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Grèce : accord avec les créanciers …le peuple toujours présuré

Grèce : Fumée blanche, jours sombres publié sur NPA

Euklidis Tsakalotos, le ministre des Affaires économiques, a soupiré d’aise à la mi-semaine, après la conclusion d’un accord entre l’Union européenne et le gouvernement grec : « les négociations sont finies, on voit sortir une fumée blanche », en allusion à l’élection d’un nouveau pape.

Dans son journal Prin, le NAR, principal groupe de la gauche révolutionnaire grecque et composante d’Antarsya, commente très justement : « fumée blanche, mais jours sombres pour les travailleurEs ! »

En effet, cet accord, qui doit être ratifié par le Parlement grec avant d’être approuvé en Eurogroupe, est une nouvelle catastrophe pour le peuple de Grèce. Cela sera décliné très concrètement lors de la discussion qui sera conclue par le vote du 17 mai. Pour rester dans les objectifs fixés par ses créanciers, la Grèce, qui a obtenu pour 2016 un excédent de 4,2 %, doit obtenir 1,75 % en 2017 et 3,5 % en 2018, et cela ne peut être obtenu que par l’acceptation de 140 « actions » supplémentaires au détriment des intérêts populaires, correspondant à un montant de 3,8 milliards d’économies pour la période 2019-20 !

Parmi celles-ci, une nouvelle baisse des retraites : après les baisses successives de presque 50 % en moyenne depuis 2010 qui ont contribué à appauvrir davantage une population frappée par le chômage, la nouvelle baisse sera en moyenne de 9 %, allant jusqu’à 18 %. Les impôts augmenteront, touchant exclusivement les petits et moyens salaires, d’autant que le seuil des non-imposables passera de 8 640 à 5 680 euros annuels de rémunération. Les supermarchés et grands pôles commerciaux devront ouvrir 32 dimanches par an dans des zones considérées comme touristiques (Athènes, Thessalonique, bords de mer – innombrables en Grèce ! – et autres endroits…). À ce propos, cela vaut la peine d’écouter le ministre de l’Économie Dimitri Papadimitriou, expliquant que le gouvernement était en désaccord avec cette mesure, mais que « Nous pouvons la voir comme une forme de modernisation, du fait que l’ouverture des magasins le dimanche est quelque chose d’autorisé dans la plupart des pays d’Europe et aux USA »

Divisions à gauche

C’est ce ton, entre cynisme et naïveté, qui régit le nouveau recul de ce gouvernement qui a déjà tellement déçu les secteurs populaires qui avaient cru à son discours radical. Le gouvernement explique que d’une part, les mesures sur les retraites ne toucheront « qu’un tiers » des retraitéEs, que d’autre part, si l’économie se porte bien, les hausses d’impôt seront moindres que prévues. Ainsi, une personne touchant annuellement 10 000 euros paie aujourd’hui 300 euros, et si tout va bien, il en paiera 750 en 2019 au lieu de 900 !

Tsipras se réjouit d’avoir pu faire revenir l’UE aux conventions collectives : en fait, cela sera décidé en fonction d’une prochaine évaluation, et à l’inverse, les licenciements viennent d’être facilités, se passant des actuelles autorisations administratives…

Les réactions politiques sont celles des Tartuffe de la droite et du Pasok qui veulent jouer la carte populiste… après avoir démantelé les couvertures sociales entre 2011 et 2015. Sans oublier le grand patronat qui utilise l’argument de l’asphyxie réelle des PME pour exiger moins d’impôts.

À gauche, la condamnation est évidemment ferme, mais au poids des défaites dans les luttes, des trahisons électorales, ainsi qu’à l’isolement européen, se rajoute l’absence d’unité ! Le 1er mai, les cortèges étaient fournis… mais plus séparés que jamais : même chez Antarsya, une partie défilait à 2 km de l’autre. Il est évident que la question de l’unité d’action sera cruciale pour avancer, et il faut la construire pour réussir la grève appelée pour ce 17 mai.

D’Athènes, A. Sartzekis

https://npa2009.org/actualite/international/grece-fumee-blanche-jours-sombres

Zone euro: le chômage «caché», un défi pour la BCE

Zone euro: le chômage «caché», un défi pour la BCE

11 mai 2017 Par Romaric Godin qui a rejoint l’équipe de Médiapart

La BCE s’est interrogée sur les raisons de la faible croissance salariale en zone euro. Pour elle, la situation sur le marché de l’emploi est plus préoccupante que ce que les chiffres officiels du chômage peuvent laisser penser, notamment en raison du sous-emploi.

  Le chômage recule en zone euro. En un an, il est passé de 10,2 % de la population active à 9,5 % en avril 2017. Le plus faible niveau depuis 2009. Cette bonne nouvelle n’a cependant pas permis, pour le moment, la mise en place d’une dynamique forte de salaires suffisants pour soutenir l’inflation et, partant, pour redonner aux entreprises une capacité à relancer la demande et donc à investir.

L’absence de croissance des salaires au niveau de la zone euro est une des raisons de la prudence de la BCE sur la future sortie de sa politique monétaire ultra accommodante. Si la Banque centrale resserre sa politique sans dynamique salariale, elle prend le risque de laisser les forces baissières l’emporter sur l’inflation sous-jacente, celle qui dépend des éléments non volatils des prix (énergie et alimentation). D’autant que toute remontée du prix de l’énergie viendra grever alors les salaires réels et les bénéfices des entreprises, obligeant à des ajustements de la demande et faisant renaître le spectre du risque déflationniste. La BCE doit donc comprendre pourquoi la baisse du chômage ne s’est pas accompagnée d’une hausse des salaires.

Cette « énigme » est l’objet d’un chapitre du Bulletin économique de la BCE, paru ce mercredi 10 mai. Les équipes de l’institution de Francfort y répondent en notant qu’en réalité, le chômage de la zone euro est beaucoup plus important que ne le laissent entendre les chiffres d’Eurostat, calculés sur la base de la définition de l’Organisation internationale du travail (OIT). Trois catégories d’individus, en effet, sont exclues de ces données : ceux qui sont « découragés » et ne recherchent pas d’emplois, mais pourraient travailler ; ceux qui recherchent un emploi mais ne sont pas « disponibles » pour travailler et, enfin, ceux qui travaillent à temps partiel et voudraient travailler davantage. Les deux premières catégories sont appelées la « force de travail supplémentaire potentielle » ; la troisième, le « sous-emploi ». Cette dernière catégorie concernerait, selon la BCE, pas moins de 7 millions de personnes en zone euro, soit 3 % de la population en âge de travailler.

Au total, la BCE refait ses calculs. Ce qu’elle appelle la « mollesse du marché du travail » (« labour market slack ») en zone euro concernerait 18 % de la population active étendue à la force de travail supplémentaire potentielle. Un taux qui est donc deux fois plus élevé que le taux de chômage officiel. Certes, cette mesure est incertaine. Beaucoup de personnes sous-employées ne peuvent effectivement pas travailler davantage malgré leur désir et beaucoup de personnes « découragées » ne sont pas prêtes à revenir dans la vie active. Mais il n’en reste pas moins que la BCE, en corrigeant ces éléments, estime que ce « chômage élargi » atteint 15 % de la population active.

Dès lors, la conclusion s’impose : les données officielles d’Eurostat sur le chômage ne permettent pas de rendre compte du vrai niveau de sous-utilisation de la main-d’œuvre dans la zone euro. Elle est beaucoup plus importante qu’on ne le pense et, concluent les équipes de la BCE, « cette sous-utilisation encore élevée continue probablement à contenir la hausse des salaires ». Pour sortir de l’assouplissement quantitatif sans dommage et disposer d’une vraie dynamique d’inflation et de croissance, il faudra donc régler ce problème de chômage élargi.

Certes, la situation s’améliore. Au premier trimestre 2017, on a pu constater une accélération de la croissance des salaires, avec une augmentation annuelle de 1,8 %, des salaires nominaux. Mais même avec cette accélération, le rythme de progression demeure faible historiquement. Avant 2014, la zone euro n’avait en effet connu que très brièvement par deux fois, en 2004 et 2010, une croissance salariale plus faible que ces 1,8 % qui, aujourd’hui, apparaissent si vigoureux.

Du reste, si la consommation des ménages était bien le premier moteur de la croissance de la zone euro au dernier trimestre de 2016, elle connaît une croissance encore modeste, de 1,8 % sur un an. Ce niveau a certes permis d’amener la moitié des 0,4 point de croissance à la zone euro sur ces trois mois, mais il demeure encore modeste et très lié à l’inflation faible qui a conduit à une hausse des revenus réels. En effet, on ne remarque pas d’effets directs de la baisse du chômage sur la consommation puisque la croissance annuelle des dépenses des ménages s’est ralentie entre le premier et le dernier trimestre de l’an passé.

Surtout, cette dynamique salariale est clairement insuffisante pour engager une reprise de l’inflation indépendante de l’évolution des prix de l’énergie. Car la dynamique salariale est une des composantes de la formation des prix. C’est la fameuse « courbe de Phillips » qui établit un lien entre chômage et prix, via les salaires. Cette courbe est régulièrement critiquée, niée et modifiée, mais elle reste l’un des moyens de déterminer les dynamiques inflationnistes. Globalement, on estime que l’inflation est obtenue (en partie) par l’écart entre la hausse des salaires nominaux et la hausse de la productivité du travail. La croissance de la productivité en zone euro est certes très faible (+ 0,5 % en 2017) mais elle suppose, pour satisfaire l’objectif de la BCE, une croissance des salaires supérieure d’au moins 2 points, sans doute davantage compte tenu de la longue inflation faible et des tendances désinflationnistes liées au désendettement.

La vraie question reste celle de l’adaptation des politiques économiques en zone euro. La consolidation budgétaire unilatérale (du reste encouragée par la BCE dans le même bulletin mensuel) exigée par les traités conduit à un environnement déflationniste qui maintient la pression sur les salaires nominaux. Mais la question reste posée de savoir si les réformes du marché du travail promues par la BCE et les institutions européennes ne constituent pas également un élément clé du problème, en l’absence de mesure de soutien à la croissance. Le développement du sous-emploi par celui du temps partiel, la réduction du champ de la négociation collective, la flexibilité qui pèse sur les niveaux de salaire sont autant d’éléments qui favorisent le « chômage élargi » et réduisent la transmission de la baisse du chômage vers les salaires nominaux. Plus que jamais, la zone euro semble donc avoir besoin d’une redéfinition de sa politique économique pour dépasser ses difficultés actuelles. En attendant, la BCE reste seule face à une inflation toujours trop faible.

https://www.mediapart.fr/journal/economie/110517/zone-euro-le-chomage-cache-un-defi-pour-la-bce

L’inclusion de la société Fraport contraire à la législation communautaire

L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 est contraire à la législation communautaire

par Nikos Chountis eurodéputé Unité Populaire-Laiki Enotita

COMMUNIQUE DE PRESSE

  • L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 est contraire à la législation communautaire
  • Nikos Chountis : Il s’agit du premier gouvernement après l’entrée de la Grèce dans l’UE à avoir deterré l’arrêté royal pour étendre les privilèges de la société allemande Fraport

L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53, l’exception qu’elle présente par rapport à tout acte de réquisition ou d’indemnisation obligatoire même en temps de guerre, l’autorisation de recruter du personnel étranger et l’exportation de ses rémunérations en devises, mais aussi l’autorisation d’un rapatriement des prêts ou du capital-risque, ont été considérés par la Commission elle-même comme illégales et contraires au droit communautaire au moment où elle a examiné la vente d’OLP[1] à la société chinoise Cosco, une affaire qui partage de nombreux points communs avec la vente des 14 aéroports à la société Fraport.

C’est ce que révèlent la question posée à la Commission par Nikos Chountis, le député européen de l’Unité Populaire, ainsi que sa déclaration à ce sujet.

Plus précisément, Nikos Chountis dans la question qu’il pose, fait référence au décret présidentiel 27, lequel a été publié le 7/04/2017 sur la base de la loi 2687/53 concernant les « investissements et la protection des capitaux de l’étranger », et par le biais duquel sont accordés des avantages supplémentaires et des garanties à la société Fraport. Il fait savoir que « de telles garanties n’ont jamais été fournies après l’entrée de la Grèce dans l’UE, à l’exception des compagnies maritimes, dans la mesure où elles violent manifestement le droit européen en offrant un cadre d’investissement plus favorable aux investissements dits « productifs », qui relèvent de la loi précitée, par rapport aux autres investissements ».

Nikos Chountis, en guise de conclusion à sa question, demande à ce que soit soumis à examen le fait que l’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53,  juridiquement bien plus contraignante et comportant des « avantages », est compatible avec le droit communautaire.

Il faut noter que la Commission, dans le cas de la vente d’OLP, où l’on a tenté d’appliquer la loi 2687/53, a exclu toute réticence du gouvernement de l’époque à ce sujet par la décision SA.28876 (2012/C) (Journal officiel JO C 301/55, 5/12/2012), en faisant valoir que :

« L’exemption des restrictions légales (expropriation contraignante, réquisition des actifs, autorisation de recruter du personnel étranger et exportation de ses rémunérations en devises, autorisation de rapatriement des prêts ou du capital-risque) pourrait aussi à l’avenir favoriser le Terminal à conteneurs du Pirée, filiale de la société Cosco ». Pour cette raison, il estime que « la protection dans le cadre d’un régime spécifique et protecteur pour les investissements étrangers (Ν. 2687/53) n’est pas compatible avec le marché intérieur ».

Il faut souligner que les exonérations précitées sont les mêmes que celles qui ont été attribuées à la société Fraport il y a quelques jours, par le biais du décret présidentiel 27/2017.

En réaction à la soumission de la question précitée, Nikos Chountis a fait la déclaration suivante :

      « Alors que la Commission ne voulait pas, à juste titre, entendre parler d’une inclusion d’OLP dans la loi 2687/53, ce qui aurait donné des avantages et des garanties supplémentaires à la société chinoise Cosco, elle fait semblant de ne pas comprendre qu’avec le décret présidentiel 27 de 2017 les 14 aéroports achetés par la société allemande Fraport bénéficient du même statut préférentiel qui découle de la loi 2687/53, violant de ce fait les lois en matière de concurrence de l’UE.

     Alors que SYRIZA, en tant que force d’opposition, fustigeait le gouvernement Samaras afin que la société Cosco ne bénéficie pas d’un statut préférentiel et promettait la suppression de la loi 2687/53, en tant que gouvernement SYRIZA il satisfait entièrement jusqu’à la dernière exigence de la société Fraport, et lui accorde des avantages supplémentaires et des garanties. C’est le premier gouvernement depuis l’entrée de la Grèce dans l’UE à proposer cette inclusion dans la loi 2687/53, au-delà des compagnies maritimes et des investissements dits « productifs ».

L’inclusion de la société Fraport dans la loi 2687/53 n’est pas seulement une pratique complaisante, illégale et politiquement condamnable, mais démontre que le gouvernement SYRIZA lorsqu’il s’agit de « donner satisfaction » aux Allemands, est davantage disposé et plus « efficace » encore que le gouvernement Samaras ».

Le Service de Presse                                                                                     26.04.2017

[1] Société du Port du Pirée (OLP)

Traduction Merci à Vanessa de Pizzol

https://unitepopulaire-fr.org/2017/05/10/nikos-chountis-linclusion-de-la-societe-fraport-dans-la-loi-268753-est-contraire-a-la-legislation-communautaire/

Portugal : l’UE et l’Euro

Le Portugal, l’Union Européenne et l’Euro – interview avec João Ferreira (première partie)  07.05.2017

L’Union Européenne (UE) est entrée dans une phase de turbulence. Toutes ces années de crise et d’austérité brutale ont eu des conséquences sociales catastrophiques, en particulier dans les pays de la périphérie. Au Portugal, un changement de gouvernement après les élections législatives de 2015 a mis fin à l’austérité imposée par la troïka ce qui a permis un revirement de certaines politiques. Mais des problèmes structurels persistent en raison de la nature de l’UE et de ses mécanismes, en particulier la monnaie unique. Pour discuter de la situation politique au Portugal, des conséquences de l’entrée sur le marché unique et de l’Euro, et des solutions à ces problèmes, ainsi que d’autres questions telles que la montée de l’extrême droite en Europe, nous avons interviewé João Ferreira du Parti Communiste Portugais (PCP) ; il est membre du Comité Central du PCP, conseiller municipal à Lisbonne et deux fois élu au Parlement européen.

Comment décririez-vous l’actuel gouvernement portugais ? Est-ce un gouvernement de gauche ?

C’est un gouvernement du Parti Socialiste (PS). Ce n’est ni un gouvernement de gauche ni une coalition de forces de gauche, comme nous l’entendons parfois. C’est un gouvernement du Parti Socialiste qui met en pratique les positions du Parti Socialiste vis-à-vis des questions fondamentales de la politique de droite et de sa vision pour le pays, position aussi fondamentalement différentes de celles du PCP. Mais c’est un gouvernement minoritaire ; ce qui signifie, avec l’équilibre actuel des pouvoirs au Parlement, que le PCP joue un rôle important dans le processus de restauration des droits et l’augmentation des revenus des personnes que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre avant sa prise de fonction.

En fait, les progrès accomplis depuis le début de ce gouvernement l’ont souligné. Il y a eu un processus de restauration des droits et d’augmentation des revenus dans lequel le PCP et les luttes populaires de ces dernières années ont joué un rôle décisif. Cependant, des problèmes structurels fondamentaux persistent encore, dont la solution nécessite des politiques globales pour aller au-delà du recouvrement des droits et des revenus et finalement développer le pays. Tout cela est proprement lié au fait qu’il s’agit d’un gouvernement du Parti Socialiste qui a hérité de toutes les contradictions historiques que le Parti Socialiste n’a pas réussi à résoudre et qui sont à leur tour liées aux politiques de droite des 40 dernières années. Et cela explique pourquoi ce gouvernement n’est pas un gouvernement de gauche.

Analysons ces problèmes séparément. Quelles mesures positives ont été décidées et mises en œuvre, et pourquoi y a t’il eu une réponse si fébrile ou plutôt une opposition déterminée de Bruxelles ?

Les actions du gouvernement précédent, une coalition de droite du Parti Social-Démocrate (PSD) et des Démocrates-Chrétiens (CDS) ont eu comme point de départ le programme d’intervention de la troïka, composé du Fonds Monétaire International (FMI) La Banque Centrale Européenne (BCE) et l’Union européenne (UE). Ce programme a été approuvé par le PSD, le PS et le CDS, alors que le PCP l’a qualifié comme étant un «pacte d’agression» à l’encontre du pays et du peuple.

De sorte que ce gouvernement PSD-CDS a mis en œuvre des politiques qui sont essentiellement conformes aux récentes directives du FMI et de l’UE : une attaque contre les droits du travail et les droits sociaux, la privatisation des entreprises publiques et des secteurs stratégiques de l’économie, la destruction et le démantèlement des services publics, en divergence permanente avec la Constitution portugaise. C’est un gouvernement qui a mis en place avec diligence toutes les orientations et les injonctions de l’Union Européenne. Lorsque ce gouvernement a été battu lors des élections législatives de 2015 et que les conditions ont été réunies pour qu’un nouveau gouvernement prenne ses fonctions – un gouvernement minoritaire PS qui avait accepté de revenir sur certaines des mesures mises en œuvre au cours des quatre années précédentes – la Commission Européenne a alors immédiatement réagi. Les autorités européennes, les grandes puissances européennes, le grand capital européen et leurs représentants politiques, comme par exemple la Commission Européenne, tous ont tout de suite réagi dès lors qu’ils virent en danger le plan qu’ils avaient préconisé et imposé.

Qu’est-ce qui a été fait en particulier ? Même si elles ont une portée limitée, certaines mesures que nous considérons comme importantes ont été mises en œuvre. Par exemple :

  • un arrêt définitif des processus de privatisation en cours dans le secteur des transports
  • la restauration de quatre jours fériés qui avaient été supprimés par le gouvernement précédent
  • la restauration de la semaine de 35 heures dans le secteur public
  • l’élimination des réductions de salaire dans le secteur public et de la surtaxe de l’impôt sur le revenu, ce qui signifie une augmentation des revenus de la classe ouvrière
  • une augmentation des revenus des régimes de retraite, alors que la troïka recommandait d’autres réductions, cette fois avec un caractère permanent, en plus des coupes mises en place par le gouvernement précédent
  • une augmentation du salaire minimum, même si elle est encore bien inférieure au montant que nous jugeons juste
  • la restauration de la négociation collective dans les entreprises publiques
  • une augmentation des prestations familiales et infantiles, tant dans son montant que dans le nombre de personnes couvertes
  • la mise en place de la gratuité des livres scolaires dans les écoles primaires

Ce sont toutes des mesures qui vont à l’encontre des diktats de la troïka. La troïka, l’UE et le grand capital portugais ont vu cela comme une menace pour les politiques générales qu’ils avaient imposées et ont réagi de manière violente, avec des menaces et des pressions. Cela souligne la tournure prise par l’Union Européenne. Même les mesures limitées ayant un caractère social, l’augmentation des revenus, l’amélioration du niveau de vie, suffisent à nous mettre en porte-à-faux vis-à-vis de l’UE, de sa structure de pouvoir et des politiques qui ont été imposées aux peuples. Nous ne parlons pas de mesures fondamentales, structurelles, mais celles d’une portée très limitée ; mais même celles-ci suffisent à déclencher la réaction brutale que nous avons observée.

Vous avez également mentionné les lacunes du Parti Socialiste qui empêchent une réponse plus complète aux problèmes du pays. Pouvez-vous développer sur ce sujet ?

D’un côté, le Parti Socialiste est soumis à toutes les politiques et injonctions de l’Union Européenne. S’il est vrai que des mesures concrètes recommandées par l’UE ont été remises en question, les principales impositions résultant du Pacte de Stabilité, des séries de mesures de Gouvernance Économique, du Semestre Européen (1), du Pacte Budgétaire Européen, ont toutes été adoptées et acceptées par le Parti Socialiste. Et nous parlons de politiques qui ont un caractère inhérent à la Droite et au néolibéralisme. De même, le PS accepte également la soumission à la monnaie unique, dont nous parlerons plus en détail plus tard, avec tout ce que cela a signifié pour le pays en termes de destruction des secteurs productifs et d’une augmentation globale des inégalités.

Mais sur la sphère nationale, le Parti Socialiste reste aux abonnés absents quand il s’agit de confrontations avec les classes dominantes. Par exemple, on ne peut pas compter sur lui pour la réforme du système fiscal afin d’exiger une plus grande contribution du grand capital. Au fil des ans, le système mis en place est extrêmement favorable au grand capital, lui faisant bénéficier d’un fardeau fiscal extrêmement faible aux dépens des travailleurs et des petites et moyennes entreprises. Maintenant que nous avons besoin de changements majeurs pour inverser cette situation, on ne peut pas compter sur le Parti Socialiste. Un autre exemple concerne la législation du travail et le fait que le Parti Socialiste n’a rien fait concernant les mesures les plus pénalisantes pour les travailleurs. Cela montre qu’il existe des aspects structurels de la politique de droite qui subsistent dans le Parti Socialiste.

Pour en revenir au grand capital, il semble que le secteur bancaire reste au centre de l’actualité, avec des craintes et une instabilité constantes. Quelles mesures, selon le PCP, devraient être mises en œuvre en ce qui concerne le secteur bancaire ?

Le PCP a identifié trois contraintes majeures auxquelles le pays est confronté :

1 – la soumission à l’euro
2 – la dette colossale et le service de la dette
3 – la domination des banques privées sur le secteur financier

Les deux premiers points seront abordés dans un instant. En ce qui concerne le troisième, il convient de rappeler que le secteur bancaire a été nationalisé après la Révolution de 1974 ; puis il y a eu un processus de privatisation et de reconstitution des banques privées. Avec le résultat de ce processus que nous avons pu observer ces derniers temps. Nous avons un secteur bancaire qui n’est pas au service du pays mais qui ne sert que quelques groupes économiques et financiers, certains portugais, d’autres étrangers. Ces groupes ont accumulé au fil des ans des bénéfices fabuleux au détriment des familles, des petites et moyennes entreprises et du pays en général. Tout cela en recourant à des opérations frauduleuses et de corruption, à des spéculations sans entraves, à des prêts aux amis et à la famille, etc. Du point de vue du PCP, cela démontre la nécessité de ramener le secteur bancaire sous le contrôle public, en le réorientant vers ce qui devrait être sa fonction sociale : protéger les épargnes et les mettre au service des investissements productifs, revigorer l’économie et le développement du pays, plutôt que de mettre ces ressources au service de pratiques énumérées précédemment.

Au Portugal, nous avons beaucoup entendu parler de la CGD et de la Novo Banco (2)

La Novo Banco est un exemple frappant d’une banque qui ne sert que les intérêts d’une poignée de capitalistes, mais ce n’est pas un cas unique. C’est un exemple que l’on retrouve chez d’autres banques qui ont été à l’origine de problèmes considérables. En fait, les travailleurs ont été mis plus d’une fois à contribution pour couvrir les pertes des banques privées. Ce que nous soutenons, compte tenu du point de déliquescence que nous avons atteint, c’est que l’État retienne le contrôle publique sur la Novo Banco comme point de départ d’un contrôle plus généralisé du secteur bancaire.

En ce qui concerne la Caixa Geral de Depósitos, il a un problème fondamental. Même si c’est une banque publique, en raison de choix des gouvernements récents, elle a été gérée comme si elle était une banque privée. Donc, les mêmes opérations spéculatives, réalisations de prêts douteux, etc., ont été exécutées, sans oublier qu’elle a également été appelée à combler des trous dans les banques privées. Par conséquent, la demande n’est pas seulement de garder Caixa Geral de Depósitos dans la sphère publique, mais d’avoir une direction qui fonctionne efficacement pour soutenir le développement du pays.

Passons maintenant à la dette, ce qui était bien sûr la raison de l’intervention de la troïka. Comment la dette du Portugal s’est-elle gonflée pour en arriver aux niveaux actuels ?

Il existe deux types de causes : des causes structurelles, fondamentales et d’autres que nous pouvons appeler plus circonstancielles. Les premières concernent le processus de destruction et le démantèlement progressif de l’appareil productif, des secteurs productifs tels que l’agriculture, la pêche, l’industrie, et ce que cela implique en termes de dépendance accrue envers les biens et les services étrangers. En plus de cela, il y a eu aussi un processus de privatisations dans les secteurs stratégiques de l’économie, ce qui a permis aux capitaux, à la fois nationaux et étrangers, d’acheter des participations dans ces secteurs. Cela signifiait nécessairement une perte de fonds, puisque les bénéfices et les dividendes, au lieu de rester dans les caisses de l’État, allaient dans les poches des actionnaires.

Ces deux aspects sont inséparables avec l’entrée du Portugal dans la CEE, le marché unique, pour se retrouver en concurrence sans protection contre des économies beaucoup plus fortes avec des niveaux de productivité beaucoup plus élevés. Et les fonds structurels européens, destinés à atténuer les répercussions de cette compétition inégale, n’ont jamais réussi à le faire, même si certains en rejettent la responsabilité sur les gouvernements au pouvoir à l’époque. Mais une grande partie des fonds structurels est venue et est repartie sous la forme d’acquisition de biens et de services, revenant dans certains cas vers leur lieu d’origine. En fait, les montants transférés par l’UE au Portugal sont maintenant dépassés par les montants qui quittent le pays en tant que bénéfices, dividendes et intérêts vers d’autres pays de l’UE. Autrement dit, le Portugal est un contributeur net dans l’Union européenne.

(Évolution de la dette publique portugaise en pourcentage du PIB. Données de l’Institut National des Statistiques Portugais)

Les causes plus circonstancielles ont trait à l’attaque spéculative que les dettes souveraines des pays dits périphériques ont subie entre 2009 et 2011. Une attaque qui est intimement liée aux règles mêmes qui guident les institutions européennes et la Banque Centrale Européenne en particulier. Il est important de garder à l’esprit que la BCE ne prête pas d’argent aux États, mais le fait aux banques privées ; et pendant une longue période, nous avons assisté à une situation durant laquelle la BCE a accordé des prêts aux banques privées, les marchés dits financiers, avec des taux d’intérêt de 1%, et ces banques se sont retournées pour facturer des taux d’intérêt aux États qui, dans le cas du Portugal, atteignaient 7%. Jusqu’au début du processus d’achat de dette par la BCE, processus qui a été retardé le plus longtemps possible, le Portugal et d’autres pays ont fait face à cette attaque spéculative, avec des écarts très importants dans les taux d’intérêt qui ont été responsables d’une forte augmentation de la dette publique. Et bien sûr, le programme de la troïka a empiré les choses.

En remontant un peu, dans les années 1980, le PCP s’opposait à ce que le Portugal adhère au marché unique. Quelles étaient les raisons de cette position et qu’est-ce qui est finalement arrivé ?

Le Parti communiste était essentiellement le seul parti au Portugal à mener une étude approfondie des conséquences d’une adhésion éventuelle au marché unique. Nous avons même démarré avant la Révolution, lorsque cette possibilité d’entrer sur le marché unique a commencé à être discutée ; nous l’avons encore fait dans les années 1980 quand la décision est passée et que le pays est entré dans la CEE, et nous l’avons fait de nouveau 20, 30 ans après cette adhésion. Et en général, les avertissements que nous avons émis se sont révélés justifiés. Le PCP avait raison. A l’époque, notre voix était isolée ; aujourd’hui, de nombreux mouvements politiques et d’opinion constatent la véracité de ce que nous avons dit tout au long.

La CEE, aujourd’hui l’UE, est un processus d’intégration capitaliste. Les processus d’intégration ne sont pas neutres. En fonction de leur nature, ils peuvent aider les peuples ou se mettre au service des capitaux et des multinationales. L’UE/CEE, en tant que processus d’intégration capitaliste, est conçue pour favoriser l’accumulation de capital. Au lieu de promouvoir la convergence, nous avons une divergence sociale et économique, et cela est évident dans la situation rencontrée aujourd’hui par les pays périphériques, encore une fois dans la lignée de ce que prévoyait le PCP.

Il y a un autre point important à souligner dans le cas concret du Portugal. Les grands groupes monopolistes ont subi des revers majeurs après la Révolution d’avril (1974) et les progrès réalisés qui ont suivi. Juste pour rappeler certains d’entre eux : la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, la réforme agraire, une Constitution qui garantit des droits économiques, sociaux et culturels de grande envergure, entre autres. L’adhésion à la CEE a été perçue par ces groupes comme une occasion de récupérer le pouvoir perdu. Parce que le critère même de l’adhésion à la CEE impliquait que l’Etat soit soumis à la soi-disant économie de marché ; et donc au Portugal, cela a fini par stimuler le processus de reprise capitaliste et la reconstitution des monopoles qui existaient durant la dictature fasciste et qui avaient été démantelés après la Révolution. La prise en compte du caractère instrumental de l’entrée sur le marché unique en termes de retour au pouvoir des classes anciennement dominantes faisait également partie de notre analyse et motivait notre opposition. Et là aussi, il s’est avéré que nous avions raison.

 Notes :

(1) Le semestre européen fournit un cadre pour la coordination des politiques économiques entre les pays de l’Union européenne. Il leur permet de débattre de leurs programmes économiques et budgétaires et de suivre les progrès accomplis à des moments précis de l’année.

(2) Le Banco Espírito Santo (BES) était le joyau de la couronne de l’empire commercial de la puissante famille Espírito Santo. En 2014, il a fallu un plan de sauvetage de plusieurs milliards d’euros après sa faillite suite à des années de pratiques douteuses avec la complicité des régulateurs. Une nouvelle banque, appelée «Novo Banco», a été créée sans les actifs toxiques du BES. Le PCP a soutenu que, compte tenu du coût énorme de l’aide financière, la banque ne devrait pas être simplement reprivatisée.

La Caixa Geral de Depósitos (CGD) est la plus grande et l’unique banque publique portugaise. La droite, depuis longtemps, rêve de la privatiser.

Traduit de l’anglais par Stéphane Rouilly

Source : http://www.investigaction.net/le-portugal-lunion-europeenne-et-leuro-interview-avec-joao-ferreira-premiere-partie/?#

 

Espagne : lutte pour le droit au logement

Espagne : face à la précarisation, la lutte pour le droit au logement s’organise par David Hamou

Depuis la crise financière de 2007, l’Espagne connaît une situation de crise du logement sans précédent. Des centaines d’expulsions se produisent chaque jour, alors que des millions de logements restent vides. Aujourd’hui encore, le droit au logement est constamment menacé, et l’accès à un logement digne est entravé par des lois très peu protectrices, des prix qui ne cessent d’augmenter et un parc de logement social qui reste largement insuffisant pour reloger les familles. Face à cette situation d’injustice sociale, de nouvelles formes d’activisme sont apparues, et les mouvements sociaux se sont organisés pour constituer un contre-pouvoir populaire engagé dans la défense du droit au logement.

A l’origine des violations actuelles du droit au logement : le modèle financiero-urbanistique espagnol et la bulle spéculative immobilière

Dans les années 1990 et 2000, l’expansion massive du secteur de la construction immobilière a conduit à la constitution d’une bulle spéculative immobilière dont l’éclatement explique en grande partie la situation d’urgence sociale actuelle. Ainsi, entre 1997 et 2007, plus 6,6 millions de logements ont été construits en Espagne, soit la même quantité que le total des logements construits en France, en Allemagne et en Italie sur la même période. Cet emballement du marché a gonflé artificiellement les prix de l’immobilier, alors que se multipliaient les transactions financières spéculatives qui alimentaient en retour le phénomène.

En parallèle, les banques espagnoles ont largement facilité l’accès aux crédits hypothécaires en proposant des contrats contenant des clauses abusives à de nombreux ménages peu solvables, avec l’argument que « les prix ne peuvent pas baisser ». Dans un pays où être propriétaire est la norme, les classes populaires et moyennes ont donc connu un accès massif à la propriété via des crédits hypothécaires à risque avantageux et séduisants. Taux variables, clauses planchers, absence de dation en paiement |1|… les conditions de ces crédits immobiliers les rapprochent en réalité d’une véritable escroquerie généralisée.

En 2008, avec l’éclatement de cette bulle spéculative immobilière, la chute des prix, et l’explosion du chômage, de nombreuses familles se retrouvent sans ressource et ne peuvent plus faire face aux mensualités de ces crédits à risque. Les conséquences sociales de cette crise sont désastreuses : expulsions massives des familles par les banques, surendettement et spirale de la pauvreté. Entre 2008 et 2012, on compote plus de 415.000 saisies hypothécaires et près de 245.000 expulsions. En total depuis 2007, ce seraient plus de 400.000 familles qui auraient perdu leur logement à causes des expulsions. Alors que le pays plonge dans une crise du logement généralisée, et que des centaines de millions d’euros publics sont données aux banques sans contreparties, les pouvoirs publics restent passifs et alimente la culpabilisation des citoyens : la faute serait la nôtre car nous aurions vécu « au-dessus de nos moyens ».

La réaction des mouvements sociaux

Face à cette profonde injustice sociale, les citoyens ont su inventé de nouvelles formes d’activisme et se sont organisés au sein de mouvements sociaux défendant le droit au logement. Ce combat s’est principalement structuré autour de deux moyens d’action : les actions directes de désobéissance civile et les propositions de réforme législative.

La Plateforme des Personnes des Affectés par l’Hypothèque (PAH) est née à Barcelone en 2009, et s’est depuis largement diffusé dans tout le pays : on compte aujourd’hui plus de 200 plateformes locales. Il s’agit d’un mouvement citoyen non partisan d’auto-organisation de personnes affectées par la crise hypothécaire et de personnes solidaires, qui dénonce des lois injustes et lutte activement contre les expulsions et le surendettement des familles. Les exigences fondamentales de la PAH sont l’arrêt total des expulsions, l’obtention de la dation en paiement et la transformation des logements saisis par les banques en parc public de logements sociaux locatifs. Le mouvement s’organise en assemblées générales horizontales et pratique la désobéissance civile par des actions directes. Les groupements citoyens pour empêcher physiquement les expulsions, et les occupations massives des banques et des mairies responsables de ces expulsions, ou encore les actions de réquisition d’immeubles vides possédés par les banques concernées sont autant de moyens d’action pour mettre un terme à ces pratiques et obtenir des solutions de relogement pour les familles. Depuis 2009, la PAH a empêché plusieurs milliers d’expulsions et a offert des solutions de relogement à des milliers de personnes.

Cet activisme s’est également concrétisé dans des Initiatives Législatives Populaires (ILP), à l’échelle nationale et à l’échelle régionale, visant à adopter des lois garantissant le droit à un logement digne et adéquat pour tous. Parmi les mesures les plus urgentes, ces ILP retenaient notamment la dation en paiement, l’arrêt des expulsions et l’augmentation du parc public de logement social. En 2013, à l’initiative de la PAH, de l’Observatori DESC |2| et d’autres mouvements sociaux, le Congrès des députés de l’Etat Espagnol est saisi et amené à statuer sur une première ILP. Malgré près d’un million et demi de signatures recueillies, la ILP est rejetée par le Congrès. Mais en juillet 2015, une nouvelle ILP est finalement adoptée par le Parlement Catalan. Il s’agit d’une grande victoire populaire, puisqu’après des années de lutte les banques et les entités financières responsables de cette crise doivent enfin rendre des comptes. En effet, la nouvelle loi interdit les expulsions des personnes en exécution hypothécaire, oblige les entités financières à proposer un logement social locatif aux familles en situation de vulnérabilité résidentielle. Les administrations publiques sont quant à elles obligées de proposer une solution de relogement si les détenteurs du bien immobilier sont des petits propriétaires.

Malgré cette victoire militante, la situation du logement reste aujourd’hui très préoccupante en Espagne. Très peu de changements législatifs ont vu le jour au niveau national, malgré de nombreuses condamnations internationales de l’Etat Espagnol, notamment par la Cour de Justice de l’Union Européenne en 2013 et par le Comité des Droits Économiques Sociaux et Culturels de l’ONU en 2015. De plus, la crise hypothécaire n’est qu’un des multiples aspects de la crise du logement en Espagne, et les citoyens doivent aujourd’hui faire face à de nouveaux défis afin de défendre le droit au logement.

La précarisation de la location et les squats précaires : de nouveaux défis pour le droit au logement

La précarisation des conditions de location est devenue le nouveau visage de la crise du logement. Ainsi, on considère que près de 90 % des expulsions qui ont lieu à Barcelone sont dues à des impossibilités de payer le loyer. Si traditionnellement l’Espagne compte un haut pourcentage de propriétaires |3|, l’accès à la propriété s’est aujourd’hui restreint pour une partie de la population, et Barcelone compte environ 30 % de locataires. Ces dernières années, nous avons assisté à une explosion du prix de loyers dans notre ville. Le prix moyen du loyer a doublé en 15 ans, et atteint aujourd’hui son taux record de 2007, année précédant l’éclatement de la bulle immobilière. A Barcelone, les lois ne protègent que très peu les locataires, alors que la massification touristique, la gentrification et de nouvelles formes de spéculation fragilisent l’accès au logement locatif et le droit au logement en général. Par conséquent, constituer un contre-pouvoir organisé et garantir l’existence d’un marché locatif protégé et accessible est une de nos priorités pour défendre le droit au logement.

Les lois restent très peu protectrices en matière de location en Espagne. Il s’agit d’un marché totalement dérégulé, et il n’existe ainsi aucun mécanisme de régulation des prix. Une nouvelle loi de 2013 a encore accentué cette asymétrie de pouvoir entre le bailleur et le locataire : la durée des contrats locatifs a été réduite de 5 à 3 ans, et le processus d’expulsion a été facilité (un impayé de seulement un mois peut désormais conduire à une expulsion).

A Barcelone, cette précarité légale est renforcée par des processus qui conduisent au déplacement forcé des populations les plus vulnérables hors des quartiers centraux. L’attractivité de la capitale catalane a provoqué une massification touristique et un renouvellement des pratiques spéculatives. En 2015, plus de 8,3 millions de touristes ont visité Barcelone, qui compte 1,6 millions d’habitants. La prolifération incontrôlée des hôtels, des pensions, et des appartements en location touristique sur des plateformes dites collaboratives comme Airbnb font croître le prix moyen du loyer et ont un impact négatif sur l’accès au logement. Enfin, les entités financières spéculatives se sont adaptées à cette nouvelle situation et investissent maintenant dans le marché locatif afin d’en tirer des plus-values. On a ainsi vu des fonds d’investissement spéculatifs internationaux racheter des appartements, et provoquer l’expulsion des locataires afin de les transformer en logements de luxe et d’augmenter le montant du loyer.

Face à cette situation, il est nécessaire d’organiser un contre-pouvoir populaire capable de mettre fin à ces pratiques, de dénoncer la vulnérabilité des locataires, et de défendre le droit à un logement digne et accessible. A l’initiative de l’Observatori DESC, mais aussi des associations de voisins et de personnes autonomes, les locataires de Barcelone s’organisent et sont en train de créer un syndicat des locataires. Le syndicat, qui sera officiellement présenté au cours du mois de mai 2017, aura pour objectifs d’exercer une pression politique, mais aussi de visibiliser et dénoncer cette situation de précarité du logement locatif, ou encore d’offrir des services d’aide et d’assistance juridique aux locataires.

Enfin, cette exclusion d’une partie de la population qui n’a pas accès au marché du logement conduit les plus vulnérables à recourir massivement au squat. Le discours médiatique et politique hégémonique tente d’imposer une représentation du squat comme choix politique déviant ; et de récentes lois renforcent la criminalisation du squat. Mais alors que l’Espagne est d’un des pays d’Europe avec le plus de logements vides (on compte plus de 3,4 millions de logements vacants dans tout l’Etat), la réalité est toute autre, et le squat reste majoritairement le dernier recours de familles sans ressources pour accéder au logement par d’autres voies. L’impossibilité d’accéder à l’électricité, l’eau ou le gaz légalement place les familles qui squattent dans des situations extrêmement dangereuses et précaires.

C’est dans ce contexte que le secteur immobilier a développé de nouvelles stratégies aux marges de la loi pour expulser les squatteurs. L’entreprise Desokupa propose ainsi à ses clients de réaliser des expulsions extra-judiciaires par des négociations musclées avec les squatteurs, et ces pratiques ont été dénoncées comme pouvant être délictueuses. L’Observatori DESC s’est ainsi constitué partie civile dans l’accusation populaire contre l’entreprise Desokupa et l’agence immobilière qui l’a contracté. Il nous semble crucial de dénoncer fermement cette violence et ce harcèlement immobilier, afin de protéger la population qui se trouve en situation d’exclusion résidentielle.

Notes

|1| Le taux plancher est un taux minimum en dessous duquel le taux d’intérêt du crédit hypothécaire ne peut pas descendre. Une chute de prix ne sera donc pas proportionnellement répercutée sur le taux d’intérêt, ce qui revient en pratique à transférer le risque sur le détenteur du crédit. L’absence de dation en paiement implique que même après la saisie de leur logement, les familles ne pouvant plus faire face à leur crédit restent endettées. Cette clause des contrats hypothécaires en Espagne a provoqué un processus de surendettement massif des citoyens.

|2| L’Observatoire DESC est une entité sociale basée à Barcelone qui défend au quotidien les Droits Économiques, Sociaux et Culturels (DESC), et notamment le droit au logement, le droit à l’alimentation et le droit au travail. Pour promouvoir cette vision intégrale des droits de l’homme, l’Observatoire DESC combine des activités d’incidence politique, de recherche et de formation, d’organisation de cours et de conférences et de litige stratégique.

|3| Le taux de locataires en Espagne est d’environ 15 %. A titre de comparaison, la Belgique compte un taux d’environ 35 % de locataires, selon l’Association Internationale des Locataires.

David Hamou  est membre de l’Observatori DESC

http://www.cadtm.org/Espagne-face-a-la-precarisation-la

Grèce : 1e mai défilés et gréve contre de nouvelles coupes

Les syndicats en Grèce ont marqué lundi le 1er mai par des défilés et une grève nationale de 24 heures contre de nouvelles mesures de rigueur en échange de la poursuite du versement de prêts internationaux.

Quelque 10.000 personnes ont manifesté à Athènes et 3.500 à Thessalonique, selon la police.

Avec la grève, qui coïncide avec une journée fériée dans le pays, la plupart des magasins étaient fermés, comme les services publics, tandis que le trafic des bateaux et des trains était interrompu.

« Nous devons reprendre tout ce qui nous a été volé durant la crise », a déclaré le chef du parti communiste Dimitris Koutsoumbas. « Nous devons annuler toutes les lois contre les travailleurs (…) et effacer unilatéralement la dette » publique du pays, a-t-il ajouté.

Une grève générale est prévue le 17 mai par les syndicats pour protester contre les nouvelles mesures d’économie.

« Le gouvernement et les créanciers ont pressuré le peuple et les travailleurs depuis sept ans », a écrit de son côté le puissant syndicat des fonctionnaires Adedy.

Sous la pression de ses créanciers (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), le gouvernement a accepté en avril 3,6 milliards d’euros d’économies en rognant les retraites en 2019 et en alourdissant les impôts en 2020. Ces mesures devraient être approuvées mi-mai par le Parlement et le gouvernement espère un accord global le 22 mai lors d’une réunion des ministres des Finances de la Zone euro.

Athènes et ses créanciers progressent vers un accord préliminaire, selon une source gouvernementale lundi.

« Il y a quatre dossiers avec des questions importantes et 4 ou 5 dossiers avec des questions plus mineures » qui restent à traiter, selon cette source citée par l’agence officielle ANA.

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a déclaré dimanche dans la presse allemande qu’un accord global était réalisable le 22 mai « si le gouvernement (grec) respecte tous les accords ». « La Grèce a fait des progrès, les derniers chiffres sont positifs », a-t-il dit, « mais le gouvernement n’a pas encore honoré tous les accords ».

La Grèce et ses créanciers avaient conclu un accord sur une troisième tranche de prêt de 86 milliards d’euros en juillet 2015. Mais le FMI, qui s’oppose aux objectifs budgétaires fixés par la zone euro pour la Grèce et estime que la dette publique grecque n’est pas soutenable, conditionne sa participation financière à un troisième plan d’aide à un geste en faveur d’Athènes, alors que l’Allemagne freine des quatre fers.

La Grèce souhaite le plus tôt possible un accord avec ses créanciers car le pays endetté a besoin de nouvelles tranches de prêts pour payer des créances de plus de sept milliards d’euros en juillet.

http://www.boursorama.com/actualites/grece-defiles-et-greve-contre-de-nouvelles-coupes-ee2edef8fa51b7fb3122db1db46773fd

Thessalonique : le port privatisé

Un consortium germano-gréco-franco-chinois s’est vu accordé 67% des parts du port grec de Thessalonique dans le cadre de sa privatisation. Le gouvernement grec doit vendre une partie de ses actifs pour répondre aux exigences de ses créanciers, l’Union Européenne et le FMI.

 Le port de Thessalonique est le second plus important du pays après celui du Pirée (Athènes). Sa vente avait été lancée en 2014 par l’agence Taiped, en charge des privatisations, et dirigée par un français Jacques Le Pape http://www.lepetitjournal.com/athenes/economie/actu-economie/259692-un-francais-dirige-le-fond-grec-charge-des-privatisations
Opposé à deux autres candidats à la reprise, DP World Group (Dubaï) et International Container Terminal Services (ICTS – Philippines), le consortium gagnant a proposé 1,1 mrd€ à Taiped. Il est composé de l’Allemand Deutsche Invest Equity Partners, du grec Belterra Investments, de l’Alliance Terminal Link SAS (avec le Français CMA CGM et le Chinois China Merchants Holdings International).
En juillet 2016,  Cosco (groupe chinois) avait acquis 67 % des actions du port du Pirée. Les ports, mais aussi les aéroports sont concernés par les privatisations. En décembre 2015, quatorze aéroports sont passés dans les mains d’un consortium composé de l’allemand Fraport et du groupe grec Copelouzos. Il s’agit des aéroports secondaires d’Aktio (PVK), Kavala (KVA), Thessaloniki (SKG) et de onze aéroports situés sur des îles grecques : Corfu/Kerkyra (CFU), Crete/Chania (CHQ), Kefalonia (EFL), Kos (KGS), Mitilini (MJT), Mykonos (JMK), Rhodes (RHO), Samos (KGS), Santorini (JTR), Skiathos (JSI) et Zakynthos (ZTH).

http://www.lepetitjournal.com/athenes/accueil/actualite/278715-thessalonique-le-port-privatise

Décor sculpté : la rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque  et cette fois-ci un regard sur le dernier accord avec la Troïka.

Décor sculpté


L’été enfin ou presque, comme un avant-goût d’une destinée miraculeusement retrouvée. Les Grecs détestent l’hiver et abhorrent… la crise, sauf que dans les deux cas, c’est de la “météorologie” qu’il s’agit, d’après l’ambiance les mentalités moment. “On ne chargera pas le temps qui fait, sauf que nous n’aurons plus froid. Quand l’hiver s’en va, c’en est presque la délivrance, tellement c’est intense”, précise-t-il le voisin Chrístos, un sans-emploi… installé. Ambiance !

Au sujet de la Caryatide volée par Lord Elgin. Athènes, mai 2017

Entre avril et mai, c’est autant le moment… très solennel des factures d’électricité qui arrivent dans les boîtes aux lettres, celles qui correspondent très exactement à la consommation hivernale. Les impayés se comptent alors déjà par dizaines de milliers. SYRIZA et ses nouvelles mesures austéritaires annoncées (tout de même au soir du 1er mai), moins l’électricité.

“Nous avons conclu cet accord avec les institutions (Troïka) au soir du 1er mai. Les mesures adoptées sont douloureuses, sauf que par notre action globale, nous mettrons alors fin un jour, à la situation de dépendance que connait le pays. Ensuite, nous évoquerons pour la première fois officiellement, la diminution rendue nécessaire du montant de la dette grecque, et c’est une avancée très positive”, voilà pour le résumé du discours lénifiant et stéréotypé ténu par les “gouvernants” pour faire passer entre autres, la quatorzième diminution du montant des retraites depuis 2010 et l’ouverture des commerces… chaque dimanche durant toute l’année, une exigence de taille exprimée par le FMI dès 2010. Il fallait y penser et aussitôt le faire, et c’est alors fait !

“Alexis Tsipras et ses ministres sont des menteurs nés. Ils avaient déclaré publiquement, comme autant lors des rencontres avec nous, qu’une telle mesure ne passerait jamais, et nous voilà une fois de plus piégés par ces politiciens convertis… en valets des subordonnés de la Troïka. En Grèce, 90% du commerce, c’est toujours le fait des petites et moyennes entreprises, et d’ailleurs, près du 85% des employés y travaillent.”

“Nous, en tant qu’intersyndicale nous avons vivement protesté, et à nos côtés, se sont aussi rangées certaines grandes entreprises, notamment les hypermarchés tenus par des grecs. Le gouvernement, sous l’ordre de la Troïka s’occupe alors uniquement de l’intérêt des multinationales, comme autant de celui de certains gros poissons bien de chez nous, et encore pas tous. Leur but c’est la mise à mort du petit commerce et celle des employés avec. Fait inouï, en règle générale, nos patrons sont avec nous dans cette… guerre d’extermination contre le peuple grec,” (le Président de l’intersyndicale des employés dans le secteur du commerce, radio 90.1 FM, 06 mai 2017), cité de mémoire.

Sous l’Acropole et sous le soleil. Athènes, mai 2017

Sous le soleil très exactement, le pays est dépecé en mille et un morceaux, entre “investisseurs” et autres acquéreurs de tout: biens publics ainsi offerts sur un plateau, à l’agence des privatisations et cela pour une durée de 99 ans, développent sans doute visiblement durable. Cependant, il est parfois (ironiquement ?) question de cette Caryatide alors volé jadis par Thomas Bruce, alias Lord Elgin, (1766-1841), diplomate et militaire britannique, surtout connu pour avoir “déplacé” le décor sculpté du Parthénon d’Athènes à Londres. Anachronisme ou sinon ultime souvenir collectif ?

Au même moment sous l’Acropole, appartements, immeubles, hôtels, ou encore centres commerciaux, passent massivement sous contrôle… étranger, la très nouvelle économie y oblige, entre tourisme réconforté et l’engouement pour les plateformes de location uberophiles. Les… investisseurs affluent ainsi de partout, États-Unis, France, Allemagne, pays Scandinaves, mais également depuis l’Iran, le Liban, la Chine, voire la Turquie, et même la presse en parle (par exemple le quotidien économique “Imerisía” du 30/04), c’est pour dire. L’Occident… mirage de l’Orient !

Touriste à Athènes, mai 2017
Une certaine vision du monde en kiosque. Athènes, mai 2017
Entreprise en faillite. Athènes, mai 2017
Musique… murale. Athènes, mai 2017

Sous le soleil toujours, les livreurs forcément ambulants, certains d’entre eux en tout cas, les plus courageux, appellent à manifester et à suivre leur mouvement de grève prévu pour la journée d’action du 25 mai. Parmi leurs revendications: moins de précarisation, ne plus user (et abuser) des motos privées appartenant aux employés dans le cadre de leur “travail”… sans remboursement des frais d’entretien et parfois d’essence.

Ces hyposalariés… hypermobiles, voudraient que leur travail soit enfin officiellement déclaré et que les cotisations, certes symboliques, soient également versées. Suite à huit années de régime de la Troïka… Macronymique avant l’heure, les travailleurs restants, luttent (lorsqu’ils le peuvent) pour faire valoir leurs droits et conditions alors acquis… dès les années 1930 ou 1950.

Certains métiers, également touchés (en réalité anéantis), autant par la crise que par les bouleversements dits technologiques, ne s’en remettront d’ailleurs plus jamais. La presse par exemple. D’après les données les plus récentes, parmi son personnel, composé de journalistes, techniciens et collaborateurs, et qui travaillaient il y a encore dix ans dans les médias, aujourd’hui, seul un quart restant y travaille encore. Et ce n’est pas tout. Et ce n’est pas tout, les rémunérations actuelles sont versés sans retard… pour seulement un petit 20% des salariés de la branche.

Serveurs. Athènes, mai 2017

En réalité, et comme le remarque une certaine presse économique cette semaine , les contrats et les Conventions collectives sont jetés à la poubelle, “alors que seule l’offre et la demande en fonction des nécessités, déterminent alors les salaires.” Bonne blague.

Mon ami Th., journaliste au si long chômage me disait récemment, que le salaire mensuel pour de postes importants dans son secteur, ne dépassent guère (ou sinon à peine) les 900€ par mois, pour à peu près 10h de travail par jour, six jours par semaine. C’est-à-dire, moins de 4€/heure, lorsque les employés sont disons payés. Derrière les beautés touristiques, et comme un après-goût d’une destinée perdue à jamais, le travail n’est plus, les luttes non plus.

Pour la manifestation des livreurs du 25 mai. Athènes, mai 2017
Bistrot dit branché. Athènes, mai 2017
Manifestation du 1er mai 2017 à Athènes (presse grecque).
Action… symbolique du chef de l’Unité Populaire. Hôtel Hilton, Athènes, 1er mai 2017

Le 1er Mai est passé par là, surtout… il est passé. Les syndicats, plus symboliques et rachitiques que jamais, ont fait défiler les leurs, dans la dispersion habituelle. Manifestants “d’en bas” généralement dignes qui défilent, mais alors usés. Caricatures d’époque. En manque d’utilité, et après avoir œuvré au sein de SYRIZA durant tant d’années (il l’a quitté avec l’aile gauche du parti en août 2015), le chef de l’Unité Populaire (Lafazánis), s’est déplacé jusqu’à l’hôtel Hilton pour protester verbalement contre la présence des émissaires de la Troïka. Sans plus ni moins.

Les Grecs, observent cependant à peine, toute cette théâtralité surfaite. Le “pouvoir politique” est factice, sa contestation l’est autant. Entre déclarations politiques… robotisées et rivalités symboliques, la métadémocratie virale (Macronymique !), s’érige alors en régime directement issu des mémoranda et de l’usurpation de tout. Et autant du sens à donner à la vie (ou à la mort), du moins en Grèce, on en rigole de plus en plus et les ex-pseudocitoyens, n’iront plus jamais voter pour certains (plus de 40% d’abstention aux législatives de septembre 2015, un record).

“Nous avons perdu notre patrie et notre avec elle autant notre démocratie, nous luttons donc pour maintenir leur lumière au plus profond de nous-mêmes, pour ne pas non plus succomber moralement et philosophiquement, car pour le reste, c’est déjà fait”, a-t-il poursuit mon ami Th., pas très en forme il faut dire.

Virus. Athènes, mai 2017
Lire les journaux sportifs… Athènes, mai 2017
Fenêtre. Athènes, mai 2017

Les Grecs se détournent alors de la lecture de la presse politique, ils lui préféreront volontiers celle des journaux sportifs, au besoin sans les acheter.

L’été enfin, comme un avant-goût d’une certaine destinée miraculeusement retrouvée. Les Grecs détestent l’hiver et haïssent… la crise c’est bien connu.

Et sans doute pour bien clore toute fenêtre de l’espoir, celle du Logos notamment, le ministre de l’Éducation (SYRIZA), a retiré depuis déjà quelques mois des programmes de l’enseignement secondaire, Antigone de Sophocle ainsi que l’Épitaphe, l’Oraison funèbre de Périclès dans Thucydide, comme… dans nos vies.

Animaux antiques représentés. Période classique, musée Kanellopoúlou, Athènes, mai 2017

Devant l’indignation provoquée, le dit ministère, prétend dans un communiqué (répété… depuis février 2017) “que ce changement des programmes, est peut-être provisoire”. Ambiance… toujours !

Ailleurs qu’à travers les hauts-lieux de crise grecque, un petit 30% de la population semble de débrouiller. L’univers de la crise grecque c’est… comme à la guerre. Ceux qui survivent, ceux qui meurent dans l’indifférence, ceux qui ne seront alors jamais touchés. “Nous passerons notre flottille sous pavillon britannique. Maintenant que le gouvernement a finalisé l’accord avec la Troïka, nous pouvons enfin planifier notre bisness”, discussion entre entrepreneurs du yachting au café dit des skippers à la plus importante marina d’Athènes en ce mois de mai. Bon vent…

Animaux antiques comme animaux athéniens contemporains, plus… adespotes que jamais, même combat ! Décor sculpté…

Combat entre animaux adespotes. Athènes, mai 2017

* Photo de couverture: Sous l’Acropole. Athènes, mai 2017

mais aussi pour un voyage éthique “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/

Grèce : la poule aux œufs d’or de la BCE

De l’art de se faire des bénéfices sur un pays en crise par Anouk Renaud 25 avril 2017

En mai 2010, en plus du premier plan de « sauvetage » octroyé à la Grèce, la banque centrale européenne (BCE) lance le programme SMP (Securities Markets Programme), qui consiste à racheter de la dette grecque sur le marché secondaire, c’est-à-dire le marché de seconde-main des dettes. Les banques centrales nationales lui emboîtent le pas avec le programme ANFA (Agreement on Net Financial Assets). Ces programmes sont alors présentés comme une main tendue vers la Grèce. Une « action charitable » pourtant très rentable… En effet, la BCE a racheté ces dettes à prix cassé (forcément, avec la crise grecque, plus grand monde n’en voulait) mais réclame à la Grèce le remboursement du montant initial. Elle réalise donc une plus-value entre le prix de rachat et le prix auquel lui rembourse la Grèce. La BCE a ainsi dépensé 40 milliards d’euros pour obtenir des titres grecs d’une valeur initiale de 55 milliards |1|.

À cela s’ajoutent les intérêts, bien entendu. Et pas n’importe lesquels, puisque les titres en question sont très rémunérateurs et donnent droit à des intérêts élevés. Jeudi dernier, la Grèce a ainsi remboursé 1,35 milliard d’euros à la BCE à un taux de 5,9 %.

En 2012, alors qu’est mise en place une restructuration de la dette grecque avec réduction de la valeur des titres, la BCE refuse d’y participer. Si bien que son portefeuille de titres grecs reste intact. Les remboursements qui y sont liés aussi…

L’institution de Francfort estime elle-même que ses bénéfices réalisés via cette opération devraient s’élever à 10,4 milliards d’euros. Une estimation basse qui, pour certains, oscille plutôt entre 10 et 22 milliards |2|.

Sans compter que ces rachats massifs ont profité aux grandes banques françaises, allemandes, belges, hollandaises, comme l’a montré la Commission pour la Vérité sur la dette grecque. Celles-ci ont non seulement trouvé repreneur pour les titres grecs qu’elles possédaient et en plus les ont vendus à la BCE à un prix supérieur à celui qu’elles auraient dû concéder à des acheteurs privés si la BCE n’était pas intervenue.

Les bénéfices réalisés seront-ils enfin restitués à la Grèce ?

Mais voilà, quand le profit réalisé par la BCE a commencé à faire scandale, les États membres de l’Union européenne ont pris l’engagement en 2012 de restituer à la Grèce, sur base annuelle, les bénéfices engrangés. Cette rétrocession des profits issus des programmes SMP et ANFA relève de la compétence des États membres, car les profits réalisés par la BCE sont reversés aux banques centrales nationales, qui les reversent ensuite à leurs propres actionnaires, dont les États européens.

Selon la Cour des comptes |3|, les bénéfices que devrait tirer la Belgique atteindraient 351 millions d’euros d’ici 2038 pour le programme SMP. Auxquels s’ajoutent 181 millions entre 2012 et 2020 pour le programme ANFA. Mais la Belgique a-t-elle bien rendu ces profits à la Grèce ? En 2013, les États européens effectuent un premier versement à la Grèce de 2,7 milliards d’euros sur un compte spécial dédié au remboursement de la dette. Depuis, la Grèce n’a plus rien reçu. Pourtant, l’année suivante, en 2014, les pays européens ont bien déboursé l’argent, mais sur un compte intermédiaire du Mécanisme européen de stabilité (MES) au Luxembourg, qui y dort toujours depuis. Pire, à partir de fin juin 2015, l’accord de rétrocession entre la Grèce et les États est tout bonnement gelé, car les autorités grecques ne se plieraient pas entièrement aux exigences de ses créanciers.

Le ministre des finances, J. Van Overtveldt, confirme les intentions des institutions européennes : « dans l’hypothèse d’un nouvel accord, ils [les profits SMP] seront utilisés pour alléger la dette grecque en cas de non-soutenabilité de celle-ci et de la mise en œuvre de mesures de réforme (…) ». Dans la droite lignée de l’Eurogroupe, celui-ci justifie la suspension des virements par un « retrait de la Grèce de la table des négociations sur la prolongation de la durée du deuxième programme. |4| » Et pourtant, le ministre belge ne saurait ignorer que la Grèce a signé un troisième mémorandum qui poursuit -et même renforce- la cure d’austérité dictée par les créanciers.

Mais cela ne suffit pas pour les créanciers de la Grèce qui en veulent toujours plus et qui utilisent la rétrocession des bénéfices issus du rachat des titres grecs comme une arme de chantage. Dès le départ, et d’ailleurs en violation de ses statuts d’institution indépendante politiquement, la BCE conditionne ses programmes de rachats à la bonne application par la Grèce de réformes spécifiques. Puis, en 2012, alors même que les bénéfices abusifs réalisés devenaient notoires, les États européens conditionnent cette fois-ci leur rétrocession à la poursuite de l’austérité. Un moyen de pression supplémentaire utilisé pour faire plier le gouvernement Syriza en lui faisant miroiter une possible restitution des bénéfices…

Ainsi, l’Union européenne n’a pas respecté son propre engagement de rétrocéder à la Grèce les profits abusifs et illégitimes réalisés par la BCE et les banques centrales nationales suite aux rachats de la dette grecque. Et quand bien même l’Eurogroupe venait à les débloquer, ils ne bénéficieront pas à la Grèce mais serviront à rembourser ses créanciers, dans le cadre d’un hypothétique et pseudo allègement de la dette. Cela sans même que les sommes en question ne passent par le sol grec et que le pays ait quoi que ce soit à dire sur leur utilisation.

Les profits des années 2014 et 2015, bloqués à ce jour, s’élèvent à 4,5 milliards d’euros. Parallèlement, la Grèce n’a pas l’argent nécessaire à l’heure actuelle pour rembourser en juillet 3,8 milliards d’euros à la BCE et dépend du versement de fonds supplémentaires dans le cadre du troisième mémorandum. Outre l’urgence économique et sociale du pays, il serait tout à fait légitime que la Grèce ne rembourse pas la BCE, qui a déjà largement profité de la crise grecque.

http://www.cadtm.org/Grece-la-poule-aux-oeufs-d-or-de

Grèce : privatisation de l’Eau un bien commun

Grèce. Face à la privatisation de l’eau, il faut assurer son statut de «bien commun»

Publié par Alencontre le 29 – avril – 2017  Entretien avec Ioannis Papadimitriou

La privatisation de l’eau a toujours été l’un des objectifs les plus malfaisants des politiques néolibérales. Mais c’est aussi l’un des secteurs où ces politiques ont dû s’affronter à de fortes résistances et subir des défaites. Aujourd’hui, en Grèce, l’eau comme bien public est à nouveau menacée. Nous nous sommes entretenus avec Ioannis Papadimitriou des enjeux, des différentes positions et des mouvements sociaux liés au type de gestion de l’eau.

Papadimitriou est avocat à Ioannina, une ville grecque où d’importantes entreprises privées de distribution et gestion de l’eau ont leur siège. Depuis les années 1970, il a participé à de nombreuses initiatives politiques et syndicales. Ces vingt dernières années, il se concentra sur les mouvements de défense de l’eau, de l’espace public et des droits humains Il représente des organisations écologistes au «Conseil de l’eau» de la périphérie de l’Epire (donc grecque). Par le passé, il a été à la tête des formations politiques de la gauche lors des élections régionales et fut élu au Conseil régional de l’Epire. Pour ses écrits dans la presse, il reçut le prix de l’amitié gréco-turque Abdi ?pekçi. Avant la capitulation de Syriza (suite au référendum de juillet 2015 – 63,31% de NON – qui fut suivi par l’acceptation, à Bruxelles, de la politique d’austérité par Alexis Tsipras), il était un cadre du parti et membre de la Commission centrale. Il occupait aussi le poste de membre du bureau du «Département de l’environnement». Aujourd’hui, il est militant de la gauche radicale sans affiliation partisane. (Réd. A l’Encontre)

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Ces vingt dernières années, tu as participé aux mouvements de défense de l’eau. Quels sont les nouveaux défis de la période mémorandaire?

Depuis des décennies, il est habituel que le prélèvement de l’eau (water grabbing) – c’est-à-dire la distribution des ressources en eau par des agents, privés ou publics, ayant une position oligopolistique – s’effectue pour leurs objectifs propres, cela au détriment des communautés locales et des écosystèmes vitaux. Ce n’est pas un hasard si l’application de la législation européenne, la directive-cadre 2000/60CE sur l’eau – qui est elle-même problématique puisque fondée sur une logique de «tarification» pour répondre à une gestion au nom ambitieux de «restauratoir» –, ait été établie de manière douteuse et suite à une prétendue procédure de consultation publique. Or, l’imposition des mémorandums, au nom du service de la dette publique, implique un repli partiel de l’Etat ayant trait à la gestion de l’eau. Il en découle un changement des rapports des forces en faveur du capital privé, étranger et local. Dès lors, s’accentuent nécessairement les logiques spéculatives et une diminution des possibilités d’intervention politique.

Quels sont actuellement les principaux fronts de lutte pour l’eau?

D’un point de vue environnemental, ils sont nombreux et variés. Qu’il s’agisse de la privatisation — par l’exercice de partenariats public-privé (PPP), c’est-à-dire l’appel par une autorité publique à des prestataires privés pour gérer et financer en contrepartie d’un paiement par le public et donc l’usager – des réseaux d’adduction des eaux usées d’Athènes et de Thessalonique; ou encore de l’exploitation des réserves naturelles en eau potable par les entreprises d’embouteillage. A quoi s’ajoutent (dans le cadre de la DCE mentionnée) des mesures «restauratoires» face à la dégradation, à la contamination des eaux de surface et souterraines par les industries, les mines et les activités agricoles, ainsi que la construction de nouveaux barrages. Existe aussi la «simple» privatisation des systèmes existants.

Politiquement, les fronts qui semblent être le plus actifs, en ce moment, concernent la privatisation de deux grandes compagnies des eaux (EYDAP et EYATH) et la tentative de compléter la construction du grand barrage hydroélectrique de Mesochora (dans la région de Trikala), sur le fleuve Acheloos (fleuve dans le nord-ouest de la Grèce, long de 217 kilomètres qui prend sa source dans le massif du Pinde).

L’EYDAP (compagnie des eaux d’Athènes) et l’EYATH (Compagnie des eaux de Thessalonique) sont toutes deux transférées au TAIPED [1] ce qui signifie que leur privatisation est déjà mise en œuvre. Nous rapprochons-nous de cette éventualité depuis l’accord de Malte [2]?

Les derniers événements confirment cette hypothèse. Le fonds de privatisation (TAIPED) – où sont transférées la plupart des actions de l’EYDAP et de l’EYATH – a déjà publié un avis d’adjudication pour s’assurer les services d’un consultant, et commencer la procédure de la vente de leurs actions à quelques «investisseurs stratégiques». Il est évident que cette procédure ne concerne pas les actions se trouvant déjà entre les mains de l’investisseur privé [3], comme cela l’est affirmé dans la propagande du gouvernement. Il n’y a même pas une prise du contrôle de la société par le management. La procédure concerne la redistribution de divers contrats forfaitaires. Les conséquences attendues – en partant des exemples que l’on peut analyser dans des pays ayant connu ce genre d’expérience – seront une hausse des prix pour les usagers et la détérioration de la qualité de l’eau potable.

Par le passé, le mouvement contre la privatisation de l’eau avait organisé un référendum informel sur la privatisation de l’EYATH. Les citoyens et citoyennes de Thessalonique [4] avaient massivement voté pour sa protection. Quel est l’état actuel du mouvement pour la défense de l’eau? Existe-t-il une coopération et convergence des luttes entre les organisations syndicales et les mouvements citoyens?

Il y a un double obstacle quant à la construction d’un mouvement efficace pour la défense de l’eau. Tout d’abord, il y a un certain type de «séparation» entre les acteurs potentiels d’une mobilisation commune. Donnons un exemple. Les travailleurs des compagnies pensent à leur emploi et à leurs conditions de travail. Par contre, les habitants d’une région affectée par un barrage se concentrent sur leur fleuve et les effets qui en découlent suite à la construction du barrage. Ensuite, au nom d’une lutte anticapitaliste un peu proclamatoire, est sous-estimée l’importance d’objectifs concrets, concrets, quant à la gestion sociale de l’eau. Dans tous les cas, des événements récents comme l’activation des deux fronts que j’ai mentionnés plus haut ou encore le réveil de la «Coalition nationale pour l’eau» – qui est un réseau dans lequel participent conjointement des organisations syndicales et des mouvements citoyens – ­ont favorisé la rencontre fertile de forces multiples et diverses.

Quelle est la position des partis politiques en Grèce sur la privatisation de l’eau? Y a-t-il des partis parlementaires et extraparlementaires opposés à cette privatisation? Adoptent-ils les positions des mouvements sociaux?

Ceux qui déclarent leur opposition à la privatisation de l’eau sont généralement nombreux, et ne se limitent pas aux forces de la gauche radicale. En revanche, ils ne comprennent pas le sens effectif de la prise en main de la gestion de l’eau comme définit plus haut (directive-cadre de l’UE). Souvent, dans l’effort de riposter à l’offensive du capital privé, ils omettent les responsabilités du système de gestion étatique: un système manquant de transparence, souvent marqué par la corruption et lié à certains intérêts privés par divers contrats de sous-traitance.

Ce que les partis ne réussissent généralement pas à prendre en compte, c’est la logique d’une gestion écologiste de l’eau: c’est-à-dire de la protection du cycle «naturel» de l’eau. L’exemple le plus typique est le KKE (PC), qui soutient avec ardeur la dérivation partielle du fleuve d’Achellos – sur lequel doit s’élever le barrage de Mesochora – vers la plaine de Thessalie. Par ailleurs, il y a convergence entre une fraction (minoritaire pour le moment) de la gauche radicale, les collectifs écologistes et certains courants libertaires.

Outre la privatisation d’EYDAP et d’EYATH, y a-t-il d’autres formes de privatisation de l’eau ?

Il faudrait souligner en particulier l’expansion des entreprises privées d’embouteillage d’eau, qui débouche sur: la hausse de l’usage d’eau en bouteille dans le secteur touristique et la restauration; le discrédit des réseaux publics d’approvisionnement en eau. Et surtout, sur les mutations du cadre légal qui règle l’exploitation de cette matière première. Ce cadre légal protège les privilèges des industries d’embouteillage. Les «barons de l’eau» grecs, qui dominent une grande partie du marché local et qui exportent également, paient des impôts insignifiants depuis des décennies. Ainsi, leurs parrainages (sponsoring) – c’est-à-dire leur politique publicitaire – sont exemptés de taxes. Ils entretiennent des relations étroites avec le système gouvernemental et poursuivent une politique d’augmentation décidée des quantités d’eau utilisées. Cette dernière commence à menacer la qualité des réseaux publics et la bonne conservation de cette ressource naturelle pour les générations à venir.

Entre l’Etat et le marché, quelle pourrait être la proposition de la gauche radicale concernant l’eau?

Il faut concevoir la défense de l’eau en tant que «bien commun» et propriété collective de la société. La reconnaissance constitutionnelle et législative formelle du droit d’accès à l’eau sur la base des principes et droits énoncés par l’Assemblée générale des Nations Unies. La protection du cycle naturel de l’eau, c’est-à-dire l’adoption de pratiques durables, pour conserver la quantité, la qualité et l’écologie de toutes les eaux de surface et des nappes phréatiques. Comme nous le rappelle Vandana Shiva, l’eau, qui constitue 70% de la planète – mais aussi du corps humain –, a ses propres droits: de couler librement sans être polluée et d’être régénérée par le cycle hydrologique. A travers une telle approche non anthropocentrique, le droit humain d’accès à l’eau fait partie des droits dits naturels. La lutte pour la protection du cycle hydrologique est en même temps la lutte pour les droits humains sur l’eau. Bien entendu, les luttes de l’eau s’intègrent à la lutte plus globale pour changer la société à la racine. (28 avril 2017)

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[1] Le Fonds grec de privatisation (Hellenic Republic Asset Development Fund, HRADF) est une SA fondée le 1er juillet 2011, en vue de gérer le processus de privatisation. Un processus qui n’a cessé d’être chaotique et loin de répondre aux objectifs financiers qui étaient proclamés comme nécessaires dès 2011. (Réd. A l’Encontre)

[2] Accord conclu à Malte par l’Eurogroupe, le vendredi 7 avril 2017, entre le gouvernement grec et les créanciers représentés par la Banque centrale européenne, le Mécanisme européen de stabilité et le Fonds monétaire international. Le quotidien Le Monde en date du 8 avril écrivait: «Nous avons résolu les gros problèmes concernant les réformes à faire», s’est félicité le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem. «Je veux saluer l’accord de principe qui est conclu après plusieurs mois de travail difficile. (…) Le moment est venu de mettre fin à l’incertitude sur l’économie grecque», a renchéri le commissaire européen chargé des affaires économiques, Pierre Moscovici.

Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, veut, lui, y voir le «retour de l’espoir» pour son pays, mais le cœur n’est certainement pas au soulagement pour le peuple hellène, car tout reste encore à concrétiser et surtout de nouveaux sacrifices sont à l’horizon. Le ministre des finances, Euclide Tsakalotos, a d’ailleurs déclaré à la sortie de l’Eurogroupe qu’il y avait, dans cet accord, «des choses qui vont déplaire aux [Grecs]». Un euphémisme, puisque la Grèce s’est engagée à réduire ses dépenses de 2% du produit intérieur brut (PIB) entre 2019 et 2020. Soit des économies supplémentaires de plus de 3,6 milliards d’euros par le biais notamment d’une énième (la quatorzième en sept ans!) réforme des retraites et d’un nouvel abaissement du seuil d’imposition. En échange, M. Tsakalotos a reçu l’engagement de pouvoir adopter des mesures de dépenses pour financer la croissance en 2019 et en 2020, si la cible budgétaire est atteinte, parallèlement aux réformes additionnelles.» (Réd. A l’Encontre)

[3] Selon les données fournies par le TAIPED: l’EYDAP et l’Etat possèdent 34,03% des actions de la compagnie, le TAIPED en possède 27,30%, et les 9,99% restants le sont par l’investisseur privé John Paulson qui est à la tête du Fonds de gestion alternative (hedge fund). Il a connu des «fortunes» diverses. Sa «réputation», il l’a faite en vendant à découvert des subprimes en 2007, avec un gain supposé de quelque 3,7 milliards. Entre 2010 et 2011 il a spéculé sur l’or avec des gains plus que significatifs. Il est aussi mêlé à des affaires douteuses avec la société chinoise Sino-Forest Corporation. En ce qui concerne l’EYATH, le TAIPED possède 74% de ses actions, 5% appartiennent à Suez Environment Company (groupe français de gestion de l’eau et des déchets) et le reste est sur le marché boursier, coté sur la Bourse d’Athènes. (Réd. A l’Encontre)

[4] Une description de cette mobilisation est disponible sur le site du Transnational Institue (TNI) : https://www.tni.org/en/article/thessaloniki-greece-struggling-against-water-privatisation-times-crisis (Rédaction A l’Encontre)

Grèce. Face à la privatisation de l’eau, il faut assurer son statut de «bien commun»

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