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Dix ans après la crise, les financiers se portent toujours bien, les autres beaucoup moins

 15 septembre par CADTM Belgique

Action du collectif ByebyeTina du 15 septembre 2018 devant la Bourse de Bruxelles – Photo Collectif Krasnyi

Il y a dix ans, le 15 septembre 2008, Lehman Brothers s’effondrait. Cette faillite retentissante marquait le déclenchement d’une crise financière et économique aux contours encore obscures et dont la sortie semble encore fort éloignée. Par la suite, d’autres faillites se sont succédé, des faillites gérées par la plupart par des États selon le fameux principe de socialisation des pertes, un mantra toujours d’actualité. Sans réelles poursuites des responsables, sans réelles conditions pour la suite. Dix ans après, les dettes globales, privées et publiques, sont plus élevées qu’en 2008 et ne sont pas moins risquées malgré les annonces optimistes des « responsables » politiques. Les populations se saignent aux quatre veines, à coup d’augmentations d’impôts et de coupes budgétaires dans des services publics pourtant essentiels, pour rembourser des dettes responsables de l’austérité qu’on leur impose.

Un monde vulnérable aux secousses financières

Les causes structurelles de la débâcle de 2008 sont toujours présentes. Rien n’a été accompli pour réglementer sérieusement les activités spéculatives, l’utilisation des dérivés ou même pour limiter l’effet de levier pratiqué par les banques (celles-ci ont très peu de fonds propres par rapport à tous les crédits qu’elles octroient). Aucune démarche non plus pour protéger nos dépôts des activités de trading à haute fréquence, pour assainir profondément le bilan des banques ou pour en diminuer radicalement la taille.

Tout le monde ne pâtit pas de la crise de la même façon. En 2015, on découvre ainsi que le FMI fait 2,5 milliards d’euros de profits sur ses prêts à la Grèce depuis 2010 [1]. Plus récemment, on apprend que la BCE, via son programme d’assouplissement quantitatif (en anglais QE – quantitative easing), a réalisé 7,8 milliards d’euros de bénéfices grâce aux titres grecs [2]. Rappelons que cette politique d’assouplissement quantitatif a permis aux grandes banques européennes de se débarrasser des bonds d’États en difficulté sans tenir compte de leurs pratiques spéculatives. Hormis quelques rares banquiers jugés au pénal en Islande, les cadres supérieurs du système financier, celui même qui a engendré cette crise financière transformée en une grave crise sociale dans toute l’Europe, sont restés impunis (les deux tiers des cadres de Lehman se sont d’ailleurs recyclés dans d’autres grandes banques).

Par ailleurs, la diminution des taux d’intérêt dans les économies dites « avancées », provoquée par l’injection massive d’argent de la part des banques centrales des pays riches, a poussé les investisseurs à prêter massivement aux pays du Sud. Environ 12 000 milliards de dollars ont été injectés dans le système financier depuis l’effondrement de Lehman Brothers [3].

Ces flux financiers ont provoqué une augmentation de la dette externe de ces pays libellée en dollars, une dépendance économique accrue vis-à-vis des créanciers occidentaux avec, in fine, le risque d’une nouvelle crise de la dette dans les pays appauvris.

L’augmentation des taux d’intérêt déjà à l’œuvre aux États-Unis détourne aujourd’hui l’attention des investisseurs des économies du Sud à vers les économies du Nord et en particulier vers les États-Unis. Le danger pour les pays du Sud deviendra plus important encore avec l’arrêt du programme du QE de la BCE et de la FED prévu depuis longtemps mais repoussé plusieurs fois vu les risques qu’il fait peser de tous les côtés. Leurs dettes en devises fortes, déjà difficilement soutenables, deviendront insurmontables. Sans doute le FMI, l’éternel pompier pyromane, viendra t-il à la rescousse tel un prêteur en dernier ressort ?

Le recours à l’endettement est devenu la règle plutôt que l’exception

La dette globale sans tenir compte de la dette des entreprises financières (principalement du secteur bancaire) est passé de 97 000 milliards au début de la crise en 2007 à 169 000 milliards de dollars au milieu de l’année 2017, soit une augmentation de 74 % [4]. Les entreprises privées non financières ont poursuivi le recours à l’emprunt de manière intensive et leur dette est passée de 37 000 milliards de dollars à 65 000 milliards de dollars mi 2017. Cette augmentation faramineuse est en grande partie due aux entreprises chinoises, désormais parmi les acteurs les plus importants du panorama global, dont la dette a augmenté de 15 000 milliards de dollars depuis 2007. En pourcentage du PIB, celle-ci est passée de 97 % à 163 % du PIB chinois en 2017, l’un des ratios les plus élevés au monde.

Aux États-Unis, la dette des étudiant-e-s a plus que doublé durant ces dix années de crise : de 600 milliards de dollars il y a dix ans, elle dépasse dorénavant les 1 500 milliards de dollars début 2018. La financiarisation de l’accès aux études représente une bulle spéculative susceptible d’exploser.

Les droits sociaux dépouillés par l’austérité

Alors que les banques et assurances ont été en grande partie recapitalisées par les États, les populations, elles, n’en ont pas fini de payer. Mais pourquoi les peuples devraient se priver de leurs droits fondamentaux pour des faillites privées dont la responsabilité incombe à leurs dirigeants et aux agences en charge de leur contrôle ? Pourquoi les laisserait-on répéter encore les mêmes erreurs ?

Alors que les grandes plus entreprises payent de moins en moins d’impôts, une diminution importante des services publics et une casse de la sécurité sociale ont contribué à l’émergence d’une crise sociale réelle. En Grèce, une récente étude universitaire a démontré les liens évidents entre mesures d’austérité et accroissement spectaculaire du taux de mortalité dans le pays, un taux dont la croissance a dépassé de cinq fois celle de la moyenne européenne durant la même période. [5] De plus, les États européens dans l’application des mesures d’austérité, n’hésitent à diminuer l’accès aux soins, à réduire le plafond du salaire minimum, à démanteler les droits des travailleurs, les allocations sociales, etc. alors que le taux de chômage ne finit pas d’augmenter. De plus, l’âge de la retraite a été retardé et le montant des pensions largement réduit, alors que dans certains pays ces revenus représentent la seule chance de survie de milliers de ménages.

Dettes liées à l’hypothèque

Le droit au logement est plus que jamais menacé par cette crise. L’insolvabilité des ménages (dont les moyens ont été diminués et les frais augmentés) a eu des conséquences sur le droit fondamental que constitue l’accès au logement. Les milliers de ménages qui ne pouvaient pas rembourser leurs prêts, se sont retrouvés attaqués par les banques à coups de ventes aux enchères ou d’expulsions. En Espagne, on estime à 800 000 les familles qui ont perdu leur logement pour cause d’insolvabilité alors qu’au même moment, le gouvernement grec s’est engagé face à ses créanciers à vendre aux enchères 135 000 logements d’ici 2021.

Une décennie d’approfondissement des inégalités
Les entreprises privées contribuent de moins en moins à renflouer l’État via l’impôt sur les sociétés qui leur est attribué. En effet, quand les capitaux ne s’évadent pas dans les paradis fiscaux, ils sont, en toute légalité, de moins en moins taxés. Cette baisse de contribution des entreprises équivaut à un manque à gagner pour l’État qui à son tour est obligé de s’endetter. Un rapport publié mercredi 5 septembre par l’OCDE, nous apprend que « le taux moyen de l’impôt sur les sociétés dans la zone OCDE a reculé de 32,5 % en 2000 à 23,9 % en 2018 ». Parmi les dernières mesures en date, les États-Unis ont approuvé l’année dernière une forte chute du taux d’imposition des entreprises qui est passé de 35 à 21 % et la France prévoit d’abaisser progressivement l’impôt sur les sociétés de 33 à 25 % pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron.
Action du collectif ByebyeTina du 15 septembre 2018 devant la Bourse de Bruxelles – Photo Collectif Krasnyi

Moins ponctionnées, ces sociétés engrangent des profits faramineux. Au niveau mondial, les dividendes qu’elles versent à leurs actionnaires ont atteint le niveau record de 244,7 milliards de dollars au premier trimestre 2018. Oxfam nous rappelle que ce vol organisé se déroule dans un monde toujours plus injuste où seules 62 personnes possèdent autant que la moitié de la population mondiale.

Face à ce délabrement persistant de la finance dérégulée, à l’heure où se profile une nouvelle crise financière, nous continuons de nous mobiliser. Nous soutenons le mouvement « Byebyetina » à Bruxelles et à Liège ainsi que la mobilisation européenne pour fêter à sa manière les 10 ans de la crise : actions de rue, manifestations, conférences, débats pour notre avenir à tous et toutes. Seule la conscientisation de la population peut la mobiliser face aux injustices.

Cet article a été publié (dans sa version courte) pour la première fois sur Politis

Notes

[4Données extraites de l’étude Rising Corporate debt, Peril or promise ?, McKinsey Global Institute, juin 2018.

Source http://www.cadtm.org/10-ans-apres-l-eclatement-de-la-crise-les-financiers-se-portent-bien-les

Bien vivre au travail : une utopie

Le collectif Grèce-austérité vous signale cette conférence.

Au fil des années, la souffrance au travail apparaît au grand jour : augmentation des cadences, insatisfaction des travailleurs dans l’application de leurs tâches à cause des conditions de travail, comme c’est le cas des infirmières.
Par ailleurs, le travail est de plus en plus atomisé : il est de plus en plus individualisé, autonomisé. Les entreprises ont de plus en plus recours à la sous-traitance et aux auto-entrepreneurs.

Que faire ? Ne faut-il pas chercher à organiser autrement le travail afin de donner un sens à celui-ci et un rôle à chacun des acteurs ? Ne faut-il pas lutter contre la hiérarchie ? Ne faut-il pas développer d’autres structures de travail que l’entreprise privée, comme les coopératives ?

Pour discuter de ces questions, Ensemble-Isère
vous invite à une conférence-débat
mardi 25 septembre à 19h30
à la Maison des Associations de Grenoble

Suite à des témoignages, Benoît Borrits auteur de « Au-delà de la propriété, Pour une économie des communs » décrira une économie basée sur le principe du Commun pour en déterminer les incidences sur le contenu même du travail

Situation dramatique sur l’ile de Lesbos

2 articles : (1) Des enfants tentent de se suicider dans le camp de Moria en Grèce  et Migrants (2) Les journalistes en grève à Lesbos

MSF : des enfants tentent de se suicider dans le camp de Moria en Grèce : Par  Wesley Dockery Naser Ahmadi

Le camp de réfugiés de Moria sur l’île grecque de Lesbos a été à plusieurs reprises au centre de la crise migratoire européenne, mais les conditions de vie désastreuses semblent s’être encore détériorées. Luca Fontana, co-coordinateur des opérations de Médecins sans frontières (MSF) sur l’île, raconte notamment à InfoMigrants le désespoir des jeunes demandeurs d’asile.

Surpeuplement. Violence. Saleté. Ce ne sont là que quelques-uns des mots utilisés pour décrire le camp de migrants de Moria, en Grèce, à Lesbos. Dans une interview accordée à InfoMigrants, Luca Fontana, le co-coordinateur des opérations sur l’île pour MSF, a déclaré que des enfants y tentent même de mettre fin à leurs jours. « Il y a des enfants qui essaient de se faire du mal ainsi que des enfants qui ne peuvent pas dormir à cause d’idées suicidaires », explique-t-il. Ces enfants sont souvent traumatisés par les conflits qu’ils ont connus dans leur pays d’origine. Et les mauvaises conditions de vie dans le camp de Moria, qu’il décrit comme une  » jungle « , ne font qu’aggraver leur situation.

Manque d’accès aux soins de santé mentale

« Nous dirigeons un programme de santé mentale pour les enfants, avec des groupes de thérapie et des consultations pour les cas les plus graves », raconte-t-il. « Mais le problème est qu’il n’y a pas de psychologue ou de psychiatre pour enfants sur l’île : ils n’ont donc pas accès aux soins médicaux parce qu’ils ne sont pas transférés à Athènes pour y recevoir des soins spécialisés. »

La clinique de santé mentale de MSF est située à Mytilene, la capitale de Lesbos, et l’organisation est la seule ONG qui fournit des soins psychologiques à la population migrante de l’île. A la clinique, les enfants dessinent pour exorciser les traumatismes qu’ils ont subis dans leur pays, pendant l’exil ou en Europe.

Les demandeurs d’asile sur l’île ont fui la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak, le Soudan et le Congo, des pays où la guerre est souvent une réalité quotidienne.

Bien qu’il y ait eu des tentatives de suicide, aucune n’a abouti, précise Luca Fontana.

Les temps d’attente pour les services de base sont longs, les conditions de vie « horribles » 

Les migrants doivent attendre longtemps avant d’obtenir des soins médicaux, car le camp est surpeuplé. La capacité d’accueil est de 3 000 personnes, mais ils sont plus du triple, dont beaucoup vivent dans des tentes. Surtout, près de 3 000 occupants sont des enfants.

A Moria, il y a très peu de toilettes – environ 1 toilette pour 50 à 60 personnes. Les migrants reçoivent trois repas par jour, mais l’attente est longue. « Ils faut parfois attendre trois heures par repas. Les gens doivent se battre pour la nourriture et les services médicaux. »

En juillet, MSF a lancé sur son site web plusieurs demandes d’aide urgentes. L’ONG souhaite que les personnes vulnérables soient déplacées vers des logements plus sûrs, pour « décongestionner le camp ».

Source http://www.infomigrants.net/fr/post/11769/msf-des-enfants-tentent-de-se-suicider-dans-le-camp-de-moria-en-grece

et le commentaire de Vicky Skoumbi : …En effet le camp de Moria est plus que surpeuplé,  avec 8.750 résidents actuellement pour à peine 3.000 places, chiffre assez large car selon d’autres estimations la capacité d’accueil du camp ne dépasse pas les 2.100 places. Selon le Journal de Rédacteurs,(Efimerida ton Syntakton) 

http://www.efsyn.gr/arthro/30-meres-prothesmia

Il y a déjà une liste de 1.500 personnes qui auraient dû être transférés au continent, à titre de vulnérabilité ou comme ayant droit à l’asile,mais ils restent coincés là faute de place aux structures d’accueil sur  la Grèce continentale. Les trois derniers jours 500 nouveaux arrivants se sont ajoutés à la population du camp. La plan de décongestion du camp du Ministère de l’immigration est rendu caduc par les arrivées massives pendant l’été. 

La situation sanitaire y est effrayante avec des eaux usées qui coulent à ciel ouvert au milieu du camp,  avant de rejoindre un torrent qui débouche à  la mer. Le dernier rapport du service sanitaire,  qui juge le  lieu impropre et constituant un danger pour la santé publique et l ‘ environnement,  constate non seulement le surpeuplement,  mais aussi la présence des eaux stagnantes, des véritables viviers pour toute sorte d’insectes et de rongeurs et bien sûr l’absence d’un nombre proportionnel à la population de structures sanitaires. En s’appuyant sur ce rapport,  la présidente de la région menace de fermer le camp si des mesures  nécessaires pour la reconstruction du réseau d’eaux usées ne sont pas prises d’ici 30 jours.  Le geste de la  présidente de la Région est tout sauf humanitaire,  et il s’inscrit très probablement dans une agenda xénophobe, d’autant plus qu’elle ne  propose aucune solution alternative pour l’hébergement de 9,000 personnes actuellement à Moria. N’empêche les problèmes sanitaires sont énormes et bien réels,  le surpeuplement aussi,  et les conditions de vie si effrayantes qu’on dirait qu’elles ont une fonction punitive. Rendons- leur la vie impossible pour qu’ils ne pensent plus venir en Europe…

Ouvrez les îles maintenant ! Et je dirais même,  ouvrez -les hier, avant qu’il ne soit trop tard

Malheureusement la campagne lancée il y a un an reste plus que jamais actuelle

https://opentheislands.wordpress.com/2017/10/11/open-the-islands-no-more-dead-from-cold/


Migrants : les journalistes en grève à Lesbos

Grèce. Suite à des violences d’extrême-droite, les journalistes ont décidé de faire grève et de ne plus couvrir l’île de Lesbos, porte d’entrée migratoire en Grèce.

13.09.2018

L’île grecque de Lesbos était privée jeudi de médias locaux du fait d’une grève des journalistes contre des violences d’extrême droite les visant, sur fond de tensions alimentées par le confinement sur l’île de plus de 10’000 exilés.

L’appel au débrayage de 24 heures intervient alors qu’un homme devait être jugé dans la journée pour «diffamation» et «injures» après une plainte d’une journaliste à laquelle il s’en était pris sur les réseaux sociaux.

Devant le tribunal

Le tribunal de Mytilène, chef-lieu de Lesbos, a finalement décidé de suspendre l’audience jusqu’au 22 janvier, après un recours de l’accusé qui a invoqué des raisons de santé.

La plaignante, Anthi Pazianou, du cas de laquelle s’est saisie le Conseil de l’Europe, avait dénoncé une attaque contre une fillette de neuf ans, prise à tort par ses agresseurs pour une réfugiée.

Harcelement

Mais le cas de Mme Pazianou, qui travaille pour plusieurs organes de presse dont l’AFP, n’est le seul sur l’île, où d’autres collègues ont eu maille à partir avec des militants d’extrême droite, et de tels cas de harcèlements et violences sont déjà rapportés depuis plus d’un an, selon le syndicat local des journalistes.

Dans son appel à la grève, celui-ci met en avant «les conditions dangereuses dans lesquelles s’exerce le travail journalistique à Lesbos et les menaces émanant d’éléments extrémistes pour imposer une censure».

Xénophobie

Si elles restent minoritaires sur cette île qui compte près de 90’000 habitants, les mobilisations xénophobes s’y sont multipliées face au confinement sur place de plus de 10’000 réfugiés et migrants qui continuent d’affluer depuis les côtes turques proches. En principe voués au renvoi en Turquie, mais en pratique éligibles pour beaucoup d’entre eux à l’asile en Grèce, ces exilés attendent des mois sur place une décision sur leur sort.

Dans le principal camp migratoire de l’île, à Moria, d’une capacité de 3100 places, plus de 8000 d’entre eux s’entassent dans des conditions dénoncées par toutes les parties prenantes, du personnel au Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés (UNHCR).

Dernier cri d’alarme en date, 19 ONG, dont Oxfam, Caritas et Terre des Hommes, ont réclamé jeudi une «action immédiate» d’Athènes pour mettre fin à une situation «honteuse» et «pire que jamais». (afp/nxp)

Athènes, le 13 septembre 2018 – Plus de 17 000 personnes restent entassées dans des centres d’accueil des îles grecques d’une capacité totale de 6 000 personnes, vivant dans des conditions désespérées qui ne respectent pas les normes humanitaires. Ceci, malgré les assurances publiques du ministre grec de la politique migratoire, Dimitris Vitsas, selon lesquelles les îles seraient désengagées d’ici à septembre et que des milliers de nouveaux lieux seraient créés sur le continent grec. Alors que les conditions continuent de se détériorer, 19 organisations de la société civile demandent une fois encore aux autorités de s’engager dans la création de solutions durables pour la décongestion des îles et d’améliorer immédiatement les conditions d’accueil des réfugiés. Il est tout à fait honteux que l’on attend des gens qu’ils endurent des conditions aussi horribles sur le sol européen.

Moria, le premier centre d’accueil de l’île grecque de Lesbos, récemment décrit dans un rapport de la BBC comme «le pire camp de réfugiés au monde», héberge actuellement près de trois fois sa capacité. Le système d’égout ne fonctionne pas et l’eau de toilette sale atteint les tentes et les matelas où les enfants dorment. Ceci, malgré que des fonds pour l’amélioration du système d’assainissement aient été approuvés depuis un certain temps. Les cas de violence et d’abus sexuels sont en augmentation. Le premier centre d’accueil à Samos est six fois supérieur à sa capacité d’accueil.

En outre, les pénuries chroniques de personnel essentiel sont encore aggravées par les démissions constantes des professionnels de la santé travaillant sur les sites insulaires, qui démissionnent en raison de conditions de travail intenables. Selon la presse grecque, le coordinateur de Keelpno à Samos a déclaré que, malgré les difficultés financières actuelles en Grèce, «le personnel médical préfère prendre la route du chômage plutôt que de devoir travailler dans de telles conditions». Plus tôt cette semaine, le personnel de Moria a organisé une grève pour protester contre les conditions sur le site.

Cette semaine également, la préfecture de l’Égée-Septentrionale a qualifié la Moria de «inadaptée et dangereuse pour la santé publique et l’environnement» et a averti que le site serait fermé dans 30 jours si les conditions sanitaires ne s’amélioraient pas de manière spectaculaire. Dans ce contexte, les organisations de la société civile travaillant sur les îles ont également de plus en plus de mal à faire leur travail.

Il n’y a aucune excuse pour les conditions honteuses dans lesquelles des milliers de personnes restent bloquées dans l’attente de leurs demandes d’asile. Les autorités grecques doivent prendre des mesures immédiates et urgentes pour veiller à ce que les réfugiés bénéficient de l’accès à leurs droits fondamentaux et soient logés dans des conditions dignes, conformément au droit national et international. Les mesures de secours promises par les autorités grecques pour créer des milliers d’hébergements supplémentaires sûrs et dignes sur le continent et transférer des personnes hors des îles sur le continent doivent être mises en œuvre de toute urgence. Dans le même temps, les dirigeants de l’UE devraient de toute urgence redoubler d’efforts pour débloquer les discussions sur la mise en œuvre d’un mécanisme équitable et permanent d’attribution des responsabilités au sein de l’Union européenne.

Les signataires

  1. ActionAid Hellas
  2. Arbeiter-Samariter-Bund
  3. Caritas Hellas
  4. Commission Espagnole d’Ayuda al Refugiado
  5. Conseil danois des réfugiés
  6. DIOTIMA
  7. Conseil grec pour les réfugiés
  8. Forum grec des réfugiés
  9. Greek Helsinki Monitor
  10. Ligue hellénique des droits de l’homme
  11. HIAS Grèce
  12. Comité international de secours
  13. Service Jésuite des Réfugiés
  14. Centre juridique Lesbos
  15. Médecins du Monde
  16. Oxfam
  17. Praksis
  18. SolidarityNow
  19. Terre des hommes

source : Keep Talking Greece

Source https://www.tdg.ch/monde/Migrants–les-journalistes-en-greve-a-Lesbos/story/14509503

Le 8 octobre projection débat au club en présence de Yannis Youlountas

Le collectif citoyen de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe – soutenu par Attac Isère et le Cadtm Grenoble

vous invite à la projection-débat en présence du réalisateur Yannis Youlountas

L’amour et la Révolution
Non, rien n’est fini en Grèce

Lundi 8 octobre 2018 à 20h15 Cinéma le Club Grenoble

« Dix ans après les premières émeutes, les médias ne parlent plus de la crise grecque.Tout laisse croire que la cure d’austérité a réussi et que le calme est revenu.  Ce film prouve le contraire.
 A Thessalonique, des jeunes empêchent les ventes aux enchères de maisons saisies. En Crète, des paysans s’opposent à la construction d’un nouvel aéroport.  À Athènes, un groupe mystérieux inquiète le pouvoir en multipliant les sabotages. Dans le quartier d’Exarcheia, menacé d’évacuation, le cœur de la résistance accueille les réfugiés dans l’autogestion.
Un voyage en musique parmi celles et ceux qui rêvent d’amour et de révolution. »

Depuis la projection le 23 avril à Villard Bonnot le film a été actualisé en juin et juillet en Grèce. Et pour ce qui est du débat les récentes annonces médiatiques de la soi-disant sortie de crise de la Grèce devraient faire l’objet d’un avis différent du réalisateur mais aussi du public. 

Le cinéma le Club 9, bis rue du Phalanstère 38000 Grenoble propose sur son site http://www.cinemaleclub.com  la réservation de places. Ce sera le cas pour ce film prochainement.

L’Europe est au bord de l’abîme Entretien avec J Stiglitz

Par Mathieu Magnaudeix

Dans un entretien à Mediapart, le célèbre prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz s’inquiète de la poursuite de l’austérité dans la zone euro. Il s’alarme aussi des politiques de Donald Trump et de l’explosion des inégalités, dix ans après la crise financière de 2008. Plus que jamais, il plaide pour « augmenter les salaires », réguler la finance et lutter contre les « monopoles ».

Lui aussi membre de l’ICRICT, le célèbre prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, professeur à l’université Columbia et ancien chef économiste de la Banque mondiale, a répondu aux questions de Mediapart.

 Panama Papers, Paradise Papers, Swiss Leaks, LuxLeaks, Malta Files, etc. Depuis la crise de 2008, de grandes enquêtes internationales ont prouvé l’ampleur de l’évasion fiscale dans le monde. Mais la situation a-t-elle vraiment changé ?

Joseph Stiglitz. La crise financière de 2008 n’a pas été provoquée par les paradis fiscaux, mais il est assez remarquable de constater la lumière crue qu’elle a projetée sur eux. Et c’est une bonne chose ! Grâce au travail d’investigation de journalistes du monde entier, on s’est rendu compte de la magnitude de l’évasion fiscale, mais aussi de l’évitement fiscal, qui privent les États de ressources cruciales. Les restrictions budgétaires qui ont suivi la crise ont d’ailleurs accru cette prise de conscience et rendu l’opinion très sensible à ces questions.

Plus récemment, je pense que l’élection de Donald Trump a aussi aidé à cette prise de conscience. Le président américain est un expert incontesté du blanchiment d’argent. Avec lui, l’opinion a découvert ce marché obscur où toutes sortes de gens miteux blanchissent de l’argent sale en achetant et revendant des appartements de luxe. C’est exactement le modèle de Trump ! (Il regarde par la fenêtre, au 34e étage d’une tour de Manhattan, qui donne sur des gratte-ciel sur la 3e Avenue).

Tout cela a fini par renforcer le sentiment que dans une ville comme celle-ci, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Les gens ordinaires ne peuvent plus acheter de biens immobiliers. Les plus pauvres habitent à l’extérieur et doivent chaque jour faire de longs trajets. Mais au cœur de la ville, il y a des milliers et des milliers de mètres carrés vides, propriété de riches spéculateurs, qui s’en servent souvent à des fins de blanchiment. Ce genre de choses renforce la colère des citoyens.

Y a-t-il eu des progrès depuis dix ans pour réduire les paradis fiscaux et réguler les marchés financiers ?

Sur la transparence du système financier international et l’évasion fiscale, il y a eu certains progrès. Mais c’est loin d’être suffisant. Le verre reste aux trois quarts vide. Quant au système financier, est-il plus stable qu’il y a dix ans ? Je dirais probablement. Les seuils de capitaux minimums exigés [des banques – ndlr] ont été augmentés, il y a davantage de supervision. Mais ce n’est clairement pas suffisant. Au cours des trois ou quatre dernières années, il y a même eu d’importantes rechutes, avec la remise en cause de régulations financières adoptées après la crise. La pression des grandes banques américaines a été couronnée de succès. À l’instar de Citigroup, elles ne se cachent pas de faire pression au travers d’amendements législatifs écrits par leurs lobbyistes.

La différence avec le monde de 2008, n’est-ce pas que l’urgence est encore plus grande ? Il y a le défi climatique, l’émergence d’énormes entités monopolistiques comme Apple et Amazon (dont les capitalisations boursières dépassent désormais les 1 000 milliards de dollars), l’explosion des inégalités. Le sénateur socialiste américain Bernie Sanders cite souvent ce fait frappant : aux États-Unis, la fortune cumulée de trois milliardaires, Warren Buffett, Bill Gates et Jeff Bezos, est supérieure au bas de laine de la moitié des Américains les plus modestes…

L’urgence de la question des inégalités est en effet la grande différence. En mars 2011, lorsque j’ai fait paraître un article sur la captation par 1 % des Américains du quart des revenus, il n’y avait pas encore de prise de conscience globale. Désormais, on sait qu’au cours des trois ou quatre dernières décennies, presque tous les bénéfices de la croissance sont allés aux plus aisés. Le capitalisme est en échec. Malgré les progrès fantastiques de la recherche médicale, l’espérance de vie aux États-Unis est en train de décliner, c’est inouï. De plus en plus de gens se disent que le rêve américain est un mythe. L’élection de 2016 est la preuve que l’explosion des inégalités a désormais des conséquences politiques et sociales majeures.

Garantir l’emploi

Justement, Donald Trump, le héraut du « Make America great again », a été élu il y a deux ans. Il se vante souvent d’un taux de chômage au plus bas depuis dix-huit ans et des records de la bourse, autant de preuves, dit-il, de son succès. Que penser de ses politiques économiques ?

D’abord, elles ne marchent pas pour la plupart des Américains. Le marché des actions monte parce que les salaires sont faibles et les taux d’intérêt sont bas. En baissant les salaires et en transférant l’argent vers les profits, il n’est pas difficile de faire monter les marchés d’action, a fortiori si vous baissez les impôts des entreprises !

La réforme fiscale de Trump, une baisse d’impôt massive pour les milliardaires et les grandes entreprises, a substantiellement creusé le déficit budgétaire américain [il pourrait atteindre mille milliards de dollars en 2020 selon le Congrès américain – ndlr] mais la croissance supplémentaire créée par ce cadeau fiscal massif est en réalité très faible. C’était une très mauvaise réforme fiscale, dont l’impact ne sera que de très court terme et minime. Rajoutons à ça le protectionnisme de Trump, qui plonge le monde dans l’incertitude…

Que pensez-vous des « guerres commerciales » lancées par Trump avec la Chine, l’Europe, etc. ?

Dans les guerres commerciales, tout le monde perd. Donald Trump s’est donné comme objectif de réécrire les règles du commerce international pour donner un avantage significatif aux États-Unis et réduire le déficit commercial américain. Mais ce sont des fadaises. Ce qui détermine les déficits commerciaux, c’est la macroéconomie, et quoi qu’il fasse, le déficit commercial américain va s’aggraver. Derrière la rhétorique et ses rugissements, il récolte des cacahuètes.

Regardez l’accord avec le Mexique, récemment annoncé en fanfare. Les États-Unis ont en réalité obtenu une concession mineure sur la part de voitures construites en Amérique du Nord : c’est peu et cela risque in fine d’augmenter les coûts de production et donc de détruire des emplois. L’accord avec la Corée du Sud n’aura pas non plus beaucoup d’effet : la Corée a accepté de faire entrer davantage de voitures américaines qui ne respectent pas forcément leurs critères de sécurité. Mais les Coréens ne les achètent pas ! Qu’il y en ait davantage sur le marché ne changera pas la donne.

Dans la presse américaine, on lit fréquemment des analyses qui annoncent une nouvelle crise financière. Certains pointent les excès de la finance, d’autres la bulle énergétique aux États-Unis, d’autres encore le caractère insoutenable de l’endettement des ménages américains. Doit-on craindre une nouvelle crise ?

Pour la Turquie et l’Argentine, on y est déjà. On se doutait que les politiques d’« assouplissement quantitatif » mises en place par les banques centrales après la crise allaient poser un problème pour les économies émergentes lorsque les taux d’intérêt allaient remonter, à cause de leurs déficits et de leurs dettes. C’est ce qui est en train de se passer et on ne connaît pas le degré de contagion. D’un point de vue global, c’est le risque le plus imminent.

Après, il y a ce que vous mentionnez, notamment la dette étudiante des Américains qui atteint 1 500 milliards de dollars. L’effet négatif sur notre économie est déjà là. De très nombreux Américains ne peuvent plus acheter de bien immobiliers, ils retardent leurs projets familiaux, cela affaiblit l’économie. Le problème, c’est que passé son effet cosmétique, la réforme fiscale de Trump va commencer à avoir un impact négatif sur l’économie. On peut donc s’attendre à un ralentissement économique significatif en 2019 ou en 2020. À ce moment-là, les dettes pourraient accélérer les problèmes.

Vous avez depuis longtemps mis en garde contre l’absence de réforme de l’euro et les politiques d’austérité. L’Europe est-elle en train de sombrer ?

Il est décevant de constater qu’alors que le risque grec a diminué, les efforts pour réformer l’euro et la zone euro ont aussi diminué, tandis que les politiques d’austérité ont continué. La Grèce est toujours en dépression avec des objectifs de surplus budgétaires qui risquent de l’étouffer, les jeunes Grecs continuent de fuir leur pays, et l’Europe semble fermer les yeux. Avec son nouveau gouvernement qui envisage une sortie de l’euro, l’Italie est un risque de crise potentielle. Si l’Europe ne réforme pas l’euro, je pense qu’il faut anticiper une crise. Des pays quitteront l’euro, réellement ou de facto en créant des monnaies parallèles.

L’Europe est au bord de l’abîme. Et quand vous restez au bord de l’abîme, il y a une bonne chance que vous tombiez.

Le président français Emmanuel Macron affiche son intention de réformer l’Europe. À domicile, il mène des politiques orthodoxes.

Il a une vision de l’Europe mais elle ne semble pas convaincre l’Allemagne et d’autres pays. Encore une fois, à part une réforme de l’eurozone et de l’euro, la possibilité de politiques expansionnistes est très limitée. En attendant, l’Europe pratique la dévaluation interne, ce qui cause la récession, affaiblit l’économie, compresse les salaires. L’autre piste, c’est une taxe carbone qui stimulerait l’économie.

En France, en Europe, aux États-Unis, les progressistes recherchent des politiques pour résoudre la question des inégalités, répondre aux défis du changement climatique, lutter contre l’autoritarisme et l’extrême droite. Que leur suggérez-vous ?

Une des sources des inégalités, c’est le déséquilibre croissant entre d’un côté le pouvoir toujours plus grand des monopoles, et de l’autre l’affaiblissement du pouvoir de négociation des salariés. Il faut donc renforcer les syndicats et attaquer les monopoles, à la fois en les régulant et en renforçant la concurrence. Par ailleurs, il faut davantage de redistribution – songez qu’aux États-Unis nous avons un système fiscal non pas progressif, mais régressif ! –, augmenter les salaires des travailleurs, renforcer l’éducation publique, réduire le poids des transferts intergénérationnels avec une taxe sur l’héritage, améliorer la santé, le logement, avoir l’objectif d’un emploi pour tous.

Aux États-Unis, plusieurs figures émergentes du Parti démocrate proposent une « garantie d’emploi » pour les salariés. Ce pourrait même être une des idées phares du candidat opposé à Trump à la présidentielle de 2020. Qu’en pensez-vous ?

C’est une des idées que je soutiens. Pour les classes les plus populaires, et les minorités, le marché ne fonctionne pas comme il devrait. D’un côté, il y a d’énormes besoins, par exemple pour entretenir les villes et apporter des soins aux personnes âgées. De l’autre, plein de gens n’ont pas de travail. Faire se rencontrer les deux réduirait les inégalités, stimulerait l’économie et bénéficierait à toute la société.

Trump est au pouvoir, l’Europe est rongée par l’extrême droite et pourtant vous restez optimiste…

Je n’ai jamais vu les jeunes Américains aussi motivés. Ils réalisent que leur futur est en jeu. Notre démocratie prend l’eau, l’économie est défaillante, mais ils ont encore confiance dans nos processus démocratiques. Ils ont compris que la direction dans laquelle nous entraîne le Parti républicain est un trou noir. Quand je voyage, je sens cela aussi en Europe et dans d’autres parties du monde. Voilà mon espoir.

Exposition colonisée La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Exposition colonisée

Les apparences dominent pendant que l’été grec se termine. Tout y est, touristes, travailleurs paupérisés, et alors bandits… aux règlements de compte mortels en pleine rue à l’heure du deuxième café. Athènes, ville… vivante au quotidien. Les politiques, Tsípras et Mitsotákis en tête quant à eux depuis Thessalonique à l’occasion de sa foire commerciale, auront comme d’habitude promis.la lune, jamais pleine. Le mensonge gouverne, automne des feuilles mortes.

Retour des îles. Le Pirée, septembre 2018

Les vacanciers athéniens sont de retour, la grogne aussi. Le pays s’apprête à affronter l’automne… en réalité celui de sa destinée, et Tsípras se rend à Thessalonique pour le grand discours politicien annuel d’une portée supposée économique, “le premier discours du genre depuis huit ans, où c’est le gouvernement grec qui fixe les règles en matière d’économie et non pas la Troïka”. Foutaises et canulars.

La ruine des retraités. Presse grecque, septembre 2018

Tsípras a annoncé des allégements supposés de l’imposition et autres mesures similaires et d’ailleurs applicables… dans la durée, c’est-à-dire sur une période de quatre à cinq ans. Ensuite, et pour faire passer la pilule de l’énième baisse du montant des retraites tout en prétendant le contraire, le… dernier Premier ministre de la… “Gauche radicale” a aussitôt voulu rajouter “que comme cette baisse concerne essentiellement les retraités âgés de 70 ans et plus, le problème n’est que temporaire car naturellement, ces pensions versées cesseront d’être au fil du temps”, (radio 90,1 FM, zone matinale du 11/09). Autrement-dit, nos vieux disparaîtront… si possible rapidement d’après le vœu implicite de la marionnette Tsípras. Inutile de dire combien cette déclaration a été aussitôt remarquée à travers le beau pays vieillissant.

Ce prétendu report de la baisse programmée du montant des retraites intervenant dès janvier 2019, pour tout dire opposé aux engagements de Tsípras vis-à-vis du carcan européiste, est déjà mis en cause. Aussitôt, d’entrée de jeu, il a été fortement critiqué, rien que par cette mise à garde de Jean-Claude Juncker en personne: “Les mesures votées doivent être appliquées à la lettre”, quotidien Kathimeriní du 13 septembre .

Je suis torturée. Sur une surface à Athènes, septembre 2018

En attendant, et sur le terrain…grec des expérimentations métahistoriques de notre bien piètre nouveau siècle, Aléxis Tsípras, dans une posture visiblement satisfaite a fait si bonne figure aux côtés de l’Ambassadeur des États-Unis Geoffrey Pyatt , signe aussi des temps géopolitiques qui sont… disons les nôtres. Il faut préciser que le grand pays est l’invité d’honneur à Thessalonique cette année… plus affinités géopolitiques… si “gentiment” imposées. Rappelons aussi que rarement auparavant la Grèce n’avait affirmé une telle aspiration envers l’OTAN, sauf durant la funeste Junte des Colonels, signe aussi des temps on va dire.

On comprendra certes… que Les États-Unis envisagent une nouvelle expansion militaire en Grèce alors sans précédant, au beau milieu des tensions avec la Turquie, ce que la presse américaine évoque autant en ce moment à l’instar de Wall Street Journal cette semaine . La géopolitique, encore la géopolitique.

Le pays grouille alors d’espions et d’agents étrangers ou… compatriotes de toute sorte comme de toute obédience. Déjà les médias publics, voire les médias tout court propagent des “fake news” à répétition, des analystes se présentant sous le masque du patriote ou de l’internationaliste sclérosé travaillent en réalité pour le compte des services des puissances étrangères, comme d’ailleurs et d’abord le gouvernent Tsípras, l’opposition de Mitsotákis, voire, l’essentiel névralgique me semble-t-il de l’État grec profond, sans oublier le système de la partitocratie pseudo parlementaire actuelle.

C’est alors un jeu de rôle dans l’ultime tragédie grecque ou sinon, divine comédie au pays… de l‘exposition colonisée. Le tout, sous une mer Égée fort agitée.et au beau milieu, votre blog Greek Crisis qui lutte pour sa survie, et autant pour en extraire à partir de tout ce magma le sens encore possible de l’histoire comme celui de la vérité à travers les vagues. La maritimité… comme stade final de la politique !

Aléxis Tsípras et Geoffry Pyatt à Thessalonique. Presse grecque, septembre 2018
Aléxis Tsípras à Thessalonique. Presse grecque, septembre 2018
Drapeau et quotidien. Grec. Athènes, septembre 2018

En dehors des pupitres officiels, les Grecs, de droite comme de gauche étaient nombreux à manifester contre la présence de Tsípras à Thessalonique, d’abord les organisations culturelles de la région grecque de Macédoine ont fait savoir combien l’accord signé entre Tsípras et les voisins Slavomacédoniens est inacceptable pour une large majorité en Grèce, et ensuite il y a eu ceux des gauches grecques aux manifestants, toujours dispersés défilant contre l’austérité, et donnant l’illusion de résister sans plus convaincre personne il faut dire. Leur temps historique en Grèce n’est plus et accessoirement… SYRIZA est passé par là.

Et pour ce qui est de l’accord macédonien de Tsípras, tout le monde sait qu’il a été précipité, non pas pour arriver à une solution durable et réellement souhaitable par les deux peuples, mais pour que l’OTAN puisse s’étendre à la Macédoine slave le plus rapidement possible, histoire de contrer l’influence de la Russie dans les Balkans, aux suites géopolitiques relevant de l’habituelle chirurgie plastique des grandes puissances sur les frontières et surtout sur les peuples, car c’est de nouveau dans l’air du temps dans tous les Balkans il faut dire.

Pendant ce temps, et en préparant le référendum du 30 septembre chez nos voisins Slaves, sauf que les Grecs ne seront pas consultés sur ce même accord, les officiels de l’OTAN, ceux de la Présidence autrichienne de l’UE, ainsi qu’Angela Merkel visitent Skopje et interviennent ouvertement en faveur du OUI auprès des Slavomacédoniens lesquels sont d’ailleurs menacés de ne plus espérer intégrer un jour l’OTAN et l’UE en cas de victoire du NON, ceci explique subséquemment cela.

Et comme attendu en Macédoine grecque, les manifestants de Thessalonique ont été très violemment accueillis par les forces de l’ordre, épaulées il faut dire par le FBI et la CIA quant à la surveillance des lieux. Les dits “débordements” des CRS grecs, ont même obligé le gouvernement à ordonner une enquête sur le comportement de certains policiers, presse grecque de la semaine .

Manifestants et CSR. Thessalonique, septembre 2018
Moine et CSR. Thessalonique, septembre 2018. Presse grecque
Futur supposé. Athènes, septembre 2018

Plus au sud, la capitale du pays devenu territoire fait davantage dans les apparences que Thessalonique pendant que l’été bien grec alors se termine. Tout y est, la Garde républicaine Evzone devant le “Parlement” et le Monument du… pauvre Soldat inconnu forcement de jadis. En Attique, les chômeurs pêchent à la ligne près du Temple de Poséidon au Cap Sounion, et au centre d’Athènes on y découvre toute la nouveauté du “Mur de la bonté”. Histoire d’y accrocher de l’aide pour nos semblables, voilà, pour les instantanés de ce beau septembre grec.

Sous les apparences de cette normalité, au pays réel métamorphosé à jamais, les représentants de la Troïka, rendront alors visite aux valais locaux quatre fois par an au lieu de trois sous la Troïka officielle, et les dits marchés, décideront du financement de la colonie de la dette, en lieu et place des structures du dit mécanisme européen.

Car en dépit des mensonges de Tsípras, comme d’ailleurs du germanochrome Mitsotákis à la tête du parti de la Nouvelle Démocratie, la période supposée révolue de la Troïka laisse derrière elle, plus de 700 lois mémorandaires, près de 60 000 décisions gouvernementales allant dans le même sens unique et inique, plus de 300.000 décrets-lois et autres décisions ministérielles toujours en vigueur. Le tout, sous les signatures des gouvernements du mémorandum depuis 2010, SYRIZA compris.

La Grèce subira comme prévu l’entier suivi du programme amélioré de surveillance accrue… post-mémorandum, et cette réalité va durer durant de nombreuses décennies, sous les… auspices des visiteurs réguliers depuis les conclaves des Institutions. Sous le mémorandum… éternel, la surveillance durera ainsi au moins jusqu’au remboursement des 153 milliards.sur les 203 milliards d’euros que le pays de Zeus a comme on dit empruntés auprès du supposé mécanisme de sauvetage européen. D’après les calculs les plus optimistes, ce nouvel exploit hellénique arrivera à son terme seulement vers 2060. Retour vers le futur !

Garde Evzone. Athènes, septembre 2018
Garde Evzone. Athènes, septembre 2018
Pêche à la ligne. Cap Sounion, septembre 2018
Cap Sounion, septembre 2018

Après huit ans de lois austéritaires, et d’une fiscalité multipliée, après tant de dispositions antisyndicales sans oublier le coup de grâce porté sur le régime de la Sécurité Sociale, le bilan grec est… fort prometteur. Le pays a perdu près du 25% de son PIB, la population de la Grèce a diminué de plus de 700 000 personnes entre 2011 et 2017. Pour 48% de la population, soit 5,1 millions de personnes, c’est subsister dans la survie sous le seuil de pauvreté, et il y a 1,5 million de personnes vivant dans la pauvreté alors extrême, c’est-à-dire au-dessous des 182 euros par mois.

Ainsi, trois Grecs sur dix vivent dans une pauvreté extrême, et ils sont incapables de subvenir à leurs besoins de base tels que la nourriture ou le chauffage. Selon ELSTAT, l’Office des Statistiques du pays, 26,7% des enfants de moins de dix-sept ans sont même privés de biens matériels de base. Pour 40,5% des pensionnaires et après dix diminutions successives des montants des retraites, leur pension, n’excède pas les 500 euros en brut par mois. Pour 30,15% des travailleurs du pays, ou alors 613 119 personnes qui travaillent encore, leur “salaire” se situe entre 328€ en net par mois et 580€, le capitalisme réel… plus les Smartphones.

Devant le “Parlement”, les animaux adespotes des lieux sont les seuls à être toujours admirés par les passants et toujours citoyens supposés du pays, hors évidemment les nombreuses tribus de la clientèle des partis, plus clientélistes que jamais. La nouvelle Ministre de Grèce du Nord (régions de Macédoine et de Thrace), la très bimboïde Katerina Notopoúlou, a finalement admis lors d’un entretien qu’elle avait été embauchée comme… nettoyeuse de surface pour le compte de la Municipalité de Thessalonique et qu’elle a été aussitôt propulsée au service Tourisme de la mairie, “car telles sont les usages grecs en la matière”, entretien accordé à la télévision ERT. Voilà qu’une ministre admet l’illégalité de fait pour ce qui tient des débuts de sa si courte vie pseudo-professionnelle, en réalité de façade, avant d’être propulsée dans la gestion des affaires publiques par la clique à Tsípras, quotidien “Kathimeriní” du 13 septembre .

Et toute la Grèce en rigole à défaut de réagir de manière efficace, novatrice et radicale face à la pègre qui nous gouverne . Rapidement, la jeune femme qui ne serait pas inconnue de la famille Pappás, famille comme on sait compère des Tsípras, elle a été nommée collaboratrice spéciale de Tsípras pour son bureau de Thessalonique et depuis peu… là voilà Ministre… Pauvre fille parvenue de la sorte. Admirable parcours, aux compétences avérées du clientélisme et du népotisme réellement existants. Mafia, et alors “garda e passa”

Devant le dit Parlement. Athènes, septembre 2018
Au Cap Sounion, septembre 2018
Sans-abri. Place de la Constitution. Athènes, septembre 2018
Le Mur de la bonté. Athènes, septembre 2018

En dehors du… Mur de la bonté, on peut encore se rabattre sur les sardines plutôt abordables, ou même pénétrer à la limite les mystères de certains restaurants très populaires, c’est-à-dire pas chers d’après l’acception du terme en grec moderne. Sans oublier bien entendu la posture toujours majestueuse des animaux adespotes d’Athènes et du pays réel.

Pendant ce temps, les acquéreurs des plages et des presqu’îles bradées par la Treuhand à la grecque, instituée pour sa version finale il faut dire sous Tsípras et qui contrôle et brade désormais l’ensemble des biens publics du pays pour une durée de 99 ans, financent des fouilles d’urgence pendant leurs travaux en cours. Maigre consolation il faut dire.

On vient même d’apprendre qu’outre les ports, les aéroports et les autres infrastructures, 10.119 parcs et autres biens immobiliers du domaine ex-public viennent d’être attribués à cette agence fiduciaire, pilotée comme on sait par les créanciers et autres rapaces internationaux, sous l’aimable patronage de la gestion métropolitaine du totalitarisme de l’UE, presse grecque de la semaine .

Animal adespote. Athènes, septembre 2018
Taverne populaire. Athènes, septembre 2018
Sardines… populaires. Athènes, septembre 2018
Fouilles d’urgence. Attique, septembre 2018

Les ferrys sont déjà revenus des îles bondés. Il pleut déjà un peu sur le Péloponnèse comme sur Athènes, l’automne est tout de même d’une beauté autre que l’été grec, admettons-le. Par ces temps qui changent… sans changer, les régions comme les municipalités du pays entreprennent de leurs travaux habituels avant les élections locales et régionales du mois de mai, programmées au même moment que les pseudo élections dites européennes qui n’ont jamais pu servir à autre chose qu’à légitimer le pouvoir impérial de Bruxelles.

Retour au Pirée. Septembre 2018
Travaux. Athènes, septembre 2018
Gastronomie simple. Athènes, septembre 2018

Certaines rumeurs et autant déclarations récentes, analysées par la presse mainstream indiqueraient que la date des élections législatives de même probablement avancée pour aboutir à un triple scrutin au mois de mai, quotidien Kathimeriní du 12 septembre . Sans trop d’importance en l’état actuel des choses et de notre régime structurellement et si cruellement méta-démocratique à notre avis.

Le virus du Nil occidental progresse car les services de l’État mafieux et partitocrate grec a cessé sous Tsípras toute campagne de prévention depuis 2016. L’Ordre des Médecins d’Athènes dans un communiqué récent, fustige cette gestion criminelle de la santé publique. Lorsque les Unités de soins intensifs déjà devenues si rares sont manifestement occupées par les patients souffrant du virus du Nil occidental c’est alors grave, sans oublier les dizaines de morts déjà, les régions touchées sont l’Attique, Athènes et aussi le Péloponnèse, quotidien Kathimeriní du 13 septembre . D’après Tsípras, les vieux peuvent doivent mourir, et apparemment tous les autres avec.

Votre blog poursuit ainsi sa lutte… surveillée, autant pour sa survie, sous le regard il faut dire de notre Mimi, vieillissante, amaigrie, et pour tout dire souffrante, du haut de ses quinze ans de félin et fier de l’être.
Automne des feuilles mortes.

Mimi de Greek Crisis. Athènes, septembre 2018
* Photo de couverture: La capitale et ses apparences. Athènes, septembre 2018

Retrouvez l’université d’été solidaire et rebelle de Grenoble

Deux semaines après ce rassemblement unique des mouvements sociaux et citoyens, retrouvez les temps forts de l’#UEsolidaire !

Revivez ces cinq jours de formations, de débats et de mobilisations grâce à la revue de presse ! Vous y découvrirez de nombreux témoignages et analyses de médias locaux et nationaux !

Vous pouvez également revoir l’intégralité des plateaux télés et des podcasts radios des équipes de TV Bruits et Radio Parleur via les émissions « Tout le monde déteste la rentrée » et sur le site de l’université d’été.

et notamment

– Présentation de l’Université d’Été Solidaire et Rebelle des Mouvements Sociaux et Citoyens avec Annick Coupé et Sébastien Bailleul porte-parole de l’événement, présenté par Jean No de Tv bruits https://youtu.be/TmO-v7wW_Ro

– Gratuité d’émancipation, avec Patrick le Moal, de la Fondation Copernic, présenté par Paul de Tv Bruits,https://youtu.be/6qiH1NUTn6U

– Éducation populaire en question avec Cécile Hanff d’Attac, présenté par Julien de Tv Bruits- https://youtu.be/7xchzyjWQBg

– La crise systémique et son instrumentalisation politique avec Pierre Khalfa de la Fondation Copernic présenté par Jean-No de Tv Bruitshttps://youtu.be/gckDQB9U1LU

-Un euro ne fait pas le bonheur : Ministère du bonheur, de la contemplation et de l’exploration des petites mondes, https://youtu.be/aqI4YsNwr8E

– Quelle finance voulons-nous ? avec Eric Toussaint CADTM, https://youtu.be/ruZFHlBeVmk

– Vivons les jours heureux sans attendre avec Patrick Viveret Essayiste Archipel « Osons les jours heureux », https://youtu.be/-L7TB7UmCoY

– Comment mettre en liaison les mouvements sociaux ? avec Gustave Massiah d’Attac, https://youtu.be/2Kb1KZv-OnM

– Journalisme : profession en danger ? avec Emmanuel Poupard, secrétaire général du Syndicat National des Journalistes, présenté par Erwan Manac’h de Politis https://youtu.be/13yxVfVp5Ig

-Spécial acteurs locaux et bénévoles avec Luc, Zoé et Béatrice bénévoles à l’Université présenté par Jean-No de Tv Bruits https://youtu.be/UBjJjNg43QY

– On ne nait pas homme on le devient avec Anais Enet-Andrade de Quartier du monde présenté par Paul de Tv Bruits, https://youtu.be/rp1yegTv0wE

-Poésie gouvernementale n°15677D du Ministère du bonheur, de la contemplation et de l’exploration des petites mondes, https://youtu.be/EPiNg59cyTM,

-La réforme systémiques des retraites, Macro-injustice ! avec Jean-Marie Harribey d’ATTAC et Marylène Cahouet de la FSU présenté par Jean-No de Tv Bruits https://youtu.be/ER43j43x4Bs

– Économie et droits humains avec Laura Aufrere du Doctorante au CEPN Paris 13 et membre du RIPESS Europe et Bruno Lasnier Coordinateur du Mouvement pour l’économie solidaire, présenté par Jean-No de Tv Bruits, https://youtu.be/RbsJzJGkN1U,

– Justice climatique avec Clémence Dubois de 350.org présenté par Virgine Cresci Le Media, https://youtu.be/m0dycpNkXrs

-Les accords de libre échange avec Aurélie Trouvé ATTAC par Paul de Tv Bruits, https://youtu.be/7JkOvabA-iU

-ZAD et grands projets inutiles et imposés avec Elisabeth Letz, du collectif pour un autre Neyrpic, Siamak de CPTG, non à Europa City présenté par Geneviève Coiffard, de Notre Dame Des Landes, https://youtu.be/MEZWZ0LX9FU

-Recherche participative avec Isabelle Goldringer de Sciences citoyennes présenté par Paul de Tv Bruits, https://youtu.be/Mttf2kcHyg4

-Municipalisme, transition, communs et territoires avec Magalie Fricodet de AITECH présenté par Jean-No de Tv Bruits, https://youtu.be/o3T_JZiSafA

SOS Méditerranée : Une détermination intacte

27 jours en mer, 146 personnes secourues et une détermination intacte ! Journal de bord de l’Aquarius 13/9/18

« J’ai 14 ans, je viens de Somalie. » Sur le pont de l’Aquarius, dans la file indienne pour l’enregistrement rapide des personnes tout juste secourues en mer, ce jeune garçon, le visage émacié, peine à articuler son âge. « 14 ans » répète l’opératrice de Médecins Sans Frontières, qui coche les cases sur la tablette prévue à cet effet.

Plus d’enfants que d’adultes à bord

Après les deux sauvetages – un premier canot en bois qui transportait 25 personnes, puis un second canot, plus grand, à bord duquel se trouvaient 116 personnes -, il y avait à bord de l’Aquarius le 10 août dernier, plus d’enfants que d’adultes. Sous des traits endurcis par les épreuves qu’ils ont dû traverser pour arriver jusque-là, des sourires, des gestes, trahissent leur corps et leur âme d’enfant. « Il a l’âge de mon fils », pense Viviana (lire témoignage), membre de l’équipe de sauveteurs de SOS MEDITERRANEE. Par une chaleur écrasante et sous un soleil dardant, nul ne peut s’empêcher de penser que tandis que des milliers de jeunes enfants et adolescents jouent et profitent de l’été sur les plages de la Méditerranée, de l’autre côté de cette mer, ce sont plus de 70 mineurs secourus in extremis par l’Aquarius qui viennent d’échapper à la noyade et à l’enfer libyen.

Pas d’urgence médicale à bord, mais les récits des violences et de privations de droits des rescapés sont horrifiants. Certains portent des cicatrices profondes, qui attestent des violences infligées par leurs gardiens en Libye. « J’ai été torturé, avec l’électricité, pour de l’argent » explique l’un d’eux.

Cette réalité, invisible, inaudible, semble laisser les dirigeants politiques de marbre. Catégorisés comme « migrants », ces rescapés, en majorité mineurs, ne sont pas les bienvenus pour les gouvernements européens qui se rejettent la responsabilité de l’attribution d’un port d’accueil pour l’Aquarius.

Nouvelle confusion quant au port de débarquement

Les opérations de sauvetage de ces deux embarcations ont été officiellement coordonnées par le JRCC de Tripoli, le centre de coordination libyen des sauvetages en mer, qui bien que récemment « reconnu » par l’Organisation Maritime Internationale, se déclare incompétent lorsqu’il s’agit de désigner un « port sûr » (place of safety) pour un éventuel débarquement. Il faudra attendre plusieurs jours en mer, multiplier les contacts avec les autres autorités maritimes, en appeler à la responsabilité de l’Europe dans les médias, avant d’obtenir l’instruction de se rendre à Malte le 15 août pour le débarquement des personnes secourues.

Quelques jours plus tard, ils seront transférés vers d’autres pays européens qui ont accepté de les accueillir, conformément aux conventions sur la protection des personnes et sur le droit d’asile ratifiées par les pays européens. Selon l’OFII (l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration), 59 de ces naufragés seront accueillis en France, dans les régions de la Franche-Comté, du Centre-Val-de-Loire et du Grand-Est. L’Italie a elle aussi finalement souscrit à l’accord de redistribution des rescapés.

SOS MEDITERRANEE demande un dispositif de sauvetage adéquat, permanent et prévisible

« Le fait que les Etats européens soient parvenus à se mettre d’accord pour faciliter un débarquement rapide des survivants à bord de l’Aquarius était un signal positif. Mais les Etats européens doivent poursuivre leurs efforts et assumer la responsabilité de la mise en place d’un dispositif de sauvetage adéquat, permanent et prévisible sans délai ». C’est ce qu’a continué de plaider Sophie Beau, cofondatrice de SOS MEDITERRANEE et directrice de l’association française, alors qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel se rencontraient à Marseille début septembre, à quelques encablures du port où l’Aquarius est amarré depuis le 27 août pour son escale technique régulière.

Une escale mise à profit pour procéder aux dernières démarches administratives, réglementaires et techniques nécessaires au changement de pavillon du navire, après que les autorités de Gibraltar aient menacé publiquement le 13 août dernier de retirer l’Aquarius de leurs registres d’immatriculation. Une décision qui ressemble fortement à une tentative politique d’entraver l’activité de sauvetage, un navire sans pavillon n’étant pas autorisé à sortir en mer.

Alors que l’Aquarius est sur le point d’amorcer sa 44e mission de sauvetage, l’incertitude règne toujours en Méditerranée centrale. Aucune solution pérenne n’a été proposée par les gouvernements européens et les bateaux humanitaires sont de moins en moins nombreux à opérer au large de la Libye. Le nombre d’interceptions par les garde-côtes libyens a augmenté depuis le début de l’année 2018, tout comme le risque encouru pendant la traversée de la Méditerranée. Jamais la mortalité n’avait atteint de tels pics depuis 2015 et la fin de l’opération Mare Nostrum. Et la situation à terre en Libye ne cesse de se dégrader. Autant de raisons, malgré les incertitudes, pour retourner au plus vite en Méditerranée centrale, pour rechercher, secourir, protéger et témoigner.

Crédits photo : Guglielmo Mangiapane / SOS MEDITERRANEE

Grèce. Le «retour sur les marchés» ou la poursuite de la «purge sociale»?

Publié par Alencontre le 4 – septembre – 2018 Par Antonis Ntavanellos

Le 21 août 2018, Alexis Tsipras a choisi l’île d’Ithaque pour y «célébrer» la fin des programmes de «sauvetage» de la Grèce. Il a parsemé son discours de références à l’Odyssée d’Homère pour souligner le droit de son parti (Syriza) à diriger le pays dans le contexte de l’ère nouvelle qui s’ouvre, prétendument.

Le choix est malheureux. Dans le récit d’Homère, l’aventure aboutit effectivement à une sorte de «fin», avec le retour à Ithaque, mais le roi Ulysse est le seul survivant. La flotte, les équipages et tous ses camarades ont disparu en mer. Sans compter qu’Ulysse parvient à conserver son pouvoir royal en tuant tous les prétendants à marier la reine, Pénélope, mais seulement temporairement. La colère des familles de prétendants, désireux de venger les morts, provoquera une nouvelle crise, qui ne s’achèvera que grâce à une nouvelle intervention des dieux, c’est-à-dire les puissances mêmes qui ressemblent aux «institutions internationales» qu’est la troïka (FMI, BCE et Commission européenne).

Le discours de Tsipras transpirait l’hypocrisie. Chacun sait que la fin de l’ère des mémorandums est un énorme mensonge:

  • parce que le gouvernement Syriza-Anel (Grecs indépendant de Panos Kamménos) s’est engagé – ainsi que tout gouvernement futur – à ne pas abroger ou amender toute loi, disposition ou règlement mis en place au cours de la période mémorandaire… sans accord de la troïka;
  • parce que le gouvernement Syriza-Anel s’est engagé à maintenir le régime de «surveillance accrue» de l’économie grecque par ses créanciers jusqu’à ce que 75% de la dette grecque soit remboursée. Soit au moins… jusqu’en 2060! Les politiques économiques et sociales des futurs gouvernements seront examinées par les représentants de la troïka, qui contrôleront – tous les trois mois! – chaque mesure, jouissant du pouvoir d’imposer de nouvelles mesures d’austérité «automatiquement» à chaque fois qu’ils l’estimeront nécessaire;
  • parce que le gouvernement Syriza-Anel s’est engagé – ainsi que tout gouvernement futur – à suivre une politique insensée et réactionnaire de maintien d’un surplus budgétaire fixé à 3,5% du PIB annuel au cours des cinq prochaines années, puis à 2%!

A ceux qui estiment que les «surplus budgétaires» atteints au cours des deux dernières années représentent une preuve du succès gouvernemental, nous voudrions leur rappeler que l’expérience de cet été démontre que ces «surplus budgétaires» sont couverts de sang. Ce sont ces mêmes «objectifs budgétaires» qui ont engendré les conditions de la mort tragique de 97 personnes lors d’un incendie long d’à peine 2 kilomètres, dans une zone située juste à 30 kilomètres du centre d’Athènes! Ce sont ces mêmes «objectifs budgétaires» qui ont créé les conditions de pénurie du système de soins. Des pénuries telles que les hôpitaux publics manquent de traitement contre les morsures de serpent, de sorte qu’il est possible de mourir d’une morsure de serpent dans un pays européen au XXIe siècle! Ce sont ces mêmes «objectifs budgétaires» qui ont créé les conditions de l’effondrement du fournisseur public d’électricité, avec pour conséquence des pannes d’électricité à Athènes ou sur l’île luxueuse d’Hydra.

La poursuite de ces politiques n’a qu’une seule signification: une austérité sans fin. Le gouvernement affirme être parvenu à réduire le chômage en dessous des 20%. Il masque toutefois le fait que cette diminution n’a été possible que parce que 500’000 jeunes ont quitté le pays et au prix d’une croissance continue de la précarité, de la détérioration des conditions de travail ainsi que d’une hausse des emplois temporaires (avec des salaires qui se situent au niveau du seuil de pauvreté de 380 euros mensuels). Le gouvernement prétend rétablir la possibilité de conclure des contrats collectifs sur les lieux de travail. Il dissimule toutefois le fait que dans un contexte marqué par un chômage massif et une précarité extrême, le contenu de ces contrats collectifs sera imposé par les employeurs si les négociations sont «déterminées» par l’équilibre actuel, «spontané», des rapports de force sur les lieux de travail.

Le gouvernement ajoute sa volonté de renégocier avec la troïka la baisse des allocations de retraite. Il passe ainsi sous le tapis le fait que des coupes ont déjà été décidées pour les «nouveaux» retraités (ceux qui sont partis à la retraite après l’adoption de la nouvelle loi sur les retraites) en même temps qu’il esquive soigneusement ce qu’il fera dans le cas où la troïka refuserait de reporter les nouvelles coupes.

Sous le gouvernement Syriza-Anel, au cours des années du 3e mémorandum imposé au cours de l’été 2015, nous avons assisté à la poursuite et à l’approfondissement des politiques d’austérité des 1er et 2e mémorandums. Les mêmes politiques que celles qui ont successivement été appliquées par les sociaux-libéraux sous G.Papandreou (octobre 2009- 11 novembre 2011), la droite néolibérale sous Samaras (juin 2012-janvier 2015) et lors de la coalition contrainte (en raison des menaces du mouvement de résistance) entre le Pasok et la Nouvelle démocratie (novembre 2011-mai 2012).

Le résultat de ces années d’austérité est celui d’un transfert gigantesque de revenus, richesses et biens des couches inférieures de la société vers le sommet. Il s’agit là de la réalisation majeure de la classe dominante locale à l’ère des mémorandums, y compris depuis que Syriza est au gouvernement.

Ces politiques ne génèrent toutefois pas l’optimisme au sein même des classes dominantes. Personne n’a le cœur de célébrer sincèrement le «retour sur les marchés financiers» (autrement dit l’émission d’une dette obligataire) fortement vanté. Les appréhensions que provoquent la situation économique internationale, la crise en Turquie ainsi que l’instabilité en Italie génèrent des hésitations quant au plan visant à émettre des emprunts grecs en automne, comme premier test. Il est fort possible que le refinancement de la dette grecque apparaisse alors comme une opération très coûteuse. Le taux des emprunts grecs sur dix ans s’élève aujourd’hui à 4,19%, ce que l’on peut comparer aux taux portugais (1,83%) et espagnol (1,42%)…[1]

Nikos Christodoulakis, l’ancien «homme fort de l’économie» sous le gouvernement social-néolibéral de Kostas Similis [1996-2004], est récemment intervenu dans le débat public, diffusant des articles exposant une voie alternative où il propose: de repousser le retour vers les marchés financiers de plusieurs années, de négocier une réduction des objectifs de surplus budgétaires de 50%, d’accroître les investissements publics, de réduire la fiscalité des entreprises, de supprimer la disposition actuellement en vigueur qui permet à la troïka de privatiser «automatiquement» les grandes entreprises publiques.

Ces propositions modérées et social-libérales apparaissent comme issues de la «gauche radicale» en comparaison avec les accords en vigueur tels que négociés par Tsipras et les créanciers.

Les politiques de Syriza ont redonné de la vigueur à la droite, laquelle était knock-out suite à sa défaite politique en 2015. Le dirigeant de la Nouvelle démocratie, Kyriákos Mitsotákis, menace de lancer une offensive pro-patronale, brandissant le drapeau de la baisse de l’imposition des entreprises, prétendant que c’est la seule manière de… réduire le chômage!

Les syndicats et la gauche radicale doivent présenter leur propre vision, leur réponse à la question consistant à savoir quel sera le contenu social de la «sortie» de la période mémorandaire.

Cette réponse repose sur deux «piliers». Le premier: un programme minimum de revendications immédiates visant à améliorer la situation des travailleurs et des couches populaires. Le second: une réponse à la question portant sur quelles sont les forces en capacité de mener des luttes permettant d’imposer ce programme, en d’autres termes une proposition claire d’unité dans l’action.

Un front de la gauche radicale, fondé sur un engagement ferme autour d’un programme axé sur les besoins de notre peuple, est désormais une précondition nécessaire afin d’éviter le dilemme d’un autre épisode de l’Odyssée: choisir entre Syriza-Scylla et la droite-Charybde. (29 août 2018; article publié dans la publication de DEA, Ergatiki Aristera ; traduction A l’Encontre)

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[1] Le 21 août 2018, l’agence Reuters citait des courtiers qui affirmaient: «La courbe des taux des obligations souveraines grecques suggère qu’une obligation à échéance de septembre 2028 se traiterait sur la base d’un rendement d’environ 4,40% à 4,45%. Avec la prime de nouvelle émission, cela porterait le rendement d’une nouvelle obligation à 10 ans vers un taux de 5%.

«Est-ce que cela a vraiment du sens pour eux d’émettre à ce taux alors qu’ils peuvent se financer auprès du MES (Mécanisme européen de stabilité) à des taux nettement plus bas? Je sais qu’ils veulent faire la démonstration qu’ils ont accès au marché mais ils sont raisonnables en même temps», dit un des courtiers.

Les deux fonds de sauvetage de la zone euro – le MES et le Fonds européen de stabilité financière (FESF) – ont fixé leur taux de prêt à, respectivement, 0,99% et 1,44%. L’essentiel de la dette grecque est due à ces deux institutions.»

Source ttps://alencontre.org/europe/grece/grece-le-retour-sur-les-marches-ou-la-poursuite-de-la-purge-sociale.html

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