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Grèce : détérioration intentionnelle des services publics de l’eau

Communiqué d’Unité Populaire de Thessalonique concernant la détérioration intentionnelle des services publics de l’eau

LA PANNE PROLONGÉE DU RÉSEAU D’EAU À THESSALONIQUE EST LE RÉSULTAT D’UNE DÉTÉRIORATION INTENTIONNELLE DE LA SITUATION DE LA COMPAGNIE DES EAUX (EYATH). DES RESPONSABILITÉS POLITIQUES ET JURIDIQUES SONT À RECHERCHER.

Une coupure d’eau qui dure plusieurs jours et qui concerne une ville de 1,5 millions d’habitants apparaît de France comme une vision apocalyptique venant d’un monde lointain. Ce n’est cependant que le résultat des politiques de marchandisation et de détérioration conséquente des services publics imposées par l’Union Européenne. La publication de cette nouvelle vise notamment à sensibiliser l’opinion publique française sur ce sujet, à l’heure où la lutte des cheminot-e-s et des autres salarié-e-s pourrait endiguer le tsunami néolibéral de la politique Macron.

Au moment où nous publions la traduction de ce communiqué le procureur de Thessalonique s’est déjà saisi de l’affaire et l’alimentation en eau se rétablit dans les quartiers touchés. L’affaire n’est cependant pas terminée car ses causes sont toujours agissantes. Suez, dont le patron Jean-Louis Chaussade accompagnait Emmanuel Macron, lors de sa dernière visite officielles en Grèce, continue à convoiter le marché de l’eau de Thessalonique.  L’intérêt de cet épisode reste toujours d’actualité.

Source: https://rproject.gr/article/i-vlavi-stin-eyath-synepeia-tis-apaxiosis-tis-na-apodothoyn-oi-eythynes-politikes-kai

Communiqué d’Unité Populaire, section de Thessalonique, 1ère circo

Le 01/04/2018

Les cinq jours – comptés aujourd’hui – de coupure d’eau à Thessalonique, en raison de la panne de la principale conduite d’alimentation du réseau, en provenance d’Aravissos ( panne déclarée le jour du fiasco du Congrès sur le développement régional), marquent de manière fracassante, les conséquences dévastatrices des politiques des mémorandums et de privatisation, mises en œuvre par tous les gouvernements grecs successifs : Nouvelle Démocratie, PASOK, SYRIZA-ANEL.

Depuis que le gouvernement PASOK a introduit la Compagnie des Eaux et d’assainissement de Thessalonique (EYATH) à la Bourse d’Athènes, sa privatisation a été mise en route, et elle aurait déjà été achevée s’il n’y avait pas eu un grand mouvement populaire majeur dans la ville de Thessalonique s’y opposant, ainsi qu’un référendum citoyen local rejetant le projet à une majorité écrasante en 2014. Ces actions ont réussi à ce jour d’arrêter le processus.

Cependant, la marche vers la privatisation a eu pour conséquences, comme de coutume dans le néolibéralisme, des investissements minimes et la réduction accélérée du personnel de la Compagnie. À cela se sont rajoutées les politiques des mémorandums réduisant les budgets des ministères en charge du service, de sorte que le réseau d’eau potable et le réseau des égouts, ne soient pas rénovés depuis 1970 avec toutes les conséquences imaginables sur la salubrité de l’eau  et l’approvisionnement de la ville en eau de qualité et quantité acceptables. Une telle situation est davantage choquante, lorsqu’il est connu qu’EYATH SA a enregistré un bénéfice avant impôts de 24,9 millions d’euros en 2017 contre 21,77 millions d’euros l’année précédente, soit une augmentation de 14,52% et des réserves de trésorerie de 65,2 millions d’euros, augmentées de 15%!

Le gouvernement refuse donc d’investir et de rénover un réseau problématique et dangereux, il licencie les salarié-e-s contractuel-le-s pour livrer au futur investisseur une entreprise aux profits amplifiés, aux fonds de trésorerie augmentés, usant de la même stratégie appliquée à l’Organisme du port de Thessalonique.

Les  responsabilités de la précédente administration d’EYATH, comme de l’actuelle, ainsi que des ministres en charge du dossier sont énormes  car leur choix ont conduit une grande partie d’une ville très peuplée à la pénurie d’eau, engendrant des risques graves pour la santé publique, le marasme l’activité économique déjà en souffrance avant cela, l’augmentation des coûts pour nettoyage et la consommation d’eau potable. Ces responsabilités doivent être attribuées aux fautifs, aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique. Ce dernier aspect relève  de l’intervention directe du procureur. D’autant plus qu’un épisode similaire est susceptible de se reproduire, car la rénovation du réseau n’est pas prévue dans un proche avenir.

La réunion « urgente » organisée par la directrice du cabinet du Premier Ministre le cinquième (!!!) jour de la coupure d’eau, sa visite à la station de pompage de Dendropotamos pour s’assurer de la pureté de l’eau le cinquième (!!) jour de la coupure, les déclarations anodines de la ministre en charge Mme Kollias à la sortie de cette réunion, prétendant  qu’une solution du problème serait en route, ne font que susciter de l’exaspération chez nos concitoyen-ne-s déjà fatigué-e-s qui, au-delà de l’incurie à l’égard de ce service public, de l’évitement des responsabilités découlant de leurs politiques coupables, entendent de l’ironie à leur encontre de la part des dirigeants.

Unité Populaire exige du gouvernement et de l’administration d’EYATH l’arrêt de tout processus de vente du service. Elle déclare qu’elle continuera sans relâche sa lutte pour que l’eau, bien social, ne soit pas privatisée. Pour que la Compagnie des Eaux et d’assainissement de Thessalonique (EYATH) reste un service public, pour sa reconstruction et sa gestion sociale, dans l’intérêt des habitants de la ville, avec la protection du travail et l’amélioration de ses conditions.

La reconstruction démocratique l’administration publique mais aussi de tous les services publics est nécessaire, rejetant les  pratiques clientélistes, pour qu’ils puissent répondre efficacement aux besoins de la société et de la reconstruction de l’économie, au service de la qualité et non du profit.

Références :

Grèce 2018 : La bataille de la dette privée et des habitations principales

GRÈCE 2018 : LA BATAILLE DE LA DETTE PRIVÉE ET DES HABITATIONS PRINCIPALES

10 avr. 2018 Par Emmanuel Kosadinos

L’accès au droit de se loger est un axe central de la lutte des mouvements citoyens, surtout en période de crise économique et sociale où ce droit est menacé par l’austérité et la dette. En Grèce, la bataille pour les habitations principales est aujourd’hui au centre de la lutte sociale et politique. Elle pourrait devenir un point de convergence des forces qui combattent l’austérité.

Repères d’histoire économique et sociale  

L’accès au droit au logement est un axe central de lutte des mouvements citoyens, surtout en période de crise économique et sociale où ce droit est menacé. Pour accéder à ce droit, des ménages appartenant aux classes populaires ont fait le choix de l’acquisition d’un bien contre crédit bancaire. Ceci est davantage fréquent dans des pays où les locataires sont moins protégés, où le coût de la construction est relativement faible, où les liens familiaux sont sacralisés, où le taux élevé d’inflation garantissait une part décroissante des remboursements par rapport aux revenus du foyer. La plupart de ces facteurs, voire tous, sont présents, ou le furent, dans les pays de l’Europe du Sud, dont la Grèce, pays où la bataille pour les résidences principales est aujourd’hui au centre de la lutte sociale et politique.

Image d’Épinal des "trente glorieuses" grecques...Image d’Épinal des « trente glorieuses » grecques…

Du côté des banques: l’octroi facile de crédits, prenant souvent l’allure d’un véritable « pousse à l’endettement », fut une opération juteuse ouvrant sur un marché quasi illimité d’investissements et sur l’anticipation de profits conséquents. Pour l’économie ce fut un moteur de croissance rapide, mais au détriment d’un développement harmonieux et durable, accordant au bâtiment une part disproportionnée de l’activité industrielle. Cette distorsion structurelle de l’économie grecque, présente dès le début des années 1970, avant même la chute de la dictature des colonels, a été fustigée par la Gauche, y compris social-démocrate (PASOK), comme la marque même de l’absence de planification d’un capitalisme grec improductif. Chose étrange (ou pas tant que ça) ni l’accès du PASOK au gouvernement, ni l’intégration par la Grèce de l’Union Européenne n’ont inversé cette tendance mais l’ont au contraire amplifiée. D’ailleurs, de telles tendances ont bien marqué le développement économique des autres pays du Sud de l’UE.

Pour les dirigeants grecs, dictateurs ou élus, de Droite ou de Gauche, le surinvestissement dans l’activité du bâtiment a été la voie facile pour le développement du pays et l’augmentation des revenus, sans passer par les difficultés de la planification et de l’intervention active de l’État. Pendant une première période (1970 – 1990) l’activité de construction a pris la forme « artisanale » d’un « capitalisme populaire » d’un genre particulier, favorisant l’épanouissement des classes moyennes et la hausse des revenus de la classe ouvrière du bâtiment, l’instauration d’une relative paix sociale.

Pendant une deuxième période (1990 – 2010) l’activité du bâtiment a davantage profité à des capitaux de plus en plus importants, voire orientés vers l’exportation, en synergie croissante avec le capital international. La classe ouvrière du bâtiment a été recomposée, la main d’œuvre d’origine étrangère constituant une part grandissante, travaillant sans couverture sociale et dans des conditions de sécurité déplorables. Le point d’orgue funeste de cette phase c’est le bilan de 37 morts d’accidents du travail lors de l’achèvement des travaux pour les Jeux Olympiques de 2004.

Dans les années 1990 les entreprises grecques du BTP se placent sur l'internationalDans les années 1990 les entreprises grecques du BTP se placent sur l’international

En parallèle, les bas taux de crédit garantis par l’adhésion de la Grèce à la zone euro ont propulsé l’endettement privé (toutefois inférieur à celui en Espagne ou en Italie) et ont davantage permis à une partie des classes populaires d’accéder à la propriété de leurs logements et accessoirement à d’autres biens de consommation. De nouveaux quartiers habitables ont émergé à la périphérie des villes grecques pour loger les nouvelles classes populaires, essentiellement salariées du secteur tertiaire. Le résultat positif c’est que, vers la fin de cette période, 80% des ménages habitaient dans des logements dont ils étaient propriétaires avec des superficies moyennes supérieures à celles en Europe du Nord. Cependant, même avant le déclenchement de la crise économique, la situation de plusieurs de ces ménages était particulièrement tendue car la part des remboursements exigés par les banques grecques « généreuses » laissait peu de marges pour finir les mois et les travaux de construction. Nombre de ménages ont du se satisfaire d’habitations inachevées pour y loger leur vie de famille. À noter que cette situation correspondait à une période où le chômage était encore autour des 10% et la croissance flirtait avec les 4%.

Or, si le capitalisme grec s’est pendant un temps senti droit dans des bottes en béton armé, il s’est avéré qu’il n’avait que des jambes en argile et une laisse au cou, celle de sa dépendance aux capitaux de l’Union Européenne et à ses banques. Pas la peine ici de refaire l’histoire de la crise grecque et de la mise du pays sous protectorat de la Commission européenne et du FMI. Tout cela a déjà été suffisamment médiatisé. Juste rappeler le taux de chômage autour de 25% de ces dernières années et un taux de décroissance de 10% par an en moyenne. Pendant ce temps les banques grecques ont bénéficié de la part des gouvernements grecs successifs et sous les auspices des « instances européennes », notamment par le biais de recapitalisations, de subventions cumulées d’une hauteur d’environ 240 milliards d’euros, 1,2 fois le PIB annuel, pour être finalement bradées par le gouvernement SYRIZA-ANEL, actuellement au pouvoir, contre une bouchée de pain à des investisseurs étrangers obscurs.

Il est facile d’imaginer dans un tel contexte la détresse et la colère des classes populaires et moyennes grecques, dont les revenus ont baissé les dernières années de 30% , et les menaces qui pèsent sur leur survie, notamment sur leur droit de se loger , car ni les remboursements, ni les taux d’intérêt, ni les prix des biens de consommation, ni l’imposition n’ont baissé de manière significative. Cette situation rend impossible pour une grande partie des ménages le remboursement des crédits empruntés.

Une société surendettée et saisie

Le surendettement des ménages grecs, notamment ceux à revenus modestes, est un fléau social sans précédent. Et la question globale de la dette privée grecque est une bombe économique et sociale dont nous sommes spectateurs de la projection au ralenti du film de son explosion.

Mises aux enchères...Mises aux enchères…

Aujourd’hui il est estimé qu’autour de 1,5 millions de contribuables grecs sont dans l’incapacité de régler leurs dettes, soit plus de 24% de l’ensemble. Il s’agit de dettes envers les banques pour prêts immobiliers et de consommation, mais aussi envers le guichet public, impôts et caisses d’assurances, et de particuliers à particuliers.

L’examen des données officielles sur la dette privée grecque nous révèle qu’environ 4,4 millions de contribuables (près de 70% de l’ensemble) ne sont pas à jour de leurs dettes.

Parmi eux, quasiment tous ont des dettes envers le guichet public (impôts et cotisations) alors que 2,7 millions (35% des contribuables) ne sont pas à jour pour des dettes envers les banques.

  • 420.000 ont des dettes en suspension de paiement pour des prêts immobiliers (7%)
  • 350.000 (6%) ont des dettes pour des prêts professionnels
  • 1,7 millions (27%) pour des prêts à la consommation.

L’ensemble de ces dettes appelées « dettes rouges » contractées par des particuliers, des professionnels et des entreprises (petites, moyennes, grandes) correspond à la somme de 200 milliards d’euros, supérieure au PIB annuel.

Il est important de noter que la grande majorité  (80%)  des prêts immobiliers «rouges » concerne des sommes de 10.000 à 100.000 euros, alors que près de 90% des dettes envers le guichet public concerne des sommes inférieures à 20.000 euros, parfois même des sommes dérisoires.

En termes de répartition du volume de la dette privée l’image s’inverse. En fait, 0,2% des débiteurs du guichet public pas à jour de leurs dettes doivent près de 80% de l’ardoise totale, soit 73 milliards ! En ce qui concerne les dettes envers les banques (environ 110 milliards) l’ascension de la courbe est moins brusque, mais la tendance est la même, les dettes des grandes et moyennes entreprises constituant près de 40% de cette dette !

Logo du plus gros débiteur de l'Etat grec, ancienne société de courtage en failliteLogo du plus gros débiteur de l’Etat grec, ancienne société de courtage en faillite

À l’inspection de ces données on observe que la dette privée grecque, au-delà du fait qu’elle est le résultat de la récession de l’économie, n’est pas une situation homogène, à l’égard de causes plus spécifiques, de ses conséquences sociales et économiques et des actions nécessaires pour la traiter.

On peut séparer deux groupes de débiteurs : des débiteurs trop démunis pour régler leurs dettes et des débiteurs puissants sur les plans social et économique capables de se dégager des conséquences du surendettement par la faillite, les arrangements politiques, la délocalisation et la fuite des capitaux.

Sur la liste des plus gros débiteurs de l’État figure en première place (10% de la dette totale) une société de courtage  débitrice d’une énorme amende (et des intérêts) imposée suite à une condamnation pour escroquerie dans une affaire de spéculation financière avec le patrimoine des caisses d’assurance sociale.

En deuxième place on retrouve « Olympic Air SA  » héritière de la compagnie publique « Olympic Airlines » privatisée en 2009.

La compagnie publique grecque des chemins de fer (OSE) avec ses filiales occupait jadis la première place sur la liste des gros débiteurs de l’État (taxes, cotisations sociales, amendes imposées par la Commission européenne pour non respect de la concurrence) mais sa dette a été effacée par ordonnance du gouvernement SYRIZA en 2018 à la suite de la vente de sa filiale  de transport passagers (TRAINOSE) à «Ferrovie dello Stato Italiane» compagnie italienne publique à statut de SA.

 Il devient évident que le traitement de la dette grecque « privée » est une question politique à l’égard de la répartition de sa charge parmi les classes sociales, parmi l’État, les « particuliers » et les banques, et les actions pour son recouvrement ou son effacement. Ce constat se situe à l’opposé de la vision néolibérale qui traite la question de la dette par des opérations strictement comptables et juridiquement formalistes dont la finalité ultime est la réduction maximale du service public et le transfert des richesses vers la finance et la spéculation au détriment des classes populaires et des travailleur-euse-s.

Le soulagement des foyers populaires et des petites entreprises surendettés était une des mesures phares annoncées dans le programme politique sur lequel SYRIZA a mené et gagné les élections de 2015, programme dit « de Thessalonique ». Parmi les dispositifs annoncés pour réaliser objectif, que SYRIZA à l’époque jugeait pragmatique, il y avait la création d’un réseau de commissions sous contrôle citoyen, censées procéder à l’étalement des dettes, leur effacement ou leur rachat par une agence publique ad hoc. Figurait aussi dans ce programme l’interdiction du rachat des prêts par des tiers spéculateurs, dits « fonds vautours ».

Depuis le début de l’application en Grèce des mémorandums de plus en plus de foyers modestes, de travailleurs indépendants et de très petites entreprises se sont trouvés face au risque de saisie de leurs habitations et de leurs comptes.

Une grande partie des familles saisies pourrait se retrouver dans la rue...Une grande partie des familles saisies pourrait se retrouver dans la rue…

Une grande partie des familles saisies pourrait se retrouver dans la rue. Avec des salaires et retraites réduits parfois jusqu’à 50%, ou parfois sans aucun revenu à cause du chômage, il devient pour elles très compliqué de retrouver un appartement à louer malgré une forte baisse des loyers. Ceci d’autant plus qu’après la vente aux enchères de l’habitation saisie il pourrait rester des sommes importantes à rembourser.

Pour confronter cette situation, le gouvernement du PASOK de Georges Papandréou avait promulgué en août 2010 une loi de dérogation des saisies des habitations principales des débiteurs en difficulté financière, dite « loi Katselis » du nom de la ministre de l’époque. Cette loi accordait le sursis d’un an à ces personnes et autorisait dans certains cas les tribunaux de procéder à des renégociations des dettes envers les banques, voire à leur effacement. La loi Katselis a été prorogée plusieurs fois pendant les premières années de la crise. La Troïka a exigé la modification de la loi dans un sens restrictif, ceci étant resté un point en suspens dans les négociations avec le gouvernement grec. De ce fait, la prorogation de la loi Katselis c’est arrêtée en décembre 2014, un mois et demi avant l’accès de SYRIZA au gouvernement. La loi Katselis avait toutefois été critiquée comme insuffisante par SYRIZA lorsqu’il était dans l’opposition.

L’inversion politique et sociale de SYRIZA

Le 15 janvier 2015, dix jours avant la tenue des élections anticipées, le quotidien de SYRIZA titrait en gros à la Une « Aucune habitation aux mains des banquiers » (!)

15/01/2015: « Aucune habitation aux mains des banquiers » (!)15/01/2015: « Aucune habitation aux mains des banquiers » (!)

Mais comme la plupart des mesures proposées par le programme « de Thessalonique », celles annoncées pour la crise de la dette privée sont passées aux oubliettes, mémorandum et Troïka obligent. Varoufakis avait déjà dit que « le programme de SYRIZA ne valait même pas le prix du papier sur lequel il était écrit ». Sa nomination au poste clé de Ministre des Finances aurait dû rendre plus méfiants les militants. En effet, dès la signature de l’accord du 20 février 2015, le gouvernement grec s’engageait à ne mettre en place « aucune mesure susceptible de menacer la stabilité du système financier et du crédit », selon les critères de la BCE bien entendu. Cette clause faisait directement référence aux mesures annoncées par SYRIZA avant les élections, pour renégociation des dettes privées.

Le 21 mars 2015 alors que la négociation était en cours, le gouvernement grec a promulgué, suite à l’initiative de la ministre Valavanis du courant de Gauche, une loi autorisant l’étalement du remboursement des dettes envers le guichet public, par le dispositif dit « des 100 tranches » qui, bien que relativement timide, a permis de soulager plusieurs débiteurs modestes et à l’État encaisser des recettes dues. La question des dettes envers les banques est cependant restée en souffrance, véritable épée de Damoclès au-dessus des têtes des foyers populaires.

Pire que ça, après la capitulation de juillet 2015, le 3e mémorandum et ses lois d’application ont légiféré, sous les recommandations des créanciers internationaux de la Grèce (BCE, FMI, Commission Européenne), la priorité au remboursement des banques en cas de faillite d’une entreprise. Cette priorité s’exerce au détriment de l’État, des caisses d’assurance et des particuliers, dont les salariés aux salaires dus. Pour valider cette mesure il a fallu réformer en un clin d’œil le Code Civil grec. Quand la Troïka ordonne et que Tsipras s’exécute, la régularité juridique passe au second plan.

En faisant fi de toute évidence, le gouvernement SYRIZA-ANEL n’a cessé de clamer sous tous les tons que, malgré sa capitulation (« compromis honorable » en novlangue syrizéenne) et son ralliement au camp des banquiers, les habitations principales des ménages modestes resteraient protégées des saisies. Cette désinformation a été relayée par ses alliés au sein des directions des partis du Parti de la Gauche Européenne (PGE), acculés par le besoin de sauver les apparences suite à cette terrible défaite.

La supposée protection des habitations principales des foyers modestes est celle de la « loi Katselis » mais bien rabotée suivant les recommandations des créanciers (BCE, FMI, Commission Européenne), par l’ajout de conditions à remplir par les débiteurs pour pouvoir en bénéficier. Il s’agit de  clauses de revenus du foyer et de valeur du bien hypothéqué. Il faut qu’une partie de la dette soit due aux banques et que le débiteur n’ait pas exercé d’activité à caractère commercial pendant l’année qui précède sa demande de bénéficier de la protection de la loi. Il est important de citer que la dérogation à la saisie de l’habitation principale qui pourrait être accordée a seulement un caractère de sursis car les effets de la loi prennent fin le 31 décembre 2018. Le nouveau format de la loi, dont SYRIZA fait mine de s’enorgueillir, promulgué en tant qu’article de la loi d’application du 3e mémorandum en août 2015 et  portant le nom « loi Katselis-Stathakis » (du nom du ministre actuel) est restrictif pour une grande partie des débiteurs modestes qui vivent toujours sous la menace de saisie de leurs logements.

Précisément, la loi protège les habitations principales d’une valeur inférieure à 180.000 euros, bonifiée par le nombre des membres du foyer. À noter que la valeur ainsi déterminée est la «valeur fiscale» fixée par le gouvernement, bien supérieure en temps de crise à la valeur du bien sur le marché.

Les revenus du débiteur susceptible de bénéficier de la protection de la loi ne doivent dépasser de 70% le montant des «frais raisonnables de vie».  Ce montant est aujourd’hui fixé par le gouvernement grec à 680 euros mensuels pour une personne seule, ce qui indique que le niveau des revenus du débiteur ne doit dépasser les 1150 euros mensuels, dont 470 euros obligatoirement alloués au remboursement  de sa dette. Ces sommes sont indexées sur le nombre des membres du foyer. Selon des sources proches du gouvernement la loi actuelle protégerait les habitations principales de 60% des ménages surendettés. En admettant même que cette estimation serait réaliste, la loi laisserait à découvert 168.000 foyers, dont la précarisation est susceptible de déclencher une nouvelle crise sociale majeure.

Grèce 2018: La pauvreté ne recule pas...Grèce 2018: La pauvreté ne recule pas…

Pour dorer la pilule, le gouvernement SYRIZA-ANEL précise que des allègements plus larges pourraient être accordés par négociations directes «de bonne foi», entre les débiteurs et les banques. Voilà encore un gouvernement « de gauche » qui délègue la politique sociale aux banquiers !

Un autre retournement du gouvernement SYRIZA concerne l’interdiction aux banques de revendre des emprunts problématiques aux « sociétés de gestion de dettes» ou fonds-vautours. L’activité de ces sociétés (grecques, européennes ou en provenance de pays tiers) est désormais officialisée par la loi du 16 décembre 2015. Ces sociétés ont le plein droit de racheter aux banques des prêts à prix jusqu’à 3% de leur valeur nominale de les revendre sous forme de paquets de titres ou d’exiger leur remboursement par des moyens d’intimidation et de harcèlement dont elles ont le savoir-faire. Les banques obtiennent aussi le droit de vendre aussi des prêts qui sont à jour dans des paquets mixtes. Les critiques de cette loi réclament la possibilité de rachat des prêts à une valeur raisonnablement inférieure à la nominale (pas moins de 50%) pour débiteurs eux-mêmes, mais le ministre Stathakis de SYRIZA rétorque qu’une telle disposition serait «un encouragement indirect à la fraude et à la mauvaise foi».

Concernant les saisies de logements à venir, le gouvernement SYRIZA soutient que leur mise en œuvre en masse « favorisera la reprise de l’économie grecque et la consommation car, si les banques se débarrassent des prêts problématiques elles pourront recommencer à prêter de l’argent » pour démarrer un nouveau cycle infernal identique au précédent, en ayant entre temps ponctionné des richesses aux classes populaires et moyennes.

Luttes pour la défense du logement des familles modestes

Les saisies et les ventes aux enchères s’intensifient aujourd’hui par le gouvernement Tsipras, coaché par la Troïka, s’efforçant de sauver les banques, une fois de plus en équilibre instable en Grèce. L’implémentation des mesures est « sous haute supervision » par le biais d’évaluations régulières de l’économie et de la politique grecques, dont la passation réussie est la condition pour le déblocage des tranches du financement à l’Etat grec. Pour les néolibéraux, la stabilisation en Grèce du système bancaire passe par l’expropriation et la précarisation des classes populaires et moyennes.

Notons que, même lorsque les débiteurs saisis sont des personnes fortunées, les conséquences se reportent directement sur les classes travailleuses, dans le cas locaux de production, la saisie marquant son arrêt. Ainsi, on ne s’étonne pas de voir le Parti Communiste de Grèce (KKE), qui ne s’est jamais positionné comme représentant des classes moyennes, ni comme partisan des mouvements citoyens horizontaux, rejoindre le mouvement populaire de lutte contre les saisies et les mises aux enchères.

Les militants font irruption dans les tribunauxLes militants font irruption dans les tribunaux

Dans le contexte catastrophique de la Grèce actuelle, la défense du logement des familles modestes passe par des luttes massives et polymorphes d’obstruction au travail de l’administration, des notaires et de la justice lors de procédures de saisie, d’expropriation et de mise aux enchères. Le mouvement populaire grec, dans ses diverses tendances, s’y est déployé depuis le début de la crise, car le fléau des expropriations était déjà à l’œuvre. Le grippage de la mécanique des expropriations est cependant une éventualité réaliste, compte tenu de l’énorme volume d’affaires.

La formation de Gauche Radicale "Unité Populaire" a une place centrale dans le mouvement pour la défense du logement des familles modestesLa formation de Gauche Radicale « Unité Populaire » a une place centrale dans le mouvement pour la défense du logement des familles modestes

Les mobilisations massives devant et dans les tribunaux organisées par des collectifs citoyens ont été soutenues très activement par Unité Populaire, ANTARSYA, KKE et d’autres formations de Gauche Radicale. Je profite pour faire un clin d’œil aux camarades français présents lors de certaines de ces mobilisations. Elles ont réussi d’empêcher les tribunaux de tenir audience et de rendre les décisions des mises aux enchères, faisant trainer les saisies de report en report. La répression policière violente déployée par le gouvernement SYRIZA, a davantage attisé la combativité les militants plutôt que de décourager le mouvement. Des dizaines d’audiences ont été empêchées.

Le gouvernement de SYRIZA, cavalier du jeu d’échecs néolibéral,  avance en biais pour se  préserver de la chute de popularité, mission impossible ! Ainsi, cette mécanique infernale que la Droite avait échoué de mettre en place, est pleinement déployée aujourd’hui, deux ans et demi après la capitulation de juillet 2015. La cerise sur le gâteau sera le démarrage des saisies électroniques par l’administration publique le 1er mai 2018, une manière très ironique de  SYRIZA de célébrer la fête des travailleurs !

Afin de contourner cette résistance populaire le gouvernement SYRIZA implémente la mise aux enchères par voie électronique des biens saisis, notamment des logements des familles modestes. Ce dispositif avait initialement rencontré l’opposition des notaires grecs, surtout des petites villes de province, refusant de se connecter à la plateforme. Par la « loi-valise » d’application du mémorandum de janvier 2018, SYRIZA rend obligatoire et exclusif, à partir du 21/02/18, le recours à la voie électronique avec la possibilité de délocaliser la procédure en cas de situation locale compliquée. L’objectif est d’effectuer des mises aux enchères par centaines, et par milliers si possible. Il n’empêche que l’étude du notaire, certes moins repérable que la salle d’audience du Tribunal d’Instance, est un lieu physique, possible lieu de rendez-vous du mouvement populaire qui s’est déjà manifesté activement depuis l’application du nouveau dispositif.

Usage de gaz asphyxiants dans la salle du tribunalUsage de gaz asphyxiants dans la salle du tribunal

La poursuite et intensification de la répression des militant-e-s reste donc un recours nécessaire au gouvernement SYRIZA qui veut mener le projet néolibéral jusqu’au bout et à tout prix. Un amendement de loi a donc été déposé, arguant dans le rapport préalable que les actions d’obstruction aux mises aux enchères « nuisent à l’intérêt budgétaire suprême de l’État, à la stabilité du système financier et à l’approvisionnement des banques en liquidités » (!) Il devient donc possible de poursuivre d’office ces militant-e-s et de les juger en comparution immédiate. L’entrave donc aux mises aux enchères est considérée comme un délit spécifique, sui generis. Auprès de l’opinion publique grecque, les dispositifs légaux d’exception ont très mauvaise presse, faisant écho au droit de la dictature des colonels et des suites de la guerre civile.

Le tableau se complète par l’usage immodéré de la force brute et vile : faux témoignages, matraquages, gazages, traumatismes infligés aux militant-e-s-qui manifestent.

Avec "Unité Populaire" contre l'austérité et le néolibéralisme, pour les droits du peuple!Avec « Unité Populaire » contre l’austérité et le néolibéralisme, pour les droits du peuple!

Selon les propos des porte-paroles de la formation de Gauche radicale « Unité Populaire » :

« Ni les intimidations, ni la violence, ni la désinformation massive, ni les lois sui generis  n’arriveront à faire fléchir le mouvement de résistance des citoyen-ne-s grec-que-s face aux saisies et mises aux enchères des logements. Le recours du gouvernement SYRIZA aux plateformes électroniques pour désamorcer concrètement la contestation fera émerger de nouvelles formes efficaces de combat, notamment par l’essaimage du mouvement dans les quartiers populaires… »

La bataille pour les habitations principales des classes populaires pourrait devenir aujourd’hui un point de convergence des forces qui combattent l’austérité en Grèce.

Il y a besoin d'un large mouvement unitaire citoyen Il y a besoin d’un large mouvement unitaire citoyen

La Grèce et la libéralisation du transport ferroviaire

Grèce : Conséquences de la politique européenne de libéralisation du transport ferroviaire

Il y a un an le feuilleton de la vente de TRAINOSE, a pris fin.
La société est passée à Ferrovie Dello Stato Italiano pour un prix de 45 millions d’euros. Inutile bien sûr de rappeler les déclarations de messieurs Stathakis et Tsipras quand le gouvernement Samaras-Vénizélos programmait la vente des chemins de fer grecs…
L’accord a été signé après règlement de quelques problèmes particuliers : l’effacement de la dette de TRAINOSE envers OSE (750 millions d’euros) à la suite d’engagements imposés par le mémorandum en échange du patrimoine immobilier de l’OSE. (La dette de l’OSE à laquelle il est fait référence concerne les participations aux travaux d’infrastructure que l’État grec n’a pas payés obligeant ainsi l’établissement à emprunter pour en couvrir les dépenses.)

Quelles ont été les évolutions du réseau ferré en Grèce depuis qu’a été instaurée la politique européenne de libéralisation du transport ferroviaire ?
-démantèlement de l’établissement ferroviaire -fermeture de 40 % du réseau -fermeture de 60 % des gares -réduction des effectifs de 14 500 personnes (1989) à 2900 personnes (2014) -hausse spectaculaire des tarifs -abandon du fret -obsolescence du matériel roulant -dévalorisation de l’infrastructure, vols, abandon du patrimoine -diminution du niveau de sécurité et de qualité des services -diminution du salaire des cheminots de l’ordre de 40 %

Quelles conséquences pour les utilisateurs ?
-Rétrécissement du réseau et des gares, augmentation des tarifs, diminution du niveau de sécurité et de qualité des services

Quelles ont été les actions des luttes sociales et politiques menées ces dernières années ?
Les travailleurs des chemins de fer ces dernières années ont lancé une série de mobilisations et d’actions contre les politiques du mémorandum et les privatisations. Il y a eu plus de 100 jours de grève, avec comme principales revendications l’arrêt des privatisations et le retour à un OSE sous sa forme publique et unique. Ont également eu lieu des dizaines de manifestations, des occupations de bâtiments, des annulations d’itinéraires, etc
À la question « pourquoi un OSE public et unique » la réponse est que l’expérience a prouvé que le morcellement organisationnel n’a, à ce jour, mené nulle part. Ce modèle organisationnel a été testé, a conduit à des gaspillages et des dysfonctionnements et a échoué.
À la question « pourquoi un OSE public » la réponse est que son importance en tant qu’entreprise de transport est stratégique: – pour la sécurité nationale -pour le soutien du développement économique du pays et pour la mise en œuvre d’un plan de développement national et le développement régional
Une structure organisationnelle unique, chapeautée par les Directions Générales des activités et une séparation logistique de ces activités permettant de les suivre avec la plus grande transparence possible, servira les intérêts du peuple grec de la meilleure façon possible.

Dates-clés pour les directives européennes en matière de transport :

***2001 directive européenne 2001/12 – Séparation de la gestion de l’infrastructure. directive européenne 2001/13 – Procédure d’octroi de licences pour les transporteurs ferroviaires. directive européenne 2001/14 – Répartition des compétences en matière d’ infrastructure. directive européenne 2001/16 – Interopérabilité du réseau ferroviaire conventionnel .
***2012 directive européenne 2012/34 – Unification du cadre législatif.
***2004 : directive 2004/49, directive 2004/50, directive 2004/51, règlement 881/2004 – Une plus grande ouverture du marché du fret, adoption de procédures techniques communes en matière de sécurité, institution d’une Agence ferroviaire européenne.
***2007 directive 2007/58, directive 2007/59, règlement 1370/2007, règlement 1371/2007, règlement 3172/200 – Une plus grande ouverture du marché des transports de passagers, création d’un « brevet de conduite » européen pour les transports intra-européens, des droits pour les passagers et des critères de qualité minimum pour le travail de transport.
1991 Publication de la directive européenne 91/440 sur la libéralisation du transport ferroviaire.Évolution des volumes transportés depuis 2000.

Nombre d’organismes ferroviaires intervenant dans le transport de fret et de voyageurs.

OSE(ΟΣΕ) – gestionnaire de l’infrastructure
TREN OSE(ΤΡΑΙΝΟΣΕ)-exploitant du réseau ferré
EESTTY (ΕΕΣΤΤΥ) – société de maintenance du matériel roulant Y sont aussi liées indirectement les entreprises suivantes: GAIA OSE(ΓΑΙΑΟΣΕ) – valorisation du patrimoine immobilier
ERG OSE(ΕΡΓΟΣΕ) – gestion des travaux cofinancés par l’UE

Bref historique sur la dette L’OSE en tant qu’entreprise de transport – contrairement aux autres entreprises de transport privées ou publiques – a la responsabilité de la maintenance et de la surveillance des infrastructures(de ligne). Il a l’obligation de fournir des services à des fins nationales(défense) et bien sûr de faire œuvre sociale à travers sa politique tarifaire. L’état, déjà depuis la création de l’OSE en 1972, a défini ses obligations financières envers l’OSE, en signant une convention de financement correspondante.

a) Depuis 1972 et jusqu’à 1979, la convention de financement a été entièrement respectée. Depuis 1980 et jusqu’à 2002, elle a été respectée seulement pour un tiers avec pour résultat de porter la dette de l’État envers l’OSE à 2,7 milliards €(rapportés au taux actuel).
Depuis 2003 et jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement n’a pas versé un seul euro à l’OSE pour couvrir ne serait-ce qu’une partie de ses obligations envers l’OSE.

b ) Le coût de la participation nationale aux travaux de modernisation cofinancés et le coût des travaux financés par des fonds nationaux n’est pas entièrement couvert par le Programme d’investissement public. Ainsi depuis 1993 et jusqu’en 2004 l’OSE a emprunté 1,5 milliards € afin de respecter ses engagements en matière d’investissement. Le programme d‘investissement en 2006 et 2007 a été financé pour 640 millions € par la région de Grèce Occidentale(Π.Δ.Ε) et pour 540 millions par un emprunt de l’OSE. La prise en charge par l’OSE des obligations financières de l’État l’ont conduit à emprunter une somme totale d’environ 7 milliards € et le service de ces prêts a contribué pour 37 % à la création du déficit.
Sources : Syndicats des cheminots grecs

Source article https://unitepopulaire-fr.org/2018/04/08/grece-consequences-de-la-politique-europeenne-de-liberalisation-du-transport-ferroviaire/

Résurrection La rubrique de Panagiotis Grigouriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Dans cette rubrique il évoque la surimposition que subissent les grecs avec 37 nouvelles taxes créées ces dernières années, les velléités avortées du gouvernement d’en créer une nouvelle sur les animaux domestiques, les saisies bancaires…  

Résurrection

Pâques en vue. Le pays s’y prépare, le soleil en plus. La météo annonce un bref passage pluvieux tout juste pour ce Vendredi saint, rien de bien dramatique. Cette année, la plus grande fête chez les Orthodoxes elle est fixée une semaine après Pâques des Catholiques, question de calcul et de nouvelle lune. La tradition veut que l’on consomme les œufs rouges, symbole de Pâques par excellence, on en trouve ainsi en ce moment sur les marchés à Athènes comme partout en Grèce. Donc… résurrection alors prochaine !

Arrivée du ferry. Péloponnèse, avril 2018

Fatigués de l’actualité accablante… et qui perdure déjà depuis huit ans, les Grecs quittent ainsi massivement les grandes villes et essentiellement Athènes, pour fêter Pâques au village, “sto chorio”, comme on dit en grec. Le terme, tout comme sa réalité, renvoient encore suffisamment à ces évidence plus paisibles, familiales, et surtout matrices de souvenirs. Et pour tout dire enfin, Pâques au village et en famille, s’avère parfois plus… économique que dans la capitale.

“Chorio” donc, c’est-à-dire à la fois espace, lieu, et autant “petite patrie d’origine” comme le désignent alors souvent et très volontiers les Grecs entre eux. Dans le Péloponnèse proche, ceux originaire des lieux justement, ils arrivent parfois par les ferrys de la ligne du Golfe Saronique. D’autres préféreront la route, puis, il y a tous ceux qui ne se déplacent plus, immobilisme… crisique y oblige. Pays où l’on rêve parfois… avec la Résurrection et non sans s’en méfier, autant au retour à la monnaie historique et nationale, la drachme.

En attendant, nos touristes sont d’ailleurs déjà aussi bien présents en ce Printemps, observant à l’occasion les usages et parfois mésusages du quotidien grec. Ainsi va la vie athénienne touristique, entre les séances photo devant les gardes Evzones place de la Constitution, les bains de soleil, puis, la découverte du café glacé dont les Grecs raffolent, chaque année entre le printemps et le bien lointain hiver prochain. En somme, tout l’éclat de l’épiphénomène grec, et c’est bientôt Pâques !

Retour à la drachme ? Athènes, avril 2018
Touristes, place de la Constitution. Athènes, avril 2018
Vestiges d’un cinéma en plein air. Péloponnèse, avril 2018

Toutefois, nos visiteurs n’auront certainement pas distingué… tous les vestiges de la civilisation grecque, disons la plus récente, entre les cinémas en plein air, les bâtiments jadis prestigieux de l’Armée grecque et lieux de convalescence pour les officiers, sous-officiers et soldats, construits dans les années 1920, le tout désormais destiné à la vente, comme tant de biens grecs en ce moment. Pays et autant commerce alors si énorme !

Passé, futur et rêve… bradés ; “Mais alors jusqu’où ? Où allons-nous enfin ?”, se demandent ainsi les Grecs entre eux. Ceux par exemple du complexe îlien en mer Égée, amis de longue date et travailleurs supposés indépendants… dépendants du tourisme, lesquels nous confient même parfois leurs rêves, ou plutôt cauchemars:

“Ce matin, j’ai commencé ma journée me rendant au Centre des impôts afin d’inscrire mes chambres que je loue à court terme aux touristes au nouveau registre correspondant, et ainsi être en règle vis-à-vis de la nouvelle réglementation en la matière. Je pouvais à peine marcher, ainsi, j’utilisais le cadre métallique d’une vieille table pliante que j’avais récupéré en lieu et place d’un cadre de marche. Je suis donc arrivé très péniblement au Centre des impôts. J’y ai été accueilli par deux femmes. Je me suis approché à l’une des deux, celle au physique visiblement soigné, elle devait avoir à peu près 45 ans, en lui exposant le motif de ma requête.”

Armée grecque: bâtiment à louer. Péloponnèse, avril 2018
Terrain à vendre. Péloponnèse, avril 2018
Vieilleries mises en vente. Athènes, avril 2018

“Elle s’est penchée vers moi pour m’implorer à voix basse: ‘Désirez-vous vraiment inscrire vos biens à notre nouveau registre?’ Pour aussitôt rajouter sur le même ton: ‘Vous vous demanderez, bien sûr, comment est-il possible qu’un agent des impôts puisse vous poser une telle question’. Et je lui ai répliqué, disons avec un brin d’espoir: ‘Que vous voulez faire, j’y suis obligé, je gagne peu en réalité, et si jamais mon chiffre d’affaires dépasse les 12000€ par an, au lieu de 15% c’est 35% que je dois verser en impôt… plus évidemment, les cotisations correspondantes. Et si je ne déclare pas mes biens, et que je me fais rattraper c’est d’emblée 5000€ d’amende que je devrais vous laisser, rien que pour commencer.”

“Voilà le rêve que j’ai fait l’autre jour à l’aube et me suis réveillé dans une telle ‘joie’. Voilà surtout à quel point nous sommes devenus paranoïaques dans ce pays sous la Troïka, et cela aussi à cause de la surimposition sans oublier les changements incessants des règles en matière fiscale. Un vrai cauchemar”.

Sous l’Acropole le calme apparent règne, autant parfois que la psychose et le désespoir. D’après les dernières statistiques, près du 70% de la population grecque ne survit que grâce à… un cadre de marche économique, et c’est vraiment tout juste que ses besoins primaires soient en somme et à la limite satisfaits.

Sous l’Acropole. Athènes, avril 2018
Temps actuel. Athènes, avril 2018
‘Nous avons faim’. Athènes, avril 2018

Ainsi, même le portail d’information économique et financière (largement) néolibéral, capital.gr, reprenant les éléments issus des données officielles et des autres statistiques du moment, dresse alors un portait fort accablant des réalités grecques actuelles.

“D’après les données officielles, en 2017 les saisies sur comptes bancaires ont dépassé 1,7 million (la Grèce compte dix millions d’habitants). Ces mêmes éléments montrent que de toute évidence l’écrasante majorité des débiteurs doit à l’administration fiscale de sommes ne dépassant guère les 500 €. Et nous pouvons sans risque parler d’une faillite grecque bien en profondeur, puisque 500.000 foyers doivent 10 euros à l’État, et qu’ils ne peuvent pas régler cette dette, ou que leur situation financière ne le permet pas, ou peut-être qu’ils restent indifférents face à cette réalité car ils n’ont plus rien à perdre.”

“Et seulement environ 40.000 débiteurs, soit environ 1% du total, ont des dettes de plus de 100.000€ et dans l’ensemble, ces redevables représentent 89,2% de cette dette globale envers l’État. En face, 87,7% des débiteurs de l’administration fiscale, soit plus de 3,5 millions de débiteurs, ont des dettes en souffrance, inférieures à 5.000 euros. En réalité, la moitié de la population économiquement active… se retrouve en situation de ‘captivité fiscale’, et cela, pour moins de cinq mille euros d’impayés.”

“Quelle conclusion alors faudrait-il tirer de tels chiffres ? Une première conclusion nécessaire, c’est que la moitié des Grecs doivent au plus 5.000 euros au fisc, sauf qu’ils ne s’en inquiètent guère, soit parce que leur compte bancaire est vide, soit parce que leurs revenus ne peuvent plus être repérés des radars des autorités fiscales ni de ceux des banques. Autrement dit, ces ménages ont ainsi basculé dans l’économie informelle, pratiquant entre autres la rétribution ‘au noir’.”

Parking privé en travaux. Athènes, avril 2018
Hors de prix. Athènes, avril 2018
Prix de saison. Athènes, avril 2018

“Pourtant, ces dernières années, environ 37 nouvelles taxes et impôts ont été rajoutés, avec un objectif de 12 milliards d’euros supplémentaires pour l’État. En 2016, l’État a ainsi collecté près de 54,1 milliards d’euros, contre 51,3 milliards en 2014 et pourtant 55,3 milliards en 2009 avant les nouvelles taxes (la Troïka est arrivée en Grèce en 2010). Notons aussi que la TVA impayée s’élève à 21,63 milliards d’euros à la fin de l’année dernière, représentant environ 21,8% de l’impôt global non payé.” (Kostas Stoupas, le 5 avril 2018).

Toujours sur le même portail Internet, un autre article revient sur le fait des 650.000 employés du secteur privé en Grèce, lesquels gagnent… 382€/mois pour un travail à temps partiel. Ceci explique peut-être un peu cela, (Dimitris Katsaganis, le 5 avril 2018).

Ce… néoréalisme grec échappera ainsi quasi-entièrement aux visiteurs du pays, d’ailleurs, ils n’y viennent pas pour… répéter l’audit des statistiques grecques. Car sinon, la vitrine helladique est fort belle, et elle est même parfois authentique, comme par exemple lorsque le pope (prêtre) et les siens, boivent leur café devant l’église aussitôt la messe terminée en cette semaine Sainte Orthodoxe. Au même moment, en attendant Dieu sait quoi, les avenues d’Athènes se vident de leur circulation, puisque les Athéniens retrouvent alors massivement leurs “petites patries d’origine”, si ce n’est que pour quelques jours seulement, laissant les clefs de la ville aux plus paupérisés d’entre eux, aux touristes, aux migrants, et naturellement, à nos animaux adespotes (sans maître).

Avenue d’Athènes. Avril 2018
Touriste. Cap Sounion, avril 2018
Animal adespote. Athènes, avril 2018

Notons enfin que la dernière trouvaille en matière de loi mémorandaire de la part du “gouvernement”, avait été ce projet présenté au “Parlement” en matière d’animaux desposés (ayant un maître) et adespotes (sans maître). Ce projet a été finalement retiré, car il a suscité l’indignation générale, et particulièrement celle des associations lesquelles œuvrent en faveur des animaux adespotes. D’ailleurs et abord cette loi instaurait une taxe liée à la possession d’animaux domestiques, ainsi qu’une forme de… TVA animalière, pour chaque produit acheté au sein d’une boutique commercialisant des articles pour animaux, en plus de la TVA… très humaine à hauteur déjà de 24%.

Ensuite, par cette législation, et par ses dispositions explicites, que toute action l’action en faveur du bien-être animal de la part des citoyens et des associations puisse devenir interdite. En particulier, le sauvetage, le fait de nourrir, la stérilisation des animaux adespotes, ainsi que les efforts de la part des citoyens ou des associations fin de trouver un foyer à ces animaux, seraient dorénavant des actes illégaux.

En réalité, c’est même l’essentiel du travail des associations œuvrant pour la protection des animaux qui deviendrait interdit, en limitant considérablement leur champ d’intervention, quitte à les faire disparaître. Ainsi, tout citoyen ou toute association qui enfreindrait la loi en portant secours, hébergeant ou en sauvant un animal adespote, commettrait ainsi un acte passible d’une amende de 5 à 15 mille euros et d’un an d’emprisonnement, comme l’ont souligné les nombreux reportages de la presse ces deux dernières semaines à l’instar du quotidien “Kathimeriní”.

Animal adespote de la gallérie littéraire. Athènes, avril 2018
Animal adespote de la gallérie littéraire. Athènes, avril 2018
Loi sur les animaux et indignation. Athènes, avril 2018

Ce projet de loi a été certes retiré, mais à l’avis de nombreux observateurs des faits et gestes bien grecs, ce n’est qu’une reculade d’urgence “de la part des salopards et autant marionnettes qui sont au gouvernement”, aux dires même de certains journalistes, à l’instar de ceux de la zone matinale sur la radio 90.1 FM en Attique. La presse aura surtout remarqué le caractère lamentablement aberrent d’une telle législation, ainsi que sa spécificité très comptable, rien que par l’instauration d’une taxe de plus, laquelle se rajouterait aux 37 nouvelles taxes rajoutées depuis 2010.

Il y a pire pourtant. Cette loi, à mon humble avis, elle aurait été très probablement rédigée, d’abord au sein d’un “cabinet d’experts internationaux” à l’instar du 95% de la “législation grecque” depuis 2010, laquelle est comme on sait… importée par mail, pour ensuite être traduite à la hâte pour les besoins de la supposée “procédure parlementaire”.

Ce que la presse n’a pas vu, ou qu’elle n’a pas voulu voir, c’est toute la mutation anthropologique violente que cette même loi avait tenté d’imposer, à savoir, et très exactement, la disparition des animaux adespotes, et par la même occasion, la destruction du lien très puissant qu’alors entretiennent avec eux les Grecs, ce qui n’est d’ailleurs pas qu’une spécificité grecque, il y a qu’à observer par exemple le lien analogue qu’entretiennent nos voisins Turcs avec leurs chats, entre autres à Constantinople, et cela jusqu’à en faire un beau film.

Vision du monde. Athènes, avril 2018
Cuirassier ‘Avéroff’, navire musée. Athènes, avril 2018
Devant la nature. Visiteurs du Cap Sounion, avril 2018

En somme, une telle législation a surtout pour vocation que de briser l’un des derniers ressorts culturels, voire existentiels encore subsistant chez les Grecs. Car au-delà du génocide économique et de la dépossession des biens, des symboles et des affects liés à ce que les Grecs considèrent très exactement comme relevant de leur patrie, “notre” tournure de mondialisation techno-féodale, imposerait pour autant, si elle y arrive, un tel méta-monde, où tout “contact” entre humains et également entre humains et animaux, passerait obligatoirement par la “création” numérique.

Nous en rajoutons déjà… en termes de méthode aux guerres de jadis, comme aux cuirassiers d’il y a un siècle, transformés en musées. Ainsi, le métanthropisme, le transhumanisme, leur supposée réalité augmentée, nous réduiraient et nous conduiraient de toute évidence… à “évoluer” finalement dans un monde azootique, aseptisé, desposé, donc déjà mort. En somme, c’est la “vie” dans un univers concentrationnaire quasi-planétaire, donnant ainsi raison à Günter Anders, lequel avait comme on sait considéré et analysé bien tôt, cette… “Obsolescence de l’Homme”.

Comme il est aussi observé ailleurs au sujet de son œuvre, “le titre de ‘L’Obsolescence de l’homme’ indique déjà qu’il y a quelque chose de périmé en l’homme, quelque chose hors sujet, à savoir son humanité. L’homme perd ses caractéristiques qui constituaient en propre son humanité: la liberté, la responsabilité, la capacité d’agir, la capacité à se faire être. En utilisant ces concepts, nous parlons le langage et la réalité d’un autre temps. Tout se passe comme si l’être de l’homme relevait aujourd’hui d’une nature morte.”

Je rajouterai seulement que cette nature morte, ce serait autant celle des animaux, et qu’en Grèce en ce moment, c’est très précisément un “gouvernement” de… gauche sous l’arriviste Alexis Tsipras qui de fait, il agit en faveur de l’avènement de ce monde alors fondamentalement morbide.

Lara Fabian à Athènes. Affiche, avril 2018
Journaux du moment. Athènes, avril 2018
Biscuits traditionnels de Pâques. Péloponnèse, avril 2018

Pâques donc en vue. Le pays s’y prépare, le soleil en plus. Bref passage pluvieux, tout juste pour ce Vendredi saint, rien de bien dramatique. Lara Fabian à Athènes bientôt, le catastrophisme de la presse, le pays réel et ses cadres de marche, nos biscuits traditionnels de Pâques, les Grecs et leur juste vœu du moment: “Bonne Résurrection”.

Retour si possible à l’essentiel, comme d’ailleurs pour Mimi et Hermès, animaux attitrés de ‘Greek Crisis’. Oui, “Bonne Résurrection” !

Mimi et Hermès de ‘Greek Crisis’. Athènes, avril 2018
* Photo de couverture: Les œufs rouges, symbole de Pâques. Athènes, avril 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

Affronter le néolibéralisme et le nationalisme

Affronter le néolibéralisme et le nationalisme. Entretien entre N. Slavevski et S. Kouvélakis

La tension créée par le différend entre la Grèce et la République de Macédoine et les complexités de la politique intérieure dans les deux pays ont jusqu’à présent entravé le dialogue transfrontalier entre la gauche radicale grecque et macédonienne.

En Macédoine, le parti social-démocrate au pouvoir, successeur du parti unique de l’ère yougoslave, met en œuvre des politiques néolibérales tout en poursuivant une intégration plus profonde dans le bloc occidental. En Grèce, Alexis Tsipras et Syriza ont renié leurs engagements initiaux pour devenir les exécutants les plus fidèles de la thérapie de choc imposée au pays par la coalition d’airain qui lie ses créanciers à sa propre bourgeoisie.

Il existe cependant des forces dans les deux pays qui combattent cette voie désastreuse, en s’opposant à la fois au nationalisme et à la destruction néolibérale de la démocratie et des droits sociaux. Dans cet entretien, Stathis Kouvélakis et Nikola Slavevski discutent de la tension nationaliste croissante et de l’implication croissante des Etats-Unis dans la région ainsi que de la façon dont la gauche radicale devrait y répondre.

Nikola Slavevski, est diplômé de l’école des Beaux-Arts de Skopje et membre du comité central de Levica (La gauche) de la République de Macédoine

Stathis Kouvélakis enseigne la philosophie politique au King’s College de Londres, il est membre d’Unité Populaire en Grèce.

 Commençons par une question sur la perception par l’opinion publique dans votre pays des négociations en cours entre le gouvernement grec et la République de Macédoine sur le « différend sur le nom ». En annonçant le changement du nom de l’aéroport de Skopje (d’« Alexandre le Grand » à « Aéroport international de Skopje »), le premier ministre macédonien Zoran Zaef a également déclaré qu’il acceptait un nom composite, avec une indication géographique à côté de «Macédoine». Un consensus plus large est-il possible autour d’une telle proposition ? Un tel accort pourrait-il obtenir la majorité qualifiée au Parlement nécessaire pour tout changement constitutionnel ?

Le président actuel de l’opposition de droite a récemment visité Washington, où il a rencontré Trump, une confirmation supplémentaire que le VMRO-DPMNE ne s’est jamais opposé à la politique étatsunienne. Les élites politiques de la République de Macédoine sont soumises à l’impérialisme parce qu’elles ont besoin d’un soutien international pour maintenir leur domination. Je pense que si les intérêts étatsuniens dictent un changement constitutionnel, il y aura une majorité qualifiée au parlement. L’impérialisme occidental a besoin que cette question soit résolue pour permettre l’intégration de la République de Macédoine dans l’OTAN, et, de ce fait, elle sera résolue. Quant au changement de nom de l’aéroport de Skopje, je pense que c’était une bonne décision. L’aéroport a été nommé « Alexandre le Grand » en 2006 comme un acte de provocation du gouvernement VMRO dans le contexte de l’escalade de tension du moment.

 Cela nous amène à la question cruciale de l’OTAN. Il est tout à fait clair que la raison pour laquelle les négociations entre la Grèce et la République de Macédoine ont repris à un rythme intensif est de permettre à celle-ci d’adhérer à l’OTAN, et, par la suite, à l’UE. Il y a même des échéances précises pour le bouclage des négociations, à savoir le prochain sommet de l’OTAN les 11 et 12 juillet précédé d’un sommet de l’UE à Sofia le 17 mai consacré à son élargissement dans les Balkans. Comment évaluez-vous l’élargissement de l’OTAN, auquel la gauche radicale grecque s’oppose catégoriquement ?

L’OTAN n’est rien d’autre qu’un outil de répression impérialiste. L’OTAN est un pacte de guerre et d’agression, l’OTAN est une relique du passé. Levica s’oppose à l’intégration de notre pays dans l’OTAN. Nous ne voulons en aucun cas participer à la répression des autres peuples. Rejoindre l’OTAN n’apportera rien de positif à la population, puisque nous devrons consacrer 2% du budget aux dépenses militaires. Cet argent pourrait plutôt être utilisé pour des programmes sociaux, de santé ou d’éducation.

 Pensez-vous que la question de l’adhésion à l’UE devrait être dissociée de l’adhésion à l’OTAN? Quel rôle l’UE a-t-elle joué jusqu’ici dans la politique intérieure de votre pays ?

L’intégration de l’UE est distincte de l’intégration à l’OTAN, il existe des pays de l’UE qui ne sont pas membres de l’OTAN. Le rôle de l’UE dans la région est important mais la diplomatie de l’UE est « soft », l’outil de l’impérialisme occidental ici est la diplomatie étatusienne. Quoi qu’il en soit, nous soutenons l’intégration européenne, mais l’UE doit être restructurée car elle est fondée sur les intérêts capitalistes et impérialistes des pays du centre. L’Union des peuples européens doit être fondée sur l’égalité et le développement équilibré, et non sur les intérêts capitalistes. Pour parvenir à une telle intégration, nous avons avant tout besoin d’une coopération régionale dans la péninsule balkanique.

 Dans les médias grecs, il est constamment question des « vues irrédentistes » de la République de Macédoine attribuées aux passages de la constitution. Cette accusation a-t-elle un fondement ? Le type de nationalisme promu par les gouvernements VMRO-DPMNE et l’utilisation de symboles de l’Antiquité sont-ils l’expression d’un tel irrédentisme ?

Au moment de l’indépendance de la République de Macédoine, on a pu entendre, dans le contexte du nationalisme grandissant de l’époque, certaines déclarations de la part du parti de droite VMRO-DPMNE selon lesquelles ils tiendraient leur prochain congrès à Thessalonique. Les déclarations de ce type sont caractéristiques du nationalisme dans les Balkans, mais elles ne constituent pas une réelle menace pour les frontières existantes dans la région. Depuis cette époque, VMRO-DPMNE a connu de multiples scissions et s’est transformée en un parti populiste. Il a utilisé le nationalisme pour assurer sa domination, mais comme il est apparu dans les transcriptions des conversations qui ont vu le jour lors du scandale des  mises sur écoute, VMRO-DPMNE avait en fait accepté des positions similaires à celles de la SDSM sur la question du nom.

Ce qu’il importe toutefois de comprendre, c’est pourquoi VMRO-DPMNE et la droite ont eu besoin de cette «antiquisation» de l’identité macédonienne. Il est clair que les nations sont un concept moderne, elles apparaissent la formation des Etats-nations. Il est également clair que les forces de droite ont besoin des mythes à la gloire de de l’État national. Mais la construction de l’identité nationale macédonienne est très atypique. Cette identité n’a pas été construite par la droite mais par la gauche parce que la gauche était républicaine et ne voulait pas que le processus de libération de la domination ottomane aboutisse à l’annexion par l’une des monarchies des Balkans. Elle s’est donc engagée sur la voie de la revendication macédonienne d’abord en tant que question de souveraineté, puis en tant que question nationale.

D’un point de vue historique, la nation macédonienne a été créée en 1944 avec la fondation de la République démocratique de Macédoine, rebaptisée plus tard République socialiste de Macédoine, au sein de la fédération yougoslave. Mais cette fédération était un Etat ouvrier socialiste, pas un Etat national. De ce fait, la droite ne pouvait pas créer un mythe national à partir d’un Etat socialiste, et l’Etat existant lui paraissait dépourvu de gloire. Pour créer le mythe nécessaire à leur récit, ils se sont alors tournés vers l’Antiquité.

En ce qui concerne les vues irrédentistes de la République de Macédoine, je pense que c’est une pure exagération qui n’a rien à voir avec la réalité. Si nous regardons la situation économique, notre économie dépend du capital grec. Si cet État veut continuer à exister, il a besoin de capitaux grecs, et le capital grec y trouve son intérêt en raison de la main-d’œuvre bon marché. Quant à l’aspect militaire, la République de Macédoine dispose de très faibles capacités. Son armée ne compte pas plus de 5.000 soldats, et leur équipement militaire est médiocre. Il n’y a pas de bases militaires à proximité des frontières, et c’est d’une façon générale la plus faible puissance militaire des Balkans. La Grèce dispose d’une capacité militaire incomparablement supérieure.

La classe capitaliste macédonienne est incapable de maintenir l’ordre social sans l’aide du capital grec et international. Par conséquent, son intérêt et celui de l’Etat macédonien n’est pas d’affronter l’Etat grec mais de construire une alliance avec lui. Le discours sur les « tendances irrédentistes » n’est donc que propagande visant à maintenir la méfiance nationaliste entre les deux peuples.

Ce qu’il faut souligner c’est que l’intérêt des travailleur.se.s de la République de Macédoine est de rejoindre la classe ouvrière grecque dans une lutte commune pour leurs droits. Les travailleur.se.s dans les deux Etats ne mènent pas une lutte différente, leur combat est commun.

 La situation politique dans votre pays a connu un changement important après l’éclatement du scandale des écoutes illégales, dans lesquel les dirigeants du gouvernement VMRO-DMNE ont été impliqués. Une importante mobilisation populaire a suivi, conduisant aux élections de 2016 et à la défaite du VMRO-DPMNE. Ces scandales ont révélé l’étendue du pillage de l’État par les politiciens au pouvoir et de la corruption qui a accompagné l’imposition de politiques néolibérales particulièrement brutales. Après les élections de 2016, une nouvelle coalition s’est formée autour du parti social-démocrate SDSM et des partis représentant la minorité albanaise. Quelle est votre évaluation de la politique menée par le gouvernement actuel dirigé par Zoran Zaef ?

Après la formation du nouveau gouvernement les gens ont pu respirer, la peur qui existait au temps du gouvernement VMRO-DPMNE a disparu, mais les institutions de l’Etat n’ont pas été réformées. De nouveaux scandales touchent les membres de la Commission électorale nationale et les indemnités qu’ils sont touchés. Un autre scandale est survenu concernant l’indemnisation des frais de voyage des députés, comme à l’époque des gouvernements VMRO-DPMNE.

S’agissant de l’économie, ce sont les mêmes politiques néolibérales qui sont mises en œuvre. Le SDSM tente de se présenter comme un parti de gauche en se livrant à des manipulations avec le salaire minimum, qui est passé de 10800 à 12000 denars (200 €). Mais une faille juridique supplémentaire a également été ouverte, permettant aux patrons d’enfreindre la loi. De cette façon, le SDSM se présente comme un parti qui se soucie des travailleur.se.s sans avoir besoin d’affronter les capitalistes. Le gouvernement a promis une nouvelle politiques fiscale basée sur la taxation progressive mais en réalité rien n’a changé, ils ne veulent pas et ne se confronteront pas au pouvoir du capital.

 Pouvez-vous nous dire comment le parti Levica (La gauche) a été formé et quels sont ses principaux objectifs ?

Après plusieurs années de mobilisations et de luttes sociales, Levica a été formé en 2016 par des membres du Mouvement pour la justice sociale Lenka et le mouvement de gauche Solidarité, deux réseaux militants de base rejoints par des personnes qui n’étaient pas membres de ces organisations. Il a été conçu comme une tentative de combler le vide sur la partie gauche du spectre politique, et de répondre à la nécessité d’un parti ouvrier, puisque les travailleurs n’avaient aucune organisation politique pour représenter leurs intérêts sur la scène politique et dans la société. L’objectif principal de Levica est de représenter l’intérêt des travailleur.se.s et des couches pauvres de la population, d’organiser les travailleur.se.s dans leur lutte et de transformer la société dans un sens socialement plus juste.

 Voyez-vous des possibilités de collaboration entre Levica et les forces de la gauche radicale grecque qui s’opposent à la montée nationaliste actuelle ?

Il ne s’agit pas simplement de possibilités. La coopération entre Levica et les forces de la gauche radicale grecque est une nécessité. La coopération entre les forces de gauche dans les Balkans est nécessaire pour constituer une plateforme balkanique qui unira la gauche dans la région. Les peuples balkaniques se sont trop souvent tournés les uns contre les autres sous l’influence des forces nationalistes et, pendant qu’ils s’adonnent à ces haines ils se font piller par leurs élites.

Seule l’action commune des forces antinationalistes permettra aux peuples de voir que celles et ceux qui se trouvent de l’autre côté de la frontière ne sont pas des ennemis, mais des personnes confrontées à des problèmes similaires, et que ces problèmes nécessitent souvent une action commune pour être résolus. Nous comptons vivement sur la coopération future avec nos camarades grec.que.s pour mener à bien cette tâche.

Source https://www.contretemps.eu/macedoine-grece-neoliberalisme-nationalisme/

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La privatisation de l’eau en Grèce

Le point sur l’eau en Grèce par Yiorgos Archontopoulos, Syndicat des travailleurs d’EYATH

Thessalonique, le 24 janvier 2018

Le 15 janvier, le Parlement grec a voté une loi pour adopter la 3ème évaluation de la Troïka. Entre autres, la loi inclut le transfert des sociétés de distribution d’eau (51%) directement au Superfund. Lorsque le Superfund a été créé, l’idée était que toutes les sociétés publiques seraient transférées à une société holding qui serait une filiale du Superfund. En fait, le nouveau scénario est pire que le précédent.

Un jour seulement après le vote au parlement, TAIPED (HRADF) a annoncé l’actualisation de ses projets de privatisation, dont 24% d’EYATH (société des eaux de Thessalonique) et 11% d’EYDAP (société des eaux d’Athènes). Depuis le 3ème mémorandum, il était prévu de vendre 23% d’EYATH; qui est maintenant devenu 24%, laissant le public avec seulement 50% + une action.

En septembre 2016, le Syndicat des travailleurs d’EYATH a poursuivi la Cour Suprême pour la création du Superfund et le transfert d’EYATH à ce dernier. Cette affaire sera jugée à la fin du mois de février. Maintenant, nous cherchons à savoir si le recours 2016 est cohérent avec le transfert qui a eu lieu le 15 janvier ou si nous avons besoin d’un nouveau recours!

Depuis le mois de novembre, avec SOSte to Nero, nous avons organisé des réunions et des négociations avec le syndicat des maires (PED) qui a organisé le référendum sur l’eau à Thessalonique avec nous. Nous prévoyons de faire une campagne à partir de février. De nombreux événements auront lieu dans la ville sur le thème de la privatisation de l’eau. Le point culminant de la campagne sera le 18 mai, jour du 4ème anniversaire du référendum sur l’eau. Nous avons convenu que les maires financeront la projection du film de Yiorgos Avgeropoulos « Jusqu’à la dernière goutte » dans les centres culturels municipaux. Nous organiserons un appel à volontaires début février.

En ce qui concerne l’application de la Directive Cadre sur l’Eau, il n’existe actuellement aucun rapport officiel. Nous savons que les sociétés des eaux municipales doivent les préparer, mais elles ne sont pas encore prêtes.

Il y a deux jours, un article de presse a été publié sur la prochaine évaluation (4ème) du programme grec de sauvetage financier. La 4e évaluation comprend l’eau et l’énergie.

Selon le troisième examen du programme du mécanisme européen de stabilité (voir pages 35, 36, 40 et 41), la Grèce a besoin d’un cadre réglementaire stable qui permette les investissements dans les réseaux d’approvisionnement en eau et protège les consommateurs.

  • La Grèce doit transmettre le changement des conseils d’administration des sociétés des eaux municipales.
  • La Grèce doit clarifier la juridiction géographique de DEYA (sociétés municipales de distribution d’eau), EYDAP et EYATH, afin d’éviter les chevauchements.
  • D’ici février, la loi devrait être amendée pour améliorer l’efficacité et la transparence des institutions en renouvelant la composition et le fonctionnement du Comité national de l’eau. Parmi les membres à ajouter, le Ministre du Travail et deux ONG.
  • D’ici février, le Secrétariat spécial pour l’eau[1] évaluera le fonctionnement du système de collecte des données ainsi que les plans stratégiques d’EYDAP et d’EYATH.
  • D’ici mars, le Secrétariat spécial pour l’eau devrait adopter un plan d’action de six ans pour renforcer sa gouvernance, sa capacité administrative et son autonomie financière.
  • D’ici avril, le nouveau système d’établissement des coûts et de la tarification pour les services d’eau devrait être mis en œuvre conformément à la Directive Cadre sur l’Eau.

En tant que syndicat, nous songeons à organiser une rencontre avec les directions syndicales d’autres sociétés publiques qui ont été transférées au Superfund. Ensemble, toutes ces sociétés comptent plus de 40 000 travailleurs. Le Superfund est le plus gros employeur du pays, donc les travailleurs doivent s’organiser!

Yiorgos Archontopoulos, Syndicat des travailleurs d’EYATH

[1] Le Secrétariat spécial pour l’eau est compétent pour élaborer les programmes de protection et de gestion des ressources en eau du pays et pour coordonner les services et les organes de l’Etat sur toutes les questions relatives à la protection et à la gestion de l’eau. L’une des principales fonctions du Secrétariat est la mise en œuvre de la Directive Cadre sur l’Eau, qui a été incorporée dans la loi nationale 3199 de 2003, dans le but d’atteindre le bon état écologique et chimique des eaux du pays. Le Secrétariat, en coopération avec les Directions régionales des eaux, prépare les programmes nationaux de protection et de gestion des ressources en eau du pays et assure le suivi et la coordination de leur mise en œuvre. Avant leur adoption, les programmes sont présentés pour consultation au Conseil national de l’eau. Le Secrétariat est organisé en Directions et Départements et dirigé par un Secrétaire spécial du Ministère de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et des Travaux Publics.

Source http://europeanwater.org/fr/actions/focus-par-pays-et-ville/776-le-point-sur-l-eau-en-grece

Le désastre néolibéral de la protection sociale et sanitaire

Grèce 2018 : Le désastre néolibéral de la protection sociale et sanitaire par Emmanuel (Manolis) Kosadinos, Médecin franco-grec, syndicaliste.

La prétendue amélioration de la situation sociale et sanitaire en Grèce est une fiction du gouvernement grec, des institutions européennes et des médias dominants. La poursuite de l’application des recettes néolibérales mène à la faillite de l’État social et à la pérennisation de la précarité. Emmanuel Kosadinos nous dresse un bilan de la situation dans ce laboratoire européen du néolibéralime et incite, l’ensemble des pays européens, à en tirer les leçons.

Rappel historique des dernières années

Les 23 et 24 octobre 2017 s’est tenu à Paris le Colloque « Une protection sociale pour tous les peuples » organisé par la Fondation Gabriel Péri. Dans le contexte français, marqué par le débat sur le financement de la protection sociale et de la Santé, par l’écho déjà lointain des programmes électoraux, mais surtout par le spectre de contraction de la protection sociale solidaire, la présentation de la situation actuelle en Grèce, qualifiée de laboratoire européen du néolibéralisme, acquiert un intérêt particulier.

La protection sociale a été la cible de la Troïka (UE, FMI, BCE) dès l’imposition des mémorandums à la Grèce (2010), pour y appliquer les recettes néolibérales.

Au principe de solidarité sociale, exprimé par l’adage « de chacun-e selon ses moyens à chacun-e selon ses besoins », les néolibéraux opposent ceux d’un système inégalitaire de prestations, attribuées en fonction des cotisations versées par des assurés individuels, « de chacun-e selon sa capacité à cotiser à chacun-e selon sa contribution financière à la caisse d’assurance », garantissant seulement une protection minimale, permettant l’accès des individus au marché concurrentiel, désamorçant la contestation sociale.

Ainsi, les organismes de protection sociale devront présenter des bilans équilibrés, voire excédentaires. Le niveau des prestations (retraites, allocations, couverture santé) devra s’adapter à une loi comptable implacable et devenir fluctuant, aléatoire, tributaire de la situation du marché. La « redistribution » néolibérale se fait entre les assuré-e-s en exonérant les revenus du capital.

Par l’application de ces principes, les retraité-e-s grec-que-s ont perdu, entre 2010 et 2015, près de 30 % de leurs revenus ; l’âge de départ à la retraite est passé de 60 à 67 ans ; les allocations chômage ont baissé de 25 % (avec 90 % de chômeurs non indemnisés). Le restant à charge pour l’achat de médicaments a nettement augmenté ; de nombreux médicaments ont été déremboursés ; près de 30 % des citoyen-ne-s ont perdu leur couverture sanitaire. Les dépenses allouées aux hôpitaux publics ont baissé de 40 %.

En janvier 2015, le parti SYRIZA a gagné la majorité aux élections législatives sur la base d’un programme qui annonçait le renversement de l’austérité et le rétablissement des droits des salarié-e-s et de la protection sociale. Après 6 mois de négociations avec les créanciers et l’UE, et malgré la condamnation des politiques d’austérité par 61,3 % des élect-eur-rice-s grec-que-s lors du référendum de juillet 2015, les dirigeants du gouvernement grec ont signé un 3e mémorandum d’austérité ratifié en procédure accélérée par le Parlement, en août 2015. Ce virage politique des dirigeants de SYRIZA a produit la scission du parti et la démobilisation de la majorité de ses militants.

D’août 2015 à ce jour, de nouvelles mesures d’austérité sont imposées au peuple grec par le gouvernement de SYRIZA-ANEL.

Les retraites ont été davantage abaissées et l’âge de départ relevé. Les salaires minimaux et les allocations chômage gelés. L’imposition des foyers modestes a été intensifiée et le marché du travail dérégulé. Les saisies des résidences principales des foyers surendettés ont démarré malgré une résistance citoyenne large et déterminée.

La nouvelle réforme de la protection sociale a réitéré la baisse des prestations et la hausse des cotisations, par les « lois-guillotines » 4336/2015 et 4387/2016. Mentionnons aussi la privatisation des infrastructures du pays et la vente scandaleuse des banques grecques à un prix dérisoire.

La faible reprise de la croissance et la baisse du chômage, affichées aujourd’hui par le gouvernement comme des réussites, sont à prendre avec des pincettes, car obtenues par la précarisation de 60 % des salarié-e-s et par des artifices de recensement.

La cagnotte percée des organismes grecs d’assurance sociale

La « solvabilité » du système grec d’assurance sociale a toujours été à l’ordre du jour des gouvernements grecs successifs. Depuis 2010, il fait aussi l’objet d’injonctions de la part des « institutions » (UE, BCE, FMI) de la Troïka. Mais, ce qui menace le système des assurances sociales n’est pas la générosité des politiques sociales en Grèce, une fiction de Droite, mais le néolibéralisme et le pillage des réserves des caisses par les gouvernements. Ce pillage, à l’œuvre depuis les années 1950, c’est amplifié à l’époque de la Troïka et des mémorandums.

En allégeant l’imposition et les cotisations du patronat, en réduisant ainsi les recettes sociales, en prélevant sur les réserves des caisses d’assurances (retraites, santé, chômage) pour les allouer aux besoins du gouvernement, notamment au remboursement de la dette publique, les derniers gouvernements grecs néolibéraux, de Droite ou « de Gauche », poussent inexorablement le système d’assurance sociale vers la faillite. Le point culminant du pillage organisé fut le « PSI » (Private Sector Involvment), manœuvre comptable organisée conjointement par le gouvernement grec et la Troïka, en 2012, dans le but de réduire nominalement la dette de l’État grec. Lors de cette opération, les réserves des caisses d’assurance, converties en titres de dette d’État, ont été dévaluées de 50 %, selon la règle appliquée aux titres détenus par les créanciers privés. Avant cela, sous un gouvernement de Droite, l’implication des caisses dans des activités de spéculation financière avait occasionné d’importantes pertes et le soupçon légitime de corruption du monde politique.

Compte tenu de ces antécédents, les projets gouvernementaux pour la constitution d’un Fonds de sécurité des assurances sociales, d’une « tirelire » censée suppléer aux caisses en déficit, suscitent la méfiance et la crainte d’un renforcement du virage austéritaire du gouvernement SYRIZA, d’autant plus que le financement de cette « tirelire » reste sujet flou. Une proposition pour son financement par des recettes issues des privatisations a été sèchement refusée par les créanciers. Ce Fonds, sous l’acronyme AKAGE, mis en place en 2008 par le gouvernement de Droite de Karamanlis, a déjà subi une ponction par la loi 4335/2015 du gouvernement SYRIZA. Ses seules recettes réelles proviendraient de la TVA et elles ne pourraient être supérieures à 3 milliards sur un horizon de plusieurs années, alors que les pertes des caisses résultant du PSI en 2012 sont de 14 à 20 milliards d’euros.

Le projet du gouvernement SYRIZA, repris à ses prédécesseurs, d’indexer l’augmentation des retraites sur la croissance, ne garantit pas la viabilité du système, mais surtout n’apporte aucun soulagement aux retraité-e-s grec-que-s. Leurs revenus ont subi ces dernières années une diminution moyenne de 30 % et il faudrait des décennies pour que cette perte soit compensée par les revalorisations promises.

Les péripéties du système grec d’assurance sociale démontrent que ni le mode de financement ni le mode de gestion des caisses d’assurance ne sont des conditions suffisantes pour garantir la pérennité et le caractère redistributif d’un système de protection sociale.

Il faut que la part de richesses allouées à la protection sociale, notamment celles créées par la cotisation, bénéficie de protections strictes inscrites dans la Constitution. Cette discussion est de grande actualité, notamment en France, où le débat autour du financement de la Sécurité sociale et du PLFSS est au cœur des luttes sociales et politiques.

Budget social au rabais

Le budget social 2018, déposé le 21 octobre 2017 par la majorité SYRIZA au Parlement grec s’inscrit dans le sillage de toutes les précédentes contre-réformes.

Il diminue davantage les retraites et augmente l’âge de départ, réduit à néant l’Allocation de Solidarité aux Retraités (EKAS), diminue les prestations sociales et augmente les cotisations des salarié-e-s et retraité-e-s.

Le financement public alloué aux caisses d’assurance, à l’Organisme national d’Offre de Services de Santé (EOPYY) et aux hôpitaux est encore diminué de 638 millions pour 2018. Les transferts budgétaires de l’État vers les caisses, EOPYY, les hôpitaux et l’Organisme pour l’Emploi (OAED) passent de 17,911 milliards d’euros à 17,273 milliards d’euros (- 3,56 %).

En même temps, le « budget social » affiche un excédent de 1,929 milliards d’euros, contre 1,560 milliards l’année 2017, c’est-à-dire 369 millions supplémentaires à faire payer aux salarié-e-s et retraité-e-s en cotisations et diminutions du remboursement des soins.

Rappelons que déjà dans le budget 2017, la réduction des retraites et autres prestations sociales avait dépassé de 1,076 milliard celle prévue par le mémorandum.

Selon le budget (anti)social 2018, l’Organisme grec pour l’emploi (OAED) devrait afficher des excédents budgétaires de 586 millions. Ceci est choquant compte tenu du fait que seuls 10 % des chômeurs sont indemnisés et que les allocations chômage stagnent depuis 2012, année où elles avaient été bien diminuées.

En revanche, l’austérité du budget social ne touche pas les entreprises qui verront leurs subventions augmentées, 450 millions d’euros contre 350 en 2017, pour inciter à l’embauche selon la vieille recette néolibérale, prouvée inefficace partout, notamment en France.

La Santé des Grecs en danger…

Malgré les déclarations du gouvernement grec d’une amélioration, depuis trois ans, de la situation sanitaire du pays, et malgré l’autorisation légale d’accès aux soins aux personnes non assurées, de sérieux problèmes persistent et risquent de s’aggraver.

De nouvelles coupes du financement de la Santé publique sont inscrites dans le budget de l’État. Le financement d’EOPYY par l’État, déjà réduit en 2017 de 200 millions (- 38 %) par rapport à 2016, sera encore réduit, en 2018, de 214 millions d’euros.

En raison de l’augmentation des cotisations santé imposée aux retraité-e-s, il est prévu qu’EOPYY présente un excédent de 333 millions en 2018. Le financement de cet Organisme par l’État (100 millions seulement) sera utilisé « pour les soins de santé des citoyens non assurés ». Cette dépense indispensable sera donc financée majoritairement par les cotisations des salarié-e-s et retraité-e-s, la subvention de l’État n’étant que subsidiaire. En 2017, les cotisations représentaient 82,3 % du budget d’EOPYY, contre 79,2 % en 2016, une diminution nette de la part de l’État au financement de la Santé. Cette politique, dans la continuité des gouvernements précédents, vise des excédents pour les caisses d’assurance, que l’opposition populaire qualifie d’ensanglantés.

Le budget des hôpitaux publics et du Réseau de Soins primaires (PEDY) diminue encore de 363 millions en 2018. Cette coupe se rajoute à celle de – 22,8 % en 2015, maintenue en 2016, et de 7 millions en 2017.

L’autorisation d’accès aux soins aux personnes non assurées est une avancée importante dans la direction d’une politique humaniste de Santé. Il faudrait cependant rappeler le retard de neuf mois de sa mise en application, contrairement aux mesures du mémorandum mises en place par procédures express. L’accès ne concerne pas l’achat de médicaments en pharmacie ni les personnes sans documents administratifs. Pour que ce droit soit effectif et pérenne, il faudrait qu’EOPYY dispose de crédits en mesure, ce qui n’est pas le cas. Des pénuries se font sentir même dans les hôpitaux universitaires (Attiko, Laïko) lorsqu’il s’agit de traitements pour les pathologies lourdes.

Autre projet phare du gouvernement SYRIZA, la réforme des Soins primaires de santé a bien mal démarré, à cause du caractère non pérenne de son financement et de la précarité des contrats qui sont proposés aux soignants. C’est une précarité qui s’étend d’ailleurs dans toute la fonction publique : près de 20 % dans le système de santé, et de 50 % dans l’éducation. Avec des conséquences évidentes pour la qualité et la continuité des services…

Nous n’avons pas de données officielles sur la répercussion de cette situation pour les trois dernières années : mortalité et morbidité somatique et psychique, taux de suicide, rapport patients/soignants. Mais, selon le Dispensaire Social d’Elliniko, la mortalité des nourrissons serait passée entre 2015 et 2016 de 4 à 4,2/1000.

La situation sanitaire actuelle en Grèce appelle toujours à la solidarité citoyenne, Grecque et internationale, pour alléger les souffrances des plus démunis. Nous sommes loin d’une normalité. Les décès et infirmités des personnes n’ayant pu accéder aux soins dont ils ont eu besoin sont une accusation adressée à ceux qui imposent les politiques néolibérales (l’Union européenne et les instances créancières) et à ceux qui les exécutent (les gouvernements grecs).

vidéo de l’intervention de Manolis Kosadinos http://silogora.org/wp-content/uploads/2018/03/E.Kosadinos.mp4?_=1

 
 
 

 

Résister La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Résister

Au pays grec le soleil revient. Printemps. Fánis, depuis son café dans le Péloponnèse, il commente à sa manière la dernière décision de la Justice, annoncée très tard dans la nuit du 10 au 11 mars… au sujet d’un match de football entre l’Olympique du Pirée et le PAOK de Thessalonique, match qui ne s’était jamais achevé pour cause d’affrontements entre supporteurs. “Ils ont donné raison à PAOK car c’est l’équipe de Savvídis, l’homme fort des Russes. La Grèce est fichue, c’est le foutoir, quel gouvernement ? On en rigole même jusqu’en Afrique…”.

Dimanche de la Croix au Café. Péloponnèse, 11 mars 2018

Fánis s’est également rappelé de la fête du jour, et il a aussitôt allumé le poste de télévision de son bistrot pour le brancher sur la messe diffusée en direct depuis la deuxième chaîne publique de l’ERT. Car cette si belle journée du 11 mars, marque également le troisième dimanche du Carême, consacré comme on sait à la Croix. Et il est de tradition que de vénérer la Croix au milieu du Carême, tandis qu’en Occident chrétien, cette même messe intervient au 4ème dimanche au lieu du 3ème en Orient.

“Nécrosés par nos passions, nous avons besoin de ce soutien essentiel de la Sainte Croix pour aller jusqu’au bout du Carême, et autant parfaire notre purification. Et ce n’est pas dans la douleur mais dans la joie et dans la victoire que nous célébrons alors notre Sainte Croix qui vient ainsi nous soutenir en ce moment précis”, entend-on depuis le poste de la télévision.

Marché aux puces. Athènes, mars 2018

En Orient, cette tradition trouve son origine historique très loin, qui, comme tous les offices particuliers du Carême, n’a pas forcément de rapport avec le Carême: on commémorait, d’après une version des faits, le transfert au 6ème siècle, à Constantinople depuis Apamée en Syrie d’une importante relique issue de la Sainte Croix. Apamée, actuellement Qal`at al-Madhīq, est un site archéologique situé près de l’Oronte, à 55 km au nord-ouest de Hama.

Fánis et ses clients ignorent peut-être l’origine théologique et historique des faits ainsi que le sort d’Apamée l’Antique, sauf que la culture grecque et Orthodoxe y est toujours présente dans les esprits… en plus, diffusée comme elle est en direct sur la deuxième chaîne publique de l’ERT, entre deux coupes de café et un match de foot où il y a forcément à redire. Pays réel !

Printemps grec. Athènes, mars 2018
Printemps grec. Touristes à Athènes, mars 2018
On scrute les nouvelles. Athènes, mars 2018

Fánis enfin, ne doit plus tellement se rappeler du grand Philosophe stoïcien grec, Posidonios d’Apamée au 1er siècle av. J.-C., resté fidèle au principe fondamental du stoïcisme: seule la vertu est un bien. Célèbre philosophe dont la grandeur réside autant dans son savoir encyclopédique et dans les vastes enquêtes ethnologiques, géographiques et historiques qu’il a entreprises: études sur l’océan, sur les météores, sur la grandeur du Soleil ; rédaction de l’Histoire de Pompée, continuation de l’Histoire de Polybe. Vieilles histoires peut-être.

En notre temps, au pays des… Crisanthropes le soleil revient et le Printemps avec. Les touristes visitent l’Agora grecque et romaine, tandis que les Grecs scrutent les journaux. Car les événements comme on sait se succèdent. D’abord, quelques heures seulement après la décision de Justice au sujet de l’équipe de PAOK, la nouvelle est tombée, celle de l’interruption du match du soir lorsque le même Ivan Savvídis, Président de l’équipe de PAOK de Thessalonique a pénétré… très visiblement armée sur la pelouse du stade… pour protester devant une décision de l’arbitre. Le match a été aussitôt suspendu jusqu’à nouvel ordre, et le lendemain, c’est tout le championnat grec qui est interrompu, suite à une décision gouvernementale qui fait ainsi la ‘Une’ de toute la presse.

Ce dernier épisode… athlétique grec est alors déjà commenté jusque dans les colonnes de la presse internationale: “Le choc du championnat grec entre le PAOK Salonique et l’AEK Athènes s’est conclu dans le chaos dimanche 11 mars, les joueurs de l’AEK refusant de terminer la rencontre après l’envahissement du terrain par des dirigeants du PAOK, dont le président qui portait à la ceinture ce qui ressemble à un pistolet, selon des photos de l’Agence France-Presse”, peut-on lire par exemple sur le site du quotidien “Le Monde”.

L’affaire Savvídis. Medias internationaux, le 12 mars 2018
Savvídis et son… pistolet. Quotidien “Le Monde”, le 12 mars 2018

Depuis ces faits avérés, Ivan Savvídis est recherché, et il restera introuvable, le temps que le la procédure de flagrant délit ne s’appliquera plus. Les Grecs scrutent donc leurs les journaux et cette dernière affaire du ballon supposé rond, aura pourtant et très largement effacé de l’actualité cette autre nouvelle du rassemblement de la veille, lequel avait été organisé à Orestiada, ville située près de la frontière avec la Turquie, rassemblement en soutien aux deux militaires grecs incarcérés en Turquie.

Car il serait désormais évident, que les deux militaires grecs incarcérés en Turquie depuis déjà près de deux semaines, ils auraient été en toute évidence capturés par l’armée turque, et plus précisément par la gendarmerie, considérée comme un corps de Prétoriens du régime d’Erdogan, sans peut-être avoir pénétré en territoire turc. Les reportages dans la presse grecque de ce dernier temps deviennent de plus en plus précis, et c’est dans le cadre de l’enquête en cours qu’une équipe de militaires des États-Unis se sont rendus sur place sur la frontière, reportage de la presse grecque à l’instar du journal “Ethnos” du 11 mars. En tout cas, une telle mise en scène relève, comme autant elle révèle de la planification géopolitique côté turc, c’est évident.

Rassemblement à Orestiada le 11 mars, presse grecque

En somme, nous nous trouvons déjà dans une forme et de culture de guerre, et cette dernière affaire rappelle d’ailleurs d’autres précédents historiques, lorsque par exemple l’Allemagne d’Hitler fabriquait des “incidents” sur ses frontières avant de prétexter la “nécessité absolue et justifiée” de son agressivité qui en découlait. On dirait même, que cette capture des militaires grecs participe à la guerre asymétrique et psychologique que la Turquie d’Erdogan mène, il faut dire, de manière bien habile contre la Grèce… “cinquième colonne comprise”, aux dires de Fánis et des clients de son bistrot qui commentent décidément tout !

Cinquième colonne ou pas, ces derniers jours, nous avons vu apparaître dans Athènes certains tracts au message… clair: “Mort à la Grèce, pour que nous, nous puissions vivre, au Diable la famille et au Diable la Patrie”. Et dans un… nouvel ordre d’idées, en somme proches, on y découvre sur ce mêmes murs d’Athènes, cet autre message inévitablement méta-moderne… à propos de l’usage de notre “corps notre choix”.

Il y a même lieu de remarquer que le message en question se combine en six langues, sauf qu’il fait totalement et visiblement volontairement l’impasse sur la… langue du pays. Pourtant à Athènes on parle… encore le grec ! C’est bien connu, la mondialisation c’est l’amour des autres patries, tout comme l’adulation de toute altérité réelle ou supposée telle, et en même temps, la haine, ou sinon le rejet de l’identité.

Dans un tel monde… on disposerait peut-être de notre corps… ainsi notre seul et ultime choix, mais certainement pas de notre pays, ni de notre régime politique, et encore moins des droits et des devoirs. Et tous ces “libres corps” du lendemain des humains, découvriront peut-être un jour, qu’ils ne seront même plus jugés indispensables pour demeurer vivants, ni pour produire et encore moins pour consommer, le tout, et j’espère me tromper, face à un métanthropisme galopant comme autant face à son “humanité” augmentée… réservée aux “élus”.

“Mort à la Grèce…” Athènes, mars 2018
Le choix… du corps. Athènes, mars 2018
Le… choix du corps. Paris, février 2018
Le même choix du corps… déchiré. Paris février 2018

Incidemment, toute cette dichotomie et comme par hasard, elle laisse la porte ouverte aux tenants du discours diamétralement opposé, lequel incite à n’accepter en l’adulant que tout ce qui relève de sa propre identité, haïssant toutes les autres. Le système tient et tiendra ainsi bon lorsqu’il suggère qu’entre le nihilisme apatride et celui des néonazis, aucune autre position n’est alors possible. Pauvres peuples, et ainsi futur unique des… fortunés.

Les frontières ne seraient donc plus, ni pour les marchandises, ni pour les flux financiers, ni entre les êtres, les cultures, les sexes, voire même entre les espèces. Une affiche publicitaire, pédophile et zoophile à la fois, ainsi aperçue car d’abord autorisée à figurer dans les couloirs du métro parisien, a tout de même heurté le bon sens, et autant cette… mesure qui pour certains philosophes, anciens comme contemporains, c’est la meilleure des choses.

L’hybris et la démesure visiblement dominent de Paris à Athènes, sauf que le sentiment identitaire par exemple celui des Grecs est toujours tangible, représentant en réalité plus du 80% de la population à travers les mentalités, en dépit des cercles des marionnettes qui gouvernent comme de leur magma athénocentrique en somme concis. Pauvres philosophes, entre autres d’Apamée. Car aussi par les temps qui courent, et à vol d’oiseau, rappelons qu’entre Apamée et Athènes il y a moins de 1.200 km, tandis qu’entre Athènes et Paris il y a le double de distance.

Héraclite. Athènes, mars 2018
Bientôt nouveau bistrot. Athènes, mars 2018
Immeuble à vendre. Athènes, mars 2018

Sous le soleil alors, c’est à Athènes que l’œuvre d’Héraclite est en ce moment revisitée à travers un spectacle du même nom. Au même moment, la déferlante des plateformes dites communautaires payantes de location et de réservation de logements, conjuguée à huit années de Troïkanisme réellement existant, bouleversent de manière violente la situation de l’immobilier sur place. Car jamais autant de biens immobiliers n’avaient ainsi changé de mains à Athènes… depuis la précédente Occupation allemande, celle des années 1940.

Des… investisseurs petits, moyens et grands, surtout étrangers, achètent dans Athènes parfois par lots de cent appartements, et en même temps, la Troïka élargie a insisté pour que les saisies des biens des Grecs puissent se concrétiser de manière électronique et automatique. Dans le même ordre d’idées, le “gouvernement” des Tsiprosaures annonce ainsi plus d’un million de saisies de biens immobiliers et autres, rien que pour 2018.

Il faut dire qu’a propos des dernières liquidations et ventes aux enchères après saisie de biens immobiliers, encore effectuées de manière “physique”, c’est-à-dire en salle d’audience, le Syndicat des Officiers de la Police vient de lancer une attaque inhabituelle car très violente, vis-à-vis du gouvernement. Son communiqué avait été motivé par le fait que de nombreux policiers avaient été blessés lors des ventes aux enchères de ce type, surtout à Athènes devenant ainsi la cible visible et facile pour les citoyens concernés et paupérisés.

Les policiers y concluent même de la manière suivante: “Puisqu’ils ne nous respectent pas, le temps est arrivé où il va falloir nous craindre. Car au fait, ce sont bien les politiques mémorandaires qui se dissimulent derrière nos propres boucliers, et voilà que nous ne voulons plus défendre de tels procédures, lesquelles conduisent à la spoliation des biens des citoyens (…) Nous avertissons les politiques que ce mouvement au sein de la Police, au demeurant massif, annulera de fait cette attitude qui consiste à faire peser les effets de la responsabilité de telles politiques sur nos seules épaules, et enfin une fois de plus, nous rappelons que nous sommes non seulement considérés tels, mais nous faisons partie intégrante de la société réelle”, le reportage est du quotidien “Kathimeriní” du 12 mars 2018.

Au sujet de la Troïka. Athènes, mars 2018
Défaitisme imposé. Athènes, mars 2018

En attendant les prochaines ventes ou saisies dans l’immobilier athénien, la bistroïsation du centre-ville se poursuit, car comme prévu… il y a à boire et à manger mais certainement pas pour tout le monde.

De la défaite de la société et des droits notamment des travailleurs, à celle du pays il n’y aurait qu’un pas, ainsi, devant un certain défaitisme savamment imposé par les médias, Fánis se dit par exemple prêt à fermer définitivement son établissement, lequel ne se trouve d’ailleurs pas dans le grand Athènes. “Mon bistrot tourne plutôt bien, sauf que plus du 75% de mon chiffre d’affaires part en impôts et en cotisations. Je n’ai plus envie de continuer ainsi, en encore moins d’engraisser la clique des politiciens et de leur clientèle, à qui les miettes sont comme on sait distribuées… Carême ou pas d’ailleurs”.

Fánis retrouve désormais alors souvent son ancien métier, dans la mécanique à bord de navires de la marine marchande. Ses deux fils y travaillent d’ailleurs, ils sont respectivement capitaine et second, et comme les liens professionnels sont évidents, Fánis préfère travailler par intermittence et surtout d’être rémunéré comme il dit bien et “de manière nette”, plutôt que “de servir la caste des profiteurs”. Ceux, habitants du pays réel recherchent et parfois finissent par trouver, ces solutions de survie comme autant de rejet, sauf que ce n’est guère possible pour tout le monde.

Dans les vieux cafés. Athènes, mars 2018
Dans les épiceries. Athènes, mars 2018
Animal adespote mais nourri. Athènes, mars 2018

Dans les authentiques vieux cafés, on scrute ainsi parfois le néant, tout comme on peut refaire ce monde défait, entre patrons et employés aux épiceries athéniennes alors plus fines que jamais. Jamais un effondrement possible, exogène comme endogène n’a été autant évoqué qu’en ce moment, et elle est bien loin cette situation de l’été 2015 où certains mensonges de Tsipras pouvaient encore être prononcés publiquement.

Les clients au bistrot de Fánis, se disent aussi que craignant le pire, ou peut-être parce que déjà bien informé par l’Ambassade des États-Unis, Koulis Mitsotakis, chef à la si vieillarde Nouvelle Démocratie, se tient très visiblement à l’écart de l’actualité, on dirait qu’il ne presse guère trop pour arriver aux “affaires” en ce moment.

De la sardine. Athènes, mars 2018
Boisson chaude à base d’orchidée. Athènes, mars 2018
Animal adespote. Athènes, mars 2018

Entre Orient et Occident, on vend parfois à Athènes de ce breuvage chaud à base d’orchidée, le Salep, comme d’ailleurs on le vend autant en Turquie, et ailleurs en Orient finalement proche. Les Athéniens iront autant acheter leurs sardines abordables, comme ils vont nourrir si possible “leurs” animaux adespotes, sans maître, car peut-être au pays grec, le soleil revient toujours paraît-il.

Dans le même ordre d’idées et de pratiques, résister, c’est autant chanter et danser, et les Grecs, à l’instar de bien d’autres peuples, ils ont de la sorte pratiqué durant ces autres années de guerre entre 1940 et 1949, guerre civile comprise, et ils ne sont pas prêts à y renoncer en ce moment pour cause de Troïka, de mondialisation ou encore parce que la géopolitique environnante redevient-elle alors menaçante.

Pendant qu’à Thessalonique le match s’interrompait, dans une autre taverne que le bistrot de Fánis, ceux du Péloponnèse et d’Athènes réunis faisaient la fête, troisième dimanche du Carême d’ailleurs ou pas.

Il est également à noter que les jeunes par exemple n’ont pas perdu le sens de la tradition musicale du pays. Tout n’est donc pas perdu car les Grecs chantent, dansent et en rient même de la mort comme du destin, si l’on croit par exemple les paroles du chant traditionnel et populaire.

Musique traditionnelle et populaire. Péloponnèse, mars 2018
Mets de Carême. Péloponnèse, mars 2018
Péloponnèse, mars 2018

Le Carême sera certes long, et la Résurrection peut-être éphémère. Fánis, depuis son café du Péloponnèse, ou même depuis les entrailles d’un pétrolier amarré dans un port du Japon, interprètera encore et toujours à sa manière les nouvelles du pays.

Printemps grec dans toute sa plénitude, car Manólis, entrepreneur qui résiste à la fermeture de son entreprise était même monté sur une table de la taverne pour danser. Victime d’un accident vasculaire cérébral durant l’été 2017, il est “revenu du silence et de Charon”, comme il le dit lui-même.

Animal adespote. Athènes, mars 2018
En pilaf et en 2018
Pilaf… social. Athènes, mars 2018

Fánis, Manólis et leurs clients respectifs, ignorent peut-être encore, l’origine théologique et historique des faits liés au transfert à Constantinople au 6ème siècle ainsi que le sort d’Apamée l’Antique, mais ils n’ignorent plus tellement, cette plasticité… holistique de l’Hybris actuelle.

Ainsi en Grèce, la musique traditionnelle et populaire n’est pas morte, la danse non plus. Après tout, seule la vertu est un bien.

Au pays réel grec le soleil revient. Printemps. Chez Greek Crisis, Hermès, dit le Trismégiste, grandit et il danse aussi à sa manière. Continuation peut-être de l’Histoire de Polybe et autres vieilles légendes.

Hermès de Greek Crisis. Athènes, mars 2018

* Photo de couverture: Résister. Péloponnèse, mars 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

14 députés européens condamnent les violences policières

14 députés de Gauche au Parlement européen condamnent l’agression des membres de l’Unité Populaire (Laïki Enotita) par la police grecque

Communiqué de presse de députés de Gauche au Parlement européen

Des députés de Gauche au Parlement européen condamnent l’agression par les forces grecques de l’ordre, et les blessures subies, des membres de l’Unité Populaire (Laïki Enotita) et du mouvement citoyen grec contre la saisie et la mise aux enchères des résidences principales.

Un message de solidarité et de soutien à la lutte du peuple grec pour la dignité, adressé par 14 députés du groupe parlementaire de la Gauche au Parlement européen (GUE / NGL).

14 députés du groupe parlementaire de la Gauche au Parlement européen (GUE / NGL) condamnent dans leur communiqué, les agressions violentes et les blessures subies par des militants du mouvement citoyen grec contre la saisie et la mise aux enchères des résidences principales et des membres de l’Unité Populaire (Laïki Enotita)

Concrètement, les députés européens de la Gauche condamnent «la violence exercée par les autorités grecques à l’encontre d’activistes qui se battaient pour l’annulation des mises aux enchères électroniques des résidences principales»  et se déclarent solidaires et en « soutien  total aux mobilisations et luttes du peuple grec pour sa dignité, ses logements, pour ses droits fondamentaux ».

Suit la déclaration des députés du groupe parlementaire de la Gauche au Parlement européen (GUE / NGL).

« Nous condamnons la violence exercée par les autorités grecques contre des militants et des titulaires qui luttaient pour annuler la vente aux enchères électronique de leur résidence principale.

La brutalité policière sans précédent a conduit plusieurs manifestants, y compris des membres de l’Unité Populaire (Laïki Enotita), à être hospitalisés. Ceci est honteux nous le dénonçons.

Nous déclarons notre solidarité et notre soutien  total aux mobilisations et luttes du peuple grec pour sa dignité, ses logements, pour ses droits fondamentaux. »

Nikos Chountis, Unité Populaire – Laïki Enotita, Grèce

Sabine Losing, Die Linke, Allemagne

Sofia Sakorafa, eurodéputée indépendante, Grèce

Néoklis Sylikiotis, AKEL, Chypre

Marina Albiol, Izquierda Unida, Espagne

Joao Ferreira, Partido Comunista Português, Portugal

Joao Pimenta Lopez, Partido Comunista Português, Portugal

Miguel Viegas, Partido Comunista Português, Portugal

Lidia Maria Senra Rodriguez, Alternativa galega de esquerda en Europa, Espagne

Luke Ming Flanagan, eurodéputé indépendant, Irlande

Stefan Eck, eurodéputé indépendant, Allemagne

Younous Omarjee, France Insoumise, France

Eleonora Forenza, Partito della Rifondazione Comunista, Italie

Ángela Vallina, Izquierda Unida, Espagne

Rassemblement devant le tribunal à Athènes en solidarité avec les trois membres d’ UNITÉ POPULAIRE

Le jeudi 15 mars, jour où les activistes contre les saisies des résidences principales ont été conduits devant le procureur, un rassemblement important en solidarité avec eux a eu lieu devant le tribunal d’Athènes. Parmi les trois personnes  deux sont membres dUnité Populaire et elles ont été arbitrairement arrêtées le 14/03 pendant le rassemblement contre les ventes aux enchères des résidences principales. Le procureur avait requis le jugement en comparaison immédiate avec des accusations «d’outrage envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique et rébellion» mais le jugement a été remporté pour le vendredi 30 mars, car le dossier à charge était quasiment vide. Cette inculpation a toutes les caractéristiques d’un procès politique monté de toutes pièces. L’état policier que le gouvernement Tsipras impose pour étouffer la contestation sociale nous rappelle des périodes les plus sombres de l’histoire grecque.
Dans le rassemblement participaient lUnité Populaire (Laiki Enotita), ANTARSYA, « Cap sur la liberté » et plusieurs organisations du mouvement social.

Poisson laïque La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Poisson laïque

Sous les pavés, la rage ! Au pays réel des apparences, on y percevrait l’indifférence, l’apathie, voire l’ataraxie. Étonnante alors pente glissante car nous y sommes, glissement de sens, dérapage des faits, la société même en dislocation grammaticale. Le tout, sous la “la gouvernance” la plus cynique et inique que la Grèce ait connu de toute son histoire depuis pratiquement le temps des Colonels. Faits ainsi divers du moment, casseurs à répétition au centre-ville d’Athènes, manifestants éplorés, enseignants assommés par les forces de l’ordre, et depuis quelques heures, deux militaires de l’armée grecque capturés par les forces turques sur la frontière en Thrace… le Printemps !

Manifestants accablés. Sous le mémorandum Tsipras (2015-2018)

Dans la vraie vie restante, les Grecs achètent encore parfois leur poisson directement auprès des caïques (embarcations traditionnelles en bois), et poisson abondant ou pas, les discussions entre eux, peuvent être alors bien animées par les temps qui courent. Il faut ainsi comprendre, que jamais la rupture entre les gouvernés et les gouvernants n’a été aussi abyssale que des nos jours.

Et depuis quelques mois, même les observateurs des faits et gestes actuels (et indéniables), tous chroniqueurs des medias systémiques (mais demeurés honnêtes), ne mâchent plus leurs mots (ou maux), à l’instar de Yórgos Kostoulas, ancien financier et analyste au média capital.gr (2 mars 2018) lorsqu’il écrit:

“Toute cette récente fièvre macédonienne (les deux grands rassemblements patriotiques du mois de février dernier ayant réuni à Thessalonique et à Athènes plus d’un million de personnes), a ainsi révélé combien et comment la conscience nationale demeure tous comptes faits active, et cela, pour une très large part de la société. D’autant plus, que cette désormais évidence, laisse entrevoir une rupture alors beaucoup plus profonde.”

“La réalité d’une telle fracture c’est que dans cette même portion, la société se montre désormais plutôt fatiguée, incontestablement fatiguée de tout. Autrement-dit, ces gens ont complètement épuisé leur dernière tolérance à l’égard du conformisme technocratique, ou encore, face à l’épuration volontaire du discours public (celui des politiciens) de tout ce qui peut réellement concerner la vie concrète pour de millions de citoyens.”

Enseignants manifestant devant le Ministère de l’Éducation (mars 2018, presse grecque)
Enseignants manifestant devant le Ministère de l’Éducation (mars 2018, presse grecque)
Enseignants frappés devant le Ministère de l’Éducation (mars 2018, presse grecque)

“En face, s’y positionne alors cette élite institutionnelle et intellectuelle dont dans la plupart de cas, elle reste agrégée à l’introduction des normes occidentales (en Grèce), entrant comme on peut le comprendre constamment en conflit avec les valeurs traditionnelles. Et il ne s’agit pas seulement de la solution à trouver au double nom de ce pays (au problème macédonien), mais plus généralement, de la façon dont ceux ‘d’en haut’ chez nous ainsi faits d’éducation et culture anglo-saxonnes, raisonnent et agissent pour ce qui tient des affaires en interne de notre pays.”

“Précisons que par le terme ‘culture anglo-saxonne’, nous entendons alors l’éducation, l’expérience, et en somme la culture en général, dont les dirigeants politiques (grecs) sont si imprégnés. Il va de soi ensuite, que toute leur pratique dans la gestion de l’économie comme de la société, n’est que la résultante quasi exacte de ce qui leur avait été enseigné au sein des collèges et universités anglo-américains.”

“Imbibés de la sorte, et entretenant une bien réelle distance vis-à-vis de tout ce qui peut encore être considéré comme grec, les membres de cette élite ont toujours été (et) à très juste titre, incapables de toute conception historique, géopolitique et pour tout dire dynamique car autonome, de la Grèce contemporaine. Il est donc à la fois certain, et objectivement intelligible: ces élites ne peuvent percevoir le pays, autrement que par l’unique regard de l’étranger. Leur raisonnement, tout comme leurs actions sur le terrain sont de ce point de vue hétéronomes, suscitées même depuis l’étranger, et pour tout dire, profondément homogénéisées.”

Brisures… à Athènes. Mars 2018 (presse grecque)
L’UE, le FMI, la BCE et le MES… à l’œuvre à Athènes. Presse grecque, mars 2018
Mur expressif. Athènes, années de crise (2010-2018)

“Je dois dire que personnellement, au cours des années 70 et 80, j’avais été autant immergé dans ce milieu issu de l’Imperium Anglo-saxon, j’appartenais ainsi entièrement à ces cadres dirigeants dans la banque et dans la finance, formés à l’américaine. Je me souviens d’ailleurs combien, rien que l’expression ‘spécificités grecques’, s’agissant toujours du domaine de notre activité, fut pour nous une phrase totalement prohibée.”

“Tout ce qui ne correspondait guère à la politique, ou sinon aux outils d’analyse que nous utilisions habituellement faisant très exactement suite à notre culture managériale importée, tout ce qui ne cadrait pas avec nos recettes ou avec nos solutions toutes prêtes, était aussitôt banni. Le mot d’ordre, la seule réponse permanente d’après… notre ‘top management’ fut tout simplement: ‘Educate your customer’ (Éduquez votre client).”

Un certain parallèle… plutôt évident, pourrait être établi lorsqu’on considère nos gauches si diverses et variées et leur marxisme des zincs et des amphithéâtres depuis plus de quarante ans, pareillement divergeant il faut encore le préciser, des valeurs traditionnelles. Une gauche, laquelle a si… “miraculeusement” intégré au bout du processus, toute la culture managériale importée et la mondialisation métaculturelle avec, et notamment… les subsides y afférents au bénéfice prioritaire des principaux intéressés recyclés et députés, ministres et autres chefs et alors splendides marionnettes. Plus le cynisme et l’amoralisme, dont le cas SYRIZA en Grèce, n’est qu’outrageusement grossier… comparée à d’autres cas semblables.

Lors de la visite de Tsipras à Tripoli (Péloponnèse) le 27 février 2018 (presse grecque)
‘SYRIZA, Honte, Démission’. Citoyens de Kalamata lors de la visite de Tsipras à Tripoli (27 février, presse grecque)
Le Centre des Impôts de Larissa (capitale de la Thessalie) en flammes le 3 mars 2018 (presse grecque)

Signe des temps, pour chaque déplacement d’Alexis Tsipras en Grèce, un important cordon policier barre toujours la route aux manifestants, comme ce fut le cas fin février à Tripoli, dans le Péloponnèse. Pourtant, le principal concerné (Tsipras), n’a pas l’air de comprendre vraiment dans quel monde (d’en bas) se trouve-t-il parfois, même si son contact avec la réalité n’est finalement qu’épidermique.

La petite et grande criminalité atteint de nouveau son… sommet de la gloire, et la nouvelle trouvaille des voleurs forcément d’en bas, consiste à attaquer désormais aussi, les petites scènes théâtrales du centre d’Athènes, dérobant de la sorte les bien maigres recettes de la soirée, et autant parfois, une bonne partie… de la bibliothèque du théâtre. Les comédiens, le plus souvent si peu rémunérés, et/ou parfois uniquement en tickets restaurant, histoire de nourrir l’estomac… plutôt que l’espoir, en sont outrés. Plus d’une dizaine de scènes théâtrales en ont fait les frais depuis un mois, d’après le reportage de la presse (quotidien “Kathimeriní” du 3 mars 2018).

Au climat actuel si délétère et néanmoins… passionnant (avec tout son pathos nécessaire) de notre ultime Grèce, s’ajoute ce samedi 3 mars, le suicide en Crète dans la ville de la Canée, d’une femme âgée de 52 ans qui s’est jetée du quatrième étage de l’immeuble qu’elle habitait, et d’après la presse, c’est le quatrième suicide recensé dans la ville de la Canée cette même semaine. Puis, il y a enfin cet incendie qui vient de ravager le bâtiment abritant le Centre des Impôts de Larissa (capitale de la Région Thessalie au nord du pays) à l’angle des rues de Patrocle et Roosevelt (!) ; pour l’instant (samedi 3 mars), l’origine du sinistre reste encore inconnue (vidéo ici).

Et pendant que les Tsiprosaures se déplacent de forum en tribune pour y raconter “que le pays va vraiment mieux”, deux militaires grecs (un officier et un sous-officier) ont été mis en état d’arrestation par les forces armées turques pour intrusion (guère significative en réalité) dans le territoire turc. D’habitude, ces intrusions (et) des deux côtés, ont toujours et aussitôt réglées “à l’amiable”, entre les chefs des unités grecs et turcs sur place, mais pas cette fois-ci. Déjà, la presse turque suggère que cette affaire serait à mettre en en lien avec le fait qu’un certain nombre de militaires turcs se sont réfugies (demandant l’asile politique) en Grèce, après le Coup d’État avorté en Turquie en juillet 2016.

Les deux militaires grecs déférés au Parquet d’Andrinople (presse turque et grecque, le 3 mars 2018)
Prosélytisme… religieux. Athènes, années de crise (2010-2018)
Manifestants de l’ère des Tsiprosaures. Athènes, 2015-2018
Manifestants de l’ère des Tsiprosaures. Athènes, 2015-2018
Regard. Athènes des années de crise (2010-2018)

Pauvre époque et son monde décidément si bas. Suivant les réglementations de l’UE, ceux du secteur des embarcations et autres bateaux traditionnels se mobilisent enfin pour sauver ce qui en reste, après ces milliers de caïques mis à la casse, et c’est toute une culture qui se brise ainsi. C’est connu, en face, s’y trouve encore cette élite réglementaire et intellectuelle, dont dans la plupart des cas, elle reste agrégée à l’introduction des normes financieristes, toujours et encore en conflit avec les valeurs traditionnelles.

Pour une fois la presse en parle, à l’instar du “Quotidien des Rédacteurs” (21 février) , il était grand temps il faut dire. Temps ainsi rocailleux pour tous les êtres, un ourson a été retrouvé inanimé près d’une rocade du nord de la Grèce . Ailleurs, à Athènes par exemple, nos autres animaux adespotes (sans maître) nous observent alors étrangement, la vie continue, et avec elle, ces prosélytismes religieux et/ou secteurs ayant toujours pignon sur rue, notamment dans la capitale.

Patrocle et Roosevelt… ne font visiblement plus très bon ménage, en Thessalie ou ailleurs. Sous les pavés, la rage, l’indifférence, l’apathie ou l’ataraxie, mais seulement en apparence. Entre leurs animaux adespotes faisant si bien partie du paysage urbain et les traces de la guerre civile (celles de décembre 1944) sur certains bâtiments d’Athènes, les habitants songent ainsi plutôt… à cet hiver finissant et globalement guère coriace, et c’est ainsi, que le sourire aux lèvres redevient d’actualité aux dires de tous.

Rue d’Athènes au Printemps
Traces de la guerre civile (1944). Athènes, 2018
Animal adespote. Athènes, 2018

Le pays réel et son marché aux poissons, surtout petits et populaires (en grec populaires se dit “laïques”, poissons donc… laïques), comme on les nomme parfois en Grèce pour leur prix, (relativement) abordable.

Jamais la rupture entre… poisson laïque et poisson onéreux, entre gouvernés et gouvernants n’a été aussi abyssale que des nos jours, on peut même en rigoler, y compris et surtout sur les petites scènes de théâtre d’Athènes, avant, comme après, le passage des grands et des petits voleurs et autres escrocs, c’est aussi de saison.

Parlant d’escrocs, l’insignifiant Fótis Kouvélis, ex-SYRIZA, ex-pseudo-Gauche-Démocratique ayant quitté SYRIZA en juin 2010, ex-membre et allié au gouvernement Samaras (2012), vient d’être nommé vice-ministre de la Défense, suite au remaniement ministériel de la semaine, lequel laisse il faut dire tout le monde indifférent, à part évidemment les intéressés (toujours les subsides), puis, de quelques journalistes.

Poissons… laïques. Athènes, 2018
Réalité en miettes. Athènes, années 2010-2018

Sous les pavés alors la rage ! Et au pays réel de “Greek Crisis”, Mimi nous observe toujours à sa manière, pendant que notre Hermès, dit le Trismégiste se refuge dans l’armoire ou sous les meubles. C’est aussi cela…notre Printemps !

Sous le regard de Mimi de ‘Greek Crisis’. Athènes, 2018
* Photo de couverture: Poisson… laïque. En Attique, 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

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