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Dette grecque

Dette grecque : Alexis Tsipras aurait-il pu agir différemment ? 16 juillet par Eric Toussaint , Sandro Calderon

L’expérience Syriza est terminée en Grèce. Dimanche dernier, Alexis Tsipras a perdu les élections législatives après un peu moins de quatre années au pouvoir. Un mandat difficile, passé sous tutelle des créanciers du pays.

Éric Toussaint interviewé par la RTBF http://rtbf-pod.l3.freecaster.net/pod/rtbf/geo/open/H/HoRD5d9klj.mp3

 

« Alexis Tsipras s’est soumis aux diktats »

Après deux défaites récentes, l’une aux élections européennes, l’autre aux élections locales, Alexis Tsipras avait décidé d’organiser des élections législatives anticipées le week-end dernier. Elles ont débouché sur une troisième défaite consécutive. Le parti conservateur, Nouvelle Démocratie de Kiriakos Mitsotakis, le nouveau Premier ministre grec, a remporté 40% des voix.

Eric Toussaint, historien belge et porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, résume en quelques mots le bilan de l’ère Tsipras : « Elle a commencé par un énorme espoir. Des dizaines de millions de personnes en Europe pensaient que cela allait permettre de rompre avec les politiques d’austérité. Puis, une énorme déception est venue, assez rapidement, au cours des six premiers mois parce que finalement, Alexis Tsipras s’est soumis aux diktats. Il avait promis de prendre le tournant avec son peuple et, finalement, il a capitulé. », déplore l’historien belge.

Aurait-il pu agir différemment ?

En 2015, le Premier ministre, Alexis Tsipras demande une restructuration de la dette grecque. Mais, après des mois de tractations avec les Européens, il est isolé sur la scène européenne. Il n’obtient aucune concession. Au contraire, la menace d’un Grexit, une sortie de la zone euro, est brandie.

Dos au mur, le 5 juillet 2015, il organise un référendum surprise. Plus de 61% des Grecs rejettent un troisième plan d’aide européen, synonyme de nouvelles mesures d’austérité. Pourtant, quelques jours plus tard, le 13 juillet, Alexis Tsipras capitule. Il accepte une aide de 85 milliards moyennant un nouveau programme de réformes douloureuses.

Selon l’historien belge, Eric Toussaint, l’ancien Premier ministre aurait pu agir différemment : « Je pense que le problème vient, dès le début, de l’attitude d’Alexis Tsipras. Il a pensé qu’en faisant des concessions aux dirigeants européens, il allait obtenir une contrepartie, c’est-à-dire, un allègement de la dette et une possibilité de faire des dépenses publiques pour répondre à la crise humanitaire. Or, l’attitude des dirigeants européens et, d’une série de gouvernements, comme le gouvernement d’Angela Merkel, le gouvernement de François Hollande, le gouvernement de Mariano Rajoy en Espagne et, d’autres, a été d’être dans l’opposition. »

Eric Toussaint voit dans cette inflexibilité européenne une claire volonté de faire de la Grèce un exemple d’intransigeance pour d’autres mouvements de gauche radicale ailleurs en Europe : « Il n’était pas question de donner à un nouveau type d’organisation, qu’on a appelé »populiste de gauche« , la possibilité de démontrer qu’il y avait moyen de faire autre chose que de l’austérité en Europe. Et, l’erreur de Tsipras, c’est de ne pas avoir pris en compte le contexte défavorable et, d’avoir continué à faire des concessions et, d’avoir obéi aux injonctions de la Commission européenne pendant des mois. », estime le porte-parole du réseau international du Comité pour l’abolition des dettes illégitimes, Eric Toussaint.


 

Grèce Le surendettement lié à la crise

Le surendettement lié à la crise – Profil type de l’emprunteur : employé, actif, avec un prêt pour une résidence principale

La Confédération Syndicale du Privé GSEE, avec l’Union des Consommateurs et Travailleurs de Grèce EEKE vient de publier une enquête révélatrice sur la gestion du surendettement des personnes physiques fondée sur les dizaines d’affaires défendues par le pouvoir judiciaire au cours des années de crise, s’appuyant sur des données de consommateur-débiteur instruites par E.E.K.E. en vue de régler leurs dettes au cours de la période 2009-2019.

Pour l’exportation de résultats statistiques, seules les données des débiteurs introduites par le dépôt d’une demande d’affiliation aux dispositions légales de la loi 3869/2010 (loi Katseli) ont été utilisées.
Le total des dettes d’emprunts non productifs des débiteurs qui ont demandé à bénéficier de la loi avec le soutien de l’EEKE. s’élève à 62 000 000 €.

Le profil type de l’emprunteur surendetté en ces temps de crise est un employé, en âge de travailler, qui dispose d’un prêt immobilier pour acquérir sa résidence principale, incapable de faire face à ses obligations et qui a fini par être incapable de rembourser ce prêt.

Un emprunteur sur trois a reçu des prêts d’un montant maximal de 50 000 € et un sur quatre, de 100 000 €.

Un exemple emblématique de l’irresponsabilité de la gestion du risque de crédit par les banques, une banque a accordé à la même personne 9 prêts au logement et à une autre personne, 11 autres prêts professionnels.

Voici les points clés de l’étude :

1. Le profil des Emprunteurs de Prêts non productifs :
La plus grande proportion des débiteurs ayant connu des problèmes de remboursement de prêt sont en âge de travailler économiquement (61,72% ont entre 40 et 59 ans).
Dans la plupart des cas, les débiteurs ayant des problèmes de surendettement ont un emploi 38,36%, sont des chômeurs 35,84% et des retraités 17,38%, ce qui témoigne de la détresse économique causée par les réductions successives des salaires et des retraites.
71,20% des débiteurs sont propriétaires d’une résidence principale sans aucun actif supplémentaire. Seulement 15,92% des débiteurs ont des actifs autres que la résidence principale, le plus souvent des parcelles.
73,85% des emprunteurs sont des propriétaires dont la valeur objective n’excède pas 100 000 €. Seuls 2,49% des débiteurs ont une résidence principale supérieure à 250 000 euros.
Le revenu annuel moyen des débiteurs en 2008, au début de la crise et lorsque les effets n’étaient pas encore particulièrement ressentis, était de 28 418 €. En 2017, le revenu annuel moyen le plus faible est de 7 956 €, soit une diminution de 20 462 € sur 10 ans. Compte tenu de ce qui précède, on peut parler de « pauvreté » de la population du pays.

2. Description des Prêts non productifs :
En ce qui concerne le montant de leur dette, 35,6% des emprunteurs ont reçu des emprunts allant jusqu’à 50 000 €, contre 24,33% à 100 000 €, ce qui indique que les emprunteurs n’ont pas bénéficié d’emprunts excessifs visant des conditions de vie luxueuses.

En étudiant les produits de prêt, les prêts privilégiés ont été accordés à 62% des emprunteurs, suivis du consommateur avec un taux nettement inférieur de 24,98%. En fin de compte, les emprunteurs souhaitaient faciliter leur vie quotidienne et la sécurité élémentaire de leur famille.

En examinant la tactique des banques, il est conclu que la moitié des prêts ont été accordés par deux établissements de crédit seulement. Par exemple, un établissement de crédit a consenti 9 prêts au logement au même consommateur et à une autre personne, 11 prêts professionnels, ce qui soulève des doutes quant à la gestion responsable du risque de crédit par les banques.

3. Corrélation des prêts et des emprunteurs :
35,07% des débiteurs sont des emprunteurs qui, au moment de saisir la Cour, étaient au chômage, incapables de trouver du travail, avec une dette totale de 21 637 406,95 €, suivis des employés du secteur privé (27,38%) avec une dette de 16 890 776,16 €.

Ce sont des prêts professionnels et des prêts aux entreprises d’un montant total de 86 297,29 EUR qu’ont touché la majorité d’entre eux – au moment de la demande – sans emploi.

La valeur moyenne des cartes de crédit détenues par les emprunteurs s’élève à 3 608 euros, les prêts à la consommation reçus à 14 704 euros et les emprunts hypothécaires à 62 404 euros.

Le montant le plus important de prêts (65,12%), d’une valeur totale de 40 178 402,60 €, a été mis à la disposition des emprunteurs mariés.

4. Le processus judiciaire des réclamations :
Le délai d’attente des débiteurs qui n’ont pas encore été jugés à compter de la date du dépôt de la demande jusqu’à la date de l’affaire devant la Cour varie de 212 à 2 127 jours. Ainsi, le requérant devra attendre 49 mois en moyenne pour que sa cause soit entendue.

Le délai d’attente des débiteurs qui ont été finalisés à compter de la date de dépôt de la demande jusqu’à la décision finale est compris entre 336 et 1 942 jours. Le demandeur devrait donc attendre 38 mois en moyenne pour avoir sa décision, demeurant dans l’incertitude pendant toute cette période.

5. La présentation des résultats des décisions judiciaires définitives :
Sur le total des dettes gérées par EEKE, 67,75% ont réussi à être effacées et 32,25% à être ajustées.

Le montant ainsi réglé sera remboursé – en moyenne – sur 169 mensualités, soit 14 ans, donnant une profonde respiration aux concitoyens qui souffrent des politiques énoncées dans les mémorandums.

Le risque de confiscation et de mise aux enchères de la résidence principale et des biens de bon nombre des concitoyens sans aucun cadre de protection efficace demeure une conséquence dévastatrice du profond ralentissement économique et, en même temps, du problème le plus grave de la société grecque qui appelle une résolution directe, au principe constitutionnellement consacré de l’État providence.

CK

La Grèce va mieux… infox !

La Grèce va mieux… infox !

A Nîmes ils vont en parler avec E Toussaint mardi 4 juin 19h Maison du protestantisme, rue C.Brousson

Historien et docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris 8, porte-parole du CADTM international (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes). Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont le plus récent Le système dette (Éditions LLL).

Il a notamment coordonné les travaux de la Commission pour la vérité sur la dette publique de la Grèce, créée en 2015 par la présidente du Parlement grec.

Source http://www.cadtm.org/La-Grece-va-mieux-infox

 


Le coût de la dette française diminue : est-ce vraiment une bonne nouvelle ?

19 avril par Anouk Renaud CADTM Belgique

Depuis 2011, le coût [1] de la dette française ne fait que diminuer. Cette réduction est le résultat de la baisse des taux d’intérêt auxquels emprunte la France. À l’heure actuelle, ces taux s’avèrent même négatifs pour certaines obligations de moins de 5 ans. Si bien qu’on estime que l’État français paie plus ou moins en moyenne 2% d’intérêts annuellement (1,7% en 2018) et que la tendance devrait continuer à la baisse, selon la Banque de France.

Source : Libération, Banque de France.
Intérêt de la dette publique française sur le PIB, en %
Source : Alternatives Économiques, Ameco.

Une bonne nouvelle donc pour de nombreux analystes, soulagés de constater que la dette publique française ne serait ainsi plus un problème voire même une aubaine [2].

1) 2% du PIB d’intérêts, c’est déjà trop

À y regarder de plus près 2% du PIB d’intérêts payés, c’est tout de même la modique somme d’environ 40 milliards d’euros qui vont chaque année dans les poches des créanciers. Une somme d’argent qui pourrait être investie ailleurs en améliorant par exemple l’état des services publics déliquescents, comme l’éducation, la santé, la culture…

Ceci étant dit, au-delà de leurs montants c’est surtout le mécanisme même de transfert de richesses que les intérêts génèrent qui est problématique. En effet, lorsqu’un État paie les intérêts de sa dette, il utilise l’argent du contribuable pour rémunérer les détenteurs de capitaux, qui lui en ont prêté et qui s’enrichissent grâce à celle-ci.

D’autant que si l’État français est amené à s’endetter ces dernières années (ou plutôt décennies), c’est en grande partie pour combler une baisse d’imposition des plus aisés (particuliers comme entreprises), comme l’a rappelé en juillet 2016 le rapport d’une mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion et la transparence de la dette publique menée dans le cadre de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale [3]. Selon son rapport, l’État français a renoncé à 83 milliards d’euros de recettes fiscales en 2016 soit « plus que le déficit budgétaire à financer et près du double de la charge de la dette [4] ». En somme, avec nos impôts et via le remboursement de la dette publique, nous contribuons à enrichir les actionnaires d’entreprises financières, qui eux échappent à l’impôt, légalement ou illégalement à travers des paradis fiscaux, contraignant l’État à s’endetter toujours plus.

2) La charge d’une dette, c’est les intérêts plus le capital à rembourser

La plupart des analyses concernant la charge de la dette publique française se limite à considérer uniquement le coût des intérêts. Or, pour avoir une vision plus exhaustive de combien nous coûte cette dette, il est utile de prendre également en compte le remboursement du capital. Cette non prise en compte est justifiée par le fait que l’État fait « rouler sa dette ». Autrement dit, qu’il rembourse le capital venant à échéance en contractant de nouveaux emprunts. L’État rembourse aux créanciers des sommes colossales en leur réempruntant les mêmes sommes avec en sus des intérêts à payer. Et ainsi de suite. Faire comme si ce mécanisme était insignifiant est problématique. Aujourd’hui plus de 65 % des emprunts publics sont utilisés pour rembourser le capital et payer les intérêts [5]. Une dette qui ne semble plus donc servir qu’à elle-même et à en enrichir certain•e•s.

3) On ne sait pas à qui on rembourse la dette

Derrière la question du coût de la dette publique, se cache (sic) celle de l’identité des créanciers. Qu’ils soient élevés ou non, nous ne savons toujours pas à qui nous payons chaque année les intérêts de la dette. Outre la difficulté technique d’identifier les créanciers du pays dans un contexte de marchés très volatiles, le principal obstacle demeure juridique et donc politique. En effet, l’ordonnance n°2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés exclut les obligations d’État de la possibilité de connaître à tout moment l’identité des détenteurs des obligations, et ce en raison d’une volonté de maintenir le caractère concurrentiel du marché de la dette française [6].

Et le rapport de la Commission des finances de l’Assemblée nationale d’en conclure : « la charge de la dette est payée par les impôts, il est légitime que les Français et leurs représentants sachent à qui sont versés chaque année plus de 40 milliards d’euros » [7].

4) La baisse des taux ne doit pas cacher la dépendance structurelle des États aux marchés

Cette baisse des taux demeure conjoncturelle et ne va pas durer éternellement. Tôt ou tard, notamment quand la BCE mettra fin à sa politique de quantitative easing, les taux repartiront à la hausse. Et ne serait-ce qu’1% d’intérêt en plus, le surplus se chiffrera tout de suite en milliards supplémentaires à payer par le contribuable. Cette incertitude et la crainte d’une charge qui augmente de nouveau traduisent en réalité la dépendance structurelle des États aux marchés financiers pour ce qui est (entre autres) de leur financement. Une dépendance bien entendu organisée au fil des décisions politiques prises à la fois aux niveaux européen et national [8]. Dit autrement, se réjouir d’une embellie quant à la baisse des taux revient à omettre que ce sont les marchés qui font la pluie et le beau temps. Un pouvoir colossal, qui place les États dans une dépendance à la fois financière mais aussi politique vis-à-vis de ces marchés. C’est ce que montre très bien le sociologue B. Lemoine : « les marchés financiers fixent les conditions du financement public. Non seulement le taux d’intérêt mais également quelle politique macroéconomique doit être suivie pour recueillir leur assentiment » [9].

5) Le problème de l’endettement public ne se limite pas au coût financier de la dette

Apprécier le caractère problématique ou non d’une dette, à l’aune uniquement de son coût, amène à confisquer et dépolitiser le débat autour de l’endettement public. Circonscrite à des enjeux techniques et financiers, on nous fait croire (et on le croit nous-mêmes) qu’il faut être expert•e ou économiste pour comprendre quelque chose à la dette et donc émettre un avis dessus. Or, les enjeux techniques et financiers sont précisément des enjeux politiques, sur lesquels nous avons toutes et tous voix au chapitre. De plus, cantonner le débat à la sphère technique, à la question du coût ou de la soutenabilité de la dette, c’est-à-dire de savoir si la dette française est payable, empêche d’interroger sa légitimité, c’est-à-dire de savoir si elle doit être vraiment payée. Les interrogations, telles que « pourquoi l’État s’est endetté ? Quelles ont été les conditions et modalités d’emprunts ? Qui détient la dette ? » ces questions ne restent que trop peu souvent posées sur les plateaux télévisés et dans les colonnes des journaux, évinçant avec elles, celle des responsabilités.

Et cela sans compter que les coûts d’une dette ne se limitent déjà pas à son seul coût financier. Ne serait-ce qu’à considérer le coût écologique colossal généré par ces politiques d’endettement (cf. point 7°). Des coûts cachés et des questions qu’un audit citoyen pourrait mettre en lumière pour tenter d’y trouver des réponses.

6) Quel que soit son coût, la dette justifie l’austérité

Affirmer que la dette ne serait plus un problème c’est oublier aussi l’usage politique qui en est fait, à savoir son utilisation comme moyen ou prétexte pour mettre en place des politiques d’austérité. Le procédé est désormais bien rodé (mais toujours aussi efficace) : invoquer le niveau (insoutenable) de la dette publique française pour ensuite annoncer, justifier et légitimer des réformes et des coupes budgétaires. Malheureusement, ces dernières décennies, la politique gouvernementale française nous en offre chaque jour des exemples supplémentaires. L’emploi de la dette comme moyen de chantage à l’austérité était d’une limpidité rare dans le cas de la SNCF et de la volonté du gouvernement de réformer l’entreprise l’année dernière en échange d’une reprise de dette. E. Macron déclarait en effet : « Parlons-nous franchement : si on reprend la dette, quel nouveau pacte social la SNCF est-elle prête à avoir ? (…) Nous demandons à la SNCF d’aller plus loin sur les réformes, le statut, la mobilité, le régime de retraite [10] ». Rebelote, avec les réformes du régime de l’assurance chômage et celui des retraites. Pour la première, il s’agit de faire des économies en modifiant les règles de l’assurance chômage, c’est-à-dire en restreignant les droits au chômage pour désendetter l’Unédic [11]. Le crédo du gouvernement français (et de ses prédécesseurs) reste la baisse des dépenses publiques pour diminuer l’endettement et le déficit publics, et cela en dépit d’une charge de la dette en diminution ces dernières années.

Là est donc un des dangers les plus préoccupants de la dette publique : la contrainte qu’elle induit. Une influence politique exploitée à des fins de neutralisation de toutes alternatives politiques à la doxa néolibérale.

7) Le remboursement d’une dette implique forcément de la croissance, suicidaire d’un point de vue écologique

Selon la logique économique qui nous est présentée, pour contenir le niveau d’endettement public, il faut que les taux d’intérêt soient inférieurs aux taux de croissance. Cela évite ainsi de provoquer ce qu’on appelle « un effet boule de neige ». Si ce n’est pas le cas, des excédents budgétaires primaires doivent être dégagés ou alors de nouveaux emprunts doivent être contractés pour payer les anciens. Cela signifie que pour la France il faudrait un taux de croissance de plus de 2%. La soutenabilité de la dette repose par conséquent sur une exigence de croissance. En fait, c’est le mécanisme d’endettement même qui repose sur cette nécessité. Même si les niveaux de croissance élevés appelés de leurs vœux par beaucoup venaient à revenir, elle n’en demeurerait pas moins catastrophique. Outre le fait qu’elle ne profite qu’à une minorité de privilégié•e•s, la croissance repose notamment sur l’exploitation des femmes, des hommes et de la nature (et le pillage de ces « ressources » bon marché dans les pays du Sud pour le cas français). Si le capitalisme a démontré son pouvoir de résilience et d’expansion à de multiples reprises, l’enjeu et les limites écologiques pourraient bien changer la donne.

Conclusion :

Bien entendu, le niveau d’endettement d’un pays et le poids du service de sa dette restent un enjeu très important pour ne pas dire crucial, car en découlent ses marges de manœuvre en termes de politiques budgétaires. Pour autant, le niveau d’endettement ne doit pas être le critère utilisé pour déterminer si une dette est un problème ou non. Une dette publique, aussi minime et peu onéreuse soit-elle, peut s’avérer tout à fait illégitime.

Bref, qu’un État s’endette n’est pas un problème en soi. Par contre, comment il le fait, qui en profite, pour financer quoi, quelles politiques publiques en découlent… peut le devenir. Plutôt que de se féliciter de rembourser de moins en moins, il serait grand temps de déterminer via un audit citoyen, si tout simplement nous devons rembourser cette dette publique quels qu’en soient son montant et son coût financier [12].

Relecture : Marie-Claude Carrel
Tribune publiée sur le site de Politis

Notes

[1Généralement lorsque l’on parle de « coût » ou de « charge » de la dette publique, il est fait référence au seul paiement des intérêts, sans prendre en compte le remboursement du capital. Voir point 2°

[2Voir notamment cet article du journal Libération qui illustre bien cette position, bien qu’il soit loin d’être le seul : Savinien de Rivet, « La charge de la dette une ardoise qui pèse de moins en moins », Libération, janvier 2019. Accessible à : https://www.liberation.fr/france/2019/01/11/la-charge-de-la-dette-une-ardoise-qui-pese-de-moins-en-moins_1698530

[3Mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion et la transparence de la dette publique », Commission des finances, Assemblée Nationale, 6 juillet 2016. Accessible à : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i3936.asp

[4Page 25 du rapport, cité par Nicolas H, « France : la commission des finances dénonce une gestion opaque de la dette au seul profit des acteurs financiers », CADTM, janvier 2018. Accessible à : http://www.cadtm.org/France-La-commission-des-finances

[5Page 23 du rapport, Ibid.

[6Pages 107 et 109 du rapport, Ibid.

[7Page 102 du rapport, Ibid.

[8Voir à ce sujet les travaux de B. Lemoine.

[9Benjamin LEMOINE, L’ordre de la dette. Enquête sur les infortunes de l’État et la prospérité du marché, Éditions La Découverte, Paris, 2016, p.8.

[10Eric Béziat, « Les projets radicaux d’Emmanuel Macron pour « réinventer » la SNCF », Le Monde, septembre 2017. Accessible à : https://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2017/09/06/les-projets-radicaux-d-emmanuel-macron-pour-reinventer-la-sncf_5181512_1656968.html

[11À propos de la dette de l’Unédic, voir le rapport d’audit du GACDAC, avril 2018. Accessible à : http://www.cadtm.org/Verite-et-transparence-pour-la-dette-de-l-Assurance-chomage-plutot-que

[12Pour en savoir plus sur un audit citoyen de la dette publique française, voir le rapport de 2014 du CAC, Collectif pour un audit citoyen :
https://www.audit-citoyen.org/2014/05/27/que-faire-de-la-dette-un-audit-de-la-dette-publique-de-la-france/

Source http://www.cadtm.org/Le-cout-de-la-dette-francaise-diminue-est-ce-vraiment-une-bonne-nouvelle

Grèce : un autre point de vue sur la protection de la résidence principale

L’association « ΕΚΠΟΙΖΩ » ( Association des Consommateurs pour la Qualité de Vie) donne son point de vue  :

L’amendement du gouvernement sur la « protection » de la résidence principale est non seulement inférieur aux attentes, mais aussi provocant et ridicule au détriment des emprunteurs.

L’ Association ΕΚΠΟΙΖΩ exprime sa profonde amertume, sa déception et sa colère devant l’abolition de toute protection substantielle de la résidence principale, mais aussi face au mépris du gouvernement pour le mouvement des consommateurs par son refus de se faire entendre, même dans le processus parlementaire – sans précédent dans les 30 ans d’existence de ΕΚΠΟΙΖΩ – des organismes actifs dans la protection des consommateurs lourdement endettés.

L’audace du gouvernement est telle qu’il prétend protéger la résidence principale, alors qu’en fait le gouvernement avait reçu la protection de la résidence principale en tant qu’institution permanente dans la loi Katseli, il l’a rendue temporaire et plus stricte en 2015 et il est en train de l’abolir.

En ce qui concerne l’amendement sur la prétendue protection de la résidence principale, nous notons ce qui suit:
– L’amendement ne concerne pas l’institution de la réglementation collective de la dette des ménages lourdement endettés, mais un programme de réglementation limitée des prêts, proposé à titre de prix symbolique et maigre pour l’abolition de la loi Katseli, en ce qui concerne la protection de la résidence principale.
– Le programme a une durée limitée, il ne s’agit donc pas d’une institution de protection de la dette. Il s’agit de dettes adossées à des créances hypothécaires qui étaient en retard au 31 décembre 2018 avec un retard d’au moins trois mois. Par conséquent, le programme est de nature temporaire et ne concerne pas les débiteurs qui seront incapables de rembourser leurs dettes à l’avenir.
– Le programme ne traite pas les débiteurs qui sont déjà en défaut et qui sont au 31.12.2018 dans un arrangement temporaire (par exemple, ne payant que des intérêts) et auront le droit de reprendre le versement normal dans un proche avenir.
– Le programme ne traite pas les emprunteurs lourdement endettés qui ont beaucoup d’autres dettes en souffrance, mais leur prêt hypothécaire, pour des raisons évidentes, a continué à le rembourser.
– Le programme ne concerne pas la protection du logement si l’emprunteur, pour quelque raison que ce soit, n’y réside pas déjà.
– Le programme ne s’applique pas si l’emprunteur ou d’autres membres de sa famille ont des biens meubles ou immeubles supérieurs à 80 000 EUR.
– Le programme ne s’applique pas si la dette garantie, augmentée des intérêts moratoires et des arriérés, dépasse le montant de 130 000 euros.
– Le programme ne traite pas des dettes non garanties, qui continueront de croître et seront en attente aux dépens de l’emprunteur.
– Le programme ne s’applique pas à ceux qui dépassent le critère de faible revenu familial.

– Il est en outre connu que ceux qui ne sont pas exclus des critères ci-dessus acquièrent le droit à un règlement abordable de la dette individuelle. Les banques ont le droit de mépriser la demande soumise à la plateforme, de ne jamais y répondre ou de faire toute autre proposition. Dans ce cas, au bout d’un mois, la procédure sera « TERMINER ».

– Dans le premier cas, le débiteur endetté n’a que la possibilité de faire appel à la justice, dans des délais stricts, de l’introduire dans un litige comparable à la loi Katseli, en dernier recours un litige de longue date, pour se prévaloir de la réglementation individuelle maigre et insignifiante.
– Dans une réglementation malhonnête, honteuse, obscène, menaçante et abusive à l’égard des ménages lourdement endettés, il est stipulé que si la réclamation de l’emprunteur qui est forcé de faire appel devant les tribunaux parce que les banques ont refusé de participer à la procédure, il sera sanctionné. jusqu’à 5% de sa dette, avec un maximum de 5 000 € et un minimum de 1 500 €! Il n’y a aucune raison de sanctionner la banque qui méprisera le processus et la fameuse « plateforme »!
– Les banques sont incitées à mépriser le processus et la plate-forme, tant que l’emprunteur n’aura pas jusqu’à ce qu’il ait été justifié dans sa lutte de longue date pour la protection insignifiante contre les enchères, à moins d’avoir obtenu une protection judiciaire provisoire et à condition de payer pour chaque dettes réglables au moins la moitié de la tranche actuelle.
– Si, encore une fois, un créancier soumet une proposition, mais pas un autre créancier contre lequel un règlement est réalisable, l’emprunteur est à nouveau obligé de saisir la Cour de justice, faute de quoi il ne bénéficie d’aucune protection contre les autres créanciers.
– Si le débiteur ne figure pas dans une ordonnance du tribunal, tous les débiteurs soumis à une réglementation n’ont droit ni à la subvention indéterminée ni à son domicile.
– À moins que toutes les dettes en règlement ne soient réglées par une ordonnance du tribunal, l’emprunteur n’a pas non plus droit à la subvention indéterminée et sa résidence n’est pas protégée par des enchères.
– En fait, il est pratiquement impossible de réglementer des dettes de règlement plus réceptives, car une telle possibilité n’est pas couverte par les possibilités réelles des critères d’exclusion, mais aussi parce que les autres créanciers n’ont même pas l’incitation.
– Il est peu probable que le cas d’une annulation de dette valable. Du fait du cumul des conditions d’entrée dans la réglementation applicable, l’avantage ne dépassera pas un léger escompte et l’emprunteur ne la recevra que s’il se conforme à la réglementation depuis 25 ans ou jusqu’à 80 ans.
– Si, dans le futur (dans les 25 prochaines années), il arrive également à une faiblesse temporaire, il perdra non seulement le rabais insignifiant, mais devra également restituer toute subvention (non spécifiée).
– Étant donné que la dette individuelle (et non la totalité des dettes) est réglée à 120% de la valeur de la propriété, toute subvention relative à la protection de la résidence principale dans la loi Katseli abolie par le gouvernement ne donne pas lieu à un versement inférieur. pour le débiteur lui-même.
– L’emprunteur n’appartient pas au programme si sa demande d’adhésion à la loi 3869/2010 a été rejetée, notamment pour incapacité frauduleuse. Toutefois, il ne s’agit pas de prétendus mauvais payeurs stratégiques, mais de ceux qui, dans les années 2000, n’ont pas réussi à gérer efficacement leur solvabilité, car ils ont été décrits comme tels par ce critère.
ΕΚΠΟΙΖΩ n’a pas été invitée à soumettre les observations susmentionnées à la Chambre des communes. Le gouvernement a rejeté l’invitation. Il a toutefois été informé que les représentants des banques présents souhaitaient leur satisfaction au gouvernement. Nous supposons également les derniers au premier, leurs banques ayant été épargnées de la peine de rédiger l’amendement!

CK

Dette odieuse et fondements du néolibéralisme

Peut-on appliquer la doctrine de la dette odieuse sans remettre en question les fondements du néolibéralisme ?

3 avril par Mats Lucia Bayer


Cet article propose une lecture critique de l’article « Odious debt, Adverse creditors, and de Democratic Ideal » de Margot E. Salomon et Robert Howse, publié en 2018 par la London School of Economics et qui cherche à analyser la crise de la dette grecque en 2015 à la lumière de la doctrine de la dette odieuse.
Le texte « Odious Debt, Adverse Creditors, and the Democratic Ideal » de Margot E. Salomon et Robert Howse propose une mise à jour de la doctrine de la dette odieuse à partir de l’exemple de la crise de la dette grecque. Pour ce faire, les auteurs mettent l’accent sur deux éléments : (1) les nouveaux types de relations internationales dans lesquelles un pays peut entretenir des relations et même entrer en conflit non pas avec d’autres pays mais avec des institutions internationales, en l’occurrence des institutions financières (IFI) ; (2) la centralité de la question démocratique liée à celle de la souveraineté des pays. La Grèce constituerait une sorte d’exemple paradigmatique de ces deux approches.

Le texte articule une discussion intéressante autour de la tension inhérente entre le mécanisme de la dette et l’exercice souverain de la démocratie dans un pays. Les auteurs partent d’une définition généralement acceptée pendant longtemps de la doctrine de la dette odieuse élaborée par Alexander Nahum Sack basée sur trois critères, à savoir : que la dette ait été contractée sans le consentement de sa population ; qu’elle ait été utilisée contre les intérêts d’une partie ou de la totalité de la population ; que les créditeurs des fonds aient pleine conscience de cette situation.

Eric Toussaint, du CADTM, a démontré que cette définition communément admise constituait une version erronée de la doctrine telle qu’élaborée par Alexander Sack [1]. En particulier, le caractère despotique ou non du gouvernement ne constitue pas un critère en soi pour prouver qu’une dette puisse être considérée comme odieuse, de même l’absence de consentement de la population n’est pas un critère retenu par Sack. La véritable application de la doctrine concerne en réalité seulement l‘usage néfaste de la dette et la conscience de cet effet par les créanciers. L’application de ces deux critères est incontestable pour le cas grec : la dette accumulée par l’État de ce pays suite aux différents memoranda (dont le but officiel était de permettre son redressement économique) n’a mené qu’à un approfondissement de la crise économique et sociale. Howse et Salomon concentrent néanmoins leurs efforts à problématiser le caractère « despotique » de l’emprunt. Bien que nous ayons rappelé que l’efficacité de la doctrine ne dépend pas de ce critère, l’approche de Howse et Salomon permet toutefois d’aborder la question de la souveraineté dans le contexte néolibéral et constitue un élément sans doute aggravant dans l’hypothèse de l’application de la doctrine dans le cas grec.

Les auteurs soulignent que le gouvernement de Syriza n’exerçait pas un pouvoir despotique puisqu’il est issu d’une victoire électorale. Pourtant, ce gouvernement s’est trouvé sous une telle pression qu’il a été obligé d’appliquer des mesures économiques et relatives à l’endettement qui ont compromis l’avenir de la société grecque. Pour montrer cela, Howse et Salomon mettent les questions du respect de « l’idéal démocratique » et des droits humains au centre de l’explication. Pour rendre possible l’application du concept en tant que catégorie d’analyse, les auteurs ont recours aux droits humains, qui constituent un socle commun auquel il est possible de se référer. Et bien que le respect de ceux-ci ne présuppose pas de façon explicite un système politique déterminé, il va de soi pour les auteurs que pour qu’ils puissent être effectifs, il faut qu’un pays ait une capacité d’action et donc qu’il dispose d’une autonomie suffisante. Ce sont deux éléments essentiels pour que les citoyens puissent être en mesure de demander des comptes à leur propre gouvernement :

« la force normative de la doctrine de la dette odieuse vient de la primauté de l’idéal démocratique : lorsque la dette a été contractée, non seulement elle l’a été par un gouvernement non représentatif, mais elle a servi les objectifs de ce gouvernement en niant la liberté politique du peuple. [2] »

C’est dans cette logique que, pour Salomon et Howse, dans l’analyse de la dette, il faut déplacer le curseur du caractère nécessairement despotique d’un régime vers la capacité d’action et les marges de manœuvre des gouvernements dans un contexte historique où les capitaux financiers internationaux ont un rôle politique déterminant. Les situations « d’exceptionnalité démocratique » à laquelle peuvent mener les pouvoirs financiers empêchent qu’on puisse demander des comptes à un gouvernement. Voici quelques extraits qui illustrent cette approche :

« Comme nous pouvons le voir de la manière la plus frappante dans le cas récent de la Grèce, la dette souveraine peut provoquer un état d’urgence ou d’exception lorsqu’un État démocratique est mis sous la tutelle de créanciers étrangers – qu’il s’agisse d’institutions gouvernementales ou d’acteurs privés – qui sont en mesure de menacer l’État de faillite financière s’il refuse ces limites à l’autodétermination démocratique. En d’autres termes, la dette peut être contractée par un État non oppressif à des fins non oppressives, mais néanmoins, pendant une période de crise et souvent bien au-delà, la dépendance vis-à-vis d’acteurs extérieurs tels que les créanciers, y compris les institutions financières internationales (IFI), peut fondamentalement entraver ou atténuer la démocratie [3].

[…]

Le droit international des droits de l’homme cherche alors à protéger les moyens par lesquels la population peut faire entendre sa voix (droit à la participation) et délimite les groupes (minorités, enfants, etc.) et les domaines (logement, alimentation, interdiction des traitements inhumains et dégradants, etc.) que toute forme de gouvernement devrait protéger et promouvoir, dans un système de reddition de comptes [4].

[…]

Dans le cas récent de la Grèce, où les implications procédurales et substantielles de la dette accumulée depuis 2010 auprès du FMI et de la zone euro sont sans aucun doute en contradiction avec les attentes modernes de justice et d’équité dans les affaires internationales, avec les droits humains et avec les aspects qui animent le concept de la dette odieuse, le gouvernement n’a pas utilisé les termes de la dette odieuse lorsqu’il tentait de renégocier la dette du pays. Ceci malgré le fait que la Commission d’audit de la dette grecque avait conclu que la dette était odieuse et avait fourni à l’équipe de négociation les arguments juridiques nécessaires à cette fin [5]. »

Cette approche toutefois est à un double tranchant : elle peut permettre d’identifier comment la dette pousse à annuler les mécanismes de la « démocratie représentative » et en même temps excuser le manque d’action d’un gouvernement. Nous nous trouvons face à un paradoxe dans ce texte. Ainsi, d’un côté, les auteurs font référence à Maurizio Lazaratto afin de souligner l’autoritarisme et les formes de domination qui découlent du mécanisme de la dette. D’un autre côté, ils soulignent que, sous la menace d’un « chaos bancaire », le gouvernement de Syriza en 2015 n’avait pas de véritable choix et était poussé à accepter les conditions de la Troïka. L’issue à cette situation se trouverait dans la qualification d’une partie de la dette comme étant « odieuse » :

« À notre avis, pour remédier au caractère odieux de cette dette, il faut rétablir les possibilités d’une politique publique légitime et démocratique qui ont été volées par l’état d’exception découlant de la crise de la dette souveraine. Cela pourrait comprendre le renversement des réformes imposées par les acteurs extérieurs ou du moins leur assujettissement à de nouveaux processus démocratiques ; cela peut également comprendre l’affirmation de la répudiation d’au moins une partie de la dette, si cela est nécessaire pour mettre en œuvre des politiques de redistribution, ou la récupération de biens publics, ou d’autres politiques démocratiquement légitimes qui ont été contrecarrées ou bloquées par les contraintes imposées par des acteurs extérieurs sous la menace de l’utilisation de moyens de pression – conférés par leurs rôles de créanciers ou d’intermédiaires – faisant porter un danger immédiat à la survie financière et économique du pays en question. [6] »

Ce dernier passage montre clairement une fois de plus les tensions qui animent le texte. D’un côté, on souligne la nécessité d’appliquer la doctrine de la dette odieuse et donc on affirme que la conséquence de cette application devrait être la répudiation « d’au moins une partie de la dette ». De l’autre côté, la tendance constante des auteurs à se focaliser sur l’hégémonie surplombante des capitaux et institutions financières sur les États conduit à une négation de la capacité politique non seulement du gouvernement mais aussi (et surtout) de la population. Ainsi, les auteurs soulignent l’importance du référendum de juillet 2015 pour le renforcement de la démocratie grecque mais évacuent toute perspective de désobéissance aux IFI. Dans la volonté de mettre à jour leur conception de la doctrine de la dette odieuse, les auteurs renforcent les limites de l’approche de Sack, identifiées par Éric Toussaint :

« L’expérience accumulée depuis que Sack a mené ses travaux conduit à modifier plusieurs des choix opérés par Sack. Un des points fondamentaux qu’il faut rejeter dans sa position, laquelle est cohérente avec l’ordre dominant, c’est le principe de la continuité des obligations des États à l’égard des créanciers même en cas de changement de régime. Certes, Sack est en faveur d’ajouter une exception – la dette odieuse – mais c’est insuffisant. Un autre point qu’il faut rejeter dans la position de Sack, c’est le soutien au système de crédit international tel qu’il existe. Enfin, Sack considère qu’un État souverain ne peut pas répudier des dettes qu’il a identifiées comme odieuses sans l’accord préalable d’un tribunal international qu’il s’agirait de mettre en place (voir le passage déjà mentionné dans lequel Sack écrit : Le nouveau gouvernement devrait prouver et un tribunal international reconnaître comme établi : a) Que les besoins, en vue desquels l’ancien gouvernement avait contracté la dette en question, étaient « odieux » et franchement contraires aux intérêts de la population de tout ou partie de l’ancien territoire, et b) Que les créanciers, au moment de l’émission de l’emprunt, avaient été au courant de sa destination odieuse.). Depuis que Sack a fait cette proposition, aucun tribunal international en matière de dette n’a été mis en place. De nombreuses propositions ont été faites, mais aucune n’a abouti. L’expérience démontre qu’il faut opter pour une autre voie : l’État souverain qui est confronté à une dette odieuse doit et peut prendre un acte unilatéral de répudiation de cette dette. [7] »

Des limites que nous retrouvons dans la démarche des auteurs du texte où ils reproduisent, dans une mesure moindre que Sack, une articulation rhétorique qui intègre la dette odieuse comme moyen de stabilisation du capitalisme.
En conclusion, malgré le fait que le critère « despotique » du gouvernement ne soit pas constituant de la doctrine de la dette odieuse, l’apport de Salomon et Howse permet de mieux percevoir les mécanismes de domination financière exercés sur un pays par les IFI, de fournir davantage d’arguments pour demander l’annulation de la dette grecque. Des arguments qui peuvent renforcer la défense d’une politique de désobéissance vis-à-vis de la Troïka, seul moyen pour que le peuple grec puisse se débarrasser du fardeau que constitue cette dette illégitime.



Notes

[1] http://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-selon-Alexandre-Sack-et-selon-le-CADTM

[2] Odious Debt, Adverse Creditors, and the Democratic Ideal, page 2 (traduit de l’anglais)

[3] Idem.

[4] Ibid., page 8.

[5] Ibid., page 17

[6] Ibid, Page 4

[7] http://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-selon-Alexandre-Sack-et-selon-le-CADTM

Source http://www.cadtm.org/Peut-on-appliquer-la-doctrine-de-la-dette-odieuse-sans-remettre-en-question-les-17285#nb2

La BCE Face à ses limites

La BCE face à ses limites Par Martine Orange

Trois mois après avoir annoncé sa volonté de revenir à la normale, la BCE fait demi-tour : elle reprend une partie de sa politique monétaire accommodante pour contrer une conjoncture européenne qui se dégrade rapidement. Les banques et la zone euro ne se sont toujours pas remises de la crise. Elles risquent de ne pas être en état de faire face à une récession.

Ce n’était sans doute pas la performance que Mario Draghi rêvait de réaliser : il va être le seul président de la Banque centrale européenne (BCE) à avoir passé ses huit années de mandat sans jamais augmenter les taux d’intérêt.

Début décembre, il espérait encore finir son mandat en octobre 2019 en ayant normalisé la politique monétaire de la zone euro. Il avait annoncé la fin de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing ou rachat des dettes sur le marché) et prévoyait d’augmenter les taux d’intérêt – à zéro, voire négatifs pour les dépôts depuis des années – avant l’automne.

Trois mois après, tout est oublié. La BCE exclut de remonter ses taux directeurs, au moins jusqu’en 2020. L’institution ressort aussi une partie de ses armes monétaires, estimant que la zone euro a besoin de ces béquilles pour ne pas vaciller.

Pour justifier ce tête-à-queue, le président de la BCE a invoqué le cas de force majeure. « Les perspectives de croissance à court terme sont

Les prévisions économiques révisées de la BCE.
  Les prévisions économiques révisées de la BCE.
inférieures aux anticipations, notamment dans l’industrie », a-t-il expliqué. Les incertitudes géopolitiques, la montée du protectionnisme, le ralentissement de plus en plus marqué de l’économie chinoise, le Brexit, les crispations politiques en Europe s’additionnent, selon la BCE, pour tirer la conjoncture européenne vers le bas. Après l’OCDE, l’institution monétaire a révisé « substantiellement » à la baisse toutes ses prévisions : alors qu’elle tablait encore sur une croissance de 1,7 % en décembre, elle ne prévoit plus que 1,1 %, au mieux.                                                   
La brutalité de ces révisions a surpris de nombreux observateurs. Elles pourraient pourtant se révéler encore trop optimistes : le ralentissement économique en Europe est plus sévère qu’attendu, mais il ne date pas du début de l’année, contrairement à ce que la BCE veut faire croire. Il a commencé au tournant de l’été 2018, frappant d’abord le cœur de la zone euro : l’Allemagne.

La machine à exporter allemande est touchée. Depuis cet été, l’industrie allemande voit ses carnets de commande chuter. En janvier, les commandes à l’industrie ont encore baissé de 2,6 %, alors que les prévisions tablaient plutôt sur une diminution de 0,5 %. Les seules commandes en provenance de l’étranger affichent une chute de 5,6 %.

 © Reuters
    © Reuters
Grande bénéficiaire de l’expansion économique chinoise, l’Allemagne ressent durement depuis quelques mois les effets conjugués du ralentissement chinois, des tensions commerciales provoquées par Donald Trump et de la baisse de la demande en Europe. Facteur aggravant : le secteur automobile, pilier de l’industrie allemande, est entré dans une crise profonde liée à la fin du diesel, mais plus globalement à une remise en cause du rôle de l’automobile dans la société, alors que le réchauffement climatique menace.                                                                   

L’ébranlement du modèle allemand commence à susciter un vaste débat politique outre-Rhin. Certains sujets ne sont plus tabous. Le ministre de l’économie, Peter Altmaier, a ainsi commencé à parler de l’intérêt d’une politique industrielle, soutenue par l’État, visant à développer l’industrie du futur. Le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, jusqu’alors considéré comme le gardien du temple de l’orthodoxie monétaire, a déclaré la semaine dernière ne plus être opposé à une politique monétaire plus lâche pour soutenir l’économie, « compte tenu des circonstances ».
Les pouvoirs publics, hostiles depuis des années à tout relâchement salarial, ont accepté une revalorisation salariale de 8 % sur plusieurs années – dont 3,2 % dès cette année – pour tous les salariés de la fonction publique, beaucoup étant sous contrat privé. Le soutien à une demande intérieure, négligée depuis plus d’une décennie, revient dans les discussions, alors que l’économie perd de sa vitesse. Selon les prévisions de l’OCDE, la croissance allemande ne devrait pas dépasser les 0,7 % cette année.

Pour l’Italie, la situation est encore plus difficile : le pays est en récession. Alors que ses exportations ralentissent, il n’existe aucune dynamique interne pour soutenir l’activité économique. Les Pays-Bas, quant à eux, s’inquiètent du contrecoup d’une sortie anarchique du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’Espagne voit ses perspectives s’assombrir. Il n’y a guère que la France, dont l’activité est soutenue en partie par les mesures prises en réponse à la révolte des « gilets jaunes », qui résiste à peu près.

Ce ralentissement général de la zone euro, qui intervient après à peine 18 mois de rebond, se lit en reflet dans le crédit. Si la demande de crédit reste encore assez soutenue en France et en Allemagne, dans les pays de l’Europe du Sud, le resserrement est très net. « L’impulsion du crédit était quasi nulle au quatrième trimestre 2018 en Italie et s’enfonce plus loin en territoire négatif en Espagne, à −2,1 % du PIB, un niveau qui n’avait plus été observé depuis la fin de l’année 2013. […] Il y a fort à parier que ce resserrement du crédit pèsera sur la demande intérieure dans la mesure où cette dernière est fortement corrélée à l’impulsion du crédit », soulignait il y a quelques jours une note de Saxobank.

Face à cette nouvelle montée des risques récessifs, la BCE a pour la première fois préféré agir préventivement plutôt que d’agir en réaction, comme par le passé. À défaut d’autres moyens, elle a choisi de reprendre son programme de refinancement à long terme des banques (TLTRO : Target long-term refinancing operations) à partir de septembre 2019.

Les relations des banques avec la BCE par pays (en bleu, les financements obtenus auprès de la Banque centrale, en vert, les dépôts de liquidités à la Banque centrale). Les relations des banques avec la BCE par pays (en bleu, les financements obtenus auprès de la Banque centrale, en vert, les dépôts de liquidités à la Banque centrale).

Cet outil permet aux banques de se refinancer directement auprès de la Banque centrale européenne, ce qui leur fait bénéficier de conditions de financement beaucoup plus basses que celles du marché. Deux opérations de TLTRO ont déjà été lancées, l’une en 2014, l’autre en 2016. Cette dernière devait s’achever fin juin. Les banques, notamment en Espagne et en Italie, qui dépendent beaucoup des financements de la BCE, risquaient alors de rencontrer des difficultés à lever des fonds sur le marché, ou à un prix tel qu’il aurait conduit à un nouveau resserrement du crédit. Au risque de provoquer ou d’aggraver le ralentissement économique.En ouvrant un troisième programme, la BCE tente de prévenir le péril. Ce programme, toutefois, se veut moins généreux que le précédent, en plafonnant l’accès des banques au guichet de l’institution monétaire. Surtout, il laisse une période de latence entre juin et septembre, qui ne laisse pas d’inquiéter les observateurs financiers. Que se passera-t-il pendant ces trois mois ? Comment les banques se refinanceront-elles à ce moment-là ?

Ces incertitudes ont été repérées par les financiers. Ceux-ci semblent trouver les nouvelles mesures à la fois inquiétantes et insuffisantes. Mais la BCE ne peut faire plus. Elle touche désormais aux limites d’une politique monétaire, qui ne peut s’appuyer sur aucun autre soutien – ni budgétaire, ni fiscal, ni d’investissement –, compte tenu du refus collectif des États membres d’envisager autre chose que l’austérité et la discipline budgétaire. Elle a utilisé depuis 2011 tous les moyens – taux zéro, refinancement automatique, rachats de dettes… – qu’elle avait à sa disposition, dans la limite de son mandat, sans parvenir à rétablir la solidité des banques et surtout, plus largement, de la zone euro.

Dix ans après la crise, en dépit des milliards injectés, le système bancaire européen n’est toujours pas réparé. Les banques sont toujours aussi fragiles, aussi dépendantes du soutien de la Banque centrale. Les disparités mêmes n’ont cessé de se creuser entre les banques dites des pays périphériques – Espagne et Italie – et celles du cœur de la zone – France et Allemagne (à l’exception notable cependant de la Deutsche Bank, qui ne se relève pas de ses turpitudes passées et continue de poser un problème systémique gigantesque pour toute la zone).Ce sont les mêmes disparités que l’on retrouve au niveau économique. Car au-delà des banques, c’est l’ensemble de la zone euro qui reste en souffrance. Les choix politiques de renoncer à toute intervention collective publique, à toute dépense et investissement publics, de préférer financer la dette privée plutôt que la dette publique, de poursuivre des dévaluations internes se sont traduits par une croissance anémiée, un taux de chômage élevé, un exode de la jeunesse sans précédent dans les pays les plus touchés, un sous-investissement massif. La zone euro ne s’en est pas remise.

Elle n’est pas aujourd’hui en état de faire face à une récession, si celle-ci advient, comme d’aucuns le redoutent. Et la BCE, qui a épuisé l’essentiel de ses instruments, pourrait ne plus être en mesure de jouer les paratonnerres. C’est cela aussi que dit l’intervention de Mario Draghi, ce jeudi 7 mars. Comme une dernière tentative pour conjurer le sort.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/080319/la-bce-face-ses-limites?onglet=full

UE: La discrétion de la BCE sur la Grèce validée en justice

Par Agence Reuters

Une juridiction européenne a débouté mardi des plaignants qui voulaient avoir accès à un important document de la Banque centrale européenne (BCE) explicitant sa décision de geler un financement vital pour les banques grecques en 2015, ce qui fut un tournant dans la crise financière du pays.

 

FRANCFORT (Reuters) – Une juridiction européenne a débouté mardi des plaignants qui voulaient avoir accès à un important document de la Banque centrale européenne (BCE) explicitant sa décision de geler un financement vital pour les banques grecques en 2015, ce qui fut un tournant dans la crise financière du pays.

L’ex-ministre des Finances grec Yanis Varoufakis et le parlementaire allemand Fabio De Masi souhaitaient consulter un document juridique à l’appui de la décision de la BCE laquelle, estiment-ils, était illégitime et n’avait pour seul but que de faire plier la Grèce lors des négociations avec ses créanciers internationaux.

Le Tribunal a estimé que la BCE avait eu raison de leur refuser l’accès à ce document afin de protéger son « espace de pensée ».

Varoufakis et De Masi ont deux mois pour faire appel.

La décision de la BCE de geler un versement destiné aux banques grecques – dans le cadre d’un mécanisme dit de fourniture de liquidité d’urgence (ELA) – avait obligé le gouvernement du Premier ministre Alexis Tsipras à les fermer momentanément et à imposer un contrôle des changes, mettant l’économie grecque à genoux et affaiblissant d’autant la position d’Athènes face à ses créanciers.

Varoufakis, tenant d’une ligne dure face aux créanciers, finit par démissionner et Tsipras en arriva à conclure un accord avec l’Union européenne par lequel la Grèce recevait des fonds en échange de mesures d’austérité et de réformes.

Face à la fin de non-recevoir de la BCE, Varoufakis et De Masi avaient saisi le Tribunal.

La BCE n’était pas disponible dans l’immédiat mais un porte-parole avait dit précédemment que le document juridique avait précédé la décision de la banque centrale d’au moins deux mois, ajoutant que la BCE avait décidé de ne pas le rendre public pour protéger ses conseillers juridiques et ne pas exposer ses délibérations internes.

Les dispositions de la BCE relatives à l’ELA, publiées en 2017, interdisent aux banques centrales nationales de fournir de la liquidité d’urgence si cela remet en cause la stabilité des prix et le système de paiements de la zone euro.

Source https://www.mediapart.fr/journal/international/120319/ue-la-discretion-de-la-bce-sur-la-grece-validee-en-justice

Solidarité dans la crise, justice pour la Grèce

Adressée aux gouvernements de la zone euro, au président de l’Eurogroupe Mário Centeno, et au président de la Banque centrale européenne Mario Draghi

Pétition

Nous soutenons la Grèce, nous exigeons une action en faveur d’une reprise économique prenant vraiment en compte la vie et la dignité des gens. En commençant par leur rendre les intérêts générés par les bons du trésor grecs.

Pourquoi c’est important?

Le peuple grec s’est vu écrasé par la pression des clauses d’austérité. Les hôpitaux peuvent à peine dispenser les soins de base, avec une infirmière pour 40 patients [1]. Les salaires continuent de dégringoler. Les retraites ont été plusieurs fois réduites depuis 2010 [2]. Le chômage a plus que doublé [3].

Et l’argent du plan de sauvetage était censé « aider » la Grèce à sortir de cette situation ? Les pays de la zone euro en ont tiré des milliards d’euros de bénéfices [4].

Mais les ministres des finances européens ont le pouvoir de changer de cap. Si nous leur montrons que les Européens ne veulent pas profiter du désespoir de la Grèce, ils ne pourront plus agir à leur guise et en notre nom.

La Banque Centrale Européenne a commencé à acheter des bons du trésor grecs en 2010, quand le pays a eu besoin d’un premier prêt. Si la BCE n’achetait pas les titres, la Grèce aurait été obligée de faire baisser leur prix. Mais la BCE a empêché la Grèce de le faire, par une condition incluse dans le plan d’aide. Chaque année, ces bons surévalués génèrent un profit colossal, auparavant reversé à la Grèce [5].

Ça a changé en 2015, quand les Grecs ont voté contre les coupes budgétaires qui affectent leur vie quotidienne. Pour punir ce vote, la zone euro a décidé d’empocher les profits engendrés par les bons, au lieu de les reverser à la Grèce comme convenu au départ [6].

Après des années d’austérité, douze augmentations successives des impôts et autant de réductions drastiques des services publics, le peuple grec ne peut plus être exploité. Plus que jamais, le peuple grec a besoin de nous pour les soutenir.

Unis, nous pouvons agir pour que ces titres soient rétrocédés à la Grèce, et exiger que la reprise économique d’un pays prenne en compte la vie et la dignité des gens. Ensemble, nous avons le pouvoir de montrer au peuple grec que nous les soutenons. Et aux gouvernements que nous attendons de la solidarité, pas de l’exploitation.

REFERENCES

[1] “’Dans les hôpitaux grecs, «des malades renoncent à se soigner»” Libération, 14 Juin 2017. http://www.liberation.fr/planete/2017/06/14/dans-les-hopitaux-grecs-des-malades-renoncent-a-se-soigner_1576853

[2] “Grèce : les retraités en colère contre la 12ème baisse de leurs pensions” EuroNews, 4 Avril 2017. http://fr.euronews.com/2017/04/04/grece-les-retraites-en-colere-contre-la-12eme-baisse-de-leurs-pensions

[3] “Grèce. Le taux de chômage a dépassé la barre des 25%” France Info, 11 Octobre 2012. https://www.francetvinfo.fr/monde/grece/grece-le-taux-de-chomage-a-depasse-la-barre-des-25_153761.html

[4] “Comment la BCE a gagné « 7,8 milliards d’euros grâce à la dette grecque »” Le Monde, 26 October 2017. http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/10/26/comment-la-bce-a-gagne-7-8-milliards-d-euros-grace-a-la-dette-grecque_5206484_3234.html

[5] “ECB to swap Greek bonds to avoid forced losses -sources,” Reuters, 16 February 2012. https://www.reuters.com/article/us-ecb-greece/ecb-to-swap-greek-bonds-to-avoid-forced-losses-sources-idUSTRE81F1EK20120216

[6] “Depuis cinq ans, le malheur des Grecs fait les bénéfices… de l’Allemagne” Alternatives Economiques, 27 Aout 2015. https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2015/08/27/depuis-cinq-ans-le-malheur-des-grecs-fait-les-benefices-de-l-allemagne

Source https://act.wemove.eu/campaigns/Solidarit%C3%A9-dans-la-crise-justice-pour-la-Gr%C3%A8ce?utm_source=civimail-21737&utm_medium=email&utm_campaign=20190306_FR

Annulation dette allemande de 1953 et celle de la Grèce ?

Pourquoi l’annulation de la dette allemande de 1953 n’est pas reproductible pour la Grèce et les Pays en développement 26 février par Eric Toussaint

L’Allemagne a bénéficié à partir du 27 février 1953 d’une annulation de la plus grande partie de sa dette. Depuis cette annulation, qui a permis à l’économie de ce pays de reconquérir la place de principale puissance économique du continent européen, aucun autre pays n’a bénéficié d’un traitement aussi favorable. Il est très important de connaître le pourquoi et le comment de cette annulation de dette. Résumé de manière très concise : les grandes puissances créancières de l’Allemagne occidentale voulaient que l’économie de celle-ci soit réellement relancée et qu’elle constitue un élément stable et central dans la lutte entre le bloc atlantique et le bloc de l’Est.

Une comparaison entre le traitement accordé à l’Allemagne occidentale d’après-guerre et celui imposé aux Pays en développement ou à la Grèce d’aujourd’hui est révélateur de la politique du deux poids deux mesures pratiquée systématiquement par les grandes puissances.

L’allègement radical de la dette de la République fédérale d’Allemagne (RFA) et sa reconstruction rapide après la seconde guerre mondiale ont été rendus possibles grâce à la volonté politique des puissances créancières occidentales qui avaient remporté la seconde guerre mondiale, c’est-à-dire les États-Unis et leurs principaux alliés occidentaux, la Grande-Bretagne et la France. En octobre 1950, ces trois puissances alliées élaborent un projet dans lequel le gouvernement fédéral allemand reconnaît l’existence des dettes des périodes précédant et suivant la guerre. Les alliés y joignent une déclaration dans laquelle ils énoncent : « les trois pays sont d’accord que le plan prévoit un règlement adéquat des exigences avec l’Allemagne dont l’effet final ne doit pas déséquilibrer la situation financière de l’économie allemande via des répercussions indésirables ni affecter excessivement les réserves potentielles de devises. Les trois pays sont convaincus que le gouvernement fédéral allemand partage leur position et que la restauration de la solvabilité allemande est assortie d’un règlement adéquat de la dette allemande qui assure à tous les participants une négociation juste en prenant en compte les problèmes économiques de l’Allemagne » [1].

Il faut savoir que l’Allemagne nazie a suspendu le paiement de sa dette extérieure à partir de 1933 et n’a jamais repris les paiements, ce qui ne l’a pas empêché de recevoir un soutien financier et de faire des affaires avec de grandes entreprises privées des États-Unis – comme Ford, qui a financé le lancement de la Volkswagen (la voiture du peuple imaginée par le régime hitlérien), General Motors qui possédait la firme Opel, General Electric associée à AEG et IBM qui est accusée d’avoir « fourni la technologie » ayant aidé « à la persécution, à la souffrance et au génocide », avant et pendant la Seconde Guerre mondiale [2].

La dette réclamée à l’Allemagne concernant la période d’avant-guerre s’élevait à 22,6 milliards de marks, si on comptabilise les intérêts.

Une importante réduction des dettes contractées avant et après la guerre par l’Allemagne à des conditions exceptionnelles

La dette contractée dans l’après-guerre (1945-1952) était estimée à 16,2 milliards. Lors d’un accord conclu à Londres le 27 février 1953 [3], ces montants ont été ramenés à 7,5 milliards de marks pour la première et à 7 milliards de marks pour la seconde [4]. En pourcentage, cela représente une réduction de 62,6 %.

Les montants cités plus haut ne prennent pas en compte les dettes liées à la politique d’agression et de destruction menée par l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale, ni les réparations que les pays victimes de cette agression sont en droit de réclamer. Ces dettes de guerre ont été mises de côté, ce qui a constitué un énorme cadeau supplémentaire pour l’Allemagne de l’Ouest.

De surcroît, l’accord établissait la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions au cas où surviendrait un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources [5].

Les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes

Pour s’assurer de la bonne relance de l’économie de l’Allemagne occidentale et que ce pays constituera un élément stable et central dans le bloc atlantique face au bloc de l’Est, les Alliés créanciers vont faire des concessions très importantes aux autorités et aux entreprises allemandes endettées qui vont bien au-delà d’une réduction de dette. Les grosses entreprises industrielles allemandes comme AEG, Siemens, IG Farben (AGFA, BASF, Bayer et Hoechst), Krupp, Volkswagen, BMW, Opel, Mercedes Benz et également des sociétés financières de tout premier plan comme Deutsche Bank, Commerzbank, la société d’assurance Allianz ont été protégées et renforcées, bien qu’elles aient joué un rôle de premier plan dans le soutien au régime nazi et qu’elles aient été les complices du génocide des peuples juif et tsigane. Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des gouvernements des grandes puissances occidentales.

Le pouvoir du grand capital allemand est sorti intact de la seconde guerre mondiale grâce au soutien des grandes puissances occidentales.

En ce qui concerne le problème de la dette qui pouvait être réclamée à l’Allemagne, les alliés partent du principe que l’économie du pays doit être en capacité de rembourser, tout en maintenant un niveau de croissance élevé et une amélioration des conditions de vie de la population. Pour que l’Allemagne puisse rembourser sans s’appauvrir, il faut qu’elle bénéficie d’une très forte annulation de dette. Mais cela ne suffit pas. Comme l’histoire l’a montré, il faut que le pays retrouve une véritable marge de manœuvre et d’autonomie. Pour cela, les créanciers acceptent primo que l’Allemagne rembourse dans sa monnaie nationale, le deutsche mark, une partie importante de la dette qui lui est réclamée. Á la marge, elle rembourse en devises fortes (dollar, franc suisse, livre sterling…).

Secundo, alors qu’au début des années 1950, le pays a encore une balance commerciale négative (la valeur des importations dépassant celle des exportations), les puissances créancières acceptent que l’Allemagne réduise ses importations : elle peut produire elle-même des biens qu’elle faisait auparavant venir de l’étranger. En permettant à l’Allemagne de substituer à ses importations des biens de sa propre production, les créanciers acceptent donc de réduire leurs exportations vers ce pays. Or, 41 % des importations allemandes venaient de Grande-Bretagne, de France et des États-Unis pour la période 1950-51. Si on ajoute à ce chiffre la part des importations en provenance des autres pays créanciers participant à la conférence (Belgique, Hollande, Suède et Suisse), le chiffre total s’élève même à 66 %.

En cas de litige avec les créanciers, les tribunaux allemands sont compétents

Tertio, les créanciers autorisent l’Allemagne à vendre ses produits à l’étranger, ils stimulent même ses exportations afin de dégager une balance commerciale positive. Ces différents éléments sont consignés dans la déclaration mentionnée plus haut : « La capacité de l’Allemagne à payer ses débiteurs privés et publics ne signifie pas uniquement la capacité de réaliser régulièrement les paiements en marks allemands sans conséquences inflationnistes, mais aussi que l’économie du pays puisse couvrir ses dettes en tenant compte de son actuelle balance des paiements. L’établissement de la capacité de paiement de l’Allemagne demande de faire face à certains problèmes qui sont : 1. la future capacité productive de l’Allemagne avec une considération particulière pour la capacité productive de biens exportables et la capacité de substitution d’importations ; 2. la possibilité de la vente des marchandises allemandes à l’étranger ; 3. les conditions de commerce futures probables ; 4. les mesures fiscales et économiques internes qui seraient nécessaires pour assurer un superavit pour les exportations. » [6]

En outre, en cas de litige avec les créanciers, en général, les tribunaux allemands sont compétents. Il est dit explicitement que, dans certains cas, « les tribunaux allemands pourront refuser d’exécuter […] la décision d’un tribunal étranger ou d’une instance arbitrale. » C’est le cas, lorsque « l’exécution de la décision serait contraire à l’ordre public » (p. 12 de l’Accord de Londres).

Le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande

Autre élément très important : le service de la dette est fixé en fonction de la capacité de paiement de l’économie allemande, en tenant compte de l’avancée de la reconstruction du pays et de ses revenus d’exportation. Ainsi, la relation entre service de la dette et revenus d’exportations ne doit pas dépasser 5 %. Cela veut dire que l’Allemagne occidentale ne doit pas consacrer plus d’un vingtième de ses revenus d’exportation au paiement de sa dette. Dans la pratique, l’Allemagne ne consacrera jamais plus de 4,2 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette (ce montant est atteint en 1959). De toute façon, dans la mesure où une grande partie des dettes allemandes était remboursée en deutsche marks, la banque centrale allemande pouvait émettre de la monnaie, en d’autres mots : monétiser la dette.

Une mesure exceptionnelle est également décidée : on applique une réduction drastique des taux d’intérêts, qui oscillent entre 0 et 5 %.

L’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre

Une faveur d’une valeur économique énorme est offerte par les puissances occidentales à l’Allemagne de l’Ouest : l’article 5 de l’accord conclu à Londres renvoie à plus tard le règlement des réparations et des dettes de guerre (tant celles de la première que de la deuxième guerre mondiale) que pourraient réclamer à la RFA les pays occupés, annexés ou agressés.

Enfin, il faut prendre en compte les dons en dollars des États-Unis à l’Allemagne occidentale : 1,17 milliard de dollars dans le cadre du Plan Marshall entre le 3 avril 1948 au 30 juin 1952 (soit environ 12,5 milliards de dollars de 2019) auxquels s’ajoutent au moins 200 millions de dollars (environ de 2 milliards de dollars de 2019) entre 1954 et 1961 principalement via l’agence internationale de développement des États-Unis (USAID).

Grâce à ces conditions exceptionnelles, l’Allemagne occidentale se redresse économiquement très rapidement et finit par absorber l’Allemagne de l’Est au début des années 1990. Elle est aujourd’hui de loin l’économie la plus forte d’Europe.

Quelques éléments de comparaison

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette

Le résultat d’une première comparaison entre l’Allemagne occidentale d’après-guerre et les Pays en développement est éclairant. L’Allemagne, bien que meurtrie par la guerre, était économiquement plus forte que la plupart des PED actuels. Pourtant, on lui a concédé en 1953 ce qu’on refuse aux PED.

Part des revenus d’exportation consacrés au remboursement de la dette

L’Allemagne est autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette.

En 2017, les PED ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette

En 2017, les pays en développement ont dû consacrer en moyenne 14 % de leurs revenus d’exportation au paiement de la dette [7]. Pour les pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, ce chiffre a atteint 23,5 % en 2017. Quelques exemples de pays incluant des PED et des économies européennes périphériques : en 2017, ce chiffre atteignait 13 % pour l’Angola, 36 % pour le Brésil, 15 % pour la Bosnie, 21 % pour la Bulgarie, 41,6 % pour la Colombie, 17 % pour la Côte d’Ivoire, 21 % pour l’Ethiopie, 28,6 % pour le Guatemala, 34 % pour l’Indonésie, 70 % pour le Liban, 14 % pour le Mexique, 20 % pour le Nicaragua, 22,8 % pour le Pakistan, 21 % pour le Pérou, 22 % pour la Roumanie et la Serbie, 17 % pour la Tunisie, 40 % pour la Turquie.

Taux d’intérêt sur la dette extérieure

Dans le cas de l’accord de 1953 concernant l’Allemagne, le taux d’intérêt oscille entre 0 et 5 %.

En revanche, dans le cas des PED, les taux d’intérêt ont été beaucoup plus élevés. Une grande majorité des contrats prévoient des taux variables à la hausse.

Pour les PED, une grande majorité des contrats prévoient des taux d’intérêt beaucoup plus élevés et variables à la hausse

Entre 1980 et 2000, pour l’ensemble des PED, le taux d’intérêt moyen a oscillé entre 4,8 et 9,1 % (entre 5,7 et 11,4 % dans le cas de l’Amérique latine et de la Caraïbe et même entre 6,6 et 11,9 % dans le cas du Brésil, entre 1980 et 2004). Ensuite, le taux d’intérêt a été historiquement bas pendant la période 2004 à 2015. Mais la situation a commencé à se dégrader depuis 2016-2017 car le taux d’intérêt croissant fixé par la FED (le taux directeur de la FED est passé de 0,25 % en 2015 à 2,25 % en novembre 2018) et les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises étatsuniennes par Donald Trump entraînent un rapatriement de capitaux vers les États-Unis. Par ailleurs, les prix des matières premières ont eu une tendance à baisser ce qui diminue les revenus des pays en développement exportateurs de biens primaires et rend plus difficile le remboursement de la dette car celui-ci s’effectue principalement en dollars ou en d’autres monnaies fortes. En 2018, une nouvelle crise de la dette a touché directement des pays comme l’Argentine, le Venezuela, la Turquie, l’Indonésie, le Nigéria, le Mozambique, … De plus en plus de pays en développement doivent accepter des taux d’intérêt supérieurs à 7 %, voire à 10 %, pour pouvoir emprunter en 2019.

Monnaie dans laquelle la dette extérieure est remboursée

L’Allemagne était autorisée à rembourser une partie de sa dette avec sa monnaie nationale.

Aucun pays en développement n’est autorisé à faire de même sauf exception et pour des montants dérisoires. Tous les grands pays endettés doivent réaliser la totalité de leurs remboursements en devises fortes (dollar, euro, yens, franc suisse, livre sterling).

Clause de révision du contrat

Les créanciers ont le droit de réclamer des PED le paiement anticipé des sommes dues dans le futur

Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources.

Dans le cas des contrats de prêts avec les PED, les créanciers imposent qu’il n’y ait pas de clause de ce type. Pire, en cas de difficulté des PED, les créanciers ont le droit de réclamer le paiement anticipé des sommes dues dans le futur.

Politique de substitution d’importation

Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant.

Par contre, la Banque mondiale, le FMI et les grandes puissances imposent aux PED de renoncer à produire sur place ce qu’ils pourraient importer.

Dons en devises (en cash)

L’Allemagne, pourtant à l’origine de la deuxième guerre mondiale, a bénéficié de dons importants en devises dans le cadre du Plan Marshall et près celui-ci.

Les PED dans leur ensemble, à qui les pays riches ont promis assistance et coopération, reçoivent une aumône sous forme de dons en devises. Alors que collectivement, ils remboursent plus de 500 milliards de dollars par an, ils reçoivent en cash nettement moins que 100 milliards de dollars.

Les créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal

Incontestablement, le refus d’accorder aux PED endettés le même type de concessions qu’à l’Allemagne indique que les créanciers n’ont pas pour objectif le désendettement de ces pays. Bien au contraire, ces créanciers s’attachent à maintenir les PED dans un endettement structurel de manière à en tirer un revenu permanent maximal à travers le paiement des intérêts de leur dette, à leur imposer des politiques conformes aux intérêts des prêteurs et à s’assurer de la loyauté de ces pays au sein des institutions internationales.

Allemagne 1953 / Grèce 2010-2019

Si nous risquons une comparaison entre le traitement auquel la Grèce est soumise et celui qui a été réservé à l’Allemagne après la seconde guerre mondiale, les différences et l’injustice sont frappantes. En voici une liste non-exhaustive en 11 points :

1.- Entre 2010 et 2019, la dette en pourcentage du PIB grec n’a cessé d’augmenter, elle est passée d’environ 110 % à 180 %

La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers

2.- Les conditions sociales et économiques qui sont assorties à l’intervention de la Troïka depuis 2010 ne favorisent en rien la relance de l’économie grecque alors que l’Allemagne a bénéficié de mesures qui ont contribué largement à relancer son économie. Le produit intérieur brut de la Grèce a chuté d’environ 30 % entre 2010 et 2016 en conséquence des mémorandums qui lui ont été imposés. En comparaison la croissance du PIB de l’Allemagne occidentale a été phénoménale entre 1953 et 1960.

3.- La Grèce se voit imposer des privatisations au bénéfice des investisseurs étrangers principalement alors qu’à l’inverse l’Allemagne était encouragée à renforcer son contrôle sur les secteurs économiques stratégiques, avec un secteur public en pleine croissance et de grandes entreprises privées qui restaient sous le contrôle stratégique du capital allemand.

4.- Les dettes bilatérales de la Grèce (vis-à-vis des pays qui ont participé au plan imposé par la Troïka) n’ont pas été réduites alors que les dettes bilatérales de l’Allemagne (à commencer par celles contractées à l’égard des pays que le Troisième Reich avait agressés, envahis voire annexés) étaient réduites de 60 % ou plus.

5. – La Grèce doit rembourser en euros alors qu’elle est en déficit commercial (donc en manque d’euros) avec ses partenaires européens (notamment l’Allemagne et la France), alors que l’Allemagne remboursait l’essentiel de ses dettes en deutsche marks fortement dévalués.

Le fait de rembourser une partie importante de sa dette en deutsche marks permettait à l’Allemagne de vendre plus facilement ses marchandises à l’étranger. Prenons l’exemple des importantes dettes de l’Allemagne à l’égard de la Belgique et de la France après la seconde guerre mondiale : l’Allemagne était autorisée à les rembourser en deutsche marks. Or que pouvait faire la Belgique et la France avec ces deutsche marks sinon les dépenser en achetant des produits fabriqués en Allemagne, ce qui a contribué à refaire de l’Allemagne une grande puissance exportatrice.

6. – La banque centrale grecque ne peut pas prêter de l’argent au gouvernement grec alors que la Banque centrale allemande (Bundesbank) prêtait aux autorités de l’Allemagne occidentale et faisait fonctionner (certes modérément) la planche à billets.

7. – L’Allemagne était autorisée à ne pas consacrer plus de 5 % de ses revenus d’exportation au paiement de la dette alors qu’aucune limite n’est fixée dans le cas actuel de la Grèce.

Les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni sont compétentes pour les titres de la dette grecque

8. – Les nouveaux titres de la dette grecque qui remplacent depuis 2012 les anciens dus aux banques ne sont plus de la compétence des tribunaux grecs, ce sont les juridictions du Luxembourg et du Royaume-Uni qui sont compétentes (et on sait combien celles-ci sont favorables aux créanciers privés) alors que les tribunaux de l’Allemagne (cette ancienne puissance agressive et envahissante) étaient compétents.

9. – En matière de remboursement de la dette extérieure, les tribunaux allemands pouvaient refuser d’exécuter des sentences des tribunaux étrangers ou des tribunaux arbitraux au cas où leur application menaçait l’ordre public. En Grèce, la Troïka refuse que des tribunaux puissent invoquer l’ordre public pour suspendre le remboursement de la dette. Or, les énormes protestations sociales et la montée des forces néo-nazies sont directement la conséquence des mesures dictées par la Troïka et par le remboursement de la dette. Pourtant, malgré les protestations de Bruxelles, du FMI et des « marchés financiers » que cela provoquerait, les autorités grecques pourraient parfaitement invoquer l’état de nécessité et l’ordre public pour suspendre le paiement de la dette et abroger les mesures antisociales imposées par la Troïka.

10.- Dans le cas de l’Allemagne, l’accord établit la possibilité de suspendre les paiements pour en renégocier les conditions si survient un changement substantiel limitant la disponibilité des ressources. Rien de tel n’est prévu pour la Grèce.

L’Allemagne a reçu des dons considérables dans le cadre du Plan Marshall.

11. – Dans l’accord sur la dette allemande, il est explicitement prévu que le pays puisse produire sur place ce qu’il importait auparavant afin d’atteindre un superavit commercial et de renforcer ses producteurs locaux. Or la philosophie des accords imposés à la Grèce et les règles de l’Union européenne interdisent aux autorités grecques d’aider, de subventionner et de protéger ses producteurs locaux, que ce soit dans l’agriculture, l’industrie ou les services, face à leurs concurrents des autres pays de l’UE (qui sont les principaux partenaires commerciaux de la Grèce).

On pourrait ajouter que l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale, a reçu des dons dans une proportion considérable, notamment, comme on l’a vu plus haut, dans le cadre du Plan Marshall.

Les mensonges concernant l’aide à la Grèce

Hans-Werner Sinn [8], un des économistes influents en Allemagne, conseiller du gouvernement d’Angela Merkel, n’hésitait pas en 2012 à mentir en affirmant : « La Grèce a bénéficié d’une aide extérieure de 460 milliards d’euros au travers de diverses dispositions. L’aide apportée jusqu’ici à la Grèce représente donc l’équivalent de 214 % de son PIB, soit environ dix fois plus que ce dont l’Allemagne a bénéficié grâce au plan Marshall. Berlin a apporté environ un quart de l’aide fournie à la Grèce, soit 115 milliards d’euros, ce qui représente au moins dix plans Marshall ou deux fois et demi un Accord de Londres. » [9]

Tout ce calcul est faux. La Grèce n’a pas du tout reçu un tel montant de financement et ce qu’elle a reçu ne peut pas être sérieusement considéré comme de l’aide, au contraire.

L’Allemagne n’a payé à la Grèce que le soixantième de ce qu’elle lui doit en réparation pour les dévastations de l’occupation

Hans-Werner Sinn met de manière scandaleuse sur le même pied l’Allemagne au sortir de la seconde guerre mondiale que les dirigeants nazis avaient provoquée et la Grèce des années 2000. En outre, il fait l’impasse sur les sommes réclamées à juste titre par la Grèce à l’Allemagne suite aux dommages subis pendant l’occupation nazie [10] ainsi que l’emprunt forcé que l’Allemagne nazie a imposé à la Grèce. Selon la commission du parlement grec qui a travaillé sur ces questions en 2015, la dette de l’Allemagne à l’égard de la Grèce s’élève à plus de 270 milliards d’euros [11]. Comme l’écrit le site A l’encontre sur la base des travaux de Karl Heinz Roth, historien du pillage de l’Europe occupée par l’Allemagne nazie [12] : « L’Allemagne n’a payé à la Grèce que la soixantième partie (soit 1,67 %) de ce qu’elle lui doit comme réparation des dévastations de l’occupation entre 1941 et 1944. ». [13]

1. Les plans d’« aide » à la Grèce ont servi les intérêts des banques privées, pas ceux du peuple grec

Les plans d’« aide » mis en place depuis mai 2010 ont d’abord servi à protéger les intérêts des banques privées des pays les plus forts de la zone euro, principalement les grandes banques allemandes et françaises, qui avaient augmenté énormément leurs prêts tant au secteur privé qu’aux pouvoirs publics grecs au cours des années 2000. Les prêts accordés à la Grèce par la Troïka depuis 2010 ont servi à rembourser les banques privées occidentales et à leur permettre de se dégager en limitant au minimum leurs pertes.

2. Les prêts accordés à la Grèce rapportent de l’argent… hors de Grèce !

Les prêts accordés à la Grèce sous la houlette de la Troïka rapportent des intérêts conséquents aux prêteurs. Les différents pays qui participent à ces prêts ont gagné de l’argent sur le dos du peuple grec. Quand le premier plan de prêt de 110 milliards d’euros a été adopté, Christine Lagarde, alors ministre des finances de la France [14], a fait observer publiquement que la France prêtait à la Grèce à un taux de 5 % alors qu’elle empruntait elle-même à un taux nettement inférieur.

La situation était tellement scandaleuse (un taux élevé a aussi été appliqué à l’Irlande à partir de novembre 2010 et au Portugal à partir du mai 2011) que les gouvernements prêteurs et la Commission européenne ont décidé en juillet 2011 que le taux exigé de la Grèce devait être réduit [15].

Les bénéfices tirés par la France du sauvetage de la Grèce représentent une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !Sous les protestations du gouvernement grec et face au profond mécontentement populaire qui s’est exprimé par de fortes mobilisations sociales en Grèce, les pays prêteurs ont fini par décider de ristourner à la Grèce une partie des revenus qu’ils tirent des crédits octroyés à Athènes [16]. Mais il faut préciser que les revenus sont ristournés au compte-gouttes et une partie importante d’entre eux ne seront jamais rendus. Pascal Franchet et Anouk Renaud, du CADTM, ont calculé les bénéfices tirés par la France du soi-disant Sauvetage de la Grèce. Ils considèrent qu’il s’agit d’une arnaque à plus de 3 milliards d’euros !

De mon côté, j’ai dénoncé les profits odieux que fait la BCE sur le dos du peuple grec.

3. La crise de la zone euro a fait baisser le coût de la dette pour l’Allemagne et les autres pays forts

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les pays qui dominent la zone euro tirent profit du malheur de ceux de la périphérie (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, pays de l’ex bloc de l’Est membres de l’UE). L’aggravation de la crise de la zone euro, due à la politique menée par ses dirigeants et non à cause de phénomènes extérieurs, entraîne un déplacement des capitaux de la Périphérie vers le Centre. L’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Finlande, le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique en bénéficient grâce à une réduction très forte du coût du financement de leurs dettes.

Le 1er janvier 2010, avant que n’éclatent la crise grecque et celle de la zone euro, l’Allemagne devait garantir un taux d’intérêt de 3,4 % pour émettre des bons à 10 ans alors que le 23 mai 2012, le taux à 10 ans était passé à 1,4 %. Cela correspond à une diminution de 60 % du coût du financement [17]. Selon le quotidien financier français Les Échos, « un calcul approximatif montre que les économies générées grâce à la baisse des taux du coût de financement depuis 3 ans s’élèvent à 63 milliards d’euros » [18]. Somme à comparer aux 15 milliards (sur 110 répartis entre les différents créanciers) effectivement prêtés (avec intérêt – voir plus haut) par l’Allemagne entre mai 2010 et décembre 2011 à la Grèce dans le cadre de sa contribution au premier plan d’« aide » de la Troïka.

La Grèce permet à l’Allemagne et aux pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables

Nous avons évoqué les taux à 10 ans et à 6 ans payés par l’Allemagne pour emprunter. Si on prend le taux à 2 ans, l’Allemagne a émis des titres de cette maturité le 23 mai 2012 à un taux d’intérêt nul [19]. Début 2012, l’Allemagne a emprunté à 6 mois la somme de 3,9 milliards d’euros à un taux d’intérêt négatif. A ce propos, Le Soir écrivait le 23 mai 2012 : « les investisseurs vont recevoir au terme de ces six mois un tout petit peu moins (0,0112 %) que ce qu’ils ont prêté » [20].

S’il y avait une once de vérité de vérité dans le flot de mensonges à propos de la Grèce (du Portugal, de l’Espagne…), on pourrait lire que la Grèce permet à l’Allemagne et aux autres pays forts de la zone euro d’épargner des sommes considérables. La liste des avantages tirés par l’Allemagne et les autres pays du Centre doit être complétée par les éléments suivants.

4. Programme de privatisation dont bénéficient les entreprises privées des pays du Centre

Les politiques d’austérité imposées à la Grèce contiennent un vaste programme de privatisations [21] dont les grands groupes économiques, notamment allemands et français, tirent profit car les biens publics sont vendus à des prix bradés.

5. Les sacrifices imposés aux travailleurs permettent de contenir une poussée revendicative dans les pays du Centre

Les reculs sociaux infligés aux travailleurs grecs (mais aussi portugais, irlandais, espagnols…) mettent sur la défensive les travailleurs d’Allemagne, des Pays-Bas, d’Autriche, de France, de Belgique… Leurs directions syndicales craignent de monter au combat. Elles se demandent comment revendiquer des augmentations salariales si dans un pays comme la Grèce, membre de la zone euro, on diminue le salaire minimum légal de 20 % ou plus. Du côté des directions syndicales des pays nordiques (Finlande notamment), on constate même avec consternation qu’elles considèrent qu’il y a du bon dans le TSCG et les politiques d’austérité car ils sont censés renforcer la saine gestion du budget des États.

Un accord du type de celui de Londres de 1953 ne pourra être obtenu que suite à des batailles

En octobre 2014, j’ai été interviewé par un important quotidien grec Le Journal des Rédacteurs concernant l’accord de Londres de 1953. Le journaliste m’a posé la question suivante : « Alexis Tsipras appelle à une conférence internationale pour l’annulation de la dette des pays du Sud de l’Europe touchés par la crise, similaire à celle qui a eu lieu pour l’Allemagne en 1953 et par laquelle 22 pays, dont la Grèce, ont annulé une grande partie de la dette allemande. Est-ce que cette perspective est réaliste aujourd’hui ?  »

Il faut désobéir aux créanciers qui réclament une dette illégitime et imposent des politiques violant les droits humains fondamentaux

Je lui ai donné cette réponse : « C’est une proposition légitime. Il est clair que la Grèce n’a provoqué aucun conflit en Europe, à la différence de l’Allemagne nazie. Les citoyens de Grèce ont un argument très fort pour dire qu’une grande partie de la dette grecque est illégale ou illégitime et doit être supprimée, comme la dette allemande a été annulée en 1953. Je ne pense toutefois pas que SYRIZA et d’autres forces politiques en Europe parviendront à convaincre les institutions de l’UE et les gouvernements des pays les plus puissants à s’asseoir à une table afin de reproduire ce qui a été fait avec la dette allemande en 1953. Il s’agit donc d’une demande légitime (…) mais vous ne pourrez pas convaincre les gouvernements des principales économies européennes et les institutions de l’UE de le faire. Mon conseil est le suivant : la dernière décennie nous a montré qu’on peut arriver à des solutions équitables en appliquant des actes souverains unilatéraux. Il faut désobéir aux créanciers qui réclament le paiement d’une dette illégitime et imposent des politiques qui violent les droits humains fondamentaux, lesquels incluent les droits économiques et sociaux des populations. Je pense que la Grèce a de solides arguments pour agir et pour former un gouvernement qui serait soutenu par les citoyens et qui explorerait les possibilités dans ce sens. Un tel gouvernement populaire et de gauche pourrait organiser un comité d’audit de la dette avec une large participation citoyenne, qui permettrait de déterminer quelle partie de la dette est illégale et odieuse, suspendrait unilatéralement les paiements et répudierait ensuite la dette identifiée comme illégitime, odieuse et/ou illégale. »

Comme on le sait, Alexis Tsipras a choisi de mettre en pratique une autre orientation qui a abouti au désastre.

Conclusion :

Ne nous berçons pas d’illusions, les raisons qui ont poussé les puissances occidentales à traiter l’Allemagne de l’Ouest comme elles l’ont fait après la seconde guerre mondiale ne sont pas de mise dans le cas de la Grèce ou d’autres pays endettés.

La réalisation de processus citoyens d’audit de la dette jouera un rôle décisif dans cette bataille contre la dette et l’austérité

Pour maintenir leur pouvoir de domination à l’égard des pays endettés, ou tout au moins la capacité de leur imposer des politiques conformes aux intérêts des créanciers, les grandes puissances et les institutions financières internationales ne sont pas du tout disposées à annuler leurs dettes et à permettre un véritable développement économique.

Pour obtenir une véritable solution au drame de la dette et de l’austérité, il faudra encore de puissantes mobilisations sociales dans les pays endettés afin que des gouvernements aient le courage d’affronter les créanciers en leur imposant des annulations unilatérales de dettes. La réalisation de processus citoyen d’audit de la dette jouera un rôle positif décisif dans cette bataille.

Notes

[1Deutsche Auslandsschulden, 1951, p. 7 et suivantes, in Philipp Hersel, « El acuerdo de Londres de 1953 (III) », https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[3Texte intégral en français de l’Accord de Londres du 27 février 1953 en bas de cette page. Ont signé l’accord le 27 février 1953 : La République fédérale d’Allemagne, les États-Unis d’Amérique, la Belgique, le Canada, Ceylan, le Danemark, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Grèce, l’Irlande, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Norvège, le Pakistan, la Suède, la Suisse, l’Union d’Afrique du Sud et la Yougoslavie.

[41 US dollar valait à l’époque 4,2 marks. La dette de l’Allemagne occidentale après réduction (soit 14,5 milliards de marks) équivalait donc à 3,45 milliards de dollars.

[5Les créanciers refusent toujours d’inscrire ce type de clause dans les contrats à l’égard des pays en développement ou des pays comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Europe centrale et orientale…

[6Auslandsschulden, 1951, p. 64 et suivantes in Philip Hersel, El acuerdo de Londres (IV), 8 de enero de 2003, https://www.lainsignia.org/2003/enero/econ_005.htm consulté le 24 février 2019

[8Une biographie utile est publiée par wikipedia en anglais : http://en.wikipedia.org/wiki/Hans-Werner_Sinn

[12Voir note biographique en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth et en allemand : http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Heinz_Roth

[13Voir également l’interview que j’ai donnée à l’hebdomadaire Marianne : http://www.cadtm.org/Le-27-fevrier-1953-les-allies

[14Christine Lagarde est devenue directrice générale du FMI en juillet 2011.

[15Voir Council of the European Union, Statement by the Heads of State or Government of the Euro area and EU Institutions, Bruxelles, 21 Juillet 2011, point 3, http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=DOC/11/5&format=HTML&aged=1&language=EN&guiLanguage=de.

[16Voir European Commission, Directorate General Economic and Financial Affairs, “The Second Economic Adjustment Programme for Greece”, Mars 2012, table 18, p. 45, “Interest rates and interest payments charged to Greece” by the euro area Member States”, http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/occasional_paper/2012/op94_en.htm

[17Financial Times, “Investors rush for the safety of German Bunds”, 24 Mai 2012, p. 29

[18Les Échos, Isabelle Couet, « L’aide à la Grèce ne coûte rien à l’Allemagne », 21 juin 2012. La journaliste précise : « Les taux à 6 ans –ceux qui correspondent à la maturité moyenne de la dette allemande- sont en effet passés de 2,6 % en 2009 à 0,95 % en 2012. »

[19Le Soir, Dominique Berns et Pierre Henri Thomas, « L’Allemagne se finance à 0 % », 23 mai 2012, p. 21

[20Idem.

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