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Archives de catégorie Austérité-Neolibéralisme

Les sites archéologiques grecs vont-ils être privatisés ?

Grèce: il n’y aura pas de privatisation des sites archéologiques Par Charlotte Stiévenard

Les sites archéologiques grecs vont-ils être privatisés ? « Non », répond le ministère de la Culture. Mais les archéologues sont tout de même inquiets. Éclairages de notre correspondante en Grèce.

En juin de cette année, le gouvernement grec a publié une liste de biens qui doivent être transférés à un fonds chargé de leur valorisation, l’ETAD ou société immobilière publique. Selon l’association des archéologues grecs, parmi ses biens, il y aurait des sites archéologiques et des musées, notamment le palais de la Cnossos sur l’île de Crète, les remparts vénitiens d’Héraklion ou encore les murs byzantins de Thessalonique.

Cette information n’est pas publique puisque la liste publiée dans le Journal officiel est une liste de codes et qu’il faut donc savoir à quoi ils correspondent. Selon la présidente de l’association, Stamatia Marketou, il ne s’agirait pas de privatisations, mais elle craint que la gestion de ces sites ne soit plus sous la responsabilité du ministère de la Culture (comme les billetteries, les restaurants sur site ou encore la gestion du personnel). Avec le maire de Patras et le maire de Sparte, son association a décidé de déposer une demande d’annulation de cette loi devant le Conseil d’État.

Le ministère de la Culture explique cependant qu’il s’agit d’un faux débat

Selon une source du ministère, il n’a jamais été question de privatisations, ni d’intégration des sites archéologiques dans la liste des biens gérés par le fonds. Si certains peuvent y apparaître, c’est parce que cette première liste publiée au Journal officiel n’est qu’une base de travail.

Le texte de loi prévoit qu’une vérification doit avoir lieu pour en exclure les « exceptions » prévues par une loi de 2016, soit les sites archéologiques, mais aussi les zones naturelles Natura 2000, les plages ou les zones forestières. C’est-à-dire des biens qui ne peuvent pas être gérés par ce fond de valorisation. Le ministère de la Culture estime que la vérification et la publication de cette liste finale devrait être terminée avant Noël.

Les archéologues s’impatientent et ne s’expliquent pas la présence de ces sites sur la première liste

C’est le manque de précisions qui inquiète visiblement et il aurait sa source dans la façon dont cette liste a été créée, explique Rania Aikaterinari, la présidente du fonds dans une interview publiée sur le site d’information grec Capital.gr. Selon elle, si cette première liste contient certaines erreurs c’est parce que le comité interministériel chargé de sa création s’est basé sur des éléments du cadastre grec. Or le cadastre grec est en construction depuis plusieurs dizaines d’années.

Devant tant de flou, la présidente de l’association des archéologues de Grèce, Stamatia Marketou, demande la publication de la liste finale des biens gérés par ce fonds de valorisation des biens de l’Etat, non plus sous forme de codes, mais avec les noms des propriétés concernées. Et surtout l’exclusion définitive des sites archéologiques de cette liste. Selon elle, les représentants du ministère de la Culture au sein du comité interministériel qui a créé la liste auraient dû vérifier dès le départ que ces sites n’en faisaient pas partie.

Source http://m.rfi.fr/emission/20181120-grece-privatisation-sites-archeologiques-debat-inquietude?fbclid=Iw

Black Mayday La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque

Black Mayday

Athènes entre soleil et pluie. Températures très naturellement en baisse, bois qui brûle, nuits grecques de plus en plus chargées et enfumées. Pays alors des asthmatiques qui ne sortent plus de chez eux. En Épire, en Grèce du Nord, ou en Thessalie, c’est autant la période des premières neiges. Nos derniers touristes de l’été même prolongé, quittent alors la Grèce, tandis que… ceux de l’arrière-saison déambulent déjà dans les rues de la capitale, photographiant, tantôt les monuments, tantôt nos chiens et chats, animaux adespotes et fières de l’être.

Touriste, Place de la Constitution. Athènes, novembre 2018

L’été n’est certes plus, mais l’hiver athénien actuel reste emblématique des enjeux actuels d’après la presse. Entre autres, il apparaît le thème de cette discorde entre promoteurs et acquéreurs nouveaux dans l’immobilier, essentiellement dans le vieux centre-ville. Sans oublier les banques détentrices de milliers d’unités d’habitation ; désormais elles.les bradent au profit des fonds rapaces, installés de manière visiblement appuyée en Grèce depuis l’été 2015, moment historique de… la radicalisation hyper-capitaliste de SYRIZA.

Comme ailleurs, les bureaux et les locaux commerciaux plutôt classiques, se transforment en unités du méta-tourisme de type Airbnb. Notons que plus de la moitié du parc Airbnb à Athènes appartient aux dits investisseurs, le plus souvent étrangers, arrivés depuis peu sur le territoire de l’ex-pays, presse grecque en 2018, par exemple le quotidien “Kathimeriní” en mars dernier.

Par les temps qui courent et qui coulent, les médias accordent tous leurs violons pour promouvoir ce “Vendredi noir”, en… bon grec comme en bon français “Black Friday”, celui des commerçants et des enseignes, si possible méta-nationales, histoire de berner sans doute une dernière fois… avant le clash génocidaire planétaire, notre humanité finissante des classes moyennes. Une classe moyenne mondiale largement uniforme, sauf lorsque cette dernière s’habille parfois en gilet jaune. Oui, c’est vrai que la presse grecque, fréquemment aux ordres de Berlin, alors “ignore” pratiquement tout, des récents événements français, tout comme elle minimise bien entendu, la portée de la résistance des Italiens face aux dictats de Berlin et de Bruxelles.

Place de la Constitution. Athènes, novembre 2018
Touristes et animaux adespotes. Athènes, novembre 2018
Promotion immobilière. Athènes, novembre 2018

Comme l’affirme ainsi à très juste titre mon ami Olivier Delorme au sujet des totalitarismes si actuels, “auxquels, par là, il s’apparente, le projet européen est avant tout oligarchique et technocratique: le pouvoir doit être exercé par ceux qui ont des compétences techniques, par ceux qui savent – qui savent notamment mieux que les peuples ce qui est bon pour eux et qui empêcheront ces peuples de faire des bêtises. Mais imposer le dessaisissement des peuples dans le cadre national est impossible autrement que par la force, le coup d’État, la dictature”.

“En réalité, si l’on regarde l’Europe économique aujourd’hui, les pays qui vont le mieux sont tous hors de l’UE ou de l’euro et ne souhaitent pas y entrer. Les seules exceptions sont l’Allemagne – surtout -, les Pays-Bas et l’Autriche pour qui l’euro, sous-évalué par rapport à ce que serait le taux de change de leur monnaie nationale, est un puissant instrument de dumping. Pour tous les autres, l’euro qui, du fait même de sa nature et de ses règles – irréformables – est et restera structurellement surévalué, constitue un pesant boulet qui les ralentit ou qui les tue.” “Putsch Magazine”, 20 novembre 2018. Bas, très bas Empire.

Sur nos radios pas totalement contrôlées peut-être, on peut distinguer ces voix, à l’instar de la radio 90.1 FM du Pirée, voix qui répètent sans cesse que le pays devenu territoire est occupé par l’européisme et par Berlin, et que Berlin et Bruxelles placent leurs hommes un peu partout, surtout et d’abord au sein du gouvernement. Les Grecs le savent, sauf que leur univers, leur teneur disons anthropologique, culturelle, économique et sociale, se trouvent désormais suffisamment désarticulés pour que l’action collective puisse alors reprendre de manière efficace. Contrairement, espérons-le, aux gilets jaunes en France, dont l’existence par exemple économique n’est pas encore tout à fait détruite, alors espoir ?

Ce qui ne veut pas dire que le pays réel grec ne manifeste plus. Cette semaine par exemple, les retraités ont manifesté à Athènes comme ailleurs à travers le pays, presse grecque de la semaine. De même, ceux du personnel de la Santé Publique ont déversé du foin bien gras devant le dit Ministère des Finances. Ce dernier, il est placé comme on sait, entièrement sous le contrôle de Bruxelles et de Berlin. D’ailleurs, c’est “l’Autorité Indépendante des Recettes fiscales” (“Establisment and operation of Independent Authority for Public Revenue” IAPR) qui récolte taxes, impôts et amendes, ainsi que le fruit bien attardé des saisies et qui décide de leur usage, Autorité laquelle “jouit d’une indépendance opérationnelle, d’une autonomie administrative et financière et qu’elle n’est pas soumise au contrôle, ni à la surveillance des organismes gouvernementaux ou d’autres autorités administratives” (grecques).

Retraités en colère. Athènes, novembre 2018 (presse grecque)
Ceux de la Santé Publique. Athènes, novembre 2018 (presse grecque)
Ceux de la Santé Publique. Athènes, novembre 2018 (presse grecque)
Préparation du… Vendredi Noir. Athènes, novembre 2018
Vendredi… très noir. Athènes, novembre 2018

Une agence… fiduciaire, notons-le, ainsi non-grecque, mise en place en 2016, depuis l’acte final de la mise-à-mort de la Grèce par la bande et la gauche des criminels et autres traîtres à la Tsípras et visiblement heureux de l’être, une structure enfin, en réalité illégale… si l’on considère autant que faire se peut la Constitution, théoriquement toujours en cours mais seulement théoriquement. Là encore, comme il vient d’être décrit pour une… condition collective humaine et européenne désormais analogue très actuelle, nous sommes face à un totalitarisme et autant “un gouvernement cynique et impavide, qui est clairement prêt – c’est sa grande différence avec tous ses prédécesseurs – à aller jusqu’aux pires extrémités pinochetistes.”

Le pays réel plus disloqué que jamais, il patauge, également il faut dire dans sa colère. Les grandes villes sont beaucoup plus touchées que les campagnes, cela-dit, ces dernières se vident de plus en plus de leurs habitants. Comme il est noté ailleurs, “le plus dur est de maintenir le potentiel d’un peuple intact, c’est pourquoi on cherche à le remplacer ou à la faire changer de sexe quand on n’incendie pas son sol comme ici ou là.” Bas Empire, beau pays des musées et des sites archéologique, du Péloponnèse à la Macédoine, en passant par la Thessalie et ainsi par Delphes.

Nos touristes apprécient, surtout par temps clément, autres réalités grecques, voire romaines, fresques antiques, stèles tombales et même théâtres que les écoliers visitent derrière leurs guides… parfois même en suivant les animaux adespotes maîtres des lieux et de tout temps, même si, les températures sont très naturellement en baisse, et qu’en Thessalie en altitude, il a même neigé la semaine dernière.

Site archéologique et écoliers en visite. Macédoine grecque, novembre 2018
Traces humaines exposées au musée. Macédoine grecque, novembre 2018
Traces humaines exposées au musée. Macédoine grecque, novembre 2018
Neige à Tríkala et en altitude. Thessalie, novembre 2018 (presse locale)
Maîtres des lieux. Grèce, novembre 2018

Ces derniers jours, le gouvernement cynique et impavide de l’escroc Aléxis Tsípras multiplie les annonces quant aux reformes prétendument “enfin positives, après tant d’années d’austérité”. L’année électorale 2019 se prépare, et le principal vivier en la matière pour les gouvernements grecs sont et demeurent toujours les réseaux clientélistes que constituent d’abord les agents et autres embauchés, même temporaires, de la fonction publique, y compris territoriale et locale. SYRIZA constitue en ce moment son armée électorale prétorienne, composée d’agents pour l’instant non-titulaires, aux traitements certes souvent faibles, sauf que bien fréquemment, ces gens sont placés n’importe où et n’importe comment, occupant de nombreux postes plutôt dans l’inactivité, tandis que d’autres secteurs du Service public manquent cruellement de personnel qualifié.

Les Syrizístes excellent autant dans le népotisme, lorsque par exemple, ministres et députés font alors embaucher une bonne part de leur parentèle, le tout, en affirmant le contraire, car le cynisme les déborde, mais également et fatalement la haine, que ces derniers provoquent partout ailleurs en dehors de leurs réseaux clientélistes. Dans le même cadre politique électoraliste, d’après les dernières données d’ailleurs officielles, les agents non-titulaires de l’État ont vu leurs rétributions progresser de 16,7% en moyenne entre 2014 et 2017, tandis que le salaire moyen des employés du privé a encore diminué de 3%. Ainsi et désormais, le salaire moyen dans la Fonction publique dépasse de 53% le salaire moyen pour l’ensemble de l’économie grecque, tandis que ce même salaire moyen des employés de l’hôtellerie et restauration, il se situe seulement à -62% du salaire moyen national, d’après la presse grecque de la semaine.

Au même moment, l’économie grecque a perdu en dix ans, près d’un million de postes qualifiés, de cadres et de techniciens supérieurs, entre ceux, près de 600.000, qui ont quitté le pays, et les autres qui vivotent, faisant du sur place au beau et fière pays des presque trente millions de touristes an, presse grecque de la semaine. Même les enquêteurs bien Allemands de chez Movinga GmbH, admettent dans une récente enquête à travers cent villes du monde et autant meilleurs lieux pour trouver et exercer un travail, que la ville arrivant en fin de classement pour trouver un travail et ensuite pour l’exercer c’est bien Athènes. Bienvenue dans l’Europe Allemande… de l’Exposition Coloniale façon nouveau siècle.

Ceux dits ‘d’en bas’. Thessalie, novembre 2018
En faillite. Athènes, novembre 2018

Le système paupérise le plus grand nombre, pour fabriquer des assistés dépendants, lesquels vont incarner le rôle des prétoriens dociles à bas coût.

Le tout, dans un climat d’abord inventé et néanmoins désormais réel, de désintégration des liens comme des solidarités, entre les branches et entre les catégories socioprofessionnelles, pour ne pas dire entre même les réseaux d’amis ou à l’intérieur des familles.

Car voilà que cette gauche thatchérienne des Tsiprosaures, partage avec les maîtres-fous du méta-capitalisme, la même haine de la classe moyenne et du pays réel des travailleurs rescapés du génocide économique en cours, “cette gauche kérosène – celle qui navigue d’aéroport en aéroport pour porter dans les universités du monde entier, et dans tous les ‘Festival de Cannes’, la bonne parole ‘écologique’ et ‘associative’ qui ose leur faire la leçon à ceux ‘d’en bas’ sur ce point”, comme il est très justement noté ailleurs.

Monument funéraire, Antiquité tardive. Macédoine grecque, novembre 2018
Modernité tardive. Athènes, novembre 2018
Petit restaurant. Athènes, novembre 2018

Dernière trouvaille des Tsiprosaures, le supposé maintient du montant des retraites versées, voire, sa prétendue augmentation d’environ 20€ par mois, lorsque la suppression pour tous les bénéficiaires de la retraite supplémentaire EKAS pour les très petites retraites, retraite dite auxiliaire en Grèce, vient d’être effective, ce qui représente une diminution des pensions de l’ordre de 200€ mensuels en moyenne, et c’est une mesure mémorandaire signée Tsípras. Les éditorialistes du site du “Plan-B”, évoquent à très juste titre cette dernière “tromperie de Tsípras face aux retraités, une mesure austéritaire exigée de la Troïka du temps déjà du gouvernement de droite de Samarás, sauf que ce dernier à l’époque, il n’avait pas cédé”.

L’article inclut d’ailleurs le texte original de cet “accord” récent datant du 23 mai 2018 sur la suppression de la retraite supplémentaire, accord signé entre la gouvernance de la marionnette Tsípras et la Troïka, en précisant que le texte en question n’avait été publié qu’en anglais: “iv. Eliminate EKAS. Phase out the solidarity grant (EKAS) for all pensioners by end-December 2019, reducing it by EUR 570 million by 2017; EUR 808 million by 2018; and EUR 853 million by 2019. The authorities will adopt as a prior action the Ministerial Decision setting all the details for the awarding of EKAS in 2019”, site Internet du “Plan-B”, 23 novembre 2018. Très Bas Empire et ses Colonies.

Statuettes funéraire. Antiquité Tardive, Macédoine grecque, novembre 2018
Archéologues du siècle dernier. Musée en Macédoine grecque, novembre 2018
Monnaie issue de Rome Antique. Musée en Macédoine grecque, novembre 2018

Le pays réel mis à mal, conserve toutefois ses codes dans la mesure du possible, ainsi que certains des usages humains, c’est-à-dire, situés aux antipodes des vendredis et autres journées sombres du para commerce alors supposé permanant. Face aux thatchériens de tous les pays réunis, devant aussi la gauche et la droite kérosène, “le bas peuple”, d’après ce que j’entends dans la rue ou dans les cafés en Grèce et pas seulement, rêve de… pendre tous ses princes sous les lampadaires, tant la haine on dirait de classe, déborde alors de partout.

Dans le milieu fabriqué de l’Occident contemporain, celui de la méta-modernité et de l’obsolescence de l’Homme, les cadavres des régimes supposés représentatifs et démocratiques sont désormais très rapidement éliminés par des organismes décomposeurs et nécrophages, c’est-à-dire par des supposées élites et par leurs marionnettes. Et ce n’est plus un abus de langage, lorsque depuis quelques semaines, on entend à la radio certains journalistes qualifier Tsípras “de termite et de vermine dévorant le pays, et la société grecque”, à l’instar de la zone matinale sur 90.1 FM.

Faute de mieux, et de manière humaine à travers ce que l’on pourrait alors qualifier d’économie enfin durable, des habitants du pays réel et de la ville de Larissa, capitale de la Thessalie, ont eu par exemple la bonne idée… que d’habiller certains poteaux de leur ville par les blousons dont ils n’ont plus l’usage. Blousons si possible imperméables et solides, offerts ainsi en libre service et à destination de leurs concitoyens encore plus paupérisés… devant le froid de l’hiver qui arrive.

Ailleurs, et toujours sous le regard des animaux adespotes, à Athènes ou à Thessalonique, des autocollants un peu vieillis sauf évidemment pour ce qui tient de leur message, appellent à boycotter Coca-Cola, car “Fabriqué en Bulgarie, consommé en Grèce et imposé en Suisse”. Notre beau pays “d’en bas”, contrairement aux politiciens compatibles Sóros, ceux que l’on nomme aussi désormais “les Sorites” à travers certains médias en Grèce, ne mâche plus ses mots et n’utilise point ce langage lénifiant de gauche comme de droite, lorsque il s’agit entre autres de… rendre la soi-disant “transition écologique acceptable”.

Ainsi, d’Athènes à Rome, en passant par la France des gilets jaunes, les humbles sujets du totalitarisme européiste, finissent alors par découvrir les causes, autant que les causeries de l’hybris planétaire qui gouverne, il faut préciser, dans l’anomie la plus totale. D’où sans doute ce clin d’œil à l’Italie actuelle, lorsque son drapeau a été placé bien en évidence dans une galerie d’Athènes, signe encore des temps qui sont les nôtres.

Boycottons Coca-Cola. Thessalonique, novembre 2018
Blouson offert. Ville de Larissa, Thessalie. Presse locale, novembre 2018
Le drapeau italien. Athènes, novembre 2018
Sous leur regard. Athènes, novembre 2018

Le pays entre soleil et pluie. “Les journées à venir se tiennent devant nous – comme un alignement de cierges allumés – petits cierges dorés, chauds, pleins de vie.”
“Les journées révolues restent derrière nous,-triste rangée, cierges éteints ;-les plus proches de nous encore un peu fumants,-cierges froids, fondus et penchés.”, d’après Constantin Caváfis (ou Cavafy), le grand poète et son poème “Cierges”, traduit par Michel Volkovitch. Cavafy est le poète d’Alexandrie, comme Umberto Saba est celui de Trieste, ou Baudelaire le poète de Paris. Cavafy, “né en 1863 à Alexandrie, la ville où se trouvait la plus grande bibliothèque de l’Antiquité, qui avait recueilli les manuscrits d’Aristote, cette ville dont le destin était d’attirer les écrivains, ces êtres épris de mémoire, qui accueillit Flaubert, Rimbaud, Forster, et Lawrence Durrell, une ville dont on vous dit sans cesse qu’il eut fallu la connaître, il y a vingt, trente ans, une capitale – la plus grande – de la mémoire.”

Les journées révolues restent derrière nous, et les élèves en voyage scolaire, admirent encore l’Imaret, ce symbole de l’ancienne ville de Kavala en Macédoine grecque, un des plus importants monuments ottomans en Grèce. Ce complexe impressionnant était un kulliye destiné à l’enseignement islamique, créé par Méhémet-Ali en 1817, lui-même natif de la ville, vice-roi d’Égypte de 1804 à 1849 et généralement considéré comme le fondateur de l’Égypte moderne. L’Égypte, la Grèce, l’Empire ottoman, l’Orient en quelque sorte.

Les journées à venir se tiennent devant nous, températures en baisse, bois qui brûle, nuits grecques enfumées. En Grèce du Nord, c’est le moment des premières neiges, lorsque les sucreries et autres pâtisseries de Noël ont déjà fait leur apparition derrière les vitres des boulangeries. On remarque aussi en ces années sismiques, combien les monastères croulent alors sous le nombre croissant de visiteurs laïques. “Nous recevons de bien nombreux fidèles, c’est dans l’air du temps”, me disait récemment un moine rencontré au Nord de la Grèce.

On comprendra alors aisément qu’après le piètre accord Macédonien des Sorites à la Tsípras, celui que l’immense majorité des Grecs rejette d’après même les sondages de la presse athénienne largement germano-compatible, voilà que le pseudo-accord du même… génotype, entre le chef de l’Église de Grèce Ierónymos et Tsípras, ne passe alors pas.

L’Imaret, Kavala, novembre 2018
Sucreries de Noël, Athènes, novembre 2018
Produits des Monastères. Boutique à Athènes, novembre 2018
Produits des Monastères. Boutique à Athènes, novembre 2018

Car ce même langage lénifiant de gauche comme de droite, lorsque il s’agit entre autres de… rendre la soi-disant “transition culturelle acceptable” irrite encore plus les esprits du pays réel, dans la mesure où de tromperie en trahison, l’hybris qui s’accumule appelle forcément la Némésis, rappelons-le, chez les Anciens, celle de la juste colère des dieux et du châtiment céleste, assimilée à la vengeance et à l’équilibre à imposer de nouveau. Némésis, dont le mot dérive du verbe grec “némeïn”, signifiant répartir équitablement, distribuer ce qui est dû.

L’observateur curieux des nouvelles mentalités, remarquera enfin combien ces productions, réelles ou en tout cas estampillées des Monastères, sont de plus en plus recherchées en Grèce, c’est certes une forme de commerce mais ce n’est certainement pas le vendredi bien sombre des mondialisateurs. En tout cas et dans le contexte actuel, la tradition Monastique Orthodoxe représente aux yeux des Grecs un espoir, ou sinon du moins, une ultime ouverture spirituelle devant l’effondrement des idéologies politiques. D’où sans doute cette guerre ouverte faite aussi à l’Orthodoxie, depuis les caniveaux des Sorites, plus crépusculaires que jamais. Cela-dit, aux dernières nouvelles, les Sorites Tsiprosaures retireraient leur projet de reforme relative aux relations entre l’Église et l’État, “pour un moment plus propice d’ici quelques mois”, d’après en tout ca la presse grecque au soir du 23 novembre. Les masques sont déjà tombés, en attendant la chute des arlequins diront certains.

Et quant aux tavernes des Grecs, sur leurs murs on y découvre souvent ces photographies de jadis issues du monde rural, dont ces réunions officielles ou festives, en présence des popes et d’ailleurs des gendarmes. Au même moment, sur les marchés circulent autant ces autres vieilles photos, représentant les grands compositeurs du chant populaire et du bouzouki, preuve -s’il en faut- de l’intérêt porté par les Grecs à leur culture populaire et nationale. Finalement, les peuples ont la peau dure !

Photo d’antan. Taverne grecque, novembre 2018
Ceux de la musique populaire. Photos à Athènes, novembre 2018

Bouzouki ou pas, nos derniers touristes de l’été, même prolongé, ont déjà quitté le pays, tandis que… ceux de l’arrière-saison déambulent déjà dans les rues de la capitale, photographiant, tantôt les monuments, et tantôt nos chiens et nos chats, animaux adespotes et fières de l’être.

Certains sites archéologiques sont désormais désertés de tous, devenant ainsi et enfin propices à la réflexion et à la méditation, autant que les monastères, faisant ainsi face à l’hybris pour l’instant dominante.

Site archéologique déserté. Macédoine grecque, novembre 2018

L’histoire en a vu bien d’autres c’est certain, et les journées à venir se tiennent devant nous, y compris pour votre blog, prospère en idées… mais pour le reste paupérisé. Comme hélas de coutume, dans quelque jours, “Greek Crisis” du haut de ses sept ans, lancera sa campagne annuelle de soutien financier de fin d’année.

Passer comme on dit l’hiver, aux nuits grecques de plus en plus lourdes et enfumées avant le Printemps, peut-être autant celui des peuples. Modernité tardive !

Animal adespote. Nord de la Grèce, novembre 2018

Le rapport sur les effets de l’austérité en Grèce

La démocratie n’est pas à vendre. La lutte pour la souveraineté alimentaire à l’ère de l’austérité en Grèce

Les mesures d’austérité ont accru la pauvreté rurale et l’insécurité alimentaire en Grèce et ont violé le droit humain à l’alimentation de son peuple. Comment est-ce arrivé et qui est responsable?

Auteurs : Stephan Backes , Jenny Gkiougki , Sylvia Kay , Constantinidis de Charalampos , Emily Mattheisen , Christina Sakali , Eirini Tzekou , Leonidas Vatikiotis , Pietje Vervest  Rédacteurs Deborah Eade En collaboration avec FIAN International , Agroecopolis  ProgrammesJustice agraire et environnementale

 

Résumé

Ce rapport examine les effets de l’austérité en Grèce sur le droit à l’alimentation. Il conclut que l’État grec et les États membres de la zone euro ont violé le droit du peuple grec à l’alimentation en raison des mesures d’austérité requises par trois protocoles d’accord (2010, 2012 et 2015). En d’autres termes, les mesures d’austérité imposées à la Grèce étaient contraires au droit international des droits de l’homme.

En août 2018, le Conseil européen a célébré la fin du troisième mémorandum d’accord, louant les efforts de la Grèce et la solidarité européenne. Cependant, comme le montre ce rapport, il y a peu à célébrer. Les mesures d’austérité ont non seulement accru la pauvreté et l’insécurité alimentaire, mais elles ont également consolidé un régime commercial agroalimentaire qui perpétuera les inégalités en matière d’accès et de contrôle des aliments.

Le rapport examine les impacts de l’austérité sur les producteurs de denrées alimentaires et les initiatives de consommateurs / coopératives, ainsi que les impacts sociaux sur la population grecque en général. En se concentrant sur le droit humain à l’alimentation, le rapport met en évidence l’impact de la crise économique grecque qui a touché tous les aspects de la vie des gens. L’accent mis sur les producteurs de denrées alimentaires et les zones rurales attire également l’attention sur un aspect négligé de la crise grecque, ces secteurs et régions manquant souvent de voix et de reconnaissance dans la politique et la prise de décision nationales.

Les résultats sont basés sur des entretiens directs et un travail de terrain original, complétés par des entretiens (y compris avec de hauts responsables de l’État), ainsi que sur une analyse de données macroéconomiques et une revue de la littérature de textes clés.

Les conclusions du rapport sont surprenantes.

1. Les mesures d’austérité ont accru la pauvreté rurale et l’insécurité alimentaire

Selon les estimations, en 2017, 38,9% des habitants des zones rurales de la Grèce sont menacés de pauvreté *.

Le chômage rural a grimpé de 7% en 2008 à 25% en 2013, tandis que le revenu rural par habitant a chuté de 23,5% pendant les années de crise (2008-2013).

L’insécurité alimentaire en Grèce a également augmenté – les prix des denrées alimentaires ayant augmenté plus rapidement que ceux de la zone euro pendant la crise, malgré la forte chute des revenus intérieurs et du coût de la main-d’œuvre. Cela a entraîné une baisse des dépenses alimentaires en termes totaux, mais une augmentation des dépenses alimentaires totales par rapport aux dépenses mensuelles totales de 16,4% en 2008 à 20,7% en 2016. – La proportion de ménages qui ne peuvent pas se permettre un repas avec viande, poulet, poisson (ou équivalent végétarien) tous les deux jours, par exemple, a doublé pendant la crise, passant d’environ 7% en 2008 à plus de 14% en 2016.

– La proportion de ménages avec des enfants incapables de se payer un repas à base de protéines sur une base quotidienne a doublé, passant de 4,7% en 2009 à 8,9% en 2014. Selon les statistiques de l’UE, 40,5% des enfants en 2016 étaient en situation de privation matérielle et sociale.

– Globalement, la crise a entraîné un changement notable des modes de consommation avec la substitution des produits alimentaires plus coûteux par des produits moins coûteux.

* L’UE définit cette personne comme une personne gravement défavorisée sur le plan matériel, située au-dessous du seuil de pauvreté après les transferts sociaux ou vivant dans des ménages où les adultes sont employés moins de 20% du temps.

2. Les mesures d’austérité ont particulièrement affecté les petits producteurs et négociants de produits alimentaires

Les mesures défavorables aux agriculteurs comprenaient:

Des taxes plus élevées et des coûts de production plus élevés dus au remplacement d’un régime d’imposition distinct pour les agriculteurs par un système normalisé d’imposition du revenu, ainsi que de taux de TVA plus élevés sur les intrants agricoles, notamment les engrais, les pesticides, les aliments pour animaux et semences et le diesel; et l’introduction d’une nouvelle taxe sur les terres agricoles. La part des taxes dans la valeur ajoutée agricole nette est passée de 4% entre 1993 et ​​2010 à 15,4% en 2016.

L’abolition de l’Organisation de l’assurance agricole spécialisée (OGA) et sa fusion avec un système généralisé de sécurité sociale ont entraîné une augmentation des cotisations de nombreux agriculteurs. Outre les impacts directs, un certain nombre de réformes structurelles ont considérablement fait pencher la balance en faveur des plus grands détaillants en alimentation et des commerçants privés au détriment des petits producteurs. Ces réformes comprenaient:

La libéralisation du commerce de détail, par exemple la levée des restrictions sur certains produits vendus dans les supermarchés, la flexibilisation de la législation du travail et le passage au commerce du dimanche.

La libéralisation du commerce de gros, en particulier la privatisation de l’Organisation des marchés et de la pêche centraux, auparavant administrée et rentable, le principal opérateur alimentaire de gros du pays, responsable des 2 principaux marchés du pays et de 11 marchés du poisson.

• Les privatisations, y compris les privatisations de la Banque agricole de Grèce (ATE) et de la grande coopérative laitière AGNO. Il en résulte une augmentation des coûts pour les agriculteurs qui ont moins accès au crédit rural, aux services financiers spécialisés et aux conseils agronomiques.

3. Les mesures d’austérité ont frappé un secteur alimentaire rural déjà affaibli et vulnérable par les tendances à long terme

L’agriculture en Grèce reste une partie importante de l’économie, représentant près de 4% du PIB du pays (plus du double de la moyenne de l’UE) et fournissant 12% des emplois du pays en 2016, mais elle est en déclin depuis le début des années 1980. L’entrée de la Grèce dans la Communauté économique européenne en 1981 et plus tard, l’UE – et la politique agricole commune – ont ouvert les petits agriculteurs grecs à une concurrence accrue. Cela a entraîné un certain nombre de vulnérabilités dans le système agroalimentaire grec avant la crise, notamment:

• Une baisse régulière de la production agricole nationale et une dépendance croissante à l’égard des importations de produits alimentaires ont entraîné une balance commerciale des produits alimentaires négative. Entre la fin des années 1980 et le début de la crise en 2008, le déficit du commerce des produits alimentaires dépassait fréquemment 1% du produit intérieur brut (PIB) du pays, tandis que sur la période 2005-2011, les importations représentaient près de 40% de la consommation intérieure.

• Recours accru aux subventions alimentaires, la part de la valeur ajoutée nette dans l’agriculture augmentant de 23% en 1993 à 81% en 2008.

• Un secteur des supermarchés en croissance qui a intensifié les conditions monopolistiques vis-à-vis des producteurs et des consommateurs.

Ces tendances ont porté atteinte à la souveraineté alimentaire de la Grèce, transformant la Grèce en exportateur net de produits alimentaires en importateur net. Pourtant, plutôt que de remédier à ces vulnérabilités, les trois protocoles d’accord (2010, 2012 et 2015) ont accéléré ces tendances. L’examen des exigences structurelles des mémorandums suggère un projet idéologique délibéré de transformation de l’État et de restructuration de l’économie grecque en faveur de certains secteurs du capital, tels que les grandes chaînes de supermarchés (transnationales). La crise a fourni un moyen de la mettre en œuvre.

4. Le filet de sécurité sociale du gouvernement grec était insuffisant pour prévenir l’insécurité alimentaire et la pauvreté

Le gouvernement grec a mis en place un certain nombre de programmes sociaux visant à constituer un filet de sécurité contre les conséquences de l’austérité et à répondre aux préoccupations urgentes liées à l’insécurité alimentaire. Parmi ces mesures, citons l’adoption d’une loi sur l’aide humanitaire prévoyant des subventions pour l’alimentation, le loyer et l’électricité pour les personnes et les familles à faible revenu. Ce programme a ensuite été remplacé par un programme de solidarité sociale qui offre aux ménages à faible revenu une allocation mensuelle.

 

Tout en répondant aux besoins les plus élémentaires, l’aide du Régime a été limitée: elle ne prévoyait que 30 à 200 euros par ménage et par mois, avec 100 euros supplémentaires pour chaque adulte et 50 euros par enfant. Les critères d’éligibilité stricts limitent l’aide aux cas de privation matérielle les plus graves, tandis que les exigences relatives à la condition de ressources excluent de nombreuses personnes qui y auraient droit en raison de ses dispositions restrictives et bureaucratiques. La couverture dans les zones rurales a également été limitée.

En conséquence, des fondations privées, des organisations caritatives, des ONG et l’Église grecque ont dû combler certaines de ces lacunes – offrant notamment des repas scolaires gratuits, des banques alimentaires et des soupes populaires, ainsi que des épiceries sociales offrant des produits alimentaires, des vêtements et des produits de nettoyage. matériaux de base et autres biens de base destinés aux particuliers et aux familles à faible revenu.

Certains de ces programmes bénéficient du soutien des municipalités locales et, dans le cas du programme de cantines scolaires, du gouvernement central, ils ne sont guère plus que des pansements collants. Les réponses fondées sur les droits de l’homme, telles que le soutien aux emplois et des salaires justes, qui s’attaqueraient aux causes profondes de la faim et de l’insécurité alimentaire doivent être beaucoup plus centrées au premier plan.

5. Les réponses populaires menées par les communautés fournissent de vraies solutions et laissent présager l’émergence d’une nouvelle politique alimentaire

Face aux politiques gouvernementales imposées par la troïka, qui sapent la souveraineté alimentaire – et ne parviennent pas à en atténuer les effets – de nombreuses initiatives communautaires locales ont vu le jour pour aider les populations à accéder plus facilement à la nourriture.

Celles-ci reflètent des tendances politiques différentes, varient en termes d’infrastructures et s’engagent différemment avec les États et les marchés. Ils comprennent des cuisines solidaires, des coopératives alimentaires, des marchés «sans intermédiaires», des collectifs et des réseaux d’autosuffisance alimentaire, des programmes d’agriculture soutenue par la Communauté (ACS), ainsi que toute une gamme d’autres coopératives agricoles, des modèles d’exploitation agricoles alternatifs et des entreprises de producteurs.

L’appel à une «économie solidaire» est devenu un cadre essentiel dans lequel de nombreuses réponses locales ont articulé leurs demandes et leurs aspirations. Cette économie sociale et solidaire (ESS) a connu une croissance massive au cours des années de crise: en 2013, 372 entreprises sociales étaient enregistrées, contre 585, 714 et 907 respectivement en 2014, 2015 et 2016.

En construisant un tel contre-pouvoir basé sur des pratiques innovantes, des expérimentations sociales et des infrastructures contrôlées par les personnes, ce mouvement ouvre la voie à une résistance populaire à l’austérité, mais également à un nouveau système alimentaire transformateur juste. Cela va au-delà de la demande de prix des denrées alimentaires abordables et de la protection des agriculteurs pour véritablement défier le pouvoir structurel du secteur agroalimentaire des entreprises et faire progresser les alternatives populaires.

6. Le droit à l’alimentation a été violé en Grèce

Le droit à une nourriture suffisante est fortement inscrit dans le droit international des droits de l’homme et son contenu normatif mentionne plusieurs éléments (disponibilité, accessibilité, adéquation, durabilité) qu’il convient de préserver.

Le droit à une nourriture suffisante est également étroitement lié à d’autres droits économiques, sociaux et culturels (DESC), ce qui signifie que la violation d’un droit entraîne souvent la violation d’autres droits. Le droit à la santé, à la vie, à l’eau et à un logement convenable sont les déterminants fondamentaux du droit à l’alimentation.
Plusieurs mesures d’austérité – y compris la modification des taxes agricoles et des régimes de sécurité sociale et la tendance à la privatisation et à la libéralisation du commerce – ont directement contribué à affaiblir le droit à l’alimentation en Grèce. D’autres mesures telles que la réduction du salaire minimum et la réduction des retraites ont également porté atteinte à ce droit fondamental de l’homme et contrevenu à d’autres droits économiques, sociaux et culturels, tels que le droit au travail, au logement et à la santé.
Les États ont l’obligation de réaliser les droits de l’homme. Cette obligation inclut la réalisation progressive des droits socio-économiques avec le maximum de ressources disponibles, ce qui interdit, à première vue, des mesures rétrogrades * qui limiteraient ou réduiraient les niveaux existants de jouissance des droits consacrés. Des mesures rétrogrades ne peuvent être prises que dans des circonstances très limitées et sur la base de conditions essentielles – telles qu’un suivi et une évaluation attentifs, la prise en compte de tous les droits, ne garantissant aucun impact disproportionné sur les plus vulnérables – aucune de ces mesures n’a été appliquée par le gouvernement grec. Le large éventail de mesures rétrogrades prises, combiné à la hausse du coût de la vie, constitue une preuve suffisante que le droit à l’alimentation a été violé en Grèce.

* Par mesures régressives, on entend toute mesure impliquant un recul du niveau de protection des droits de l’homme dû à la décision intentionnelle d’un État .

7. La responsabilité des violations du droit à l’alimentation incombe à la fois au gouvernement grec et aux États membres de la zone euro, ces derniers assumant sans doute une plus grande part de responsabilité.

Lorsqu’un droit de l’homme est violé, cela signifie qu’il y a eu violation de l’obligation de respecter, protéger et réaliser ce droit. De nombreux acteurs ont été impliqués dans les négociations ayant abouti aux trois MoU. Les obligations en matière de droits de l’homme existent territorialement et, dans certaines circonstances, extraterritoriales.

À la suite des mesures d’austérité, la Grèce a violé le droit humain à l’alimentation des habitants de la Grèce. Cependant, les États membres de la zone euro, en tant que prêteurs directs, sont également responsables du fait qu’ils ont signé les protocoles d’accord et ont probablement fait pression sur le gouvernement grec pour qu’il le fasse. Les États membres de la zone euro – en tant qu’États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à d’autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme – ont donc manqué à leurs obligations extraterritoriales de respecter le droit à l’alimentation de la Grèce. Les États de la zone euro auraient non seulement dû s’abstenir d’exiger des mesures ayant une incidence sur le droit à l’alimentation, mais ils auraient également dû procéder à des études d’impact des mémorandums sur les droits humains. Ces EIDH sont requises avant, pendant et après le passage des protocoles d’accord, mais n’ont jamais été réalisées.

En outre, tous les États européens ont manqué à leurs obligations en matière de droits de l’homme en agissant et en prenant des décisions au sein d’organisations intergouvernementales et d’institutions financières internationales, telles que le Fonds monétaire international. En tant que composante du système des Nations Unies, ce dernier est tenu de respecter la Charte des Nations Unies, qui comprend un engagement en faveur de la réalisation progressive des droits de l’homme. Il ne devrait certainement pas prendre de mesures qui constitueraient une violation des droits de l’homme.

Les membres de la troïka affirment que la responsabilité des conséquences des protocoles d’accord incombe exclusivement à l’État grec. Cet argument est faux car, avec la Grèce, il s’agissait des signatures conjointes des trois mémorandums d’accord. Par conséquent, la responsabilité des violations du droit à l’alimentation est également partagée. En fait, on peut affirmer que la responsabilité des États membres de la zone euro est beaucoup plus grande, étant donné les preuves d’une ingérence directe ou même d’une contrainte exercée par les États membres de la troïka sur la Grèce pour qu’elle signe les protocoles d’accord.

Le présent rapport est axé sur la Grèce, mais ses conclusions sont pertinentes sur le plan international. La Grèce n’est pas une exception. De nombreux autres pays, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Europe, se trouvent dans des situations similaires, contraints d’appliquer des politiques technocratiques dictées par des mesures d’austérité qui entraînent des violations des droits économiques, sociaux et culturels, y compris du droit fondamental à l’alimentation. L’expérience de la Grèce montre également que les violations de ces droits fondamentaux ne concernent pas uniquement les pays du Sud. Ils se produisent dans le «Nord» mondial. La faim, l’insécurité alimentaire, la pauvreté et la privation matérielle sont des problèmes européens. Les droits de l’homme sont universels, ce qui signifie que tous les gouvernements ont l’obligation de les respecter. Il est temps que l’UE agisse conformément à ces obligations et place les droits de l’homme au-dessus des besoins des marchés financiers.

L’austérité infligée à la Grèce soulève la question des indemnisations

Les dommages causés par l’austérité en Grèce soulèvent la question de la responsabilité des institutions européennes. Et d’une éventuelle indemnisation. 40 % des populations rurales sont aujourd’hui exposées au risque de pauvreté en Grèce.

« Le niveau des dommages pourrait augmenter la responsabilité de l’UE, mais le problème est d’identifier ceux qui ont été directement touchés par les mesures d’austérité et qui pourraient porter l’affaire devant les tribunaux », a-t-il déclaré.

Selon lui, l’article 340 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne « stipule très clairement que les dommages causés par la faute des institutions européennes devraient être indemnisés ».

Olivier de Schutter, qui a été rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’alimentation de 2008 à 2014, a commenté un rapport publié le 20 novembre, qui concluait que les mesures d’austérité prises pendant la crise grecque avaient conduit à une violation du droit à l’alimentation.

Il a noté que le droit à l’alimentation avait tout simplement été ignoré lorsque des mesures d’austérité avaient été conçues et appliquées en Grèce.

Violation du droit à l’alimentation

Les auteurs du rapport écrivent que la Grèce s’est retirée du programme de sauvetage de huit ans en août dernier, et qu’il est maintenant temps de discuter de ce que l’austérité a laissé derrière elle, en particulier en ce qui concerne la durabilité des zones rurales et le droit à l’alimentation.

Selon leur rapport « La démocratie n’est pas à vendre : Lutte pour la souveraineté alimentaire durant l’époque de l’austérité en Grèce », réalisé par l’Institut transnational, FIAN International et Agroecopolis, les plans de sauvetage ont porté un coup à l’économie rurale du pays.

Le rapport note que près de 40 % des habitants des zones rurales de Grèce sont exposés au risque de pauvreté, tandis que le chômage dans ces mêmes zones a bondi de 7 % en 2008 à 25 % en 2013.

De même, le revenu rural par habitant a diminué de 23,5 % au cours de la période 2008-2013.

En outre, l’insécurité alimentaire a doublé pendant la crise, passant de 7 % en 2008 à plus de 14 % en 2016, tandis que 40 % des enfants grecs souffrent de privations matérielles et sociales.

La situation s’est particulièrement détériorée entre 2010 et 2013, lorsque le prix des denrées alimentaires a augmenté alors que les revenus chutaient fortement. Les auteurs du rapport ont noté que les petits exploitants, en particulier, ont été énormément touchés par l’augmentation des cotisations sociales, de l’impôt foncier et sur les revenus ainsi que par l’augmentation de la TVA sur les produits agricoles.

Le rapport explique que le secteur agricole grec était déjà vulnérable avant la crise. Lorsque la Grèce a rejoint l’UE en 1981, elle était exportatrice nette de produits agricoles. Mais depuis lors, elle s’est débattue avec le déficit du commerce alimentaire et a commencé à dépendre des importations.

Commentant ces conclusions, Harry Konstantinidis, co-auteur du rapport de l’Université du Massachusetts, explique que le secteur agroalimentaire déjà vulnérable a été encore plus comprimé pendant la mise en œuvre des politiques d’austérité.

« Nous soulignons que le droit à l’alimentation en tant que droit de l’homme a été gravement compromis pendant la crise, le nombre de personnes en Grèce qui connaissent l’insécurité alimentaire étant passée, selon Eurostat, de 7,6 % de la population en 2009 à 13,2 % en 2017 », a-t-il rappelé.

« Nous cherchons à savoir quels acteurs doivent être tenus responsables de cet échec et nous cherchons à contribuer à un débat qui renforcerait la production alimentaire durable et l’accès à l’alimentation tant en Grèce qu’en Europe en général », a ajouté Harry Konstantinidis.

Sylvia Kay, politologue et co-auteure du rapport, a déclaré que plusieurs initiatives citoyennes avaient été prises pendant la crise et a souligné le rôle des différentes entités sociales qui ont fait preuve de solidarité envers les personnes dans le besoin.

Elle a également évoqué l’initiative « du producteur au consommateur », qui visait à raccourcir la chaîne d’approvisionnement alimentaire en supprimant les intermédiaires pour obtenir de meilleurs prix pour les consommateurs.

Selon Sylvia Kay, l’initiative était « une bouée de sauvetage » lancée aux personnes dans le besoin qui ont réussi à acheter de la nourriture 20-50 % moins chère que les prix au supermarché.

Source https://www.euractiv.fr/section/economie/news/eu-institutions-are-liable-for-greek-bailout-damage-former-un-official-says/

Lire aussi notre article résumé du rapport https://www.grece-austerite.ovh/le-rapport-sur-les-effets-de-lausterite-en-grece/

Entretien libre Stathis Kouvelakis

La situation se durcit en Grèce, où le pouvoir en vient désormais à une confrontation ouverte avec l’opposition. Lois spéciales, police anti-émeutes contre les militants et même contre les retraités, des dizaines d’opposants sont désormais traînés devant les tribunaux. Les choses ont pris une tournure encore plus grave avec les poursuites engagées depuis un mois contre un ex-ministre du premier gouvernement Syriza, Panagiotis Lafazanis, le secrétaire national d’Unité Populaire, parti de gauche favorable à la sortie de l’euro. C’est la première fois depuis la chute du régime des colonels que le dirigeant d’un parti démocratique se voit ainsi poursuivi pour son activité politique. Pour parler de la situation grecque, Aude Lancelin reçoit aujourd’hui dans l’Entretien Libre Stathis Kouvelakis, professeur de philosophie au King’s College de Londres, et ex-membre du comité central de Syriza.

 

Pouvoir d’achat : les gagnants et les perdants

En France un article de Laurent Jeanneau sur Alternatives Economiques

A qui profite la politique économique du gouvernement ? Il y a un an, Emmanuel Macron s’était vu accoler l’étiquette de « président des riches », suite notamment à la réforme de la fiscalité du capital. Mais si l’on en croit les résultats d’une récente étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), qui évalue l’impact des budgets 2018 et 2019 sur le pouvoir d’achat des ménages, c’est plutôt de « président des très riches » dont il faut désormais parler.

Le 1 % des Français les plus aisés est le grand gagnant de la politique fiscale : en 2019, ses revenus grimperont de 6 %, grâce notamment aux effets cumulés de la réforme de l’impôt sur la fortune et du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital. De manière plus précise encore, les gains se concentrent dans le top 0,4 % des niveaux de vie, qui verra son pouvoir d’achat gonflé de plus de 28 300 euros en 2019. Pour le top 0,1 %, le cadeau s’élève même à 86 290 euros !

Des pertes nettes pour les bas revenus

Gains et pertes de revenu disponible liés aux mesures relatives aux prestations sociales dans le budget 2019, en %, par centiles de revenus (voir tableau sur le site de Politis).

A l’autre bout de l’échelle sociale, les bas revenus sont les grands perdants. Les 20 % de Français les moins bien lotis verront leurs ressources s’amoindrir. En cause, la très faible revalorisation des prestations sociales et la réforme des allocations logement, qui amputeront le pouvoir d’achat des Français les plus modestes de 3,5 milliards d’euros, dans un contexte où les prix repartent à la hausse.

Ils seront également pénalisés par la hausse de la fiscalité sur le tabac et sur l’énergie. Sans oublier la baisse programmée des dépenses publiques – dont les effets n’ont pas été modélisés dans cette étude – qui pénalisera indirectement le pouvoir d’achat des plus modestes. Seuls les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse seront épargnés. Certes, la prime d’activité, destinée aux travailleurs à bas revenus, a été revalorisée de 20 euros en 2018. Pas de revalorisation générale en 2019 en revanche, mais une « bonification » ciblée sur le Smic, de façon à en limiter le coût. Couplée à la baisse des cotisations, cette mesure fera gagner 32 euros aux Smicards. « Un effet modeste à l’incitation à l’emploi », juge l’IPP.

Entre les deux bouts de l’échelle sociale, la classe moyenne ne s’en sort pas trop mal. Les Français qui se situent au centre de la distribution des revenus, c’est-à-dire entre le 3e et le 8e déciles, verront leurs revenus légèrement augmenter, grâce à la baisse de la taxe d’habitation. Ceux d’entre eux qui sont actifs profiteront également de la baisse des cotisations salariales.

Les retraités, en revanche, subiront une double peine : la sous-indexation des pensions et la hausse de la CSG. Les pensions de retraite ne seront en effet revalorisées que de 0,3 % en 2019 et 2020, un quasi-gel, alors que l’inflation devrait être de 1,6 %. Et ce tour de vis intervient après une hausse de 1,7 point de la CSG en 2018. Les retraités ont donc du souci à se faire pour leur pouvoir d’achat. Ce que confirme l’évaluation de l’Institut des politiques publiques (IPP).

Les retraités pénalisés

Gains et pertes de revenu disponible suite aux effets des budgets 2018 et 2019 pour les retraités, en %, par centiles de revenus (voir tableau sur le site de Politis).

Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Les plus modestes d’entre eux bénéficieront de la revalorisation du minimum vieillesse et seront épargnés par la hausse de la CSG. D’autres sortiront en partie gagnants de l’exonération de la taxe d’habitation. Ce sont finalement les retraités les plus aisés qui seront le plus mis à contribution. A l’exception notable des très fortunés…

Source https://www.alternatives-economiques.fr/pouvoir-dachat-gagnants-perdants/00086653

Comme un air de Grèce qui flotte sur la France

Par Yannis Youlountas

En voyageant quotidiennement dans les coins les plus reculés de l’hexagone, au fil des mois, j’assiste non seulement aux difficultés croissantes des plus précaires, particulièrement touchés, mais j’observe aussi l’appauvrissement brutal d’une classe moyenne qui se croyait à l’abri.

COMME UN AIR DE GRÈCE QUI FLOTTE SUR LA FRANCE

Un ami, pourtant légèrement endetté, vient de perdre brutalement sa maison, un autre dort depuis des semaines dans sa voiture, un troisième s’est construit une petite cabane en palettes au fond du jardin de ses parents âgés et modestes. Une amie quadragénaire m’a raconté ses nouvelles contraintes professionnelles consternantes, une autre a dû arrêter ses études faute de moyens, et une troisième, licenciée six ans avant la retraite, s’est finalement résolue à faire le plus vieux métier du monde pour tenir et rester dans son appart.

Jour après jour, au pays de Fernand Pelloutier et Ambroise Croizat, les conquêtes sociales d’antan fondent comme neige au soleil et les inégalités se creusent comme les tranchées d’une guerre qui ne dit pas son nom. Alors que le pouvoir arrogant promet la lune et le ruissellement de la richesse amassée, les campagnes et les cités se meurent et se murent dans l’angoisse du lendemain.

En France comme en Grèce, le capitalisme se durcit et la pyramide des revenus s’étire et retrécit plus particulièrement en son centre. Après des décennies de collaboration de classe, la petite bourgeoisie française commence à comprendre qu’elle risque à son tour le déclassement, comme son homologue grecque avant elle.

Mauvaise idée que d’avoir avalé la propagande des plus riches, pseudo « forces vives de la nation », en réalité sangsues tyranniques et obscènes. Ces voraces n’en ont jamais assez et vendraient jusqu’à leur mère pour satisfaire leur folie des grandeurs.

Pendant que le pouvoir économique et politique montre son vrai visage de serial killer, une enseignante à la retraite vient d’être expulsée de son logement dans une cité HLM de Vannes par un huissier et des policiers, résultat de la baisse des APL, des nouvelles ponctions sur les retraites et de la hausse d’à peu près tout.

Bienvenue dans le monde d’après. Celui du capitalisme tout puissant qui va ravager l’Europe comme il l’a fait jusqu’ici avec le reste de la planète.

Bienvenue dans le monde que vous annonçait Dora, la pharmacienne grecque d’un dispensaire social autogéré qui vous alertait il y a 5 ans :
« — Si je devais prévenir un ami français, ou d’un autre pays, de cette menace qui le guette aussi, je lui dirais qu’il y a une étape psychologique durant laquelle on a tendance à fermer les yeux, à ne pas vouloir voir ce qui arrive de terrible. C’est ce que nous avons tous fait ici. C’est ce que j’ai fait, de même que ma famille et mes amis avant de perdre leur emploi. En résumé, nous n’arrivions pas à y croire ! Vraiment, nous n’imaginions pas, il y a trois ans, avoir des élèves qui ont faim, des familles qui vivent dans des caves… »

(extrait)

Au prétexte de la dette qui vient d’atteindre 100% du PIB en France, la grande braderie du bien commun va s’amplifier, ce qui reste de droit du travail va finir à la poubelle, les retraites seront sponsorisées par Whiskas et le droit de grève sera interdit.Sauf si…

Yannis Youlountas

source http://blogyy.net/2018/11/02/comme-un-air-de-grece-qui-flotte-sur-la-france/

Délitement La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Délitement

Vendredi 26 octobre. Dès le matin les cloches des églises ont sonné la Saint Dimitri. C’est vrai que les marionnettes des mondialisateurs à la Tsípras, ne les ont pas encore interdites, comme c’est aussi dans l’air du temps. En attendant, au pays si secoué les séismes ne manquent pas. Une secousse de magnitude 6,4 a été enregistrée ce même vendredi sur l’île de Zákynthos, d’après les médias les dégâts ne sont que matériels. Mer belle aux îles secoués, souvenirs et incarnations, pour à peine paraphraser Claude Debussy. Oui, comme il est bien loin le siècle dernier, et en quelque sorte ultime.
Garde Evzone. Athènes, octobre 2018

Les politiciens du jour, de la semaine comme tu temps acosmique qui est surtout le leur, s’entredéchirent au sujet des déclarations de la semaine dernière sur les magouilles du spéculateur Sóros en Grèce et plus généralement dans les Balkans. Entre Kamménos à la Défense puis Kotziás, le démissionnaire des Affaires Étrangères et pour tout dire, étranges, c’est la guerre des mots, confirmations, démentis, allégations, et apostrophes. Toute la presse évoque Sóros cette semaine, les sujets… grecs tombent, autant que les tabous !

Pays secoué, pays embourbé. Devant cette morgue de la Démocratie dénommée encore “Parlement” pour les besoins théâtraux du totalitarisme techno-féodal en gestation, on discerne parfois et heureusement, un peu de cette autre présence de l’existence et de la vie, digne gardienne du sens des mots comme des choses. Après, il y a notre vieille Garde Evzone, celle que les touristes photographient d’ailleurs depuis même la préhistoire du Tourisme en Grèce. “Ma guarda e passa”, à la manière du célèbre vers de la Divine Comédie de Dante. Au pays secoué, les clichés ne manqueront pas comme devant certaines petites enseignes on peut alors lire ce message “Jamais le dimanche”, en signe de résistance aux dictas amplifiés depuis la Troïka, imposant entre autres mesures d’occupation, l’ouverture des commerces le dimanche. Nos visiteurs ne lisent pas vraiment le grec.

Toujours près du “Parlement”, et bien au-delà de l’existence exoplanétaire des politiciens, les instantanés habituels sont toujours là à l’image des sans-abris nouveaux, c’est-à-dire depuis la dite crise, huit ans déjà et très exactement en cet octobre 2018 sept années de blog Greek Crisis. Une période apocalyptique pour le pays, bientôt plus longue que le temps de la Deuxième Guerre mondiale et la guerre civile alors réunies entre 1940 et 1949. En 1949, la Grèce était en piteux état, elle avait perdu environ 8 % de ses et les destructions furent importantes.

Tombe du Soldat Inconnu devant le ‘Parlement’. Athènes, octobre 2018

On dénombrait alors plus d’un million de sans-abris, la majeure partie de la flotte marchande était détruite, les infrastructures réduites à néant, tout comme les capacités agricoles et industrielles. Pays sans cesse secoué. En dépits des apparences, la situation grecque est bien pire actuellement, car l’implosion en interne, les menaces extérieures, le remplacement partiel de la population, la fuite des dernières forces vives et surtout la politique de destruction du pays et de la culture si cyniquement affichée de la part des politiciens SYRIZA en tête, n’a pas de précédent on dirait.

“Notre pays est un Protectorat, Sóros en toute illégalité, finance et contrôle les cliques des politiciens, des universitaires, des artistes déconstructeurs de notre pays, et autant, les auteurs des nouveaux manuels scolaires d’histoire pour que toute idée de la nation et de la culture grecques soient ainsi gommées, sans parler de la Constitution qui est sans cesse violée, y compris lorsque les nouveaux manuels scolaires s’opposent ouvertement aux buts fixés à l’école grecque par la Constitution. Voilà où nous en sommes,” comme le remarque alors Státhis, journaliste et dessinateur de presse et de la trop vielle gauche cette semaine, dans “To Pontíki”.

Jamais le dimanche. Athènes, octobre 2018
Sans-abri. Athènes, octobre 2018
Kolokotronis, héros national de la Révolution grecque. Athènes, octobre 2018

Siècles d’avant comme surtout siècle d’après, comme devant la statue Theódoros Kolokotrónis (1770-1843), Général et homme d’État, héros de la Guerre d’indépendance grecque (1821), surnommé le “Vieux de Morée”. Notons qu’après l’indépendance, ses choix politiques et notamment son soutien du Gouverneur Kapodístrias puis du parti russe, lui valurent dans un premier temps la rivalité des Bavarois autour du roi Othon. Et qui se souvient même de Lázaros Sóchos, sculpteur de l’œuvre, élève à École des Arts Décoratifs et ensuite à École des Beaux Arts à Paris. D’ailleurs, son Kolokotronis il avait été conçu à Paris, avant d’être installé devant le bâtiment dit aujourd’hui Vieux Parlement.

Et comme à l’époque s’y trouvèrent alors juste en face les écuries du Roi, ce n’est pas sans parfois se tromper que les Athéniens d’il y a un siècle, aimaient se raconter que le Vieux de Morée montrait ainsi la place qui devait être réservée aux politiciens… pays ainsi très historiquement secoué !

Pourtant en 2018, l’oubli n’est pas encore généralisé en dépit des efforts méta modernes des ministres de la dite Éducation, dont bien naturellement ceux de SYRIZA. Cette semaine, nos touristes ont ainsi assisté sans le savoir à une messe en commémoration des combattants grecs morts lors des combats très macédoniens il y a un siècle, d’où aussi cette volonté toujours exprimée massivement pas les Grecs que de ne pas voir les frontières de leur pays se déplacer au moment où certaines Puissances instrumentalisent l’irrédentisme et le nationalisme des voisins Macédoniens Slaves, voilà ce qui n’est pas tout à fait perçu à travers ce que les médias très internationaux et surtout pas balkaniques et qui n’apparait pas au gré des analyses.

Et même bien près des églises, toujours cette allusion renforcée et singulièrement dystopique des graffitis, comme de tant d’autres devises de notre siècle. “Ce n’est plus notre monde, je vais mourir ici, entouré de mon troupeau”, m’avait dit il y a pas si longtemps un berger, dans les campagnes non loin de la ville de Tríkala. Toujours et encore, cette autre présence de la vie, digne gardienne du sens des mots et des choses, Thessalie alors profonde.

Messe à la mémoire des combattants en Macédoine. Athènes, octobre 2018
Dystopie exprimée. Athènes, octobre 2018
Bergerie en Thessalie. Octobre 2018
Tríkala, ville en Thessalie. Octobre 2018

Et au pays encore réel, on arbore alors très volontiers le drapeau national, comme un peu partout entre les balcons et les façades des immeubles, ceci, à l’approche de la fête nationale du 28 octobre. Les Grecs commémorent le NON du Général Metaxás et du peuple grec devant l’ultimatum adressé par le régime et l’armée de Mussolini le 28 octobre 1940, ce n’est pas d’un sentiment anti-italien qu’il s’agit, mais d’un souvenir de volonté de résistance lorsque les circonstances l’imposent.

Un sentiment d’ailleurs que les SYRIZISTES comme autant les tenants de l’européisme germano-compatible veulent ouvertement effacer en supprimant dans le futur cette fête nationale. C’est autant dans l’air du temps, sauf que pour l’instant en tout cas, ces excitations de la part des marionnettes politiques et des historiens compatibles Sóros œuvrant pour l’effacement de la mémoire historique des Grecs, ne peuvent que renfoncer ce sentiment général de dégout et de rejet aux yeux des Grecs. Pays certes secoué, mais qui n’a pas encore perdu toute sa mémoire historique ni son même parfois sens de la musique populaire.

Sauf que les criminels de SYRIZA au gouvernement des marionnettes suivent un agenda géopolitique précis imposé depuis l’étranger, et que le processus alors s’accélère. Fait autant inhabituel, comme le remarque aussi mon ami Olivier Delorme, “en quittant le ministère des Affaires étrangères, Kotziás annonce une décision extrêmement grave: celle d’étendre les eaux territoriales de 6 à 12 milles, en application de la Convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1982, entraînant des droits d’exploitation économique exclusive… sauf dans la moitié orientale de l’Égée. Or, jusqu’ici, les gouvernements grecs n’avaient pas procédé à cette extension dans la mesure où la Grande Assemblée nationale turque a donné, le 9 juin 1995, une autorisation permanente au gouvernement de déclarer la guerre à la Grèce si celle-ci procède à cette extension.”

Vassílis Tsitsánis du chat Rebétiko en soldat. Musée Tsitsánis, Tríkala, octobre 2018
Le sens de la musique. Musée Tsitsánis, Tríkala, octobre 2018
L’autre… sens de la musique. Athènes, octobre 2018

“Cette décision apparaît en réalité, si elle se confirme, absolument catastrophique ! Elle entérine en effet sur deux points essentiels la thèse turque – et ceci sans aucune négociation ni contrepartie. En procédant ainsi, le gouvernement Tsípras reconnaîtrait, de facto, que la Turquie a des droits spéciaux sur toute la moitié orientale de l’Égée, puisqu’elle étendrait ses eaux territoriales en application du droit international, sauf dans cette zone.”

“En outre, si cette politique est mise en œuvre, nul doute que SYRIZA va perdre des voix – et pas qu’un peu – dans les îles orientales qui ne peuvent, aujourd’hui, que se sentir lâchées par ce gouvernement dont on commence à se demander à quelle capitulation il n’a pas déjà souscrit. Je serais à la place des Chypriotes, je commencerais à me faire sérieusement du souci !”, Olivier Delorme sur son blog.

Oui, je le confirme si ce n’est que par intuition et par le déroulement des faits déjà observables, SYRIZA et ANEL (le parti du fanfaron Kamménos) auraient signé un nombre alors inconnu d’accords non dévoilés, ce qui d’ailleurs participe à la reculade grecque qui ne se résume pas qu’à son volet prétendument économique et financier vis-à-vis des dits créancier et de l’UE. Non, non et encore non, c’est un agenda géopolitique visant même à l’effacement, culturel, démographique, voire existentiel de la Grèce contemporaine, les Grecs le savent désormais car c’est alors bien palpable dans l’air du temps, même si sur cette dernière affaire des eaux territoriales passant de 6 à 12 milles, Tsípras a reculé, précisant que ce n’est pas par décret mais une fois n’est pas coutume… au “Parlement” que cette décisions sera discutée, au risque de ne pas être entérinée comme on sait.

On observe tout cela d’en bas et du pays réel sans pouvoir trop réagir… “Que faire sinon, pendre ces politiciens traîtres, mais alors comment ?”, entend-on ici ou là. En attendant, on se baignera une ultime dois dans la saison dans les ports antiques, comme par exemple dans celui des Kehrées près de Corinthe, comme on reviendra de la pêche au large du Péloponnèse, région que nos touristes considèrent toujours comme uniquement mythique. Accessoirement, on est invité à apprendre la langue chinoise… par les temps géopolitiques qui courent, c’est peut-être aussi de cela notre nouveau siècle sera fait.

Baignade à Kehrees. Octobre 2018
Après la pêche. Péloponnèse, octobre 2018
Cours de langue chinoise. Athènes, octobre 2018

Vendredi 26 octobre. Dès le matin les cloches des églises ont sonné la Saint Dimitri, pendant que les marionnettes des mondialisateurs à la Tsípras ne les interdisent pas, comme c’est autant dans l’air du temps. Pays et paysages. Au pays secoué, le soleil se couche toujours derrière Épidaure.

Le soleil se couche derrière Épidaure. Octobre 2018

Saint Dimitri et fête nationale. Pays fragile, mer belle aux îles secoués, souvenirs, et surtout incarnations !

Surtout incarnations. Athènes, octobre 2018
* Photo de couverture: L’autre vie devant le Parlement. Athènes, octobre 2018

Tsipras dans le champ de mines de la crise prolongée

Publié par Alencontre le 18/10/18 Par Antonis Ntavanellos

Dans des conditions normales, les semaines en cours devraient être un temps politique marqué par le triomphe pour le gouvernement Tsipras – qui prétend avoir conduit le pays vers «la sortie des mémorandums»  – et, pour le parti SYRIZA, une étape de reconstruction et de contre-offensive politique visant la récupération de son influence sociale et électorale.

Mais ce qui se passe, c’est que ce gouvernement semble perdre le contrôle politique des questions importantes, l’une après l’autre, alors qu’au sein de SYRIZA règne un état de mort-vivant en tant qu’organisme politique. Et cela s’aggrave. Les polémiques désormais publiques devenant de plus en plus aiguës, une situation qui incite à réfléchir sur le «lendemain» et sur la question du rapport de force à l’intérieur du parti, suite à la lourde défaite politique et électorale qui se profile

Cela se passe ainsi parce que, justement, les conditions en Grèce ne sont guère normales. En dépit des affirmations de Tsipras, le capitalisme grec est toujours plongé dans la crise et les références publiques à un scénario argentin» [1] sont le meilleur révélateur des pensées et sentiments intimes des personnalités de l’establishment grec.

Une autre raison pour laquelle cela se passe ainsi c’est parce que, selon l’expression grecque, le mensonge a toujours les pattes courtes. Les déclarations de Tsipras à la Foire Internationale de Thessalonique (septembre 2018) étaient totalement mensongères: l’engagement ferme du gouvernement grec sur le caractère pérenne et non modifiable de toutes les lois et dispositifs découlant des mémorandums et l’acceptation d’une «surveillance renforcée» par les instances représentant les créanciers jusqu’en 2060, conformément à l’esprit et la lettre des mémorandums, ne peuvent en aucun cas être présentées de manière crédible comme «une sortie des mémorandums» la surveillance de la Grèce, quasi quotidienne, est maintenue.

Cette dure réalité se manifeste tous les jours et à chaque moment politique, annulant les effets de la politique de communication du gouvernement, faisant émerger de nouveaux fronts de conflits et conduisant le gouvernement et le parti SYRIZA vers une situation politique désespérée.

Que se passe-t-il avec les banques grecques?

Au moment où Tsipras assurait que «l’économie se portait bien», le 3 octobre s’est révélé être un «mercredi noir» pour les 4 banques dites systémiques [2] et la Bourse d’Athènes. La chute incontrôlée du cours de leurs actions, continuant pendant les jours qui ont suivi, a entraîné une chute de leur capitalisation boursière qui se situe actuellement à moins de 5 milliards d’euros, contre 26,9 milliards d’euros en 2013 et 11,6 milliards d’euros fin 2015.

Cet effondrement ne peut être interprété par des facteurs conjoncturels (par exemple, les conséquences du «conflit» italien avec l’UE portant sur le déficit budgétaire).

Il est notoire qu’une grande partie des prêts accordés par les banques – estimés à plus de 88 milliards d’euros – sont désormais classés dans la catégorie «rouge ou la catégorie de «non performants».

Le «mercredi noir» a été précédé par la publication d’estimations selon lesquelles les tests de résistance étaient trop « souples » par rapport à la situation réelle des banques grecques, trop « favorables » pour le gouvernement Tsipras. Cet effondrement a été également précédé par la publication des estimations que les banques grecques ne parviennent pas à réduire les «Non performing exposures» (NPE) [3] au rythme et dans les délais fixés dans l’accord avec la Troïka (qui veut un pourcentage à un seul chiffre de prêts créance douteur d’ici fin 2021, estimés actuellement à 50% des actifs). Ces résultats ont déclenché la chute des actions.

Pour faire face à cela, le gouvernement propose la mise en place d’un Fonds commun de créances (Special Purpose Vehicle – SPV) [4], voire de plusieurs FCC/SPV spécialisés par domaines d’activité, pour débarrasser les banques des créances douteuses, dites «rouges», un plan qui paraît d’emblée boiteux pour plusieurs raisons:

 La mise place de tels Fonds communs de créances (SPV) a été conçue pour contourner la restriction de «l’intervention de l’Etat » imposées par la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne (DG COMP). Ces montages doivent donc inclure des «investisseurs privés». L’invitation faite aux fonds spéculatifs internationaux à acheter des «emprunts rouges» grecs (dans le but de les revendre ensuite avec des profits) pour trouver du répondant dans les conditions actuelles nécessite des garanties et des financements publics. Ces garanties ne peuvent être assurées qu’en puisant dans le «coussin amortisseur» [5] mis en place par l’accord entre Tsipras et l’Eurogroupe, sauf que le but de l’existence de ce «coussin» serait de garantir le remboursement des futures dettes de la Grèce.

 L’utilisation de la totalité ou d’une partie importante de ce «coussin amortisseur» (estimée à plus de 10 milliards d’euros) pour sauver les banques, fera émerger un nouveau «piège de la dette» lorsqu’il faudra payer les versements échelonnés à partir de 2020. Et cela signifierait une obligation réelle pour le capitalisme grec de contracter des emprunts «sur les marchés». Au moment de la rédaction de ces lignes, le taux d’intérêt de l’obligation grecque à 10 ans a atteint un taux prohibitif de 4,65% (avec une pointe à 4,667% le mercredi 10 octobre 2018; taux des obligations à 10 ans de l’Etat allemand, la référence européenne, se situaient à 0,464%). Ces estimations appuient le scénario de la faillite, le scénario dit «de l’Argentine», au moment culminant d’une longue période de contre-réformes néolibérales et d’austérité violente pour les travailleurs et les classes populaires en Grèce.

3° Cette voie aura également des conséquences politiques sérieuses. Cela signifie que les ventes aux enchères de logements des ménages populaires vont se multiplier de façon spectaculaire pour soulager les banques des prêts hypothécaires «rouges» (les «créances douteuses hypothécaires qui constituent une part importante de l’actif vacillant des banques). Il s’agit aussi de convaincre les fonds spéculatifs internationaux que leur implication dans ce pillage ne va pas devoir s’affronter à la résistance populaire organisée. Voilà pourquoi Tsipras et ses amis dans le gouvernement, de manière éhontée, n’ont pas hésité à franchir le pas d’engager des poursuites pénales contre Panayiotis Lafazanis dans le but de porter un coup, non seulement à Unité Populaire (LaE), mais à l’ensemble des forces militantes qui résistent à leur politique [voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 15 octobre 2018]

En réalité, il s’agit d’un transfert colossal des titres de propriété de biens immobiliers urbains, transfert des propriétaires vers les banques et de ces dernières vers les professionnels de la spéculation. Le fait que bon nombre de ces biens soient les uniques logements de foyers populaires (la «résidence principale et unique) ne diminue en rien l’avidité de ceux du haut de la pyramide des richesses et du pouvoir. De surcroît, le fait que la Banque du Pirée [6] – qui avait les années précédentes «phagocyté» la Banque Agricole [7] – se retrouve, elle aussi, dans l’œil du cyclone de la crise bancaire indique que la prochaine étape du pillage sera celle des terres agricoles.

Une crise au sein du tissu des entreprises grecques

Peu à peu, Tsipras et ses amis découvriront encore d’autres formes de complications politiques. Il est bien connu qu’une grande partie des prêts non performants sont des prêts bancaires aux grandes, petites et moyennes entreprises. La vente de ces prêts sur le «marché» est associée à l’éventualité de changement de propriété dans de nombreuses entreprises, modifiant ainsi radicalement la carte du «monde des affaires» dans le pays. Une telle opération ne pourra en aucun cas avoir lieu pacifiquement, sur la base des prétendues règles du marché. Elle sera associée à des conflits, des coups bas, des changements violents dans les rapports politiques à l’intérieur de la classe capitaliste, etc. La lune de miel du gouvernement avec les grandes familles du capital grec et les groupes d’entreprises peut rapidement se transformer en un paysage fait de sables mouvants.

Ce tableau d’impasse ne se limite pas au secteur bancaire. La publication des données financières de la Compagnie Publique d’Électricité (DEI/DEH) [8] démontre que le démantèlement néolibéral que SYRIZA a accepté en signant le 3e mémorandum a littéralement amené la Compagnie publique d’électricité à la limite de sa survie. Il faut souligner que DEI n’est pas un quelconque «véhicule boursier», comme, par exemple, l’était l’entreprise Folli-Follie [9]. En vendant continuellement au privé des parts de DEI (DEH), en favorisant l’entrée de «fournisseurs» privés dans tous les domaines de son activité, en garantissant des accords de financement scandaleux pour les grandes entreprises et leur octroyant de l’électricité à très bon marché, le gouvernement Tsipras risque de devenir un gouvernement qui, au XXIe siècle, ne pourrait plus garantir la fourniture publique d’électricité dans son pays.

Qu’aurait-il au bout de cette route? Quelle serait la perspective de la politique communément acceptée par les créanciers et Tsipras lors de l’Eurogroupe de juin dernier? Alekos Papadopoulos, ex-ministre des Finances des gouvernements du PASOK et social-libéral convaincu, en analysant les données budgétaires présentées au Parlement grec, a conclu en juillet 2018 que la Grèce chemine vers une deuxième faillite et à un second appel à la «protection»  du FMI, aux conséquences encore plus douloureuses que celles du premier «mémorandum» en 2010. Alekos Papadopoulos titre son article: «Le pays glisse sur la voie de l’Argentine».

Le conflit politique

Il a toujours été constaté que ceux qui appliquent dans le domaine de l’économie des politiques néolibérales réactionnaires, inexorablement dérivent vers des politiques également réactionnaires et liberticides dans le domaine des droits civiques et des rapports sociaux.

Le rejet par le peuple de la République de Macédoine (quels que soient les motifs et «l’argumentation» de l’abstention lors du récent référendum) [10] de l’accord de Prespa [région «partagée» entre l’Albanie, la Grèce, la République de Macédoine] est un camouflet pour la démagogie de Tsipras. Il dénude tous ses soi-disant arguments «internationalistes» et pacifistes et le laisse à découvert face à des accusations politiques réellement graves: avec ses homologues du gouvernement Zaev [11]. Ils ont sans hésitation privilégié le plan d’expansion de l’OTAN dans les Balkans occidentaux, en négligeant complètement les sensibilités nationales des peuples de la région et leur droit à l’autodétermination. Il est aujourd’hui bien établi que cette politique ne peut être poursuivie qu’avec des méthodes autoritaires profondément antidémocratiques.

Il en est de même pour la question brûlante des réfugié·e·s. La situation à Moria [un camp de rétentions de migrant·e·s, le plus important et le plus surpeuplé, se trouvant sur l’île de Lesbos] et dans d’autres camps de concentration de réfugié·e·s est une grave insulte à l’histoire de la Gauche de ce pays, une provocation aux sentiments de toute personne démocrate.

Le fait que les actes et omissions de SYRIZA permettent au parti de Nouvelle démocratie de Kyriakos Mitsotakis de demander une enquête sur l’utilisation des fonds européens destinés aux aides spécifiques pour les réfugié·e·s constitue, de surcroît, un vrai forfait politique.

A l’intérieur de ce paysage, apparaît une convergence fondamentale entre Alexis Tsipras et Kyriakos Mitsotakis. Tous deux conviennent que dans les mois à venir, la priorité sera donnée au renforcement de «l’esprit d’entreprise», et cela toujours au nom de la «croissance». Tous deux conviennent de réduire l’impôt sur les bénéfices des entreprises et les cotisations des employeurs, et d’apporter des modifications au droit du travail encore plus favorables au capital.

Kyriakos Mitsotakis est cyniquement honnête: il promet de mettre en œuvre cette politique par un «assaut» politique néolibéral massif [12] dans le but de transformer la défaite de SYRIZA en une défaite stratégique des idées et des politiques auxquelles se référaient et se réfèrent pour une partie de ce qui en reste le mouvement ouvrier et la Gauche. Il ne cache pas sa conviction en faveur du «modèle» de Margaret Thatcher.

Alexis Tsipras affirme qu’il soutiendra ces mêmes politiques, mais avec un certain «visage humain». D’après l’expérience des années 2015-2018, nous savons qu’il ment de manière indigne. Mentionnons une note de bas de page: les uniques avantages concrets et substantiels (en termes de salaire et de budget) que Tsipras a annoncés à la Foire Internationale de Thessalonique concernent les juges, les officiers de police et le personnel militaire. Cela signifie que la direction de SYRIZA sait que la continuité de sa politique s’appuiera de plus en plus sur ces secteurs spécifiques, sur le noyau dur de l’État et les mécanismes de répression.

La Gauche anticapitaliste radicale n’a plus le luxe du temps. Le dilemme répugnant «Tsipras ou Mitsotakis» s’approche rapidement. Nous serons sommés de présenter nos possibles réponses dans quelques mois. La question concerne essentiellement l’Unité Populaire (LaE), ainsi que les autres forces de la Gauche radicale exclues de SYRIZA lors l’été 2015 et ANTARSYA. Toute analyse, toute ligne politique évitant les responsabilités politiques résultant de ce constat, indépendamment des intentions et des arguments, risquent d’être entendue comme une incompréhension de la lutte politique frontale, avec toutes les conséquences pour le monde du travail et les forces de la Gauche radicale qui seront sur le champ de bataille le lendemain de l’affrontement électoral. (Traduction du grec par Manolis Kosadinos de l’article paru dans la publication bimensuelle de DEA, Ergatiki Aristera)

Notes du traducteur

[1] «Scénario argentin»: référence est faite, ici, comme ailleurs dans le texte, à la crise économique qui a culminé en Argentine en 2001-2002 et qui risque aujourd’hui de se répéter. La crise en Argentine fut le résultat de l’application de plusieurs années de politiques néolibérales et d’ancrage du peso au dollar (sous Carlos Menem et son ministre des Finances Domingo Cavallo) et de l’intervention du FMI.

La phase qui s’ouvre depuis deux mois suite à la dévaluation du peso et à l’accord passé avec le FMI, pur un montant de 57 milliards de dollars, non seulement abouti à des atteintes graves contre contres revenus des salarié·e·s avec un taux d’inflation qui atteint déjà 32,6% depuis le début de l’année.

En Grèce, sous la gouvernance de SYRIZA-ANEL (Grecs indépendants) qui prolonge et amplifie les politiques des précédents gouvernements de droite et sociaux-libéraux, la dérégulation du travail, les privatisations massives, la casse des politiques sociales et l’austérité conduisent la société et l’économie vers l’impasse et risqueraient de produire une nouvelle crise majeure. Cette estimation n’est pas seulement celle de la Gauche Radicale, mais elle est également partagée par certains porte-parole de l’establishment politique.

[2] Les quatre banques dites systémiques, dont la faillite aurait des effets dominos, sont: Banque de Grèce (BG), Alpha, Eurobank et la Banque du Pirée

[3] Expositions non performantes (Non- performing exposures, NPE): terme utilisé pour désigner collectivement les actifs saisis à la suite du défaut du débiteur, ainsi que les prêts «performant » dont le risque de devenir non performants (au-delà de l’échéance de 90 jours) est élevé, notamment les prêts sous surveillance et les prêts restructurés performants.

[4] Fonds commun de créances : un fonds commun de créances qui permet la titrisation de créances bancaires, autrement dit la transformation de créances en titres, matérialisée par des parts du FCC. Il aussi connu, dans le langage financier anglo-saxon, sous le nom de Special purpose vehicle (SPV) ou Special purpose entities (SPE) qui sont des entités légales créées par une autre entité le «Sponsor» qui transfère un ou plusieurs actifs dans le SPV.

[5] Parmi les clauses de l’accord de juin 2018 entre l’Eurogroupe et le gouvernement grec, il y a l’autorisation octroyée à la Grèce de mettre de côté des fonds à hauteur de 24,1 milliards d’euros, somme appelée familièrement «coussin amortisseur», qui permet de disposer à tout moment de liquidités pour subvenir aux besoins de remboursement de dettes, présentes et futures. Selon l’accord, cette somme n’est pas censée être utilisée dans un autre but.

[6] Banque du Pirée (Trapeza Piraeos): une des 4 banques grecques dites systématiques. La Banque du Pirée a été privatisée en 1991, passant sous propriété du grand capital grec. Depuis cette banque ne cesse de croître en achetant plusieurs autres banques, tant en Grèce qu’à l’étranger. Son acquisition des succursales grecques de la Banque de Chypre en 2013, garantie et encouragée par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a donné lieu à des soupçons de corruption et à une controverse juridique. Des hauts responsables ont été convoqués par la justice de Chypre. En 2012, la banque a fait l’acquisition de la Banque Agricole (Agrotiki Trapeza). Comme les autres banques grecques systémiques, elle a été recapitalisée par des fonds publics, puis une grande partie de ses actifs a été cédée à prix dérisoire à des fonds spéculatifs étrangers. La Banque du Pirée détient aujourd’hui 30% des prêts bancaires en Grèce.

[7] Banque Agricole (Agrotiki Trapeza – ATEbank): initialement banque publique, fondée en 1929 dans le but de soutenir le développement agricole en Grèce, sous toutes ses formes. Elle a accédé au statut de Société Anonyme (SA) en 1991, introduite en Bourse en l’an 2000. Lors de la restructuration de la dette publique grecque en 2012 (PSI-Private sector involvement), la banque a souffert la dévalorisation massive de ses actifs, ce qui a inexorablement conduit à sa faillite. Elle a été acquise alors par la Banque du Pirée pour intégrer le groupe dirigé par celle-ci et ensuite fusionner. La Banque Agricole détenait au moment de sa fusion des dettes d’environ 21’500 paysans grecs.

[8] Compagnie Publique grecque d’Électricité (DEI/DEH): créée en août 1950 DEI (DEH), compagnie issue de la nationalisation de la production et distribution d’électricité, avait la prérogative exclusive de la construction, de l’exploitation de centrales hydroélectriques et thermiques, de l’utilisation (préférentielle) de combustibles nationaux et de l’obligation de construire un réseau national de transport et de distribution d’électricité, ainsi que du monopole de la distribution et vente de l’électricité produite. Depuis fin 2000 DEI (DEH) est une Société Anonyme (SA), cotée sur les Bourses d’Athènes et de Londres. Aujourd’hui la transmission de la haute tension et de l’ultra haute tension incombe à ADMIE/ADMHE (un holding, opérateur indépendant de transport d’électricité), avec une participation de l’Etat à hauteur de 51%. Le transport et la distribution de la moyenne tension incombent à DEDDIE/DEDDHE (Opérateur du réseau de distribution d’électricité), détenu à 100% par DEI (DEH), mais fonctionnant de manière autonome. Aujourd’hui la compagnie ne possède plus l’ensemble du réseau national de transport et de distribution, d’une longueur totale d’environ 208’000 km. Le dépeçage et la privatisation larvée de la Compagnie d’Électricité correspondent aux directives de l’UE «sur la libre concurrence et l’abolition des marchés monopolistiques». Les gouvernements fidèles aux mémorandums, notamment le dernier de SYRIZA-ANEL, ont accéléré le processus de privatisation de la compagnie avec pour résultats l’augmentation des factures et la baisse de la qualité des services. Le processus de privatisation était censé s’achever octobre 2018.

[9] Folli-Follie: société internationale basée en Grèce – dont l’actionnaire principal (35.1%) est le milliardaire Dimitris Koutsolioutsos – qui fabrique et distribue des bijoux de luxe, des montres et des accessoires de mode. Cotée à la Bourse d’Athènes depuis 1997, elle est active dans 25 pays et dispose de 380 points de vente. En mai 2018, il a été découvert que la société gonflait son chiffre d’affaires, notamment par le biais de ses succursales en Chine et en Asie. Cette révélation a conduit à l’effondrement du cours de son action en bourse et à l’enregistrement d’incidents de paiement (rejet d’un ordre de paiement par une banque suite à un défaut d’approvisionnement).

[10] Référendum en République de Macédoine : un référendum a eu lieu le 30 septembre 2018 en République de Macédoine, ou Ancienne république yougoslave de Macédoine. La population était amenée à se prononcer sur l’accord conclu avec la Grèce, entraînant notamment un changement du nom du pays en Macédoine du Nord. Plus de 90 % des votants se prononcent favorablement. Néanmoins, sur un peu plus de 1,8 million d’inscrits, un peu moins de 667’000 se sont déplacés, soit un peu plus de 36% de participation, bien en deçà du quorum de 50%. Le résultat est ainsi constitutionnellement invalide faute d’une participation suffisante.

/Le Parlement de Macédoine a voté vendredi le lancement du processus en vue de changer le nom du pays en «République de Macédoine du nord»,/

[11] Zoran Zaev: président du gouvernement de Macédoine, en fonction depuis le 31 mai 2017, issu du parti social-démocrate. Il a soutenu le «oui au référendum.

[12] Voir le Blitzkrieg annoncé par François Fillon en 2017.

Source http://alencontre.org/europe/grece/grece-tsipras-dans-le-champ-de-mines-de-la-crise-prolongee.html#more-52396

L’épouvantail de la dette

Par Pierre Khalfa Coprésident de la Fondation Copernic, membre du Conseil scientifique d’Attac

La question de la dette publique semble revenir dans l’actualité en France avec l’intervention d’économistes orthodoxes comme C. Wyplotz dans Les Échos ou J. Pisani-Ferry dans Le Monde. Tous s’inquiètent du niveau de la dette publique française : « 100 % du PIB, c’est dangereux ». Ils reconnaissent pourtant à juste titre que le risque est faible. Alors, où est le problème ?

Le président Macron poursuit son offensive contre les droits sociaux. Après le Code du travail et la formation professionnelle, c’est le tour de l’assurance chômage et bientôt des retraites de faire les frais de l’ajustement structurel néolibéral. Cela, au nom de la réduction des dépenses publiques et sociales, avec un leitmotiv sur le niveau trop élevé de la dette publique. Ce dernier est un marronnier au sein de la profession des économistes orthodoxes[1].

Tous s’inquiètent du niveau de la dette publique française : 100 % du PIB, c’est dangereux. Ils reconnaissent pourtant à juste titre que le risque est faible, car l’État français emprunte sur dix ans à un taux nettement inférieur à 1 %, un taux bien en dessous de celui de l’inflation. Bref, la France s’enrichit en empruntant et la remontée des taux par la BCE, même si elle était brutale, ce qui est peu probable, ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle parce que l’augmentation de la charge annuelle des intérêts ne sera que très progressive.

Alors où est le problème ? Une raison principale est avancée pour justifier l’inquiétude répandue dans l’opinion publique. Nous nous endetterions pour consommer et non pas pour investir. Dette serait donc synonyme de gabegie et de mauvaise gestion. Il n’est que trop facile d’ironiser sur cette supposée frénésie de consommation, qui fait fi des millions de nos concitoyen.nes qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, soumis au chômage, à la précarité, à des salaires de misère ou aux petites retraites. Mais surtout, il faut se demander ce qui permet à nos économistes d’être si catégoriques. Ces économistes devraient savoir qu’une partie des dépenses de fonctionnement correspondent en réalité à un investissement pour l’avenir, c’est le cas en particulier des dépenses d’éducation. De plus, on doit s’interroger sur l’indicateur retenu par les contempteurs de la dette : la dette au sens de Maastricht, une « dette brute », qui ne permet pas de réellement comprendre la situation financière réelle du pays. Les différentes administrations publiques possèdent en effet des actifs, physiques et financiers,  qui ne sont pas pris en compte dans le calcul de la dette brute, l’indicateur de référence dans la vision maastrichtienne de la dette. Or, contrairement à ce que dit la doxa néolibérale, nous ne laissons pas à nos enfants une dette : selon la comptabilité nationale, les actifs des administrations publiques sont de 3 200 milliards d’euros, soit presque une fois et demie le montant de leur dette. Que laissons-nous donc en héritage ? Un patrimoine précieux : des hôpitaux pour être soignés, des crèches, des maternelles, des lycées et des universités pour se former, des bibliothèques et des musées pour se cultiver, des rails pour circuler s’ils sont entretenus !

La seconde raison de l’inquiétude de nos économistes est que la trajectoire de la dette serait « répétitive et malsaine ». Elle augmente lors des périodes de récession. Ces économistes, prévoyant réalistement un nouveau choc économique ou financier, proposent de réduire aujourd’hui la dette afin de retrouver des marges de manœuvre, demain. Il ne s’agit donc pas d’agir en amont pour prévenir ces chocs en mettant la finance sous contrôle et en menant une politique macroéconomique adaptée, mais d’attendre qu’ils aient lieu et d’utiliser alors l’arme du déficit public pour les amortir. Le fait que les politiques d’austérité menées conjointement en Europe ont abouti à une récession généralisée et ont été une des causes de l’accroissement des déficits publics n’est même pas évoqué. La crise financière et la récession sont considérées comme inévitables.

Au-delà des raisons peu convaincantes de l’inquiétude sur la dette publique, deux questions pourtant décisives sont ignorées. Tout d’abord, un déficit est la marque d’un décalage entre les dépenses et les recettes, ce qui pose la question de la fiscalité. Deux rapports datant de 2010 disent tout du problème. Le rapport Champsaur-Cotis au président de la République indique qu’« en l’absence de baisses de prélèvements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible aujourd’hui ». Celui de Gille Carrez, député de droite et à l’époque rapporteur du budget, pointe que, si la fiscalité était restée au niveau de l’an 2000, la France aurait été en excédent budgétaire en 2006, 2007 et 2008 et le déficit public n’aurait été que de 3,3 % au lieu de 7,5 % en 2009, année de la plus forte récession depuis la seconde guerre mondiale. Ceux qui ont conçu le programme économique d’Emmanuel Macron sont silencieux sur les cadeaux fiscaux, se comptant par dizaines de milliards d’euros, dont viennent de bénéficier les ménages les plus riches et les employeurs : baisse d’imposition sur les revenus du capital (flat tax), suppression de l’ISF, transformation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse de cotisations pour les employeurs (40 milliards au total pour l’année 2019), sans parler de l’évasion fiscale d’un montant égal au déficit de l’État.

Enfin, on ne nous dit rien de l’obligation faite aux États de n’emprunter que sur les marchés financiers internationaux. Car, l’existence d’un marché de la dette publique est le résultat d’un choix politique qui vise à faire de l’État un emprunteur comme un autre, avec l’objectif de le mettre sous la pression des marchés financiers et ainsi de le discipliner. C’est ce que matérialise l’interdiction faite par les traités européens aux banques centrales, la BCE en tête, de prêter directement aux Etats C’est pourquoi, pour pouvoir emprunter à des taux raisonnables sur le marché, l’État doit aujourd’hui se plier aux désirs des investisseurs. La dette publique devient ainsi un élément fondamental de la domination des marchés.

On le voit, résoudre le problème de la dette publique suppose de s’attaquer aux fondements des politiques néolibérales. Ce n’est pas le choix du gouvernement et des économistes qui, de près ou de loin, le conseillent. À force de ressasser les mêmes dogmes surannés et démagogiques, les peuples se mettent à douter de la démocratie. Là est le vrai risque.

Ce point de vue, signé par Jean-Marie Harribey, Esther Jeffers, Pierre Khalfa, Dominique Plihon, Jacques Rigaudiat, économistes membres d’Attac et de la Fondation Copernic, a été publié sur lemondefr.

[1]Parmi les derniers en date : C. Wyplotz, Les Échos, 6 septembre 2018 ; J. Pisani-Ferry, Le Monde, 5 octobre 2018.

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