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La dette grecque, une tragédie européenne

Voici la vidéo d’animation « La dette grecque, une tragédie européenne », fruit d’un intense travail de vulgarisation réalisé par la petite équipe des Productions du Pavé et celle du CADTM.

Cette vidéo se propose de résumer, de la manière la plus simple et légère possible, le processus d’endettement de la Grèce qui l’a menée jusqu’à sa crise de la dette publique à partir de 2010. Elle permet aussi de dénoncer, avec de nombreux arguments à l’appui, la désinformation massive qui a été faite à ce sujet.

Les informations contenues dans cette vidéo sont issues du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque. Elle permet à un public plus large d’aborder les conclusions du rapport.

http://www.cadtm.org/La-dette-grecque-une-tragedie,13738

Brexit

21/7/16 Tariq Ali parle du BREXIT invité au meeting d’Unité Populaire à Athènes

Tariq Ali sur le brexit

29/6/16 « Après le Brexit, la nécessité d’une pause » par Bernard Cassen Secrétaire général de Mémoire des luttes, président d’honneur d’Attac http://www.medelu.org/Apres-le-Brexit-la-necessite-d-une

26/6/16 Podemos, Syriza et M5S tirent les leçons du Brexit par Ludovic LAMANT, Mathilde AUVILLAIN, Amélie POINSSOT ET Mathilde AUVILLAIN Podemos Syriza et Brexit

25/6/16 Interview de Stathis Kouvelakis: «L’UE n’est pas réformable»
25/6/16 « Après la victoire du Brexit : le temps de la dislocation » par Cédric Durand  http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article38292

25/6/16 Le BREXIT peut ouvrir une situation positive car jusqu’ici l’UE apparaissait comme un cadre inébranlable par E Tousaint  http://cadtm.org/Le-BREXIT-peut-ouvrir-une

24/6/16 « Le Brexit : une défaite de l’UE telle qu’elle est » par Romaric Godin http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/le-brexit-une-defaite-de-l-ue-telle-qu-elle-est-581866.html

24/6/16 Brexit : l’Allemagne refuse plus d’intégration de la zone euro  http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/brexit-l-allemagne-refuse-plus-d-integration-de-la-zone-euro-582121.html

24/6/16 Après le Brexit : se mobiliser pour une autre Europe ! – « Nous soutenons ceux qui luttent en Grande-Bretagne pour la solidarité, la démocratie, contre le racisme et l’extrême droite » par ATTAC France  https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/apres-le-brexit-se-mobiliser-pour-une-autre-europe

Grèce : Les lois travail locales n’ont pas épuisé la voracité du capital…

L’affaiblissement du droit du travail est aussi passé ici, de 2010 à 2013, par l’inversion de la hiérarchie des conventions, la suppression de leur automaticité d’application et la libération quantitative des licenciements…

Et les chiffres du chômage et de la misère ne racontent pas une autre histoire… Ainsi, le travail non payé : la grande majorité (les deux tiers) des gens qui ont encore un travail ne sont payés qu’avec plusieurs mois de retard. Ainsi aussi, la mode récente des faillites, ce qui permet d’économiser ces retards dans la mesure où les travailleurs arrivent en dernier pour toucher leur dû, après les banques et autres créanciers européens ou grecs… Sur les seules dernières semaines, ont ainsi fait faillite, entre autres, un des plus grands hôtels athéniens de luxe (Ledra, pourtant rempli à 98 % !), une de plus grandes sociétés de sécurité (Pyrsos, 800 personnes) ou encore la plus grande chaîne de supermarché (Marinopoulos, ex-Carrefour !) avec 12 500 travailleurs.

À Salonique, une autre grande société hôtelière (Metropolitan et Theoxenia) a fait mieux en imposant à ses salariés une baisse des salaires, à 500 euros, en dessous même du salaire minimum (586 euros) qui avait été imposé nationalement par la troïka. Avec l’inversion de la hiérarchie des conventions, elle en a le droit ! Il est vrai que la plupart des grands partons jusqu’à maintenant se sont contentés de la baisse nationale des salaires exigée par la troïka (de 751 euros en 2011) et des autres flexibilités, possibilités de non-­rémunération, précarisation, externalisations, etc.

Et toujours plus contre nos retraites

Pourtant, cette destruction des droits (et des vies) des travailleurs ne satisfait toujours pas la voracité du capital : une nouvelle étape est donc prévue pour l’automne, avec le programme européen des Hollande-Merkel-Tsipras qui consiste à « libéraliser » encore plus les licenciements et à détruire la législation sur les syndicats et les grèves : légaliser le lock-out, effacer les protections du syndicalisme et rendre la grève illégale, sauf après un vote référendaire de la base…

Apparemment, l’occasion leur semble politiquement unique, comme l’a montré la destruction du système de retraites voté récemment. En effet, le gouvernement Tsipras, non seulement a imposé des baisses générales supplémentaires des pensions de retraites (déjà baissées à 12 reprises en 3 ans de presque 40 % en moyenne !), mais il a aussi réussi à remodeler structurellement le système de répartition dans un sens capitalistique, avec aussi des baisses programmées à long terme et systématiques, tout cela en utilisant des arguments prétendument égalitaristes « marxistes »…

Pourtant, la grande mobilisation ouvrière du 4 février dernier, ainsi que – dans un autre registre mais très lié – la mobilisation solidaire de la population grecque appauvrie en soutien aux réfugiés de guerre que l’Europe « civilisée » préfère voir noyés, tout comme les autres luttes ouvrières, sociales, écologiques, plus morcelées mais continues, annoncent une explosion en gestation contre cette barbarie galopante. La question du débouché politique, forcément contre le capitalisme, en sera une des clefs : la grande mobilisation des travailleurs français donne l’espoir que nous ne sommes plus isolés, que l’on n’est plus seuls…

D’Athènes, Tassos Anastassiadis pour NPA 18/7/16

 

L’opérateur ferroviaire grec Trainose vendu à l’Italie

Le Fonds grec chargé des privatisations Taiped a annoncé jeudi avoir accepté l’offre de la compagnie ferroviaire italienne Ferrovie Dello Stato (FS) pour le rachat pour 45 millions d’euros de l’opérateur ferroviaire grec Trainose.
FS était la seule compagnie restée en lice pour cette privatisation, en souffrance depuis trois ans. Le contrat de vente sera « signé une fois que la Cour des comptes aura donné son accord » et la transaction approuvée par les autorités compétentes, a précisé Taiped (HRADF).
Cette transaction doit permettre de « clore avec succès » le dossier des aides d’Etat à Trainose jugées abusives par la Commission européenne, pour un montant de 700 millions d’euros, a souligné le Fonds dans un communiqué.
« Troisième compagnie ferroviaire en Europe » selon le Taiped, le groupe italien est lui-même voué à la privatisation, avec un projet de cotation en Bourse au second semestre 2016, selon le ministère italien des Finances.
Le personnel du Trainose observe depuis plusieurs semaines des arrêts de travail pour protester contre cette privatisation dénoncée comme un « bradage ».
Issue avec Trainose de la scission en 2012 de l’ex-société publique des chemins de fer OSE, l’entreprise de matériel ferroviaire Rosco n’a, elle, jusque là pas trouvé preneur.
L’appel d’offres pour la cession de Trainose avait dû être relancé en janvier, faute de toute offre ferme des premiers prétendants, la SNCF française, la société russe RZD et la société roumano-américaine Watco-Group Feroviar.
Dans le cadre du troisième plan de sauvetage financier du pays conclu en juillet 2015 avec ses créanciers, UE et FMI, la Grèce est censée vendre d’ici 2018 6,2 milliards d’actifs publics. Elle a déjà procédé en 2015 à des privatisations à hauteur de 400 millions.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Post-référendum, oligarchie triste par Frédéric Lordon

6 juillet 2016

Les Britanniques, dit-on, ont accoutumé, contemplant la mer depuis la côte de Douvres les jours de brouillard, de dire avec cet humour qui n’appartient qu’à eux que « le continent est isolé ». Mais c’est de l’humour. C’est avec le plus grand sérieux au contraire que le commentariat européiste s’est exclamé qu’après le Brexit, « le Royaume-Uni est isolé ». Il faut tenir l’indigence de ce genre d’argument pour un indicateur robuste des extrémités politiques et rhétoriques où se trouve rendue la « défense de l’Europe », qui n’a plus que ça en stock — ça et « la guerre » — pour tenter de s’opposer à la vague sur le point de tout emporter. Faute d’avoir pu convaincre positivement les populations de l’évidence de ses bienfaits, le néolibéralisme, succursale européenne en tête, n’a donc plus que la ressource d’osciller entre l’imaginaire du camp (remparts, miradors, barbelés) et celui du rutabaga pour retenir les populations de lui régler son compte.
Lire aussi Bernard Cassen, « Le legs britannique à l’Europe », Le Monde diplomatique, juillet 2016. La perte de l’Albanie avait déjà été douloureusement vécue par le discours raisonné du néolibéralisme, heureusement il restait la Corée du Nord. L’espoir renaît pour de bon : il y a maintenant aussi le Royaume-Uni. Certes qui ne mesure pas encore tout à fait sa responsabilité historique : incarner le pire pour nous convaincre de continuer à désirer le meilleur. Mais ne devrait pas tarder à prendre conscience de son devenir-juche (1). On lui annonce une vague d’hyperinflation, puisque la livre est déjà « aux tréfonds » — peu importe qu’elle soit encore, contre l’euro, très au-dessus de son niveau ne serait-ce que de 2011 ; peu importe également que l’Islande qui n’a aucune base industrielle et a vu en 2008 sa monnaie dévaluée de 70 % n’ait connu qu’une inflation de 12 % les deux premières années, ramenée à 5 % dès la troisième (1,6 % l’an dernier). On lui annonce surtout la quasi-cessation de ses exportations puisque, brouillard ou pas, le Royaume-Uni « est isolé », et que (c’est connu également) tout pays n’appartenant pas à l’Union européenne (UE) devient aussitôt royaume-ermite.

Décompensations « démocratiques »

Mais il ne faut pas bouder son plaisir. Les moments de décompensation de l’oligarchie offrent toujours de délicieux spectacles, et rien ne les déclenche comme un référendum européen — tous régulièrement perdus, c’est peut-être ça l’explication… On s’épargnera pour cette fois les charmes un peu fastidieux de la recension — Dieu sait que la cuvée est excellente, mais depuis Maastricht l’argument européiste n’est pour l’essentiel qu’un bêtisier continué. Notons rapidement cependant les particularités du cru 2016, avec en particulier cette fabuleuse pétition de re-vote, dont on connaît un peu mieux maintenant les arrière-plans douteux, mais sur laquelle l’éditocratie s’est aussitôt jetée comme sur la plus légitime des propositions. Mais ce flot d’énormités n’atteint vraiment au sublime qu’au moment où il se fait philosophie critique du référendum (et il faut voir la tête des « philosophes »…) — du référendum en son principe bien sûr, rien à voir avec les déculottées à répétition, on réfléchirait avec la même passion si le Remain l’avait emporté à 60 %. Dans un document pour l’Histoire, Pierre Moscovici explique que « le référendum sur l’Europe divise, blesse, brûle » (2). Et c’est vrai : mon lapin socialiste, ne mets pas tes doigts dans l’urne, tu risques de te faire pincer très fort.
Il n’y a dans tout ça rien que de très connu, mais le spectacle des choses étant toujours cent fois plus éloquent que leur simple idée, la contemplation de la scène post-Brexit continue de faire forte impression. Car il est avéré une nouvelle fois que les dominants, au sens le plus élargi du terme, non pas seulement ceux qui détiennent les leviers effectifs des pouvoirs, mais ceux que leurs origines ou leurs positions sociales ont dotés pour tout mettre à leur portée — l’accès à la culture, l’apprentissage des langues, la possibilité de voyager, les bénéfices moraux du cosmopolitisme —, les dominants, donc, ne comprennent pas qu’on puisse trouver à redire à ce monde qui leur est si aimable, et trouvent d’un parfait naturel qu’on tienne aussitôt pour nulles et non avenues les expressions électorales qui ne ratifient pas les leurs. Disons les choses de manière un peu plus synthétique : tous ces bons amis de la démocratie se torchent le cul avec la démocratie.

Rien changer pour que rien ne change

Il y a pire cependant que le racisme social déboutonné : la surdité politique définitive qui s’en suit, c’est-à-dire la fermeture complète de tous les degrés de liberté du système, tendanciellement incapable d’accommoder les tensions internes qu’il ne cesse pourtant de recréer lui-même. Le néolibéralisme met le feu sous la cocotte, mais après en avoir soigneusement vissé le couvercle. Et les physiciens amateurs s’étonnent de prendre de temps en temps une soupape dans l’œil (ils n’ont encore rien vu, c’est le fait-tout lui-même qui va bientôt leur sauter au visage).
En réalité c’est la politique qui vérifie cette propriété attribuée à tort à l’économie : le primat de l’offre. Ça n’est évidemment pas là une donnée d’essence mais le résultat d’un certain état des structures : les structures de la représentation coupée des représentés, les structures de la dépossession. Dans un tel état de coupure, le primat de l’offre en effet s’établit presque tautologiquement puisque, par construction, la sphère de gouvernement séparée devient totalement auto-centrée et, rendue capable par les institutions de gouverner sans se préoccuper de rien d’autre qu’elle-même, devient par le fait ignorante de toute demande « extérieure ».
Malheureusement les énergies colériques se cherchent des débouchés, à toute force même, et lorsque l’oligopole des partis de gouvernement ne lui en propose aucun, elle prend le premier venu, fut-ce le pire. Il faut bien reconnaître en l’occurrence que le Brexit n’est pas joli à voir. On ne peut alors manquer d’être frappé par l’identité de réaction que suscitent les désastres électoraux variés produits à répétition par cette configuration politique : tout comme les poussées du FN, les référendums européens produisent immanquablement les mêmes « unes » géologiques — « séisme », « tremblement de terre » —, les mêmes solennels appels à « tout changer », et les mêmes avertissements que « rien ne peut plus continuer comme avant ». Moyennant quoi tout continue à l’identique. Pour une raison très simple, et très profonde, qui voue d’ailleurs toute cette époque à mal finir : mettre un terme aux avancées de l’extrême droite et aux référendums enragés supposerait de rompre avec les politiques de démolition sociale qui nourrissent les extrêmes-droites et les référendums enragés. Mais ces politiques sont celles mêmes du néolibéralisme !
Lire aussi Corinne Gobin, « Les faussaires de l’Europe sociale », Le Monde diplomatique, octobre 2005. Et voilà l’impossible équation en laquelle ce système est maintenant enfermé : enrayer ce qui va le détruire ne passe plus que par se nier lui-même, et se maintenir lui-même le condamne à alimenter ce qui va le détruire. De fait, ceux qui ont accaparé les moyens de changer quoi que ce soit, et proclament leur détermination à tout changer, persistent en réalité dans le désir de ne rien changer. C’est que les horizons temporels se sont considérablement raccourcis et que le temps encore passé au manche, tant que les contradictions peuvent être repoussées devant soi, est toujours bon à prendre. Dans l’intervalle, il ne manque pas d’éditorialistes décérébrés pour assurer la pantomime du « tout changer » mais dans la version Lampedusa du pauvre : ne rien changer pour que rien ne change…

La fin de l’histoire est ajournée

Dans une conjonction paradoxale de plus grande dureté idéologique et de plus grande lucidité (ou de moins grand aveuglement), The Economist, dont tout le numéro post-Brexit transpire littéralement la peur, voit venir la menace d’ajournement de la « fin de l’histoire » (3) — ce grand arrêt définitif qui devait consacrer pour l’éternité le règne du capitalisme libéral et de la démocratie. Et il n’est pas question là des soubresauts de la convergence des retardataires, mais du cœur de l’empire, là où la chose était normalement acquise. Il apparaît qu’elle ne l’est pas tant que ça, et quitter le confort de la « fin de l’histoire », surtout quand on lui avait cru le bon goût de s’achever au mieux des intérêts légitimes des possédants, est un traumatisme dont The Economist mesure avec angoisse toute la portée.
Moins épais que ses homologues français, lui est au moins capable de dresser un tableau clinique assez exact des colères de l’époque, et même d’aller jusqu’à leur accorder leur bien-fondé. Mais (et mutatis mutandis, on croirait relire ses articles de 2008-2009, quand c’est la crise financière qui menaçait de tout emporter), s’il est capable d’aller bien plus loin dans l’analyse, c’est, comme toujours, la conséquence qui lui fait défaut in extremis. Pour le coup elle lui restera inaccessible. C’est que lui aussi devrait convenir que le problème réside dans cela-même qu’il a choisi de défendre : « l’ordre international libéral ». Faute d’accéder à cette conclusion — et pour cause : elle lui serait une auto-négation… —, il ne reste à The Economist que les habituels dérivatifs de raccroc : « pour que la croissance se convertisse en hausse des salaires, les libéraux doivent mener un combat sans relâche contre les intérêts établis, exposer à la concurrence les entreprises installées, et briser les pratiques restrictives ». Disons immédiatement à tous ces gens qu’il n’est pas certain que les lois Macron — puisque c’est en gros de cela qu’il s’agit — suffisent à ré-arrêter l’histoire. Il se pourrait même, plus probablement, qu’elles lui fassent prendre un peu plus de vitesse encore.
C’est une chose cependant que l’histoire reprenne de la vitesse, et c’en est une autre de savoir dans quelle direction elle va s’engager. La réussite historique de l’extrême droite sur ces deux dernières décennies, c’est d’être parvenue à s’insérer dans l’offre politique, d’y figurer comme une option bien répertoriée. Et, mieux encore, de s’y être établie comme monopoleur de la différence. Peu importe que cette différence, racisme ouvert mis à part, soit en réalité frauduleuse : la collusion de l’extrême droite et du capital est un fait confirmé par l’histoire ; l’inconsistance des vues économiques du FN le voue à finir en l’attracteur par défaut du néolibéralisme, éventuellement sous une version néo-corporatiste à usage des patrons de PME ; la sortie de l’euro n’était qu’un engouement opportuniste qui achèvera de s’évaporer dès que quelques grands protecteurs financiers le convaincront de revenir au sérieux.

Les ressassements de « l’UE démocratique »

Et la gauche ? Si en l’état actuel de ses institutions la politique est sous le primat de l’offre, il s’agirait maintenant qu’elle aussi soit capable d’y installer une option eurocritique qui puisse se proposer comme solution d’expression raisonnée et progressiste — en fait la seule — de la colère. Mais que veut dire exactement « eurocritique », et qui y est prêt vraiment ? À l’analyse, eurocritique ne peut pas dire autre chose que décidé à envisager la sortie — quitte à en faire d’abord le levier d’un rapport de force, mais à l’envisager pour de bon. C’est peu dire qu’il reste du chemin à faire car, baffe après baffe, Brexit après Oχi (4), il est toute une fraction de la gauche qui ne désarme pas de l’illusion alter-européiste. Avec une obstination qui va devenir admirable à force de désespoir, Clémentine Autain et Roger Martelli répètent que « l’Europe, on la change ou elle meurt » (5). En la considérant de manière purement littérale, on pourrait presque accorder la formule — à la différence, comme toujours, de la conséquence et de l’inconséquence : car en réalité il n’y a pas le moindre doute quant à la manière dont cette fausse alternative va se trouver tranchée.
Au milieu d’arguments toujours les mêmes et dont aucun ne quitte jamais le registre du vœu pieux, ni jamais ne répond aux objections substantielles, on trouve celui-ci qui, par un effet de pertinence involontaire, met dans le cœur du problème : « Le combat pour la transformation sociale n’est pas plus facile en France qu’en Europe ». Eh bien précisément si, il l’est ! Et pour des raisons qui relèvent presque de la logique  : il est plus facile de passer une seule épreuve de validation que deux enchaînées. A plus forte raison quand la seconde est plus défavorable encore que la première. Ce qui est étonnant d’ailleurs, c’est qu’on puisse continuer de dire des choses pareilles un an exactement après l’écrasement de Syriza — qui aura si éloquemment prouvé combien il était plus facile de transformer l’Europe que la Grèce, ou l’Europe avec la Grèce…
Supposons donc, pour l’expérience de pensée, que nous soit échue la bénédiction d’un gouvernement authentiquement de gauche. Que peut-il mettre en œuvre qui ne se heurte aussitôt à la contrainte des traités ? Rien. Quelles solutions lui reste-t-il alors ? Trois.
 Plier, comme Tsipras — et fin de l’histoire.
 Entreprendre hardiment la bataille de la transformation de l’intérieur. Mais avec quels soutiens ? La désynchronisation des conjonctures politiques nationales nous offrira ce qu’elle peut en cette matière, c’est-à-dire pas grand-chose — comme l’a vécu la Grèce. L’alter-européisme nous prie dans ce cas d’attendre le grand alignement des planètes progressistes pour qu’advienne la nouvelle Europe — pourvu que le premier gouvernement de gauche soit encore en place au moment où la cavalerie des autres le rejoindra…
 Désobéir. Mais il faut n’avoir rien appris des expériences de Chypre et de la Grèce pour imaginer le noyau libéral des institutions et des Etats-membres laisser faire sans réagir. Comme on le sait désormais, c’est la Banque centrale européenne (BCE) qui a les moyens de mettre un pays à genoux en quelques jours, en mettant sous embargo son système bancaire. Sans doute y regarderait-elle à deux fois, considérant la possibilité de dommages collatéraux cataclysmiques. Elle n’en a pas moins tous les instruments permettant de régler finement l’asphyxie pour trouver son optimum punitif : tuer la croissance par étranglement du crédit sans pour autant mettre les banques à terre. Ceci pour ne rien dire de toutes les procédures de représailles inscrites dans les traités mêmes.

« Libxit » et « Gerxit »

En tout cas il faut avoir la croyance chevillée au corps pour imaginer que l’épreuve de force qui s’ouvrirait alors pourrait trouver une résolution autre que la reddition complète de l’une des parties quand les enjeux du différend sont aussi fondamentaux. De la partie dissidente progressiste très vraisemblablement, et pour les raisons qui viennent d’être indiquées : sur qui un gouvernement de gauche, radicalement ostracisé au milieu du Conseil, pourrait-il donc compter comme renfort ? Et dans le cas miraculeux qui le verrait entouré de quelques alliés, suffisamment nombreux pour que l’hypothèse d’un changement réel et profond commence à sérieusement prendre corps, qu’adviendrait-il à coup sûr, sinon l’auto-éjection du noyau libéral (« Libxit »), Allemagne en tête (« Gerxit) ?
Lire aussi Niels Kadritzke, « Grande braderie en Grèce », Le Monde diplomatique, juillet 2016. N’apprenant décidément rien des leçons de l’histoire, même quand elles sont récentes, l’alter-européisme rechute lourdement dans l’hypothèse implicite qui a déjà fait la déconfiture de Tspiras : « l’Europe est finalement un club de démocraties, et on peut toujours s’entendre entre bonnes volontés démocrates ». C’est n’avoir toujours pas compris que la démocratie et le néolibéralisme, spécialement dans la variante ordolibérale allemande (6), n’ont rien à voir. C’est refuser, après pourtant trois décennies de grand spectacle, d’acter que le néolibéralisme est fondamentalement une entreprise de « dé-démocratisation » (Wendy Brown), de neutralisation de l’encombrant démos, et qu’il peut même, comme l’atteste avec éclat le gouvernement Hollande-Valls, se montrer parfaitement compatible avec les formes d’un autoritarisme bien trempé. Dans l’hypothèse (déjà fantaisiste) où il se trouverait mis en minorité, le noyau dur libéral n’en tirerait vraisemblablement pas la conclusion que la démocratie, qui est la loi de la majorité, a parlé. Il prendrait ses cliques et ses claques pour laisser les « communistes » à leurs affaires et s’en irait reconsolider la « fin de l’histoire » de son côté.
Mais c’est une réalité qu’aucun des avocats de l’« autre Europe » ne veut envisager, surtout pas les promoteurs du « parlement de l’euro » qui persistent dans le formalisme des constructions institutionnelles séparées de leurs conditions de possibilité politique. On peut bien continuer de rêver un parlement de l’euro constitué comme prorata des parlements nationaux (7), et habilité à discuter des questions budgétaires et financières, mais encore faut-il se demander pourquoi l’Allemagne a mis tant d’efforts à ce que les principales orientations des politiques économiques nationales soient sanctuarisées dans les textes à valeur quasi-constitutionnelle des traités, c’est-à-dire, précisément, soustraites à toute instance de délibération parlementaire ordinaire ! Répéter indéfiniment une illusion ne suffit pas à en faire un candidat à la réalité, spécialement celle que l’Allemagne accepterait de remettre ses choses les plus chères — les principes organisateurs de la monnaie, des budgets et des dettes — à une incontrôlable loi de la majorité qui lui ferait courir le risque de se retrouver un jour du mauvais côté.
Il y a malheureusement tout lieu de penser que ceux-là qui se présentent comme les hérauts de la reconstruction démocratique de l’Europe ont fini par intégrer sans même s’en rendre compte les normes ambiantes de la dé-démocratisation, au point d’avoir abandonné en chemin les prérogatives élémentaires d’une démocratie parlementaire minimale : le droit de discuter de tout. Ou alors il va falloir qu’ils nous expliquent comment ils comptent convaincre l’Allemagne de revenir sur son ultimatum originel et de réintégrer le cénacle du parlementarisme ordinaire — celui qui a le droit de délibérer à sa guise des déficits, des dettes, de l’inflation, ou du régime de la circulation des capitaux.
En tout cas on n’en voit pas un remettre par exemple en cause le statut d’indépendance de la BCE, ni seulement proposer une redéfinition de ses missions — et pour cause : il faudrait être vraiment passé dans un univers parallèle pour imaginer faire avaler pareille idée à l’Allemagne. Mais, tragique révision inconsciente à la baisse des ambitions « transformatrices », c’est déjà comme un aveu implicite que le b-a-ba de la démocratie monétaire est hors de portée, et la mesure en creux des renoncements qui annoncent une redémocratisation tout en faux-semblants. On peut donc si l’on veut se complaire à imaginer une Europe transformée (réellement) mais alors il faudra l’imaginer sans l’Allemagne (au moins). Au fait, resterait-il alors quoi que ce soit qui se puisse appeler « Union européenne » après que le bloc allemand l’ait abandonnée ?

L’internationalisme réel du « Lexit »

Reprenons : si l’alternative est que « l’Europe, on la change ou elle meurt », alors elle meurt. Car ça n’est pas une parodie de démocratie au rabais qui la maintiendra en vie bien longtemps. La question alors se déplace : elle n’est plus celle de la chimère « Union européenne démocratique » supposément obtenue par mutation de l’Union actuelle, mais celle du meilleur moyen de mettre un terme à l’irrémédiable despotisme néolibéral européen.
Au point d’incapacité à se transformer où elle en est, l’Union européenne n’a plus que le choix des modalités de sa disparition : dans l’acharnement et la déflagration terminale ou par un processus ordonné de déconstruction. Ordonné, c’est-à-dire mutuellement agréé, une sorte d’accord de dissolution coopérative, à froid — au demeurant s’il y a bien un point de convergence qui risque d’émerger de plus en plus, c’est celui de l’intérêt bien compris de tous à arrêter les frais.
Un tel processus ordonné pourrait d’ailleurs revêtir différentes formes. Celle du simple retour aux échelons nationaux, n’excluant nullement de maintenir (puis d’approfondir) les coopérations à géométrie variable déjà en place (industrielles, scientifiques, etc.) mais hors de toute intégration formelle. Ou celle d’une proposition ouverte de reconstruction « européenne » — « européenne » avec guillemets puisque, bien sûr, son périmètre ne saurait être celui ni de la défunte UE ni de son eurozone, dès lors qu’elle inviterait les États qui le voudraient — et certains ne le veulent pas — à se retrouver autour d’un principe d’organisation démocratique réelle des domaines d’intégration (dont il est au demeurant probable qu’ils ne puissent aller jusqu’à la constitution d’une communauté politique complète). C’est dans ce genre de directions en tout cas que le « Lexit » (Left Exit) trouve son sens, pour qui voudra bien au moins se donner la peine d’observer que le mot « Lexit » même n’est formé à partir de la contraction d’aucun nom de pays, et atteste par là sa conformité à un internationalisme bien compris.
Par un paradoxe cruel, il apparaît de plus en plus que, sous couleur de vertu, l’alter-européisme œuvre en fait involontairement pour le pire. Non pas par le projet en soi d’une « autre Union européenne », mais par le refus de principe d’envisager la moindre forme de rupture, qui le voue à l’inexistence dans le spectre déjà difficilement accessible de l’offre politique, notamment quand le ressentiment populaire à l’endroit de l’UE a légitimement franchi ses points critiques, peut-être ses points de non-retour. Les projets de « transformation démocratique » de l’Europe, à la façon du DiEM25 de Varoufakis, qui se propose de perdre dix nouvelles années à poursuivre une chimère, ouvrent des boulevards aux extrêmes droites européennes qui ne doivent pas en revenir d’avancer ainsi sans rencontrer la moindre résistance (lire « DiEM perdidi »). Le stéréotype de « la nature politique qui a horreur du vide » a beau être usé jusqu’à la corde, il continue de dire quelque chose de vrai. Les extrêmes droites, qui n’en demandent pas tant, demeurent seules à capter le discours de l’eurocritique et surtout à en imposer la forme.
Un comble de l’aberration politique, et presque logique, aura conduit certains à gauche à poser que, puisque le Brexit menaçait de prendre la forme d’une sortie par la droite, il était urgent de faire taire le « Lexit » (8) qui ne pouvait, « dans ces conditions », qu’alimenter son contraire — soit le syllogisme même de la défaite : puisque la sortie est sortie par la droite, tout discours de sortie nourrit immanquablement la sortie par la droite… Ou l’art de se donner raison pour le pire : à force d’interdire toute pensée de la sortie par la gauche, et de laisser prospérer sans la moindre opposition le discours de la sortie par la droite, il se pourrait bien, en effet — en tout cas on aura tout fait pour — que, si sortie il y a… elle se fasse par la droite.
Frédéric Lordon
(1) Le juche est cette étonnante doctrine nord-coréenne de la souveraineté autarcique.
(2) Pierre Moscovici, « Europe, vive le débat, exit le référendum », Libération, 30 juin 2016.
(3) « The politics of anger », The Economist, 2 juillet 2016.
(4) Lire « Le crépuscule d’une époque », 7 juillet 2015.
(5) Clémentine Autain et Roger Martelli, « L’Europe, on la change ou elle meurt », Regards, 28 juin 2016.
(6) Lire François Denord, Rachel Knaebel & Pierre Rimbert, « L’ordolibéralisme allemand, cage de fer pour le Vieux Continent », Le Monde diplomatique, août 2015.
(7) Thomas Piketty, « Reconstruire l’Europe après le Brexit », blog Le Monde, 28 juin 2016. Lire aussi Susan Watkins, « Le Parlement européen est-il vraiment la solution ? », Le Monde diplomatique, février 2016.
(8) Philippe Marlière, « Un “Brexit” xénophobe, un “Lexit” introuvable », Regards, 17 juin 2016.

Sur les réfugiés

15 juillet MANIFESTATION DE SOUTIEN AUX RÉFUGIÉS:

Environ 300 personnes ont manifesté d’ Omonia vers les bureaux du Parlement et de l’UE. Les participants étaient du syndicat ADEDY, de l’Unité Populaire, collectifs de solidarité et de nombreux réfugiés. Les slogans étaient pour l’ouverture des frontières et un changement dans la politique des réfugiés. Ils demandent:

· Arrêter les interventions impérialistes et créer des routes sécurisées pour les réfugiés

· La création de structures d’accueil ouvertes avec l’utilisation de bâtiments publics et le recrutement de personnel dans les services sociaux, accélérer les procédures de demande d’asile et de légalisation, couvrir les besoins temporaires de logement et de nourriture.

· La suppression de l’accord entre l’UE et la Turquie, les expulsions et les déportations.

14 juillet No Border CampPlusieurs journaux (Kathimerini, Avghi, Ta Nea) font état de la manifestation « No Border Camp » qui sera organisée du 14 au 24 juillet 2016 à l’université de Thessalonique. Des centaines de personnes venant de Grèce et de l’étranger camperont du 14 au 24 juillet dans les espaces ouverts de l’université en signe de solidarité avec les réfugiés et migrants, et pour protester contre la fermeture des frontières. N’ayant pas été informé en amont de ce rassemblement ni de l’identité des personnes qui sont à l’origine de cette initiative, le rectorat de l’université a exprimé de vives inquiétudes sur l’éventualité d’incidents, de dégâts matériels ou de problèmes d’hygiène. Il a ainsi demandé une surveillance renforcée de la police ainsi que la collaboration des collectivités locales et des ministères compétents pour assurer l’adoption de mesures de sécurité adaptées.  

13 juillet  L’entrepôt en pierre du Port du Pirée a été évacué aujourd’hui par la force .
Les réfugiés n’ont pas tous eu le temps de prendre affaires,papiers et argent. Les témoignages évoquent des méthodes d’évacuation violentes et dangereuses, en particulier pour les nombreux enfants en bas âge.

Après Idomeni, Polykastro et les autres campements proches de la frontière macédonienne, les autorités grecques ont évacué et détruit le campement du Pirée, à côté d’Athènes

Témoignage de l’expulsion d’Athènes
Aujourd’hui au port du Pirée, où des milliers de gens ont vécu dans des entrepôts de tentes, les autorités grecques ont fait un geste pour expulser le dernier entrepôt occupé. Il n’y avait aucun avertissement, les gens n’ont pas eu le temps de faire leurs affaires, ceux qui étaient partis pendant l’expulsion et ceux qui résistent a perdu tout ce qu’elles possédaient, y compris les passeports et les documents d’immigration. Le déménagement arrive à cause de la pression sur le gouvernement pour effacer le port pour la compagnie maritime chinoise cosco pour démarrer le développement du site. Il a été estimé que 300 personnes ont été enlevés de force dans des camps militaires à courir autour de la Grèce, un autre de 900 personnes vivent encore dans le port dans des tentes dans le nouvel entrepôt expulsées et sous un pont à proximité.
Les conditions d’accueil dans les camps surpeuplés gérés par l’État grec ne sont pourtant guère meilleures, comme en témoignent les récents rapports de Pro Asyl et de Catholic Relief Services (en anglais).Vous pouvez télécharger le rapport de Pro Asyl ici.

Vous pouvez télécharger le rapport de Catholic Relief Services ici.

La procédure d’asile en Grèce reste, elle, largement inaccessible, comme en témoigne ce rapport du Forum Grec des Réfugiés (en anglais).

Vous pouvez télécharger le rapport du Forum Grec des Réfugiés ici.

13 juillet Quatre migrants  morts dans une nouvelle tragédie en mer (ANA-MPA)

Un bateau transportant environ 10 migrants sans papiers a chaviré mercredi matin dans la région de la mer de Lesvos, avec le nombre de morts atteignant 4, tandis que les opérations de recherche et de sauvetage se poursuivent pour plus de gens.
Les corps d’une fillette de quatre ans, un petit garçon, une femme et un homme ont été déjà été récupérés.
La Garde côtière grecque avait déjà sauvé quatre personnes.

13 juillet Grèce: regain de tensions sur les îles qui accueillent les réfugiés

http://www.rfi.fr/europe/20160711-grece-migrants-regain-tensions-iles-accueillent-refugies

 

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