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Archives de catégorie Austérité-Neolibéralisme

Les annonces d’E Macron : pas de justice sociale mais des reculs sociaux

Plutôt que de répondre à la demande de justice fiscale, Macron propose de nouveaux reculs sociaux  par Attac France

Depuis des mois s’expriment une aspiration à plus de justice sociale et fiscale, le désir d’une action déterminée des pouvoirs publics en matière de transition écologique et l’exigence de services publics de proximité adaptés aux besoins des populations. Après un « Grand débat » largement instrumentalisé, Emmanuel Macron fait comme s’il pouvait reprendre tranquillement le « cours normal » de sa politique, profondément néolibérale sur le plan économique, injuste sur le plan social et inefficace sur le plan écologique. A quoi bon avoir fait débattre des dizaines de milliers de personnes si c’est pour annoncer des mesures éloignées des aspirations du plus grand nombre ?

L’injustice fiscale n’est pas remise en cause

Alors qu’Emmanuel Macron reconnaît que ce qu’il a le plus entendu pendant les débats est « l’injustice sociale, l’injustice territoriale, l’injustice fiscale », il n’en tire pas les conséquences et n’annonce aucune remise en cause des cadeaux fiscaux faits aux plus riches. Emmanuel Macron indique clairement vouloir poursuivre « les fondamentaux de ces deux premières années », qu’il estime « justes ». Pourtant, les mesures prises depuis 2017 (notamment la suppression de l’ISF et l’instauration de la flat tax) ont surtout profité aux plus fortunés : elles vont entraîner une hausse de 6,4% du pouvoir d’achat des 1% les plus riches cette année quand les 0,1% les plus riches vont voir leurs revenus augmenter de 17,5%. « En même temps », le revenu disponible des 9% de français·es les plus pauvres baisse du fait de ces mesures [1]. Mais Emmanuel Macron n’annonce aucune décision structurante pour revenir sur cette injustice fiscale criante !

De plus, Emmanuel Macron n’annonce aucune mesure de lutte contre l’évasion fiscale, se contenant d’annoncer confier une mission à la Cour des Comptes pour évaluer les sommes qui échappent à l’impôt ! Cela ressemble à une nouvelle diversion pour éviter de prendre des mesures concrètes, alors qu’une étude récente a estimé à 118 milliards d’euros le « coût » annuel de l’évasion fiscale en France. « Si nous pouvons aller plus loin, nous le ferons » : voici une promesse bien vague.

Dans un souci de justice fiscale, il aurait été préférable d’augmenter la progressivité de l’impôt sur le revenu (en créant de nouvelles tranches pour les hauts revenus), de réduire la TVA sur les produits de première nécessité (ce qui aurait profité prioritairement aux ménages modestes), d’engager une réelle lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, ou encore de rétablir l’ISF comme le réclament plus de 77% des français [2].

Les services publics sacrifiés

Le Grand débat a clairement mis en avant une exigence de « plus de services publics et de meilleure qualité ». Emmanuel Macron prétend y répondre en annonçant un « moratoire » sur les fermetures d’écoles et d’hôpitaux d’ici la fin du quinquennat, tout en souhaitant « plus de fonctionnaires sur le terrain ». Mais, en même temps, Emmanuel Macron n’a pas annoncé remettre en cause son projet de diminuer de 60 milliards d’euros par an les dépenses publiques d’ici 2022. Très concrètement cela va se traduire par la poursuite de la dégradation de la qualité des services publics, avec plus d’élèves par classe et plus de malades à la charge d’un personnel soignant déjà au bord de la rupture. Qui peut croire qu’on aura des services publics de meilleure qualité demain avec moins de personnels ?
pour justifier cette contradiction entre baisse des dépenses publiques et amélioration des services publics il reprend la vieille rhétorique sarkorziste : faire mieux avec moins, réorganiser les administrations, simplifier, supprimer les « doublons »…

Travailler plus sans gagner plus

L’axe central des annonces d’Emmanuel Macron s’est porté sur la nécessité de « faire payer le travail » en avançant une arnaque évidente, celle de travailler plus sans gagner plus. Après la loi El Khomri sous Hollande et les ordonnances Pénicaud sous Emmanuel Macron, qui ont réduit les droits des travailleurs et affaibli un peu plus les syndicats face au patronat, le président s’apprête à donner une attaque supplémentaire à la condition salariale. Non content d’instaurer vraisemblablement un système de retraite par points qui diminuera le montant des pensions individuelles, accroîtra les inégalités, surtout celles dont sont victimes les femmes, il cherche un moyen d’augmenter la durée du travail.

Plusieurs membres du gouvernement ont lancé des ballons-sondes pour tester l’opinion. Certains parlent ouvertement de retarder l’âge légal de la retraite fixé, depuis la réforme de Hollande, à 62 ans. Emmanuel Macron rejette cette idée parce qu’elle n’est pas dans son programme présidentiel et qualifie d’hypocrites ceux qui veulent reporter l’age de la retraite tant que le chômage n’a pas diminué. « En même temps » il avoue que sa réforme des retraites aboutira au même résultat car avec son système par points on sera fortement incité à travailler plus longtemps (l’age de 64 ans a été cité) à cause d’une décote dissuasive. Ce sera la décote pour ceux et celles qui sont sans emploi, ont un travail pénible, des problèmes de santé et la surcote pour les personnes ayant un travail moins difficile et plus rémunéré. L’injustice d’un système prétendument juste !

On comprend l’inflexibilité du président Emmanuel Macron : il a tellement gratifié les riches et les entreprises de cadeaux fiscaux qu’il est contraint à pressurer un peu plus les travailleurs. Et comment faire quand les salaires sont quasiment bloqués, que la CSG augmente et que les tensions sur les prix menacent ? Il ne reste que la solution de l’accroissement de la durée du travail des salariés. Or, la France a six millions de chômeurs. Augmenter la durée du travail ne pourra qu’aggraver cette situation. Dans un contexte où la productivité du travail augmente plus vite que la croissance, seule la réduction du temps de travail permettrait de gagner sur plusieurs tableaux : réduire le chômage et les inégalités, alléger la souffrance au travail, et donner un autre sens au progrès que la course consumériste. Un vrai progrès social serait d’avoir le temps de s’occuper de ses enfants, de ses parents, avoir une vie amicale, associative, amoureuse… tout en évitant les burn out qui se multiplient ! Il est vrai que la condition sine qua non est de stopper net le ruissellement de la richesse du bas vers le haut.

Une autre proposition sur la table consiste à supprimer un jour férié dans un contexte où les conditions de travail se dégradent. Il est aisé de comprendre que cette logique, à l’image des heures supplémentaires sans cotisation, contribue au non-partage du travail et réduit ainsi les besoins d’embauches. Supprimer un jour férié rapporterait 3 milliards, soit autant que le manque à gagner lié à la transformation de l’ISF en IFI : plutôt que nous faire travailler gratuitement, ne serait-il pas plus efficace et plus juste de rétablir l’ISF ?

Enfin, la réindexation des petites retraites sur l’inflation est une bonne nouvelle pour les plus démunis mais n’est en rien un progrès social : Emmanuel Macron ne fait que revenir sur une mesure qu’il avait prise en début de quinquennat. Les retraites de plus de 2000 euros seront à nouveau indexées sur le les prix à partir de 2021, mais les retraités demandent une indexation sur les salaires pour que leur niveau de vie ne diminue pas relativement à celui des actifs.

Climat : l’urgence d’attendre et de ne pas transformer les politiques économiques

Face à la gravité de la crise écologique, c’est une grande transformation à la fois matérielle et sociétale qu’il faudrait mettre en œuvre : transformer les soubassements énergétiques et matériels de l’économie pour justement permettre à chacun de transformer ses propres comportements. Confirmant l’orientation profondément néolibérale et productiviste des orientations économiques, Emmanuel Macron repousse à plus tard toutes les mesures structurelles pour juguler cette grave crise écologique : nulle remise en cause de la primauté donnée à la compétitivité des entreprises et aux pouvoirs acquis des entreprises multinationales. Au questionnaire biaisé et orienté du grand débat en matière de transition écologique succède donc le refus de l’exécutif d’assumer la charge de la transformation sociale et écologique. L’annonce d’un conseil de défense écologique – dont il rester à déterminer s’il fera effectivement primer l’urgence écologique en toute matière – ne saurait masquer la vacuité du logiciel d’Emmanuel Macron sur le sujet : préférant se défausser sur chacun.e d’entre nous, et désormais sur les résultats d’une prochaine assemblée citoyenne, Emmanuel Macron écarte toute transformation structurelle de l’économie française. Pourtant, les modes de vie sont très largement déterminés par le cadre général des infrastructures et des orientations économiques des pouvoirs publics : quand on fait primer la compétitivité externe de l’économie française et la baisse du coût du travail sur tout le reste, il ne peut y avoir de politique écologique à la hauteur des défis écologiques auxquels nous faisons face.

La réforme de l’ENA, une mesure cosmétique face à l’immense problème des inégalités scolaires

L’annonce de la réforme de l’ENA relève d’une mesure démagogique qui ne change rien à deux problèmes de fond. D’une part, il ne prend pas en compte le problème plus général du pantouflage, c’est-à-dire le passage d’un haut fonctionnaire du public vers le privé, et des conflits d’intérêts potentiels qui gangrènent le corps des énarques. D’ailleurs parmi les conseillers proches d’Emmanuel Macron, certains ont allègrement pratiqué ce pantouflage. Emmanuel Macron ferait mieux d’annoncer un encadrement drastique du pantouflage plutôt que d’annoncer la suppression de l’ENA.

D’autre part, la France fait face à un problème global de reproduction sociale dans l’éducation. Notre système scolaire fait partie des plus inégalitaires parmi les pays riches. Le nombre d’élèves en grande difficulté a augmenté, les inégalités scolaires se sont aggravées et Emmanuel Macron ne prend strictement aucune mesure pour s’attaquer à ces inégalités. Au contraire, le projet de loi Blanquer, contre lequel se soulèvent les parents d’élèves et leurs associations, risque encore d’aggraver cette situation. Dans un contexte de ras-le-bol général face au manque de moyens pour une éducation juste et de qualité, ce projet de loi constitue une menace sur la fonction cruciale des directeurs d’école et fait porter une charge budgétaire supplémentaire sur les communes qui seront obligés de financer la scolarité des enfants des maternelles privées. Cet argent en plus pour les écoles privées, c’est autant de moyens en moins pour les écoles publiques. Quant à la réforme du lycée, la promotion d’un « lycée à la carte » ne masque pas que l’objectif prioritaire de la réforme est de faire des économies en diminuant les heures d’enseignement.

Un « nouvel acte de décentralisation »… sans remise en cause de la fragilisation des collectivités territoriales

Plusieurs décisions importantes d’Emmanuel Macron ont fragilisé les collectivités depuis 2 ans et opéré une recentralisation du pouvoir aux mains de l’État : suppression d’une rentrée fiscale très importante des communes, la taxe d’habitation, avec une compensation budgétaire aléatoire de la part de l’État ; suppression de nombreux emplois aidés, essentiels pour ces collectivités et leurs services publics ; obligation faite aux plus grandes collectivités territoriales de rendre des comptes sur leurs dépenses ; forte baisse des dépenses locales exigées par le gouvernement d’ici 2022, etc. Emmanuel Macron annonce un « nouvel acte de décentralisation »… Or, aucune de ces décisions antérieures n’est remise en cause.

Les mobilisations pour la justice sociale, fiscale et climatique doivent s’amplifier

Ces annonces ne peuvent résoudre la grave crise sociale, écologique et démocratique actuelle, pas plus qu’elles ne répondent aux revendications et demandes exprimées par les Gilets Jaunes, le mouvement pour la justice climatique, ou dans le cadre du Grand débat. En clair, elles ne répondent ni aux urgences de fins de mois, ni aux urgences de fin du monde.

Attac appelle à renforcer les mobilisations pour la justice sociale, fiscale et climatique. Nous appelons à participer aux mobilisations :

  • les 27 avril et le 1er mai aux côtés des syndicats et des gilets jaunes pour défendre le progrès social ;
  • contre le G7 environnement à Metz les 4 et 5 mai pour défendre la justice sociale et climatique ;
  • dans le cadre de la prochaine « grève mondiale pour le climat » le 24 mai ;
  • du 20 au 25 août, à la veille du G7 à Biarritz, pour une mobilisation d’ampleur pour dénoncer les ravages d’un système global qui accroit les inégalités, détruit la planète, et renforce l’injustice sociale et fiscale.

Le coût de la dette française diminue : est-ce vraiment une bonne nouvelle ?

19 avril par Anouk Renaud CADTM Belgique

Depuis 2011, le coût [1] de la dette française ne fait que diminuer. Cette réduction est le résultat de la baisse des taux d’intérêt auxquels emprunte la France. À l’heure actuelle, ces taux s’avèrent même négatifs pour certaines obligations de moins de 5 ans. Si bien qu’on estime que l’État français paie plus ou moins en moyenne 2% d’intérêts annuellement (1,7% en 2018) et que la tendance devrait continuer à la baisse, selon la Banque de France.

Source : Libération, Banque de France.
Intérêt de la dette publique française sur le PIB, en %
Source : Alternatives Économiques, Ameco.

Une bonne nouvelle donc pour de nombreux analystes, soulagés de constater que la dette publique française ne serait ainsi plus un problème voire même une aubaine [2].

1) 2% du PIB d’intérêts, c’est déjà trop

À y regarder de plus près 2% du PIB d’intérêts payés, c’est tout de même la modique somme d’environ 40 milliards d’euros qui vont chaque année dans les poches des créanciers. Une somme d’argent qui pourrait être investie ailleurs en améliorant par exemple l’état des services publics déliquescents, comme l’éducation, la santé, la culture…

Ceci étant dit, au-delà de leurs montants c’est surtout le mécanisme même de transfert de richesses que les intérêts génèrent qui est problématique. En effet, lorsqu’un État paie les intérêts de sa dette, il utilise l’argent du contribuable pour rémunérer les détenteurs de capitaux, qui lui en ont prêté et qui s’enrichissent grâce à celle-ci.

D’autant que si l’État français est amené à s’endetter ces dernières années (ou plutôt décennies), c’est en grande partie pour combler une baisse d’imposition des plus aisés (particuliers comme entreprises), comme l’a rappelé en juillet 2016 le rapport d’une mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion et la transparence de la dette publique menée dans le cadre de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale [3]. Selon son rapport, l’État français a renoncé à 83 milliards d’euros de recettes fiscales en 2016 soit « plus que le déficit budgétaire à financer et près du double de la charge de la dette [4] ». En somme, avec nos impôts et via le remboursement de la dette publique, nous contribuons à enrichir les actionnaires d’entreprises financières, qui eux échappent à l’impôt, légalement ou illégalement à travers des paradis fiscaux, contraignant l’État à s’endetter toujours plus.

2) La charge d’une dette, c’est les intérêts plus le capital à rembourser

La plupart des analyses concernant la charge de la dette publique française se limite à considérer uniquement le coût des intérêts. Or, pour avoir une vision plus exhaustive de combien nous coûte cette dette, il est utile de prendre également en compte le remboursement du capital. Cette non prise en compte est justifiée par le fait que l’État fait « rouler sa dette ». Autrement dit, qu’il rembourse le capital venant à échéance en contractant de nouveaux emprunts. L’État rembourse aux créanciers des sommes colossales en leur réempruntant les mêmes sommes avec en sus des intérêts à payer. Et ainsi de suite. Faire comme si ce mécanisme était insignifiant est problématique. Aujourd’hui plus de 65 % des emprunts publics sont utilisés pour rembourser le capital et payer les intérêts [5]. Une dette qui ne semble plus donc servir qu’à elle-même et à en enrichir certain•e•s.

3) On ne sait pas à qui on rembourse la dette

Derrière la question du coût de la dette publique, se cache (sic) celle de l’identité des créanciers. Qu’ils soient élevés ou non, nous ne savons toujours pas à qui nous payons chaque année les intérêts de la dette. Outre la difficulté technique d’identifier les créanciers du pays dans un contexte de marchés très volatiles, le principal obstacle demeure juridique et donc politique. En effet, l’ordonnance n°2014-863 du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés exclut les obligations d’État de la possibilité de connaître à tout moment l’identité des détenteurs des obligations, et ce en raison d’une volonté de maintenir le caractère concurrentiel du marché de la dette française [6].

Et le rapport de la Commission des finances de l’Assemblée nationale d’en conclure : « la charge de la dette est payée par les impôts, il est légitime que les Français et leurs représentants sachent à qui sont versés chaque année plus de 40 milliards d’euros » [7].

4) La baisse des taux ne doit pas cacher la dépendance structurelle des États aux marchés

Cette baisse des taux demeure conjoncturelle et ne va pas durer éternellement. Tôt ou tard, notamment quand la BCE mettra fin à sa politique de quantitative easing, les taux repartiront à la hausse. Et ne serait-ce qu’1% d’intérêt en plus, le surplus se chiffrera tout de suite en milliards supplémentaires à payer par le contribuable. Cette incertitude et la crainte d’une charge qui augmente de nouveau traduisent en réalité la dépendance structurelle des États aux marchés financiers pour ce qui est (entre autres) de leur financement. Une dépendance bien entendu organisée au fil des décisions politiques prises à la fois aux niveaux européen et national [8]. Dit autrement, se réjouir d’une embellie quant à la baisse des taux revient à omettre que ce sont les marchés qui font la pluie et le beau temps. Un pouvoir colossal, qui place les États dans une dépendance à la fois financière mais aussi politique vis-à-vis de ces marchés. C’est ce que montre très bien le sociologue B. Lemoine : « les marchés financiers fixent les conditions du financement public. Non seulement le taux d’intérêt mais également quelle politique macroéconomique doit être suivie pour recueillir leur assentiment » [9].

5) Le problème de l’endettement public ne se limite pas au coût financier de la dette

Apprécier le caractère problématique ou non d’une dette, à l’aune uniquement de son coût, amène à confisquer et dépolitiser le débat autour de l’endettement public. Circonscrite à des enjeux techniques et financiers, on nous fait croire (et on le croit nous-mêmes) qu’il faut être expert•e ou économiste pour comprendre quelque chose à la dette et donc émettre un avis dessus. Or, les enjeux techniques et financiers sont précisément des enjeux politiques, sur lesquels nous avons toutes et tous voix au chapitre. De plus, cantonner le débat à la sphère technique, à la question du coût ou de la soutenabilité de la dette, c’est-à-dire de savoir si la dette française est payable, empêche d’interroger sa légitimité, c’est-à-dire de savoir si elle doit être vraiment payée. Les interrogations, telles que « pourquoi l’État s’est endetté ? Quelles ont été les conditions et modalités d’emprunts ? Qui détient la dette ? » ces questions ne restent que trop peu souvent posées sur les plateaux télévisés et dans les colonnes des journaux, évinçant avec elles, celle des responsabilités.

Et cela sans compter que les coûts d’une dette ne se limitent déjà pas à son seul coût financier. Ne serait-ce qu’à considérer le coût écologique colossal généré par ces politiques d’endettement (cf. point 7°). Des coûts cachés et des questions qu’un audit citoyen pourrait mettre en lumière pour tenter d’y trouver des réponses.

6) Quel que soit son coût, la dette justifie l’austérité

Affirmer que la dette ne serait plus un problème c’est oublier aussi l’usage politique qui en est fait, à savoir son utilisation comme moyen ou prétexte pour mettre en place des politiques d’austérité. Le procédé est désormais bien rodé (mais toujours aussi efficace) : invoquer le niveau (insoutenable) de la dette publique française pour ensuite annoncer, justifier et légitimer des réformes et des coupes budgétaires. Malheureusement, ces dernières décennies, la politique gouvernementale française nous en offre chaque jour des exemples supplémentaires. L’emploi de la dette comme moyen de chantage à l’austérité était d’une limpidité rare dans le cas de la SNCF et de la volonté du gouvernement de réformer l’entreprise l’année dernière en échange d’une reprise de dette. E. Macron déclarait en effet : « Parlons-nous franchement : si on reprend la dette, quel nouveau pacte social la SNCF est-elle prête à avoir ? (…) Nous demandons à la SNCF d’aller plus loin sur les réformes, le statut, la mobilité, le régime de retraite [10] ». Rebelote, avec les réformes du régime de l’assurance chômage et celui des retraites. Pour la première, il s’agit de faire des économies en modifiant les règles de l’assurance chômage, c’est-à-dire en restreignant les droits au chômage pour désendetter l’Unédic [11]. Le crédo du gouvernement français (et de ses prédécesseurs) reste la baisse des dépenses publiques pour diminuer l’endettement et le déficit publics, et cela en dépit d’une charge de la dette en diminution ces dernières années.

Là est donc un des dangers les plus préoccupants de la dette publique : la contrainte qu’elle induit. Une influence politique exploitée à des fins de neutralisation de toutes alternatives politiques à la doxa néolibérale.

7) Le remboursement d’une dette implique forcément de la croissance, suicidaire d’un point de vue écologique

Selon la logique économique qui nous est présentée, pour contenir le niveau d’endettement public, il faut que les taux d’intérêt soient inférieurs aux taux de croissance. Cela évite ainsi de provoquer ce qu’on appelle « un effet boule de neige ». Si ce n’est pas le cas, des excédents budgétaires primaires doivent être dégagés ou alors de nouveaux emprunts doivent être contractés pour payer les anciens. Cela signifie que pour la France il faudrait un taux de croissance de plus de 2%. La soutenabilité de la dette repose par conséquent sur une exigence de croissance. En fait, c’est le mécanisme d’endettement même qui repose sur cette nécessité. Même si les niveaux de croissance élevés appelés de leurs vœux par beaucoup venaient à revenir, elle n’en demeurerait pas moins catastrophique. Outre le fait qu’elle ne profite qu’à une minorité de privilégié•e•s, la croissance repose notamment sur l’exploitation des femmes, des hommes et de la nature (et le pillage de ces « ressources » bon marché dans les pays du Sud pour le cas français). Si le capitalisme a démontré son pouvoir de résilience et d’expansion à de multiples reprises, l’enjeu et les limites écologiques pourraient bien changer la donne.

Conclusion :

Bien entendu, le niveau d’endettement d’un pays et le poids du service de sa dette restent un enjeu très important pour ne pas dire crucial, car en découlent ses marges de manœuvre en termes de politiques budgétaires. Pour autant, le niveau d’endettement ne doit pas être le critère utilisé pour déterminer si une dette est un problème ou non. Une dette publique, aussi minime et peu onéreuse soit-elle, peut s’avérer tout à fait illégitime.

Bref, qu’un État s’endette n’est pas un problème en soi. Par contre, comment il le fait, qui en profite, pour financer quoi, quelles politiques publiques en découlent… peut le devenir. Plutôt que de se féliciter de rembourser de moins en moins, il serait grand temps de déterminer via un audit citoyen, si tout simplement nous devons rembourser cette dette publique quels qu’en soient son montant et son coût financier [12].

Relecture : Marie-Claude Carrel
Tribune publiée sur le site de Politis

Notes

[1Généralement lorsque l’on parle de « coût » ou de « charge » de la dette publique, il est fait référence au seul paiement des intérêts, sans prendre en compte le remboursement du capital. Voir point 2°

[2Voir notamment cet article du journal Libération qui illustre bien cette position, bien qu’il soit loin d’être le seul : Savinien de Rivet, « La charge de la dette une ardoise qui pèse de moins en moins », Libération, janvier 2019. Accessible à : https://www.liberation.fr/france/2019/01/11/la-charge-de-la-dette-une-ardoise-qui-pese-de-moins-en-moins_1698530

[3Mission d’évaluation et de contrôle sur la gestion et la transparence de la dette publique », Commission des finances, Assemblée Nationale, 6 juillet 2016. Accessible à : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i3936.asp

[4Page 25 du rapport, cité par Nicolas H, « France : la commission des finances dénonce une gestion opaque de la dette au seul profit des acteurs financiers », CADTM, janvier 2018. Accessible à : http://www.cadtm.org/France-La-commission-des-finances

[5Page 23 du rapport, Ibid.

[6Pages 107 et 109 du rapport, Ibid.

[7Page 102 du rapport, Ibid.

[8Voir à ce sujet les travaux de B. Lemoine.

[9Benjamin LEMOINE, L’ordre de la dette. Enquête sur les infortunes de l’État et la prospérité du marché, Éditions La Découverte, Paris, 2016, p.8.

[10Eric Béziat, « Les projets radicaux d’Emmanuel Macron pour « réinventer » la SNCF », Le Monde, septembre 2017. Accessible à : https://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2017/09/06/les-projets-radicaux-d-emmanuel-macron-pour-reinventer-la-sncf_5181512_1656968.html

[11À propos de la dette de l’Unédic, voir le rapport d’audit du GACDAC, avril 2018. Accessible à : http://www.cadtm.org/Verite-et-transparence-pour-la-dette-de-l-Assurance-chomage-plutot-que

[12Pour en savoir plus sur un audit citoyen de la dette publique française, voir le rapport de 2014 du CAC, Collectif pour un audit citoyen :
https://www.audit-citoyen.org/2014/05/27/que-faire-de-la-dette-un-audit-de-la-dette-publique-de-la-france/

Source http://www.cadtm.org/Le-cout-de-la-dette-francaise-diminue-est-ce-vraiment-une-bonne-nouvelle

L’acte XXII à Toulouse asphyxié

De partout des gilets jaunes ont convergé vers Toulouse pour l’acte XXII le samedi 13 avril. Beaucoup de monde était au rendez-vous à ce rendez-vous national mais il est difficile de savoir exactement combien tellement les différents cortèges ont été divisés et gazés du début à la fin de la journée. Nous étions quand même sûrement entre six et dix mille manifestant·e·s, mais surtout extrêmement motivé·e·s malgré la violence policière incessante. En effet nous n’étions pas les seuls motivés : la police était aussi là en nombre et bien décidée à empêcher toute contestation, toute expression. Alors que Macron veut nous faire de belles annonces la moindre manifestation est maintenant sauvagement réprimée. Ainsi même le Syndicat National des Journalistes a publié un communiqué sur le droit de manifester « piétiné » à Toulouse :

La plus élémentaire des libertés que se doit de garantir toute démocratie digne de ce nom est bien celle de pouvoir manifester. Or hier à Toulouse, les deux manifestations prévues, dont une au moins déclarée en bonne et due forme en préfecture, n’ont pu se dérouler normalement, tout simplement !

Dès 12h30, une première attaque massive et violente des forces de l’ordre a ainsi interdit tout début de formation de cortège des Gilets Jaunes, qui avaient choisi Toulouse comme point de ralliement national. Et moins d’une heure plus tard, c’est la manifestation appelée par plusieurs organisations nationales (LDH, FSU, CGT, Solidaires…) qui a de la même façon été tuée dans l’oeuf, alors même que ce second cortège avait pour mot d’ordre la défense de la liberté de manifester… [1]

Au vu du silence médiatique et à l’autoritarisme qui s’installe tranquillement, il semble important de témoigner de cette manifestation. Les multiples cortèges font que notre déambulation et son récit sont très partiels, espérons que cela soit complété par d’autres.

A notre arrivée à 13h30 au point de rendez-vous les lacrymos ont déjà commencé à pleuvoir depuis 1h sur les personnes à l’heure au premier rendez-vous. Au moins deux cortèges sont nassés plus loin. On entend les grenades exploser et on voit les nuages de gaz mais impossible de rejoindre nos compagnon·ne·s. Plusieurs cortèges de centaines de personnes tentent des parcours improvisés et détournés par des petites rues du centre pour rejoindre les enfermé·e·es dans le dispositif policier. Mais à chaque détour la BAC ou une brigade de CRS finit par bloquer et gazer sans ménagement. L’ambiance est étonnante, malgré la violence policière constante il n’y a pas ou peu de réponse de notre côté, les cortèges finissent disloqués puis tout le monde retourne au point de rendez-vous initial en groupes plus ou moins gros. Retour au point de départ donc. Les blindés sont également arrivés, des GJ en fauteuil leur font face.

Moment de flottement, où aller, que faire ? Lorsque des camions de gendarmes mobiles tentent de traverser la foule agglutinée au point de rendez-vous ils se font bien sûr un peu bloquer, ils manquent alors d’écraser quelqu’un et finissent par gazer sur la seule place relativement tranquille aux alentours. Cela aura au moins le mérite de provoquer un mouvement massif et enfin un cortège large dans les rues commerçantes. Un autre cortège nous rejoint également et à ce moment nous sommes des milliers à chanter et crier pendant au moins une heure et demie. Au classique « Emmanuel Macron, ho tête de con, on vient te chercher chez toi » s’ajoute des « ha, anti, anticapitalistes » ou le nouveau tube GJ : « On est là, on est là ! Même si Macron ne le veut pas, nous on est là ! Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur ! Même si Macron ne le veut pas, nous on est là ! » La batucada résonne, un open mic s’agite, des guitares mettent l’ambiance … mais nous sommes coincés d’un bout à l’autre de la rue.

La manifestation fini par se remettre en route, direction le point de départ, seule route accessible, il est déjà près de 17h. Quelques tags commencent à apparaître. Il s’agira du seul moment où les personnes ont pu s’exprimer tranquillement puisque dès que la manifestation s’élance sur un boulevard, elle est chargée avec gaz, canon à eau et grenades de désencerclement. Divisés, un cortège est repoussé vers le canal, alors qu’une grande partie des personnes crient « Pas vers le canal ! ». On déambule sans trop savoir où aller, une ou deux vitrines tombent (une agence de crédit et une d’immobilier) et les flics multiplient les charges avec de moins en moins de monde. Retour au point de départ.

La place a visiblement été massivement gazée elle aussi, des palets sont même en train d’enfumer l’hôtel de luxe voisin. Les personnes qui se rejoignent et étaient sur place tentent donc de partir à nouveau en cortège. Les pubs tombent et des tags fleurissent, rivalisant d’imagination : « Gilet au bout de mes rêves »… Mais au bout du boulevard, c’est un piège géant qui nous attend. Les flics bouchent toutes les issues et gazent la place à ne plus y voir. Impossible de sortir et les flics nous repoussent dans les gaz, impassibles ils resserrent la nasse et nous poussent malgré les personnes en détresse. Ils vident les cages d’escalier où les personnes s’abritent pour que tout le monde subissent au maximum. Le canon à eau tire sur les gens qui s’approchent des flics ou qui s’abritent un peu. Les palets recouvrent littéralement le sol. Une issue est forcée par un mouvement massif et le canon à eau tire dans le dos des gens qui se sauvent. Il finira par être bloqué avec une roue dans une bouche d’égout en traversant le terre plein. Petite victoire face au déchaînement de violence que nous avons subi. Il ne s’agissait pas de protéger quelque bien matériel que ce soit mais juste de punir le plus violemment possible les personnes qui osent continuer à manifester. Un flic le dit d’ailleurs en nous repoussant dans les gaz : « Vous n’aviez qu’à partir avant ».


Les gens retrouvent de l’air et on arrive à se sauver avant qu’une nouvelle nasse ne se referme. Nous entendons parler d’un cortège qui s’est fait coincer sous un pont et asphyxier avec les gaz dans un milieu semi-fermé. La BAC tirait d’en haut en rigolant… Les récits se multiplient mais tous ont en commun gaz et violence policière. Les nouvelles arrivent : il y a déjà au moins 20 arrestations, la justice va continuer le sale travail de la police. [2] Il y aurait au moins deux blessé·e·s graves. Retour au point de départ, lui aussi, ça devient tristement habituel, sous les gaz.

Plus tard dans la soirée ce sera même la place du Capitole qui finira sous les gaz, à croire que les flics se croient dans un mauvais jeu vidéo avec munitions illimitées. Malgré tout, les manifestant·e·s qui avaient la possibilité physique de rester sont revenu·e·s sans cesse et ont maintenu l’ambiance. Notre détermination reste forte et c’est bien notre puissance face à leurs armes.


Notes

[2Au total il y aura plus de 40 interpellations et les premières personnes accusées d’avoir dissimulé leur visage grâce à la nouvelle loi anti-casseur. Pourtant, sans se protéger des gaz avec au minimum une écharpe, manifester ce samedi était extrêmement risqué.

Source https://labogue.info/spip.php?article443

Vaincre l’UE et les réactions xénophobes

Vidéo de la conférence débat à Nanterre du 22 mars 2019 par la campagne Frexit de gauche « Vaincre l’UE et les réactions xénophobes » avec Stathis Kouvelakis et Ugo Palheta.

Depuis la crise de 2008, la brutalité avec laquelle l’Union Européenne malmène les peuples révèle sa vraie nature. Au service des oligarchies nationales, l’UE est un carcan pour étouffer les démocraties et casser les systèmes sociaux.

De façon inquiétante, la dérive technocratique alimente une extrême-droite véhiculant un imaginaire identitaire xénophobe dirigé contre les migrants et les minorités ethniques et religieuses, musulmanes notamment.

En face, la gauche pro-européenne croit combattre le nationalisme xénophobe en se jetant dans les bras de l’Europe. Pourtant, toute politique sociale est impossible dans le cadre de l’UE, puisque celle-ci soumet les peuples à la concurrence et au libre-échange généralisés.

De fait, la construction européenne attise les rivalités tant entre les nations européennes – la Grèce en fournit un exemple tragique – qu’avec le reste du monde.

Pour la gauche fidèle à ses idéaux, la tâche historique est de retrouver le sens de la nation, débarrassée de toute référence identitaire.

Peut-on redéfinir un projet national qui serait indissociable de l’idée d’une solidarité inclusive et d’un internationalisme de coopération, nécessaires tant pour la démocratisation de la France que pour le retour à des relations apaisées en Europe ?

 

Grèce : un autre point de vue sur la protection de la résidence principale

L’association « ΕΚΠΟΙΖΩ » ( Association des Consommateurs pour la Qualité de Vie) donne son point de vue  :

L’amendement du gouvernement sur la « protection » de la résidence principale est non seulement inférieur aux attentes, mais aussi provocant et ridicule au détriment des emprunteurs.

L’ Association ΕΚΠΟΙΖΩ exprime sa profonde amertume, sa déception et sa colère devant l’abolition de toute protection substantielle de la résidence principale, mais aussi face au mépris du gouvernement pour le mouvement des consommateurs par son refus de se faire entendre, même dans le processus parlementaire – sans précédent dans les 30 ans d’existence de ΕΚΠΟΙΖΩ – des organismes actifs dans la protection des consommateurs lourdement endettés.

L’audace du gouvernement est telle qu’il prétend protéger la résidence principale, alors qu’en fait le gouvernement avait reçu la protection de la résidence principale en tant qu’institution permanente dans la loi Katseli, il l’a rendue temporaire et plus stricte en 2015 et il est en train de l’abolir.

En ce qui concerne l’amendement sur la prétendue protection de la résidence principale, nous notons ce qui suit:
– L’amendement ne concerne pas l’institution de la réglementation collective de la dette des ménages lourdement endettés, mais un programme de réglementation limitée des prêts, proposé à titre de prix symbolique et maigre pour l’abolition de la loi Katseli, en ce qui concerne la protection de la résidence principale.
– Le programme a une durée limitée, il ne s’agit donc pas d’une institution de protection de la dette. Il s’agit de dettes adossées à des créances hypothécaires qui étaient en retard au 31 décembre 2018 avec un retard d’au moins trois mois. Par conséquent, le programme est de nature temporaire et ne concerne pas les débiteurs qui seront incapables de rembourser leurs dettes à l’avenir.
– Le programme ne traite pas les débiteurs qui sont déjà en défaut et qui sont au 31.12.2018 dans un arrangement temporaire (par exemple, ne payant que des intérêts) et auront le droit de reprendre le versement normal dans un proche avenir.
– Le programme ne traite pas les emprunteurs lourdement endettés qui ont beaucoup d’autres dettes en souffrance, mais leur prêt hypothécaire, pour des raisons évidentes, a continué à le rembourser.
– Le programme ne concerne pas la protection du logement si l’emprunteur, pour quelque raison que ce soit, n’y réside pas déjà.
– Le programme ne s’applique pas si l’emprunteur ou d’autres membres de sa famille ont des biens meubles ou immeubles supérieurs à 80 000 EUR.
– Le programme ne s’applique pas si la dette garantie, augmentée des intérêts moratoires et des arriérés, dépasse le montant de 130 000 euros.
– Le programme ne traite pas des dettes non garanties, qui continueront de croître et seront en attente aux dépens de l’emprunteur.
– Le programme ne s’applique pas à ceux qui dépassent le critère de faible revenu familial.

– Il est en outre connu que ceux qui ne sont pas exclus des critères ci-dessus acquièrent le droit à un règlement abordable de la dette individuelle. Les banques ont le droit de mépriser la demande soumise à la plateforme, de ne jamais y répondre ou de faire toute autre proposition. Dans ce cas, au bout d’un mois, la procédure sera « TERMINER ».

– Dans le premier cas, le débiteur endetté n’a que la possibilité de faire appel à la justice, dans des délais stricts, de l’introduire dans un litige comparable à la loi Katseli, en dernier recours un litige de longue date, pour se prévaloir de la réglementation individuelle maigre et insignifiante.
– Dans une réglementation malhonnête, honteuse, obscène, menaçante et abusive à l’égard des ménages lourdement endettés, il est stipulé que si la réclamation de l’emprunteur qui est forcé de faire appel devant les tribunaux parce que les banques ont refusé de participer à la procédure, il sera sanctionné. jusqu’à 5% de sa dette, avec un maximum de 5 000 € et un minimum de 1 500 €! Il n’y a aucune raison de sanctionner la banque qui méprisera le processus et la fameuse « plateforme »!
– Les banques sont incitées à mépriser le processus et la plate-forme, tant que l’emprunteur n’aura pas jusqu’à ce qu’il ait été justifié dans sa lutte de longue date pour la protection insignifiante contre les enchères, à moins d’avoir obtenu une protection judiciaire provisoire et à condition de payer pour chaque dettes réglables au moins la moitié de la tranche actuelle.
– Si, encore une fois, un créancier soumet une proposition, mais pas un autre créancier contre lequel un règlement est réalisable, l’emprunteur est à nouveau obligé de saisir la Cour de justice, faute de quoi il ne bénéficie d’aucune protection contre les autres créanciers.
– Si le débiteur ne figure pas dans une ordonnance du tribunal, tous les débiteurs soumis à une réglementation n’ont droit ni à la subvention indéterminée ni à son domicile.
– À moins que toutes les dettes en règlement ne soient réglées par une ordonnance du tribunal, l’emprunteur n’a pas non plus droit à la subvention indéterminée et sa résidence n’est pas protégée par des enchères.
– En fait, il est pratiquement impossible de réglementer des dettes de règlement plus réceptives, car une telle possibilité n’est pas couverte par les possibilités réelles des critères d’exclusion, mais aussi parce que les autres créanciers n’ont même pas l’incitation.
– Il est peu probable que le cas d’une annulation de dette valable. Du fait du cumul des conditions d’entrée dans la réglementation applicable, l’avantage ne dépassera pas un léger escompte et l’emprunteur ne la recevra que s’il se conforme à la réglementation depuis 25 ans ou jusqu’à 80 ans.
– Si, dans le futur (dans les 25 prochaines années), il arrive également à une faiblesse temporaire, il perdra non seulement le rabais insignifiant, mais devra également restituer toute subvention (non spécifiée).
– Étant donné que la dette individuelle (et non la totalité des dettes) est réglée à 120% de la valeur de la propriété, toute subvention relative à la protection de la résidence principale dans la loi Katseli abolie par le gouvernement ne donne pas lieu à un versement inférieur. pour le débiteur lui-même.
– L’emprunteur n’appartient pas au programme si sa demande d’adhésion à la loi 3869/2010 a été rejetée, notamment pour incapacité frauduleuse. Toutefois, il ne s’agit pas de prétendus mauvais payeurs stratégiques, mais de ceux qui, dans les années 2000, n’ont pas réussi à gérer efficacement leur solvabilité, car ils ont été décrits comme tels par ce critère.
ΕΚΠΟΙΖΩ n’a pas été invitée à soumettre les observations susmentionnées à la Chambre des communes. Le gouvernement a rejeté l’invitation. Il a toutefois été informé que les représentants des banques présents souhaitaient leur satisfaction au gouvernement. Nous supposons également les derniers au premier, leurs banques ayant été épargnées de la peine de rédiger l’amendement!

CK

Secteur primaire ! La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Secteur primaire !

Le pays réel, ses légumes et fruits, ses animaux. Sa saison également. Les premiers touristes sont de la fête, celle du Printemps bien entendu, si possible en plein Péloponnèse. Ils ont déjà cette chance des espaces qui ne sont pas encore surinvestis comme en plein été. D’ailleurs, les Grecs se préparent autant pour fêter Pâques, le 28 avril pour les Orthodoxes, que pour la saison touristique officielle à partir du mois de mai. Pour le reste, il y a la prétendue animation politique qui bat tant de records dans les verbiages, activité offshore pour des élections alors… dématérialisées.

Touristes à vélo. Péloponnèse, avril 2019

Le vieux Péloponnèse peu fréquenté est ainsi placide, à l’intérieur les rocades sont vides, les habitants roulent bien moins depuis des années déjà, les villages de l’intérieur surtout, ils ses sont peu à peu vidés. Ceux que l’on voit aussi arriver triomphalement, appartiennent-ils à la tribu des retraités de l’autre monde occidental, ceux de la vieille Europe dont les retraites ne suffisent plus pour demeurer par exemple mais de manière confortable, en France, en Italie, en Belgique, au Royaume Uni, ou en Allemagne.

Pour ceux qui ne vivent pas durant toute l’année en Grèce, c’est le moment où ils entreprennent cette nouvelle transhumance vers le grand Sud des Hellènes. Souvent, ils y arrivent même en voiture car ils ont suffisamment d’objets et articles à porter jusqu’à leurs résidences achetées en Grèce, comme ils ont surtout tout le temps libre devant eux. Sur place ce sont les retrouvailles avec leurs compatriotes, mais aussi avec les Grecs du coin. L’estivage des retraités est alors vécu comme le premier signe avant-coureur de l’été, autant que l’arrivée des premiers touristes sporadiques du Printemps.

Parmi ces retraités, il faut aussi compter les propriétaires de voiliers, car c’est aussi le moment de leur mise à l’eau après les travaux d’entretien et l’hivernage annuel. Bernard, installé en Grèce depuis deux ans avec sa retraite en est heureux. Il est revenu aussi pour la mise à l’eau de son voilier et il attend sa fille, son mari et leurs enfants depuis la Côte d’Azur pour les vacances de Pâques. “Ici c’est formidable. J’ai acheté une maison sur la montagne il y a deux ans lorsque les prix étaient au plus bas avec la crise grecque. J’ai une vue imprenable sur la baie, puis, les Grecs sont accueillants et la vie moins chère qu’en France. Surtout que ma retraite est largement insuffisante pour poursuivre sur la Côte d’Azur, et pour y mouiller le voilier, n’en parlons pas. C’est dix fois le prix grec, travaux d’entretien compris.”

Péloponnèse et ses moutons. Avril 2019
Péloponnèse et ses baies. Avril 2019
Péloponnèse et… sa désertification. Avril 2019

Le Péloponnèse mythique, ses moutons et… ses abandons anciens comme récents. Les médias historiques répètent sans cesse “que le tourisme est l’industrie lourde de la Grèce et alors la seule”, sauf que depuis peu, d’autres… perspectives se profilent, entre la mer Égée, la mer Libyenne au sud de Crète, ainsi que la mer Ionienne. Sur la radio 90.1 FM et en zone du soir, le journaliste Lámbros Kalarrýtis interrogeait par téléphone un spécialiste du secteur pétrolier.

“Les gisements trouvés sont immenses, à la fois en gaz qu’en pétrole, les profondeurs varient certes et les emplois directs et indirects seront de l’ordre de 100.000 personnes. Les géants du secteur sont là, américains, français, italiens notamment, ainsi que quelques compagnies grecques. Plusieurs milliards de dollars sont déjà investis pour prospecter, et, étant donné les caractéristiques techniques, les bénéfices nets pourront être partagés moitié-moitié, entre les sociétés explicatrices et l’État grec. Voilà pour la véritable industrie lourde du pays”, 90.1 FM, le 11 avril 2019.

Nous serons… ainsi sauvés. Mais comme le pays est hypothéqué autant que les revenus et biens actuels et futurs de l’État grec durant 99 ans, on comprendra que le plan Troïka, initié en 2010 mais préparé de longue date, ainsi que tutélisation dans pratiquement tous les domaines et finalement la colonisation ouverte du pays ne sont pas sans rapport avec cette autre réalité des hydrocarbures dont l’existence était suffisamment connue depuis plusieurs années déjà. Et qui dit hydrocarbures, dit également situation géopolitique souvent houleuse, sans oublier que cette réalité est encore synonyme de guerres et de conflits.

Au pays de la carte postale, le petit peuple sera pourtant et à notre sens encore… rétréci, la presse évoque cette semaine le cas qui n’est pas isolé, d’une vielle femme alors âgée de 85 ans, laquelle se retrouve traînée devant les tribunaux pour avoir vendu sans autorisation quatre kilos de légumes et des herbes ramassées au village, presse de la semaine. Et en ville, les livreurs en moto ont bien suivi leur mouvement du 11 avril en défilant sur leurs motos, presse grecque du 11 avril. Pourtant, un des leurs tombait au même moment, mortellement blessé par une voiture alors qu’il livrait cafés et sandwichs dans un cartier de la capital, presse du 11 avril. Pays de la carte postale et désormais du pétrole, à Athènes, les plus paupérisés proposent aux passants de leurs journaux dits de rue… au boulevard de la méta-modernité.

Au pays de la carte postale. Athènes, avril 2019
La vielle femme que l’on traîne devant les tribunaux. Presse grecque, avril 2019
La manifestation des livreurs en moto. Athènes, le 11 avril, presse grecque
En vendant les journaux de rue. Athènes, avril 2019

En attendant le pétrole et le gaz, le Service archéologique a finalement accordé à la société chinoise COSCO que de construire trois hôtels dans le port du Pirée, dont un sous forme de pagode, du bruit donc pour rien il y a une semaine avec les réserves des archéologues tant médiatisées. Ou sinon… un pétard mouillé à quelques semaines seulement des élections dites européennes et aussi régionales et municipales, presse grecque de la semaine. En attendant toujours le pétrole, le gouvernement finance décidément le festival du goût à Athènes comme ailleurs. La vie continuera avec ou même sans goût, des lycéens étrangers visitent alors émerveillés le pays et sa capitale, place Sýntagma leurs enseignants présentent ainsi rapidement les lieux, tandis qu’au pays réel des légumes et des fruits il y a parfois ces belles traces des marchands de primeurs qui ne sont plus depuis un moment déjà.

Cependant, et sans attendre, ni le pétrole, ni les élections, le fils du ministre délégué à la Recherche Kóstas Fotákis, vient d’être le boursier parmi les premiers boursiers par un organisme que son père vient tout juste d’avoir mis sur pied, presse grecque du 12 avril. Le pétrole, le gaz… et le népotisme, industries alors bien lourdes du pays, tourisme bien entendu compris.

Ensuite, il y aura la prétendue activité politique et ses records dans les verbiages en vue des élections… dématérialisées. Les médias en rajoutent sur les affaires des scandales en cours, les Syrizístes insistent sur l’affaire des présumées commissions occultes de Novartis au bénéfice des politiques tels que les anciens ministres de la Santé du PASOK et de la Nouvelle démocratie, affaire pourtant en partie classée sans suite et pour une autre parti, des non-politiques vont être convoquées par la Justice “pour des explications”, d’après les medias. Comme il y a aussi l’affaire dite Petsítis, et ses valises présumées emplies lorsqu’il faisait le présumé “entremetteur entre les oligarques d’Athènes et le bureau politique de Tsípras”, d’après ce qui se dit déjà à Athènes.

Le gouvernement SYRIZA de 2019, finance d’ailleurs dans la foulée le nouveau film de Kóstas Gavrás, tourné en ce moment à Athènes. Son sujet porte sur les six premiers mois du gouvernement SYRIZA de 2015, d’après aussi les récits et autres mémoires du très suffisant Yanis Varoufákis, ministre des Finances d’alors, “un film de propagande Syrizo-compatible” entend-on dire ici ou là, presse grecque de la semaine. Notons que le successeur de Varoufákis, Tsakalótos, il s’est d’ailleurs encore fait huer à Thessalonique cette semaine aux cris de “Traître tu as vendu la Macédoine grecque”, et comme à chaque déplacement des officiels SYRIZA, c’est sous cordon policier compris, presse grecque de la semaine. D’après les médias du 12 avril, Tsakalótos rencontrera enfin Christine Lagarde du FMI dans la journée, mais à New York, c’est sans doute plus calme pour lui qu’à Thessalonique.

Festival du goût. Athènes, avril 2019
Tsakalótos à Thessalonique. Presse grecque, avril 2019
Lycéens étrangers à Sýntagma. Athènes, avril 2019

Le pays, ses légumes, ses touristes… “son” Ambassadeur, notamment celui des États-Unis, Geoffrey Pyatt lequel félicite bien souvent Tsípras pour sa politique Macédonienne. “Malheureusement, l’ambassadeur américain à Athènes, un homme certes intelligent et bienveillant, lequel se comporte-t-il par contre comme un applaudisseur de M. Tsípras, générant ainsi toutes les conditions d’un prochain avenir alors difficile pour les relations gréco-américaines, cette fois, pour les Grecs proches de la droite.”

“Il est difficile d’interpréter ce comportement ambigu de l’ambassadeur, autrement que motivé par une forme de récompense pratique, rien que pour les services que M. Tsípras offre-t-il alors à Geoffrey Pyatt. Et ce n’est pas la première fois que l’ambassadeur agit il faut dire de la sorte. Et il le fait en soutien à Tsípras, à chaque fois que M. Tsípras traverse alors une période difficile en matière de politique étrangère et nationale. Cela interfère bien entendu dans la politique intérieure du pays et c’est en violation flagrante du principe établi et reconnu internationalement depuis des siècles, principalement à partir des traités de Westphalie, à savoir, la non-ingérence aux affaires internes d’un autre pays. Il serait peut-être temps que de muter Monsieur Pyatt ailleurs”, et c’est le directeur du principal quotidien des Gréco-américains, “Ethnikos Kirikas”, qui s’exprime de la sorte. Le texte republié par la presse grecque cette semaine, avec aussi la réponse officielle de l’Ambassade des États-Unis, argumentant en somme “que ce n’est pas de la politique personnelle de l’Ambassadeur mais des États-Unis, et qu’il s’agit de toute manière des intérêts communs des deux pays”, presse grecque du 12 avril.

La veille, voilà un autre quotidien qui s’interroge sur le “silence complet made in USA” des Syrizístes et de leur gouvernement au sujet de l’arrestation du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, étant donné que par le passé, pas si lointain, des figures politiques et médiatiques SYRIZA avaient-elles même organisé des journées de soutien à Julian Assange, presse grecque du 11 avril. Étranges coïncidences calendaires et journalistiques en tout cas. “Démocratie” offshore, et personnel politique alors… dématérialisé !

Marchands de primeurs qui ne sont plus. Péloponnèse, avril 2019
Touristes à Athènes. Avril 2019

Le pays réel, ses légumes et fruits, ses tavernes et leurs animaux. Pays réel et pays en… concentré avant l’été où alors tout se dilate.

Comme l’écrivait en bien d’autres temps certes (Homme Londres, 5 juin 1932), le grand poète Yórgos Seféris:

“Il est temps que je parte. Je connais un pin qui se penche sur la mer. À midi, il offre au corps fatigué une ombre mesurée comme notre vie, et le soir, à travers ses aiguilles, le vent entonne un chant étrange comme des âmes qui auraient aboli la mort à l’instant de redevenir peau et lèvres. Une fois, j’ai veillé toute la nuit sous cet arbre. À l’aube, j’étais neuf comme si je venais d’être taillé dans la carrière. Si seulement l’on pouvait vivre ainsi ! Peu importe”.

Le pays réel, ses tavernes et leurs animaux. Péloponnèse, avril 2019

* Photo de couverture: Le pays réel, ses légumes et fruits, ses animaux. Péloponnèse, avril 2019

Dette odieuse et fondements du néolibéralisme

Peut-on appliquer la doctrine de la dette odieuse sans remettre en question les fondements du néolibéralisme ?

3 avril par Mats Lucia Bayer


Cet article propose une lecture critique de l’article « Odious debt, Adverse creditors, and de Democratic Ideal » de Margot E. Salomon et Robert Howse, publié en 2018 par la London School of Economics et qui cherche à analyser la crise de la dette grecque en 2015 à la lumière de la doctrine de la dette odieuse.
Le texte « Odious Debt, Adverse Creditors, and the Democratic Ideal » de Margot E. Salomon et Robert Howse propose une mise à jour de la doctrine de la dette odieuse à partir de l’exemple de la crise de la dette grecque. Pour ce faire, les auteurs mettent l’accent sur deux éléments : (1) les nouveaux types de relations internationales dans lesquelles un pays peut entretenir des relations et même entrer en conflit non pas avec d’autres pays mais avec des institutions internationales, en l’occurrence des institutions financières (IFI) ; (2) la centralité de la question démocratique liée à celle de la souveraineté des pays. La Grèce constituerait une sorte d’exemple paradigmatique de ces deux approches.

Le texte articule une discussion intéressante autour de la tension inhérente entre le mécanisme de la dette et l’exercice souverain de la démocratie dans un pays. Les auteurs partent d’une définition généralement acceptée pendant longtemps de la doctrine de la dette odieuse élaborée par Alexander Nahum Sack basée sur trois critères, à savoir : que la dette ait été contractée sans le consentement de sa population ; qu’elle ait été utilisée contre les intérêts d’une partie ou de la totalité de la population ; que les créditeurs des fonds aient pleine conscience de cette situation.

Eric Toussaint, du CADTM, a démontré que cette définition communément admise constituait une version erronée de la doctrine telle qu’élaborée par Alexander Sack [1]. En particulier, le caractère despotique ou non du gouvernement ne constitue pas un critère en soi pour prouver qu’une dette puisse être considérée comme odieuse, de même l’absence de consentement de la population n’est pas un critère retenu par Sack. La véritable application de la doctrine concerne en réalité seulement l‘usage néfaste de la dette et la conscience de cet effet par les créanciers. L’application de ces deux critères est incontestable pour le cas grec : la dette accumulée par l’État de ce pays suite aux différents memoranda (dont le but officiel était de permettre son redressement économique) n’a mené qu’à un approfondissement de la crise économique et sociale. Howse et Salomon concentrent néanmoins leurs efforts à problématiser le caractère « despotique » de l’emprunt. Bien que nous ayons rappelé que l’efficacité de la doctrine ne dépend pas de ce critère, l’approche de Howse et Salomon permet toutefois d’aborder la question de la souveraineté dans le contexte néolibéral et constitue un élément sans doute aggravant dans l’hypothèse de l’application de la doctrine dans le cas grec.

Les auteurs soulignent que le gouvernement de Syriza n’exerçait pas un pouvoir despotique puisqu’il est issu d’une victoire électorale. Pourtant, ce gouvernement s’est trouvé sous une telle pression qu’il a été obligé d’appliquer des mesures économiques et relatives à l’endettement qui ont compromis l’avenir de la société grecque. Pour montrer cela, Howse et Salomon mettent les questions du respect de « l’idéal démocratique » et des droits humains au centre de l’explication. Pour rendre possible l’application du concept en tant que catégorie d’analyse, les auteurs ont recours aux droits humains, qui constituent un socle commun auquel il est possible de se référer. Et bien que le respect de ceux-ci ne présuppose pas de façon explicite un système politique déterminé, il va de soi pour les auteurs que pour qu’ils puissent être effectifs, il faut qu’un pays ait une capacité d’action et donc qu’il dispose d’une autonomie suffisante. Ce sont deux éléments essentiels pour que les citoyens puissent être en mesure de demander des comptes à leur propre gouvernement :

« la force normative de la doctrine de la dette odieuse vient de la primauté de l’idéal démocratique : lorsque la dette a été contractée, non seulement elle l’a été par un gouvernement non représentatif, mais elle a servi les objectifs de ce gouvernement en niant la liberté politique du peuple. [2] »

C’est dans cette logique que, pour Salomon et Howse, dans l’analyse de la dette, il faut déplacer le curseur du caractère nécessairement despotique d’un régime vers la capacité d’action et les marges de manœuvre des gouvernements dans un contexte historique où les capitaux financiers internationaux ont un rôle politique déterminant. Les situations « d’exceptionnalité démocratique » à laquelle peuvent mener les pouvoirs financiers empêchent qu’on puisse demander des comptes à un gouvernement. Voici quelques extraits qui illustrent cette approche :

« Comme nous pouvons le voir de la manière la plus frappante dans le cas récent de la Grèce, la dette souveraine peut provoquer un état d’urgence ou d’exception lorsqu’un État démocratique est mis sous la tutelle de créanciers étrangers – qu’il s’agisse d’institutions gouvernementales ou d’acteurs privés – qui sont en mesure de menacer l’État de faillite financière s’il refuse ces limites à l’autodétermination démocratique. En d’autres termes, la dette peut être contractée par un État non oppressif à des fins non oppressives, mais néanmoins, pendant une période de crise et souvent bien au-delà, la dépendance vis-à-vis d’acteurs extérieurs tels que les créanciers, y compris les institutions financières internationales (IFI), peut fondamentalement entraver ou atténuer la démocratie [3].

[…]

Le droit international des droits de l’homme cherche alors à protéger les moyens par lesquels la population peut faire entendre sa voix (droit à la participation) et délimite les groupes (minorités, enfants, etc.) et les domaines (logement, alimentation, interdiction des traitements inhumains et dégradants, etc.) que toute forme de gouvernement devrait protéger et promouvoir, dans un système de reddition de comptes [4].

[…]

Dans le cas récent de la Grèce, où les implications procédurales et substantielles de la dette accumulée depuis 2010 auprès du FMI et de la zone euro sont sans aucun doute en contradiction avec les attentes modernes de justice et d’équité dans les affaires internationales, avec les droits humains et avec les aspects qui animent le concept de la dette odieuse, le gouvernement n’a pas utilisé les termes de la dette odieuse lorsqu’il tentait de renégocier la dette du pays. Ceci malgré le fait que la Commission d’audit de la dette grecque avait conclu que la dette était odieuse et avait fourni à l’équipe de négociation les arguments juridiques nécessaires à cette fin [5]. »

Cette approche toutefois est à un double tranchant : elle peut permettre d’identifier comment la dette pousse à annuler les mécanismes de la « démocratie représentative » et en même temps excuser le manque d’action d’un gouvernement. Nous nous trouvons face à un paradoxe dans ce texte. Ainsi, d’un côté, les auteurs font référence à Maurizio Lazaratto afin de souligner l’autoritarisme et les formes de domination qui découlent du mécanisme de la dette. D’un autre côté, ils soulignent que, sous la menace d’un « chaos bancaire », le gouvernement de Syriza en 2015 n’avait pas de véritable choix et était poussé à accepter les conditions de la Troïka. L’issue à cette situation se trouverait dans la qualification d’une partie de la dette comme étant « odieuse » :

« À notre avis, pour remédier au caractère odieux de cette dette, il faut rétablir les possibilités d’une politique publique légitime et démocratique qui ont été volées par l’état d’exception découlant de la crise de la dette souveraine. Cela pourrait comprendre le renversement des réformes imposées par les acteurs extérieurs ou du moins leur assujettissement à de nouveaux processus démocratiques ; cela peut également comprendre l’affirmation de la répudiation d’au moins une partie de la dette, si cela est nécessaire pour mettre en œuvre des politiques de redistribution, ou la récupération de biens publics, ou d’autres politiques démocratiquement légitimes qui ont été contrecarrées ou bloquées par les contraintes imposées par des acteurs extérieurs sous la menace de l’utilisation de moyens de pression – conférés par leurs rôles de créanciers ou d’intermédiaires – faisant porter un danger immédiat à la survie financière et économique du pays en question. [6] »

Ce dernier passage montre clairement une fois de plus les tensions qui animent le texte. D’un côté, on souligne la nécessité d’appliquer la doctrine de la dette odieuse et donc on affirme que la conséquence de cette application devrait être la répudiation « d’au moins une partie de la dette ». De l’autre côté, la tendance constante des auteurs à se focaliser sur l’hégémonie surplombante des capitaux et institutions financières sur les États conduit à une négation de la capacité politique non seulement du gouvernement mais aussi (et surtout) de la population. Ainsi, les auteurs soulignent l’importance du référendum de juillet 2015 pour le renforcement de la démocratie grecque mais évacuent toute perspective de désobéissance aux IFI. Dans la volonté de mettre à jour leur conception de la doctrine de la dette odieuse, les auteurs renforcent les limites de l’approche de Sack, identifiées par Éric Toussaint :

« L’expérience accumulée depuis que Sack a mené ses travaux conduit à modifier plusieurs des choix opérés par Sack. Un des points fondamentaux qu’il faut rejeter dans sa position, laquelle est cohérente avec l’ordre dominant, c’est le principe de la continuité des obligations des États à l’égard des créanciers même en cas de changement de régime. Certes, Sack est en faveur d’ajouter une exception – la dette odieuse – mais c’est insuffisant. Un autre point qu’il faut rejeter dans la position de Sack, c’est le soutien au système de crédit international tel qu’il existe. Enfin, Sack considère qu’un État souverain ne peut pas répudier des dettes qu’il a identifiées comme odieuses sans l’accord préalable d’un tribunal international qu’il s’agirait de mettre en place (voir le passage déjà mentionné dans lequel Sack écrit : Le nouveau gouvernement devrait prouver et un tribunal international reconnaître comme établi : a) Que les besoins, en vue desquels l’ancien gouvernement avait contracté la dette en question, étaient « odieux » et franchement contraires aux intérêts de la population de tout ou partie de l’ancien territoire, et b) Que les créanciers, au moment de l’émission de l’emprunt, avaient été au courant de sa destination odieuse.). Depuis que Sack a fait cette proposition, aucun tribunal international en matière de dette n’a été mis en place. De nombreuses propositions ont été faites, mais aucune n’a abouti. L’expérience démontre qu’il faut opter pour une autre voie : l’État souverain qui est confronté à une dette odieuse doit et peut prendre un acte unilatéral de répudiation de cette dette. [7] »

Des limites que nous retrouvons dans la démarche des auteurs du texte où ils reproduisent, dans une mesure moindre que Sack, une articulation rhétorique qui intègre la dette odieuse comme moyen de stabilisation du capitalisme.
En conclusion, malgré le fait que le critère « despotique » du gouvernement ne soit pas constituant de la doctrine de la dette odieuse, l’apport de Salomon et Howse permet de mieux percevoir les mécanismes de domination financière exercés sur un pays par les IFI, de fournir davantage d’arguments pour demander l’annulation de la dette grecque. Des arguments qui peuvent renforcer la défense d’une politique de désobéissance vis-à-vis de la Troïka, seul moyen pour que le peuple grec puisse se débarrasser du fardeau que constitue cette dette illégitime.



Notes

[1] http://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-selon-Alexandre-Sack-et-selon-le-CADTM

[2] Odious Debt, Adverse Creditors, and the Democratic Ideal, page 2 (traduit de l’anglais)

[3] Idem.

[4] Ibid., page 8.

[5] Ibid., page 17

[6] Ibid, Page 4

[7] http://www.cadtm.org/La-dette-odieuse-selon-Alexandre-Sack-et-selon-le-CADTM

Source http://www.cadtm.org/Peut-on-appliquer-la-doctrine-de-la-dette-odieuse-sans-remettre-en-question-les-17285#nb2

Chronique des Humbles La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Chronique des Humbles

Pays sous la tempête, bateaux de nouveau arrimés au Pirée, avions qui ne se posent pas en Crète. Tempête donc. Sur terre grecque enclose, tout le métaplasme incarné du monde politique s’agite devant les élections alors multiples et variées cette année, histoire de brasser de l’air pour recracher du néant. Ensuite, ceux d’en bas, les humbles, et déjà “bioconservateurs” d’après certains transhumanistes et misanthropes, survivent comme ils le peuvent. Ainsi femmes et hommes n’étant plus encadrés, soutenus, comme ils l’étaient dans leur petite patrie où tout le monde se connaissait de père en fils. Parfois, ils ont même tout juste de la chance, comme hier ma cousine Evanthía au village thessalien.

Grèce rurale. Années 2010

Evanthía revenait de son travail en partie de nuit, à la boulangerie du village. Elle y gagne 12€ par jour, travaillant entre 4h et 8h du matin, bien entendu c’est du travail informel. Son mari, Pétros s’occupe des maigres champs appartenant encore à la famille, il bricole de la mécanique pour les gens du voisinage, comme il peut être occupé très occasionnellement dans l’année en tant que chauffeur routier conduisant les camions des chantiers. Ceci, lorsqu’il y a du travail. Le couple garde aussi les deux enfants de leur fille et de son mari, histoire de leur permettre d’aller travailler un peu. La famille ainsi élargie occupe une seule maison, chauffée au bois, et ils n’ont gardé qu’un seul vieux véhicule pour tous, et assuré, plus le scooter.

Evanthía utilise donc le scooter de la famille, pour lequel elle n’a ni permis et encore moins l’assurance. Plus de la moitié des habitants au village roulent ainsi, surtout pour un deuxième véhicule ou scooter, ils ont à peine de quoi mettre un peu d’essence au réservoir et c’est tout. Evanthía n’a pas fait attention hier matin, son scooter a été fauché par la camionnette que le voisin Nikos venait tout juste de démarrer pour se rendre à ses champs. Evanthía, d’abord secourue par le médecin de campagne et le pharmacien du village, elle a été transférée à l’hôpital du chef-lieu, puis opérée d’urgence. Fractures aux pieds, ses jours ne sont pas en danger, la famille est soulagée, Nikos, leur voisin et ami l’est autant.

L’à peu près encore possible dans les campagnes ne demandera par des comptes à Evanthía, Nikos s’arrangera avec la famille, ceux de la Police locale fermeront les yeux devant la paupérisation qui les entoure et qui les concerne même, le système de Santé accepte encore pour l’instant que de soigner Evanthía dans l’urgence, sachant qu’elle n’est plus de la tribu des rescapés patentés de l’Assurance Maladie. Ailleurs, et surtout en milieu urbain, le régime antisocial, celui du génocide alors lent montre pourtant déjà toutes ses dents.

Retraité et vendeur… informel. Athènes, années dites de crise
Retraités et manifestants. Athènes, mars 2019 (presse grecque)
Retraités et manifestants. Athènes, mars 2019 (presse grecque)

Lorsque la criminalité explose un peu partout et que certains candidats des politiciens se vantent même d’avoir été condamnés pour escroquerie (voir ici mon billet du 23 mars au sujet du cas de Myrsíni Loḯzou), voilà que cette semaine, la Police interpelle Suzana Iliádou, femme âgée de 90 ans laquelle vend ses tricots sur le marché hebdomadaire dans son quartier de Thessalonique. Elle a été gardée au Commissariat durant près de 12 heures d’après le reportage, un policier l’a même sommé non sans ironie pour sa main tremblotante durant… la séance de l’empreinte digitale et de l’apposition sur un support de son doigt préalablement encré.

La scène filmée a été néanmoins été diffusée par les médias, et ce fut le scandale en Grèce. Les voisins de la vielle dame, désormais choquée et apeurée s’en chargent pour vendre ses tricots sitôt sur le marché hebdomadaire, tandis que la ridicule Ministre SYRIZA Papakósta (des Apostats, issue de la Nouvelle Démocratie), elle déclare que “l’amende infligée à la vielle dame s’élevant à 200€ est justifiée sauf qu’elle sera gelée”, presse grecque de la semaine. Entre-temps à Athènes, des retraités manifestent devant le Parlement pour la 125ème fois depuis le début de la dite crise en 2010, de la dignité certes mais alors totalement symbolique.

Temps supposés nouveaux, des quartiers d’Athènes se transformant en zones interdites pour les habitants sous l’emprise du dictat Airbnb, paupérisation à peine cachée par les terrasses des bistrots ou sinon à Tríkala, ville de Thessalie, cette image de la camera sur Internet d’un centre-ville plutôt déserté en temps normal dans la journée. D’après les statistiques et les reportages de la semaine, les revenus déclarés des Grecs poursuivent alors une chute continue, ceux des Indépendants atteignent même 26% comparés à ceux de 2015, presse grecque du moment.

Paupérisation. Athènes, années dites de crise
Athènes, quartier placé sous… l’emprise Airbnb. Mars 2019
Centre-ville de Tríkala déserté. Camera Internet, mars 2019

En règle générale la Grèce du pays réel est en train de s’appauvrir, et en même temps, le fait de se maintenir pour de nombreux foyers, ne tient qu’aux quelques revenus de plus, notamment informels. On claque alors les dents jusqu’au bout, d’après une enquête récente, seulement 0,7% de la population grecque adulte ayant entre 35 et 44 ans, a les dents sont en bonne santé, presse grecque, mars 2019. Sauve qui peut… alors canines comprise ! Au même moment, et d’après une enquête de OCDE citée cette semaine par la presse grecque, les Grecs considèrent que leurs impôts ne leur reviennent pas sous forme d’un État aux services dignes de ce nom, et ceci pour plus de 82% d’entre eux. Ils s’illustrent même en tête du tableau des mécontents, devant les Israéliens, les Mexicains et les Chiliens (les Français sont en milieu du classement avec… seulement 57% de mécontents).

Merveilleuse époque brisée… et autant empreinte de l’instinct de la casse. Une boutique à Athènes propose-t-elle à ses clients que de se défouler en cassant tant d’objets divers et variés, vaisselle, téléviseurs, téléphones entre autres. Ailleurs, ce sont les affiches mêmes vieillies qui promettent la lune, vantant tout le mérite des… “Prophètes”, surtout lorsqu’ils sont venus depuis les Antipodes bien entendu.

Antiquité on dirait Tardive. Une bonne partie des pays de la dite Union européenne et de leur état actuel, vus de 2019, apparaissent comme la répétition générale des premières années de la crise grecque. Une des pires ignominies de l’histoire contemporaine de la Grèce aura été certainement l’abominable chantage à la prétendue lutte contre la Troïka, exercé par les Syrizístes et par ceux du parti ANEL, les acquis visiblement de toutes les caisses globalistes. Époque des illusions. On se souviendra des politiciens d’alors et de toujours, on se souviendra même de ces illuminés improvisés et inconnus Place Sýntagma à Athènes, prêcher autant dans le vide. Seul on dirait… notre Hermès de Greek Crisis, dit parfois le Trismégiste n’a pas l’air de s’en inquiéter vraiment maintenant que tout devient alors plus clair.

Payer pour alors casser. Athènes, mars 2019
Nul n’est prophète dans son pays. Affiche de 2017, Athènes, mars 2019
Hermès de Greek Crisis. Athènes, mars 2019

Sur terre enclose, tout ce métaplasme incarné du monde politique s’agite encore devant les élections alors multiples et variées cette année, histoire de brasser de l’air pour recracher du néant. Temps et autant histoire dans un sens parallèle dont il est question chez André-Jean Festugière, comme nous l’avons déjà évoqué à travers ce blog, notamment à travers les pages de son “Épicure et ses dieux”, datant certes de 1946. Il renvoi dans son œuvre à cette (autre) mutation, entre l’époque des cités démocratiques (surtout Athènes) de la période classique, et celle des Empires, Macédonien d’abord, Hellénistiques ensuite et enfin Romain.

“L’homme, avec sa conscience propre et ses besoins spirituels, ne débordait pas le citoyen: il trouvait tout son épanouissement dans ses fonctions de citoyen. Comment ne pas s’apercevoir que, du jour où la cité grecque tombe du rang d’État autonome à celui de simple municipalité dans un État plus vaste (Empire), elle perd son âme? Elle reste un habitat, un cadre matériel: elle n’est plus un idéal. Il ne vaut plus la peine de vivre et de mourir pour elle. L’homme dès lors, n’a plus de support moral et spirituel. Beaucoup, à partir du IIIe siècle, s’expatrient, vont chercher travail et exploits dans les armées des Diadoques ou dans les colonies que ceux-ci ont fondées.”

“Bientôt, à Alexandrie d’Égypte, à Antioche de Syrie, à Séleucie sur le Tigre, à Éphèse, se créent des villes relativement énormes pour l’Antiquité (2 à 300.000 habitants) ; l’homme n’est plus encadré, soutenu, comme il l’était dans sa petite patrie où tout le monde se connaissait de père en fils. Il devient un numéro, comme l’homme moderne, par exemple à Londres ou à Paris. Il est seul, et il fait l’apprentissage de sa solitude. Comme va-t-il réagir ?” (André-Jean Festugière, “Épicure et ses dieux”, 1946).

Grecs et leurs Icônes. Thessalonique, fête nationale du 25 mars, presse grecque
Monsieur le Premier ministre… Thessalonique, fête nationale du 25 mars, presse grecque
Monsieur le Premier ministre… Thessalonique, fête nationale du 25 mars, presse grecque

Les peuples n’ont peut-être pas dir leur dernier mot. D’où d’ailleurs toute cette urgence. Durant leur fête nationale du 25 mars, les Grecs ont-ils encore brandi les Icônes de leur Christianisme Orthodoxe ainsi que leur drapeau. Ils ont également brandi certains messages, ces dernies, directement adressés au personnage politique indescriptible et alors maudit, incarné par la marionnette Aléxis Tsípras, acquis comme on sait parmi les acquis visiblement de toutes les caisses globalistes dont de celles de George Soros “lequel financerait SYRIZA et aussi la Nouvelle Démocratie” d’après certains journalistes, radio 90.1 FM, zone matinale du 29 mars 2019.

“Monsieur le Premier ministre. Vous m’avez traité d’ultra de l’extrême-droite, de populiste, de décérébré, d’idiot. Alors je vous renvoie ces qualificatifs dans la gueule.”

La trace digitale de Suzana Iliádou, femme âgée de 90 ans laquelle vendait ses tricots sur le marché hebdomadaire dans son quartier de Thessalonique ayant été visiblement jugée concluante… le pays peut alors “se réformer” davantage. Demain on ouvrira le champagne en compagnie des candidates bimboïdes aux pseudo-élections européennes SYRIZA et des autres partis dits politiques. On ouvrira accessoirement même les urnes pour alors compter l’incommensurable.

Sans la moindre surcharge cognitive… mais néanmoins partiellement alité car fatigué pour cause de pharyngite insistante, l’ethnologue de ce blog autant appauvri… ne manquera pas que de vous tenir informés, depuis ce pays sous la tempête, des bateaux qui ne seront plus arrimés au Pirée ou des avions qui se poseront enfin en Crète.

Chronique des humbles, comme d’ailleurs nouvelles de ma cousine Evanthía du village, elle va mieux ce soir et surtout, elle n’est pas seule, pour ne jamais faire ainsi l’apprentissage de sa solitude. Pharyngite… soutenue, sous le regard du jeune Hermès et de la très respectée Mimi de Greek Crisis.

Mimi de Greek Crisis. Athènes, mars 2019
* Photo de couverture: Illuminé improvisé. Place Sýntagma à Athènes années de crise

Temps Nouveaux La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Temps Nouveaux

Nuit de super Lune. Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses visiteurs. Les politiciens annoncent en cette période candidature sur candidature. Élections dites européennes, élections municipales et régionales en mai prochain, il y aura pour tout le monde. Tout ce que le pays compte en profiteurs inoccupés s’estiment avoir trouvé ici leur heure de gloire. Ceux de SYRIZA ont-ils même fait adopter une loi au “Parlement”, abrogeant l’incompatibilité entre le fait d’être député et en même temps candidat aux élections européennes. Tout cela, pour ainsi porter au “plus haut” possible, les Apostats Koundoura et Danelis, respectivement des partis ANEL et “To Potámi”. Toute Mafia a toujours fonctionné suivant ses codes, c’est bien connu.

Colonnes antiques. Athènes, mars 2019

L’amendement dont la nouvelle traverse aussitôt la presse de la Colonie, porte le nom “d’amendement Koundoura”, l’actuelle ministre du Tourisme et ancienne du parti ANEL, elle incarne de fait la figure emblématique des Apostats hétéroclites et en réalité hétéronomes, ayant permis à SYRIZA de poursuivre au “Parlement” avec une nouvelle majorité toute faite, depuis le retrait du parti ANEL du “gouvernement”.

Pendant que dans Athènes “Bon chic bon genre” des événements commerciaux ignorent ouvertement le pays réel, et qu’à deux pas de ce marketing de la dernière chance pour le méta-capitalisme des lycéens manifestent contre la énième reforme du ministère supposé de l’Éducation et qui n’est plus nationale de manière officielle sous les néo-Stasiens de SYRIZA, voilà que dans les autres quartiers de la capitale, on y vend partout le drapeau du pays, librairies comprises désormais, car la fête nationale c’est pour le 25 mars. Il faut dire que depuis l’affaire macédonienne et la trahison aux yeux des Grecs de la classe politique, SYRIZA en tête, il y aurait comme une coupure alors plus radicale que du temps des manifestations des Indignés… et de l’innocence politique.

Il y a ceux qui se sentent blessés de voir leur patrie disparaître au point de ne plus supporter le life-style ambiant, puis ceux, certes davantage visibles, pour qui, la vie se poursuivrait, surtout autour d’une tasse de café, même amer. La propagande européiste comme de Soros à la SYRIZA ou à la Nouvelle Démocratie entre tant d’autres nuisances politiques alors fabriquées pour durer, pourtant elle peine à faire valoir sa dichotomie, entre les prétendus “démocrates et les fascistes/populistes”, leur… mayonnaise ne prend plus.

Événement marketing. Athènes, mars 2019

Lycéens qui manifestent. Athènes, mars 2019

Drapeaux en vente devant une librairie. Athènes, mars 2019

Même les authentiques “populistes” et autant suiveurs de l’illuminé et escroc Artémis Sóras (à ne pas confondre avec Soros), n’ont été qu’une poignée devant le “Parlement” l’autre soir… en promotion de leur histoire bien drôle. Signe des temps, il y a en Grèce depuis quelques années une sorte de secte et mouvance politique, initiée par l’ancien marchand de voitures d’occasion Artémis Sóras en ces années dites de crise.

Sóras prétend détenir un grand nombre de titres américains et ottomans d’il y a un siècle, d’une valeur de 600 milliards d’euros capables d’effacer la dette grecque, sauf que “les politiques l’en empêchent”. Il attire ainsi certains citoyens paupérisés et endettés, lesquels, après avoir versé leur obole à la secte, se voient délivrer des… certificats de non-paiement de leurs dettes… s’appuyant sur la prétendue existence des titres de leur chef. La secte-parti, en dépit des démêlées avec la justice, espère pour autant en une présence et existence électorale. Tout ce que le pays compte en profiteurs inoccupés, ils s’estiment avoir trouvé ici ou là, leur heure de gloire.

La saison est pourtant belle, la presse publie en ce moment les photos depuis la région historique de la Macédoine grecque (52% du territoire de la Macédoine géographique), on y découvre les pêchers en fleur et qui enchante le printemps par sa floraison abondante et alors rose. Et c’est depuis cette même Macédoine grecque que les élus SYRIZA sont… autant haïs et pour tout dire “recherchés” par la population qui ne décolère alors pas. Ainsi Nikos Pappás, ministre et ami personnel de Tsípras, a dans un premier temps annulé sa visite de la ville de Véria, après avoir été pris à partie à Kilkis, où très exactement a-t-il présenté la politique du “gouvernement”… dans une salle quasi-vide. Il s’est finalement rendu à Véria, où il a été de nouveau pris à partie par ceux du pays réel, presse du 20 mars.

Notons que l’ex-Ministre de la Grèce du Nord (régions de Macédoine et de Thrace) et actuelle candidate SYRIZA pour la Mairie de Thessalonique, la… bimbo Notopoúlou, n’est autre que la fille de l’ex-compagne du père de Pappás, ce dernier, Stélios Pappás, il a été nommé en 2017 à la tête de la Régie des Transports de Thessalonique sous SYRIZA. Toute Mafia a toujours fonctionné suivant ses codes, c’est bien connu. Pauvre Colonie aux belles vitrines !

Ceux de l’escroc Sóras. Athènes, mars 2019

Pêchers en fleur, Macédoine grecque (photo de presse), Mars 2019

Nikos Pappás à Kilkis devant une salle vide. Mars 2019 (presse grecque)

Belle vitrine. Athènes, mars 2019

Nuit donc de super Lune. Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses visiteurs, nos animaux adespotes aussi. Le pays réel est pourtant sous terre, la désintégration de la société et des liens devient alors patente, les crimes et délits sont en augmentation constante. Surtout, certains crimes et qui se répètent, n’auraient pas été autant possibles avant ces dix années de la dite “crise” sous la Troïka, tout comme sous les multiples applications de l’ingénierie sociale. Rappelons que l’ingénierie sociale fait référence à des pratiques de manipulation psychologique à des fins d’escroquerie et de contrôle des populations.

Ces pratiques exploitent entre autres, les faiblesses psychologiques, sociales et plus largement organisationnelles pour permettre d’obtenir quelque chose des personnes ciblées, et déjà leur soumission, y compris par le chaos et par la perte des repères, comme celle des liens de la vie affective, sociale et culturelle. Ainsi, le dernier crime et drame en date ayant choqué la Grèce, c’est l’histoire tragique de cette mère de 40 ans, laquelle a jeté sa fille âgée de 4 ans du balcon du 5ème étage de l’immeuble où ils habitaient avant de se jeter à son tour. L’enfant est mort, sa mère aussi, la porte de leur appartement avait été verrouillée par la mère de l’intérieur, de manière à empêcher le retour du père lequel était absent pour quelques heures, presse grecque du 19 mars 2019.

Terrain psychologique au pays devenu territoire. Dans Athènes, les nouveautés courent les rues, à l’image de nombreuses femmes âgées se proposant pour faire du ménage. Et il y a encore ces jeunes… dynamiques, se proposant pour gérer des appartements loués à la journée aux touristes Airbnbiens, sans oublier les trottinettes électriques… Il y a de quoi on dirait révolutionner le siècle jusqu’à la prochaine nuit de super Lune en 2034.

Animal adespote. Athènes, mars 2019

Dame recherche à faire du ménage. Athènes, mars 2019

Confiez-nous la gestion locative d’appartements loués à la journée. Athènes, mars 2019

Trottinettes électriques. Athènes, mars 2019

Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses visiteurs. Sous l’Acropole… on rénove parfois également les demeures des animaux adespotes c’est-à-dire sans maître. Preuve s’il en est que les citoyens ont beau ne pas prendre une part active dans la vie politique, leur destinée concrète n’est en rien totalement diminuée. Les politiciens certes, ils annoncent en ce moment candidature sur candidature. Élections dites européennes, élections municipales et régionales en mai prochain et il y aura pour tout le monde sauf pour la Grèce. Tout ce que le pays compte en profiteurs inoccupés s’estiment avoir trouvé ici leur heure de gloire.

Autocollants pour le candidat SYRIZA Iliópoulos pour la mairie: “Pour tout recommencer à Athènes”, tracts du candidat Kassidiáris de l’Aube Dorée sur les pare-brises des autos: “Pour qu’Athènes puisse être nettoyée”, nous voilà… donc rassurés.

Sur l’île d’Hydra, la cathédrale historique vient d’être a été pillée et vandalisée, la relique même de Saint Constantin d’Hydra a été ouverte, les Hydriótes en sont choqués, presse du 20 mars 2019.

Rappelons que Saint Constantin, le néo-martyre d’Hydra avait été engagé comme serviteur par le gouverneur turc de l’île de Rhodes, et qu’il fut entraîné à renier sa foi chrétienne. Sa conscience le ramena au Christ et il voulut recevoir le baptême du martyre comme acte de repentir. Son père spirituel l’en dissuada et saint Constantin se retira au Mont-Athos au monastère d’Iviron. Il revint pourtant à Rhodes, confessa sa foi et, pour cela, il fut pendu en 1800, après avoir souffert la torture, ses restes ont été ramenés par la suite à Hydra par sa mère.

Athènes, candidature SYRIZA. Mars 2019

Athènes, candidature Aube Dorée. Mars 2019

Demeures… pour animaux adespotes rénovées. Athènes, mars 2019

Athènes et son Printemps, ses colonnades antiques, ses politiciens de la classe dirigeante finalement à peine hellénophone. Lorsqu’ils se font passer pour des liseurs, des érudits, et des penseurs, ils empruntent à droite ou à gauche des idées importées, à défaut d’être nécessairement d’importance. Il fut un temps SYRIZA ne jurait que par Slavoj Žižek, le philosophe slovène marxiste influencé par la psychanalyse de Lacan, et à présent Tsípras, propose à Mitsotákis de lire le livre de l’économiste français Serge Latouche “Vers une société d’abondance frugale : Contresens et controverses sur la décroissance”.

En guise de réponse, Mitsotákis, par journalistes interposés, propose à son tour à Tsípras de lire le livre de l’économiste britannique Paul Collier “The Future of Capitalism: Facing the New Anxieties” (“L’avenir du capitalisme – Face à de nouvelles préoccupations”) et comme le remarque une partie de la presse grecque, “Homère n’a visiblement plus sa place à travers le florilège des discours des politiciens… de l’éminente décadence. Ni Platon, ni Eschyle, ni même Aristote. Ces politiciens enfin que les Grecs font élire, ne lisent pas les auteurs de la Grèce, comme ils ne se soucient absolument pas des Grecs ni de leurs problèmes, comme d’ailleurs ils ne légifèrent pas pour les Grecs et ils ne se sentent pas responsables devant les Grecs”, presse du 20 mars 2019.

Heureusement que mon ami Olivier Delorme, écrivain et historien, lui il les lit, et pour nos lecteurs qui peuvent y assister, il donnera une conférence à Saint-Malo samedi prochain 23 mars, sur le thème: Grèce-Europe occidentale, échanges et malentendus, conférence proposée par le Cercle Hellénique de la Côte d’Émeraude, en partenariat avec la librairie “La Droguerie Marine”.

La conférence d’Olivier Delorme à Saint-Malo, le 23 mars

Animal adespote. Athènes, mars 2019

De conférence en conférence, nous finirons par mieux saisir les enjeux qui sont certes les nôtres, mais après ? Nos pays deviennent “le cadre d’un étrange théâtre, où le burlesque irresponsable côtoie le tragique involontaire”, comme l’écrit ailleurs et à sa manière Philippe Grasset.

“Alors, la lumière se fait, c’est-à-dire qu’elle éclaire enfin quelque chose. Je ne dis pas que Pascal en serait moins effrayé pour autant, mais enfin l’on peut prétendre que cette frayeur est justifiée et, elle au contraire, tout à fait compréhensible. Ainsi la France reprend-elle sa place parmi le ‘concert’ épouvantablement disharmonique et cacophonique des événements du monde. La France, en effet, est désormais et de ce fait entrée de plain-pied dans la globalisation (et non ‘mondialisation’) du monde. Catastrophique, indescriptible, absolument subvertie, plus basse qu’elle ne fut jamais, la France est pourtant l’un des épiphénomènes les plus remarquables et les plus originaux de cet ‘immense mouvement’ qu’est la Grande Crise de l’Effondrement du Système.”

“Vous comprenez qu’à ce point l’inconnaissance vous impose le silence du commentaire du tout-venant et que le commentaire réduit au silence rend compte enfin de l’essentiel, qui est bien l’impasse où il se trouve ; car derrière cette impasse, car il y a toujours quelque chose derrière une impasse, se manifestent avec discrétion mais sûreté d’eux-mêmes les premiers sons de l’harmonie, les premiers signes de l’équilibre et la perspective de l’ordre qu’il importe de retrouver, – plutôt recréer que restaurer, – comme l’on retrouve le rangement du monde après la catastrophe. Il suffit, comme l’Indien de nos jeunesses enfuies, de coller l’oreille au sol pour sentir encore plus qu’entendre le grondement des Temps Nouveaux.”

“Cela fera bien office de commentaire, après tout, – perdu et retrouvé.”

Perdus et retrouvés, tout comme nos animaux adespotes dans Athènes. La ville et son Printemps, ses colonnades antiques, ses pèlerins.

Animal adespote. Athènes, mars 2019

* Photo de couverture: Nuit de super Lune. Athènes, mars 2019

Les limites de l’âme La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Les limites de l’âme

Printemps enfin. Week-end prolongé pour cause de Carnaval et de Lundi Pur, moment inaugural du carême orthodoxe en ce 11 mars. Il est de tradition en Grèce de déguster les plats de la mer comme on aime les nommer. Surtout, c’est la première échappée alors massive pour les habitants des grandes villes. Les Athéniens quittent la ville par milliers, la classe moyenne ramenée à 30% de la population ne se laissera pas abattre… sans fête. Enfin, remâcher sur la politique c’est que du temps perdu parfois aux yeux des Grecs. Ce qui compte cette semaine, c’est reprendre goût aux choses, à certaines choses en tout cas. Le pays réel de promenoir en promenoir, unique Printemps du peuple.

Printemps. Athènes, mars 2019

Athènes accueille déjà ses touristes de l’avant-saison comme si de rien n’était. Pourtant c’est le moment, c’est l’heure où il devient possible de prendre toute la mesure de notre… Antiquité Tardive. L’affaiblissement du pays, son affaissement multiple, moral, social, économique et culturel, conduisant tout droit… vers la menace de sa diminution territoriale par la guerre sournoise et asymétrique, toujours en cours, telle est en tout cas l’idée la plus rependue depuis 2015 et pour cause.

L’inquiétude du “petit peuple” est toujours grande. Sa colère l’est aussi. Encore faut-il sans cesse revisiter le sens et la portée de cette rage, et autant impotence généralisées, devant le déferlement des événements internes comme externes au pays. Nouvelle Antiquité… tardive, mais on s’y habitue coûte que coûte, la rage est avalée à défaut d’être vomie, raison de plus pour si possible pour reprendre goût aux choses

La marionnette Tsípras s’accroche à son pseudo-pouvoir et finalement à son gagne-pain quotidien, sauf que de nombreux signaux clignotent ici ou là, pour indiquer que son progiciel arriverait bientôt à terme et qu’il sera remplacé par la marionnette Mitsotákis. Les Puissances, à savoir Berlin, Bruxelles, la Goldman Sachs, ainsi que José Manuel Barroso, insistent ouvertement pour que des élections législatives anticipées soient “décidées” entre mars et juin d’après la presse de la semaine. Bonne blague. Le rôle tragique (et obscur) pour lequel Tsípras aurait été préparé par les “élites” mondialisatrices, au demeurant bien avant l’arrivée au pouvoir de SYRIZA, semble ainsi s’accomplir entre 2015 et 2019. Nous y sommes, la période de Carnaval en plus.

Les Athéniens quittent la ville. Gare routière le 8 mars 2019 (presse grecque)
C’est l’heure où il devient possible. Athènes, mars 2019
Prendre toute la mesure… Hermès de Greek Crisis, Athènes, mars 2019

Je dirais au risque de la répétition, qu’il y aurait un parallèle à oser… entre notre “euro-historicité” et une certaine forme revisitée de… l’Antiquité tardive. Une période comme on sait cruciale et qui intéresse au plus haut point les historiens ayant d’abord vu en elle un temps de décadence, mais autant une période charnière entre Antiquité et le dit Moyen Âge. Oui, Moyen Âge techno féodal en vue, et nous rentrerions ainsi dans la nuit sans dieux, ni étoiles.

La marionnette Tsípras s’accroche pourtant à son pseudo-pouvoir et finalement à son gagne-pain quotidien, et voilà que ceux du “gouvernement” se déclarent désormais agacés par ces dessins de presse publiés depuis peu, au sujet précisément du personnage cynique, immoral et perfide d’Aléxis Tsípras. Arkas, caricaturiste célèbre en Grèce, vient d’inaugurer une série de dessins intitulée… “Années d’enfance d’un Premier ministre”, tandis que d’autres dessinateurs de presse vont jusqu’à faire de Tsípras le nouveau Néron. Il faut admettre que les mentalités très actuelles sont nettement de leur côté.

Tsípras, le voilà qui s’entoure des complices habituels, Tsiprettes comprises notamment lors de la journée du 8 mars. Tsípras dont la plupart des ministres et élus se il faut dire font copieusement huer en Macédoine grecque après l’accord Macédonien imposé par Berlin, Bruxelles et l’OTAN, et que les Grecs n’en veulent pas à près de 80%, Tsípras enfin, dont le gouvernement use et abuse des arrestations et interpellations dites “préventives” et en dehors de tout cadre juridique avant toute apparition Syrizíste et officielle, surtout en Grèce du Nord. Du jamais vu depuis le temps des Colonels, sans oublier le nouveau redécoupage des circonscriptions à quelques mois ou semaines des élections législatives, les entorses légalisées ainsi imposées au non-cumul des mandas pour que certains Apostats, élus et ministres issus du parti ANEL (ayant quitté le gouvernement il y a peu) puissent figurer désormais sur les listes SYRIZA, aux élections dites “européennes” comprises.

Antiquité tardive (et alors finale ?) dans un sens. Époque charnière, suffisamment perceptible par exemple depuis Athènes. Où en sommes-nous ?

Tsípras et les.. Tsiprettes. Athènes, le 8 mai (photo Eurokinissi)
Arkas, ‘Années d’enfance d’un Premier ministre’. Athènes, mars 2019
Tsípras en Néron. Quotidien ‘Kathimeriní’, le 5 mars
Arrestations préventives. Quotidien ‘Kathimeriní’ du 5 mars

Dans la vraie vie on discute aux cafés et les sujets dits de société ne manquent pas. Il y a ainsi le cas de Nikos Georgiádis, ancien député Nouvelle Démocratie et conseiller de Mitsotákis il n’y a pas encore si longtemps. Nikos Georgiádis vient d’être condamné (détention avec sursis) pour crime sexuel commis sur mineur, presse grecque du 26 février. Le criminel Georgiádis se rendait ainsi en Moldavie et moyennant 75€ chaque fois, il “achetait la compagnie sexuelle de garçons mineurs de plus de 15 ans, et il n’a pas été interpelé en Moldavie car il y faisait usage de son vrai passeport diplomatique”, d’après le reportage depuis la salle d’audience.

Comme le remarque donc une bonne partie de la presse, il n’a pas été condamné pour pédophilie et il n’a pas été incarcéré non plus. “Le problème n’est pas Georgiádis et sa petite personne. Le problème c’est ce ramassis d’individus qui… de droit divin se croient tout permis, tout comme de pouvoir tout justifier, et lorsque cela leur devient alors injustifiable, de se lancer dans l’attaque et même d’exiger des comptes aux autres.”

“Individus issus de bonnes familles, diplômés d’écoles privées et de collèges onéreux, cadres supérieurs avant même leur service militaire, gens autoproclamés excellents, cosmopolites qui ‘enseignent’ aux mortels ordinaires le besoin d’être pauvres, sauf qu’ils vivent eux, dans l’opulence. Nikos Georgiádis est l’un d’entre eux. Ainsi, la solidarité provocante de la Nouvelle Démocratie et de certains médias proches, envers Nikos Georgiádis s’appuie-t-elle très exactement sur ce même postulat. ‘Ceux de l’élite’ ont bien entendu le droit de faire ce qu’ils veulent et de ne jamais payer la note. Si par malheur ils sont pris la main dans le sac, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour les faire passer comme victimes ou à défaut, comme simples témoins”, presse grecque du 3 mars 2019.

Hiver finissant. Athènes, février 2019
Au café. Athènes, années dites de crise 2010-2019
Dystopie littéraire à Paris. Février 2019

Criminels, déviants et malades mentaux, souvent au pouvoir, et aussi secrets de polichinelle, en Grèce comme ailleurs. Il va de soi que l’alcoolisme de Jean-Claude Juncker ou de Nikos Anastasiádis, Président de la République de Chypre, ainsi que “le présumé traitement en psychotropes dont bénéficierait Aléxis Tsípras” (journaliste Trángas, radio 90.1 FM, février et mars 2019), ne seraient que les broutilles visibles de l’iceberg. Oui, pendant que ceux des… “classes dangereuses” fument alors des clopes et roulent au diesel, les “élites” auront complètement et depuis longtemps déjanté, sauf que le presque silence médiatique doit les couvrir, voire même, les défendre contre toute logique et contre toute morale.

Visiblement, et comme l’avait suggéré en bien d’autres circonstances un grand écrivain français en 1945, “quand on s’occupe trop de son peuple, on finit toujours par injurier en lui l’humanité entière, on lui prête tout le mal qu’on pense des hommes”. Nous voilà en 2019, et la déviance au pouvoir rêve de transhumanisme, autant que de la disparition physique des classes laborieuses désormais sans travail, en passant par le post sexualisme et sa recherche de l’élimination volontaire du genre dans l’espèce humaine.

Au Carnaval de Patras cette année, la dite élite est représentée sous une forme teratomorphique, dévorant les sociétés, les droits des citoyens et des travailleurs, l’économie réelle, disloquant par la même occasion nations et patries. Et c’est ce même obscurantisme à la Sóros et à la Tsípras, lequel sur l’île de Lesbos pourtant habitée par une population à 100% grecque et chrétienne, n’autorise plus que d’ériger la Croix sur une plage comme toujours depuis que Lesbos a été libérée du joug ottoman en 1912, officiellement “pour ne pas alors heurter la sensibilité des migrants”, lesquels arrivent comme on sait de manière programmée et organisée et autant tragique par la mer et par la… grâce des dieux des élites, celles qui comme on sait, elles ont détruit un maximum de pays dans un minimum de temps.

Camion dont un pneu a déjanté. Athènes, mars 2019
La Croix à Lesbos. Presse grecque, février 2019
Peuples et droits dévorés. Carnaval de Patras, mars 2019 (presse grecque)

Notons que le Transhumanisme c’est le dernier rejeton des Lumières, après le Capitalisme et le Socialisme, en passant par la bien fausse idée du prétendu Progrès. Nous songeons ainsi à Cornelius Castoriádis, pour qui, “dans l’histoire, nous l’avons vu, la seule constante est un progrès dans les moyens de la puissance – de la production et de la destruction, et la lutte entre ceux qui possèdent cette puissance (…) Et malgré ce que croyait Kant, malgré ce qu’on a cru en Occident entre le XVIIe et le XXe siècle, l’Aufklärung, les Lumières ne sont pas un point de passage obligé pour l’humanité toute entière, nous n’avons pas affaire à une tendance immanente de l’histoire humaine”, Cornelius Castoriádis, “Thucydide, la force et le droit” (enseignements des années 1984-1985).

Cornelius Castoriádis, lui et son esprit si vif ; Cornelius Castoriádis et autant tout le symbole de l’olivier sur sa tombe, et bien entendu Héraclite. “Les limites de l’âme tu ne les découvriras pas, même si tu parcours tout le chemin, tellement son logos est profond.” Cornelius parti en 1997 n’aura pas eu le temps d’apercevoir toute cette accélération bien actuelle dans le faux progrès. Mon ami Lákis qui fut l’ami de Cornelius me disait que Castoriádis aurait été profondément outré de notre époque, et il l’était suffisamment déjà de la sienne.

Finance, crises, austérité, géopolitique, guerre alors totale mais hybride, sont de notre temps. L’expérience grecque ainsi que l’analyse qui est celle de ce pauvre blog depuis ses débuts en 2011, c’est que l’austérité (euphémisme en toute évidence qui cache une réalité bien plus apocalyptique), la prise du contrôle total du pays (et des pays) par la finance et les forces hétéronomes et étrangères, des institutions, des mentalités (mécanique sociale), l’annulation (dans les faits) de la Constitution, la marionnettisation surpassant le ridicule de la classe politique (en réalité apolitique), la fin des droits sociaux, la mise en cause de l’histoire, de la culture et des frontières même du pays par “sa propre” classe politique, ce n’est qu’une palier dans cette guerre asymétrique que les pays, nations et sociétés subissent… au risque de disparaître même complètement… en succombant, à défaut de résister.

La sépulture de Cornelius Castoriádis. Paris, mars 2019
Héraclite chez Cornelius Castoriádis. Paris, mars 2019
L’expérience… grecque. Années de crise, 2010-2019

Et lorsque cette mainmise sur les ressources, sur les cultures, sur les populations, sur les mentalités atteint le niveau visé (par certains pays supposés grands et pas la dite élite mondialisatrice pour qui les petits gens ne sont que “de la vermine”, c’est bien connu), eh bien, il ne restera que le chaos provoqué, comme provoquant. Plus évidemment la guerre tout court… faite par d’autres moyens.

Les Grecs l’ont si bien compris qu’ils ne manifesteront plus jamais nous semble-t-il, à l’appel des partis de gauche ou des syndicats. Désormais et en tout cas pour l’instant, ce sont les questions identitaires, celles liées à l’ultime existence ainsi acculée, qui véhiculent, véhiculeront et canaliseront l’immense douleur des années troïkannes, ce que les grands rassemblements motivés par la question Macédonienne ont déjà prouvé, à Thessalonique à Athènes et partout ailleurs en Grèce.

Tout est chamboulé en même temps et tout se mélange dans les réactions. On se souviendra par exemple que sous le règne de Théodose la fiscalité se durcit encore, provoquant des révoltes et que les revenus de la “res privata” furent dévolus aux immenses besoins de l’État. On se souviendra autant de la dégradation du statut du citoyen, allant jusqu’à son abolition de fait et le rapprochement entre le statut d’emploi forcé des ouvriers et la condition d’esclaves, alors qu’ils étaient en théorie des citoyens. En fin de compte, je dirais que le monde de l’Antiquité tardive… expérimenta aussi un autre temps… d’asymétrie, et cela (autant) jusqu’au bout !

Sur Internet enfin, des clichés circulent depuis la Hongrie sous Orban, et on y découvre ces photos en grand, dénonçant la politique subversive de Soros et de Juncker. Europe alors plurielle, et sur les murs d’un bistrot en mer Égée, on préfère y accrocher ces traces encore palpables de la période italienne des îles du Dodécanèse. Les anciens s’en souviennent toujours, et c’était surtout le temps de leur enfance.

De la politique de Soros et de Juncker. Hongrie 2019, Internet grec et européen
Athènes au quotidien. Mars 2019
Mémoire italienne. Dodécanèse, années 2010-2019

Pourtant, la dimension sociale, voire celle de classe elle y est, et alors entière. La directrice locale d’un établissement appartenant à une enseigne grecque de supermarché, a récemment adressé un courrier à “ses” employés, courrier dont le contenu a pu être divulgué aussitôt dans la presse. “Vous devriez sourire aux clients car même ceux qui parmi vous gagnent 300€ par mois, ils doivent se rendre compte des réalités: 300€ c’est 300% de plus… que zéro”, presse grecque du 5 mars 2019. Bien entendu, devant le scandale et l’indignation provoqués depuis, cette directrice… présentée comme étant particulièrement locale, elle a été licenciée en pur marketing alors d’urgence, presse grecque du 8 mars. C’est bien connu, les fusibles ne sont pas eternels, contrairement aux inégalités, aux injustices et aux autres rapports de force.

Temps anciens et temps nouveaux… visiblement entremêlés. La presse s’en occupe à sa manière, lorsqu’elle ne s’attarde pas sur les belles prises des caïques de l’Égée, ou sur les repas de fête chez les moines du Mont-Athos, justement pour ne pas remâcher sur la politique. Temps dont il est question chez André-Jean Festugière, et notamment à travers les pages de son “Épicure et ses dieux”, datant certes de 1946. Il renvoi dans son œuvre à cette (autre) mutation, entre l’époque des cités démocratiques (surtout Athènes) de la période classique, et celle des Empires, Macédonien d’abord, Hellénistiques ensuite et enfin Romain. Un choc… ayant fini par être bien gobé chez le commun des mortels.

“L’homme, avec sa conscience propre et ses besoins spirituels, ne débordait pas le citoyen: il trouvait tout son épanouissement dans ses fonctions de citoyen. Comment ne pas s’apercevoir que, du jour où la cité grecque tombe du rang d’État autonome à celui de simple municipalité dans un État plus vaste (Empire), elle perd son âme? Elle reste un habitat, un cadre matériel: elle n’est plus un idéal. Il ne vaut plus la peine de vivre et de mourir pour elle. L’homme dès lors, n’a plus de support moral et spirituel. Beaucoup, à partir du IIIe siècle, s’expatrient, vont chercher travail et exploits dans les armées des Diadoques ou dans les colonies que ceux-ci ont fondées. Bientôt, à Alexandrie d’Égypte, à Antioche de Syrie, à Séleucie sur le Tigre, à Éphèse, se créent des villes relativement énormes pour l’Antiquité (2 à 300.000 habitants) ; l’homme n’est plus encadré, soutenu, comme il l’était dans sa petite patrie où tout le monde se connaissait de père en fils. Il devient un numéro, comme l’homme moderne, par exemple à Londres ou à Paris. Il est seul, et il fait l’apprentissage de sa solitude. Comme va-t-il réagir ?” (André-Jean Festugière, “Épicure et ses dieux”, 1946).

Caïque et sa belle prise. Presse grecque, mars 2019
Repas de fête au Mont-Athos. Presse grecque, mars 2019

Le pays, désormais simple colonie dans un État plus vaste, l’Empire européiste, perd son âme, jusqu’à la preuve du contraire. Au final, il reste certes un habitat, un cadre matériel, plus Airbnb bien entendu. Ce pays des citoyens n’est plus un idéal et l’homme n’est plus encadré, soutenu, comme il l’était dans sa petite patrie.

Il devient un numéro, comme l’homme moderne… en week-end prolongé pour cause de Carnaval, surtout au moment de la première échappée alors massive pour les habitants des grandes villes en ce Printemps 2019. Enfin, remâcher sur la politique c’est que du temps perdu paraît-il actuellement. Ce qui compte cette semaine c’est reprendre goût aux choses, à certaines choses en tout cas. Le pays réel, de promenoir en promenoir en cet unique et peut-être inique… Printemps du peuple.

Il y a certes de quoi parfois être las de la politique. Comme l’avait suggéré au sujet du politique mais en bien d’autres circonstances un grand écrivain français, “dans cette sphère, ce que nous appelons la sottise humaine éclate avec une satisfaction monstrueuse.”

Pas d’échappée donc cette année pour Greek Crisis en ce week-end prolongé. Frugalité obligatoire, pourtant digne, en ce moment inaugural du carême orthodoxe. Livres et alors relectures. C’est d’ailleurs le moment, c’est l’heure où il devient possible de prendre toute la mesure de notre… Antiquité Tardive, ainsi que dans un sens, toute la mesure des limites de l’âme.

En compagnie bien entendu de Mimi et du jeune Hermès, dit parfois le Trismégiste.

Hermès de Greek Crisis… le Trismégiste. Athènes, mars 2019

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