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Sur les réfugiés semaine 32

10/8/17 L’Espagne pourrait dépasser la Grèce en arrivées de migrants par mer http://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/l-espagne-pourrait-depasser-la-grece-en-arrivees-de-migrants-par-mer_1934562.html

9/8/17  Les réfugiés afghans en Allemagne ne seront plus renvoyés dans leur pays pour des raisons de sécurité http://french.china.org.cn/foreign/txt/2017-08/09/content_41381158.htm

9/8/17 Les regroupements familiaux des réfugiés freinés en Grèce https://www.euractiv.fr/section/migrations/news/les-regroupements-familiaux-des-refugies-freines-en-grece/

Derrière le «modèle» économique allemand, des milliers de précaires

Par Amélie Poinssot publié sur Mediapart

Des chômeurs devenus « assistés sociaux »

Bochum est particulièrement représentatif de cette dynamique inégalitaire. Ici, au cœur d’une Ruhr qui fut terre de charbon puis poumon de la production industrielle allemande, les grandes entreprises sont parties ces dernières années, tout comme les mines avaient fermé quatre décennies plus tôt. Nokia a déserté les lieux en 2008, Opel a arrêté sa chaîne de production fin 2014. Rien que cela, avec toutes les entreprises qui gravitaient autour, c’est un bassin de 50 000 emplois qui a disparu, estime la députée Die Linke (gauche) de la circonscription, Sevim Dagdelen. Laquelle souligne au passage que Nokia faisait 17 % de bénéfices quand elle a décidé de délocaliser en Roumanie… « Aujourd’hui, le taux de pauvreté à Bochum est de 18,7 %. Ce n’est plus une politique sociale que nous avons dans la Ruhr, mais une politique de pauvreté, dénonce la parlementaire (que Mediapart avait également interviewée au sujet des relations Allemagne-Turquie). On compte une expulsion de logement tous les deux jours. Les SDF sont de plus en plus nombreux. Dans un pays aussi riche que l’Allemagne, c’est un comble. »

La production automobile allemande est désormais resserrée autour de quelques grands sites, qui réalisent conception et assemblage tandis que les pièces sont fabriquées en Pologne, République tchèque, Slovaquie. Les nouveaux investisseurs ne prennent pas le chemin de Bochum ; le taux de chômage y reste supérieur à la moyenne nationale. Dans cette ville de quelque 380 000 habitants, environ 40 000 foyers vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

« Le premier facteur de risque de se retrouver “Hartz IV” est le manque de diplômes : 75 % de nos allocataires n’ont aucune qualification, explique Franck Böttcher, le directeur du Jobcenter de Bochum. Le marché du travail ici ne peut plus absorber cette main-d’œuvre. Aujourd’hui, 85 % des salariés de la ville sont des travailleurs qualifiés. » Bochum, poursuit le fonctionnaire, se caractérise désormais par un chômage structurel de longue durée qui touche la moitié des plus de 18 000 chômeurs que compte la ville. « Depuis le jour où elles ont perdu leur emploi, ces personnes n’ont jamais retrouvé une activité. C’est préoccupant. »

Franck Böttcher pense que les réformes Hartz ont permis de ramener des chômeurs vers le monde du travail mais il est bien en peine, au bout du compte, de défendre ce système pour lequel il travaille. Il reconnaît que la quantité de travail n’a pas augmenté ces dernières années dans l’économie allemande, que seuls des emplois à temps partiel se sont développés. Et que le passage de l’indemnisation chômage à l’allocation Hartz IV est extrêmement brutal, entraînant pour les personnes concernées une chute de revenu considérable.

« Les réformes Hartz ont été dévastatrices en termes de pauvreté, insiste Hadrien Clouet. On est passé d’une logique d’assurance à une logique d’assistance généralisée. Les chômeurs Hartz IV ne sont plus des ayants droit mais des récipiendaires de la charité publique ; autrement dit des assistés sociaux. » Des assistés sociaux pour qui il est extrêmement difficile, voire impossible, de réintégrer le monde du travail à plein temps.

Ralf Lang en sait quelque chose. Cet homme de 58 ans a passé cinq années comme Hartz IV. Il fait partie de cette catégorie de gens diplômés également touchés par l’appauvrissement généralisé. Lucide et posé, il raconte son parcours, ses tentatives de reconversion, ses échecs, ses efforts pour ne pas se laisser enfermer dans la catégorie des Hartz IV. « Au bout d’un moment, votre vie sociale s’appauvrit. Vous finissez par ne plus voir que des gens comme vous. Vous n’allez plus au cinéma, vous priez pour que votre frigo ne tombe pas en panne, vous ne vivez plus qu’avec ce que vous avez déjà… » Ralf finit par rebondir en s’engageant en politique. Aujourd’hui élu municipal à Bochum sous l’étiquette Die Linke, il s’en sort avec une indemnité d’élu de 1 000 euros par mois. Il ne cotise pas pour la retraite et doit s’acquitter lui-même de son assurance santé. Mais mieux vaut cela que revenir en arrière : « Je suis soulagé de ne plus subir la pression du Jobcenter. Les employés exerçaient des contrôles permanents sur ma vie privée. Avoir une copine qui travaille, par exemple, vous empêchait de toucher l’allocation ! »

Outre l’allocation égale pour tous de 409 euros, les Hartz IV ont droit théoriquement à une allocation logement ainsi qu’à une allocation couvrant les charges de leur appartement, et parfois même à d’autres prestations suivant leur situation familiale. Mais si l’on en croit Anton Hillebrand, juriste à la retraite, aujourd’hui à la tête d’une association de bénévoles à Bochum qui vient en aide aux bénéficiaires des aides sociales, les droits des chômeurs ne sont pas toujours respectés. « Très souvent, les situations individuelles ne sont pas bien évaluées par le Jobcenter, explique cet homme, la main sur un pavé d’un millier de pages – le code allemand du travail social. Les textes sont extrêmement complexes et les gens ne connaissent pas leurs droits. Depuis la création de notre association en 2006, environ 1 500 personnes sont venues nous voir. Nous avons réussi à faire réévaluer leurs allocations dans 60 % des cas. »

Anton Hillebrand évoque le labyrinthe administratif dans lequel se perdent les allocataires, montre une armoire débordant de dossiers. « Depuis 2005, le nombre de recours pour non-respect des droits sociaux a explosé en Allemagne. Les lois Hartz ne sont pas seulement un échec politique ; c’est un échec juridique. Je ne comprends pas pourquoi les Allemands ne manifestent pas contre ce système. »

Mais comment trouver le ressort pour protester lorsque son sort est suspendu à une maigre allocation et que le moindre écart peut conduire à sa réduction, voire sa suspension ? Tanja Uhr, allocataire Hartz IV et mère célibataire de trois enfants, n’en veut pas particulièrement à l’administration. Elle trouve le personnel plutôt « compréhensif ». Elle se sent simplement coincée. Depuis qu’elle est séparée de son mari, elle veut absolument trouver un emploi. Mais les horaires de l’école maternelle (le Kindergarten), où sa cadette va tous les matins de 8 h 30 à 11 h 30, l’empêchent de travailler, même à temps partiel. Pourtant elle est prête à accepter tout ce que le Jobcenter de Bochum lui propose : fabrication de sandwichs, petite main dans une usine de chocolat, ménage dans un hôtel… « À chaque fois, les horaires demandés sont impossibles pour moi. » Elle attend avec impatience l’an prochain, quand sa fille aura cours l’après-midi. Alors, elle trouvera peut-être plus facilement du travail.

À Berlin, Gustav Horn, à la tête de l’IMK, l’Institut pour la macroéconomie et la recherche conjoncturelle, est très sceptique sur le bilan des réformes Hartz. « Ce système pousse les chômeurs à retrouver très vite un emploi, quel que soit le niveau de salaire, afin de ne pas basculer dans la catégorie des Hartz IV. C’est un système qui repose sur la peur et la pression. Tout cela n’est pas sans répercussion politique. Il y a aujourd’hui énormément de frustration accumulée dans la société allemande, même si elle ne s’exprime pas dans la rue comme dans d’autres pays. Il faut sans doute voir dans la montée du populisme d’extrême droite le résultat de cet agenda 2010. » L’AfD (Alternative für Deutschland), parti nationaliste et europhobe, est parvenu ces dernières années à se faire élire à la plupart des parlements régionaux de la République fédérale. En septembre, il pourrait faire sa première entrée au Bundestag.

 

Grèce : À Tilos, un îlot d’humanité dans un continent cadenassé

5/8/17 Par PAVLOS KAPANTAIS Humanité Dimanche

Meisoun, Mohamed et leurs enfants sont arrivés de Syrie en février. Aujourd'hui, Meisoun travaille, souriante et ravie.Meisoun, Mohamed et leurs enfants sont arrivés de Syrie en février. Aujourd’hui, Meisoun travaille, souriante et ravie.

C’est l’histoire d’une petite île grecque perdue quelque part dans la mer Égée. Avec à peine 500 habitants, Tilos a décidé de devenir le havre de ceux qui ont dû quitter leur patrie pour rester en vie. Reportage.

Maria Kamma, 47 ans, est la maire et l’âme de Tilos. Débordante d’énergie, enthousiaste et pleine d’humour, elle dégage une impression de volonté inébranlable. Élue en 2014, elle a déjà laissé une trace indélébile sur la vie de l’île. Encartée au Pasok (parti socialiste grec) depuis plus de vingt-cinq ans, elle force le respect de tous, même ceux qui pourraient la voir comme une adversaire politique. Les quelques militants de Syriza qui vivent sur l’île la saluent d’un simple « camarade ». Mais tout ce que fait Maria s’inscrit dans la tradition de solidarité des habitants de Tilos.
 

Cela fait maintenant sept ans que l’île reçoit un flux de réfugiés plus ou moins constant. Les premiers arrivent en 2010. Parmi eux, Nima, un Afghan de 15 ans à l’époque. Aujourd’hui âgé de 22 ans, il habite toujours à Tilos. C’est Maria qui l’a invité pour qu’il raconte son histoire. En arrivant, ils s’embrassent comme deux membres d’une même famille. Nima a tout de quelqu’un d’heureux. Sourire aux lèvres, il raconte son histoire : en 2010, il arrive à Lesbos depuis la Turquie, puis part pour Athènes. Là, tandis qu’il se cache dans des taudis, il rencontre un autre Afghan qui lui parle d’une île où il « sera accueilli comme s’il était un d’entre eux ».

Au début, Nima voulait aller en Norvège ou en Suède. Mais il a préféré Tilos, « un endroit magique » .

Au début, Nima voulait aller en Norvège ou en Suède. Mais il a préféré Tilos, « un endroit magique » .
 
Jusque-là, Nima rêvait d’aller en Suède ou en Norvège. Mais, épuisé par son voyage et coincé à Athènes dans une chambre qu’il partage avec 18 autres personnes, il se laisse convaincre et décide de tenter sa chance à Tilos. Les deux compagnons de route y partent le jour même. Dès leur arrivée, ils y rencontrent une autre famille de réfugiés afghans logés chez des locaux. « Au début, je leur demandais de me cacher. Je n’arrivais pas à croire que ma présence ne posait problème à personne. » Quelques jours plus tard, Nima ose enfin sortir et se balader dans le village. Il sera immédiatement pris en charge. Pendant un an, il suivra des cours de grec intensif tout en assistant à quelques cours avec les autres enfants du village.

Maria n’était pas encore la maire, mais son prédécesseur, Tasos Aliferis, aujourd’hui décédé, était dans la même logique. Nima nous raconte : « Pendant l’année scolaire, deux fois par semaine, le maire venait me chercher après l’école pour me faire rencontrer les habitants de l’île. Au bout de quelques mois, je connaissais déjà tout le monde. Une fois l’année scolaire terminée, je parlais déjà assez bien le grec. On m’a proposé de travailler dans un des restaurants du village. J’ai accepté. » Son travail est déclaré et rémunéré normalement. Il vient d’avoir 16 ans et fait désormais pleinement partie de la société locale. On est en 2011. Jusqu’à aujourd’hui, il ne partira de l’île que pour trois mois, le temps de passer par Athènes et de se « rendre compte à quel point Tilos est unique ». Dans la capitale, il reçoit une offre d’emploi d’une ONG pour être interprète auprès de réfugiés et d’immigrés fraîchement arrivés en Grèce. Mais il choisit l’île. « Tilos est un endroit magique », lance-t-il avec un large sourire.

Quatre ans après l’arrivée de Nima, le flux de réfugiés va s’intensifier du jour au lendemain. C’est désormais Maria qui doit tout organiser pour que l’île puisse y faire face sans y perdre son âme. Le challenge est de taille : en 2014, comme en 2015, Tilos va à plusieurs reprises accueillir le double de sa population en l’espace de quelques jours…
Parmi ceux qui seront en première ligne, il y a aussi Eleni Pissa, aujourd’hui responsable du « centre d’accueil pour familles vulnérables » de l’île. Regard pétillant et sourire malicieux, Eleni se souvient. Tout a commencé un matin de printemps en 2014. Se rendant à son magasin, elle a « vu un grand groupe de Syriens qui venaient d’arriver. Ils avaient le regard de ceux qui ont longtemps côtoyé la mort. Ça m’a fait froid dans le dos. Tout de suite avec Maria, on a créé un groupe de volontaires pour voir comment les nourrir, les loger, leur expliquer leurs droits…. Les jours suivants, le flux augmentait, mais de plus en plus d’habitants venaient se déclarer volontaires pour aider »…
Ils décident de transformer un vieux camp militaire abandonné en centre d’accueil. Le conseil municipal approuve à l’unanimité. « On a d’abord organisé l’essentiel : mettre l’eau courante, l’électricité, remettre en état deux bâtiments abandonnés. Au départ, on ne disposait que de notre travail et des maigres moyens de la municipalité. » Quelques mois plus tard, l’ONG Solidarity Now, ayant entendu parler de leur initiative, leur rend visite et propose de les financer. Dix conteneurs sont installés et transformés en habitations autonomes. « À l’époque, nous fonctionnions en tant que centre de premier accueil. Mais, une fois que l’accord entre l’UE et la Turquie a été mis en place, le flux vers notre île s’est quasiment arrêté. Ce n’est pas pour autant qu’on ne voulait plus aider ! »
Dans le camp, on apprend le chant et la musique, les langues, on fait du dessin et parfois aussi du yoga.
 
Les habitants de Tilos se portent alors volontaires pour accueillir d’autres réfugiés. Maria Kamma nous raconte : « Quand j’ai appelé le ministère pour leur dire que l’on souhaitait qu’on nous envoie des familles réfugiées, ils ne m’ont pas vraiment crue, ajoutant que notre île était tellement petite que cela n’était pas nécessaire ! Mais on a insisté. » L’idée est lancée de transformer le camp de premier accueil en camp pour les « cas vulnérables », c’est-à-dire les familles avec de nombreux enfants en bas âge et sans moyens. Idée acceptée avec enthousiasme par les locaux, et approuvée de nouveau par le conseil municipal à l’unanimité. Le camp est placé sous l’égide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
C’est ainsi que les premières familles arrivent des quatre coins de la terre à la fi n du printemps 2016. « Dès le début, notre but a été de les intégrer, pas juste de les nourrir et de les loger », explique Eleni. Sont mis en place immédiatement des cours de grec et d’anglais pour les enfants et les adultes. « S’ils restent en Grèce, à Tilos ou ailleurs, le grec leur sera nécessaire, et l’anglais plus qu’utile. S’ils partent vers d’autres pays européens, au moins, ils auront appris l’anglais, ce sera pour eux un atout. » C’est dit avec une facilité déconcertante, mais tous les habitants du camp le savent : s’ils veulent rester sur l’île pour toujours, ils sont les bienvenus ! Cette attitude unique amènera de nombreux volontaires de passage ainsi que le soutien officiel du gouvernement.
Entrer dans le centre d’hospitalité de Tilos, c’est un peu rentrer dans une colonie de vacances où les tentes seraient remplacées par des conteneurs. Des enfants souriants courent à droite et à gauche et s’amusent d’un rien. Outre les langues, dans le camp, on enseigne le chant et la musique, on fait du dessin, de la peinture et parfois aussi du yoga. Les enfants jouent aussi au foot avec ceux de l’équipe locale. Une grande partie de ces activités sont spécialement conçues pour aider enfants et adultes à dépasser les traumatismes parfois très profonds qu’ils portent en eux. Et puis, aussi, on essaie de trouver un travail à tous ceux qui le désirent.
 

En tout, 46 Syriens sont logés dans le camp, dont 26 enfants de moins de 15 ans. Certaines familles ont déjà reçu l’asile, d’autres l’attendent. Meisoun, son mari Mohamed et leurs cinq enfants âgés de 3 à 11 ans sont arrivés en Grèce, début 2016, et au camp de Tilos en février 2017. Ils ont quitté la région de Dara en Syrie où ils vivaient pour échapper à la guerre, comme toutes les familles du camp. Candidats à l’asile à leur arrivée, ils ont reçu le statut de réfugiés il y a quelques semaines et savent, désormais, qu’ils ne seront pas expulsés.

«Il faut trouver un travail pour ceux qui veulent. Pour les femmes, c’est une émancipation.» Eleni, responsable du centre d’accueil

En Syrie, Meisoun avait toujours été femme au foyer. À Tilos, elle a décroché son premier travail rémunéré : femme de chambre dans un hôtel local. Eleni lui a demandé si elle voulait travailler et gagner ainsi de l’argent. Après en avoir discuté avec son mari pendant deux jours, elle a accepté. « Cela a été extrêmement difficile pour moi au tout début. Mais, en fait, ça va ! C’est même très bien ! » dit-elle avec un large sourire. En tout, 7 adultes sur 20 ont un travail sur l’île.
Pour la plupart des femmes, c’est la première fois. « C’est très important de trouver un travail à ceux qui le veulent, explique Eleni. Pour les hommes, c’est un peu un retour à la normalité. Pour les femmes, une émancipation et une introduction aux mœurs européennes. »
Trois des huit familles du camp pensent très sérieusement s’installer à Tilos. Comment trouver des emplois à tous ? Maria a déjà une solution. « Notre île est réputée pour son fromage traditionnel de chèvre. Il faut qu’on ouvre une coopérative et que tous ceux parmi les réfugiés qui veulent en devenir membres/actionnaires puissent le faire. Cela donnera du travail à tous et on produira assez de fromage pour que vous autres (tous ceux qui ne vivent pas à Tilos ­ NDLR) puissiez en profiter aussi ! » conclut-elle, en s’esclaffant.

 Quand on lui fait remarquer à quel point son attitude et celle de toute l’île sont exceptionnelles, elle soupire. « Nous ne sommes pas des êtres exceptionnels. Nous avons juste fait le strict nécessaire que nous impose notre humanité commune. » Dans le climat européen actuel, c’est déjà une révolution.

 
LA RENOMMÉE D’UNE ÎLE
 
Peuplée d’à peine 500 habitants, l’île de Tilos défraie la chronique depuis longtemps. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est une des très rares à pouvoir encore nourrir sa population malgré l’occupation allemande. Elle va accueillir nombre de réfugiés locaux, venus des îles voisines où régnait la famine. Au lieu de voir ces nouveaux venus comme un danger, les habitants de Tilos vont utiliser les bâtiments vides pour les accueillir et les intégrer. En 2007, le maire y a célébré le premier mariage homosexuel de l’histoire de la Grèce. Il sera annulé par les tribunaux, un mariage entre personnes du même sexe n’étant alors pas reconnu par la législation. Mais cet acte va lancer le débat qui amènera au changement de la loi en 2015. En juin 2017, Tilos a reçu deux prix de la part de la Commission européenne : le premier prix dans la catégorie « îlots énergétiques » des prix européens de l’énergie durable, ainsi que le prix du public. Elle est à deux doigts de devenir la première île grecque indépendante énergétiquement, après avoir fortement investi dans les énergies renouvelables, solaire et éolienne ces dernières années.

Grèce : Projet Gold à Skouries

05/08/2017  La Grèce lance le coup d’envoipour le processus d’arbitrage sur le projet d’Eldorado Gold à Skouries :

Selon le journal web Keep Talking Greece :
« Eldorado Gold SA affrontera des fonctionnaires grecs devant un tribunal d’arbitrage plus tard ce mois-ci , alors que le gouvernement du pays considère le déménagement comme le moyen préféré de régler ses différences avec le mineur canadien. Le Ministre de l’Énergie George Stathakis a rencontré des représentants de l’unité locale Hellas Gold d’ Eldorado Gold SA à Athènes mercredi pour discuter du processus et des questions liées aux projets de la société minière dans le nord de la Grèce. Selon la déclaration du ministère , le processus devrait débuter à la fin Août, bien que la société ait fait remarquer qu’ elle n’a pas encore reçu notification formelle de la médiation imminente.
La licence pour Olympias est dans la phase finale, alors que les permis pour Skouries – les plus litigieux- sont en attente « Pour être clair, nous n’avons pas encore reçu un avis formel d’arbitrage et les permis demandés restent non émis « ,a déclaré dans un communiqué le président et directeur général d’Eldorado George Burns . « Nous continuons d’évaluer les dépenses en immobilisations et les délais de développement pour nos projets en Grèce. »
La société basée à Vancouver, qui exploite déjà la mine de Stratoni dans le nord du pays, a tenté de développer les projets de Skouries et d’ Olympias depuis des années, mais l’opposition locale et un va-et-vient en cours avec les autorités ont retardé les progrès.
Les plus grands différends entre la société et les autorités grecques gravitent autour des méthodes d’essai appliquées pour se conformer aux réglementations environnementales à Skouries, dont les autorisations finales sont encore en suspens. La semaine dernière, la société a déclaré que la production est maintenant ciblée pour 2020, ajoutant qu’elle avait passé en revue les dépenses en capital du projet.
La licence pour le projet Olympias de l’entreprise est dans la phase finale et Eldorado a dit qu’il prévoit de commencer la production de l’or, l’ argent, le zinc et la mine de plomb avant la fin d’ année. – via mining.com
Dans l’ opposition au projet, des membres de SYRIZA et des Grecs indépendants (ANEL) ont mené une lutte acharnée contre le projet en invoquant des raisons environnementales. En 2013, Eldorado Gold avait annoncé des retards dans leur projet grec. Cependant, les ministres de SYRIZA ont signé pour la poursuite du projet après la pression -habituelle- par les prêteurs du pays. »

 

Le mythe du succès des réformes sociales en Allemagne

Par Romaric Godin Publié sur Mediapart

Une des justifications principales des « réformes structurelles » est leur succès dans l’Allemagne du début des années 2000. Or bon nombre d’études confirment désormais que ces réformes portées par Gerhard Schröder ne sont pas à l’origine du « miracle économique allemand », déconstruisant un des mythes favoris des dirigeants français et européens. 

Les réformes Hartz de 2003-2005 en Allemagne sont une référence pour les dirigeants français qui, aujourd’hui, entendent réformer la France. Plus généralement, cette expérience a joué un rôle fondamental dans la décision des politiques européens d’imposer aux États les moins compétitifs de la zone euro des « réformes structurelles », afin de redresser leurs économies sur le modèle allemand. Progressivement, une narration s’est développée, celle d’une « Allemagne qui a fait les réformes nécessaires » et qui en était récompensée par une croissance forte et le plein emploi.

Emmanuel Macron a été un des plus intenses partisans de cette vision. Avant d’engager le conseil des ministres franco-allemand du jeudi 13 juillet, le président de la République a repris ce mantra : « Il y a des gagnants : l’Allemagne en fait partie parce qu’elle a su faire les réformes, et je salue les efforts qu’elle a faits », a-t-il répété dans une interview accordée à Ouest-France. Une remarque qui fait écho à une autre, sur la réforme en France : « La France doit réformer son économie pour lui donner plus de vigueur. » Comprenez : la France doit s’inspirer des réformes allemandes. Ce point de vue est, du reste, le fondement de la stratégie européenne d’Emmanuel Macron : donner à l’Allemagne le gage de mimétisme qu’elle attendrait pour la faire bouger, par ailleurs, sur l’évolution de la zone euro.

  Tony Blair et Gerhard Schröder, deux figures de la gauche « réformiste » du début des années 2000 © Reuters

Car outre-Rhin et en Europe, ces réformes font l’objet d’un consensus quasiment complet. Le candidat social-démocrate à la chancellerie Martin Schulz avait tenté d’aborder sa remise en cause, mais son effondrement dans les sondages a montré la force de ce consensus. Désormais, le patronat allemand et la droite conservatrice, jadis critiques sur « l’Agenda 2010 » de Gerhard Schröder, en sont devenus les plus fervents défenseurs et ont mené la contre-offensive face à Martin Schulz. Le ministre fédéral des finances, Wolfgang Schäuble, a ainsi fait l’éloge de ces réformes et les a présentées comme un modèle pour le reste de l’Europe. Dans la zone euro, les réformes inspirées de l’Allemagne sont, du reste, devenues les piliers de la politique économique de l’ensemble. La BCE appelle régulièrement France et Italie à s’en inspirer, et les grandes lignes des politiques imposées aux pays en crise par la troïka se sont fondées sur l’expérience allemande, dans la forme et dans la justification.

Il est vrai qu’en apparence la leçon est sans appel. En 2003, pour reprendre le titre célèbre d’une conférence donnée en novembre de cette année par Hans-Werner Sinn, à l’époque chef économiste de l’institut IFO, l’Allemagne était « l’homme malade de l’Europe ». Le chômage atteignait 11,2 % de la population active, selon les chiffres d’Eurostat en 2005, et la croissance était désespérément atone. Quinze ans plus tard, la croissance allemande s’est clairement renforcée et le pays est désormais en situation de plein emploi, avec un taux de chômage de 3,9 % de la population active. Comment ne pas croire que ce « miracle économique » n’est pas lié à la politique de réformes menée par le gouvernement de Gerhard Schröder entre 2002 et 2005 ? Et pourtant…Plusieurs études reviennent sur cette apparente évidence depuis quelque temps pour en réduire la réalité. De plus en plus, le lien entre la « renaissance économique allemande » et les réformes Hartz semble ténu, sapant les bases du récit dominant parmi les élites européennes. Dernière étude en date : celle du Center for European Reform (CER), un think tank pro-européen basé à Londres, intitulée « Le mythe Hartz ». D’après cette étude, « l’impact économique des réformes Hartz a été modeste ». Ses conclusions confirment un texte de février 2014, publié par quatre économistes allemands, qui affirmait que « les réformes Hartz n’ont joué aucun rôle essentiel » dans le redécollage économique de l’Allemagne et son retour au plein emploi. L’institut IMK, proche des syndicats allemands, avait aussi dès 2010 tracé la voie. 

Le "miracle économique" allemand :
              croissance, chômage et comptes publics © CER Le « miracle économique » allemand : croissance, chômage et comptes publics © CER

Qu’était-ce que ces réformes Hartz ? Regroupées en quatre lois, ces réformes ont d’abord réduit le coût des systèmes sociaux et permis une baisse des cotisations des entreprises. Elles ont ensuite favorisé la flexibilité du marché de l’emploi avec le développement de l’auto-entrepreneuriat (les « Ich AG », littéralement « Moi SA »), la facilitation des « minijobs », la réduction des entraves au licenciement pour les très petites entreprises. Enfin, elles ont incité les chômeurs de longue durée à reprendre un emploi en réduisant la durée d’indemnisation et en durcissant les conditions d’obtention des aides sociales. C’est la fameuse loi « Hartz IV », qui avait provoqué une vague de protestations dans toute l’Allemagne.

L’auteur du rapport du CER, Christian Odendahl, considère que ces réformes ont eu principalement trois effets. Le premier est la « fluidification » du marché du travail allemand qui, selon certaines études, a apporté une baisse de 1,5 point du taux de chômage. Le second est une augmentation de l’emploi des plus âgés. Tout cela ne saurait cependant expliquer le succès économique allemand. Et pour cause : « Les raisons du rebond économique allemand à partir de 2004 résident ailleurs », explique l’économiste.

L’essentiel est dû à trois raisons, indépendantes des réformes Hartz. La première est peu connue, mais importante et soulignée par Christian Odendahl : le secteur de la construction s’est stabilisé à partir de 2004, après une forte baisse à la suite de la réunification. Or « environ un tiers du déficit de croissance de l’Allemagne s’expliquait par ce seul secteur », indique la note. Un secteur très riche en emplois. On pourrait y ajouter  le développement du secteur des soins à la personne, dans la foulée d’un vieillissement, plus avancé qu’en France, de la population, secteur qui a créé beaucoup d’emplois ces dernières années.

Les effets de la croissance émergente sur la
              croissance allemande © CER Les effets de la croissance émergente sur la croissance allemande © CER

La deuxième raison est bien connue, c’est l’explosion de la demande émergente, notamment chinoise, en produits allemands. Car le décollage des pays émergents a entraîné une demande massive de biens intermédiaires, nécessaires à l’équipement des nouveaux « ateliers du monde ». Or l’Allemagne, bien avant les réformes Hartz, disposait déjà d’une avance et d’une réputation de qualité unique sur ce marché.

Cette avance, et c’est là la troisième raison, a été renforcée par un effet coût s’expliquant avant tout par une forte modération salariale. Or, et c’est un fait intéressant montré par l’étude du CER et le texte de 2014, cette modération salariale ne s’explique pas par les réformes Hartz. Elle a ainsi débuté dans les années 1990, sous la pression des délocalisations massives de l’industrie allemande vers l’ancien bloc de l’Est. En réponse à cette menace et compte tenu de l’importance du chômage alors, les syndicats ont choisi de prioriser l’emploi sur le salaire, grâce à des accords d’entreprise permettant de déroger aux accords de branche.

Cette pratique existait toutefois avant les réformes Hartz. Elle était simplement balbutiante au début des années 1990. En 1993, souligne Christian Odendahl, 600 000 travailleurs étaient touchés par ces accords, contre 7 millions de travailleurs en 1998. « En conséquence, les salaires réels ont commencé à ralentir doucement depuis le milieu des années 1990, pas depuis les réformes », conclut-il. Certes, par la suite, les réformes Hartz ont pesé davantage sur les bas salaires, mais l’essentiel du mouvement s’explique par une évolution de la culture d’entreprise allemande, où la fin des participations croisées a créé une pression sur la rentabilité des entreprises. Un mouvement qui « était presque achevé » en 2003, indique la note du CER.

Un mythe qui s’est imposé en dépit des faits

Cette note souligne, du reste, avec raison, que cette modération salariale a été à double tranchant et qu’elle n’a pas été un élément absolument déterminant de la croissance allemande. Cette modération salariale a en effet pesé sur la demande intérieure et a contribué à gonfler l’excédent d’épargne de l’économie allemande, qui a alimenté les bulles à l’origine des crises de 2007 et 2010, lesquelles, en retour, ont affaibli la croissance outre-Rhin. Mais les réformes Hartz ont-elles permis à l’économie allemande de mieux résister aux crises, notamment sur le plan de l’emploi ? Là encore, la réponse est plutôt négative. Christian Odendahl souligne que l’Allemagne a bénéficié en 2010 de la forte reprise de la demande mondiale, alimentée par le plan de relance chinois (une situation proche de celle d’aujourd’hui). Entre-temps, l’emploi a résisté surtout grâce au Kurzarbeit, autrement dit à un chômage technique subventionné par l’État et que les entreprises allemandes ont alors plébiscité par crainte de perdre de la main-d’œuvre qualifiée devenue rare.

Christian Odendahl rappelle enfin combien il convient de relativiser le « miracle de l’emploi allemand », qui s’apparente moins à une augmentation du volume de travail qu’à un partage renforcé de celui-ci.  « Les heures travaillées ont retrouvé seulement récemment leur niveau du début des années 1990 », indique la note, alors que la population active a progressé de 4,5 millions depuis 2003 et atteint des niveaux records aujourd’hui. L’emploi créé est donc principalement partiel, ce qui pose un vrai problème d’inégalité sociale et de pauvreté. L’institut IMK met régulièrement en garde contre le phénomène croissant des travailleurs pauvres outre-Rhin. Relativiser ce miracle, c’est aussi rappeler que, à cause de ces réformes, l’Allemagne a un problème de ralentissement de la productivité et voit ses inégalités se creuser, deux éléments qui pèsent sur le potentiel à moyen et long terme de l’économie. Ces éléments ne peuvent être oubliés au nom d’un miracle statistique qui ne s’explique pas par les réformes.

Heures travaillées et emploi en Allemagne. © CER Heures travaillées et emploi en Allemagne. © CER

Bref, porter aux nues les « réformes Hartz » et en faire un modèle paneuropéen de prospérité et de croissance participe bien plutôt du mythe que de l’analyse économique. En guise de conclusion, Christian Odendahl souligne combien l’expérience allemande relève de la « chance ». Ce n’est sans doute pas là le seul motif, dans la mesure où il y a eu un mouvement raisonné issu de la culture d’entreprise allemande et où la particularité économique de l’Allemagne a pu offrir au bon moment au monde émergent un potentiel industriel qu’elle avait su préserver. Mais il y a là aussi une part de vérité : l’expérience allemande a bénéficié d’une succession d’événements qui ont dissimulé et atténué les aspects négatifs d’une politique de réforme. Il est impossible de construire une politique économique dans un autre pays fondée sur une telle expérience, qui mêle à la fois des aspects typiquement allemands à de la « chance ».

La note du CER rappelle ainsi quelques fondamentaux pour mener une politique de réforme et notamment celui de prendre garde à ne pas réformer le marché du travail en période de consolidation budgétaire. « L’Allemagne a été très chanceuse que la demande externe vienne en 2006 à son secours », explique Christian Odendahl, qui prévient que « d’autres pays européens ne seront pas si chanceux ». On songe évidemment à la France, qui entre précisément dans cette double politique de réforme et de consolidation budgétaire, alors même que la capacité productive du pays est faible et que la demande mondiale, si elle se redresse, demeure encore fort éloignée de son rythme de 2006. Bref, le pari est à haut risque et il est illusoire d’avancer « l’exemple allemand » comme un précédent.

C’est pourtant une pratique courante qui rappelle la thèse sur les « narrative economics » de Robert Shiller, prix Nobel (ou plus exactement titulaire du prix de la Banque royale de Suède pour l’économie) en 2013. Shiller explique que les « narrations », les « histoires », autrement dit les « mythes », ont un impact économique puissant. « Le cerveau humain a toujours été très réceptif aux narrations, factuelles ou non, pour justifier des actions en cours, aussi basiques que de dépenser et d’investir », explique-t-il en introduction d’un article de janvier 2017 sur le sujet. Dans le cas des réformes Hartz, nous y sommes pleinement : l’adoption de ce mythe par les classes politiques allemandes et européennes a conduit – et conduit encore – à des erreurs de politique économique.

De ce point de vue, le mythe des réformes Hartz rappelle celui de la grande inflation. Comme l’avait montré, en 2013, l’historien britannique Frederick Taylor dans son ouvrage The Downfall of Money (éditions Bloomsbury), la peur de l’inflation avait été imposée par les perdants de 1923. Ces derniers, membres de la « bourgeoisie éduquée » (« Bildungsbürgertum »), « sont devenus une grande force qui forgera l’opinion au cours des trois quarts de siècle suivants », soulignait l’historien, qui ajoutait : « Ce phénomène joue un rôle important, peut-être crucial, dans la transformation de l’expérience de l’inflation – qui a été une expérience dure, mais supportable pour beaucoup – en une catastrophe nationale reconnue par tous. » En 1992, l’Allemagne a imposé un objectif unique d’inflation à la future BCE, au nom de sa crainte inflationniste, qui devait désormais être partagé par toute la zone euro. C’est donc la narration économique imposée en Allemagne qui, ensuite, avait été imposée à la zone euro dans l’organisation de la BCE, avec, là encore, de graves conséquences économiques. Aujourd’hui, un autre mythe venu d’Allemagne domine, celui des réformes. Plus que jamais, il semble donc urgent, pour mener un vrai débat économique, de se libérer de ces mythes qui forgent les politiques économiques.

Grèce. Le Pirée, un port chinois au cœur de l’Europe

Publié par Alencontre le 5 – août – 2017

Par Alexia Kefalia

Cosco, l’armateur pékinois, contrôle désormais l’ensemble des activités du plus grand port de Méditerranée. Il est à peine 7h30 et déjà la température flirte avec les 38°C, en ce matin de juillet sur le port du Pirée. La mer se charge de reflets dorés au gré du soleil levant. S’amorce alors le ballet de ferrys bondés de vacanciers, voguant vers les îles des Cyclades ou du Dodécanèse. Au loin, on aperçoit de luxueux bateaux, voiles au vent, évoquant ces clichés en noir et blanc de marins grecs immortalisés par le célèbre photographe américain Robert McCabe dans les années 1950.

Yannis ne s’attarde que quelques minutes sur cette vue idyllique, qu’il peut observer depuis l’embarcadère numéro 1 de la zone de fret du port mythique. Cet homme de 44 ans, au visage buriné, aux mains rocailleuses et à la carrure d’Hercule, est calier depuis plus de dix ans. Il fait partie des dockers qui escaladent les coursives des navires pour charger de marchandises les cargos. Un métier intenable dans la chaleur émolliente. «Quand il y a plus de 40°C, la direction m’autorise à quitter le travail à 10 heures, au lieu de 14 heures, mais je le rattrape en heures supplémentaires par la suite», lance-t-il. Au vu de la conjoncture, il se sent privilégié. Bien que son salaire ait été amputé il y a trois ans, il perçoit néanmoins 1550 euros par mois, soit deux fois plus que le salaire moyen du pays. «C’est bien mieux que mes collègues du 2, payés 50 euros par jour, qui n’ont pas droit aux heures supplémentaires et ne peuvent s’arrêter qu’entre 13 heures et 16 heures en période de canicule», poursuit-il.

Le «2», c’est l’embarcadère mitoyen du sien, racheté par les Chinois de Cosco en juin 2008. Il se distingue par ses grues bleues imposantes qui s’étalent sur un troisième embarcadère, récemment construit par la compagnie pékinoise. Aucun des employés de l’armateur chinois, dont 80% sont Grecs, ne se plaint de ses revenus, mais les dockers de l’embarcadère 1 en doutent. Ces derniers viennent pourtant, depuis un an, de passer aussi sous la bannière de Cosco. Le colosse chinois a, en effet, acquis l’intégralité du port du Pirée à l’Etat grec, dans le cadre du programme de privatisations. Le port de marchandises, le terminal des voyageurs et celui des paquebots de croisière, l’ensemble est passé sous contrôle chinois.

«Mais il faut distinguer les conditions de travail», assène Giorgos Gogos, secrétaire général du syndicat du port de fret. «Les employés du 2 et du 3 sont salariés de PCT, Cosco Pacific Limited. C’est une société différente de Cosco Holding, celle qui a racheté l’OLP, la société de gestion du port du Pirée en 2016. Nous relèverons peut-être tous de la maison mère, Cosco, à la fin, mais nous, au moins, nous gardons nos conventions collectives et nos salaires», souligne-t-il.

Les ambitions de «Captain Fu» 

Si Cosco semble avoir gagné la paix sociale avec les dockers grecs dont les mobilisations ont, à plusieurs reprises, totalement paralysé l’activité du Pirée, c’est parce que ses projets pour le port sont titanesques. D’ici au printemps 2018, le très emblématique «Captain Fu», président de PCT, voudrait avoir transformé les embarcadères des ferrys et bateaux de croisières. Le défi est de taille, car le Pirée est le plus grand port en nombre de visiteurs de la Méditerranée avec 16,5 millions de passagers, selon l’étude annuelle de l’Union des ports de croisière méditerranéenne (MedCruise). Il se classe devant Naples, Messine (Sicile), les Baléares (Espagne) et Split (Croatie). Fu Changqiu veut développer des hôtels, rénover les immeubles, des centres commerciaux, pour changer la physionomie du port et satisfaire les vacanciers, en croissance exponentielle.

Près de 1 million de visiteurs sont passés par le Pirée en 2016, soit 12% de plus qu’en 2015, et les chiffres de cette année semblent exploser. Quant aux touristes chinois passant par la Grèce, selon les prévisions des professionnels du secteur, leur nombre pourrait atteindre le million en 2021, contre 150’000 en 2016. De facto, mis à part certains dockers, qui – peut-être à juste titre – regrettent de voir les bénéfices du port aller dans d’autres caisses que celles de l’Etat grec, rares sont ceux qui contestent les ambitions des Chinois. «Leurs résultats sur le port de fret font foi, explique Petros Machas, avocat d’affaires associé à Yingke, le plus grand cabinet d’avocats de Pékin. L’activité des navires de marchandises a triplé en quelques années. Les bénéfices sur les terminaux 2 et 3 ont augmenté de 8,7 %, soit 31,4 millions de dollars.» Le transport en Europe s’accélère grâce aux lignes ferroviaires sur lesquelles Pékin investit. «Ce sont aussi des revenus pour l’État, insiste Petros Machas, parce que Cosco paye ses taxes et crée aussi des emplois.» Cet avocat travaille notamment avec les Chinois pour le rachat du distributeur d’électricité (Admie), mais se diversifie aussi dans les services et le tourisme. Comme beaucoup, Petros Machas voit une opportunité de sortie de crise pour son pays, grâce aux investissements de l’empire du Milieu, même s’il distingue les catégories d’investisseurs venus de Chine. «Il y a des entreprises chinoises qui sont, sans conteste, occidentalisées, disposent de conseillers européens et avec qui il est aisé de travailler. Mais il y a ceux, venus chercher des golden visas, qui souhaitent acheter un appartement et obtenir un visa européen.» Ces derniers ne sont pas familiers du «mode d’emploi occidental», pointe l’avocat. Certaines entreprises chinoises s’apprêtent d’ailleurs à construire des immeubles en Grèce, «pour vendre des appartements à leurs compatriotes désireux d’un visa», assure encore Petros Machas.

Tsipras, défenseur de l’empire du Milieu 

A Athènes, l’engouement des Chinois pour la Grèce est encouragé au plus haut niveau. Alexis Tsipras fait partie des grands défenseurs de l’empire du Milieu en Europe. Le Premier ministre grec est allé jusqu’à mettre son veto sur la déclaration commune du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui condamnait les abus du régime chinois. «N’oublions pas qu’Alexis Tsipras a fait ses classes chez les communistes et ne peut s’en éloigner totalement», estime l’un de ses détracteurs, sous couvert d’anonymat. Plus prosaïquement, le chef du gouvernement grec sait son pays étranglé par la dette (180% du PIB) et connaît le besoin vital d’investissement pour faire redémarrer l’économie, dont la valeur s’est contractée d’un quart en neuf ans.

D’ailleurs, la majorité des Grecs ne conteste pas les investissements chinois. Elle s’insurge plus contre les déclarations d’Angela Merkel à la presse allemande sur la collaboration entre la Chine et la Grèce. La chancelière s’interroge sur l’importance des investissements de Pékin en Europe, via les «pays les plus faibles économiquement, comme la Grèce». Athènes occupe en effet une place de choix pour les stratèges chinois, car elle constitue une porte d’entrée vers l’Europe.

C’est pourquoi les nouvelles routes de la soie, grand œuvre de Xi Jinping rebaptisé dernièrement «l’initiative de la ceinture et de la route», aboutissent à Athènes. Loin de se contenter du port du Pirée, les Chinois étendent leurs investissements aussi dans les transports terrestres, les télécommunications, l’énergie et le tourisme.

Ce n’est pas le marché grec, en crise profonde, qui les intéresse, mais bien la perspective de rayonner en Europe. Alors que les investisseurs internationaux sont en train de retrouver le chemin de la Grèce, les Chinois, eux, travaillent à y ancrer leur hégémonie. (Publié dans Le Figaro, en date du 5 août 2017)

SOS Méditerranée publie son 1er rapport d’activité

Chers amis,

SOS MEDITERRANEE publie son premier rapport d’activité dont le résumé est disponible ici.

L’occasion pour nous de revenir sur 17 mois d’opérations en mer, de mobilisation citoyenne à terre, ainsi que de vous présenter nos perspectives pour l’année 2017.

Que de chemin parcouru, grâce à vous, donateurs, grâce à toutes celles et ceux qui bénévoles ou membres de l’équipe s’investissent sans compter pour secourir ceux qui se noient en Méditerranée et sensibiliser nos concitoyens!

Depuis le départ de l’Aquarius du port de Marseille le 26 février 2016, ce sont 21 792 hommes, femmes et enfants qui ont été secourus par nos équipes lors de 127 opérations de sauvetage au large des côtes libyennes. Cinq bébés sont même venus au monde à bord de notre navire et parfois dans des conditions extrêmes. C’est le cas de Christ, né le 11 juillet dernier. L’enfant était encore relié à sa mère par le cordon ombilical lorsqu’il a été secouru et transporté à bord de l’Aquarius.

L’année 2017 ne sera pas moins intense que 2016. A la fin juillet, SOS MEDITERRANEE a déjà secouru plus de 10 000 personnes, soit presque autant que sur toute l’année 2016 où 11 260 personnes ont été sauvées de la noyade par nos équipes.

C’est pourquoi nous avons besoin de vous et comptons sur votre soutien. Grâce à vos dons, nous poursuivrons notre mission urgente et vitale de sauvetage.

Pour suivre les activités de cette association http://www.sosmediterranee.fr

et la soutenir https://don.sosmediterranee.org/b/mon-don?utm_source=sitesosmediterranee&utm_medium=site&utm_campaign=don_site_je_donne

 

Le Parthénon autrement…. en livres censurés

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Édifié à l’initiative de documenta14 sur la place Fréderich à Kassel, le Parthénon dans ses dimensions réelles composé de livres qui sont ou ont été censurés. Une œuvre de Marta Minujín.

Un beau clin d’œil de soutien à ce peuple grec qui souffre et pour qui la « démocratie » est censurée par les politiques imposées par l’EU.

Au sujet de l’œuvre de Marta Minujín

Le Parthenon a été construit à Athènes à linstigation de Péricles, sous la direction du sculpteur Phidias, entre 447 et 38 avant JC. La structure fait dix mètres de haut sur soixantedix mètres de long et trente mètres de large. Le temple a été conçu pour abriter une statue monumentale en or dAthéna, aussi bien que le trésor de Delos et les réserves d’argent de la cité – dans léventualité dune attaque des Perses, le métal précieux pouvait être fondu et transformé en nouvelles pièces de monnaie pour financer la guerre. Transformé en église chrétienne au Moyen Âge, puis en mosquée pendant la Renaissance, le Parthenon a été déconsacré à la période moderne et est devenu un symbole de démocratie et de suprématie culturelle occidentale.

Marta Minujín, née à Buenos Aires en 1943, a saisi cet archétype esthétique et politique de démocratie pour sa propre situation : corrompue par la «  dictature catholique » nationale qui a régné en Argentine jusqu’en 1983, elle a remis  en vigueur lidéal démocratique après la chute de la junte militaire. Son projet artistique faisait partie des séries « La caída de los mitos universals »  ou « Lautomne des mythes universels«  qui se sont appropriés les monuments considérés comme des icônes, pour les reproduire, les diviser, et les remettre dans le domaine public. Dune certaine manière, lartiste rend à ces symboles (réifiés et confisqués par les institutions ou le capitalisme) leur statut d’offrandes. Pour « El Partenón de libros » (le Parthenon des Livres, 1983), 25.000 livres, récupérés dans des caves elles avaient été enfermées par les militaires, ont recouvert une reproduction à l’échelle de lédifice grec. Construit en tubes de métal et élevé d’un seul côté, ce Parthenon a été placé sur une place publique du sud de Buenos Aires.

Les monuments de Minujín à la démocratie et à léducation par lart font revivre les cérémonies des temps anciens (en opposition à linterdiction des livres par la junte et d’une manière différente de la privatisation de la propriété publique qui, par la spéculation sur la dette de létat, encourage la suppression des services du secteur public et crée les pénuries sociales. Dans ses projets de participation collective, Minujín redécouvre la valeur initiale dun trésor collectif ; elle crée avec un  capital partagé une valeur culturelle sans surplus. Elle remet à plat la verticalité des monuments publics, incarnations d’une connaissance culturelle confisquée et d’un héritage limité. Elle dilapide la fortune que ces mythes représentent. En heurtant littéralement ces symboles, Minujín donne non seulement une nouvelle signification à ces monuments, mais elle leur offre aussi une nouvelle sensualité.

Pierre Bal-Blanc

(traduction militante du texte en anglais)

plus d’infos : http://www.documenta14.de/en/news/21124/marta-minujin-s-the-parthenon-of-books-is-taking-shape-in-kassel on y trouve un recensement de 60 000 livres censurés avec le nom de l’auteur, le titre, le pays de censure, l’année, et la source de l’information http://www.documenta14.de/en/calendar/1061/groundbreaking-for-the-parthenon-of-books (fichier pdf 3844p)

autres photos

Des nouvelles du C’star

Antériorité : voir notre article http://www.infoadrets.info/grece/le-cstar-le-bateau-de-la-honte/

Pour suivre le bateau https://www.vesselfinder.com/fr/vessels/C-STAR-IMO-7392854-MMSI-457381000

Actualités entre le 30/7 et le 5/8 : 

6/8/17le bateau C’star essaye de se ravitailler en Tunisie http://blogyy.net/2017/08/06/le-port-tunisien-de-sfax-va-t-il-ravitailler-le-navire-de-la-honte/puis finalement a été chassé là aussi http://blogyy.net/2017/08/06/defend-europe-le-c-star-chasse-de-tunisie/

5/8/17 le bateau C’star se dirige vers le bateau de sauvetage Aquarius de SOS Méditerrané filmé à 6h28 du matin https://twitter.com/PacoHansel84/status/893825987544317953 a tenté de les impressionner. Enfin de journée il prenait la route au large de Tripoli et se dirige vers un autre bateau de sauvetage.

4/8/17 par Yannis Youlontas URGENT (English and Arabic below). Le piège se referme sur les fascistes du réseau Defend Europe. Après avoir été repoussé à Chypre et en Crète, leur bateau anti-migrants se rapproche actuellement de la Libye et de la Tunisie, mais c’est maintenant la rive sud de la Méditerranée qui se mobilise !

4/8/17 Communiqué du collectif d’Afrique du Nord contre le navire raciste C-star : « Non à la venue du C-star sur nos côtes et à son opération de propagande !  »

Le C-Star, un navire affrété par la campagne d’extrême-droite européenne Defend Europe, est parti de Djibouti le 7 juillet 2017 pour une croisade dans la Méditerranée. Les objectifs de ces organisations fascisantes ? Ramener les migrants vers les côtes libyennes, où nombre d’entre eux sont déjà détenus dans des conditions inhumaines, entraver les activités des ONG et les opérations de secours, soumettant ainsi les voyageurs à des risques majeurs, et bien entendu s’assurer une bruyante opération de communication.

Leur discours est pétri d’idéologie raciste et de délires paranoïaques, mal masqués derrière le paravent humanitaire consistant à prétendre sauver les migrants de la noyade : selon eux, il faudrait défendre l’Europe de « l’invasion », du « raz-de-marée de l’immigration massive », au moment où l’Europe s’enferme derrière ses murs, limite l’accès aux visas au moyen de procédures humiliantes, et n’accueille, ou plutôt ne tolère, qu’un nombre restreint de réfugiés sur son territoire… C’est avec des banderoles « Restez chez vous » qu’ils tentent de narguer ceux qui ne disposent pas de la même liberté de circulation qu’eux, ni des mêmes richesses et des mêmes ressources.

C’est pourquoi nous retournons le slogan de l’opération « Defend Europe » contre elle : qu’ils rentrent chez eux, ils ne sont pas les bienvenus ici ! Nous appelons tous les acteurs de la société civile, tous les responsables, tous les marins, les gardes-côtes, tous les travailleurs des ports, tous les capitaines de navires commerciaux, dans toute l’Afrique du Nord, à s’opposer à ce navire, à s’opposer à son amarrage dans l’un de nos ports, à l’empêcher de pénétrer dans nos eaux territoriales et à refuser de traiter ou de communiquer avec son équipage. Le navire s’approche dangereusement des côtes libyennes et tunisiennes. En Egypte, à Chypre, en Grèce ou encore en Sicile, des groupes et des citoyens anti-racistes ont déjà mis en déroute les tentatives d’amarrage du C-Star et ont ridiculisé sa propagande. Faisons de même ici !

« Defend Europe », go home !

Collectif d’Afrique du Nord contre le navire raciste C-star, 4 août 2017.

(merci de partager)

Version en arabe et en anglais http://blogyy.net/2017/08/04/defend-europe-communique-du-collectif-dafrique-du-nord-contre-le-c-star/

1/8/17 DEFEND EUROPE : communiqué des antifascistes de Crète par Yannis Youlontas

« NI EN CRETE, NI AILLEURS !Aujourd’hui comme toujours, les fascistes sont des ennemis et sont donc indésirables. L’organisation d’extrême droite fasciste « Génération Identitaire », présente en France, en Italie et en Allemagne, a loué le bateau C-Star avec un but précis. Sous un masque soit disant humanitaire et activiste, il promeut une stratégie d’extrême-droite et xénophobe qui vise les mers du sud de la Méditerranée. Cette initiative est sous l’égide d’une campagne baptisée « Défendre l’Europe » avec le soutien d’organisations d’extrême-droite et financée par des petits dons (crowdfunding). Plus précisément, cette patrouille maritime en Méditerranée veut refouler en Libye les embarcations de migrants via une unité spéciale du port de la Libye (formée par l’UE) qui transfère ces migrants à son tour à des gangs qui les vendent en esclavage.

Parti de Djibouti début juillet, ce bateau a fait escale dans le port de Famagouste (nord de Chypre), où les membres d’équipage ont été arrêtés et où des Sri Lanka débarqués ont fait une demande d’asile. Les fascistes ont ensuite été expulsés avec leur bateau le jeudi 27 Juillet. Selon les informations dont nous disposons, le prochain arrêt du C-Star sera l’un des ports de sud de la Crète, probablement celui de Ierapetra.

Les flux migratoires, causés par la guerre ou pour des raisons économiques, ne peuvent être résolus ni par la répression ni par la « chasse ». Ce type de gestion, qu’elle soit celle des institutions publiques ou de certaines ONG, et encore moins des fascistes, n’est pas une solution. Les seuls à même de décider de leur vie sont les individus eux-mêmes. Notre responsabilité consiste à nous solidariser avec les luttes locales et avec celle des migrants.

Pour briser concrètement la logique de « l’Europe-forteresse » et pour répondre à la stratégie de ces forces mortifères qui tentent de nous diviser avec la religion, la race et le sexe, unissons nos luttes.

LA SEULE PLACE POUR LE BATEAU FASCISTE C-STAR EST AU FOND DE LA MER DE LYBIE* !

Les Antifascistes de Crète »

* Nom de la mer qui borde la Crète côté sud.

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Photo : hier soir à Ierapetra, une manif spontanée a réuni 150 personnes contre le C-Star de Defend Europe. Pendant ce temps, le bateau des identitaires, que plusieurs groupes antifascistes attendaient le long de la côte, avait coupé sa balise de peur d’être localisé et s’était dissimulé près d’un ilot situé à 16 miles nautiques de là.
http://blogyy.net/2017/07/31/defend-europe-la-race-superieure-fait-pipi-dans-son-froc/

31/07/17  LeC’star des fascistes en Crète ? par Constant Kaimakis. Selon les médias grecs, le C STAR ( le fameux bateau des fascistes qui souhaiterait mener l’opération DEFEND EUROP contre les réfugiés et migrants en Méditerranée) croiserait au large des côtes crétoises. Les camarades antifascistes grecs, chypriotes, turcs et italiens suivent pas à pas l’avancée du gâteau( cf Photo de son périple). D’ores et déjà les crétois appellent à un rassemblement ce jour à 18h à Heraklion ( cf affiche) NO PASARAN!

Union européenne : Une réforme est-elle possible ?

publié le 29/7/17 sur NPA2009  Union européenne : Une réforme est-elle possible ?

Les articles de la rubrique Idées n’expriment pas nécessairement le point de vue de l’organisation mais de camarades qui interviennent dans les débats du mouvement ouvrier. Certains sont publiés par notre presse, d’autres sont issus de nos débats internes, d’autres encore sont des points de vue extérieurs à notre organisation, qui nous paraissent utiles.

Après le choc du Brexit, les dirigeants de l’Union européenne et de la zone euro avaient affiché des velléités d’autoréforme dans un sens supposément plus « protecteur » des salariés et des populations. Un an plus tard, ces annonces n’ont pas connu le moindre début de traduction. Quant aux politiques d’austérité, elles ne se sont nullement desserrées, au contraire. 

«L’Europe n’est pas le Far West, c’est une économie sociale de marché », avait ainsi déclaré Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui à titre d’exemple signalait deux réformes nécessaires : celle de la directive sur les travailleurs détachés, en vue de mettre fin ou au moins limiter les « abus » auxquels ce dispositif peut donner lieu ; des mesures qui contraindraient les multinationales à payer leurs impôts dans les pays où elles travaillent, afin de limiter les pratiques dites d’optimisation (en réalité, d’évasion) fiscale qui jouent sur la localisation et les rapports entre maisons-mères (qui ne sont parfois que de simples « boîtes aux lettres ») et filiales. Un an après, rien n’a été fait, sur aucun de ces deux points.

Un projet de directive élaboré par la commissaire belge à l’emploi et aux affaires sociales, qui limitait un peu le recours aux travail détaché et en alourdissait un peu le coût (en prévoyant une égalité avec les travailleurs locaux non seulement salariale, comme c’est en principe le cas aujourd’hui, mais aussi en termes de primes et d’indemnités), avait été déposé en mars 2016. Mais il avait aussitôt suscité un veto de 11 des Etats de l’Union. Plus récemment, au sommet de Bruxelles de juin 2017, Macron a présenté une proposition plus modeste – également rejetée.

En matière de fiscalité des grands groupes, l’UE s’est bien dotée d’une directive, adoptée en février dernier, mais elle ne concerne que les rapports entre les établissements situés dans l’Union européenne et ceux de la même entreprise qui se trouvent hors-UE. Toute mesure dans ce domaine exigeant l’unanimité des Etats membres, on peut être certain que l’Europe des 27 restera un paradis de l’optimisation fiscale des multinationales.

On peut ajouter que le dernier sommet de Bruxelles a écarté une autre proposition française, visant à instaurer un contrôle sur les investissements étrangers dans des secteurs stratégiques de l’économie de l’Union (la Chine est notamment visée) : les conceptions les plus ultralibérales du « laisser faire, laisser passer » l’ont à nouveau emporté, malgré le soutien que Juncker avait en l’espèce prodigué à Macron (en déclarant « je veux avoir une Europe ouverte, pas une Europe offerte »).

Dans le même temps, la commission européenne et les gouvernements qu’elle représente entendent visiblement faire payer au Royaume-Uni le prix de son Brexit – quitte à placer son actuel gouvernement, dont les promesses apparaissent de plus en plus irréelles, dans une situation intenable. Quant aux politiques d’austérité, toujours impulsées et coordonnées par les institutions européennes, elles continuent à prévaloir dans tous les pays. Avec toujours, comme exemple emblématique, la situation dramatique imposée au peuple grec.

L’exemple grec

La Grèce, nous disent les dirigeants de l’UE, aurait désormais « retrouvé la croissance » et une « dynamique de créations d’emploi » grâce aux « réformes » auxquelles elle « s’est astreinte »… Mais si l’on observe un petit rebond (fragile d’un trimestre à l’autre) de l’activité provoquant peut-être quelques embauches sur des postes précaires et mal payés, c’est d’abord parce que le PIB du pays s’est effondré de près de 25 % depuis le début de la crise, en 2009. Et ensuite, sur la base de destructions massives d’emplois, de réductions drastiques des salaires et des retraites (baisse de 26 % du revenu annuel médian, et de 27 % pour la consommation alimentaire), d’un appauvrissement général de la population (diminution de 40 % des actifs des ménages), d’une liquidation générale des services sociaux, d’un bradage à de grands groupes étrangers des entreprises anciennement publiques et même du patrimoine culturel du pays.

Outre cette catastrophe sociale, les plans d’austérité successifs (« mémorandums ») imposés par l’Union européenne ont aussi eu pour conséquence de sérieusement aggraver les déficits structurels sur lesquels ils étaient pourtant censés avoir un effet positif. C’est le cas, en premier lieu, de la dette publique qui est passé de 126 % du PIB en 2009, et 146 % lors de l’engagement du premier plan d’« aide » en 2010, à 179 % en 2016 (par comparaison, le chiffre français, jugé élevé, est de 96 %).

Lors de l’eurogroupe (réunion des ministres des finances des Etats membres et des responsables économiques et financiers de l’UE) de juin 2017, en récompense de ses « efforts », avec en particulier la réalisation d’un excédent budgétaire de 3,9 % pour l’année 2016 (par comparaison, la France a fait la même année un déficit de 3,4 %), la Grèce s’est vue accorder le versement (déjà prévu à la suite du mémorandum signé en 2015 par Tsipras) d’une nouvelle tranche de prêt de 8,5 milliards… qui va lui permettre de rembourser cet été plus de 7 milliards de prêts… dus principalement aux banques et institutions de l’Union européenne.

Mais sa demande d’une restructuration de la dette – la grande promesse de Tsipras, censée justifier tous les sacrifices de son peuple – a été une nouvelle fois ignorée. Le gouvernement allemand et les institutions de l’UE, qui veulent au sens propre « faire un exemple », refusent notamment toute réduction du capital de la dette grecque. La seule solution envisageable – suggérée par Bruno Le Maire – serait de moduler le montant des remboursements annuels en fonction de la croissance, mais à condition que l’Etat grec continue de dégager des excédents budgétaires considérables (3,5 % jusqu’en 2022, 2 % au-delà), et cela jusqu’en… 2060 voire encore davantage, autrement dit qu’il impose à son peuple une austérité perpétuelle. L’eurogroupe s’est accordé pour étudier cette proposition… d’ici un an, à la condition que la Grèce ait alors accompli une autre bonne année super-austéritaire.

Un contre-exemple portugais ?

Il y aurait pourtant un contre-exemple, montrant que tout en restant dans l’Union européenne, et même en se conformant « avec intelligence » à ses conditions, il serait possible de rompre avec les politiques d’austérité. Il faudra revenir plus en détail sur la geringonça (un mot portugais difficilement traduisible, qui désigne le montage a priori improbable de la majorité parlementaire formée, depuis fin 2015, entre le PS, le PCP et le Bloc de gauche), parfois présentée comme la « quatrième voie » incarnant l’avenir d’une social-démocratie rénovée, mais quelques mots doivent en être dits ici à propos de son rapport à l’Union européenne et ses politiques.

Après  une crise très sérieuse qui l’avait contraint à passer sous les fourches caudines des programmes d’« aide » de l’UE, le Portugal a renoué avec une croissance soutenue, + 2,8 % à la mi-2017 sur les douze derniers mois. Dans le même temps, il a réduit son déficit budgétaire à 2 % du PIB (contre 4 % sous le gouvernement de droite précédent), se conformant ainsi à une exigence essentielle de l’UE et de la zone euro – raison pour laquelle la commission européenne a levé la procédure de surveillance qu’elle avait mise en place envers ce pays.

La raison de ce succès, nous disent des secteurs à gauche (comme Benoit Hamon, qui s’était ainsi rendu au Portugal pour son premier – et seul – déplacement international de candidat à la présidentielle1), est que le gouvernement portugais, en augmentant le salaire minimum (+ 15 % entre 2014 et 2017, en partant du niveau certes très bas de 485 euros) et les retraites, a su relancer la confiance et la consommation, ce qui s’est traduit par un regain de l’activité, une baisse du chômage (tombé à 10 %), une amélioration des recettes fiscales et en général l’enclenchement d’un « cycle vertueux » de type keynésien ou néokeynésien.

Peut-être est-ce vrai en partie – même si une série d’autres facteurs ont joué (le fait que l’on partait de très bas, la purge austéritaire des gouvernements précédents qui avait redressé les taux de profit, le fait que le Portugal maintienne un très haut taux d’émigration). Mais il faut aussi entendre les critiques qui s’expriment à gauche, comme celle de l’économiste de la CGTP (principale centrale syndicale du pays), Eugénio Rosa, qui affirme :

« La réduction du déficit a été obtenue au détriment de la sécurité sociale, de la fonction publique, de l’investissement public et des dépenses du Service national de santé. » Par « le maintien du blocage des rémunérations et des carrières des travailleurs de la fonction publique », ainsi que « des coupes significatives dans l’investissement public. » « Le fort excédent de la sécurité sociale a été atteint grâce à une réduction du nombre des bénéficiaires de prestations sociales – aujourd’hui, seuls 28 % des chômeurs reçoivent des indemnités de chômage. »2 Selon cette interprétation, tout ne serait donc pas si rose.

Le « deal » Merkel-Macron et ses conséquences

Dans tous les cas, l’austérité est là en Europe pour rester, mais cela ne signifie pas que les principaux dirigeants européens, au-delà de leurs intérêts nationaux immédiats, ne manifestent pas des inquiétudes quant à l’avenir de l’Union. Pour empêcher ou contrecarrer de nouvelles crises, différentes hypothèses sont à l’étude en vue d’avancer enfin vers une meilleure coordination des politiques économiques. Notamment, celle d’un « gouvernement économique de la zone euro », voire d’un « parlement de la zone euro » (doublant un parlement européen qui deviendrait alors encore plus décoratif), disposant et discutant d’un budget pour des investissements communs et des actions de solidarité entre les régions de l’UE. C’est le projet qui est porté, notamment, par Emmanuel Macron et par le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, le « socialiste » français Pierre Moscovici.

A Bruxelles, Angela Merkel a indiqué à Macron qu’elle pourrait accepter de faire des pas dans ce sens, mais à une condition : que les autres Etats européens, en particulier la France, se conforment enfin aux critères de Maastricht et, plus généralement, réalisent les réformes que l’Allemagne a menées à bien de longue date – à travers les lois Hartz, décidées sous la présidence du social-démocrate Schröder.

C’est une des clés de la politique économique de Macron et ce qui explique sa frénésie de coupes budgétaires afin de parvenir, dès 2017, à passer sous la barre des 3 % de déficit budgétaire. Ces « efforts » seront évidemment pour notre bien à toutes et tous, puisqu’au bout du bout cela générera une période de nouvelle croissance… Comme avec la loi Travail XXL qui, en rassurant et sécurisant nos patrons, permettra de réduire le chômage… On connaît la chanson.

Jean-Philippe Divès 

1. Lire aussi cet article enthousiaste de Rachel Knaebel sur le site de Bastamag : https ://www.bastamag.net/Comment-l-union-des-soc… (le mot qui manque à la fin est austérité). Et, sur l’accord de coalition, la formation du nouveau gouvernement et ses tout premiers pas, l’article « Au Portugal, un gouvernement anti-austérité ? » dans notre revue n° 73 de février 2016.

source https://npa2009.org/idees/international/union-europeenne-une-reforme-est-elle-possible

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