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Archives de catégorie Austérité-Neolibéralisme

Grèce. Le «retour sur les marchés» ou la poursuite de la «purge sociale»?

Publié par Alencontre le 4 – septembre – 2018 Par Antonis Ntavanellos

Le 21 août 2018, Alexis Tsipras a choisi l’île d’Ithaque pour y «célébrer» la fin des programmes de «sauvetage» de la Grèce. Il a parsemé son discours de références à l’Odyssée d’Homère pour souligner le droit de son parti (Syriza) à diriger le pays dans le contexte de l’ère nouvelle qui s’ouvre, prétendument.

Le choix est malheureux. Dans le récit d’Homère, l’aventure aboutit effectivement à une sorte de «fin», avec le retour à Ithaque, mais le roi Ulysse est le seul survivant. La flotte, les équipages et tous ses camarades ont disparu en mer. Sans compter qu’Ulysse parvient à conserver son pouvoir royal en tuant tous les prétendants à marier la reine, Pénélope, mais seulement temporairement. La colère des familles de prétendants, désireux de venger les morts, provoquera une nouvelle crise, qui ne s’achèvera que grâce à une nouvelle intervention des dieux, c’est-à-dire les puissances mêmes qui ressemblent aux «institutions internationales» qu’est la troïka (FMI, BCE et Commission européenne).

Le discours de Tsipras transpirait l’hypocrisie. Chacun sait que la fin de l’ère des mémorandums est un énorme mensonge:

  • parce que le gouvernement Syriza-Anel (Grecs indépendant de Panos Kamménos) s’est engagé – ainsi que tout gouvernement futur – à ne pas abroger ou amender toute loi, disposition ou règlement mis en place au cours de la période mémorandaire… sans accord de la troïka;
  • parce que le gouvernement Syriza-Anel s’est engagé à maintenir le régime de «surveillance accrue» de l’économie grecque par ses créanciers jusqu’à ce que 75% de la dette grecque soit remboursée. Soit au moins… jusqu’en 2060! Les politiques économiques et sociales des futurs gouvernements seront examinées par les représentants de la troïka, qui contrôleront – tous les trois mois! – chaque mesure, jouissant du pouvoir d’imposer de nouvelles mesures d’austérité «automatiquement» à chaque fois qu’ils l’estimeront nécessaire;
  • parce que le gouvernement Syriza-Anel s’est engagé – ainsi que tout gouvernement futur – à suivre une politique insensée et réactionnaire de maintien d’un surplus budgétaire fixé à 3,5% du PIB annuel au cours des cinq prochaines années, puis à 2%!

A ceux qui estiment que les «surplus budgétaires» atteints au cours des deux dernières années représentent une preuve du succès gouvernemental, nous voudrions leur rappeler que l’expérience de cet été démontre que ces «surplus budgétaires» sont couverts de sang. Ce sont ces mêmes «objectifs budgétaires» qui ont engendré les conditions de la mort tragique de 97 personnes lors d’un incendie long d’à peine 2 kilomètres, dans une zone située juste à 30 kilomètres du centre d’Athènes! Ce sont ces mêmes «objectifs budgétaires» qui ont créé les conditions de pénurie du système de soins. Des pénuries telles que les hôpitaux publics manquent de traitement contre les morsures de serpent, de sorte qu’il est possible de mourir d’une morsure de serpent dans un pays européen au XXIe siècle! Ce sont ces mêmes «objectifs budgétaires» qui ont créé les conditions de l’effondrement du fournisseur public d’électricité, avec pour conséquence des pannes d’électricité à Athènes ou sur l’île luxueuse d’Hydra.

La poursuite de ces politiques n’a qu’une seule signification: une austérité sans fin. Le gouvernement affirme être parvenu à réduire le chômage en dessous des 20%. Il masque toutefois le fait que cette diminution n’a été possible que parce que 500’000 jeunes ont quitté le pays et au prix d’une croissance continue de la précarité, de la détérioration des conditions de travail ainsi que d’une hausse des emplois temporaires (avec des salaires qui se situent au niveau du seuil de pauvreté de 380 euros mensuels). Le gouvernement prétend rétablir la possibilité de conclure des contrats collectifs sur les lieux de travail. Il dissimule toutefois le fait que dans un contexte marqué par un chômage massif et une précarité extrême, le contenu de ces contrats collectifs sera imposé par les employeurs si les négociations sont «déterminées» par l’équilibre actuel, «spontané», des rapports de force sur les lieux de travail.

Le gouvernement ajoute sa volonté de renégocier avec la troïka la baisse des allocations de retraite. Il passe ainsi sous le tapis le fait que des coupes ont déjà été décidées pour les «nouveaux» retraités (ceux qui sont partis à la retraite après l’adoption de la nouvelle loi sur les retraites) en même temps qu’il esquive soigneusement ce qu’il fera dans le cas où la troïka refuserait de reporter les nouvelles coupes.

Sous le gouvernement Syriza-Anel, au cours des années du 3e mémorandum imposé au cours de l’été 2015, nous avons assisté à la poursuite et à l’approfondissement des politiques d’austérité des 1er et 2e mémorandums. Les mêmes politiques que celles qui ont successivement été appliquées par les sociaux-libéraux sous G.Papandreou (octobre 2009- 11 novembre 2011), la droite néolibérale sous Samaras (juin 2012-janvier 2015) et lors de la coalition contrainte (en raison des menaces du mouvement de résistance) entre le Pasok et la Nouvelle démocratie (novembre 2011-mai 2012).

Le résultat de ces années d’austérité est celui d’un transfert gigantesque de revenus, richesses et biens des couches inférieures de la société vers le sommet. Il s’agit là de la réalisation majeure de la classe dominante locale à l’ère des mémorandums, y compris depuis que Syriza est au gouvernement.

Ces politiques ne génèrent toutefois pas l’optimisme au sein même des classes dominantes. Personne n’a le cœur de célébrer sincèrement le «retour sur les marchés financiers» (autrement dit l’émission d’une dette obligataire) fortement vanté. Les appréhensions que provoquent la situation économique internationale, la crise en Turquie ainsi que l’instabilité en Italie génèrent des hésitations quant au plan visant à émettre des emprunts grecs en automne, comme premier test. Il est fort possible que le refinancement de la dette grecque apparaisse alors comme une opération très coûteuse. Le taux des emprunts grecs sur dix ans s’élève aujourd’hui à 4,19%, ce que l’on peut comparer aux taux portugais (1,83%) et espagnol (1,42%)…[1]

Nikos Christodoulakis, l’ancien «homme fort de l’économie» sous le gouvernement social-néolibéral de Kostas Similis [1996-2004], est récemment intervenu dans le débat public, diffusant des articles exposant une voie alternative où il propose: de repousser le retour vers les marchés financiers de plusieurs années, de négocier une réduction des objectifs de surplus budgétaires de 50%, d’accroître les investissements publics, de réduire la fiscalité des entreprises, de supprimer la disposition actuellement en vigueur qui permet à la troïka de privatiser «automatiquement» les grandes entreprises publiques.

Ces propositions modérées et social-libérales apparaissent comme issues de la «gauche radicale» en comparaison avec les accords en vigueur tels que négociés par Tsipras et les créanciers.

Les politiques de Syriza ont redonné de la vigueur à la droite, laquelle était knock-out suite à sa défaite politique en 2015. Le dirigeant de la Nouvelle démocratie, Kyriákos Mitsotákis, menace de lancer une offensive pro-patronale, brandissant le drapeau de la baisse de l’imposition des entreprises, prétendant que c’est la seule manière de… réduire le chômage!

Les syndicats et la gauche radicale doivent présenter leur propre vision, leur réponse à la question consistant à savoir quel sera le contenu social de la «sortie» de la période mémorandaire.

Cette réponse repose sur deux «piliers». Le premier: un programme minimum de revendications immédiates visant à améliorer la situation des travailleurs et des couches populaires. Le second: une réponse à la question portant sur quelles sont les forces en capacité de mener des luttes permettant d’imposer ce programme, en d’autres termes une proposition claire d’unité dans l’action.

Un front de la gauche radicale, fondé sur un engagement ferme autour d’un programme axé sur les besoins de notre peuple, est désormais une précondition nécessaire afin d’éviter le dilemme d’un autre épisode de l’Odyssée: choisir entre Syriza-Scylla et la droite-Charybde. (29 août 2018; article publié dans la publication de DEA, Ergatiki Aristera ; traduction A l’Encontre)

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[1] Le 21 août 2018, l’agence Reuters citait des courtiers qui affirmaient: «La courbe des taux des obligations souveraines grecques suggère qu’une obligation à échéance de septembre 2028 se traiterait sur la base d’un rendement d’environ 4,40% à 4,45%. Avec la prime de nouvelle émission, cela porterait le rendement d’une nouvelle obligation à 10 ans vers un taux de 5%.

«Est-ce que cela a vraiment du sens pour eux d’émettre à ce taux alors qu’ils peuvent se financer auprès du MES (Mécanisme européen de stabilité) à des taux nettement plus bas? Je sais qu’ils veulent faire la démonstration qu’ils ont accès au marché mais ils sont raisonnables en même temps», dit un des courtiers.

Les deux fonds de sauvetage de la zone euro – le MES et le Fonds européen de stabilité financière (FESF) – ont fixé leur taux de prêt à, respectivement, 0,99% et 1,44%. L’essentiel de la dette grecque est due à ces deux institutions.»

Source ttps://alencontre.org/europe/grece/grece-le-retour-sur-les-marches-ou-la-poursuite-de-la-purge-sociale.html

Dette grecque : la poule aux œufs d’or

La dette grecque reste une poule aux œufs d’or pour les banques centrales européennes et les privés

Des profits sur la Grèce

21 août par Eric Toussaint , Thanos Contargyris , Thierry Jacolet


Le dernier des plans d’aide qui régissent la Grèce depuis 2010 s’est achèvé le 20 août 2018. Le pays était le dernier pays de la zone euro encore sous programme d’assistance depuis la crise. Keystone

J’ai perdu beaucoup de plumes dans la crise de la dette depuis 2010. Ce qui ne m’empêchera pas de voler de mes propres ailes dès aujourd’hui. Et les créanciers de faire encore des bénéfices sur mon dos. Je suis, je suis ? La poule aux œufs d’or grecque.

Le pays en convalescence retrouve sa liberté ce lundi. Une liberté conditionnelle. Si la sortie de la tutelle européenne lui permet de se financer seule à nouveau sur les marchés financiers, Athènes reste soumise aux conditions et à l’austérité imposées par Bruxelles.

Remboursés à 100%

Après trois bouées de sauvetage lancées par l’Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) d’un total de 260 milliards d’euros (295 milliards de francs suisses), la Grèce nage encore dans les dettes (343 milliards d’euros, soit 180% du PIB) qu’elle devra rembourser, tout comme de colossaux intérêts. De nouveaux profits en perspective pour ses créanciers.

A commencer par la Banque centrale européenne, principale bénéficiaire de la crise de la dette grecque. Elle a encore annoncé en février dernier avoir empoché 154 millions d’euros de revenus d’intérêts sur les emprunts grecs. Des cacahuètes comparé aux 7,8 milliards d’euros de bénéfices nets réalisés grâce aux intérêts encaissés de 2012 à 2016 sur les obligations d’État grecques acquises entre 2010 et 2012 dans le cadre du SMP (Securities Market Purchase), un programme de rachat de titres de pays en difficulté de la zone euro. « Ces bénéfices proviennent du différentiel entre les taux des titres grecs à 9% au début et à 6% après 2012 », précise Thanos Contargyris, consultant indépendant, à Athènes.

La BCE va encore faire des profits sur le reste de cette dette grecque jusqu’en 2037 – Eric Toussaint

Sans parler de la juteuse plus-value (7,5 milliards d’euros) obtenue sur la revente d’obligations grecques achetées 42,7 milliards. Le mécanisme ? « Entre fin 2010, 2011 et 2012, la BCE a acheté aux grandes banques privées des titres de la dette publique grecque à en moyenne 70% de leur valeur d’émission », explique Eric Toussaint, coordinateur scientifique de la Commission pour la vérité sur la dette grecque, instituée par la présidente du Parlement grec en 2015. « Seulement, la BCE a exigé que les titres grecs achetés soient remboursés à 100% de leur valeur à leur échéance. Depuis, elle perçoit d’Athènes 100% de la valeur des titres restants. »

Des 35 milliards d’euros de titres souverains grecs acquis jusqu’en 2011, la BCE en détient encore 13. « Elle s’est déjà fait rembourser l’autre partie », explique Eric Toussaint, auteur du Système dette, (Ed. Les Liens qui libèrent). « Elle va encore faire des profits indus sur le reste de cette dette grecque jusqu’en 2037, à l’échéance des derniers titres. »

Selon un accord, l’institution gardienne de l’euro basée à Francfort devait restituer à Athènes les bénéfices réalisés à partir de 2012, en échange des réformes grecques. « Une infime partie a été rendue : 3 milliards en 2014 pour les bénéfices de 2012 et 2013, détaille Thanos Contargyris. L’accord a ensuite été annulé unilatéralement par la BCE, pour sanctionner le gouvernement Syriza en 2015. »

6 milliards jamais rendus

Une politique immorale aux yeux d’Eric Toussaint : « La BCE planque des milliards de bénéfices abusifs dans un fonds spécial du Mécanisme européen de stabilité (MES), déplore-t-il. Ils devraient être rétrocédés dans un fonds de relance économique à la Grèce. » L’Euro-groupe (cénacle des 19 ministres des Finances de la zone euro) a toutefois annoncé en juin dernier qu’il allait réactiver les transferts de bénéfices vers la Grèce, mais seulement pour la période dès 2017. La Grèce ne verra jamais la couleur des bénéfices de 2014 et 2015, soit plus de 6 milliards, ni de 2016.

La BCE a aussi redistribué une partie du pactole aux banques centrales européennes qui ont transféré l’argent aux trésors nationaux. Ce qui s’ajoute aux profits déjà engrangés par les États européens via 50 milliards d’euros de prêts bilatéraux octroyés à la Grèce. « Ils ont bénéficié des taux d’intérêt de 5%, bien au-dessus des taux auxquels ces pays empruntent eux-mêmes », constate Thanos Contargyris. Chantre de l’orthodoxie budgétaire, l’Allemagne a ainsi empoché plus de 1,3 milliard d’euros de bénéfices grâce à son prêt bilatéral.

Mieux, le gouvernement a reconnu en juin dernier avoir encaissé 2,9 milliards d’euros en intérêts sur les obligations grecques depuis 2010. Sans parler des effets indirects : l’Institut Leibnitz de recherche économique (IWH) a calculé en 2015 que Berlin avait réalisé près de 100 milliards d’euros d’économies budgétaires entre 2010 et 2015. Il faut dire que la crise grecque a favorisé la baisse du coût de financement des pays de la zone euro, comme l’Allemagne, actuellement à 0,3% pour les emprunts à dix ans contre 2,7% en 2011.

Fonds vautours

Autre bénéficiaire de la perfusion à Athènes, le Fonds monétaire international. « Il a fait 5 milliards d’euros de profits, en lui prêtant à un taux élevé », calcule Eric Toussaint. Et que dire des fonds d’investissement pour qui la Grèce a été le jackpot ? Au début de la crise, les banques affolées se sont débarrassées de leurs obligations grecques jugées trop risquées. Les investisseurs privés comme les fonds spéculatifs ont racheté pour une bouchée de pain des titres décotés qui ont pris de la valeur, avec des rendements qui pouvaient aller jusqu’à 100% dans certains cas.

« Les fonds vautours ont acheté des carcasses à bas prix », souligne Charles Wyplosz, professeur d’économie internationale à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), à Genève. Et ils continuent de faire main basse sur une partie de la fortune mobilière et immobilière du pays.

Eric Toussaint :  Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015. Suite à sa dissolution annoncée le 12 novembre 2015 par le nouveau président du parlement grec, l’ex-Commission poursuit ses travaux et s’est dotée d’un statut légal d’association sans but lucratif.

Source http://www.cadtm.org/Des-profits-sur-la-Grece

Pays maritime La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Pays maritime

Septembre déjà. Au Pirée, les habitués du samedi contemplent depuis la terrasse du seul café demeurant aux goûts musicaux humains, les entrées et les sorties au plus grand port grec, acquis par COSCO, le géant chinois. On y discerne même la fumée, ainsi que cette odeur de flexible brûlé émanant des entrailles du ferry ELEFTHERIOS VENIZELOS amarré dans urgence juste en face. Un incendie s’est déclaré dans son garage en pleine mer mardi dernier vers minuit ; le navire avait fait demi-tour vers le Pirée, où ses passages ont été évacués. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse. Grèce pays maritime.

Les habitués du samedi. Le Pirée, septembre 2018

“Notre chance fut que la mer était relativement calme, et que le Pirée n’était guère trop loin”, peut-on lire dans la presse du moment. Surtout, le dispositif anti-incendie automatique s’est exactement déclenché comme prévu, et le sinistre avait ainsi été contenu au garage du navire. Durant toute cette semaine, le pays maritime s’est très légitimement occupé et préoccupé des détails du feuilleton lié à l’aventure du grand ferry crétois blessé.

Entrées et sorties du port. Le Pirée, septembre 2018

Il faut préciser que dans le meilleur de la culture néohellénique, nos navires des lignes de l’Égée et de son l’archipel grec font partie de la famille, autrement-dit, ils posséderaient une certaine âme.

Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
Le ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018
L’incendie du ferry EL. VENIZELOS. Le Pirée, septembre 2018

Mais il y a aussi, le… pire de cette culture néohellénique, redoutablement vacillante. Le pseudo-gouvernement de la marionnette Tsípras vient d’être partiellement remanié, il faut dire dans l’indifférence, ou sinon, sous le sarcasme du peuple privé de son destin. Nominations hétéroclites, entre jeunes femmes “bimboïdes” et qui s’affichent de la sorte très volontairement pour en rajouter (Notopoúlou), ou encore, entre hommes et femmes très largement compatibles Sóros. Du personnel politique voué… à la destruction de la culture, de la société, comme de la nation grecque. Telle est singulièrement, la nomination de la PASÓKienne Myrsini Zorba au ministère de la Culture.

Il s’agit de la compagne de l’historien Antónis Liákos, connu pour incarner le patriarche actuel du révisionnisme “décoloriste” de l’histoire grecque, poulain en son temps du Premier ministre du PASOK et de Berlin Kóstas Simítis , et enfin depuis 2012, mentor alors très familier d’Aléxis Tsípras, un habitué des ateliers très rentables des modalisateurs.

Comme le remarque Státhis Stavrópoulos, caricaturiste et journaliste de la trop vieille gauche, c’est un gouvernement où les anciens PASÓKiens du cercle de Simítis détiennent alors une place de premier choix, à l’instar de Liákos et de sa femme, Zorba. C’est le ministère de la Culture, c’est-à-dire, “la culture grecque aux mains de Sóros”, précise Státhis Stavrópoulos, “To Pontíki”, le 30 août .

Sans parler du cas l’indescriptible Katerina Papakosta redevenue ministre, une arriviste, ancienne député et même ministre de la supposée droite Nouvelle Démocratie, qui en rajoute à l’arrivisme et au ridicule ambiants des criminels Syrizístes. Papakosta, dont la dextérité politique se résume au remplissage régulier et généreux de sa seule poche, elle s’est même présentée à la cérémonie d’investiture accompagnée par sa fille, autre jeune femme dans le vent actuel volontairement “bimboïde”, (presse grecque de la semaine) .

Katerína Notopoúlou, ministre… bimboïde. Athènes, août 2018
Aléxis Tsípras et Katerína Notopoúlou. Athènes, août 2018
Tsípras… Persona non grata. Affiche, Thessalonique, septembre 2018

En quelque sorte, “nos politiciens, hommes ou femmes, incarneraient très exactement ces prostitués à la solde des violeurs et autres occupants escrocs venus de la mondialisation, Mitsotákis de la relève supposée prochaine compris.” Tel est le discours d’une bonne partie du peuple d’en bas, forcément d’en bas, y compris sur les terrasses des café du Pirée donnant face à la mer.

Ainsi va la vie et la mort au pays maritime, entre vents et surtout marées. Dans la série imaginaire si chère au bouffon politique Tsípras, “la Grèce sort du régime de la Troïka”, le gouvernement vient d’annoncer la mise en place prochaine d’un mécanisme de recensement des tous mes biens meubles comme de l’immobilier des Grecs (voitures, embarcations, motos, meubles, œuvres d’art, bijoux etc.), presse grecque, septembre 2018 .

Ceci, histoire d’instituer très officiellement un futur nouvel impôt sur l’ensemble des biens que détiendrait encore le bien bas peuple, en somme, c’est une disposition impériale et totalitaire exigée depuis un moment par le FMI, dans le but de tout contrôler… et sans doute un jour de dépouiller les peuples indigènes… alors jusqu’au bout.

Septembre alors et certains des nôtres ont déjà quitté le pays blessé, comme s’ils étaient évacués de force du ferry en flammes dans le port du Pirée. Au village thessalien, ma nièce qui n’était pas revenue au pays depuis plus de deux ans, elle raconte alors volontiers sa nouvelle vie en Allemagne. Expatriée depuis quatre ans en compagnie de son époux et de leur enfant, ils n’ont eu guère de choix comme ils le disent en soupirant. Thessalie ainsi profonde.

Touristes aux Météores. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Moines et laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018
Laverie traditionnelle. Thessalie, août 2018

“Notre famille a été en quelque sorte anéantie. Ma sœur, mon frère et moi nous avons quitté notre patrie au bout de quatre ans de crise et de chômage. Ma sœur vit à Londres, et nous en Allemagne. Rien de commun avec le sort des anciens, des oncles et tantes ayant émigré en Allemagne de l’Ouest entre les années 1960 et 1970. Eux du moins, ils revenaient chaque année au pays pour les vacances, leurs revenus augmentaient au fil des années, et même à présent, ils perçoivent encore leurs retraites, plutôt décentes”.

“Nous, nous ne prétendons et nous ne prétendrons plus jamais à un destin pareil. Nos salaires de misère nous permettent tout juste la survie, nous voyageons alors à peine à l’intérieur de l’Allemagne chez nos divers relais… famille grecque, et pour tout dire, la Grèce nous manque toujours énormément. Et même si nous n’y revenons guère trop souvent, je n’ai jamais voulu mettre ma maison ici en location, location longue ou très à la mode désormais du type Airbnb. Non, jamais. Cette maison c’est mon ultime refuge, ma toute petite patrie, ma solution même d’un retour disons imposé en cas d’urgence. Que dire de plus ?”

Allemands et retraités. Grèce, septembre 2018
Grèce, pays réel. Athènes, septembre 2018

“L’Allemagne non plus, elle n’est point celle que nos parents et grands parents avaient pu expérimenter. Notre bourg… allemand n’a par exemple plus d’enfants allemands. Dans la classe de mon fils âgé de six ans, il s’y trouve un autre enfant originaire d’un pays de l’UE, puis, un seul enfant allemand. La vingtaine des autres enfants sont issus d’une immigration alors très récente, ils sont d’origine arabe et ils sont venus de tant de pays comme la Syrie, l’Irak et bien d’autres. L’ambiance qu’y règne est disons alors étrange quant à la socialisation de mon petit. Nous souhaitons déménager dans une ville allemande où il y a encore une école grecque, mais ce n’est pas évident. Depuis la crise, la Grèce ne finance plus ses écoles à l’étranger et elles ferment l’une après l’autre alors que les jeunes quittent le pays, leurs enfants compris. C’est dramatique”.

“L’année dernière, j’ai pu trouver un billet d’avion pas cher, ainsi j’ai rendu visite à ma sœur à Londres. Elle travaille certes, et elle est, supposons-le, correctement payée. Cependant, elle vit en colocation comme du temps de sa vie d’étudiante, son salaire ne lui permet pas de fonder un foyer et encore moins de revenir en Grèce pour ses vacances. Cela fait près de quatre ans qu’elle n’y a pas retournée. Au même moment, Tsípras a écarté une fois de plus que d’accorder la possibilité du vote aux Grecs de l’étranger. Comme si nous ne devrions plus être concernés par les affaires du pays… tandis que les ressortissants des autres pays européens, voire les Turcs vivant en Allemagne peuvent très naturellement le faire. Le système politique grec a peur de nous, la pays nous a crachés… Reviendrions-nous alors un jour ?”

Au pays des tente millions de touristes, les moines thessaliens transportent encore leurs couvertures et tapis jusqu’aux rares lavoirs traditionnels de la si belle région de ma nièce, tandis que les touristes patientent devant les monastères des Météores… pour un pèlerinage alors bien de masse et pour tout dire, plus stérile que jamais. Peu importe, ma nièce aura déjà quitté le pays à bord d’un vol entre Thessalonique et le pays d’Angela Merkel.

Touristes. Grèce, août 2018
Touristes. Grèce, août 2018
Plage. Péloponnèse, août 2018

Hasard du calendrier, c’est justement en cette même fin août que les nouveaux voisins ayant acquis l’appartement d’en face à Athènes… ont fait leur apparition. Il s’agit d’une famille allemande et heureuse de l’être, des expatriés de luxe, lesquels, et d’après les… normes culturelles grecques parmi les plus récentes, ces gens visiblement, ils jubilent. Tout le voisinage aura remarqué que ces nouveaux arrivants alors fredonnent de leurs chansons fréquemment dans la journée, ce que les Grecs du quartier ne font plus du tout depuis des années. Question de… géopolitique, ainsi heureux ressortissants du principal pays colonisateur du seul européisme réellement existant, gens au demeurant bien accueillis dans le quartier, et manifestement amateurs de musique classique.

Grèce alors, si beau pays des voiliers sous le pont du Canal de Corinthe, mer Égée des régates, terroir enfin des estivants et des retraités qui s’y installent depuis les pays de l’Europe du Nord, ton sort serait ainsi scellé et pour tout dire gravé, non pas dans les marbres du Parthénon… mais plutôt, dans le granite tombal des Traités européistes. Et quant aux… locaux qui travaillent par exemple dans le tourisme… certains d’entre eux, ils n’ont pas pu par exemple quitter leur île de Naxos depuis près de dix ans.

Au pays pourtant maritime, les horizons se ferment et se vident, surtout pour les nationaux lorsque les mondialisateurs auront fini par parfaire toutes les conditions du nouvel et dernier indigénat à l’échelle de l’UE, tel est d’ailleurs entre autres son projet et aucun Plan-B supposé “réformateur” des Traités n’est alors possible. C’est aussi de cette réalité qu’il a été question à travers notre discussion, lorsque j’ai eu l’occasion certes brève mais toujours si heureuse, de rencontrer à Athènes, mon ami, écrivain, historien et vaillant analyste, Olivier Delorme.

Avec mon ami Olivier Delorme. Athènes, août 2018
Voilier empruntant le Canal de Corinthe. Août 2018

Les symboles de saison en Grèce s’affichent en ce moment plus entiers que jamais: vacanciers de retour depuis les îles, décollages ininterrompus depuis les aéroports de Grèce, et qui appartiennent le plus souvent à FRAPORT AG, compagnie allemande , c’est entre autres, le retour obligé à l’Europe du Nord.

Les symboles et autant certaines réalités grecques, alors il faut dire jusqu’au bout de la décomposition souvent cachée et volontairement des touristes. Ainsi, la belle île d’Hydra a été privée de courant électrique et d’eau courante durant plus de trente-quatre heures en cette fin août. Remarquable alors pagaille en ce temps de la dérision, où il est devenu extrêmement difficile de choisir les événements dans un temps étrange où l’existence du monde n’est plus qu’un tumultueux torrent crisique. Des touristes et des Grecs ayant été largement scandalisés, surtout en quête désespérée de bateau de retour précipité, certains ont même porté plainte, car “c’est impossible que d’être privés de courant de la sorte durant nos vacances”.

Litanie habituelle de la suffisance comme de l’ignorance ainsi revendiquées. Pauvres gens, les coupures de courant électrique en Grèce deviendront de plus en plus fréquentes, comme les années précédentes à Santorin, comme en cette fin août à Athènes même. Comme dans toute expansion… coloniale bâclée, les infrastructures ne suivent pas toujours, qui plus est, en cette Grèce où le PIB a été diminué de 30% en huit années de dite crise, et où les investissements dans l’économie réelle ne représentaient en 2017 que 40% de ce qu’elles avaient été en 2008 (presse économique du moment) .

Dans la foulée, les Smartphones des vacanciers ont été branchés d’urgence… alors bien vitale et par dizaines, sur les rares prises à Hydra fonctionnant en bout de chaîne aux rarissimes générateurs électriques disponibles. Urgences d’une civilisation… de l’urgence ainsi jusqu’au néant.

Rares prises. Hydra, août 2018, reportage de l’Agence Sputnik
Curiosité grecque. Athènes, août 2018

Je dirais même que pour décidément combattre l’hybris que représente alors cette condition de débauche et de goinfrerie de toute sorte qui règne à Mýkonos et à Santorin, des activistes de la vraie Grèce comme du vrai Monde, devraient durablement… saboter l’alimentation en électricité des deux îles durant l’été: déjà pour commencer !

Septembre déjà au pays des fantômes et des parasites du réel. Aléxis Tsípras, la marionnette des colonisateurs, prépare alors sa rentrée politique à Thessalonique d’où il prononcera son “grand discours” à l’occasion de la Foire commerciale annuelle de la capitale de la Grèce du Nord. Au même moment, des manifestations s’y organisent et des affiches présentent déjà Tsípras comme étant largement indésirable à Thessalonique. Somme toute, pour ce qui tient du remaniement ministériel à travers le dernier sarcasme des Grecs, certaines vielles photos des murs aux slogans PASÓKiens des années 1980 circulent alors allégrement sur Internet: “PASOK, sauve-nous”.

PASOK sauve-nous. Photo des années 1980, île de Syros (Internet grec)
Le retour des vacanciers. Péloponnèse, août 2018

Septembre déjà au pays réel au Pirée ou à Athènes. Terrasses donnant sur la mer et symboles de la nation devant le Monument du Soldat inconnu installé sous le “Parlement”, la Garde Evzone et surtout, cette présence des animaux adespotes, sous le regard très numérique il faut dire des touristes de la saison.

Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018
Monument du Soldat inconnu. Athènes, août 2018

Ma nièce est rentrée en Allemagne, Hercule, son chat mi-adespote, mi-adopté est désormais soigné par son père, mon cousin Kóstas resté au village. Dans cette piètre Europe tout ne serait sans doute pas perdu. Les nouveaux voisins Allemands ont également leurs deux chats et ils fredonnent de la musique classique… sous le regard interrogatif de Kokkinos (Rouquin), notre matou adespote des lieux, nourrit par une partie du voisinage.

Régate d’Andros. Golfe Saroníque, août 2018

Grèce, pays des régates en mer Égée. On aurait même définitivement maîtrisé l’incendie déclaré à bord du ferry. Catastrophe peut-être évitée de justesse d’après la presse.
Grèce pays maritime !

Kokkinos, notre matou adespote des lieu

Grèce : après la dépression, la «déprime»

  par Fabien Perrier

 

Lors d’une manifestation contre l’austérité à Athènes, le 30 mai. (Photo Angelos Tzortzinis. Picture Alliance. DPA)

Alors qu’Alexís Tsípras se réjouit que son pays soit sorti du programme d’assistance économique, les Grecs restent pessimistes sur leur situation. Retraites minimales, exode des jeunes, fécondité au plus bas… les indicateurs sociaux sont toujours alarmants.

« Nous, les Grecs, nous ne nous en sortirons jamais », lance Virginia, 56 ans. Dans son agence immobilière, elle discute de la sortie, ce lundi, du troisième plan de sauvetage du pays avec une collègue, Athina. Toutes deux s’agacent des déclarations de l’entourage d’Alexís Tsípras, le Premier ministre issu de la gauche grecque, reprises en boucle par les médias : le pays vit, selon lui, le « dernier acte du drame des mémorandums » signés pour éviter à tout prix une sortie de la Grèce de l’euro, aux conséquences vraisemblablement encore plus dramatiques. Et il vante « un nouvel horizon qui se profile pour la société ». Virginia, elle, n’y croit plus : « Je me sens terriblement déprimée… » A tel point qu’à ses yeux, il n’y a plus qu’une option : « Partir, car la Grèce n’a plus d’avenir. » Elle le répète à son aîné, étudiant à Athènes. Quant au cadet, qui s’est installé en France le bac en poche : « Il a bien fait ! » tranche-t-elle.

Entre 300 000 et 500 000 des 10 millions d’habitants, essentiellement des personnes de moins de 25 ans, ont quitté le pays depuis 2010 et le premier plan de sauvetage accompagné de son corollaire : les mesures drastiques d’austérité

Angoisse de l’avenir, sentiment de déclassement, impression que l’exode est l’unique option : de plus en plus de Grecs jettent sur leur pays un regard désolé et inquiet. Entre 300 000 et 500 000 des 10 millions d’habitants, essentiellement des personnes de moins de 25 ans, ont quitté le pays depuis 2010 et le premier plan de sauvetage accompagné de son corollaire : les mesures drastiques d’austérité. L’économie s’est effondrée. Pour comprendre quel est l’impact de la chute du produit intérieur brut de 25 % depuis huit ans, un chiffre, édifiant, suffit. La moitié des 900 000 entreprises de moins de 10 salariés ont fermé. Le chômage, d’à peine 10 % en 2010, a culminé à 27,9 % en juillet 2013 ; il est certes enfin descendu sous les 20 % mais reste deux fois plus ravageur chez les moins de 25 ans. Les chômeurs ne sont maintenus hors de la pauvreté que par un fil : une indemnité chômage qui, en terre hellène, ne s’élève qu’à 360 euros, et à 504 euros pour une famille de quatre personnes. Une indemnisation versée pendant un an maximum après la perte du travail. Du coup, seuls 8 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés. Les autres ne doivent leur survie qu’à leur famille, au système D ou à la vente de leur bien immobilier.

Travail à temps partiel

« Les Grecs bradent leurs biens, appartements et maisons… Et les étrangers les achètent à bon prix », explique Virginia, qui ajoute : « Ceux qui vendent ne le font pas de gaieté de cœur. Leurs revenus ont chuté ; ils ne peuvent plus payer les impôts ni l’entretien de leur maison. » Les revenus ont en effet considérablement chuté depuis huit ans. Les rémunérations ont diminué de 35 % en moyenne. Le salaire minimum grec, de 750 euros en 2010, a fondu à 586 euros, et même à 510 euros pour les moins de 25 ans. La plupart des emplois créés, à temps partiel ou à durée déterminée, ne permettent pas de sortir de la précarité ou de la pauvreté. Aujourd’hui, un tiers du 1,7 million d’employés travaillent à temps partiel, pour 394 euros net par mois, soit à peine plus que le seuil de pauvreté national (380 euros).

Et difficile de se projeter ou de penser à de vieux jours paisibles, car la possibilité de prétendre à une retraite décente s’est pour le moins amoindrie. Et pour cause : le pays a connu pas moins de 27 diminutions des retraites depuis 2010. En moyenne, elles ont baissé de 45 %. La retraite minimale garantie, de 345 euros pour quinze années de cotisation, se situe sous le seuil de pauvreté. « Ma mère a cotisé vingt ans, et se retrouve avec une retraite de 400 euros, se désole Athina. Comment peut-elle vivre avec ça ? » Mais cette question en cache en réalité une autre : comment la famille peut-elle continuer à jouer le rôle d’amortisseur social qui lui a longtemps été dévolu, suppléant ainsi un État au bord de la faillite ? Il y a urgence car « la pauvreté est une bombe pour la cohésion sociale et l’économie grecques », prévient Savas Robolis, professeur émérite d’économie à l’université Panteion d’Athènes.

Anxiolytiques et antidépresseurs

Car la crise sociale tient désormais de la crise sociétale. Différentes enquêtes menées dans ce petit bout d’Europe révèlent ainsi l’explosion des phénomènes de dépression, voire de suicides depuis 2010. Ce que confirment… les eaux usées de la capitale. En effet, des chercheurs de l’Université capodistrienne d’Athènes ont constaté lors de tests sur celle-ci un boom de la consommation de psychotropes (multipliée par 35 entre 2010 et 2014), d’anxiolytiques (multipliée par 19) et d’antidépresseurs (multipliée par 11). Le pays vit une dépression collective où l’absence de perspective ajoute à l’angoisse du quotidien. Un sondage réalisé par la société Nielsen révèle ainsi que plus de 7 Grecs sur 10 doutent que le pays sorte de la crise économique dans les douze prochains mois. Résultat : ils continuent de sabrer dans leurs dépenses consacrées aux loisirs, aux sorties ou à l’habillement. Un autre sondage, mené par le Centre du travail d’Athènes, décrit la souffrance au quotidien. Ainsi, 43 % des ménages déclarent ne pas avoir les moyens de payer le chauffage de leur logement ; 52 % disent qu’ils ne pourraient pas faire face à une dépense imprévue de 500 euros, et 49 % assurent qu’ils ne peuvent partir en vacances. Enfin, « seuls » 42,5 % des salariés affirment percevoir leur salaire en retard.

Les rémunérations ont diminué de 35 % en moyenne. Le salaire minimum grec, de 750 euros en 2010, a fondu à 586 euros, et même à 510 euros pour les moins de 25 ans

Beaucoup ont vu leurs projets brisés. Athina est retournée vivre chez sa mère. Son ancien ami est parti en Allemagne. Ses projets de mariage et d’enfants ont été remisés. D’ailleurs, le taux de fécondité, de 1,8 enfant par femme en 2010, a chuté à 1,3 en 2018. Le plus faible, et de loin, en Europe. Bien insuffisant pour assurer le renouvellement des générations. « Même si le taux passe à 1,5, la population grecque, de 10,8 millions d’habitants aujourd’hui, ne sera plus que de 8,6 millions en 2060 », explique Savas Robolis.

Et cette baisse de la population aura des effets en chaîne sur le développement économique, sur le financement des retraites, etc. Désormais, le gouvernement espère utiliser les quelques marges de manœuvre dont il disposera pour stabiliser le marché du travail. Bref, essayer de recréer un espoir dans une Grèce éreintée. En attendant, Ta Nea, le quotidien proche de l’opposition, préfère jouer sur l’ironie : « 21 août. […] Le plan d’aide est terminé. Le cauchemar continue. » Virginia et Athina ne disent pas autre chose en fermant la devanture de l’agence immobilière : « Le pays est transformé en supermarché pour les étrangers. Et nous, en main-d’œuvre bon marché. »

Source http://www.cadtm.org/Grece-apres-la-depression-la-deprime

Désintox sur la fin de la crise grecque

Désintox à partager contre la propagande officielle : LA CRISE GRECQUE EST ELLE FINIE ?

20 août 2018, c’est la fin officielle du plan d’aide à la Grèce qui, selon les dirigeants européens et les médias, serait enfin sortie de la crise grâce à la cure d’austérité.

Qu’en pensent les premiers concernés ? La crise grecque est-elle vraiment finie ?

Pourquoi la Grèce n’est pas encore sortie d’affaire

Par Jacques Adda

Ce lundi 20 août est une date particulière pour la Grèce. Le pays met un terme à huit années d’une assistance financière massive conditionnée par la mise en œuvre de la politique d’austérité la plus draconienne jamais imposée à une nation souveraine. Alors qu’expire le troisième plan de sauvetage mis en place en juillet 2015 dans le cadre du mécanisme européen de stabilité (MES)1, la Grèce se prépare à voler de ses propres ailes, ce qui signifie faire face à ses besoins de financement par l’emprunt sur les marchés financiers, comme l’ont fait avant elle l’Irlande, le Portugal ainsi que Chypre.

Budget excédentaire

Elle dispose pour cela de plusieurs atouts. Son budget, tout d’abord, qui était déficitaire à hauteur de 15 % du produit intérieur brut (PIB) en 2009, est depuis 2016 légèrement excédentaire. Hors intérêts de la dette, le solde primaire des finances publiques2 a dégagé un excédent de 4,2 % du PIB en 2017, soit plus du double de l’objectif fixé par le programme d’ajustement du MES. ­Selon les prévisions de la Commission euro­péenne, il devrait atteindre 3,8 % du PIB en 2018 et 2019.

Deuxième atout, l’accès aux marchés est facilité par la décrue des taux d’intérêt. Début 2018, le rendement sur les obligations3 à dix ans du gouvernement était revenu en dessous de 4 %, le niveau le plus bas depuis 2010 (mais encore bien au-dessus des taux sur les emprunts dus aux institutions européennes qui se situent entre 1 % à 2 %). Deux ans plus tôt, ce taux approchait encore 12 %. Un premier test de retour sur les marchés a été passé avec succès à l’été 2017, suivi d’un second en février dernier, le gouvernement parvenant à emprunter près de 10 milliards d’euros sous forme d’obligations à cinq et sept ans. Grâce à ces fonds, entre autres, le gouvernement va pouvoir constituer une réserve de 24 milliards d’euros qui devrait suffire à couvrir ses besoins de financement en 2018 et 2019.

FMI contre UE

Le problème est qu’avec une dette publique de 320 milliards d’euros, soit 179 % du PIB, le service de la dette (principal et intérêts) est tellement élevé que même avec un taux d’intérêt de 4 %, la trajectoire de la dette devient vite insoutenable. Selon une définition généralement acceptée, celle-ci est considérée comme soutenable si le ratio de la dette au PIB est décroissant ou stable, et si les besoins de financement du secteur public ne dépassent pas 15 % du PIB.

Ces besoins de financement correspondent à la différence entre le service de la dette et l’excédent primaire des finances publiques. Dans le cas de la Grèce, le profil des échéances de la dette est tel que, dans un scénario favorable, avec une croissance nominale du PIB de 3 % par an et un excédent budgétaire primaire de 3,5 % du PIB jusqu’en 2022 et de 2 % ensuite, les besoins de financement dépasseraient 15 % du PIB à partir de 2027 et 20 % du PIB à partir de 2032.

Ce diagnostic d’insoutenabilité de la dette a été mis en avant par le Fonds monétaire international (FMI) dès 2015, ce qui l’avait conduit à l’époque à demander une réduction de la dette grecque. Devant le refus des Européens, le FMI n’avait pas voulu participer au troisième plan de sauvetage, ne pouvant engager l’argent de ses actionnaires sur des prêts dont il est convaincu qu’ils ne pourront être remboursés.

Trois ans plus tard, le problème reste le même : un accès durable de la Grèce aux marchés financiers n’est guère réaliste si ses besoins de financement ne sont pas réduits. Si la Commission européenne reconnaît depuis janvier 2018 le caractère insoutenable de la dette à moyen et long termes, elle n’accepte pas pour autant le principe de sa réduction, principe rejeté catégoriquement par l’Allemagne et les Pays-Bas, pour lesquels la notion de transfert budgétaire entre Etats de la zone euro demeure taboue.

Plutôt que de réduire la valeur de la dette due aux institutions européennes, qui représente les trois quarts de la dette publique grecque, l’Eurogroupe, le Conseil des ministres des Finances de la zone euro, a entériné le 21 juin le principe d’un reprofilage de la dette, autrement dit d’une réduction de son service par un allongement des échéances et le report de dix ans des intérêts et du principal dus.

L’Eurogroupe a également entériné la rétroversion à la Grèce des quelque 4 milliards d’euros d’intérêts perçus par la Banque centrale européenne (BCE) sur les titres de sa dette acquis depuis 2012. En contrepartie, la Grèce a dû s’engager à ne pas remettre en cause les réformes accomplies et à maintenir un surplus de 2,2 % du PIB de l’excédent primaire de son budget jusqu’en… 2060, le tout dans le cadre d’une surveillance renforcée de la part de la Commission européenne.

Des entreprises et des banques mal en point

Une indépendance toute relative donc, mais qui devrait permettre au gouvernement d’Alexis Tsipras d’exploiter ses nouvelles marges de manœuvre budgétaires en allégeant la pression fiscale et en amorçant la remise à niveau des dépenses sociales, dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la pauvreté notamment. Avec un taux de croissance de 1,4 % en 2017, l’économie a un long chemin à parcourir pour effacer la contraction de 26 % du PIB intervenue depuis 2007.

Si la décrue du chômage est bien amorcée (20 % en mars depuis un sommet à 28 % en 2013), la plupart des emplois créés correspondent à des emplois à temps partiel ou à durée déterminée qui ne permettent pas aux anciens chômeurs de sortir de la pauvreté. A 22 %, le taux de pauvreté, qui a doublé en dix ans, est trois fois plus élevé que la moyenne européenne.

Or, si l’équilibre des comptes publics a pu être rétabli, les déséquilibres financiers ont largement été reportés sur le secteur privé et, par ricochet, sur le système bancaire. Au terme de neuf années de récession, de coupes budgétaires drastiques et de relèvement de la pression fiscale, l’investissement n’atteint pas la moitié de son niveau d’avant-crise. Sevrées de débouchés, les entreprises ont accumulé les retards de paiement, quand elles n’ont pas fait faillite. En conséquence, les créances douteuses se sont accumulées aux bilans des banques et représentent près de la moitié de l’encours des prêts bancaires, soit quatre fois plus que l’Italie.

Grâce au soutien de la BCE et aux restrictions apportées aux mouvements de capitaux, les banques ont pu être maintenues à flot jusqu’à présent. Les dépôts bancaires ont bien commencé à refluer, mais ils sont encore inférieurs de 45 % à leur niveau de 2009. Une reprise du crédit, et avec elle de l’investissement, n’est toutefois pas envisageable tant que les bilans bancaires ne sont pas assainis, un processus qui risque de s’étaler sur plusieurs années. En attendant, la croissance repose essentiellement sur la demande extérieure (produits agroalimentaires et tourisme notamment) et demeure extrêmement vulnérable à un ralentissement de l’activité dans la zone euro.

Les banques grecques plombées par les créances douteuses

Créances douteuses dans les bilans des banques au troisième trimestre 2017, en % de l’encours total des crédits et en milliards d’euros

Un risque qui s’ajoute au regain de tension sur les marchés financiers qui a suivi la formation du nouveau gouvernement italien. Depuis un point bas à 3,7 % fin janvier, les taux sur la dette publique grecque à dix ans sont remontés à 4,8 % début juin, avant de revenir à 4,1 % à la fin du mois. Quelle que soit l’évolution du scénario italien, ils risquent de se tendre à nouveau avec l’arrêt attendu de la politique d’assouplissement quantitatif4 de la BCE en décembre. Une perspective qui pourrait inciter le gouvernement grec à avancer les élections de façon à capitaliser politiquement sur l’indépendance financière retrouvée.

Cet article a initialement été publié le 27 juin 2018.

  • 1. Mécanisme européen de stabilité (MES) : institution financière créée au sein de la zone euro en septembre 2012 dans le but de fournir une aide financière aux Etats membres confrontés à de graves problèmes de financement. Doté de 80 milliards d’euros de fonds propres, le MES peut mobiliser jusqu’à 700 milliards d’euros.
  • 2. Solde primaire des administrations publiques : solde financier de l’ensemble des administrations publiques hors charges d’intérêt sur la dette publique.
  • 3. Obligation : reconnaissance de dette émise par un emprunteur, généralement un Etat ou une entreprise, assortie d’un intérêt fixe appelé coupon, et qui peut être cédée par son acquéreur sur le marché obligataire.
  • 4. Assouplissement quantitatif : politique consistant pour la BCE à acquérir des titres de la dette des Etats membres sur le marché obligataire de façon à favoriser la baisse des taux d’intérêt auxquels les Etats se financent.

Source https://www.alternatives-economiques.fr/grece-nest-sortie-daffaire/00085193

Stathis Kouvelakis sur France culture au sujet de la « sortie de crise »

La Grèce est-elle sortie de crise ?

Le 20 août, Athènes est officiellement sortie du programme d’aides européen, après huit ans de tourmentes bancaire, économique et sociale. La Grèce est-elle pour autant sortie de la crise ?

Ci-dessous le lien vers l’émission ( durée 43mn) de France culture sur la (prétendue) « sortie de crise » de la Grèce, à laquelle a participé Stathis Kouvelakis aux côtés de Jean-Arnaud Dérens face à la défenseure de la Troïka Nathalie Janson.

https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre-dete/emission-du-mardi-21-aout-2018

  • Stathis Kouvélakis  Professeur de philosophie politique au King’s College de Londres
  • Jean-Arnault Dérens rédacteur en chef du Courrier des Balkans
  • Nathalie Janson  économiste, spécialiste de la banque libre et de la régulation bancaire, enseignante à la Neoma Business School de Rouen

La tragédie grecque en dix graphiques

Par Guillaume Duval

La Grèce est sortie le 20 août dernier de la tutelle de la Troïka formée par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. Le pays avait certes un Etat particulièrement dysfonctionnel et un besoin indéniable de profondes réformes, mais sous l’effet de la politique imposée par cette Troïka depuis 2010, la quasi-totalité des indicateurs économiques et sociaux de la Grèce se sont fortement dégradés. Y compris son endettement public que cette politique était censée pourtant permettre de maîtriser. Cette intervention restera dans les annales comme un modèle de ce qu’il ne faut surtout pas faire si on veut réellement aider un pays à se redresser…

1/ La population diminue nettement

Population totale, indice 100 en 2008

Le déclin de la Grèce ne se lit pas que dans les statistiques financières et économiques. Il saute aux yeux quand on se penche sur les indicateurs démographiques. Signe d’un mal qui est loin d’être conjoncturel. Depuis 2008, la Grèce a ainsi perdu plus d’un millions d’habitants, pendant que la France en gagnait plus de 3 millions et la zone euro plus de 8 millions.

2/ Les jeunes ont fui massivement le pays

Population âgée de 20 à 30 ans, base 100 en 2008

De plus, ce sont surtout des jeunes qui ont quitté le pays et en premier lieu les plus qualifiés d’entre eux. Sur 10 millions d’habitants, la Grèce compte près de 500 000 jeunes de 20 à 30 ans de moins qu’en 2008, faisant douter de la capacité du pays à se redresser dans le futur, faute de main-d’oeuvre jeune qualifiée.

En revanche les personnes âgées sont évidemment restées sur place, aggravant ainsi les difficultés des systèmes sociaux.

3/ Les emplois ont disparu en masse et ne reviennent que lentement

Nombre total d’emploi d’emplois, base 100 en 2008

La cure d’austérité imposée à la Grèce lui a fait perdre près d’un emploi sur cinq, soit 860 000 entre 2008 et 2013. Elle n’en a retrouvé que 240 000 depuis.

4/ Le chômage a explosé et reste très élevé

Taux de chômage en % de la population active

Sous l’impact de la crise, le chômage avait explosé, culminant à 28 % en 2013. Depuis lors, il baisse lentement mais il flirte toujours avec les 20 % cette année.

Une partie significative de cette baisse est liée à l’exode des jeunes plutôt qu’à l’amélioration de la situation de l’emploi.

5/ La demande intérieure s’est effondrée et ne se redresse guère

Demande intérieure en volume, base 100 en 2008

Sous l’impact de l’austérité, la demande intérieure grecque a baissé de plus de 30 % en volume et se redresse à peine ces dernières années. C’est un recul d’une ampleur assez comparable à celui qu’a récemment subi l’économie du Venezuela…

6/ Les dépenses publiques ont diminué de 30 %

Dépenses publiques réelles, base 100 en 2008

Les dépenses publiques ont baissé, elles aussi, de plus d’un quart en volume et se redressent à peine, entraînant un coup de frein brutal sur l’entretien des infrastructures, d’énormes problèmes dans les systèmes de santé ou d’éducation et un appauvrissement massif des (nombreux) retraités restés au pays faute d’alternatives.

On ne voit pas bien en quoi toutes ces difficultés supplémentaires pourraient concourir à faire redémarrer dans le futur l’économie du pays…

7/ Pourtant la dette publique a explosé et ne diminue toujours pas

Dette publique brute en % du PIB

Le pire étant que cette austérité massive, et en particulier la baisse drastique des dépenses publiques, n’a absolument pas servi à limiter l’endettement public du pays, malgré l’annulation partielle de sa dette à laquelle il a été procédé en 2012 : depuis lors l’endettement public a regonflé de 20 points de PIB et n’a quasiment pas diminué ces dernières années.

Quand on maintient un pays dans la déflation et la récession, il ne peut de toute façon pas se désendetter. Et pour l’avenir, personne ne croit sérieusement que l’Etat grec parviendra à rembourser sa dette actuelle. Ce n’est que partie remise.

8/ Les revenus des Grecs ont fondu et l’écart s’est creusé avec la zone euro

Revenu réel par habitant et par an en milliers de parité de pouvoir d’achat

Du coup, les revenus des Grecs ont fondu, perdant plus de 10 % en pouvoir d’achat en moyenne malgré la baisse des prix observée entre temps en Grèce, alors que, malgré la crise, les Français et les autres Européens gagnaient eux plus de 10 % de pouvoir d’achat en moyenne, creusant ainsi de nouveau les écarts au sein de la zone euro.

9/ Les salaires ont baissé de 15 % et n’augmentent toujours pas

Salaire réel par emploi, base 100 en 2008

Les salaires réels des Grecs ont baissé de plus de 15 % en moyenne, et continuent encore de diminuer pour l’instant.

10/ Les inégalités se sont sensiblement accrues avant de récemment diminuer

Rapport entre les revenus des 20 % les plus riches et des 20 % les plus pauvres

La politique d’austérité, calibrée au départ de façon particulièrement injuste par la Troïka, avait fait bondir des inégalités, pourtant déjà très élevées, entre 2010 et 2012. Depuis l’arrivée de Syriza au pouvoir en 2015, celles-ci ont quand même reflué un peu grâce aux mesures de justice fiscale imposées par le gouvernement grec à la Troïka.

Cet article est publié en partenariat avec la plateforme européenne de data-journalisme, dont Alternatives Economiques est un membre fondateur.

Source https://www.alternatives-economiques.fr//tragedie-grecque-dix-graphiques/00085721?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_campaign=NL_Quotidienne%2F21082018

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