Le ministère de l’Environnement autorise les parcs éoliens dans la forêt incendiée d’Evros
Incroyable! À peine vingt jours se sont écoulés après les incendies destructeurs dans la forêt d’Evros, au nord-est de la Grèce, et le ministère de l’Environnement et de l’Énergie a autorisé les parcs éoliens dans les zones brûlées de l’Evros, dans les zones NATURA 2000, foyer des vautours noirs et autres vautours protégés.
L’incendie d’Evros, devenu incontrôlable pendant deux semaines, a été classé comme le plus important jamais survenu dans un pays de l’Union européenne.
Vidéo postée le 3 septembre : Un vautour noir, stupéfait, est revenu dans la forêt de Dadia après les incendies. Il cherche son nid et sa famille…
Selon un article de la Société grecque d’ornithologie, l’Administration décentralisée de Macédoine – Thrace (ADM-Th) a procédé il y a quelques jours, le 20 septembre, à l’autorisation d’une centrale éolienne (ASPIE) dans la zone brûlée et dans le Zone NATURA (Zone de Protection Spéciale, ZEP) GR1110009 « Complexe Forestier du Sud d’Evros ».
L’autorisation était en fait basée sur la recommandation unanimement positive du Conseil régional des autorisations environnementales (PESPA) de Thrace, qui a outrepassé de manière provocante l’avis négatif de l’OFYPEKA, de l’unité de gestion du delta de l’Evros et des parcs nationaux de Dadia pour le projet spécifique. .
Sur la base des informations issues de la réunion de PESPA, la recommandation positive reposait simplement sur une question pertinente du président de PESPA au directeur général de la politique environnementale (DGPP) du ministère de l’Environnement et de l’Énergie (EEM) qui « a rapporté que le ministère est positif ». avec l’autorisation environnementale du projet », sans aucune documentation et réfutation des positions d’OFYPEKA.
Alors que la société locale en particulier et la société grecque en général sont encore traumatisées par le fait que, pendant deux années consécutives, la majeure partie de l’unique parc national de Dadia a été incendiée, le cynisme et l’indifférence des services administratifs responsables de l’autorisation des projets, qui sont documentés comme étant dangereux pour la vie des oiseaux, est choquant mais aussi exaspérant, a noté la Société d’Ornithologie. I Surtout à une époque où l’habitat critique du vautour noir dans la forêt de Dadia a subi un coup aussi grave et où l’avenir de sa population unique en Grèce est incertain, il est insensé que l’EEM n’ait pris aucune mesure pour réglementer , au niveau local, une activité (installation d’éoliennes) qui constitue une menace sérieuse pour toutes les espèces de vautours.
Le Ministère a entre les mains toutes les études scientifiques et les outils législatifs nécessaires pour une régulation optimale de cette activité dans le sens de la protection des vautours menacés, cependant, dans de nombreux cas, non seulement il ne les consulte pas, mais il les contourne même ! En même temps, cette question de l’AEPO est un maillon dans une chaîne d’autorisations de plus en plus alarmante, principalement de projets RES, qui ont lieu alors qu’il y a un avis négatif de l’OFYPEKA, chargé de procéder à l’évaluation appropriée des effets des projets. sur les espaces NATURA et leurs objets protégés.
Plusieurs permis ASPIE délivrés à l’été 2023 ont été refusés par l’OFYPEKA. En d’autres termes, il semble que les avis de l’OFYPEKA aient désormais une valeur décorative pour la Direction Générale du Ministère de l’Intérieur et des Administrations Décentralisées, même si pour la majorité des projets, l’OFYPEKA est la seule agence qui s’occupe de la bonne évaluation. de leurs effets sur les régions NATURA. La Société a souligné : « Nous considérons qu’il va de soi que l’Administration décentralisée de Macédoine Thrace révoquera immédiatement l’AEPO pour ASPIE MYTAKAS 1 & 2 dans la zone brûlée d’Evros. Néanmoins, les questions posées aux dirigeants du ministère, qui assume également la responsabilité principale des projets situés dans ou affectant directement les zones NATURA, se posent sans effort et nécessitent des réponses claires et surtout des actions claires. source : Société grecque d’ornithologie
PS Pourquoi on se demande ? Le Premier ministre, qui a attribué les incendies au changement climatique, a déclaré récemment que le changement climatique était une opportunité pour le tourisme du pays…
Le scrutin du 25 juin dernier en Grèce a amplifié les tendances révélées par celui du 21 mai : domination à un haut niveau de la droite au pouvoir depuis 2019, poussée de l’extrême-droite, au sein de laquelle réapparaît un pôle néonazi qui prend le relais d’Aube dorée, poursuite de la déroute de Syriza, faible progression du Parti communiste (KKE), échec des autres forces de la gauche radicale, en particulier de la coalition autour du parti de Yanis Varoufakis et d’Unité populaire sous la bannière de MeRA25-Alliance pour la Rupture.
La démission d’Alexis Tsipras de la direction de Syriza, le 29 juin dernier, dans une ambiance lugubre, symbolise à elle-seule la fin d’une époque. Une époque qui a commencé au printemps 2010 avec l’imposition d’une thérapie néolibérale d’une brutalité inouïe et la mise sous tutelle du pays par l’UE, qui s’est poursuivie avec une vague impressionnante de mobilisations populaires et la montée au pouvoir en janvier 2015 d’une formation de la gauche radicale jusqu’alors aux marges du système politique et qui s’est achevée sept mois plus tard par la capitulation de cette même formation face aux diktats de l’UE et par la destruction de l’espoir que ce petit pays a représenté pour les forces progressistes pendant ces années de tumulte.
Dans cet article, Mariana Tsichli, co-secrétaire d’Unité Populaire, analyse les traits principaux de ce cycle électoral et politique et formule quelques propositions pour la reconstruction de la gauche radicale dans la période difficile qui s’annonce.
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Le scrutin du 25 juin a validé et approfondi les changements enregistrés lors de celui du 21 mai. Trois éléments de dégagent :
– La Nouvelle Démocratie (ND) de Mitsotakis a cristallisé sa domination sur la scène politique.
– Le déclin de Syriza s’est accentué, le privant de sa fonction d’opposition capable accéder à moyen terme au pouvoir, quelle que soit l’évolution de ce parti au cours de la prochaine période.
– Le Pasok n’a pas réussi à dépasser le score atteint lors du scrutin de mai. Εntièrement contrôlé par les centres de pouvoir, traversé en interne par de stratégies contradictoires, ce parti ne peut constituer un pôle revendiquant l’alternance gouvernementale.
Dans l’ensemble, la séquence électorale de mai et juin débouche sur un renforcement de la droite et de l’extrême droite et une défaite majeure de la gauche. Ce résultat tout à la fois reflète et produit des déplacements idéologiques et politiques.
La droite a obtenu en juin un total de près de 55% des voix ; pour la première fois depuis 1974, elle obtient une majorité des votants. Sa reconstruction et l’expansion de son influence sont évidentes. La poussée de l’extrême droite est tout autant révélatrice de cette radicalisation à droite d’autant qu’elle s’exprime à fois par reconstitution d’un pôle néonazi [les Spartiates] et par l’émergence, ou la consolidation, de formations obscurantistes et complotistes [Solution grecque et Niki : Victoire]. La remontée limitée du Parti communiste grec (KKE), ou le niveau élevé de l’abstention ne sauraient relativiser ce constat. En effet, tout au long de cette période, l’abstention a davantage affecté l’électorat de centre-gauche et de gauche que celui de droite. La forte augmentation de l’abstention au cours des dernières décennies reflète en partie une crise de légitimité des partis politiques, mais elle ne peut conduire à une délégitimation du pouvoir si elle ne s’accompagne pas d’une montée du mouvement populaire. Au contraire, en l’absence de participation populaire à l’action politique et au processus parlementaire, la montée de l’abstention traduit un virage conservateur.
Le principal facteur à l’origine de la victoire électorale de la ND est la recomposition sociale de grande ampleur qui résulte de la thérapie de choc imposée par les trois Mémorandums conclus entre l’UE et les gouvernements successifs. Cette stratégie de stabilisation du capitalisme grec a connu un succès relatif même si celui-ci demeure à des niveaux nettement inférieurs à ceux d’avant la crise. Ce processus a produit des gagnants (dont le poids dans la représentation politique s’est accru) et des perdants (dont la représentation et la présence politique se sont réduites).
Le résultat du cycle électoral est l’expression combinée des tendances de fond qui ont marqué la période à savoir, d’une part, les restructurations qui ont modifié les rapports de force en faveur du capital et le recul corrélatif des formes organisées du mouvement ouvrier et, de l’autre, l’occupation de l’appareil d’État par la ND et son utilisation pour stabiliser autour de la bourgeoisie un bloc social qui inclut largement la petite bourgeoisie et certains secteurs populaires.
Dans ce contexte, la ND a profité de l’assouplissement des politiques budgétaires pendant la pandémie et de l’attitude favorable des cercles dirigeants de l’UE pour canaliser d’importantes ressources (Fonds européens, excédents accumulés sous le gouvernement Syriza, excédents primaires) afin de stabiliser sa base sociale. Ces fonds ont pour la plupart été alloués aux secteurs bourgeois et aux classes moyennes supérieures. Toutefois, une partie a également été distribuée aux petites entreprises et aux travailleurs indépendants. Ces aides ponctuelles ont contribué à atténuer, dans une mesure limitée, les effets directs de la crise sur les couches populaires.
Les grands médias ont également joué un rôle important dans le maintien de la base électorale de la ND, malgré ses politiques agressives, ses échecs majeurs et le scandale des écoutes. Pour la première fois depuis la chute de la dictature, le système médiatique soutient en bloc le parti au pouvoir, alors que l’opposition n’a ni base médiatique propre ni accès significatifs aux grands médias. Les médias se sont ainsi efforcés, et ont en partie réussi, de redresser l’image du gouvernement après la catastrophe ferroviaire de Tempi, comme ils l’ont fait durant les années précédentes. Les erreurs commises par l’opposition pendant la période électorale, principalement, mais pas seulement, par Syriza, ont eu un effet réel, mais secondaire, sur le résultat des élections, en alimentant un sentiment d’insécurité parmi une partie des électeurs à la recherche de « stabilité et de normalité ».
La stratégie de la bourgeoise grecque
Après 2015, tous les secteurs de la bourgeoisie ont cherché de manière coordonnée à créer les conditions de domination d’un seul pôle sur la scène politique et en même temps une configuration d’ensemble avec un seul parti dominant (de droite) et deux partis faibles (de « centre-gauche ») incapables, à moyen terme, de revendiquer l’alternance gouvernementale. L’agressivité dont ont fait preuve les centres de pouvoir à l’égard de Syriza montre qu’un postulat fort répandu à gauche n’est pas valide en tout circonstance : la bourgeoisie n’a pas nécessairement besoin d’un système politique bipartisan pour maintenir la stabilité politique à travers un mécanisme d’alternance entre les deux pôles et neutraliser/intégrer de cette façon les classes populaires.
En même temps, au cours de cette période, le bloc au pouvoir en Grèce est dominé par des secteurs capitalistes moins dépendants que par le passé d’une stratégie de développement à long terme. La remontée visible des profits et du taux de profit n’est pas obtenue au moyen d’une reprise significative de l’accumulation capitaliste, mais par la compression de la valeur de la force de travail et les opportunités créées par la mise à l’encan des richesses naturelles et des infrastructures publiques suite à la thérapie de choc imposée par les Mémorandums. Les raisons du soutien absolu accordé par la bourgeoisie grecque à la ND évolution trouvent, pour une part, leur origine dans cette évolution.
La trajectoire de Syriza
Le scrutin de juin a accentué le recul de Syriza, qui enregistre une perte cumulée de plus de 1,3 million de voix depuis 2015. Seule une fraction réduite de cet électorat s’est déplacée à gauche, tandis que la majeure partie s’est tournée soit vers la droite, soit vers l’abstention. En particulier au cours de la période 2019 – 2023, la majeure partie des pertes de Syriza s’est tournée vers la droite, même dans les zones populaires et celles à prédominance ouvrière. Les interprétations qui attribuent la défaite électorale de Syriza exclusivement à son virage à droite s’avèrent simplificatrices dans la mesure où il n’y a pas eu de renforcement substantiel des formations politiques sur sa gauche. Ceci dit, le reniement du « non » du référendum de 2015 et le virage néolibéral qui s’en est suivi ont sans aucun doute façonné le substrat des tendances idéologiques et politiques qui ont déterminé le résultat de ces élections.
Une autre voie aurait exigé un choix radicalement différent de la part de son groupe dirigeant dès le premier trimestre de 2015, bien avant le référendum, alors que les signes de la dégradation de la situation se multipliaient. Une stratégie politique alternative aurait nécessité un deuxième scrutin, et non une alliance avec ANEL [parti souverainiste de droite qui a participé au gouvernement de 2015 à 2019], une rupture des négociations avec la Troïka, un arrêt du remboursement de la dette, l’utilisation des réserves existantes et la recherche d’autres alliances économiques et politiques au niveau international autour de l’axe émergent des BRICS.
Il s’est avéré que Syriza n’avait ni la structure organisationnelle, ni les liens avec les secteurs sociaux et les références internationales qui lui auraient permis de diriger une alliance de classe populaire et mener un tel conflit avec le capital grec, les appareils d’État et les puissances impérialistes. Syriza dans son ensemble n’était absolument pas préparé politiquement, socialement et idéologiquement à une rupture de cette ampleur. Son ascension électorale était basée sur le mécontentement social et la volonté de larges couches de la population d’imposer une politique différente pour arrêter la chute rapide de leur niveau de vie. Cependant, ce mouvement social avait des limites politiques et idéologiques quant au niveau de conflit qu’il était prêt à assumer. Syriza se présentait comme une solution intermédiaire, à moindre coût. D’une part, il répandait un discours flatteur assurant qu’il serait facile de négocier avec les centres impérialistes européens un changement de politique sans recourir à un conflit majeur. D’autre part, le fait qu’il ait été orienté, tout au long de son parcours antérieur, vers le bloc impérialiste d’Europe occidentale offrait certaines garanties, non seulement à la bourgeoisie, mais aussi aux couches populaires et petites-bourgeoises à la recherche d’un changement de politique mais sans rupture radicale.
Le sens de la remontée du KKE
Pour la gauche radicale, le résultats des élections de mai et juin signale également un virage conservateur, dans la mesure où le seul pôle qui en sort renforcé est le KKE. Celui-ci est désormais la seule force à gauche de Syriza à être représentée au Parlement. Sa capacité à conserver une base organisée, qui lui permet d’être en contact direct avec des secteurs populaires dans des conditions de réalignement de leur positionnement politique, a été un facteur décisif de sa progression électorale. Il faut cependant également tenir compte du fait qu’il a profité d’un traitement bienveillant de la part des médias qui l’ont présenté comme un parti de gauche « sérieux et responsable ». Le KKE est ainsi reconnu par le système comme un parti de protestation qui, à chaque moment critique, a été un facteur de stabilisation.
L’interprétation du résultat électoral par le KKE lui-même est à cet égard révélatrice. Celui-ci y voit une justification de sa stratégie au cours de la période 2012-2015, c’est-à-dire de sa position sur le mouvement d’occupation des places [qu’il a dénoncé], le référendum de juillet 2015 [lors duquel il a appelé au vote nul], ou sur la zone euro [hostile à la sortie]. Il est de ce fait incompréhensible que certains courants de la gauche radicale aient appelé implicitement ou explicitement à soutenir électoralement ce parti alors qu’ils se sont frontalement opposés à ses choix pendant les 13 dernières années. Quoi qu’il en soit, le KKE n’a réussi à attirer qu’une petite partie des électeurs qui se sont détournés de Syriza. Malgré son succès relatif, à mesure que se cristallisent les effets des politiques néolibérales et autoritaires, les possibilités d’intervention du KKE se réduiront également, tant qu’il ne changera pas d’orientation politique.
L’échec de la gauche radicale
Une partie confuse du vote de gauche s’est orientée tourne vers la formation de Zoé Konstantopoulou (Cap vers la liberté), qui ne peut cependant pas être considérée comme une force de gauche. Cette formation a bénéficié d’une grande visibilité dans les principaux médias, qui traduit une forme de soutien par certains centres de pouvoir soucieux de réduire l’influence de Syriza et des formations de gauche telles que MeRA25 – Alliance pour la Rupture.
Le résultat de MeRA25-Alliance pour la Rupture, qui n’a pas réussi à atteindre le seuil de 3% pour entrer au parlement, est un échec pour la gauche dans son ensemble. Le résultat de juin était dans une large mesure déterminé par la dynamique négative du résultat de mai, dynamique qui ne pouvait pas être inversée dans le peu de temps qui séparait les deux scrutins. Dans ce contexte, le maintien du score à un niveau légèrement en deçà de 3% est un point d’appui dans une situation d’ensemble défavorable.
L’une des principales raisons de l’échec se trouve dans l’incapacité de MeRA25 à nouer, au cours des quatre dernières années, des liens organiques avec des secteurs des classes populaires, même à petite échelle. De ce fait, sur une grande partie du territoire, la diffusion du message de la coalition était dépendant de sa présence dans les médias et les réseaux sociaux. Cette situation a limité les possibilités de contenir les pertes produites par la stigmatisation de MeRA25 par l’ensemble des autres formations et par les principaux médias.
Toute erreur tactique lors de la campagne a ainsi eu des effets démultipliés. Mettre en avant un programme quasi-gouvernemental, même s’il contenait des éléments de rupture avec les principaux axes de la stratégie néolibérale (garantie des logements menacés de saisie par les fonds spéculatifs, création d’une banque de développement, reprise de contrôle du système bancaire, abolition du fonds de privatisation, remise en cause de la dette publique, etc.) était un choix inappropriée pour une petite formation de gauche qui luttait pour entrer au parlement.
Au-delà de ces questions tactiques, sont apparues des erreurs stratégiques qui affectent la gauche radicale dans son ensemble, mais aussi Syriza. Le cycle électoral a révélé une incapacité aigüe à comprendre les évolutions et reclassements au sein des couches populaires mais aussi l’épuisement de l’énergie qui a alimenté au cours des années 2010-2015 la montée de Syriza et le « non » au référendum. Le succès de la droite, l’effondrement de Syriza, mais aussi l’échec du MeRA25-Alliance pour la rupture sont liés au rejet de la possibilité d’une répétition d’une crise comme celle de 2015. Cette période est vécue comme un traumatisme par de larges couches de la population, non seulement par les plus riches, mais aussi par celles et ceux qui ont un emploi relativement stable ou même une pension. Elle reste également comme celle de la perte de l’espoir pour les couches qui se retrouvent laminées par la crise et la thérapie néolibérale de choc. L’insistance – lors de la campagne pour le scrutin de mai – de MeRA25-Alliance pour la Rupture sur le clivage de 2015 n’a pas pris en compte le basculement du rapport de forces politique et idéologique qui s’est produit au cours des huit dernières années.
Outre l’épuisement des énergies du « non » de juillet 2015, est également apparue une forme d’épuisement de l’espace qui a émergé de la séquence de rupture de 2015 qui concerne toutes les formes de dissidence de gauche, que ce soit celles issues de Syriza ou d’Antarsya. En refusant de rejoindre, ou de soutenir, le regroupement tenté par MeRA25-Alliance pour la Rupture, certaines forces de la gauche radicale ont manqué une opportunité cruciale de peser sur le rapport de forces politique global. Elles ont commis la même erreur qu’Antarsya en 2015, ne réalisant pas qu’en l’absence de représentation institutionnelle d’un courant de la gauche radicale, il n’y a pas de terrain favorable à une recomposition des forces.
En ce qui concerne Antarsya, ses résultats ont confirmé l’effritement de cet espace politique depuis plus de dix ans. Le maintien obstiné d’un discours d’agitation axé sur la « révolution anticapitaliste » s’est, une fois de plus, révélé autoréférentiel, narcissique et inefficace. Au terme d’une période de crise sociopolitique de portée historique, pendant laquelle des millions de travailleu.se.rs se sont, dans un premier temps, déplacés vers la gauche, puis ont pris le chemin inverse, ou se sont abstenus, Antarsya se retrouve à un étiage inférieur à celui des forces qui l’ont précédée au cours des années 1990 et 2000.
La nécessaire réorientation de la gauche
Le rapport de forces actuel permet une accélération significative de la politique du gouvernement Mitsotakis et la consolidation, sous certaines conditions, de sa domination à moyen terme sur la scène politique. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas de contradictions ou de place pour les luttes sociales, ni que ce rapport de forces ne peut être remis en question. Le caractère agressif et autoritaire de la politique de la ND suscitera des mécontentements et des résistance. De plus, les dernières années ont montré que les positions politiques et électorales se caractérisent par une grande fluidité et que les relations organiques de la société avec les partis politiques ont été démantelées.
La possibilité d’une intervention sur ce terrain dégradé exige un travail patient et une orientation résolument unitaire. L’aspect clé d’une telle stratégie consiste à aborder les questions de l’heure et les fronts de lutte qui en découlent avec un discours simple et compréhensible et par des pratiques susceptibles d’impliquer les secteurs populaires. Cette stratégie reconnaît le caractère défensif dans lequel se trouve actuellement le mouvement social et combine les délimitations politiques nécessaires avec des réponses aux questions cruciales pour les classes populaires, telles que la santé publique, l’éducation, l’inflation et la coût de la vie, la crise du logement.
Un travail à plus long terme est également nécessaire afin d’élaborer de nouveaux éléments programmatiques qui remettent en question le modèle de développement du capitalisme grec et donnent forme à l’opposition aux intégrations impérialistes (UE, OTAN). Cette orientation devrait également prendre la forme d’une unité d’action, avec la création de cadres d’intervention unifiés dans les mouvements sociaux et les syndicats afin de construire des liens durables avec des secteurs, même minoritaires, des classes populaires. Le combat antifasciste constitue un front distinct de très grande importance qui exige des cadres spécifiques.
Au niveau politique, il s’agit de construire un réseau de forces, d’organisations, de militants non-encartés ou qui se sont retirés de l’action politique ou qui seront, au cours de la période à venir, à la recherche d’une issue de gauche à la crise de Syriza. Cet espace devrait inclure la totalité du spectre qui va de MeRA25 aux organisations de la gauche radicale qui sont disposées à participer à un cadre unitaire, à dépasser les désaccords et des blocages passés et à promouvoir des relations de respect et de parité. Un tel processus pourrait commencer à se concrétiser lors des prochaines élections municipales et régionales [qui auront lieu en octobre prochain], créant ainsi des conditions favorables pour un cadre commun en vue des élections européennes de 2024.
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Texte initialement paru dans Jacobin Greece le 13 juillet 2023, traduit pour Contretemps par Stathis Kouvélakis.
Note
* En juin 2023, les formations d’extrême droite représentées au parlement sont les Spartiates, parti néonazi qui se présentait pour la première fois et qui prend le relais d’Aube Dorée (4,7%) et les deux formations de type alt-right : Solution grecque (4,4%), représentée au parlement depuis 2019, et Niki (Victoire) qui se présentait pour la première fois lors du scrutin de mai 2013 et qui obtient en juin 3,7%. Aube Dorée entrait au parlement en 2012, avec 7 et 6,9%, respectivement aux scrutins de mai et juin 2012, puis de nouveau en janvier et septembre 2015, avec respectivement 6,3 et 7% des suffrages. Elle avait obtenu 2,9% en 2019, dernier scrutin où elle s’est présentée sous son nom, en-deçà du seuil d’entrée au parlement (3%).
Le pire gouvernement de tous les temps et les divers lobbies de la corruption, de la déraison et de l’extrême droite qui tentent de l’aider, essaient maintenant d’attribuer la responsabilité d’une catastrophe nationale énorme et largement évitable aux immigrés, aux agents turcs et russes ou aux extraterrestres.
Avant, c’était la crise climatique. Certes, il y a la crise climatique, mais c’est une raison pour faire plus, et non moins, face aux répercussions des phénomènes climatiques extrêmes qu’elle provoque !
Comme le changement climatique ne suffit plus à justifier la destruction sans précédent de la Grèce et la responsabilité du gouvernement dans cette destruction, on utilise des expressions au sens insondable comme « guerre hybride » et « menaces asymétriques » pour expliquer le bordel grec. Plus une expression est pompeuse, plus elle impressionne. Plus elle est incompréhensible et obscure, moins on la soumet à la critique et à l’examen. C’est la pire des relations publiques.
Même la Cour suprême s’est mobilisée pour trouver les bandes criminelles qui mettent le feu aux bois. Mais elle n’a pas besoin de fouiller les forêts de Thrace (nord-est de la Grèce). Il suffirait d’enquêter au Maximou (bâtiment où se trouve le bureau du Premier ministre grec) et dans les ministères pour constater que rien ne fonctionne ni dans l’État ni dans le gouvernement et que cet État et ce gouvernement sont incapables de faire face aux incendies ou à tout autre problème du pays. Tous les Grecs intelligents savent ce qui intéresse exclusivement le gouvernement et l’État. Nous supposons que les honorables hauts magistrats le savent également.
Attendent-ils vraiment de cet État et de ces hommes politiques qu’ils nous protègent contre les incendies, ce qu’ils n’ont pas réussi à faire même à une époque bien meilleure ?
Et s’ils veulent connaître les bandes criminelles qui opèrent en Thrace, pourquoi ne demandent-ils pas à M. Mitsotakis, qui surveille tout le monde (ou bien aux services secrets israéliens qui ont mis en place le réseau de surveillance) ?
On ne peut certainement pas exclure que certaines personnes allument des incendies. Il ne s’agit pas, bien sûr, des immigrés ou des agents russes et turcs, mais, plus probablement, des cercles corrompus bien connus des entreprises de construction grecques de toutes sortes (qui entretiennent généralement d’excellentes relations avec le gouvernement). Historiquement, ils sont à l’origine de nombreux incendies nécessaires au « développement » de l’immobilier.
Quoi qu’il en soit, pourquoi personne ne se fait prendre ?
Le chef des forces armées s’est rendu en Thrace avec ses commandos pour effectuer des patrouilles, l’État répandant à nouveau des rumeurs sur des incendiaires inconnus !
Bien sûr qu’il y a une guerre. C’est une guerre bien réelle, lancée par le gouvernement, les médias totalitaires systémiques (qui ont surpassé les médias de la dictature, bien qu’avec des méthodes différentes), notre monde journalistique, intellectuel et universitaire entremêlé et toutes les versions d’une extrême droite stupide qui a été libérée à la suite de l’incroyable gâchis de la gauche et du centre-gauche grecs de toutes les nuances. C’est la guerre menée par l’indescriptible « élite » grecque et le gouvernement de ce pays contre l’esprit, l’intégrité, la mémoire et la dignité des citoyens grecs.
D’accord, admettons que les immigrés, les Turcs et les Russes ont allumé les incendies. Les immigrés, les Turcs et les Russes ont-ils provoqué la collision des trains en mars dernier ? Les ambulances étaient-elles à temps pour atteindre les patients qui sont morts en les attendant ? Ont-ils détruit le pont de Patras, tuant les personnes qui se trouvaient en dessous ? Ont-ils détruit nos écoles et nos hôpitaux ? Ont-ils laissé nos aéroports et nos compagnies aériennes sans certification ? Ont-ils laissé les avions de lutte contre les incendies de Kanadair sans entretien adéquat, provoquant ainsi la mort de deux pilotes le mois dernier ? Les immigrés, les Turcs et les Russes ont-ils forcé nos politiciens à accepter des pots-de-vin de Siemens, Novartis et d’un millier d’autres entreprises ?
Dans l’état où se trouve l’État grec aujourd’hui, si des agents turcs et russes le voulaient vraiment, ils l’auraient littéralement fait exploser.
Les scandales et les crises se produisent dans d’autres pays. Ce n’est que dans les pays à peu près « normaux », c’est-à-dire les pays qui conservent des perspectives et des possibilités de survie, qu’ils provoquent une sorte de réaction corrective. En Grèce, ils provoquent des écarts encore plus importants par rapport au mode de fonctionnement normal de l’État.
Le pays ressemble à un patient en phase terminale, souffrant d’une défaillance de plusieurs organes…
PS. Une question majeure et très importante qui n’était pas le sujet de cet article est le cannibalisme de l’État grec pendant treize ans en application des programmes coloniaux destructeurs imposés par l’Allemagne, l’UE et le FMI, qui fonctionnent toujours – malgré les mensonges des partis politiques grecs – ,et qui resteront en vigueur jusqu’en 2060, en supposant que la Grèce existe encore à ce moment-là.
Alors que la crise climatique rend nécessaire la création d’une infrastructure beaucoup plus résiliente, l’infrastructure grecque n’a fait l’objet d’aucun nouvel investissement, tandis que le personnel de l’État et les dépenses gouvernementales ont été réduits de façon spectaculaire en application des « programmes de sauvetage » imposés par les puissances européennes et le FMI à la Grèce.
Les désastres actuels, et ceux encore plus graves à venir, sont programmés par les programmes de sauvetage.
Aux résultats matériels des politiques européennes, il faut ajouter les résultats moraux et psychologiques non négligeables de la pression exercée sur le pays.
PPS . Nous rappelons que les pompiers et la protection civile ont demandé, comme l’ancien ministre Alekos Papadopoulos, au premier ministre Kyriakos Mitsotakis de demander de l’aide à la Russie. Mais il semble que le gouvernement soit plus intéressé par le maintien de bonnes relations avec l’Amérique que par la sauvegarde des forêts grecques.
Traduit du grec Υβριδικός Πόλεμος | ΔΗΜΗΤΡΗΣ ΚΩΝΣΤΑΝΤΑΚΟΠΟΥΛΟΣ
Grèce : L’opposition critique Mitsotakis et le parti ND pour cette catastrophe sans précédent
23/08/2023
SYRIZA-PS demande un débat au Parlement au niveau des dirigeants politiques, dès que possible, sur la prévention et le traitement des incendies de forêt, la planification de la protection civile et la résilience du pays contre les conséquences de la crise climatique.
La décision a été prise après une discussion au sein du présidium du groupe parlementaire SYRIZA-PS. Selon le communiqué de presse du parti, « la réunion a exprimé la douleur de SYRIZA-PS pour la perte de nos semblables et la préoccupation intense pour la situation extrêmement critique sur les fronts de l’incendie et de l’énorme catastrophe environnementale. L’inadéquation et l’incompétence de M. Mitsotakis pour faire face une fois de plus aux incendies de manière opportune et efficace, a pour résultat que le pays, d’un bout à l’autre, est confronté à des conditions sans précédent, qui nécessitent la mobilisation immédiate des forces et le renforcement de l’appareil d’État. »
De son côté, le Parti communiste (KKE) a souligné que :
« La mort de dizaines d’êtres humains déracinés, retrouvés carbonisés dans la forêt de Dadia, est un horrible crime à plusieurs morts, qui met à mal toutes les justifications gouvernementales selon lesquelles la protection de la vie humaine est au cœur de la planification », souligne le Parti communiste grec dans une déclaration, à l’occasion de la tragédie indicible qui s’est produite à Evros.
Le KKE ajoute que « les personnes carbonisées dans l’Evros s’ajoutent à la longue liste des réfugiés et des migrants qui perdent la vie au cours de leur voyage de déracinement, contraints d’emprunter les routes les plus dangereuses pour éviter la répression et l’enfermement imposés par la politique de l’UE et des gouvernements ».
Dans le même temps, Αt ΚΚΕ note que « le mélange explosif de la politique anti-immigration et de l’absence totale de prévention et de planification anti-incendie, ne fait qu’engendrer de nouvelles tragédies, pour lesquelles les gens, Grecs et immigrés, paient le prix le plus lourd ».
Crédit Photo Le Premier ministre Mitsotakis. Wikimedia Commons
Après moult hésitations, le Premier ministre Mitsotakis junior a fixé les élections législatives au 21 mai. Même si les sondages donnent son parti, Nouvelle Démocratie (ND), en tête, les résultats sont incertains, tant est grande la colère après quatre ans d’ultra-libéralisme et donc de répression et d’attaques contre les droits.
Même si Mitsotakis contrôle la plupart des médias et verrouille l’appareil d’État, il est inquiet. Dans ce climat, la date et la forme des élections sont un enjeu : celles-ci se feront à la proportionnelle — avec un seuil minimum de 3 % pour avoir des députés — mais, sauf entente pour un gouvernement de coalition, devraient déboucher sur de secondes élections qui se feront, elles, selon une loi ND donnant au premier parti un bonus de 20 à 50 députéEs. Ces secondes élections auraient lieu début juillet : Mitsotakis espère ainsi priver de vote quelque 220 000 jeunes travailleurEs saisonniers partis bosser sur les lieux touristiques. Précisons que les sondages mettent Syriza largement en tête chez les jeunes…
Cette manœuvre électoraliste est l’une des innombrables attaques antidémocratiques et antisociales de ce gouvernement de droite extrême, le pire depuis la junte des colonels pour de nombreux GrecQUEs, à tel point qu’il inquiète même les instances européennes quant à ses méthodes, par exemple avec l’affaire des innombrables écoutes, que Mitsotakis tente d’étouffer. Comme par ailleurs la situation économique n’est guère meilleure pour la population que sous les mémorandums, toutes les raisons sont là pour que cette droite radicalisée tombe dès le 21 mai, d’autant que pendant ces quatre ans, les luttes populaires n’ont jamais cessé. Mais on retrouve ici une condition connue : pour faire tomber la droite, quelle alternative à gauche ? Pour ce premier article avant les élections, nous évoquons les quatre ans de ce gouvernement de combat contre les travailleurEs, les migrantEs et les jeunes.
Un gouvernement à composition fasciste
On a parlé souvent pour ce gouvernement d’un pouvoir à la chilienne, ultra-libéral et ultra-répressif. La comparaison a du vrai : il fallait le cynisme de Mitsotakis pour mettre à des postes clés, quelques années après les meurtres du groupe nazi Aube dorée, des fascistes certes « recyclés ND », mais dont deux avaient été ministres en 2011 (gouvernement ND-PASOK-Laos) sous l’étiquette du groupe fasciste Laos. Dès son élection en 2019, la ND a ainsi cajolé les électeurs des fascistes et, après la condamnation des meurtriers nazis en 2020, elle les a laissé agir en prison, à tel point que l’un des chefs d’Aube dorée a pu présenter des candidats d’un groupe fasciste reconstitué, que les sondages donnent à 3 ou 4 %…
Quant aux ministres fascistes, leur rôle est important dans le gouvernement : l’un est ministre de l’Intérieur et fabrique des mesures afin que « plus jamais la gauche ne revienne au pouvoir » (ses propres propos) ; l’autre est au Développement et pèse de tout son poids pour la privatisation à tout-va ; le troisième est à la Santé où il systématise la casse de l’hôpital public au profit du privé : dans la plupart des hôpitaux de la région athénienne, 50 % des lits post-opératoires ne fonctionnent pas faute de personnel…
Mais ne nous y trompons pas : les ministres de la droite d’origine « classique » n’ont rien à envier aux ministres d’extrême droite. Que ce soit à l’Éducation, avec la police universitaire et les cadeaux à l’école privée, au Travail, avec une loi anti-syndicale et cassant la journée de huit heures pour offrir au patronat des heures sup gratuites, à la Culture avec une conception Disneyland des sites et musées ou des attaques contre les droits des artistes… Mais aussi une politique migratoire meurtrière et un ministre niant contre l’évidence que les réfugiéEs sont souvent repoussés vers le large. Miser sur le racisme a été et reste un axe prioritaire de Mitsotakis : sa campagne électorale a commencé devant le mur en construction entre la Grèce et la Turquie, pour bien donner le ton.
Le 28 février dernier, la tragique collision de deux trains grecs a provoqué la mort de 57 personnes. Depuis, des milliers de manifestants se réunissent dans les rues pour demander des comptes au gouvernement. En cause : les carences de l’État, les politiques d’austérité et le clientélisme…
Avec
Filippa Chatzistavrou Politologue, chercheuse au laboratoire ELIAMEP et professeure assistante à l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes Ecouter l’entretien sur France culture
Deux semaines après l’accident de chemin de fer qui a causé la mort de 57 personnes, la colère des Grecs ne faiblit pas. L’heure est à l’analyse de la « forêt de responsabilités » pour reprendre les mots de l’avocat du chef de gare, le principal mis en cause. D’autant que les élections législatives approchent.
Une privatisation rapide et un délitement des services publics grecs
En pleine crise économique, la Grèce met en place des politiques d’austérité en suivant les recommandations de l’Union européenne. En avril 2013, l’Etat grec transfère la propriété de la société nationale grecque TrainOSE à l’Hellenic Republic Asset Development Fund, le fonds public qui gère la privatisation des sociétés publiques grecques, et qui en devient donc l’unique actionnaire. En juillet 2013, elle lance un appel à candidatures internationales pour la privatisation de TrainOSE. La privatisation de TrainOSE est engagée en mars 2016 au groupe ferroviaire italien d’État Ferrovie dello Stato Italiane (FS).
C’est un montage irrationnel qui a été promu lors de la privatisation de la compagnie de chemins de fer. La partie commerciale du train est concédée à un prix inimaginable : 40 millions d’euros, donc concrètement rien. C’est davantage une concession plutôt qu’une véritable privatisation. D’autant plus que l’Etat grec doit continuer de payer Train Italia 50 millions d’euros par an jusqu’en 2037 pour que la société continue de moderniser les infrastructures, à la charge de l’Etat grec. D’un côté, il y a une incapacité de la classe politique grecque à défendre les intérêts nationaux et de l’autre, il y avait une importante pression de l’Union européenne pour libéraliser. La compagnie de chemins de fer a été concédée à une société publique italienne.
Crédit Photo ieidiseis – Légende : “Tu es bien arrivé ?” le cri de colère de la jeunesse face à une tragédie annoncée, ici écrit dans la cour d’un collège avec les sacs à dos
Mercredi 1er mars, le journal Efimerida ton Syntakton (Ef Syn) publiait un article sur un très grave incident intervenu en gare de Palaiopharsale, au sud de l’importante ville de Larissa, à 120 km de Thessalonique : un câble de 25 000 volts s’était détaché et pendait au-dessus d’un train transportant 450 voyageurEs, heureusement sans le toucher. Une nouvelle fois, la catastrophe avait été évitée. Mais au moment où cet article, écrit la veille, était lu le mercredi matin, la catastrophe redoutée depuis bien longtemps venait de se produire la veille au soir.
Dans la région de Tèmbi, au nord de Larissa : un train de 350 voyageurEs entrait à pleine vitesse en collision avec un train de marchandises, après que le premier avait été aiguillé par erreur sur la même voie que le second. Le bilan est terrible, après que les locomotives et les premiers wagons ont comme explosé sous le choc et ont pris feu : au moins 57 morts, parmi lesquels les 7 cheminotEs des deux trains. Depuis mercredi matin, une intense émotion et une immense colère montent en Grèce contre l’état d’abandon dans lequel les différents gouvernements des dix dernières années au moins ont réduit les chemins de fer en Grèce, provoquant malgré les nombreuses alertes la tragédie de Tèmbi.
Une catastrophe annoncée
On entend parler dans les médias français de la vétusté des chemins de fer en Grèce. S’en tenir à ce jugement est tout à fait insuffisant, et risque de masquer la gravité des responsabilités gouvernementales, le premier ministre Mitsotakis lui-même se contentant de déplorer une sorte d’impuissance fatale de l’État grec à moderniser le réseau. Pire : offrant d’un côté la démission de son ministre des Transports – un neveu de l’ancien dirigeant de la droite grecque Karamanlis nommé là juste pour « élargir » le spectre de la droite – Mitsotakis a décrété que l’accident provenait avant tout d’une erreur humaine, celle du chef de gare de Larissa en poste ce soir-là. Si celui-ci a reconnu qu’il n’avait pas pris conscience qu’il avait laissé rouler sur la même voie deux trains arrivant en sens inverse, cette nouvelle démonstration de Mitsotakis de se défausser de toute responsabilité quand tout va mal a fait réagir très fort les expertEs et a renforcé la colère populaire.
En effet, il suffit de lire la presse – pas celle aux ordres, malheureusement la plus nombreuse… – pour savoir que depuis l’été dernier il y a eu trois déraillements, sans oublier les annulations de trajets, les pannes de toutes sortes, le rachat de vieux trains dont la Suisse ne voulait plus… L’accident de Tèmbi met en lumière un aspect inimaginable : alors que la Grèce dispose du matériel pour installer direction du trafic à distance et signalisation lumineuse automatique – l’Union européenne a versé 700 millions depuis 2014 pour les chemins de fer grecs –, cet équipement indispensable est resté dans les cartons. Et sur la partie du réseau où s’est produit l’accident, l’UE avait ordonné sa mise en marche depuis 2020… Par conséquent, la coordination du trafic se fait oralement entre chefs de gare, de gare en gare. Pratique connue depuis longtemps mais qui exige, pour éviter les risques évidents, que deux conditions soient remplies. Premièrement, le chef de gare doit être en mesure de suivre le trafic. Or à Larissa jusqu’à récemment il y avait bien le soir deux agents à ce poste, on en a supprimé un. Seconde condition, le personnel doit être compétent. Or il semble que ce chef de gare de Larissa, en poste depuis un mois ou deux, n’ait pas eu toute la formation indispensable, et qu’il ait été nommé sur critères politiques par la Nouvelle Démocratie de Mitsotakis. Affirmation publique qui reste à prouver mais qui rendrait encore plus dérisoire l’accusation du Premier ministre contre le seul chef de gare. Cela n’aurait pourtant rien d’étonnant : la compétence n’est pas le critère de ce gouvernement, qui ne jure que par la communication. Là encore, exemple tragique, le président d’une association de conducteurs de trains a relevé que Mitsotakis, dans le cadre de sa campagne électorale, avait prévu jeudi un rassemblement festif pour saluer… la merveilleuse existence du centre de direction du trafic à distance de la Grèce du Nord ! L’initiative a bien sûr été décommandée, mais qu’aurait pu dire le Premier ministre sur un centre qui en réalité n’existe pas ? Ce qui existe en revanche, c’est la démission en 2022 du responsable national pour l’équipement en signalisations et commandes à distance, découragé de voir que rien n’avançait. Et c’est aussi cette adresse syndicale le 7 février dernier sur l’imminence d’un grave accident si aucune véritable amélioration n’était apportée immédiatement, et appelant à une mobilisation urgente avec AG locales. La réponse de la direction aux alertes syndicales a été une menace de procès ou de sanctions contre la « diffamation » que représentaient ces mises en garde contre une catastrophe à venir.
Un choix politique de fuite en avant exemplairement capitaliste
Tout cela s’inscrit dans un cadre que rappellent ces jours-ci expertEs et cheminotEs : le choix de sacrifier les chemins de fer aux intérêts du privé et au désengagement public. Giorgos Nathenas, ancien conseiller de OSE, la SNCF grecque… avant son démantèlement, revient sur quelques étapes (Ef Syn, 3 mars) : la casse de l’entreprise publique et de son expérience professionnelle, commence en 2010, avec le début de la crise et des mémorandums sous Giorgos Papandreou. Plus de 60 % des agentEs sont alors poussés à démissionner ou à occuper d’autres postes, souvent dans d’autres secteurs (le chef de gare de Larissa, qui était jusque-là affectés au tri des valises, a semble-t-il alors rejoint l’Éducation nationale…). Le massacre continue avec le tronçonnage de OSE en plusieurs entités, dont Hellenic Train, société privée en Grèce de la SNCF italienne, gérant les trains et l’entretien des voies. Plusieurs sociétés de construction privées ont leur part de gâteau, comme l’indiquent deux cheminots syndicalistes membres de Aristera Paremvasi (Intervention de Gauche) dans Prin (4 mars), le journal du groupe NAR. Résultat : OSE, qui a eu jusqu’à 13 000 agentEs, en a perdu à l’époque des milliers et aujourd’hui, le réseau fonctionne avec 750 travailleurEs au lieu des 2 100 prévus dans l’actuel plan-cadre ! Nathenas insiste sur les responsabilités de l’actuel gouvernement. La direction demandait récemment 300 recrutements sur des critères techniques précis. Le ministre démissionné Karamanlis avait fini par en accorder 70, et il comblait les manques par des transferts internes d’affectation ou par des travailleurEs externes sur des contrats de 6 mois.
On peut et on doit donc parler d’une véritable politique d’abandon des transports en commun ferroviaires, alors que la Grèce avait su développer un réseau jusqu’aux quatre coins du pays (hormis les îles bien sûr). Récemment, le projet d’une nouvelle ligne moderne pour le nord-ouest de la Grèce a été abandonné. La raison : la quasi-exclusivité donnée à la voiture – même si la Grèce n’a pas d’industrie automobile –, aux camions et aux autocars. Ces derniers sont regroupés dans un puissant groupe privé, les KTEL, qui permettent d’aller dans de très nombreux endroits. Bien sûr, cette politique s’est accompagnée d’un « tout autoroute » qui fait les choux gras des sociétés de construction et de péage. Le résultat bien attristant : aujourd’hui on peut aller à Thessalonique sur une autoroute moderne et pour un prix minimum (essence et péages) de 100 euros, alors qu’avec le train (et en particulier avec le dernier modèle mis en service, dit ultra-rapide mais très souvent en retard), c’est la dégradation des trajets qui est mise en avant par tout le monde.
Cette politique renvoie à deux logiques aussi inacceptables l’une que l’autre. Celle de l’UE qui aujourd’hui proteste contre l’absence de réalisation des projets qu’elle a financés, mais qui est à l’origine de la casse de l’entreprise publique et de sa privatisation, dont on voit aujourd’hui le tragique résultat. L’autre, c’est celle plus particulière du capitalisme grec et des gouvernements à son service ou qui n’ont jamais rien fait pour rompre avec lui, en maintenant le train qui peut assurer quelques profits aux copains et coquins – des questions se posent aussi sur ce qui a été fait des subventions européennes… –, mais en misant sur la source de profits qui continue à être la plus sûre et la plus avantageuse, celle liée aux bétonneurs et aux transports routiers. La préoccupation écologique n’existe pour le gouvernement Mitsotakis que lorsqu’il peut permettre à des sociétés privées de faire des profits en bâtissant partout des éoliennes géantes, malgré l’opposition des populations locales ! C’est évident, et c’est : en matière de transports, les transports en commun écologiques, économiques et sûrs restent à décider et à imposer par la population, les jeunes en particulier, qui ont payé le prix fort dans la tragédie de Tèmbi.
Une vague de colère s’est levée
En effet, dans le train accidenté se trouvaient de nombreux jeunes, de retour à Thessalonique après quelques jours de congé marquant fin février, le carnaval (le plus fréquenté a lieu à Patras) et le « Lundi pur », jour férié. Et si très vite, la colère s’est exprimée dans une grande partie de la population – bien des gens ont vécu les multiples incidents ferroviaires des dernières années, par rapport auxquels rien n’a été fait par l’administration –, la jeunesse a fait entendre un véritable cri de révolte : « Ce n’est pas une erreur, c’est un crime ». Colère faite d’une émotion ressentie par toutes et tous face à la cruauté des circonstances, à la douleur des familles : elle s’est exprimée dans les figures corporelles formées dans les rues ou les établissements scolaires par les jeunes pour écrire « Préviens-moi quand tu seras arrivéE », phrase voulue comme dérisoire, connue de tous les jeunes et par laquelle parents ou les proches leur demandent de les rassurer au retour d’une soirée mais aussi au terme de leur voyage, ce qui en dit long sur le sentiment de sécurité sur les routes et sur les rails… Colère aussi car les jeunes ont parfaitement compris la raison de fond de cet accident. Le mot d’ordre « Nos morts, leurs profits » n’était pas écrit ou scandé par les seules organisations syndicales (comme l’UL du Pirée) ou politiques, mais repris par de très nombreux jeunes lycéenEs ou collégienEs.
Dès mercredi soir, de premières manifestations ont eu lieu à l’appel de la gauche radicale et anticapitaliste, avec à Athènes de premières violences policières. Idem le jeudi, avec une participation syndicale plus fournie, et à Athènes, la transformation d’un rassemblement prévu par les artistes en lutte en une manifestation de colère en direction de la gare d’Athènes. Et vendredi, on a vu dans tout le pays des rassemblements et des manifs de la jeunesse scolarisée, pendant que des occupations d’établissements ont débuté. Visiblement, Mitostakis semble – à raison – craindre une véritable révolte de la jeunesse, et la bourgeoisie grecque vit depuis 2008 dans la crainte que se reproduise un tel mouvement qui l’avait assez sérieusement déstabilisée. Alors, hier soir, pendant un rassemblement silencieux en hommage aux victimes, avec des milliers de participantEs, la police a encore chargé : preuve si nécessaire que ce gouvernement d’une part n’a rien à offrir aux jeunes que la répression et la régression des droits, mais aussi qu’il sait à quel point ses quatre ans de gouvernement ont été une agression permanente contre les jeunes, avec la police dans les facs, la réaction intégriste de la ministre de l’Éducation, la chasse aux réfugiéEs et de manière générale le racisme et la politique anti-jeunes. Dans ces conditions, la tragédie de Tèmbi est largement ressentie, avec le grand nombre de jeunes victimes, comme une preuve terrible du mépris de ce gouvernement et plus généralement de ce système économique pour la jeunesse. Les jours qui viennent montreront si la mobilisation s’intensifie, de nouveaux rendez-vous sont donnés, et de son côté, le syndicat cheminot a prolongé de 48 heures la grève qu’il a lancée jeudi et vendredi. Et dimanche de nouvelles manifestations sont prévues, notamment à l’appel des cheminotEs.
Grèce : après la perte de leur logement, des réfugiés retournent vivre dans des camps
En Grèce, la fin d’un programme d’aide oblige de nombreux demandeurs d’asile à quitter leurs appartements pour retourner dans des camps de réfugiés. Athènes défend les conditions de vie dans ces camps. Les ONG restent sceptiques.
Rana est âgée de 20 ans et vit dans un camp de réfugiés en Grèce métropolitaine. Elle ne veut pas donner son vrai nom, ni sa localisation exacte, car elle craint que ces informations pourraient avoir des conséquences négatives sur sa demande d’asile.
Rana et sa famille ont fui l’Afghanistan en 2018 et sont arrivés en Grèce par la Turquie. Son père souffre d’une maladie cardiaque et son frère d’épilepsie. Ils sont considérés comme particulièrement vulnérables. La famille avait ainsi pu accéder à un appartement dans le cadre du programme d’aide d’urgence à l’intégration et au logement ESTIA.
Ce programme, financé par l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Union européenne (UE), a été mis en place en 2015 pour financer des logements pour les demandeurs d’asile les plus vulnérables. L’objectif affiché était de faciliter leur intégration dans la société.
En décembre dernier, le gouvernement grec a toutefois commencé à mettre fin progressivement au programme ESTIA. Rana et sa famille ont par conséquent dû retourner dans un camp de réfugiés.
« J’avais l’habitude d’aller à l’école en Grèce avec ma sœur », explique-t-elle, en sanglots. « Quand nous sommes arrivés dans le camp, on nous a dit qu’il n’y avait pas de place pour nous à l’école ». Rana s’est vue proposer une place dans une école dans une ville voisine, mais l’établissement est bien trop éloigné du camp pour pouvoir s’y rendre tous les jours.
La famille avait pourtant commencé à se construire une nouvelle vie en ville. « Lorsque nous sommes arrivés au camp, notre conteneur était complètement vide. Il n’y avait même pas de matelas », se souvient Rana. La famille a dormi sur le sol pendant deux jours, avant de retourner dans leur ancien appartement y pour récupérer des matelas.
C’était il y a deux mois. Depuis, leurs noms ne figurent même plus sur la liste des personnes ayant droit à des repas gratuits. « Ils nous donnent ce qui reste quand tout le monde dans le camp a reçu sa ration », raconte Rana. La famille pu entre-temps se procurer une cuisinière pour se faire à manger.
Changement de situation en Afghanistan
La demande d’asile de la famille a déjà été rejetée à deux reprises avant que les talibans ne reprennent le pouvoir à Kaboul en août 2021. L’Afghanistan n’est plus considéré comme un pays sûr par de nombreux Etats, leur demande de protection est actuellement réexaminée. Mais Rana craint d’être expulsée vers la Turquie, le pays par lequel elle est arrivée en Grèce. En effet, l’Union européenne et Athènes considèrent toutes deux la Turquie comme un pays tiers sûr.
Pression psychologique
L’incertitude et l’attente constituent un poids psychologique énorme pour les migrants. Le programme ESTIA ambitionnait de créer des conditions de vie dignes pour atténuer ces souffrances. Quelque 20 000 places de logements étaient prévues.
Au moment d’annoncer la fin programmée de l’ESTIA, il y a un an, le ministère grec des Migrations affirmait que 12 648 personnes se trouvaient dans des appartements financés par le programme mais que que, depuis, nombre d’entre elles auraient reçu un réponse à leur demande d’asile.
En réponse à une enquête de Deutsche Welle, le ministère a assuré qu’au final, moins de 500 personnes ont dû quitter leurs appartements.
Les experts estiment toutefois que l’isolement est utilisé comme moyen de dissuasion. Pour l’avocate Christina Svana, la fin d’ESTIA est une erreur puisque de nombreux demandeurs d’asile sont toujours dans le besoin. Elle travaille pour FENIX, une ONG qui fournit notamment des conseils juridiques aux réfugiés.
Christina Svana a été inondée d’appels de migrants désespérés : « Nous avons vu à quel point la mise en œuvre de cette décision (la fin du programme ESTIA) a été difficile. Dans de nombreux cas, les gens n’ont été prévenus qu’un ou deux jours avant de devoir partir. »
Pour Christina Svana, la fin d’ESTIA s’inscrit dans la politique du gouvernement grec visant à dissuader les demandeurs d’asile : « Depuis que le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir en 2019, nous avons assisté à un déclin spectaculaire des avantages ou des droits accordés aux réfugiés. Des centres fermés ont été érigés sur les îles et des camps entourés de murs et sous surveillance permanente ont été construits sur le continent. » Selon l’avocate, l’État grec est déterminé à maintenir les réfugiés à l’écart du reste de la société.
Une décision politique ?
Ines Avelas, responsable du plaidoyer et de la stratégie à FENIX, dénonce des motivations politiques.
Elle explique que l’ONG a reçu la confirmation par Bruxelles que les autorités grecques ont décidé de mettre fin au programme en raison de la « baisse significative des arrivées et de l’utilisation réduite de la capacité des centres d’accueil ». Pourtant, le financement du Fonds européen pour l’asile, la migration et l’intégration (AMIF) est garanti à la Grèce jusqu’en 2027.
« La fin du programme était une décision du gouvernement grec et il n’y avait aucune raison budgétaire à cela », conclut Ines Avelas.
Le gouvernement grec rejette cette affirmation. Au-delà du fonds AMIF, « aucun autre moyen n’a été mis à disposition », explique le ministère grec de Migration.
De son côté, la Commission européenne note que « en fin de compte, c’est à la Grèce de choisir l’accueil qu’elle offre et comment comment elle utilise les fonds mis à sa disposition dans le cadre des obligations de la base juridique des directives et règlements de l’UE. »
Seuls les demandeurs d’asile sont concernés
Athènes assure que les personnes concernées ont reçu une alternative dans des logements « pleinement conformes aux exigences juridiques internationales et européennes » et que ces infrastructures offrent aux résidents « la sécurité, la nourriture et des conditions de vie appropriées. »
Le ministère grec de la Migration tient également à préciser que « la plupart des demandeurs d’asile ont été informés du résultat de leur demande avant la fin du programme. En cas de résultat négatif, ces personnes ont été expulsées. En cas de résultat positif, elles se sont vues proposer un logement et une aide financière dans le cadre du programme d’intégration HELIOS. »
HELIOS est un programme destiné aux personnes ayant déjà obtenu l’asile en Grèce. Il est également financé par l’UE. Lefteris Papagiannakis, du Conseil grec pour les réfugiés, souligne que le programme offre une aide d’un an à ceux qui cherchent un emploi et un logement. « Le problème, c’est qu’il faut disposer d’un logement pour pouvoir bénéficier du programme », note-il, ajoutant que les choses se compliquent lorsque l’aide prend fin au bout d’un an.
De nombreuses personnes ayant obtenu l’asile se sont ainsi retrouvées à la rue ou ont dû retourner dans les camps de réfugiés. Pour Lefteris Papagiannakis, la Grèce ne prend pas l’intégration au sérieux : « Ce gouvernement est hostile aux réfugiés et aux migrants ».
Ellan Passe dénonce des enchères pour des milliers de Roms : « Nous défendrons la protection du premier foyer de chaque concitoyen »
« Environ neuf mille familles roms ne sont pas en mesure d’honorer les prêts au logement qu’elles ont reçus à des conditions favorables au début des années 2000 et font face à des saisies », déplore la fédération rom « Hellen Passe ».
Plus précisément, il indique :
« La menace des ventes aux enchères de la première maison, que vivent des milliers de nos concitoyens après la décision de la Cour suprême en faveur des fonds, est malheureusement pour la communauté rom grecque une situation bien connue et intemporelle. Entre 2003 et 2006, des milliers de familles roms vivant dans des camps ont reçu des prêts au logement pouvant atteindre 60 000 euros, qu’elles ont reçus avec la garantie de l’État grec à 100 % du montant afin d’acheter leur première maison.
En réalité, il ne s’agissait pas d’hypothèques mais d’une politique du logement pour un groupe social vulnérable.
La crise économique, la propagation de la pandémie puis la crise de l’énergie ont porté un grand coup de marginalisation, de montée des attitudes racistes et de pauvreté économique au sein de la communauté rom : neuf mille familles roms sont dans l’impossibilité d’honorer les prêts au logement qu’elles ont reçus à des conditions favorables en début des années 2000 et font face à des confiscations, craignant leur retour dans les camps et perpétuant l’extrême marginalisation d’un groupe social vulnérable multiple.
Les Roms sont victimes de discrimination et d’exclusion tant dans notre pays que dans le reste de l’Europe : selon les données de la Commission européenne, quatre Roms sur cinq vivent dans la pauvreté. Seuls 2 % fréquentent l’enseignement technique et supérieur, tandis que moins de la moitié des Européens (39 %) se disent à l’aise avec le fait que leurs enfants aient des camarades de classe roms. Dans la recherche de l’Organisation des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), il est indiqué que 11% des Roms en Grèce n’ont pas accès à l’électricité et 9% à l’eau potable. Certains sont invisibles pour l’État, sans certificat de naissance ni même de carte d’identité de la police.
Pour notre part, nous soumettons depuis des mois une proposition de règlement des prêts en question avec des conditions favorables qui répondent à la réalité de la communauté, tant au Secrétariat chargé des questions roms qu’à tous les partis du Parlement grec .
Cependant, notre lutte et nos revendications ne s’arrêtent pas là, mais se renforcent. C’est maintenant le moment où nous devons lutter tous ensemble et défendre la protection de la première habitation de chacun de nos concitoyens, qui est actuellement menacée par des enchères inhumaines et qui risque de se retrouver à la rue. »
★ Une nouvelle grève des marins et des personnels à quai bloque la totalité des liaisons maritimes intérieures et extérieures du pays durant deux jours !
★ Beaucoup de lieux culturels et théâtres fermés, notamment par les intermittents en lutte !
★ Révélations sur les liens étroits entre la mafia grecque et la police !
★ Solidarité entre les peuples, de nombreux sauveteurs grecs ont demandé à partir aider en Turquie.
★ Nouveau message de soutien pour le mouvement social en France contre la réforme des retraites.
★ Encore une femme et trois enfants morts d’hypothermie après la traversée d’une embarcation de migrants vers les îles grecques par grand froid.
★ Athènes sous la neige, routes bloquées, écoles fermées, la Grèce grelote et les nombreux sans-abris (trois fois plus en quelques années) affluent vers les centres sociaux autogérés du mouvement social grec.
Et pour finir, nous avons besoin de vous et de votre bouche-à-oreille :
★ Une douzaine de nouveaux points collecte viennent d’être créés en France, Suisse et Belgique (Bayonne, Paris, Dunkerque, Flandres belges, Bruxelles, Genève, Centre Valais, Lons-le-Saunier, Le Puy, Aubenas, Avignon…) et se rajoutent à la liste déjà longue des endroits où vous pouvez déposer vos dons qui vont partir à destination du mouvement social grec en lutte et des initiatives solidaires avec les précaires grecs et migrants (carte et annuaire mis à jour).
★ Nous connaissons maintenant les premiers retours concernant la collecte : certaines choses manquent cruellement, d’autres moins. Un nouveau point sur les besoins s’impose.
★ Vous trouverez aussi tous les détails sur les prochains rendez-vous festifs régionaux avec le convoi solidaire, le 20/02 à Mâcon, le 27/02 à Martigues et le 5/03 dans le Tarn. Venez nous retrouver !
LA GRÈCE BLOQUÉE DURANT DEUX JOURS !
Les marins et personnels à quai ont lancé un mouvement de grève et de blocage extrêmement suivi depuis mercredi matin jusqu’à ce matin. Durant deux jours, aucun bateau n’a circulé sur les lignes intérieures et extérieures du pays. Pas de ferry entre le Pirée et la Crète, ni avec les autres îles, ni entre la Grèce et l’Italie. Tous les ports grecs à l’arrêt !
Les grévistes demandent la fin du gel des salaires et des indemnités chômage alors que l’inflation ne cesse de grimper (ils demandent un minimum chômage de 650 euros), ainsi qu’une meilleure couverture sociale pour les nombreux intérimaires et chômeurs qui s’enfoncent actuellement dans la précarité, sur fond de nouvelle crise sociale.
Mais le gouvernement et les armateurs ne veulent rien entendre et refusent toute négociation.
La grève va donc se répéter et s’intensifier dans les prochains jours, avec de nouveaux blocages et une probable pénurie de certaines denrées comme par le passé, lors de précédents rapports de force.
GRÈVES ÉGALEMENT DANS LA CULTURE ET DANS LA SANTÉ !
C’est un peu la même chose dans la culture, notamment pour les intermittents du spectacle dont les conditions de vie deviennent déplorables. Beaucoup de lieux culturels, en particulier les théâtres, ont fermé à plusieurs reprises cette semaine en signe de protestation.
Du côté de la santé, de nouvelles mobilisations se préparent et les dentistes sont déjà en grève aujourd’hui. Le système de santé s’est énormément dégradé ces dernières années, à commencer par les hôpitaux qui sont sous équipés et avec beaucoup trop peu de personnel.
Le ras-le-bol est perceptible, la situation est tendue et un nouveau blocage des marins pourrait conduire à des mobilisations simultanées dans tout le pays.
RÉVÉLATIONS SUR LES LIENS ÉTROITS
ENTRE LA MAFIA GRECQUE ET LA POLICE !
La police grecque ne cesse d’être éclaboussée par des scandales à rebondissements qui confirment ce que nous savions déjà : des liens étroits existent entre elle et la mafia grecque.
Nous avons déjà évoqué par le passé les manigances de la police, par exemple autour d’Exarcheia, notamment avec la pègre et la vente de nouvelles drogues particulièrement dévastatrices pour la jeunesse du quartier. Ce problème n’est pas nouveau, depuis les années 80, certaines affiches d’Exarcheia titrent : « C’est la police qui vend l’héroïne ».
Mais ces jours-ci, le problème est repris par une grande partie de la presse grecque, suite à de nombreux témoignages. Ce dimanche, c’est carrément l’hebdomadaire To Vima qui vient de révéler « des conversations brûlantes entre des responsables du ministère de la Protection civile (ministère de l’Intérieur) et des truands ou des parrains de la nuit ». Certaines de ces retranscriptions viennent de dialogues découverts sur les applications de chat (Whats App et Viber) du téléphone portable d’un chef de gang exécuté.
Parmi les responsables et bénéficiaires de cette collaboration avec la mafia, au moins deux ministres de Mitsotakis et 25 officiers de police sont mêlés de près à cette affaire, dont plusieurs membres du EYP, le service national de renseignement !
GRÈCE-TURQUIE : SOLIDARITÉ ENTRE LES PEUPLES !
Le séisme meurtrier en Turquie a ravivé l’esprit de solidarité par-delà les frontières. Beaucoup de Grecs refusent la logique belliqueuse des dirigeants et des militaires des deux camps, et saisissent cette triste occasion pour rappeler leur sentiment d’adelphité (fraternité) et leur volonté d’entraide.
Bien qu’à nouveau la crise frappe de plus en plus en Grèce, la mobilisation populaire a déjà commencé à transmettre de l’aide au peuple voisin en détresse. La Grèce étant un pays habitué aux séismes, de nombreux sauveteurs grecs ont rejoint les recherches dans les décombres en Turquie, dont plusieurs personnes que nous connaissons.
Dans le même temps, le dictateur Erdogan a fait arrêter une dizaine de personnes qui s’était permise de critiquer le dispositif turc. Une fois de plus, nous le vérifions : notre ennemi commun, c’est le pouvoir, et non pas les peuples voisins.
Nouvelle banderole ces jours-ci devant l’ambassade de France à Athènes : « Solidarité avec la classe laborieuse de France, tous ensemble dans les luttes pour le travail, la protection sociale et la dignité«
NOUVEAU MESSAGE DE SOUTIEN POUR LE MOUVEMENT SOCIAL
EN FRANCE CONTRE LA RÉFORME DES RETRAITES
Ici, pas un jour ne passe sans qu’on nous contacte pour en savoir plus sur la situation actuelle en France et pour nous demander de transmettre un message de soutien de la part des compagnons et camarades grecs en lutte. Les yeux sont braqués vers l’hexagone avec cette idée partagée : si ça bouge en France, ça va nous aider à mobiliser aussi en Grèce. Ou encore : il faudrait que ça bouge partout en même temps, qu’une concertation à l’échelle européenne aboutisse à des jours de mobilisation simultanés. Beaucoup pensent ici qu’une telle internationalisation de la lutte inquiéterait réellement les dirigeants politiques et économiques.
À quand une première journée de mobilisation simultanée dans plusieurs pays dont la France et la Grèce ?
UNE FEMME ET TROIS ENFANTS MORTS DE FROID
On ne compte plus les personnes qui meurent de froid en Grèce ces jours-ci, notamment parmi les sans-abris à Athènes et dans les villes du Nord, sans oublier les migrants qui tentent de rejoindre les îles de la mer Égée. Parmi ces derniers, une femme et trois enfants viennent de mourir d’hypothermie, peu après la traversée de leur embarcation dans un vent glacial. Les secours n’ont pas réussi à les réanimer.