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Grèce : Manifestations et black-out médiatique massif

Grèce : Manifestations anti-gouvernementales massives, black-out médiatique massif  Par Andreas Maris

Les médias internationaux, y compris ceux qui ont des correspondants en Grèce, ont imposé un black-out quasi total aux informations en provenance de ce pays. Cela doit être considéré comme une indication assez sérieuse de l’importance internationale énorme de ce qui se passe actuellement en Grèce.

Mardi, trois manifestations très massives ont eu lieu à Athènes, Salonique et Samos. La manifestation de Salonique était la plus grande manifestation d’étudiants depuis des décennies.

À Athènes, l’Initiative des avocats et des juristes, diverses organisations de gauche et un certain nombre de syndicats, dont le syndicat des acteurs, ont organisé une marche massive pour protester contre la répression et la barbarie policières.

Les manifestants protestaient également pour le traitement réservé au gréviste de la faim Koufontinas, que le gouvernement grec semble avoir indirectement condamné à mort et, également, pour la gestion de la pandémie.

Les acteurs protestent également contre ce qu’ils considèrent comme un effort du gouvernement pour étouffer, autant que possible, le grand scandale lié à Dimitris Lignadis, l’ex-directeur du Théâtre national, qui a été arrêté et accusé de viols sur mineurs. (Un site satirique grec a écrit qu’il étudie actuellement, en prison, la biographie d’Epstein). Il est très probable que ce cas n’est pas un cas isolé, mais juste la pointe d’un iceberg. L »élite » grecque a toujours été corrompue (dans la plupart des cas par des élites européennes « non corrompues », comme Siemens, qui payait presque tout le monde en Grèce). Mais maintenant, il semble que certaines des formes les plus horribles de criminalité soient tolérées au centre même de l »élite », ce qui la rend également plus vulnérable à toutes sortes de chantages.

À Salonique, les étudiants ont également protesté contre les tactiques de la police. Depuis deux semaines, ils occupaient un bâtiment de l’université, mais ils avaient annoncé qu’ils le quitteraient jeudi à 11 heures, heure locale. Au lieu d’attendre, la police a pris d’assaut le bâtiment et, dans le même temps, a interdit à la presse de s’approcher des lieux et de couvrir l’événement. Les syndicats de journalistes de Grèce ont protesté. Le résultat a été la manifestation étudiante qui a suivi et de nouveaux affrontements violents avec la police.

Le gouvernement grec semble utiliser non pas une tactique d’oppression habituelle mais plutôt une « stratégie de la tension ». Il n’opprime pas un mouvement existant, il le crée. Il provoque les gens dans le but de les supprimer. Cette stratégie a été utilisée en Grèce et en Italie pendant la guerre froide et consiste à créer une tension artificielle, en utilisant divers moyens, y compris, dans son plein développement, des méthodes comme le vrai ou le faux terrorisme, les enlèvements et les assassinats.

Nous n’en sommes pas encore là, mais de nombreux éléments indiquent que nous sommes en train de franchir une frontière en Grèce.

Comme Koufontinas va très probablement mourir d’une grève de la faim, personne ne peut savoir quel type d’attaque armée, réelle ou fausse (provocations), peut se produire et être utilisée pour justifier des mesures d’urgence.

En Grèce, cette stratégie, organisée et appliquée par le réseau Gladio de l’OTAN, la CIA et d’autres agences, a finalement conduit à la dictature des colonels en 1967.

Si une telle stratégie de la tension existe, comme toutes les indications que nous avons semblent l’indiquer, elle ne peut pas avoir été conçue par les politiciens grecs.

Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Source http://www.defenddemocracy.press/global-coup-detat-mapping-the-corporate-takeover-of-global-governance-2/

Mitsotakis peut-il devenir un « Thatcher grec »

Mitsotakis peut-il devenir un « Thatcher grec », et qui le pousse à essayer de jouer un tel rôle ? (*) Par Dimitris Konstantakopoulos

Le gouvernement grec semble capable – et le seul capable – de provoquer une sorte de révolution dans le pays ! Il y est déjà parvenu à Nea Smyrni (banlieue des classes moyennes d’Athènes), où il a réussi à faire sortir dans la rue les citoyens grecs, par ailleurs endormis, pour protester contre la violence policière, d’une manière massive que Nea Smyrni n’avait pas connue depuis des décennies.

Les performances du gouvernement à Halandri (une autre banlieue des classes moyennes d’Athènes), ne sont pas non plus mauvaises. Là, la police a pris d’assaut un marché de légumes populaire.

Et, si la proposition de Varoufakis à SYRIZA et au KKE (PC de Grèce) pour une action commune contre les menaces à la démocratie est acceptée, alors le gouvernement grec aura accompli le « huitième miracle du monde », c’est-à-dire la coopération des partis de gauche grecs.

On ne sait pas par où commencer et où chercher dans une Grèce hors de contrôle, où (le slogan du gouvernement) « la loi et l’ordre » se transforme rapidement en son contraire. Aux hôpitaux qui tombent en ruine ? Dans la police qui devient folle et dans la nouvelle unité « Action » créée par le gouvernement et spécialisée dans le passage à tabac de n’importe qui sans discernement ? Ou encore à la performance de la plupart des médias grecs, qui est maintenant comparable au rôle que les médias jouaient sous la junte des colonels ou sous le régime stalinien en URSS ?

Dans un sens, les médias grecs ont dépassé ces records historiques, notamment dans leur capacité à cacher à l’opinion publique des éléments d’information tout à fait importants.  (Bien sûr, il est bon de rappeler que ni les médias grecs sous les colonels ni les médias soviétiques n’ont pu sauver leurs régimes respectifs. Au contraire, non seulement ils ont précipité leur effondrement, mais ils l’ont finalement rendu plus catastrophique).

Nous sommes même en train de passer du contrôle des flux d’information à la construction de l' »information ». Comme le dernier sondage, selon lequel sept Grecs sur dix sont favorables à la fermeté du gouvernement face à la grève de la faim de Koufontinas, même si le prisonnier meurt. Pour que cela soit vrai, cela signifie que cette opinion est partagée par une partie considérable des électeurs de SYRIZA, du KINAL (ex-PASOK), du Parti communiste et de MeRA25 (Varoufakis)…

Avec l’élan qu’ils ont pris, ils finiront par croire eux-mêmes de telles choses.

Selon certaines sources bien informées, le Premier ministre est maintenant fortement conseillé par des personnes de son cercle intime de rester ferme sur les questions d' »ordre et de sécurité » en général et certainement sur la question du Koufontinas. Ils lui conseillent de rester ferme et de ne pas tenir compte de l’avis de certaines figures centrales de l’establishment lui-même, comme le directeur du journal progouvernemental Vima, qui lui a conseillé d’adopter une attitude plus indulgente.

L’héritage de la « Dame de fer

L’argument de ces conseillers du Premier ministre est qu’en restant fidèle à la ligne politique actuelle sur les questions d' »ordre et de sécurité », il a une occasion historique de devenir une « Thatcher grecque ».

La tentation est grande pour le Premier ministre, alors qu’il est pressé par la réalité, de la fuir encore plus impétueusement, avec des doses plus importantes d’un médicament qui s’est déjà révélé être un poison. La peur peut mener dans différentes directions. Un leader fort est plus enclin à introduire la réalité dans ses calculs. Une personnalité faible est au contraire terrifiée par la perspective de détruire sa propre « image ».

Un leader et une personnalité forts peuvent réfléchir froidement et céder. Un leader et une personnalité faibles ont encore plus peur d’un recul et se laissent plus facilement piéger dans une mauvaise voie.

Nous devons dire dès le départ qu’une comparaison des politiciens grecs actuels avec des politiciens tels que Thatcher, de Gaulle, Roosevelt ou Churchill, qui ont mené de grandes transformations, n’est tout simplement pas sérieuse. Elle ne peut être prise que comme une plaisanterie. Les ambitions et les fantasmes sont bons, mais il faut les comparer à la réalité pour ne pas être entraîné dans de très grosses erreurs.

Il n’y a pas une chance sur un million que le Thatcherisme de 1981 se répète en 2021 et en Grèce, tant pour des raisons subjectives qu’objectives. Si on en parle ici, c’est parce que si on croit à quelque chose, même si c’est complètement improbable, alors on peut produire des résultats politiques importants.

Il est vrai que Thatcher a adopté une position absolument impitoyable sur la question de la grève de la faim des combattants républicains irlandais détenus dans les prisons britanniques.

L’assassinat indirect des grévistes était l’un des innombrables crimes de l’Empire britannique dans le monde, à l’instar de ce qu’il a fait à Chypre, où ses représentants ont pendu de jeunes Grecs et les ont enterrés dans les « tombes des prisonniers » (Fylakismena Mnimata), sans même permettre à leurs mères et à leurs pères d’assister à leur enterrement.

C’était le niveau de civilisation standard de l’impérialisme britannique. Et ils se demandaient pourquoi ils ne pouvaient pas apprivoiser leur petite colonie.

 En une autre occasion, la « Dame de fer », comme était son surnom, ordonna le naufrage d’un navire argentin et d’un millier de marins par traîtrise, en dehors du champ d’opérations que les Britanniques avaient eux-mêmes défini pendant la guerre des Malouines.

Il est vrai que ces crimes, ainsi que l’écrasement de la grande grève des mineurs, ne semblent pas avoir causé de tort politique à Thatcher. Au contraire, ils ont renforcé son pouvoir politique. À long terme, bien sûr, la politique de la « Dame de fer » a jeté les bases de la désindustrialisation de la Grande-Bretagne, de sa profonde crise sociale et a maintenant amené le Royaume-Uni, un État à l’histoire séculaire, à la possibilité de se désintégrer en ses parties constituantes. À la mort de Thatcher, des milliers de personnes dans le monde entier ont éclaté en manifestations de joie spontanées.

Nous n’examinerons pas ici les grandes questions morales soulevées par l’héritage de Thatcher et qui, comme nous l’a appris Thucydide, ont à la fois une grande importance et de grandes implications politiques. Nous voulons parler du Thucydide de l’Épitaphe, et non du Thucydide tel qu’il est compris par de nombreux Grecs modernes qui, trahissant leur propre moralité et leur ignorance, croient qu’il enseignait que la justice ne compte pas, mais seulement le pouvoir.

Nous ne comparerons pas non plus les personnalités de Thatcher et de Mitsotakis.

Nous nous contenterons d’examiner trois raisons cruciales pour lesquelles le précédent britannique des années 1980 n’est pas reproductible dans la Grèce de 2021 et pourquoi toute tentative de le répéter aura des conséquences tragiques pour le pays, mais aussi pour ceux qui la tenteront.

Les différences essentielles

Premièrement, Thatcher a enfourché le destrier du néolibéralisme lors de son ascension, et non pas lors de sa grande crise, comme aujourd’hui. Même le chef de file de l’anti-étatisme grec (ex-ministre) Stefanos Manos est sorti l’autre jour, furieux parce qu’il était resté six jours sans électricité à Ekali (une banlieue riche d’Athènes), en criant « Où est l’État ? ». (lors d’une récente tempête qui a frappé la Grèce). Les statistiques mondiales de la pandémie sont claires à ce sujet : les pays dits socialistes et les pays capitalistes qui ne sont pas passés au néolibéralisme extrémiste ont résisté au COVID, tandis que les États-Unis et l’Europe occidentale ont subi et subissent encore un Waterloo sanitaire.

Avec sa politique, Thatcher a rallié (et l’a dit) les deux tiers de la société contre le tiers le plus pauvre. Ici, même s’ils ont disparu de la réalité télévisuelle virtuelle, la moitié des Grecs ne peuvent pas survivre et beaucoup n’ont même pas de quoi se nourrir décemment.

Un million et demi de Grecs en âge de produire sont hors production. Le gouvernement est totalement indifférent aux chômeurs de longue durée, comme s’ils n’existaient pas.

Au train où vont les choses, il faudrait probablement une forme de dictature, ouverte ou cachée tant que nous restons dans l’UE, pour « persuader » tous ces gens d’accepter tranquillement la perspective d’une extrême misère, voire d’une mort prématurée. Mais il est très douteux qu’une dictature basée sur une base sociale et idéologique aussi étroite puisse être imposée. Une tentative de l’imposer conduira plutôt à une généralisation de l’anarchie et à la décomposition du pays. Mitsotakis ne peut pas devenir un dictateur, mais il peut préparer le terrain pour un futur dictateur.

La Grèce (comme tout l’Occident) n’a pas besoin de plus de néolibéralisme, mais plutôt d’un abandon complet et radical des doctrines néolibérales, même si l’on pense qu’elles avaient quelques avantages en 1980. Le fiasco mortel du gouvernement avec le NHS grec le prouve amplement.

Deuxièmement, Thatcher a enfourché le cheval de la tradition impériale britannique. L’Empire a peut-être détruit des dizaines de pays et de peuples de la planète, mais il a aussi distribué une partie des superprofits, issus du pillage du colonialisme, aux classes inférieures et moyennes britanniques, achetant ainsi la complicité d’une partie de la société britannique.

La troisième différence, beaucoup plus intéressante, entre Thatcher et Mitsotakis, en est une autre à notre avis. Avec son insensibilité face à la mort de Boby Sands et de ses camarades, Thatcher a strictement respecté l’ordre juridique britannique et a protégé, et non détruit, la souveraineté et le pouvoir de l’État britannique.

Voici la grande et cruciale différence : dans le cas de Koufontinas, l’État grec viole clairement l’ordre juridique grec. La loi grecque exige le transfert de Koufontinas à la prison de Korydallos.

Le prisonnier a eu recours à une grève de la faim pour faire respecter la loi de l’État grec !

Sands a été conduit à la mort par l’application de la loi britannique (inhumaine). Koufontinas est conduit à la mort en violation de la loi grecque et se bat pour l’application de la loi.

 Lutte contre le terrorisme ou lutte contre la démocratie ?

Cette histoire a très peu à voir avec Koufontinas ou avec le terrorisme. Koufontinas a été choisi comme cible parce qu’il est le moins défendable des citoyens grecs et parce que quiconque ose défendre ses droits se range facilement parmi les « amis » et les « sympathisants » du terrorisme.

 Mais dans la position de Koufontinas, c’est-à-dire d’un citoyen virtuellement sans défense contre la violation non informée de la loi par les organes de l’État, on peut trouver demain n’importe quel citoyen de gauche, de droite, centriste ou apolitique et sur n’importe quelle question, politique ou autre.

Ceux qui ont planifié cette affaire veulent « éduquer », par la force de l’exemple, les citoyens et consolider l’idée que personne ne peut compter sur la loi et l’État – la seule solution est de se soumettre à la volonté de ceux qui exercent le pouvoir.

Ils ne sont pas intéressés par la lutte contre un « terrorisme » qui a pratiquement disparu de la Grèce en tant que menace à prendre en compte depuis deux décennies et qui, s’il ressuscite, qu’il soit authentique ou fabriqué, le sera précisément à cause de cette affaire. Ce qui les intéresse, c’est de combattre la démocratie.

C’est un grand honneur pour les juges et les procureurs grecs d’avoir compris cela et d’avoir réagi par l’intermédiaire de leur syndicat, ainsi que des barreaux de Patras et du Pirée et de six membres de l’Areios Pagos (la cour suprême en Grèce).

Car en définitive, il n’y a que deux situations possibles. L’État de droit ou la loi de la jungle.

Le Dictateur

En fait, en utilisant le prétexte du terrorisme ou du caractère des actes passés du prisonnier, il y a une tentative claire, imperceptible, de commencer à mettre en œuvre un changement de régime, en introduisant un régime d’exception, qui consiste à reconnaître de facto le droit du pouvoir à ne pas obéir à ses propres lois.

L’un des plus grands théoriciens du droit, l’Allemand Karl Schmitt, a défini un dictateur comme suit : « Le souverain est celui qui décide de l’exception ». Pour Schmitt, l’exception ne correspond pas à la notion classique d’utilisation de moyens exceptionnels pour « sauver la constitution », mais plutôt à un mécanisme permettant de créer une autre constitution.

Le dictateur a déjà été introduit officiellement en Grèce en 2010, sous la forme de la Troïka, représentative, en dernière analyse, de l’empire du capital financier mondial. Mais son introduction à l’époque ne concernait que la politique économique de l’État.

Maintenant, on tente d’étendre son pouvoir à ce qui concerne le monopole étatique de l’utilisation légale du pouvoir, qui est la caractéristique ultime d’un pouvoir étatique.

A la recherche d’idiots utiles

« La plus grande erreur que nous ayons commise dans cette affaire est la disposition explicite de la loi selon laquelle Koufontinas ira à la prison de Korydallos » m’a dit une personne raisonnable du parti Nouvelle Démocratie.

« Si c’est le cas, pourquoi ne le réparez-vous pas ? » lui ai-je demandé. Peut-être que les fonctionnaires grecs qui ont rédigé la dernière loi ont fait une erreur. Après tout, l’État grec est « enclin aux erreurs ». Mais les fonctionnaires américains qui surveillent de près la politique antiterroriste grecque ne sont pas si « sujets aux erreurs ».

Bien sûr, nous pouvons nous tromper. Il est difficile de trouver des preuves décisives et un « pistolet fumant » dans de tels cas. Nous avons néanmoins l’impression que derrière l’affaire Koufontinas, ainsi que derrière toute la doctrine de « l’ordre public », se cache la même faction radicale et extrémiste au centre même du pouvoir impérial (de l’empire de la finance).

C’est le même noyau qui a utilisé le terrorisme pour lancer la chaîne de guerres dévastatrices au Moyen-Orient, le même qui nous a utilisé en 2010, pour commencer la démolition de l’État-providence dans toute l’Europe, le même qui a attaqué Chypre et a acquis le contrôle de ses banques par le programme de renflouement, le même qui a attaqué en Ukraine en 2013-14, pour commencer la nouvelle guerre froide, le même qui a utilisé la défaite par capitulation de la gauche grecque en 2015, pour canaliser le radicalisme provoqué par la crise vers l’extrême droite mondiale.

Nous ne voulons certainement pas dire que la voie empruntée par le parti Nouvelle Démocratie va à l’encontre de ses souhaits. Ce que nous voulons dire, c’est qu’ils ne l’ont pas prise, et qu’ils ne la prendraient pas, s’ils estimaient qu’une telle voie ne correspond pas aux désirs profonds des puissants centres de pouvoir étrangers. Bien sûr, le système impérial qui dirige l’Occident est fortement divisé et l' »élite » grecque est à peine capable de savoir avec laquelle de ses factions elle est en contact à chaque fois. Pour elle, l’Occident est le maître, et cela suffit. Une guerre civile à l’intérieur de la puissance est aussi inconcevable et malvenue, qu’un divorce de ses parents à un petit enfant.

Nous passons maintenant de la démolition de l’État-providence européen d’après-guerre à l’entreprise de démolition des vestiges de la démocratie bourgeoise et de la souveraineté des nations européennes. Et ils ont besoin d’un pays – un « idiot utile » – pour démarrer de quelque part, comme en 2010, l’ensemble du processus. Détruire ce qui reste de la démocratie européenne et occidentale est également une condition préalable pour lancer de nouvelles guerres et pour appliquer la doctrine du « Choc des civilisations ».

Ils ont également besoin que le gouvernement actuel procède à des actions qui ne sont pas réversibles et qui l’enfermeront définitivement dans une telle voie.

Comment ils convainquent nos politiciens

Pour convaincre l’élite grecque de coopérer à de telles entreprises, de nombreux moyens et méthodes sont utilisés. Mais il est toujours préférable pour elle de croire qu’elle va aussi gagner quelque chose, que la pilule soit sucrée, de voir le fromage et non le piège, de penser que tout cela aura une fin heureuse.

  Le Premier ministre George Papandreou croyait qu’il allait sauver la Grèce avec l’aide de ses amis américains et du FMI. Le Premier ministre Antonis Samaras qu’ils allaient restructurer la dette grecque. Le Premier ministre Alexis Tsipras pensait que les amis américains (encore !) lui garantiraient un accord présentable avec les prêteurs.

Ils ont convaincu M. Mitsotakis, et ils veulent le garder convaincu, qu’il deviendra le « Thatcher grec » et il est nécessaire de le faire, car la ND peut vouloir une telle orientation de la politique, mais cela ne signifie pas qu’elle n’a pas aussi peur des conséquences.

Ils ont même mobilisé, en l’absence de la moindre déclaration officielle américaine, un diplomate à la retraite, aspirant à devenir ambassadeur en Chine, Nicholas Burns, pour les féliciter de leur position ferme. Ils ont commencé à publier des sondages scandaleux, pour convaincre le gouvernement et l’opposition que le peuple grec s’est transformé en un peuple de mangeurs d’hommes qui souhaite ou même ne se soucie pas de la mort de Koufontinas. Ces méthodes s’adressent également à SYRIZA : elles cherchent à convaincre ses dirigeants qu’ils ont tort de soutenir Koufodinas. La seule erreur que Syriza a réellement commise est exactement le contraire, à savoir qu’ils n’ont pas protesté beaucoup plus fort à l’intérieur du pays et en Europe, non pas pour Koufontinas seulement et en particulier, mais pour la nouvelle menace sérieuse contre la démocratie en Grèce. Non seulement SYRIZA, mais l’ensemble de la gauche européenne en paiera à nouveau, comme en 2015, le prix.

En délivrant un certificat officiel – aussi définitif que la mort – d’insensibilité, ainsi qu’en poursuivant les tactiques terroristes des forces de police, l’actuel Premier ministre ne deviendra pas Thatcher. Il va au contraire ouvrir un abîme avec une grande partie du peuple grec. Plutôt que de lire des sondages qui sont une blague, il devrait plutôt regarder les fissures déjà visibles dans son propre parti et son entourage.

En s’obstinant dans cette voie, M. Mitsotakis va initier des processus désastreux, tant pour lui-même que pour le pays, même si nous ne pouvons aujourd’hui prédire avec précision ni quand ils se manifesteront, ni quelle forme ils prendront, ni même sur quel sujet. L’information peut être émoussée et déformée par le système médiatique, mais la vérité ne disparaît jamais complètement. Ce n’était pas le cas même dans les âges les plus sombres de l’histoire.

L’information passe dans l’inconscient collectif national. Le sang n’est pas comme les batailles rhétoriques des politiciens sur les plateaux de télévision ou au Parlement. Il a la propriété de réveiller les instincts les plus primaires de l’être humain.

Nous n’appartenons pas aux partisans du parti au pouvoir.  Mais comme le premier ministre a déjà mouillé un pied dans l’eau du Rubicon, et étant donné qu’il a fêté son anniversaire il y a quelques jours, nous lui souhaitons sincèrement de nombreuses et bonnes années à venir et, bien sûr, de ne pas associer sa carrière politique à des morts humaines.

Source : kosmodromio.gr

(*) This article is the translation (with very few modifications) of an article was first published in Greek by kosmodromio.gr.

Source http://www.defenddemocracy.press/can-mitsotakis-become-a-greek-thatcher-and-who-is-pushing-him-to-try-to-play-such-a-role/

Loi « Sécurité Globale » : le risque d’une surveillance massive

Proposition de loi « Sécurité Globale » : le risque d’une surveillance massive

Mercredi 3 mars, les sénateurs et sénatrices français ont commencé à débattre de la proposition de loi controversée dite « sécurité globale ». Si un tel texte était voté en l’état il risquerait d’instaurer une surveillance d’Etat démesurée et inacceptable.

Le 24 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi dite de « Sécurité Globale ». Hier, mercredi 3 mars, le débat s’est ouvert avec l’examen de la proposition de loi en commission au Sénat. Le débat en séance plénière se tiendra du 16 au 18 mars prochain.

Les sénateurs et sénatrices doivent reconnaître que si elle est adoptée en l’état, cette proposition de loi dangereuse instaurerait une surveillance de masse, notamment au moyen de drones, et porterait gravement atteinte aux droits à la vie privée et à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Agir : Interpeller les sénateurs et sénatrices sur la proposition de loi Sécurité Globale

Surveillance massive

Cette nouvelle loi permettrait de mettre en place un dispositif de surveillance généralisée en donnant la possibilité aux forces de l’ordre de filmer n’importe qui, presque partout, à l’aide de drones.

L’article 22 prévoit l’utilisation de drones dans de nombreux cas, prévoyant de très rares exceptions (l’intérieur des maisons, par exemple), avec la possibilité pour la police d’accéder aux images instantanément. Ce type de surveillance constitue une intrusion totalement démesurée et inacceptable dans la vie des gens.

L’article 21 élargit par ailleurs la possibilité pour la police de filmer toute personne en utilisant davantage de « caméras-piétons ».

Lire aussi : Pourquoi la proposition de loi Sécurité Globale est dangereuse pour nos libertés

L’utilisation massive de caméras de surveillance, couplée à la reconnaissance faciale, plongerait la France dans un système de surveillance de masse. Les députés se sont abstenus d’exclure le traitement des images par des logiciels de reconnaissance faciale. Les sénateurs et sénatrices de la commission des lois viennent d’interdire le recours à cette technologie, ce qui est une avancée, mais uniquement pour les images filmées par drones.

Nous demandons l’interdiction de l’utilisation des systèmes de reconnaissance faciale qui menace le droit de manifester. En outre, les minorités ethniques sont les plus exposées au risque d’être mal identifiées par les systèmes de reconnaissance faciale.

ENTRAVER LA DIFFUSION D’IMAGES DE LA POLICE 

Si elle est adoptée, cette loi rendra illégale la diffusion d’images des forces de l’ordre, pour des motifs vagues, par exemple lorsqu’il sera considéré que ces images portent atteinte à l’ »intégrité psychologique » des policiers. Il est essentiel que les journalistes et autres personnes puissent filmer les policiers afin de s’assurera, le cas échéant, que ceux-ci soient tenus responsables de leurs actes.

Lire aussi : Violences policières, danger pour la liberté d’informer

Des vidéos attestant un usage excessif de la force par la police ont été essentielles à l’ouverture de poursuites contre des policiers. Par exemple, Michel Zecler, un producteur de musique noir, a été victime d’un usage illégal de la force par des policiers, le 21 novembre 2020. Ces abus ont été filmés, ce qui a permis l’ouverture de poursuites contre les fonctionnaires concernés.

Lire aussi : Comment les autorités françaises ont procédé à des détentions arbitraires lors d’une marche des libertés

Le 1er mars, les rapporteurs du Sénat, qui sont chargés de proposer des modifications relatives au texte que l’Assemblée nationale avait adopté en novembre, ont recommandé de reformuler cet article. Ils ont proposé d’ériger en infraction l’incitation à l’identification des agents de la force publique en vue de menacer leur intégrité physique ou psychologique, que l’image soit diffusée ou non. Cette proposition est tout aussi problématique car elle repose sur des notions vagues qui pourraient être utilisées pour restreindre de manière disproportionnée la liberté d’expression. Nous craignons que cette loi ne menace le droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de recevoir et de communiquer des informations.

Agir : INTERPELLEZ LES SÉNATEURS POUR PROTÉGER NOS LIBERTÉS !

La proposition de loi « Sécurité Globale » menace nos libertés. Le Sénat a désormais la main sur cette proposition de loi. Ensemble, interpellons les sénateurs et sénatrices et demandons-leur de protéger nos libertés.

Plusieurs articles sur Koufontinas

Pour suivre l’évolution de la situation au jour le jour et les compte-rendus d’actions de solidarités, consulter le blog de Yannis Youlountas

https://secoursrouge.org/grece-immense-manifestation-pour-dimitris-koufontinas-a-athenes/

3/3/21 Ne laissons pas mourir Koufoundinas par A. Sartzekis Source https://t pt4.org/2021/03/03/grece-ne-laissons-pas-mourir-koufondinas/

et sur la même page le communiqué de Synantissi (Rencontre pour une Gauche anticapitaliste et internationaliste) dont la page facebook est censurée

1/3/21 Un gréviste de la faim en butte au retour du refoulé fasciste https://lundi.am/Grece-Un-greviste-de-la-faim-en-butte-au-retour-du-refoule-fasciste

1/3/21 Le gouvernement grec laisse mourir un prisonnier en grève de la faim https://rapportsdeforce.fr/breves/le-gouvernement-grec-laisse-mourir-un-prisonnier-en-greve-de-la-faim-03019462

28/2/21 En Grèce, juges, avocats, écrivains et militants au chevet d’un prisonnier d’extrême gauche en grève de la faim https://www.mediapart.fr/journal/international/280221/en-grece-juges-avocats-ecrivains-et-militants-au-chevet-d-un-prisonnier-d-extreme-gauche-en-greve-d?utm_source=20210228&utm_medium=email&utm_campaign=QUOTIDIENNE&utm_content=&utm_term=&xtor=EREC-83

 

Destituer la dette pour construire la démocratie

 Par Gilles Grégoire Permanent au CADTM Belgique et membre d’ACiDe


 

Alors qu’elle fait partie de notre quotidien depuis toujours, la dette est devenue un concept abstrait, inaccessible, purement technique et, par conséquent, totalement dépolitisé. Qu’on parle de dette publique ou de dette privée, il semble établit que « une dette ça se rembourse » et point à la ligne. Or, les dettes ont aujourd’hui colonisé chaque recoin de l’économie mondiale. Elles servent de prétexte à des pratiques qui génèrent d’importants bénéfices pour certaines personnes et ont des conséquences dramatiques pour beaucoup d’autres. Il est dès lors fondamental de repolitiser l’enjeu de la dette, d’en questionner la légitimité et de mettre en place des outils qui permettent d’exercer sur elle, ainsi que sur l’ensemble des finances publiques, un réel contrôle citoyen.

  Sommaire
  • Les deux faces de la dette
  • La dette comme outil de domination et de transfert des richesses
  • Le règne de la dette
  • L’institution imaginaire de la dette
  • Au-delà de la dette, la nécessité d’une réappropriation collective des finances (…)

Les deux faces de la dette

Dans l’imaginaire collectif, la dette fait partie des concepts qui appartiennent, à la fois, à la réalité concrète et immédiatement tangible du quotidien et à la nébuleuse de notions qui peuple le langage des « experts ». Ceux-ci nous répètent régulièrement son importance fondamentale dans notre économie mais n’en rendent pas pour autant son lien avec nos vies plus évident. D’un côté, il y a les dettes auxquelles nous devons faire face tous les jours : les emprunts pour la maison, la voiture, et pour certain·e·s de plus en plus nombreuses/eux, pour pouvoir faire les courses, pour le minerval à payer en plusieurs mensualités, la facture d’abonnement téléphonique, la tournée de bière due après celle offerte par les autres, etc. De l’autre, il y a les dettes dont il est question dans les médias- la dette publique (grecque, belge, ou autre), la « bulle de dettes privées », les titres (actions, obligations et produits dérivés) en circulation sur « les marchés » et détenus par les hedges funds, banques d’investissement, banques centrales et fonds vautours– et qui semblent au centre des préoccupations des décideurs politiques mais dont personne, en ce compris ces mêmes décideurs politiques, ne semble pouvoir/vouloir expliquer d’où elles viennent, qui les détient ni pourquoi elles sont dues.

L’utilisation de la dette comme outil de transfert de richesses et de soumission des classes laborieuses n’est pas une pratique récente

Si, dans son premier aspect, la dette nous apparaît comme un concept évident, c’est parce qu’elle fait partie des sociétés humaines depuis aussi longtemps qu’elles existent. Elle précède de très loin la naissance du capitalisme et même l’invention de la monnaie et du commerce. « Si je te donne quelque chose, tu me dois quelque chose en retour » résume le concept de la dette mais aussi de l’échange lui-même. On pourrait donc dire que la dette peut [1] se retrouver à la base même du fait social. Si elle est également devenue un sujet aussi abstrait qu’inaccessible, c’est pour deux raisons :

  • Parce que d’une pratique quotidienne ancestrale, banale et impliquant clairement un esprit de réciprocité, elle s’est transformée en un outil de domination sociale et de transfert des richesses globalisé,
  • Parce qu’elle a colonisé en profondeur chaque recoin de l’économie mondiale.

La dette comme outil de domination et de transfert des richesses

L’utilisation de la dette comme outil de transfert de richesses et de soumission des classes laborieuses n’est pas une pratique récente. Depuis des siècles, les soubresauts de la démocratie ont régulièrement été liés au niveau d’endettement des populations. Quand celui-ci devenait trop élevé et qu’une partie importante du peuple était réduite à la servitude au profit de quelques créanciers, cela débouchait sur des révoltes et, au final, sur des annulations de dettes, parfois accompagnées de la chute de la hiérarchie sociale en place. Ainsi, ces annulations de dettes périodiques sont inscrites dans de nombreuses cultures comme condition de l’équilibre social, et pendant 4000 ans, en Europe également [2]. L’Histoire raconte par exemple que la démocratie athénienne (quelle qu’imparfaite qu’elle fut) naquit, en -594, de manière concomitante à la révolte du peuple de la cité (les « demos ») très largement endetté, contres ses créanciers et à l’interdiction de l’esclavage pour dette (qui réapparut bien sûr par la suite). Les révoltes populaires en cours au Liban, au Chili, au Honduras, en Haïti, au Soudan, en Équateur mais aussi en France et en Belgique avec les Gilets jaunes, et qui se cristallisent autour du « coût de la vie » trop élevé et le rejet de la classe dominante, s’inscrivent manifestement dans cette même lignée.

Quand il commença à s’imposer il y a cinq siècles, le capitalisme sut s’appuyer efficacement sur le système de domination par la dette, au point que ce dernier devint l’un de ses rouages fondamentaux. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la dette permit le maintien de l’exploitation des populations du Sud par les ex-puissances coloniales. Les dettes contractées par les colonisateurs auprès de la Banque mondiale dès 1950, indispensables aux métropoles européennes pour maximiser l’exploitation de leurs colonies, ont ensuite été transférées aux peuples colonisés au moment de leur accession à l’indépendance. Les nouveaux dirigeants étaient priés d’obtempérer, sous peine de disparition violente (pensons à Patrice Lumumba et à Thomas Sankara). Une indépendance de façade donc, concédée tel un cadeau empoisonné accompagné d’un transfert de la dette coloniale, opéré sans le consentement des pays concernés [3]. Aujourd’hui encore, les grands pays créanciers s’assurent de la sauvegarde de leurs intérêts dans le Sud au sein du « Club de Paris » [4] et avec l’appui de la Banque mondiale et du FMI. Les réformes qu’ils imposent aux pays du Sud, en échange de quelques ajustements sur leur dette, contraignent ces derniers à libéraliser au maximum leurs économies et à construire celles-ci sur la base d’exportations massives de matières premières, mettant ainsi en péril le cadre de vie et la souveraineté alimentaire des populations locales.

La dette publique est devenue le prétexte n°1 pour imposer la réduction des dépenses publiques (via les privatisations et les partenariats publics-privés), ainsi que la dérégulation des marchés et la « flexibilisation » des normes du travail

Comme en témoigne l’exemple de la Grèce, ce chantage ne s’applique plus uniquement aux populations du Sud mais également à celles du Nord. Partout, la dette publique est devenue le prétexte n°1 pour imposer la réduction des dépenses publiques (via les privatisations et les partenariats publics-privés), ainsi que la dérégulation des marchés et la « flexibilisation » des normes du travail qui ne bénéficient in fine qu’aux grandes entreprises, au mépris de toute notion d’intérêt général. Les banques elles aussi, sont parmi les grandes gagnantes de ce mécanisme. En effet, après avoir vu leurs bilans s’effondrer lors de la crise financière de 2008, leurs dettes ont été transférées aux États, via les différentes phases des sauvetages bancaires et ce sont à nouveau elles qui, aujourd’hui, conditionnent le financement des États aux efforts budgétaires qu’ils fournissent. On assiste donc à une « socialisation des pertes » suivie d’une « privatisation des profits » en trois étapes :

  1. La dette privée créée par la spéculation des institutions financières et des grandes entreprises forme une bulle qui finit par leur éclater à la figure.
  2. Les ménages et les PME sont les premières victimes alors que les États s’endettent pour sauver les responsables.
  3. Une fois que les banques sont sauvées et recommencent à générer du profit, elles sont remises dans les mains des actionnaires privés (les plans qui concernent Belfius en sont un parfait exemple [5]) et le reste de la population est prié de se serrer la ceinture pour espérer relancer la croissance (c’est-à-dire la productivité des entreprises) au prétexte de sauver l’emploi.

Le règne de la dette

Ce schéma de transfert de richesses de la population vers les détenteurs de capitaux via l’endettement n’est donc ni récent ni accidentel mais la financiarisation de l’économie l’a fortement étendu et renforcé.

La financiarisation du capitalisme implique, par rapport à la phase industrielle qui la précédait [6], un recours généralisé de la part des entreprises mondialisées et des États à l’endettement pour assurer leur financement. Ces dettes -et les produits financiers qui peuvent en être dérivés– étant ensuite massivement achetées et revendues sur ce qu’on appelle « les marchés ». Ce système est hautement instable puisque basé sur des spéculations -parfois contradictoires- et à l’avantage unique et manifeste des détenteurs de capitaux. Les capitaux émis par les très grandes entreprises (leurs actions) sont donc généralement davantage considérés par leurs propriétaires comme des valeurs mobilières (échangeables et valorisables) assorties d’un droit de créance, plutôt que comme des titres de propriété, comme c’était le cas avec le capitalisme industriel. Cela signifie entre autres qu’ils ne sont pas utilisés pour augmenter la valeur réelle de l’entreprise mais pour augmenter à (très) court terme la valeur fictive du titre en tant que tel pour espérer engranger un maximum de profits en le revendant. Bien entendu, cela n’empêche pas les actionnaires d’exiger dans le même temps les plus hauts rendements pour leurs dividendes. À l’évidence, ce type de gestion des grandes entreprises se moque allègrement de son impact sur la société et l’environnement et va totalement à l’encontre de la pérennité même des entreprises, en les conduisant invariablement à mener de nombreuses phases de « restructuration » jusqu’à finalement déposer le bilan, être absorbées par une entreprise plus grande et plus pérenne, ou à être emportées par le prochain choc boursier.

Non, une dette ne se rembourse pas par principe et sous n’importe quelle condition

Le droit de propriété étant forcément inexistant sur les biens publics, ces derniers sont dès lors, soit purement et simplement détruits pour laisser la place aux grandes entreprises privées [7], soit privatisés pour permettre aux détenteurs de capitaux, en plus de retirer les bénéfices réels que pourraient générer ces biens, d’influer sur leur valeur spéculative et ainsi augmenter les profits qu’ils en retireront. Au bout du compte, la privatisation des services publics et leur marchandisation conduisent à une réduction importante de l’accès à ces services et contraignent les ménages à recourir eux-mêmes davantage à l’endettement pour subvenir à leurs besoins fondamentaux ou pour rembourser les dettes qu’ils avaient déjà (tels leurs emprunts hypothécaires). Ces nouvelles dettes (et leurs produits dérivés) gonflent encore le transfert de richesses vers les créanciers et sont, elles aussi, sujettes à leurs jeux spéculatifs. Cette véritable « accumulation par expropriation » [8] est bien entendu également alimentée par les injustices fiscales. Enfin, comme dit plus haut, lors des éclatements inévitables et répétés de ces gigantesques bulles de crédits (tel qu’en 2007-2008 et, de plus en plus probablement, dans un futur proche [9]), la charge des pertes colossales enregistrées par les créanciers est reportée sur les débiteur/trice·s, c’est à dire sur les États et in fine, sur la population. Ce système d’accaparement massif basé sur la spéculation et la vampirisation des ressources et des produits de l’économie par le capital est par essence anti-démocratique et destructeur des droits sociaux et de l’environnement.

L’institution imaginaire de la dette

C’est précisément parce la dette constitue à ce point un pilier de l’économie capitaliste financiarisée qu’elle est si peu abordée en terme concrets. La dette, comme d’autres institutions sur lesquelles le système politique et économique base sa légitimité, est aujourd’hui instituée comme un état de fait, dépolitisé dont on ne débat qu’à propos d’aspects techniques sans aborder son bien-fondé, sa légitimité en tant que telle. « Une dette ça se rembourse » et point à la ligne. Or, lorsque le mantra a remplacé la réflexion, lorsque l’objet de discussion est devenu un symbole inerte qui se suffit à lui-même et sert à justifier l’injustifiable, le bon sens oblige de le destituer pour le requestionner, le politiser à nouveau et évaluer son fondement. Non, une dette ne se rembourse pas par principe et sous n’importe quelle condition. Encore faut-il, au minimum, prouver qu’elle est effectivement due. Et, ensuite, évaluer ce qu’implique son remboursement. Si cela semble couler de source, c’est pourtant au discours inverse auquel la population est confrontée par les créanciers et les États.

La dette n’est pas une question strictement technique ou budgétaire, c’est un enjeu éminemment politique

Le fait qu’il y ait aujourd’hui une montagne de dettes privées et publiques ne peut rationnellement s’expliquer par le seul fait que « nous » aurions « vécu au-dessus de nos moyens » . Ces dettes ont des origines définies, sont détenues par des personnes physiques ou morales identifiables qui en retirent un profit chiffrable, ont été contractées dans des conditions et à des fins dont la légitimité peut être débattue et, qui plus est, servent globalement une fonction précise. Et dès lors, une fois ces paramètres questionnés, le bien-fondé de leur remboursement peut et doit également être évalué. La dette n’est pas une question strictement technique ou budgétaire, c’est un enjeu éminemment politique.

 Au-delà de la dette, la nécessité d’une réappropriation collective des finances publiques

Quelle prise alors avons-nous sur cet enjeu pour le ramener au centre du débat et en questionner la légitimité ? Et, quand bien même parviendrions-nous à faire entamer ce débat et à destituer symboliquement l’enjeu de la dette, comment pourrions-nous réellement venir à bout de ce système de domination ? Car si la dette est un pilier fondamental du capitalisme financiarisé, c’est bien de ce dernier dans son ensemble qu’il faut venir à bout et dont la résistance, quand on s’attaque à l’un de ses fondements, n’est pas à démontrer.

Bien sûr, il n’y a pas de formule magique, ni d’alternative qui tienne d’un bloc. Il y a par contre des outils modestes, souvent fragiles mais toutefois efficaces et qui se basent sur les principes clés que sont notamment la reconstruction de communautés locales actives et porteuses de débats, la revendication d’accès direct au pouvoir politique et de son contrôle et la construction de contre-discours. L’audit citoyen de la dette en fait partie. Celui-ci consiste à rassembler, principalement à l’échelle locale mais parfois aussi à des niveaux plus larges, des citoyennes et citoyens qui décident de se réapproprier les comptes publics. Elles et ils exigent des autorités politiques qu’elles leur délivrent les informations nécessaires (et rendues intelligibles) pour analyser l’origine des dettes réclamées à leur commune (ou région, ou État), les conditions dans lesquelles elles ont été contractées, qui les détient et si elles ont profité à l’intérêt général ou non. Il s’agit d’un réel combat vu d’une part la réticence des autorités à délivrer les informations nécessaires à ce travail (bien que, en Belgique, la loi les y oblige) et d’autre part, la difficulté à mobiliser autour de la question de la dette. Mais lorsqu’ils y parviennent, ces groupes produisent des recherches qui sont parfois en mesure de réellement mettre à mal l’argumentaire défendant la légitimité du remboursement de la dette [10].

Mais puisqu’il ne s’agit pas seulement de susciter le débat mais de mettre en place de réelles pratiques démocratiques à l’encontre du pouvoir financier et de ne pas se limiter à la dette mais d’initier une réelle réappropriation collective de l’enjeu du financement du bien commun, il importe de considérer cet outil qu’est l’audit citoyen dans une fonction plus large. Celle d’un réel contrôle citoyen permanent sur les finances publiques dans leur ensemble [11]. En ce sens, il s’agit de construire des communautés locales de personnes et d’associations (allant des groupes militants au club de foot local en passant par les maisons de jeunes) s’alliant pour exercer ce contrôle et pour faire poids ensemble sur les autorités publiques pour rendre ce contrôle effectif. La mise en place d’un système réellement démocratique, instaurant une égalité effective entre les individus et leur garantissant une réelle liberté passe nécessairement par une refonte radicale du système économique et de son paradigme productif. L’échelon local est à la base de tout changement profond de société qui puisse être réellement démocratique. De plus, en Belgique, 40 % des investissements publics sont portés par les communes. Bien que le niveau de pouvoir soit « à la base », sa réappropriation aurait des effets conséquents. Si d’autres alternatives sont bien entendu nécessaires aux niveaux de pouvoir supérieurs, pour s’attaquer à l’enjeu de la dette dans une perspective de réappropriation démocratique des finances, c’est par l’échelon local qu’il faut commencer. Le chantier est ouvert.

Pour plus d’informations sur les audits citoyens en Belgique : www.auditcitoyen.be

Cet article reprend plusieurs extraits du Cahier de revendications communes sur la dette et la nécessité d’un réel contrôle citoyen sur la finance au niveau européen.


Article extrait du magazine AVP – Les autres voix de la planète, « Des audit pour démonter la dette » paru en décembre 2020. Magazine disponible en consultation gratuite, à l’achat et en formule d’abonnement.

Cet article a été initialement publié dans la revue Bruxelles Laïque Echos n°107 – L’économie de la critique. La version numérique de cette revue est disponible à cette adresse : https://issuu.com/bxllaique/docs/ble107

Notes

[1] « Peut » se retrouver car, bien entendu, l’acte de donner indépendamment de toute réciprocité constitue lui aussi la base de l’acte social.

[2] Voir la présentation « À qui profite la dette » du collectif ACiDe Liège et le livre d’Éric Toussaint, Le Système dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, français, Les Liens qui libèrent, 2017.

[3] « Dettes coloniales et réparations », Trimestriel Les Autres Voix de la Planète, n°76, CADTM, 1er trimestre 2019.

[4] Maud Bailly, « Quel est le rôle du Club de Paris ? », CADTM, 2017.

[5] Voir le manifeste de la plateforme Belfius est à nous sur http://www.belfiusestanous.be/manifeste/

[6] La phase de financiarisation n’étant que la suite logique du même système une fois qu’il se mondialise et qu’il ne rencontre plus d’obstacles à sa circulation.

[7] Souvent progressivement, en réduisant de plus en plus leur financement, et donc leur efficacité, pour au final justifier leur remplacement par des services privés au prétexte que ces derniers seraient plus performants.

[8] Selon l’expression de l’économiste David Harvey.

[9] Lire les deux articles d’Eric Toussaint, « Panique à la Réserve Fédérale et retour du Credit Crunch sur un océan de dettes », CADTM, septembre 2019 et « Retour sur la panique à la Réserve fédérale en septembre 2019 et les solutions à la crise », CADTM, octobre 2019

[10] Le travail du Réseau municipaliste contre la dette illégitime et les coupes budgétaires en est un bon exemple. En Belgique, le travail du groupe local de Liège de la plateforme ACiDe (Audit Citoyen de la Dette) le démontre aussi. Voir la brochure 15 choses que vous devriez savoir sur la dette de Liège sur http://www.auditcitoyen.be

[11] Si le mot « réel » est ici utilisé, c’est pour souligner que le modèle « participatif » proposé par certains partis à l’heure actuelle est hautement insuffisant pour prétendre à l’exercice d’une réelle démocratie et pour garantir la sauvegarde de l’intérêt public dans les choix politiques.

Auteur.e Gilles Grégoire  Permanent au CADTM Belgique et membre d’ACiDe

Source https://www.cadtm.org/Destituer-la-dette-pour-construire-la-democratie

Marée humaine en Grèce en solidarité avec Koufontinas

Une marée humaine envahi le centre d’Athènes en solidarité avec Koufondinas, en grève de la faim depuis 53 jours

mpalothia / mardi 2 mars 2021

Des milliers de personnes ont défié le régime de la peur, de la censure et de la terreur, imposé par le gouvernement grec face à toute protestation ou toute voix solidaire avec les simples exigences d’un prisonnier politique, Dimitris Koufondinas, dont la mort est imminente, après 53 jours de grève de la faim.

« Je suis né le 17 novembre. Solidarité avec le gréviste de la faim D. Koufondinas »


La grande majorité des manifestations qui ont eu lieu dans toute la Grèce au cours des six dernières semaines ont été attaquées, même sans raisons, dès que les gens ont commencé à se rassembler. Il suffit d’une mention du nom de Koufondinas sur Facebook pour y être banni.e.s ou pour que votre page FB soit supprimée. Cela est arrivé même à des politiciens, des avocats, des universitaires et des chercheurs.

Quoi qu’il en soit, ce qui compte ce sont les images que vous voyez ici [cf. la vidéo sur mpalothia ; NdAtt.]. Si Dimitris Koufondinas meurt, il sera le premier prisonnier en grève de la faim à mourir dans l’Union européenne, depuis la mort de Bobby Sands et de ses camarades, en 1981, en Irlande du Nord, sous le régime de Margaret Thatcher.

Dimitris Koufondinas, qui est maintenant âgé de 63 ans, est en grève de la faim depuis 53 jours et le 23 février il a aussi commencé une grève de la soif. Sa requête actuelle est d’être transféré à la prison de Korydallos, ainsi que la fin des interventions politiques arbitraires à son encontre.

Même après 53 jours qu’il est sans nourriture, le gouvernement grec lui refuse son droit à l’égalité de traitement.

La montée du fascisme au sein du gouvernement grec

Même selon les normes flexibles de ce qui était connu comme la démocratie parlementaire grecque, le régime de droite qui gouverne actuellement la Grèce a progressivement tourné, en un an et demi seulement qu’il est au pouvoir, en un État néofasciste.

Alors qu’Athènes était sous confinement, ces derniers quatre mois, le gouvernement de droite de Néa Dimokratía a utilisé cette période pour agir comme une organisation mafieuse, en réglant ses comptes avec ses ennemis présumés : le peuple grec, les droits de l’homme et les libertés.

Dans une surenchère législative violente, le gouvernement a réussi à mettre en place un État policier qui ressemble à la junte [la junte militaire, ou « dictature des colonels », a gouverné la Grèce de 1967 à 1974 ; NdAtt.], en utilisant le confinement suite à la pandémie comme l’occasion à saisir pour étouffer les droits et libertés, sans qu’il y ait aucune résistance de la part des gens (puisque le droit de protester a été révoqué, pour une durée indéfinie). Aucun autre gouvernement grec n’avait même pas pensé à détruire tout cela, depuis que le régime de la junte militaire a été renversé en 1974.

De l’institution de postes de police dans les universités grecques à l’interdiction des rassemblements et des protestations au-dessus d’un certain nombre de personnes et à l’interdiction de la liberté, pour les journalistes, de circuler librement et de rapporter des nouvelles, en passant par leur projet de criminaliser le discours, les paroles de chansons et les œuvres d’art qui s’opposent à l’ordre établi, le parti au pouvoir, ironiquement autoproclamé Néa Dimokratía (Nouvelle démocratie), a décidé, comme réponse à tout, même à la pandémie, d’embaucher des milliers de nouveaux policiers.

Parmi les ennemis du gouvernement et les cibles de ses règlements de comptes il y a le prisonnier politique Dimitris Koufondinas, condamné à 11 peines de prison à vie plus 25 ans, en tant que membre de l’« Organisation révolutionnaire 17 novembre » (17N). La 17N a été active en Grèce de 1975 à 2002, quand elle a été démantelée après une attaque manquée. En 1989, le politicien Pavlos Bakogiannis, beau-frère de l’actuel Premier ministre et père de l’actuel maire d’Athènes, a été tué par ce groupe de guérilla. Au cours du procès de la 17N, Dimitris Koufondinas a assumé la responsabilité politique des actions du groupe de guérilla et son attitude générale au cours de la procédure judiciaire lui a valu le respect de certaines parties du public grec, quelque chose que l’actuel Premier ministre, le maire d’Athènes et l’ambassade américaine ne peuvent pas accepter. Du coup, ils utilisent constamment leur pouvoir pour violer l’idée fondatrice selon laquelle « la justice est égale pour tous » ou que « la démocratie ne cherche pas à se venger » et le traitent plus comme un otage que comme un prisonnier, en changeant constamment les règles juridiques, juste pour prendre leur revanche.

Par conséquent, Koufondinas a entamé une grève de la faim, pour la cinquième fois en 18 ans, avec la requête fondamentale d’être traité comme un simple prisonnier et non comme un prisonnier politique, une classifications qui n’existe pas selon la loi grecque.

Kyriákos Mitsotákis, le président de l’actuel parti au pouvoir, Néa Dimokratía, avait publiquement promis que s’il arrivait au pouvoir, il aurait exclu Koufondinas du droit aux sorties de prison et du droit de purger sa peine dans des colonies pénitentiaires agricoles, ainsi que de tout autre droit accordé par la loi grecque, européenne ou internationale.

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L’initiative « Avocats et juristes » entame une nouvelle journée d’action pour défendre la juste requête du gréviste de la faim Dimitris Koufontinas, avec des mobilisations aujourd’hui, mercredi. « Les rassemblements de masse quotidiens – des manifestations de milliers de personnes contre la politique intransigeante et destructrice du gouvernement qui menace d’entraîner la première mort d’une grève de la faim et de la soif en détention dans le pays, sont un triomphe de l’humanité et du sentiment démocratique. « Mais la vie doit aussi triompher », soulignent-ils.

L’initiative des artistes de tous les domaines a également lancé un appel.

Le silence du plus grand barreau du pays est retentissant et sera, quelle que soit l’évolution, une page noire et un héritage négatif pour le monde juridique.
The press project
Mercredi 3 mars 2021 Publié : 10:46:33

https://twitter.com/i/status/1366804842392485888

https://twitter.com/i/status/1366795531142504448

https://twitter.com/i/status/1366816990405537796

https://twitter.com/i/status/1367151915193290753

Délit de solidarité

 Le procureur italien inculpe les membres de l’équipage de la Iuventa // Italian prosecutor officially presses charges against Iuventa crew // Italienische Staatsanwaltschaft erhebt offiziell Anklage gegen Iuventa-Crew //

Version en français, Anglais, Allemand

Cher(e)s ami(e)s, partisan(e)s et camarades,

Après plus de 3 ans d’enquête, le procureur de Trapani (Sicile) a officiellement inculpé 21 individus et 3 organisations pour aide et encouragement à l’immigration illégale. Toutes ces accusations sont liées à des opérations conduites entre 2016 et 2017. Parmi ces individus sont des membres d’équipage de la Iuventa.

Il s’agit ici d’une déclaration d’intention à criminaliser la migration et la solidarité – et les conséquences en sont fatales: des personnes meurent, alors qu’elles peuvent être sauvées!

Nous nous battrons! Il s’agit d’une affaire politique. Il ne s’agit pas de nous, mais de la politique meurtrière d’exclusion de l’UE et rien de moins que du droit à la vie que l’UE refuse systématiquement aux personnes.

Nous avons besoin de votre soutien plus que jamais! Le déroulement et l’issue de cette affaire dépendront énormément des médias et de l’opinion publique.

Vous pouvez nous soutenir:

  • En vous abonnant à nos réseaux sociaux et en publiant le contenu
  • En transférant notre Communiqué de Presse à votre journaliste fiable (Ci-joint les version en Allemand, Anglais)
  • En continuant à suivre nos chaînes pour plus d’informations – la lutte vient de commencer!

Pour plus d’informations sur l’affaire et l’histoire de la Iuventa, vous pouvez visiter et partager notre site https://iuventa10.org/

Salutations solidaires!
Iuventa Crew


Dear friends, dear supporters, dear comrades,

After more than 3 years of investigation, the prosecutor of Trapani (Sicily) officially charged 21 individuals and 3 organisations of aiding and abetting illegal immigration. All the accusations are related to operations conducted between 2016 and 2017. Among them are crew members of the Iuventa.

This is a political declaration of intent to criminalise migration and solidarity – and it has a deadly consequence: people die, when they could be saved!

And we will fight! This is a political case. This is not about us, but about the EU’s deadly policy of sealing off its borders and about nothing less than the right to life that the EU systematically denies people.

We need your support now more than ever! The content and outcome of this case will be highly influenced by the media and public opinion.

You can support us by:

  • Following our social media and share our content
  • Forwarding our Press Release to journalists you trust
  • Continuing to follow our channels for further communication – the fight has just begun!

For more information on the Iuventa case and story, visit and share our website: https://iuventa10.org/

Solidarity,

Iuventa Crew


Liebe Freund*innen und Unterstützer*innen, liebe Genoss*innen,

Nach mehr als drei Jahren Ermittlungen hat die Staatsanwaltschaft in Trapani (Sizilien) nun offiziell Anklage gegen 21 Individuen und 3 Organisationen wegen « Beihilfe zur illegalen Einreise » erhoben. Alle Anklagepunkte beziehen sich auf Rettungseinsätze zwischen 2016 und 2017. Unter den Angeklagten sind auch Crewmitglieder der Iuventa.

Dies ist eine politische Kampfansage, mit der Absicht, Migration und Solidarität zu kriminalisieren – mit tödlichen Konsequenzen: Menschen sterben, wenn sie gerettet werden könnten!

Und wir werden kämpfen! Dies ist ein politischer Prozess. Hier geht es nicht um uns, sondern verhandelt wird die tödliche Abschottungspolitik der EU und nichts weniger als das Recht auf Leben, das die EU Menschen systematisch verweigert.

Wir brauchen eure Unterstützung nun mehr denn je – Verlauf und Ergebnis dieses Gerichtsverfahrens wird immens von den Medien und der öffentlichen Meinung abhängen.

Ihr könnt uns unterstützen, indem ihr:

  • uns auf Twitter, Facebook und Instagram folgt und unsere Inhalte teilt
  • unsere Pressemitteilung (im Anhang auf D, ENG und IT) an Journalist*innen eures Vertrauens weiterleitet
  • auf unseren Accounts und Kanälen die Entwicklungen mitverfolgt und auf dem Laufenden bleibt – der Kampf hat gerade erst begonnen!

Für mehr Informationen zum Fall und der Geschiche der Iuventa besucht und teilt unsere Website: https://iuventa10.org/

Solidarische Grüße,
Iuventa Crew

Koufontinas : la Grèce retient son souffle

par Yannis Youlountas · 27/02/2021

40 ans après Bobby Sands sous Thatcher, Koufontinas n’a plus que quelques heures à vivre sous le régime de plus en plus autoritaire de Mitsotakis, malgré de très nombreuses protestations.

Déjà affaibli par une longue grève de la faim (en raison du changement brutal de ses conditions de détention et de la remise en question de sa perspective de libération conditionnelle à l’automne prochain), le prisonnier communiste révolutionnaire est entré en grève de la soif depuis plusieurs jours et refuse désormais l’ultime hydratation apportée par la perfusion d’antibiotique, ainsi que toute réanimation s’il perd connaissance. Il est donc condamné à mourir dans les prochaines heures.

Ses dernières paroles ont été la lecture d’un poème de Yannis Ritsos : « Souvenez-vous de moi. J’aurai marché des milliers de kilomètres, sans pain et sans eau, sur des pierres et des épines, pour vous apporter du pain, de l’eau et des roses » (Épilogue, 1987)

En ces heures, Koufontinas ne subit pas seulement la vengeance des familles Mitsotakis et Bakoyannis. Il est aussi un exemple retentissant. Un exemple que veut faire le nouveau gouvernement dans sa cruauté. Un exemple à destination des opposants les plus radicaux du régime, particulièrement révoltés par les évacuations massives, le creusement des inégalités et la répression féroce depuis des mois.

Parmi les nombreux artistes et cinéastes qui appellent l’État à cesser son acharnement contre le prisonnier politique, Aris Chatzistefanou (Debtocracy, Catastroïka…) y voit également une menace contre d’autres après lui : « Si nous laissons assassiner Koufontinas, ensuite, ce sera notre tour, un par un, avec, pour commencer, probablement Rouvikonas. »

De son côté, Costa Gavras a exhorté le premier ministre grec à remplir ses obligations et non régler ses comptes, en appelant à « l’humanisme » et à « l’état de droit ».

Dans toute la Grèce, la moindre manif est actuellement stoppée dès sa formation, sitôt qu’elle se rassemble à ce sujet. La moindre banderole est arrachée. Les arrestations sont nombreuses depuis plusieurs jours et la colère gronde.

Hier, dans le journal Efsyn, l’avocat Kostas Papadakis a écrit une tribune très partagée : « Qui a intérêt à la mort de Koufontinas ? » dans laquelle il parie qu’en cas de décès imminent, des émeutes se déclencheront et qu’elles seront « plus intenses encore qu’en 2008, à la mort du jeune Alexis Grigoropoulos. »

Difficile en réalité de prévoir ce qui va se passer. Il semble tout de même difficile d’éviter la mort prochaine du célèbre prisonnier, avec toutes les conséquences que cela va provoquer. Un catalyseur pour le mouvement social ? Un prétexte pour le pouvoir répressif ? Le nouveau ministre de la police, transfuge de l’extrême-droite, se frotte déjà les mains. Un anarchiste athénien m’a dit cet après-midi : « Le pouvoir cherche l’affrontement, il nous pousse à bout pour nous faire la peau. »

Partisans ou pas de Koufontinas, beaucoup se demandent partout en Grèce ce qui va se passer dans les prochaines heures. 40 ans après la mort de Bobby Sands à cause de la cruauté de Thatcher, Mitsotakis se prépare à épingler une médaille de chair et de sang au revers de sa veste. Hors des frontières, personne ne dit rien, excepté une lettre collective de 6 députés européens (5 Left et 1 Green). Alors que la France a envoyé son porte-avions au large de la Crète pour faire des manœuvres avec l’armée grecque ces jours-ci (et la préparer à utiliser le Rafale), Macron n’est évidemment pas intervenu pour demander un peu de magnanimité à l’égard du célèbre prisonnier. Le pouvoir est le même partout. Il nous piétinera tant que nous accepterons de nous soumettre, tant que nous aurons peur, tant que nous laisserons nos camarades mourir dans ses entrailles.

Yannis Youlountas


Lire aussi la lettre de Yannis Youlountas adressée à Katerina Sakellaropoulou, présidente de la République Hellénique

À Madame Katerina Sakellaropoulou

Présidente de la République Hellénique
Palais présidentiel
Vassileos Georgiou B’2
Athènes T.K 10028

Madame Sakellaropoulou,

On m’a appris que vous lisez le français et que vous connaissez nos films. C’est dans cette langue que je veux vous dire mon indignation et vous demander d’intervenir avant qu’il ne soit trop tard. Sachez que de plus en plus de voix s’élèvent en Europe contre l’agonie du prisonnier Dimitris Koufontinas, victime de la vengeance du gouvernement Mitsotakis. Vous êtes juriste, vous êtes une femme et surtout, en tant que présidente de la République Hellénique, vous êtes censée veiller au respect de quelques principes fondamentaux, par-delà nos différences politiques. Ne laissez pas faire. Ne restez pas silencieuse. Dans quelques heures il sera trop tard et, en Grèce comme hors de Grèce, votre nom restera à jamais entaché du sang de ce gréviste de la faim et de la soif. 40 ans après la mort de Bobby Sands dans l’indifférence cruelle de Margaret Thatcher, ne laissez pas mourir Dimitris Koufontinas.

Yannis Youlountas *#koufontinas_hungerstrike #σακελλαροπούλου_πάρε_θέση
#Dimitris_Koufontinas #Δημήτρης_Κουφοντίνας

*pour votre secrétariat : écrivain et réalisateur franco-grec (même si, étant libertaire, je suis simplement terrien). Lettre également envoyée par courriel à pr@presidency.gr et diplo@presidency.gr

Source http://blogyy.net/2021/02/27/lettre-a-katerina-sakellaropoulou-presidente-de-la-republique-hellenique/

En Grèce, la colère monte

En Grèce, la colère monte contre le gouvernement du fric, des flics et des passe-droits  par A. Sartzekis

Plus d’un an et demi après son retour au pouvoir, la droite ultralibérale de Kyriakos Mitsotakis, dont la seule compétence reconnue est d’être le fils d’un dirigeant historique de la droite, est l’objet d’un début de remise en cause. Sa période de « gouvernement des meilleurs », thème sur lequel les médias aux ordres le glorifiaient, semble achevée. La colère populaire enfle contre toute une série de mesures et de provocations de ce gouvernement de copains et de coquins.

Feu sur le service public d’éducation

Les protestations les plus massives ces dernières semaines concernent l’éducation, avec bien sûr les très fortes mobilisations de tout le monde universitaire, appuyées par le mouvement ouvrier, contre la loi de casse de l’université et de contrôle policier des étudiants (voir notre précédent article). Sans surprise, la loi a été votée la semaine passée, par 166 voix contre 132, les députés de droite se voyant renforcés par le groupuscule Elliniki Lysi (Solution grecque), successeur des nazis de Chryssi Avgi (Aube dorée). La vraie surprise a été la force des manifs, dont celles du mercredi et du jeudi, jour de vote. Cela comme un défi jeté aux diktats du ministre de l’intérieur. La mesure phare de la loi est la création d’un coûteux corps de flics dans les universités, et si on a le moindre doute sur leur caractère pacifique annoncé, il suffit de voir la violence avec laquelle les MAT (CRS grecs) ont frappé les manifestant-e-s pour n’avoir aucun doute sur les intentions du gouvernement. À Tsipras qui protestait contre la création de ce corps, Mitsotakis a osé répondre : « Ce n’est pas la police que nous introduisons à l’université, c’est la démocratie ». On imagine le commentaire d’un Coluche : « Ah, tu la verrais, la gueule de la démocratie ! »…

Dans la presse française on s’émeut un peu de cette mesure, sauf dans Ouest-France, qui a réussi à dénicher un obscur professeur disant tout le bien qu’il pense des flics dans les facs. Alors que l’immense majorité du monde universitaire est vent debout devant cette (ruineuse) création digne des dictatures (admirées par certains membres de ce pouvoir) et que même l’un des universitaires les plus connus de la droite pour avoir fait intervenir les flics contre les étudiantEs de la fac de droit d’Athènes se prononce clairement contre cette mesure !

Par contre, les articles de la presse française oublient le fond de la réforme : comme on l’a expliqué, c’est tout le système relativement ouvert de l’université grecque qui est cassé avec la loi votée, excluant des milliers d’étudiantEs du droit aux études et privilégiant les boites privées, dont les patrons sont des copains du pouvoir. C’est contre cette casse de l’université que les mobilisations ont eu lieu et continueront. Pour beaucoup d’entre eux, les ministres aux commandes, enfants de la bourgeoisie n’ayant jamais mis les pieds dans une école publique ni dans une université grecque,  ont un objectif clairement assumé : ils veulent casser l’éducation nationale de la maternelle à l’université, pour la remettre à leurs amis patrons, et dans la foulée de la loi université, la ministre Kerameos prépare une loi sur l’autonomie et la décentralisation du système scolaire, évidemment coupée de toute préoccupation pédagogique. L’objectif serait tout bonnement que les établissements imposent leur auto-financement, avec appel aux sponsors locaux, en faisant dépendre ces établissements du point de vue administratif et programmatique des institutions locales, en gros les offrant aux besoins du patronat local, avec recrutement local du personnel… Blanquer battu sur son propre terrain par des idéologues forcenés de la marchandisation de l’école et de l’asservissement de ses personnels. De riches mobilisations en perspective…

L’incompétence au pouvoir

Mais l’éducation n’est pas le seul secteur où la colère s’exprime. Face à la pandémie, ce gouvernement fait preuve d’une rare incompétence. Si au printemps, la Grèce avait été relativement épargnée depuis la fin de l’été (non pas grâce à une bonne gestion comme l’ont chanté les valets des médias aux ordres, mais grâce à un effet moindre du virus dans tous les Balkans), l’épidémie frappe maintenant très fort. Au lieu de répondre aux exigences de recrutement du personnel soignant — il manque des milliers de médecins dans les hôpitaux et les centres de santé — la droite a décidé de baisser le budget de la santé. Cela alors que celui de l’armée est en nette hausse et qu’il dépense 2,5 milliards pour l’achat de 18 Rafale…  De plus, les mesures prises exaspèrent de plus en plus de monde : à peine rouverts, les magasins doivent refermer brutalement. Les écoles étaient restées ouvertes, puis les collèges ont rouvert une semaine — mais pas les lycées — et depuis quelques jours, tous les établissements ont été fermés, sans qu’il soit donné satisfaction à l’exigence de 15 maxi par classe (dans les villes, les effectifs peuvent atteindre une trentaine avec des salles souvent mal conçues). En prime, la mal nommée « Nouvelle Démocratie » de Mitsotakis s’offre des passe-droits de plus en plus choquants : alors que la vaccination piétine, on a vu des cadres de la droite arriver dans leurs grosses berlines pour se faire vacciner sans aucun droit, et le Premier ministre lui-même multiplie ce qu’il ne perçoit même pas comme des provocations : alors qu’un guide de randonnée ayant organisé une excursion avec des participants espacés chacun de plusieurs centaines de mètres reçoit une amende de 5 000 euros, Mitsotakis se fait prendre en photo en montagne avec d’autres cyclistes ne portant pas de masques et mange avec des dizaines de compères dans la maison d’un député de l’ile d’Icaria. Bilan d’Icaria : des huées populaires, que les télés amies ont essayé de cacher, pendant que le ministre Voridis (ancien secrétaire des jeunesses de la junte des colonels…) expliquait que les Icariens voulaient exprimer leur amour pour le Premier ministre et c’est pour cela qu’ils l’avaient invité à venir manger… Cela donne une idée du niveau politique sous cette « nouvelle démocratie ».

La répression et l’appui de l’extrême droite comme seules bouées

Dépourvus de toute stratégie politique alors que la crise s’approfondit dans le pays, ce pouvoir croit pouvoir faire dépendre sa crédibilité avant tout de la propagande assénée par la grande majorité des médias propriétés de ses riches copains, mais même si l’opération bourrage de crâne est massive, des failles se forment dans la grande presse bourgeoise : renvoi d’une rédactrice en chef pour un avis critique, démission d’une autre, les deux très connues.  Avec un Premier ministre qui a placé la télé-radio publique ERT sous son contrôle direct, ce pouvoir semble n’avoir qu’une crainte : voir une opposition populaire se développer, et contester son pouvoir. Alors, sa réponse principale, c’est la répression, ce qui vaut d’ailleurs à ce gouvernement de voir le pays désormais classé parmi les « démocraties défectueuses » dans le classement du magazine The Economist. Et bien sûr, cela s’accompagne d’une politique raciste envers les réfugiéEs et de clins d’œil appuyés à l’extrême droite : d’un côté, on refuse au prisonnier politique Dimitris Koufodinas de retrouver la prison dont on l’a extrait pour le confiner sans raison dans une autre ; de l’autre côté, les criminels nazis Pappas et Lagos sont en liberté et un Papavassiliou, condamné à six ans de prison, a vu sa demande de libération satisfaite après quatre mois d’emprisonnement…

Autre preuve d’un autoritarisme qui rappelle aux ancienEs la junte fasciste des colonels (1967-1974) : dans le projet de loi sur l’université était caché un article tentant de criminaliser les paroles de chansons qui pouvaient être assimilées à un éloge du terrorisme… Rage et éclats de rire du côté des artistes, la moindre chanson pouvant comporter des paroles relevant d’un tel soupçon ! Et du coup est née une mobilisation de centaines de chanteurs et chanteuses connus ou pas : résultat, le gouvernement a été obligé de retirer cet article, ce qui constitue une victoire importante et prouve qu’on peut gagner contre ce pouvoir. Ainsi, rien que le fait d’avoir tenu des manifs interdites avec des milliers de manifestantEs contre la loi université est en soi une grande victoire, qui donne le punch pour la suite.

La suite ? À droite, des fissures commencent à apparaître, d’un côté avec les courants les plus nationalistes (l’ancien Premier ministre Antonis Samaras), de l’autre avec la vieille droite caramanliste qui s’inquiète de l’orbanisation du pouvoir et de ses conséquences, ne serait-ce que la radicalisation du mouvement de masse face à ce pouvoir anti-démocratique. Malheureusement, même si le journal de NAR, la principale organisation de la gauche anticapitaliste, titre que les jours de la domination de ce gouvernement sont comptés, les perspectives à gauche sont pour l’instant bouchées, ce qui d’ailleurs renforce le rôle du mouvement de masse et devrait pousser la gauche radicale et révolutionnaire à sortir de ses réflexes d’auto-affirmation peu utiles pour offrir des perspectives crédibles à gauche, à gauche vraiment !

Athènes, le 16 février 2021

Source https://nouveaupartianticapitaliste.org/actualite/international/en-grece-la-colere-monte-contre-le-gouvernement-du-fric-des-flics-et-des

La santé mentale en situation d »urgence » chez les enfants réfugiés en Grèce

Eirini Markidi  – migreurop

 Vivre dans ce cauchemar constant d’insécurité et d’incertitude

BETHANY RIELLY écrit sur la crise de santé mentale vécue par les enfants réfugiés piégés dans le camp grec de Moria 2

PENDANT la première semaine de 2021, Katrin Glatz-Brubakk a soigné un réfugié qui avait tenté de se suicider .
Ses bras, déjà couverts de cicatrices, ont été tranchés avec des morceaux frais.
Il lui a raconté : « Je ne peux plus vivre dans ce camp. Je suis fatigué d’avoir peur tout le temps, je ne veux plus vivre ».
Il a 11 ans. Glatz-Brubakk, psychologue pour enfants à la clinique de santé mentale de Médecins sans frontières (MSF) à Lesbos, me dit qu’il est le troisième enfant qu’elle voit pour des pensées et des tentatives de suicide depuis le début de l’année.
Au moment où nous nous sommes parlés, nous n’étions qu’à deux semaines du début de l’année.
Le garçon fait partie des milliers d’enfants qui vivent dans le nouveau camp de réfugiés de Mavrovouni (également connu sous le nom de Kara Tepe) sur l’île grecque, construit après qu’un incendie ait détruit l’ancien camp de Moria en septembre.
MSF a mis en garde contre une « urgence » de santé mentale chez les enfants du site, où 7 100 réfugiés endurent les mois les plus froids de l’année dans des tentes fragiles sans chauffage ni eau courante.
Situé sur la côte, sur un ancien champ de tir militaire, le nouveau site, baptisé Moria 2.0, est complètement exposé aux éléments, les tentes s’effondrant et s’inondant à plusieurs reprises.
Cette semaine, des vents allant jusqu’à 100km/h ont frappé le camp et les températures sont tombées à zéro. En raison des mesures de confinement, les résidents ne peuvent partir qu’une fois par semaine, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas échapper, même temporairement, à la vie dans le camp.

Les conditions de vie dans le camp provoquent la dépression des enfants, et non leurs traumatismes passés

Ce sont ces conditions épouvantables qui font que les enfants s’effondrent au point que certains perdent même la volonté de vivre, me dit Glatz-Brubakk.
Si le garçon de 11 ans qu’elle a traité plus tôt cette année avait subi des traumatismes dans son passé, le psychologue affirme qu’il était un enfant résistant et qu’il se débrouillait bien depuis longtemps.
« Mais il est maintenant à Moria depuis un an et trois mois et il est maintenant suicidaire ».
C’est également le cas de la majorité des enfants qui viennent à la clinique.
Sur notre formulaire d’orientation, lorsque les enfants nous sont adressés, nous avons une question : « Quand ce problème a-t-il commencé ? » et dans environ 90 % des cas, il est indiqué quand ils sont venus à Moria.
Glatz-Brubakk me dit qu’elle a vu des enfants gravement déprimés, qui ont cessé de parler et de jouer et d’autres qui s’automutilent.
L’année dernière, MSF a relevé 50 cas de pensées suicidaires et de tentatives de suicide chez les enfants de l’île, dont la plus jeune était une fillette de huit ans qui a tenté de se pendre.
Il est difficile d’imaginer que des enfants aussi jeunes puissent même penser à s’enlever la vie.
Mais dans le camp, où il n’y a pas d’activités, pas d’école, où les tentes s’effondrent dans la nuit et où les tempêtes rappellent aux enfants la guerre qu’ils ont fuie, de plus en plus de petits sont poussés au désespoir.
« C’est le fait de vivre dans ce cauchemar constant d’insécurité et d’incertitude qui fait que les enfants s’effondrent », dit Glatz-Brubakk.
« Ils ne pensent pas que ça va s’améliorer. Je n’ai pas dormi depuis trop longtemps, je m’inquiète chaque minute de chaque jour depuis un an ou deux » – quand on arrive à ce point d’épuisement, s’endormir et ne plus jamais se réveiller est plus tentant que d’être en vie ».

La crise de la santé mentale s’aggrave

Bien qu’il y ait toujours eu une crise de santé mentale sur l’île, M. Glatz-Brubakk affirme que le problème s’est aggravé depuis que l’incendie a réduit la Moria en cendres il y a cinq mois.
L’incendie a « retraumatisé » de nombreux enfants et a provoqué un pic des urgences de santé mentale dans la clinique.
Mais la principale différence, note-t-elle, est que de nombreuses personnes ont maintenant perdu tout espoir auquel elles auraient pu s’accrocher.
Après l’incendie, l’Union européenne a promis qu’il n’y aurait « plus de Morias », et de nombreux réfugiés ont cru qu’ils seraient finalement déplacés hors de l’île.
Mais il s’est vite avéré que ce ne serait pas le cas.
Alors qu’un total de 5 000 personnes, y compris tous les mineurs non accompagnés, ont été transférées de Lesbos – selon le gouvernement grec – plus de 7 000 restent à Moria 2.0, où les conditions ont été décrites comme pires que dans le camp précédent.
« Ils ont perdu l’espoir d’être un jour traités avec dignité, d’avoir un jour leurs droits humains, de pouvoir mener une vie normale », déclare M. Glatz-Brubakk.
« Vivre dans un trou de boue comme ils le sont maintenant vous enlève tout sentiment d’être humain, vraiment. »
Yasser, un réfugié de 18 ans originaire d’Afghanistan et résident de Moria 2.0, me dit qu’il a également constaté le lourd tribut payé à la santé mentale des adultes.
« Dans ce camp, ils ne sont plus les mêmes que dans le camp précédent », dit-il. « Ils ont changé. Ils ont un sentiment différent quand vous les regardez dans les yeux. »

Aucune amélioration de Moria 2.0

Les sentiments d’abandon, d’incertitude et de désespoir ont également été exacerbés par l’absence d’améliorations dans le camp, qui est géré par le gouvernement grec.
Cela fait cinq mois que le nouveau camp a été construit, mais il n’y a toujours pas d’eau courante ni d’électricité.
Au lieu de cela, de l’eau en bouteille est acheminée par camion et des générateurs fournissent de l’énergie pendant environ 12 heures par jour.
Les résidents et les ONG de base ont pris l’initiative de creuser des tranchées pour atténuer les risques d’inondation et de consolider leurs tentes pour les protéger de l’effondrement. Mais certaines parties du camp sont toujours inondées.
« Quand il pleut, même pendant une ou deux heures, c’est comme un lac », explique Yasser, qui vit dans une tente avec ses quatre jeunes frères et sœurs et ses parents.
L’humidité à l’intérieur des tentes laisse également les vêtements et les couvertures perpétuellement humides, sans possibilité de les faire sécher à nouveau.
Malgré des températures qui sont tombées à zéro cette semaine, les résidents du camp n’ont toujours pas de chauffage, à l’exception des couvertures et des sacs de couchage.
La direction du camp a non seulement été impardonnablement lente à améliorer le camp, mais elle a également fait échouer les tentatives de changement des ONG.
Sonia Nandzik, co-fondatrice de ReFOCUS Media Labs, une organisation qui apprend aux demandeurs d’asile à devenir des journalistes citoyens, me dit que les projets des ONG visant à fournir des couvertures chauffantes à faible consommation d’énergie aux résidents en décembre dernier ont été rejetés.
La direction du camp a décidé que des petits chauffages seraient une meilleure option. « Mais ils ne sont toujours pas là », me dit Nandzik.
« Maintenant, ils ont peur que les fusibles ne prennent pas et qu’il y ait un incendie. Il y a donc très peu de planification, c’est un gros problème », dit-elle.
Le HCR dit qu’il a acheté 950 chauffages, qui seront distribués une fois que le réseau électrique du site aura été mis à niveau. Mais tout cela semble trop peu, trop tard.
D’autres initiatives proposées par des ONG, comme la construction de tentes pour les activités et les écoles, ont également été rejetées.
Le gouvernement grec, qui gère officiellement le camp, a insisté à plusieurs reprises sur le fait que les conditions y sont bien meilleures que celles de la Moria.
Cette semaine encore, le secrétaire du ministère grec de l’immigration, Manos Logothetis, a déclaré que « personne n’est en danger à cause du temps qu’il fait dans le camp temporaire ».
Alors que le gouvernement prétend que le site est temporaire, ce qui peut expliquer pourquoi il n’a guère la volonté de l’améliorer, les 7 100 personnes coincées là – dont 33 % sont des enfants – n’ont aucune idée de la durée de leur séjour dans Moria 2.0 et doivent subir les échecs et les retards des ministres entre-temps.
« Je dirais que cela devient normal », dit Yasser, quand on lui demande s’il s’attend à être dans le camp « temporaire » cinq mois après l’incendie.
« Je sais qu’il n’est pas bon de ressentir ces situations comme normales mais pour moi, cela devient normal parce que c’est quelque chose que je vois tous les jours ».
Yasser est l’un des étudiants en journalisme citoyen de Nandzik. Au cours des derniers mois, elle dit avoir vu la santé mentale de ses étudiants qui vivent dans le camp se détériorer.
« Ils commencent à être de plus en plus déprimés, et parfois ils ne se présentent pas aux cours pendant plusieurs jours », dit-elle, en référence aux cours de compétences médiatiques de ReFOCUS qui ont maintenant lieu en ligne.
Un de ses élèves a récemment cessé de manger et de dormir à cause d’une dépression.
Nandzik l’a emmené dans une ONG offrant un soutien psychosocial, mais ils ont dû rejeter son dossier.
Avec seulement quelques acteurs de la santé mentale sur l’île, la plupart n’ont la capacité de prendre que les cas les plus extrêmes, dit-elle.
« Nous avons donc réussi à lui trouver un psychologue qui parle le farsi, mais à LA car nous craignions sérieusement que, si nous n’agissions pas maintenant, il ne soit affecté à des cas plus graves ».

Pas d’évasion ni de répit

Ce qui aggrave encore les choses, c’est que les demandeurs d’asile n’ont pas la possibilité de s’échapper ou d’avoir un répit dans le camp. Les résidents ne peuvent quitter le camp que pour une période de quatre heures une fois par semaine, et seulement pour un nombre limité de raisons.
Une forte présence policière fait respecter le strict verrouillage, censé empêcher la propagation de Covid-19.
Si les officiers ont considérablement réduit les violences horribles qui éclatent souvent dans le camp de Moria, leur présence ajoute au sentiment d’emprisonnement des résidents.
« La Moria était un enfer, mais depuis que les gens ont emménagé dans ce nouveau camp, le contrôle des lieux s’est accru, donc si vous faites une promenade, c’est comme si j’étais entré dans une prison », me dit Nazanin Furoghi, un réfugié afghan de 27 ans.
« Ce ne serait pas exagéré si je disais que j’ai l’impression de marcher dans une zone morte. Il n’y a aucune joie, aucun espoir – du moins pour moi, c’est comme ça. Même si avant d’entrer dans le camp, je suis heureux, après je me sens si triste ».

Furoghi a quitté l’ancien camp de Moria avec sa famille pour un appartement dans la ville voisine de Mytilene au début de l’année dernière. Elle travaille maintenant dans le nouveau camp en tant que médiatrice culturelle.Furoghi m’explique que lorsqu’elle vivait à Moria, elle sortait avec des amis, suivait des cours et enseignait dans une école pour enfants réfugiés dans un centre communautaire voisin, du matin au soir.Les familles apportaient souvent de la nourriture dans les oliveraies à l’extérieur du camp et organisaient des pique-niquesCes moments rares peuvent faire toute la différence, ils peuvent vous faire sentir humain.
« Mais ici, les gens n’ont aucune activité à l’intérieur du camp », explique-t-elle, « il n’y a pas d’environnement libre autour du camp, il n’y a que la mer et la plage, il y a beaucoup de vent et il n’est même pas possible de faire une simple promenade ».
Les parents à qui elle parle lui disent que leurs enfants sont devenus de plus en plus agressifs et dépressifs. N’ayant rien d’autre à faire et ne disposant d’aucun endroit sûr pour jouer, les enfants se sont mis à courir après les voitures et les camions dans le camp.
Leur nouveau jeu dangereux témoigne de la résilience des enfants, de leur capacité à jouer contre toute attente. Mais Nazanin trouve ce spectacle incroyablement triste.
« Ce n’est pas comme ça que les enfants devraient jouer ou s’amuser », dit-elle, ajoutant que les conditions d’insalubrité dans le camp signifient aussi que les enfants attrapent souvent des maladies de peau.
La boue présente également d’autres dangers cachés. Suite à des tests, le gouvernement a confirmé le mois dernier qu’il y avait des niveaux dangereux de contamination par le plomb dans le sol, en raison des résidus de balles provenant de l’époque où le site était utilisé comme stand de tir. Les enfants et les femmes enceintes sont les plus menacés par les effets négatifs de l’exposition au plomb.

La cruauté du confinement

Les demandeurs d’asile vivant dans des camps sur les îles de la mer Égée ont été mis en quarantaine à des degrés divers depuis l’apparition de l’épidémie en mars.
Des recherches récentes ont montré l’impact dévastateur de ces restrictions sur la santé mentale. Un rapport de l’International Rescue Committee, publié en décembre, a révélé que les cas d’automutilation parmi les personnes vivant dans les camps de Chios, Lesbos et Samos ont augmenté de 66 % à la suite des restrictions de mars.
Une personne sur trois aurait également envisagé le suicide. La détérioration de la crise de la santé mentale dans les îles est également due à l’échec des politiques de l’UE et du gouvernement grec en matière de  » hot-spot « , selon le rapport.
Les demandeurs d’asile qui arrivent dans les îles de la mer Égée doivent attendre des mois, voire des années, avant que leur dossier ne soit traité.
Passer ce temps dans des conditions sordides use les espoirs des gens, ce qui conduit au désespoir et au développement de problèmes psychiatriques.
« La plupart des gens sont entrés dans le camp en bonne santé, mais au bout d’un an et demi, ils sont devenus des patients avec de nombreux problèmes de santé mentale et des tentatives de suicide », explique M. Foroghi.
« Les gens sont donc venus ici pour obtenir une chose, mais ils ont perdu beaucoup de choses. »

Des impacts à long terme

Les enfants traumatisés sont non seulement incapables de guérir dans de telles conditions, mais aussi de développer les compétences clés dont ils auront besoin à l’âge adulte, explique M. Glatz-Brubakk.
En effet, vivre dans un état de peur et d’incertitude constante met le cerveau d’un enfant en « mode alerte ».
« S’ils restent assez longtemps en mode d’alerte, le développement des fonctions normales du cerveau, comme la planification, la structure, la régulation des sentiments et les relations saines, sera entravé – et plus les traumatismes sont nombreux et plus ils restent longtemps dans ces conditions dangereuses, plus l’impact est important », dit-elle.
Yasser me dit que s’il pouvait parler au Premier ministre grec, son message serait un avertissement des cicatrices que le camp leur a infligées.
« Vous pouvez les garder dans le camp et être heureux de les en faire sortir, mais ce qui ne changera pas, c’est ce qui leur est arrivé », dit-il.
« Que deviendra leur personnalité, en particulier les enfants, qui ont été si touchés par le camp ? Ce qui ne change pas, c’est ce que j’ai ressenti, ce que j’ai vécu là-bas ».
Glatz-Brubakk estime que la majorité des 2 300 enfants du camp ont besoin d’un soutien professionnel en matière de santé mentale.
Mais MSF ne peut traiter que 300 patients par an. Et même avec un soutien, vivre dans des conditions qui créent un traumatisme permanent signifie qu’ils ne peuvent pas commencer à guérir.

Appels à l’évacuation des camps

C’est pourquoi les groupes de défense des droits de l’homme et les ONG ont souligné que l’évacuation immédiate de l’île est la seule solution. Dans une lettre adressée cette semaine au médiateur grec, le Centre juridique Lesvos affirme que les conditions sur le site temporaire « atteignent le niveau d’un traitement inhumain et dégradant » et constituent « une atteinte au droit à la vie des migrants « vulnérables », auquel il ne peut être dérogé ». [ https://legalcentrelesvos.org/2021/02/17/greek-authorities-must-urgently-transfer-vulnerable-migrants-to-the-mainland-in-accordance-with-their-own-laws/ ]
Oxfam et le Conseil grec pour les réfugiés ont demandé que l’Union européenne partage la responsabilité des réfugiés et accueille les personnes bloquées sur les îles. [ https://www.oxfam.org/en/press-releases/conditions-moria-20-camp-are-abysmal-say-gcr-and-oxfam#:~:text=But%20the%20new%20camp%20is%20rightly%20dubbed%20’Moria%202.0′.&text=The%20tents%20lack%20a%20solid,it%20is%20of%20bad%20quality ]
Mais il semble que le gouvernement grec ou l’UE ne soient guère disposés à transférer des personnes hors du camp, dont les ministres ont affirmé qu’il ne serait utilisé que jusqu’à Pâques.
Pour l’instant du moins, il semble que ceux qui ont le pouvoir de mettre en œuvre le changement soient heureux de poursuivre la politique des hotspots qui a échoué, malgré l’impact dévastateur sur les demandeurs d’asile.
« Il y a des jours où je désespère vraiment parce que je vois la souffrance des enfants, et quand vous avez un jour tenu la main d’un enfant de huit, neuf, dix ans qui ne veut pas vivre, vous ne l’oubliez jamais », me dit Glatz-Brubakk.
« Et c’est un choix de maintenir les enfants dans ces conditions horribles et cela rend la situation bien pire que de travailler dans un endroit frappé par une catastrophe naturelle ou des choses que vous ne pouvez pas contrôler. C’est douloureux de voir que les enfants paient les conséquences de ce choix politique ».

Cet article est paru pour la première fois dans le journal Morning Star.

Source https://thecivilfleet.wordpress.com/2021/02/21/living-in-this-constant-nightmare-of-insecurity-and-uncertainty/

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