Les habitants se sentent abandonnés et réclament la fermeture du hotspot créé dans le sillage de l’accord UE-Turquie et de la fermeture des frontières en mars 2016.
« Is this love, is this love… » La chanson de Bob Marley envahit la taverne Joy. Ses promesses d’amour, et « de vivre ensemble avec un toit juste au-dessus de nos têtes », bercent la baie de l’île grecque de Samos. Le soleil de février s’est enfin gaiement manifesté, après des semaines de pluies diluviennes, et les façades à flanc de montagne se laissent volontiers caresser. La patrie de Pythagore et d’Épicure en mer Égée semble tout entière jouir de ce moment de félicité.
Placardée sur la porte vitrée, une affiche crie pourtant « Stop au crime ». Michalis Mitsos, le patron de la taverne et président de l’union des restaurateurs vient de bonne grâce s’attabler pour raconter combien la vie paisible de Samos a été profondément chamboulée depuis que, dans le sillage de l’accord conclu entre l’Union européenne et la Turquie, en mars 2016, les milliers d’exilés d’Afrique et du Moyen-Orient se retrouvent piégés sur l’île, transformée en prison à ciel ouvert, à quelques encablures des côtes turques. « Les autorités cachent ce qui se passe. Il faut le dénoncer à toute l’Europe », espère-t-il.
Sur les hauteurs de Samos (1), quelque 4 000 demandeurs d’asile croupissent dans des conditions « abjectes » selon le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) qui avait pressé les autorités grecques à prendre des mesures d’urgence avant l’hiver. Depuis lors, rien n’a changé. Et les 7 000 habitants se sentent abandonnés de la Grèce et de l’Europe. « Nous ne sommes pas racistes. Nous avons secouru les Syriens quand ils arrivaient par milliers en 2015. Aujourd’hui il faut que les migrants soient mieux logés sur le continent et que les Samiotes soient soulagés », revendique Michalis Mitsos.
« J’ai peur de faire pipi la nuit »
En haut de la jungle de Samos, Amadou est notre première rencontre. Le jeune homme élancé, de Guinée, s’affaire à ramasser des pierres pour tenter de mieux tenir les bâches de son campement. Il faut avoir le pied agile pour ne pas glisser sur la pente boueuse et ne pas déraper sur la mer de détritus. Amadou a, lui, des savates en plastique. « On était mieux traités dans les prisons turques, au moins avait-on un toit, un matelas, du chauffage, à manger. » Après sept tentatives et six passages par la case prison en Turquie, Amadou a fini par s’échouer à Samos le 24 octobre 2018, avant de s’enfoncer dans l’hiver, le corps saisi par le froid et tétanisé par l’effroi dès la tombée du jour. « J’ai peur. J’ai peur de faire pipi la nuit. »
Manos Logothetis, que tout le monde connaît sous le nom de « docteur Manos », l’unique médecin à officier dans le camp, expliquera plus tard que, la nuit, « les hommes font pipi dans des bouteilles », et que « des femmes se mettent des couches » pour ne pas sortir de leurs tentes, à cause du noir, du froid, des bêtes, de la violence, de la drogue. Stratégies de survie pour ces rescapés qui ont bravé l’hiver sous de petites tentes de camping accrochées aux terrains pentus, battues par le vent et la pluie, sans électricité, avec des points d’eau et une vingtaine de toilettes bien trop loin dans le camp.
Cela fait si longtemps que les hangars en tôle et les conteneurs installés pour 640 personnes sur l’ancien camp militaire encerclé de clôtures grillagées ne peuvent plus abriter les nouveaux arrivants… Seules de rares familles sont logées dans les 49 appartements loués sur l’île. Alors, à mesure que la jungle s’étend, « ceux qui arrivent installent leurs tentes sur les endroits qui étaient jusqu’alors les toilettes sauvages dans les bois », précise docteur Manos.
« J’ai tant de soucis dans ma tête, elle va exploser »
Avec Amadou, nous nous réfugions sous une bâche estampillée « UNHCR », petit point de ralliement entre quatre tentes où convergent une douzaine de ses compagnons. À la lueur d’une lampe solaire récemment distribuée par une ONG, nous écoutons les récits, feignant d’ignorer la ronde des rats tout autour.
Ils croyaient avoir laissé derrière eux leurs souffrances. Guinéens, Camerounais, Congolais, etc., tous sont là depuis trois, six, neuf mois. L’attente, le désœuvrement, les lieux avilissants détruisent les esprits les plus aguerris. « J’ai tant de soucis dans ma tête, elle va exploser. Quand la tête ne va pas, le corps ne va pas non plus. » En aparté, Amadou confie être homosexuel et avoir fui pour échapper aux châtiments de son père imam. « Ici c’est une vraie prison, mais je vais trouver la force de m’en sortir », se persuade-t-il.
Le lendemain Hugo, ingénieur de 37 ans, racontera que Sassou-Nguesso, le président du Congo-Brazzaville, l’a contraint à l’exil. « Ses milices ont organisé une chasse à l’homme contre les partisans de Mokoko », l’opposant emprisonné pour vingt ans pour « atteinte à la sécurité de l’État ».
« Ça peut être très nuisible de raconter ce qui s’est passé »
Les femmes confinées dans un maigre espace voisin restent silencieuses. Parole aux hommes. Néné confiera plus tard, comme d’autres, avoir voulu échapper à un mariage forcé. La jeune Guinéenne n’en dira guère plus sur cette « histoire douloureuse ».
« Ça peut être très nuisible de raconter ce qui s’est passé, les personnes revivent ce qu’elles ont vécu par la parole. Or nous sommes totalement démunis pour les soutenir, il n’y a qu’un psychologue dans le camp, l’absence de prise en charge de la santé mentale est un grand souci », déplore Bogdan Andrei, la véritable âme de l’île. Venu de Roumanie début 2016, il a fondé sur place l’ONG Samos volonteers. Les bénévoles aussi, venus de divers pays, « vivent des moments émotionnels difficiles », ajoute-t-il. Alors l’ONG a instauré une règle d’or : « se focaliser à fond sur le présent ».
C’est exactement ce que fait Néné au centre Alpha, le refuge ouvert par Samos volonteers dans la ville en contrebas du camp. Elle est l’une des rares femmes à s’immiscer dans la foule des hommes venus se réchauffer, boire un thé, jouer aux dames ou aux échecs, et recharger leur téléphone. Néné est si assidue aux cours de grec, et si résolue, qu’Annie, l’enseignante française retraitée en Grèce, lui a confié les premiers cours sur l’alphabet grec.
« Sans Alpha, on deviendrait fou »
« On vient se relaxer l’esprit, sans Alpha, il y aurait beaucoup de dégâts, on deviendrait fou ». John, 34 ans, vient de Béni, ce lieu de toutes les tragédies dans le Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Béni où l’on tue, l’on viole et où sévit le virus Ebola. John est recherché, ses sœurs ont été égorgées, sa femme se cache au pays. « Jusqu’à quand va-t-on nous torturer ? On devient malade de l’intérieur. On veut juste vivre dans la dignité. Ici, à Samos, c’est la honte de l’Europe. » John supplie : « Quand tu ne peux pas aider quelqu’un, donne-lui la liberté pour qu’il puisse se prendre en charge ». Il extirpe de sa poche ses documents, et lit, effaré, la date de sa convocation pour sa demande d’asile : le 22 juillet… 2020, à 15 heures très précisément.
Le centre d’enregistrement et d’identification des demandeurs d’asile ne devait pourtant être qu’un camp de transit pour des séjours de moins d’un mois. Le HCR confirme que les personnes récemment arrivées se voient dorénavant attribuer des dates d’entretien jusqu’en 2021. « Dans tous les pays les procédures d’asile sont longues », souligne-t-on à l’EASO, le bureau européen d’appui en matière d’asile venu en renfort des services grecs. « Mais à Samos, à cause des problèmes de sécurité, nous ne menons plus d’interviews le soir, cela limite le nombre d’entretiens à quatre ou cinq par jour », ajoute notre interlocuteur.
La colère couve
Alors, sous la bâche, dans la jungle, la colère couve. Wadi, Camerounais de 58 ans à la barbe grisonnante, dit « le doyen » ou « papa », tente de jouer son rôle de vieux sage et de dissuader les plus jeunes, déterminés à mettre le feu au camp. « Ici on est comme au Togo, menotté, maltraité, dénonce Souleymane. À cause du froid et des souris, tu ne peux pas dormir. Le matin, le midi, le soir, tu dois faire deux à trois heures de queue, subir les bagarres, pour la distribution de repas que tu ne peux même pas manger tellement c’est mauvais. »
« Le commissaire de police, la directrice du camp avaient promis des améliorations, rien n’a changé ! », rugit son voisin, évoquant les propos tenus au lendemain de deux jours de marche pacifique des exilés brandissant des pancartes « Freedom » dans les rues de Samos, fin janvier. « Si on met le feu c’est pour qu’ils soient obligés de nous transférer sur le continent », veut-il croire. Ce sont finalement les poubelles qui ont flambé, le 7 février au petit jour. Résultat : sept personnes arrêtées et poursuivies pour incendie volontaire, trois maintenues en détention et encore plus de colère et de désespoir.
« Je voudrais avoir le VIH, peut-être qu’alors on s’occuperait de moi… »
Dans le brouhaha d’un attroupement qui s’est formé aux abords du camp, une voix lâche : « Je voudrais avoir le VIH, peut-être qu’alors on s’occuperait de moi… » « Les gens se cherchent des maladies, ils sont prêts à tout pour être vulnérables, rapporte le docteur Manos. De fait, ils le sont tous, à moi d’identifier les plus vulnérables des vulnérables au regard de la loi. » Ce statut conférant en théorie une priorité pour le transfert sur le continent. (2) « Mais il y a des maladies que nous ne pouvons pas diagnostiquer ici, admet le médecin. Et parmi les victimes, il y a aussi des bourreaux qui se cachent, l’exercice est difficile. »
Et où se situe le seuil de gravité ? À l’autre bout du camp, dans le quartier moyen-oriental, Mohammed, le jeune Afghan qui travaillait à l’ambassade des États-Unis à Kaboul se le demande encore après six mois sur l’île. Sa jeune épouse, qui était étudiante en dentaire, est « très, très perturbée mentalement ». « Elle parle toute la journée dans le vide. »
Et Mohammad ? « Je ne peux plus maîtriser mon comportement », avoue le professeur d’anglais et de mathématiques couché sous la tente achetée 100 € à des Syriens partis à Athènes. Ses papiers médicaux mentionnent « troubles psychotiques ». Il cherche désespérément des photos sur son téléphone pour attester de son drame : « J’ai perdu ma famille dans une tuerie à Kameshli, au nord de la Syrie, perpétrée par des milices kurdes. » Mohammad partage sa couche avec Salah et Ahmed. Ahmed entend peu, parle difficilement. Les deux frères ont fui la guerre à Idlib après qu’Ahmed a eu la mâchoire arrachée par un éclat de bombe.
Cela fait deux mois que tous les trois sont prioritaires pour une levée de restriction géographique devant leur permettre de quitter Samos…
La visite dans l’enceinte du camp est minutée
Et toujours les rats, même en plein jour. La tente voisine est désertée. « Ce sont des mineurs qui vivent là », pointe Mohammad. Ils profitent des premiers beaux jours sur l’île. Une centaine d’entre eux vit dans la jungle. Car l’espace « mineurs non accompagnés » dans le camp implose : cent autres sont entassés dans les sept conteneurs délabrés prévus pour 56 personnes.
Et une pièce aux côtés des services de police est réservée aux quatorze adolescentes. On ne voit pas comment, même en se serrant les unes contre les autres, elles peuvent dormir dans ce réduit. Interdit d’y pénétrer. La visite dans l’enceinte du camp est minutée, fermement encadrée. Pas question de jeter un œil au travers d’une vitre cassée, de soulever une couverture qui fait office de porte ou d’admirer la crèche, le tout petit havre réservé à une vingtaine d’enfants, quand tant d’autres jouent dans les flaques et les déchets. « Les mineurs isolés rêvent tous de partir vite, mais dans les faits, ils restent en moyenne trois à six mois sur l’île, parfois même un an », reconnaît Alexandra Katsou, l’assistante sociale qui en a la charge.
« On ne peut pas faire face. Le personnel est insuffisant. Mille personnes ne sont pas encore enregistrées par les services de l’asile », reconnaît la directrice du camp Maria-Dimitra Nioutsikou. La jeune femme au regard d’acier exerce son métier « avec beaucoup de patience et de sang froid ». Elle n’est « pas affectée », et n’a pas à se préoccuper des milliers de tentes « sur des espaces privés à l’extérieur du camp ». C’est « pour calmer le jeu » face aux tensions grandissantes que le bureau chargé de donner des rendez-vous a été fermé pendant deux semaines en février. Et les ONG n’ont pas le droit de pénétrer dans le camp, « parce qu’elles ne sont pas accréditées auprès du ministère des migrations ».
« Il y avait la volonté de ne pas améliorer les conditions de vie indignes »
Peu habituée à cet ostracisme, Médecins sans frontières en garde un souvenir cuisant. Avant de quitter l’île au printemps 2018, l’ONG s’était proposée de réparer les toilettes, les douches, les vitres cassées, le système électrique, etc. « Tout a été refusé », s’indigne encore Clément Perrin, le responsable de mission d’alors. « Nous étions dans une logique d’urgence, mais à cause de l’obsession de l’appel d’air, il y avait clairement la volonté de ne pas améliorer les conditions de vie indignes », se souvient-il.
La seule tolérance accordée à Samos volonteers consiste à venir récupérer du linge sale. Dans la petite laverie de l’ONG, la seule de l’île, les machines tournent en continu. Le duo Emma l’Anglaise et Nima l’Iranien, affectés à la tâche, lèvent à peine le nez : « On fait 55 sacs par jour. À ce rythme il nous faut trois à quatre mois pour faire le tour du camp. » C’est peu, mais ô combien précieux.
Avocats sans frontières France (ASF) a vite compris l’écueil dès son arrivée à Samos, début 2019, pour offrir une assistance juridique aux demandeurs d’asile. « Seule l’avocate grecque qui travaille avec nous est autorisée à collecter, au compte-goutte, des informations sur les dossiers auprès des services de l’asile, déplore la coordinatrice Domitille Nicolet. Pourtant, les besoins sont immenses. » Et ASF craint de devoir quitter cette île oubliée, l’ONG n’ayant obtenu des financements que jusqu’à fin mars.
« Arrivés sur l’île, les Syriens embrassaient le sol »
« Tout est allé de mal en pis depuis l’accord UE-Turquie. Avant il y avait des soutiens locaux, la mairie coordonnait l’action des bénévoles et réceptionnait les dons. » Bogdan Andrei a vu ensuite « les ONG partir, la municipalité se désinvestir et l’argent européen ne pas arriver jusqu’aux bénéficiaires ».
« La mairie n’est pas habilitée pour gérer la crise migratoire. L’État veut tout contrôler. L’hébergement et la nourriture sont du ressort du ministère de la défense qui n’est pas compétent », maugrée le maire, Michalis Angelopoulos, qui veut « une solution viable » et craint que l’activité touristique – 73 % du PIB de l’île – ne soit affectée, même si, pour l’heure, elle a crû de 10 % l’an dernier.
Devenue « hotspot », Samos ne s’en est pas remise. Les retraités Giorgos et Rena Fragkoulis se souviennent avec émotion de cette année 2015, quand ils sortaient leur bateau la nuit pour aller secourir les Syriens échoués sur les plages et les côtes rocheuses, juste en contrebas de leur maison à Kerveli, à l’extrême Est de l’île. « Ils arrivaient terrorisés, tailladaient leur zodiac pour qu’ils ne puissent pas être renvoyés. Ils se couchaient d’épuisement. Ils embrassaient le sol. » À l’époque les habitants avaient tous dans leur voiture de l’eau, des biscuits et des vêtements.
Au cas où. Puis les arrivants poursuivaient leur chemin, ils prenaient le bateau pour Athènes. « Les frontières étaient ouvertes. Il n’y avait pas de hotspot. » Aujourd’hui, Frontex est à la manette. « C’est interdit d’aider les réfugiés. » Rena et Giorgos ont longtemps gardé un sac de voyage récupéré dans la mer avec dedans « des photos, des papiers, des diplômes, le résumé le plus précieux d’une vie » en espérant pouvoir un jour le restituer à son propriétaire. Mais des voisins ont fini par leur faire peur. Et s’ils étaient complices d’un trafiquant ? « On a jeté le sac. »
« L’empathie s’érode, nous n’en pouvons plus »
Maintenant tout a changé. Sur l’île une naissance sur trois est étrangère. Rena et Giorgos ont une liste de récrimination longue comme le bras : « Les réfugiés sont partout. Ils envahissent les terrains de sport. Il y a des queues à la poste, l’hôpital est débordé. Les habitants ont peur. Ils ne laissent plus leurs enfants sortir seuls, ils ferment leurs maisons et n’accrochent plus leur linge dehors. » Philippe Leclerc, représentant du HCR en Grèce en convient : « La population est révoltée, on met de l’huile sur le feu. »
Au bord de la baie, il n’y a plus guère que les réfugiés qui déambulent et font de maigres emplettes avec les 90 € mensuels alloués par tête par le HCR. Il fait si beau en cette journée de février que Samos volonteers a délocalisé son cours d’anglais sur les bancs au bord de l’eau. Mais Ghaïssane (3), 36 ans, onze mois de Samos, a le regard hagard. « Ici nous n’avons qu’une chose : du temps. » Dans un anglais hésitant, il vante son « très beau pays, très cultivé, l’Iran, s’il n’y avait pas son gouvernement », et veut témoigner de « sa terrible vie à Samos » dans un long texte en farsi qu’il nous tend.
Alors pour Rena et Giorgos, il est temps de dire stop au hotspot, stop au projet de deuxième hotspot plus loin dans la montagne. « Les réfugiés et les habitants veulent la même chose, qu’ils poursuivent leur chemin ! » Ils étaient 3 000 réunis sur la grand-place au bord de la baie, le 7 février, plusieurs popes aux premières loges, avant de se disperser dans une ambiance bon enfant. C’était « la plus grande mobilisation qu’ait jamais connue Samos ! », s’exclame Michalis Mitsos, le patron de Joy. Pour le métropolite Eusebios, il est clair que « l’empathie s’érode. Nous n’en pouvons plus. »
75 000 demandeurs d’asile en Grèce
► En Grèce
En 2015, 860 000 migrants sont arrivés, 799 ont péri en mer.
En 2018, ils n’étaient plus que 32 500 et 174 morts. La Grèce est devenue le 3e pays de l’UE en nombre de demande d’asiles.
En 2019, près de 5 000 sont arrivés depuis janvier. 75 000 sont présents sur le sol grec, dont 3 700 mineurs non accompagnés.
Le HCR gère 27 000 places en appartement et distribue des cartes de cash (90 € par tête, 50 € de plus par membre d’une famille) à 65 000 bénéficiaires. Il prévoit de transférer ses compétences à l’État grec d’ici à 2020 et de se retirer du pays.
► À Samos
L’île compte 33 000 habitants, la ville de Samos 7 000 habitants et 4 000 demandeurs d’asile.
25 % sont Afghans, 18 % Congolais de RDC, 13 % Irakiens, 10 % Syriens et 10 % Camerounais.
53 % d’hommes, 22 % de femmes et 25 % d’enfants, les trois quarts ayant moins de 12 ans.
Depuis janvier, 479 ont été transférés sur le continent en Grèce, et 834 sont arrivés de Turquie.
Enquêtes sur l’usage des fonds européens
Sur la période 2014-2020, l’Union européenne a accordé 1,4 milliard d’euros à la Grèce en dotations de base et financements d’urgence pour l’accueil des migrants, les procédures d’asile et la sécurité des frontières. 579 millions d’euros ont déjà été versés, 70 % au titre des fonds d’urgence. Sans compter l’aide en matériel et le renfort de 700 agents Frontex et de 200 experts de l’asile.
Or dès mars 2017, l’ONG Solidarity now s’est inquiétée du fait que l’argent versé n’ait pas permis d’améliorer les conditions de vie désastreuses des demandeurs d’asile. Dans une pétition adressée au parlement européen, elle demandait qu’une enquête soit menée sur la mauvaise gestion et d’éventuels détournements de ces fonds par l’État grec, notamment les ministères des migrations et de la défense.
En décembre 2017, l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) a ouvert une enquête. En octobre 2018, c’était au tour de la Cour suprême grecque d’ordonner une enquête sur d’éventuels abus dans la gestion des fonds européens.
L’accord UE-Turquie de mars 2016
Il prévoyait des mesures pour tarir les flux migratoires :
– surveillance des frontières maritimes et terrestres par la Turquie
– renvoi vers la Turquie des migrants en situation irrégulière arrivés sur les îles grecques ne demandant pas l’asile ou déboutés de leur demande
– réinstallation d’un Syrien de Turquie vers l’UE pour chaque Syrien renvoyé en Turquie
– accélération du versement des 3 milliards d’euros d’aide à la Turquie pour la gestion des réfugiés, + 3 autres milliards si les engagements sont respectés.
D’avril 2016 à janvier 2019, 1 825 migrants ont été renvoyés vers la Turquie.
En 2018, 16 042 personnes ont été réinstallées depuis la Turquie, près de la moitié en Allemagne et aux États-Unis.
La relocalisation
22 000 ont été relocalisés depuis la Grèce dans un autre État de l’UE jusqu’à l’arrêt du dispositif d’urgence de relocalisation en novembre 2017.
Procédure Dublin
En 2018, les États européens ont durci leurs positions. Ils ont réclamé le renvoi en Grèce de 8 190 demandeurs d’asile. La Grèce en a accepté 307.
Thomas Jacobi et Marie Verdier, envoyés spéciaux à Samos
(1) Samos est à la fois le nom de l’île et de sa capitale
(2) L’agence sanitaire Keelpno promet à nouveau pour le printemps le renfort de quatre médecins. Pour avoir des candidats, les salaires mensuels ont été portés de 1 100 € à 3 000 €.
(3) Prénom changé.