jamais évoquée dans les médias dominants. Ceux-ci n’y voient pas d’intérêt, et puis cette question est selon eux déconnectée de leur réalité.

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