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SOS Méditerranée : Nous sommes les yeux d’une Europe qui ne veut pas voir

Chaque jour, un membre de SOS MEDITERRANEE vous donne sa vision des opérations de sauvetage et des événements depuis l’Aquarius

« Nous sommes les yeux d’une Europe qui ne veut pas voir »

Alessandro Porro, membre italien de la SAR Team de SOS MEDITERRANEE raconte son expérience à bord de l’Aquarius dans un texte publié le 22 août par le Corriere della Sera. (Traduction: Benedetta Collini)

« A bord de l’Aquarius, Méditerranée Centrale. Malte à l’horizon. Nous accompagnons en Italie 112 personnes secourues le jour de l’Assomption par nos collègues de l’ONG MOAS. 112 personnes dans un seul bateau pneumatique. Comme d’habitude : il y a des femmes, des enfants, des blessés, mais pour la plupart des jeunes hommes, quelques-uns plus âgés. Sur le pont, crayons de couleurs et feutres en main, ils racontent en dessin leur voyage de l’Afrique au « fleuve Méditerranée ». Ils l’appellent comme ça. Avant de partir on leur dit qu’ils vont traverser un fleuve, qu’il n’y a pas de danger.

Moi aussi je suis un migrant. Du Piémont, transplanté en Ombrie puis en Toscane, par amour et pour le travail. Quelques années passées à goûter à l’Europe, comme étudiant et saisonnier. J’ai passé la moitié de ma vie à bord des ambulances de la Croix Rouge, bénévole d’abord, salarié ensuite. Accidents de voiture, blessures par arme à feu, personnes âgées en détresse, violences familiales. C’était le quotidien. Mais pas seulement. Aussi les secours en mer, et sur le lac Transimeno, sur le fleuve Arno avec les collègues OPSA (operatori polivalenti di salvataggio in acqua – ouvriers polyvalents du sauvetage aquatique). Je suis secouriste, c’est ce qui me réussit dans la vie. Cela ne relève pas du courage, juste de l’entraînement et de la pratique.

L’an dernier, alors qu’en Italie on ne parlait pas encore des ONG de sauvetage en mer, j’ai vu dans le magazine « Internazionale » la photo d’un sauvetage de migrants en Méditerranée. Rien à voir avec les baigneurs fatigués sur les plages de Toscane, là des personnes étaient littéralement extraites des avagues. J’ai envoyé une candidature, SOS Méditerranée m’a fait confiance, j’ai embarqué sur l’Aquarius. Ma première mission : six semaines au mois de juillet, au large de Tripoli, dans les eaux internationales. Trente équipiers, parmi lesquels l’équipage maritime, l’équipe médicale et le SAR team, l’équipe de recherche et sauvetage. Plus de mille-quatre-cents personnes sauvées et accompagnées en Italie, avec dignité.

Nous sommes les yeux d’une Europe qui ne veut pas voir. On nous a appelés des « extrémistes humanitaires », mais être humanitaires n’est pas un choix, pas un métier, pas un chef d’accusation. Extrémiste est un terme exagéré, un raccourci. Un mensonge même, dans ce cas précis. Nous sommes, nous et nos collègues des autres ONG, des techniciens du sauvetage, nous faisons la différence entre les naufragés et les rescapés. En mer, nous recueillons des vies et des histoires. Parfois des cadavres (3 août), parfois des enfants encore attachés par le cordon ombilical (11 juillet). Dès qu’ils se sentent en sécurité, nos passagers nous racontent leur voyage. Ils parlent des réseaux très puissants de passeurs qui les ont achetés puis revendus. De prisons légales et illégales en Lybie, d’enlèvements et de violences. Plusieurs d’entre eux ont été séquestrés sur la route, forcés à travailler. Payée la rançon, revendus aux passeurs. Une autre rançon à payer pour la fuite en mer. Nous avons vu des hommes avec des balles dans l’abdomen, des marques de fouet sur leur dos, des brûlures sur la peau.

À bord de l’Aquarius, j’ai découvert une Université autogérée du sauvetage. Des professionnels – médecins, infirmiers, plongeurs, sapeurs-pompiers, marins – tous concentrés à perfectionner les différentes techniques de secours, chronomètre en main. Neuf secondes pour ramener de la mer à la clinique une personne en arrêt cardiaque. Sur le navire, même les journalistes doivent mettre de côté leur caméra pour aider si besoin. Et il y a souvent besoin. Nous venons de toute l’Europe, d’Amérique, d’Australie. A nos côtés, il y a le personnel médical de Médecins sans Frontières. Calmes, pragmatiques, diplomates. Pas des héros, juste des grands professionnels, préparés, méticuleux.

Prendre la mer est dangereux. Porter secours à un bateau fait d’une planche de bois et d’une bâche gonflée, avec 200 personnes à bord, comporte des risques. Mais nous sommes équipés et formés. Notre priorité est toujours notre propre sécurité. Parfois il y a un silence surréel quand on approche un bateau en détresse. 400 yeux nous regardent, et pas un mot. Ils ne savent pas si notre arrivée est signe de salut ou de retour en enfer. Le premier à briser ce silence, c’est le médiateur culturel à bord de nos zodiacs. Le sauvetage est un art zen, il faut qu’une idée précise passe : « vous êtes en sécurité ». Nous avons avec nous des sacs pleins de gilets de sauvetage qui sont distribués à tout le monde. Puis, lentement, douze par douze, on amène les gens vers l’Aquarius. Un kit avec de l’eau, de la nourriture, des couvertures, des habits propres. Premier triage sanitaire, changement de vêtements. Les cas les plus graves sont amenés à la clinique, souvent les violences physiques sont récentes. Puis commence la première nuit sur le pont, ils s’endorment tous, épuisés. Avec le temps, les corps reprennent des forces. La vue des côtes italiennes déchaîne des danses et des chants : c’est l’allégresse du naufragé.

Mes amis me demandent si ce qu’on dit à la télé est vrai, si nous sommes les taxis de la mer. Non, nous sommes les ambulances de la mer. Et comme des ambulances, nous sommes coordonnés par un SAMU (le MRCC à Rome) qui reçoit des appels de détresse et décide qui envoyer pour le sauvetage : nous, ou les Garde-Côtes italiens, ou la Marine, ou des navires marchands, ou d’autres ONG. Nos routes sont suivies à la trace, nos appels enregistrés. Sur l’Aquarius, comme sur les autres navires, nous avons conscience de ne pas être la solution au problème, un grand problème. Nous sommes un pansement provisoire qui tamponne l’absence d’un plan européen de recherche et sauvetage en mer depuis la suspension de l’opération Mare Nostrum de la Marine Nationale italienne. Un pansement qui pourtant sauve des vies, qui fait la différence. En tant que piémontais, j’ai vu des oliviers commencer à pousser sur des terres et sous des climats autrefois hostiles. Le changement climatique déplace les arbres, comment imaginer empêcher les gens de migrer ? En ce moment l’Italie est rongée par l’inquiétude. Il sera intéressant, dans dix ans, de relire les évènements qui ont marqué cette période. Moi, à bord l’Aquarius, je suis déjà certain d’avoir été du bon côté de l’Histoire. »

Texte : Alessandro Porro

Traduction : Benedetta Collini

http://www.sosmediterranee.fr/journal-de-bord/alessandro-porro-290817

 

Un autre regard sur la visite d’E.Macron à Athènes

le 7/9/17 publié par  
 Manolis Glezos : Je n’accepte pas l’invitation à être présent aujourd’hui à la profanation de la Pnyx

La France, son peuple, les luttes du peuple et ses représentants ont toujours été les bienvenus pour le peuple grec.

Je me souviendrai toujours de l’énorme contribution de la France officielle, sous le Général De Gaulle, et du peuple français, qui ont empêché l’exécution des peines de mort qui nous avaient été infligées par le régime grec qui a suivi la guerre civile.

Mais, la visite d’aujourd’hui présente une différence majeure.

Aujourd’hui, c’est le droit du plus fort qui s’impose.

La Grèce impuissante, grâce aux mémorandums, accueille en tant qu’investisseurs l’invasion financière la plus cynique, en la personne d’un groupe  qui accompagne le président français.

Les infrastructures qui n’ont pas encore été cédées, sont dans la file d’attente.

Nous ne vendons pas, nous bradons.

Ils n’investissent pas, ils augmentent leur propre richesse en suçant toute trace de vie du peuple grec.

Simple bilan, simples mathématiques.

Et tout cela sous le régime d’un chantage inédit du point de vue historique.

Avec l’épée du maître-chanteur sur la table, qu’accompagne un cynique “Vae Victis” (Malheur aux vaincus).

Rien ne peut modifier l’estime que nous nourrissons pour le peuple français.

Mais, nous n’accepterons pas comme faits accomplis ce qui sera convenu entre les groupes d’entrepreneurs qui accompagnent le Président de la République Française et le Premier ministre de Grèce.

C’est pourquoi je n’accepte pas l’invitation à être présent aujourd’hui à la profanation de la Pnyx.

Manolis Glezos

Athènes, le 7 septembre 2017

Voir l’article complet et les autres photos  Manolis Glezos : Je n’accepte pas l’invitation à être présent aujourd’hui à la profanation de la Pnyx

le texte original en grec http://tlaxcala-int.org/article.asp?reference=21454

le 7/7 Par Constant Kaimakis  MACRON VIENT SE FAIRE VOIR CHEZ LES GRECS …« ΜΑΚΡΟΝ, ΜΑΚΡΙΑ! » (MACRON, DÉGAGE! )

La venue de Macron en Grèce s’est déroulée dans une Athènes transformée en véritable forteresse. Centre ville bouclé, tous les sites français sous haute protection policière, plus de 2000 policiers mobilisés, des centaines de flics en civil, hélicoptères, l’État grec n’avait pas lésiné pour « sécuriser » la visite du Président français et empêcher toute sorte de manifestation… La venue de Macron en Grèce a provoqué de vives réactions et à la même heure 2 manifestations étaient prévues dans Athènes. Jouant sur les mots ( Macron , phonétiquement, veut dire « loin » en grec… ) les manifestants ont pris pour slogan : « MACRON, LOIN! … MACRON, DÉGAGE! » 
Symbole fort de cette 1 ère journée de visite de Macron à Athènes, les discours de fin de journée avaient lieu sur la colline du Pnyx au centre d’Athènes, située à l’ouest de l’Acropole et surplombant l’ancienne Agora. Malgré les interdictions de manifester prises par le pouvoir grec, la manifestation prévue en fin d’après midi souhaitait se rendre en cortège au Pnyx. Malgré une imposante force policière anti-émeute, elle a pu se former mais a été réprimée par les MAT ( CRS) qui ont frappé des militants de LAE ( Unité Populaire) et ont gazé les manifestants ( cf Photos et vidéos) . Panagiotis Lafazanis , secrétaire général de LAE a déclaré que les interdictions de manifester « rappellent des temps sombres qu’a connu le pays . Nous avons bravé les interdictions et nous nous sommes retrouvés dans la rue pour protester contre la visite du président français, qui est ici comme un agent avec une délégation d’ hommes d’affaires pour saisir ce qu’il peut être vendu dans ce pays. » 
Manolis Glezos, l’infatigable résistant, a refusé l’invitation officielle de se rendre à ce qu’il a qualifié de « profanation du Pnyx » par des « people » et des « affairistes » plus cyniques que jamais!

Vidéo manif de LAE : https://www.pscp.tv/w/1MYxNXqymvzGw
https://youtu.be/WI4QeasA-BY

Demain, pour son 2 ème jour de visite, Macron sera accueilli à Thessalonique par une manif des salariés de la Sté des eaux de Thessalonique (ΕΥΑΘ) qui protestent contre la réunion, qualifiée de « grande braderie » , prévue avec le gouvernement grec et les entrepreneurs français qui accompagnent Macron Voir les photos https://www.facebook.com/constant.kaimakis/posts/1952040198397531?pnref=story

le 8/9 par Yannis Youlontas http://blogyy.net/2017/09/07/desintox-le-voyage-en-grece-de-macron/

 

 

Prochain convoi solidaire pour la Grèce

A l’appel de Yannis Youlontas du collectif Anepos un convoi solidaire partira de plusieurs régions de France le mardi 14 novembre 2017 .

Extrait de son message

Pas question de baisser les bras,
pas question de laisser faire…

En soutenant notre convergence de luttes, par-delà les frontières, entre mouvements sociaux, vous épaulez les initiatives solidaires autogérées qui, en Grèce, font face au durcissement des politiques austéritaires (forte hausse de la mortalité infantile, baisse de 50% de la retraite complémentaire pour les plus pauvres, expulsion de milliers de personnes de leur logement, nombreuses familles qui ne survivent que grâce à la solidarité) et au drame de la crise des réfugiés (dont beaucoup d’enfants, parfois orphelins, qui ont traversé la mer Égée et ont échappé aux camps indignes et inhumains).

Notre action n’est pas humanitaire, mais politique et solidaire, sans intermédiaire : nous soutenons directement nos camarades grecs et les encourageons à continuer à résister et à s’entraider. La liste des principaux besoins est à votre disposition, préparée avec eux pour des livraisons à Exarcheia (Athènes), Thessalonique et plusieurs îles. A vous de participer, si vous le désirez et comme vous le désirez.

Pas question de baisser les bras, ni ici, ni là-bas. Pas question de laisser faire. Pas question de rester chacun dans notre coin d’Europe face à la violence du pouvoir qui nous opprime, détruit le bien commun et nous vole nos vies. Pas question de subir sans agir de toutes les façons possibles : insoumission, résistance, création, solidarité…

Cette action n’est peut-être pas grand-chose face à l’ampleur du désastre, mais elle encourage à poursuivre nos luttes qui convergent vers un même but : reprendre nos vies en mains et montrer ce dont nous sommes capables ensemble.

Hauts les cœurs !

Le collectif artistique et solidaire Anepos
Les conducteurs des fourgons des convois
Les organisateurs de la collecte

LA COLLECTE EN ISÈRE 

Tout comme pour celui de mars le collectif de Grenoble soutient cette initiative et participe à la collecte.

Pour le moment les coordonnées d’un camion qui partirait de la région grenobloise ou savoyarde ne sont pas connues aussi le collectif s’organisera en 2 temps :

A compter de ce jour et jusqu’au 15/10 chaque personne qui veut récolter le fait à son domicile en se limitant strictement à la liste des besoins listés ci-dessous.

Entre le 16/10 et le 4/11 Un militant du collectif mettra à disposition un garage pour rassembler toutes les fournitures récoltées . Les modalités pratiques seront données ultérieurement sur ce site.

Les volontaires pourront participer afin de préparer les cartons selon les modalités pratiques données par Anepos  pour faciliter le transfert dans les camions et la distribution en fonction des lieux desservis en Grèce.

 LES BESOINS SONT URGENTS EN

Fournitures bébés : lait infantile en poudre ( urgence vitale tous âges) petits pots, mixers de type babycook, soins bébés, sérum, vitamines, couches ( surtout 3, 4 et 5)

Jouets : petites tailles tels que figurines, légos, échecs et animaux ( ni peluches ni encombrants),

Produits d’hygiène et paramédicaux : gels douches, protections périodiques, dentifrice, brosses à dents, lessives, pansements, chevillères, genouillères, ( ni attelles, ni médicaments)

Base alimentaire : légumes secs, fruits secs, biscuits, céréales, thé, café, autres

et n’oubliez pas des messages de soutien : avec dessins et ou photos, confiseries fermées et non fragiles peuvent être ajoutées.

pour ceux qui le veulent vous pouvez toujours envoyer des fonds à : Anepos BP10 81540 Sorèze

Vous trouverez l’appel complet de Yannis Youlontas http://jeluttedoncjesuis.net/spip.php?rubrique4

CR Réunion du collectif du 4 sept 2017

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe » du 4/09/2017

Présents : Christine R., Marie-Claude C.,Lucienne L., Béatrice R., Jean-François L., Lauren, Charlotte, Max F.

Excusés : Liliane C., Jeanne E, Georges V, Matthéos K.

(1) Retour sur les visites de dispensaires et rencontre avec les VioMé ( ce point sera abordé à la prochaine réunion)

2) Médicaments pour les dispensaires autogérés

Jeanne veut bien continuer à aider le collectif mais il faudra trouver un médecin pour signer l’ordonnance.

3) Pièce Alexis et Yanis

Pièce politique mais néanmoins humoristique sur la période où Tsipras et Varoufakis négociaient avec l’Union européenne (avant le référendum de juillet 2015). Elle devrait se jouer au théâtre Ste Marie d’en Bas, fin mars ou début avril 2018 suite au bon accueil du projet par l’administratrice.

4) Festival des solidarités (ex semaine de la solidarité internationale)

Elle aura lieu à Grenoble en novembre et début décembre 2017. Nous pourrions nous y insérer pendant la semaine du 6 au 9 novembre, sur le thème des migrants en Grèce mais aussi à Grenoble.
Nous aurons les témoignages des jeunes étudiantes qui sont allées à Athènes dans les lieux (essentiellement des squats)  où se trouvent les réfugiés (City Plaza, Exarchia …).
L’APARDAP aurait une petite représentation qui pourrait rentrer dans le thème de notre soirée, nous les avons contacté pour avoir des précisions.

Nous espérons aussi un groupe de musique : Mattheos avait dit qu’il en connaissait un, Christine voit avec lui. Une autre piste, une des étudiantes (Lauren) connais des jeunes Grecs venus pour des travaux saisonniers, qui s’ils sont encore là pendant la période pourraient animer la soirée.
Marie-Claude a évoqué une exposition de Maryvonne Arnaud sur les réfugiés de Lesbos
Nous sommes à la recherche de salles, des pistes : La Bobine, MDH du Vieux Temple, salle Rouge

C’est sur cette base que la proposition sera faite à la réunion de coordination du festival prévue mardi 5 septembre. Christine y participera et fera un retour.

5) Convoi solidaire vers la Grèce organisé par le collectif Anepos

Le prochain départ aura lieu le 14 novembre 2017. Nous ne savons pas encore si un camion partira de notre région, mais nous allons nous tenir prêt. Dans un 1er temps nous lancerons l’appel sur le site pour que les personnes qui souhaitent participer commencent la collecte en se limitant strictement à la liste donnée par le collectif Anepos. Nous pourrons récupérer les colis du 16/10 au 4/11 afin de pouvoir préparer les cartons selon les modalités pratiques données par Anepos pour faciliter la distribution en fonction des lieux desservis. François et Mylène peuvent mettre leur garage à disposition. D’ici là on aura plus d’informations sur le lieux d’acheminement le plus proche.

6) Récapitulatif de la programmation des actions pour les mois à venir :

– novembre 2017 : 2 actions ( le convoi solidaire et le festival des solidarités)

– mars avril 2018 : pièce satirique

-2e trimestre 2018 : Film débat autour du 3e film en cours de réalisation de Yannis Youlontas,

-2e trimestre 2018 : action de soutien aux VioMé ( commandes) reste à trouver un support,

Pour chaque de ces actions le collectif devra prévoir les éléments de communication sur la situation en Grèce.

Ce programme est honorable mais il manque encore une conférence plus économico-politique.

7) Prochaine réunion du collectif

lundi 9 octobre 2017 de 17h à 19h salle 210 de la Maison des associations de Grenoble

Solidarité avec Emmy Koutsopoulou

Emmy Koutsopoulou, psychiatre grecque, responsable de l’unité d’addictologie à l’hôpital oncologique d’Athènes à été limogée de son poste par la direction de l’organisme grec de lutte contre la drogue – OKANA.

Cette décision de la direction a été perpétrée en dépit de toute légalité et de toute éthique. Elle lui a été communiquée par fax le jour de son départ prévu en vacances.

Emmy Koutsopoulou est membre du comité scientifique du syndicat des salariés d’OKANA.

En sa qualité de syndicaliste elle a dénoncé les manœuvres de la direction dont le but est d’étendre et d’amplifier les dispositifs de privatisation larvée du service : recours généralisé aux contrats d’œuvre et aux CDD et délégation des missions à la médecine libérale.
Elle s’est également opposée à la fermeture d’unités de soins addictologiques de la banlieue du Pirée (Nikaia) là où justement il existe les problèmes les plus aigus.
Les décisions administratives prises à son encontre relèvent du domaine de la persécution politique, syndicale et professionnelle.
Elles sont l’expression d’une politique qui tend à se généraliser aujourd’hui en Europe, à laquelle nous avons le devoir de résister.
En signant cette lettre de protestation et en l’adressant à la direction d’OKANA nous exprimons avec force notre désaccord avec les procédés utilisés à l’encontre d’Emmy Koutsopoulou et avec les motivations politiques qu’ils expriment.

Emmy Koutsopoulou est également fortement impliquée dans le mouvement de solidarité envers les réfugiés et dans le mouvement de soins auto-organisés offerts aux citoyen-ne-s les plus démunis

Lettre de protestation

Figues de septembre La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Figues de septembre 

Le pays réel et le pays touristique ne se rencontrent pas forcément. Septembre déjà. Orages passagers sur le Météores et sur leurs monastères, visiteurs Orthodoxes issus de la proximité balkanique et pas uniquement, grande affluence. La rentrée, la rentrée, à Athènes les médias et le “gouvernement” n’ont que ce mot-là à la bouche et dans la foulée des insignifiances, les Tsiprosaures communiquent dès lors et amplement sur la visite officielle d’Emmanuel Macron en Grèce dans moins d’une semaine. Rentrée des apparences.

Septembre, mois des mariages. Thessalie, fin août 2017

Septembre, mois aussi des mariages. Sur les bords des lacs en altitude les futurs mariés iront se faire photographier, d’après les usages de la nouvelle imagerie populaire, nouvelle, depuis près d’une dizaine d’années il faut préciser. Pendant ce temps, les touristes, ceux surtout de l’Europe de l’Est Orthodoxes affluent sur les Météores: Bulgares, Roumains, Serbes, Moldaves, Russes et Ukrainiens, venus… le plus souvent directement à bord de leurs belles voitures depuis leurs pays.

Pendant que les touristes réaliseront leurs meilleures selfies entre les rochers des Météores… à leurs risques et périls, le pays réel grec se passionnera davantage du football que des comptines des médiacrates et des politiciens. En n’attendant plus grand chose de la politique, pour ceux qui le peuvent, animaux adespotes des Monastères compris, le mois de Septembre est plutôt synonyme d’un deuxième été grec et non pas de rentrée.

Les petits ferrys à destination d’Égine et de Póros depuis le Pirée quittent le Pirée encore bondés de monde (grec) pour le week-end, décontraction alors partielle à bord, les passagers finissent toujours par se raconter un certain quotidien incertain, “mais c’est évidemment la vie”.

Le pays… réel du football. Grèce, août 2017

Touristes aux Météores. Thessalie, août 2017

Selfies aux Météores. Août 2017

Animaux adespotes des Météores. Thessalie, août 2017

Sans guère de vergogne comme cela devient de saison depuis l’ultime ridiculisation des pantins politiques, un retraité, passager du ferry vers Égine ne s’embarrassera plus du politiquement correct: “Eh bien, il nous faut de nouveau un Papadópoulos” (chef des Colonels sous leur régime de dictature entre 1967 et 1974).

Parmi les autres Grecs à bord, personne n’a souhaité contredire et encore moins défendre notre régime pseudodémocratique aux ordres de la néocolonisation européiste. Et quant aux rares touristes à bord du petit ferry, ils ne comprennent certes pas la langue de Sophocle comme autant celle de… Damoclès. En effet, le navire a aussitôt levé son ancre… mais la croisière ne s’amuse visiblement plus.

Dans l’indifférence la plus totale, le “gouvernement” annonce sa “grande reforme” de la fonction publique, on brasse alors du vent. Au même moment, les agents du fisc alors très indépendant (il dépend seulement des dites institutions troïkannes et non plus de l’État grec, échappant totalement au contrôle du “Parlement”) ils se font plutôt facétieusement… tabasser par les commerçants qui sont censés être contrôlés. Grèce alors pays âpre et réel, le pantin Tsipras préféra se faire photographier aux côtés d’un boulanger lui ayant offert un petit pain rond pour les circonstances de la propagande. Pauvre propagande… réduite en miettes et ainsi ridiculisée de la sorte et de saison.

Tsipras et son petit pain rond. Presse grecque du 31 août 2017

Le ferry échoué près de l’île d’Ios. Presse grecque du 31 août 2017 – Photo A. Moussamas

Le ferry échoué près de l’île d’Ios. Presse grecque du 31 août 2017

L’autre grande affaire de la semaine tient de l’échouage du ferry “Blue Star Patmos” près d’un récif à proximité du port de l’île d’Ios, autrement, une si belle Cyclade. Le navire a heurté ces écueils dans la nuit du lundi au mardi (29 août) déviant très paradoxalement de sa trajectoire habituelle à une vitesse estimée entre 15 et 17 nœuds d’après les reportages de la presse grecque .

Le beau navire, moderne car récent (construit en 2012) repose depuis et fort heureusement sur ce… jardin d’écueils, pourtant bien connu des navigateurs. Grèce… éternelle, rochers et alors écueils. Les 206 passagers d’abord paniqués, il ont été évacués à l’aide d’autres navires vers le port de l’île d’Ios ; la triste vérité si l’on croit les reportages en tout cas, c’est que la coque du “Blue Star Patmos” serait tout de même déchirée sur de dizaines de mètres, ce qui pour l’instant rendrait son remorquage assez périlleux.

Très probablement une tragédie maritime aurait été évitée peut-être de justesse étant donné que le navire est très moderne (les compartiments étanches et les pompes d’évacuation d’eau ont effectivement fonctionné) et parce qu’il… repose tout simplement sur le jardin d’écueils. Ainsi, la question à poser serait plutôt celle de l’erreur dite “fatalement humaine” ou sinon technique, celle de l’électronique embarquée.

Plus précisément pourtant, tout le monde sait que les vitesses (normalement basses) d’approche comme de sortie des ports ne sont pas respectées par de nombreuses compagnies, car c’est la course contre la montre… comme pour la rentabilité. C’est bien connu, le temps… c’est de l’argent et les assureurs s’occuperont du reste, même au cas où l’état du beau “Blue Star Patmos” blessé serait jugé irréparable.

En attendant la fin des expertises, lesquelles ne seront peut-être pas totalement médiatisées lorsque l’actualité s’occupera d’autres faits élus pour devenir marquants, les pèlerins grecs de Saint Nectaire d’Égine (sanctifié en 1961) rempliront les autres ferrys, les touristes Orthodoxes des pays de l’Est laisseront tous leurs vœux sur de petits papiers enroulés et placés entre les rochers des Monastères des Météores. Septembre donc et les plages déjà de la Grèce continentale se vident à l’occasion. Rentrée !

Papiers et voeux. Météores, Thessalie, août 2017

Architecture de Thessalie. Trikala, août 2017

Les plages se vident. Grèce continentale, fin août 2017

Présentation du livre de Yórgos Kalos. Bourg de l’île de Póros. Août 2017

L’été… officiel se termine de la sorte comme presque prévu. Nous dégustons ses dernières figues déjà de septembre. Sur son île de Póros, Yórgos Kalos, homme politique de droite et ex-ministre Nouvelle Démocratie, lequel fort heureusement ne fait pas que de la politique, a présenté son récent ouvrage littéraire devant un (bien petit) auditoire de notables et de curieux. Pourtant, ses histoires relatant la vie anecdotique des Poriotes sont fort intéressantes et bien écrites. Finalement, la politique ne détruirait pas toujours, ni entièrement ses hommes ou ses femmes.

Le pays réel et le pays littéraire ne se rencontrent pas forcément. Septembre déjà. Les touristes photographient la Garde Evzone devant notre “Parlement”, pays aux apparences de son image presque sauvées. Dimitri, mon neveu qui vit à Trikala, musicien professionnel du bouzouki et du chant Rebétiko, développera aux visiteurs venus de France musique à l’appui, toute l’évolution de ce genre musical entre les années 1930 et les importants apports initiés par Vassílis Tsitsánis , le grand Rebète et enfant de Trikala.

En marge de la mélodie, mon neveu exprimera son infortune actuelle, générée par la situation sans issue des Grecs au pays de la dite crise, réalité certes traduisible, mais pas forcément saisie par les amis et visiteurs du pays.

“Tous ceux qui pratiquent suffisamment le bouzouki, ils s’improvisent alors professionnels occasionnels, voire réguliers, pour vingt à trente euros la soirée, tandis qu’au même moment, les grands noms d’Athènes cassent désormais leurs tarifs pour se produire dans notre Grèce profonde. Entre ces deux réalités, nous professionnels reconnus… nous tirons la langue. Mon épouse vient d’ouvrir une petite taverne au village faute d’autre issue face au chômage.”

Dimitri, mon neveu et son bouzouki. Musée Tsitsánis de Trikala. Août 2017

Montagnes thessaliennes. Août 2017

Les bêtes de Stéphanos. Thessalie, août 2017

Animal d’une taverne. Thessalie, août 2017

“Notre petite taverne est ouverte chaque week-end pour l’instant et très peu en semaine, j’y suis souvent, je aide mon épouse, je me fais… musicien, serveur et surveillant de grillades. Sinon, parfois nous acceptons de nous produire à Athènes ou à Thessalonique lorsque seulement nos frais sont payés, c’est-à-dire sans être rémunérés pour notre prestation. Car, comme voyager autrement nous devient alors impossible, ces occasions de sortir de chez sont rares et précieuses. Aussi, pour enfin boire notre café sur la route ; cela-dit, nous nous produisons également de la sorte dans le but d’être mieux connus.”

Nous avons quitté la Thessalie en musique, ayant aussi aperçu hâtivement les bêtes de Stéphanos, mais cette fois, l’ami éleveur était fort occupé. Septembre déjà, les visiteurs du pays, exotiques ou pas, photographient toujours et encore la Garde Evzone devant le “Parlement”, ou ils réalisent parfois de belles poses devant les escaliers en marbre de la vieillie Bibliothèque nationale.

Cependant, très peu nombreux sont ceux qui voudront découvrir la maison de notre poète Yórgos Seféris , et dans ce… dernier quartier du poète, on nourrit un peu l’espoir et autant les animaux adespotes et on le fait même savoir par voie d’affichage face aux… réfractaires: “Nourrir les animaux adespotes est un acte légal par la loi 4039/12 et par la décision de la Cour Suprême 1/13/1631/8.4.13”. Encore heureux, les mémoranda (législation sous la Troïka) ont déjà balayé le droit du travail et les Conventions Collectives avec, mais en fin de compte, nous pouvons encore prendre soin des animaux adespotes, ultime pays réel !

Se faisant photographier à Athènes. Août 2017

Devant le ‘Parlement’. Athènes, août 2017

La maison de Yórgos Seféris. Athènes, août 2017

Pour les animaux adespotes. Athènes, août 2017

‘Nourrir les animaux adespotes est un acte légal’. Athènes, août2017

Septembre alors, la météo s’améliore pour ce qui tient des vents naturellement dominants ; le remorquage du “Blue Star Patmos” pourrait peut-être commencer dans les prochains jours, d’agrès la presse du samedi 2 septembre.

Le pays réel et le pays touristique ne se rencontrent pas forcément. Sauf parfois à bord de certains ferrys ou sinon, devant la condition immanquable des animaux adespotes grecs. Autrement, rentrée médiatique et “politique” dans la foulée des insignifiances.

Grèce… éternelle, rochers et alors écueils. Figues de Septembre !

Jeune animal adespote. Trikala, Thessalie août 2017

* Photo de couverture: Les Météores et leurs monastères. Août 2017

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

E. Toussaint au sujet de Yanis Varoufakis 3eme partie

Série : Le récit de la crise grecque par Yanis Varoufakis : un témoignage accablant pour lui-même

Comment Tsipras, avec le concours de Varoufakis, a tourné le dos au programme de Syriza

Partie 3 par Eric Toussaint

Yanis Varoufakis fait remonter à 2011 sa collaboration avec Alexis Tsipras et son alter ego, Nikos Pappas. Cette collaboration s’élargit progressivement, à partir de 2013, à Yanis Dragasakis (qui est devenu, en 2015, vice-premier ministre). Une constante dans les rapports entre Varoufakis et Tsipras : Yanis Varoufakis plaide en permanence pour modifier l’orientation adoptée par Syriza. Varoufakis affirme que Tsipras-Pappas-Dragasakis veulent eux-mêmes clairement adopter une orientation différente, nettement plus modérée, de celle décidée par leur parti.

La narration faite par Varoufakis ne manque pas de piment. À travers son témoignage, on voit comment, à des étapes très importantes, des choix sont faits dans le dos de Syriza au mépris des principes démocratiques élémentaires.

Varoufakis s’attribue un rôle central et, en effet, il a exercé une influence sur la ligne adoptée par le trio Tsipras-Pappas-Dragasakis. Il est également certain que Tsipras et Pappas ont cherché à construire, en dehors de Syriza, des rapports plus ou moins étroits avec des personnes et des institutions afin de mettre en pratique une politique qui s’est éloignée de plus en plus de l’orientation que Syriza avait faite sienne. Varoufakis n’est pas la seule personne à avoir été contactée mais effectivement, à un moment donné, Tsipras et Pappas ont considéré qu’il était l’homme de la situation pour aller négocier avec les institutions européennes et le FMI.

Début 2011, premiers contacts de Varoufakis avec Tsipras et Pappas

Varoufakis décrit sa première rencontre avec Alexis Tsipras et Nikos Pappas début 2011. Pappas lui avait donné rendez-vous dans un petit hôtel restaurant proche du local de Syriza.

  • « Quand je suis arrivé à l’hôtel, Alexis et Pappas étaient déjà en train de commander leur déjeuner. Alexis avait une voix chaleureuse, un sourire sincère et la poignée de main d’un éventuel ami. Pappas avait un regard plus illuminé et une voix plus haute. […] Il était évident qu’il avait l’oreille du jeune prince et qu’il lui servait à la fois de guide, de frein et d’aiguillon, une impression que j’aurai toujours au fil des années tumultueuses qui suivraient : deux jeunes hommes du même âge mais de tempéraments différents, qui agissaient et pensaient comme un seul homme. |1| »

Varoufakis explique que Tsipras hésitait sur l’orientation à prendre quant à une sortie éventuelle de la zone euro.

  • « Depuis 2011, Syriza était déchiré par les divisions internes face au problème : fallait-il officiellement soutenir le Grexit (quitter la zone euro, mais pas nécessairement l’Union européenne) ? Je trouvais l’attitude d’Alexis face à la question à la fois cavalière et immature. Son objectif était de maîtriser les tendances rivales au sein de son parti plus que de se faire une opinion claire et personnelle. À en juger par les regards complices de Pappas, il était évident qu’il partageait mon point de vue. Il comptait sur moi pour l’aider à empêcher le leader du parti de jongler avec l’idée du Grexit.
  • J’ai fait de mon mieux pour impressionner Alexis et le convaincre que viser le Grexit était une erreur aussi grave que de ne pas s’y préparer du tout. J’ai reproché à Syriza de s’engager à la légère (…). »

Tsipras a soumis à Varoufakis l’idée de menacer les dirigeants européens d’une sortie de la Grèce de la zone euro, en cas de refus de leur part de remettre en cause la politique mémorandaire. Varoufakis lui a répondu qu’il éviter de sortir de la zone euro car il était possible par la négociation d’obtenir une solution favorable à la Grèce, notamment une nouvelle restructuration de sa dette.

Tsipras a répliqué que des économistes renommés, comme Paul Krugman, affirmaient que la Grèce irait bien mieux sans l’euro.

Varoufakis poursuit son récit : « Je lui ai répondu qu’on irait bien mieux si on n’était jamais entrés dans la zone euro, mais ne pas y être entrés était une chose, en sortir était une autre. […] Pour le persuader d’abandonner ce raisonnement paresseux, je lui ai fait le tableau de ce qui nous attendait en cas de Grexit. Contrairement à l’Argentine qui avait renoncé à la parité entre le peso et le dollar, la Grèce n’avait pas de pièces ni de billets à elle en circulation. » Pour le convaincre, Varoufakis fait observer à Tsipras que : « Créer une nouvelle monnaie demande des mois. »

En réalité cet argument qui a été utilisé à de multiples reprises par Varoufakis et d’autres opposants à la sortie de l’euro n’est pas solide. En effet, il était possible d’adopter une nouvelle monnaie en utilisant les billets en euro après les avoir estampillés. Les distributeurs automatiques des banques auraient délivré des billets en euro qui auraient été préalablement marqués d’un sceau. C’est notamment ce que James Galbraith a expliqué dans une lettre à son ami Varoufakis en juillet 2015 |2|.

En réalité, ce que souhaite Varoufakis, c’est convaincre Tsipras qu’il est possible de rester dans la zone euro tout en rompant avec la politique anti sociale appliquée jusque-là : « nous exigerons une renégociation qui impliquera un new deal pour la Grèce et qui nous permettra d’avoir une économie sociale viable au sein de la zone euro ; si l’UE et le FMI refusent de négocier, nous n’accepterons plus le moindre prêt empoisonné payé par les contribuables européens. Et s’ils répliquent en nous poussant hors de l’euro, ce qui aurait un coût considérable pour eux et pour nous, laissez-les choisir la politique du pire. »

Pour Varoufakis, il ne faut donc pas préparer la sortie de la zone euro et s’il faut un jour y passer, cela sera la pire des solutions.

Varoufakis poursuit :

  • « Pappas hochait la tête avec enthousiasme, mais Alexis avait l’esprit ailleurs, jusqu’à ce que je l’oblige à sortir de son silence. Sa réponse m’a confirmé qu’il était davantage préoccupé par les rapports de force au sein de Syriza que prêt à prendre le taureau par les cornes à propos du Grexit. Je ne me suis pas laissé impressionner. Notre rendez-vous arrivait à sa fin, et, au risque de paraître condescendant, je lui ai donné un conseil bienveillant, non sollicité, qui n’avait rien à voir. Il aurait pu le prendre mal.
  • – Alexis, si tu veux être Premier ministre, il faut que tu apprennes l’anglais. Prends des cours, c’est essentiel. »

Quand Varoufakis rentre chez lui, son épouse, Danaé lui demande comment s’est passé le rendez-vous et il répond : « Le type est sympa, mais je ne pense pas qu’il ait la carrure. »

Varoufakis, l’audit de la dette et la suspension du paiement

Dans sa narration des évènements de l’année 2011, Varoufakis ne mentionne à aucun moment l’importante initiative d’audit citoyen de la dette à laquelle il a refusé de participer.

Il est utile de préciser que les positions du CADTM commencent à être connues en Grèce à partir de 2010. Plusieurs interviews sont publiées dans la presse grecque. Par exemple, la revue grecque Epikaira publie une longue interview de moi réalisée par Leonidas Vatikiotis, journaliste et militant politique d’extrême-gauche très actif. J’y explique les causes de l’explosion de la dette publique grecque et en quoi l’expérience de l’Équateur peut être une source d’inspiration pour la Grèce en termes de commission d’audit et de suspension du paiement de la dette. En guise de conclusion, à la question « Que doit faire la Grèce ? », je répondais : « Mon conseil est catégorique : ouvrez les livres de comptes ! Examinez dans la transparence et en présence de la société civile tous les contrats de l’État – des plus grands, comme par exemple ceux des récents Jeux olympiques, jusqu’aux plus petits – et découvrez quelle partie de la dette est le fruit de la corruption, et par conséquent est illégale et odieuse selon le jargon international, et dénoncez-la ! » |3|.

De son côté, dans plusieurs articles largement diffusés en Grèce par la presse imprimée et par les réseaux sociaux, l’économiste Costas Lapavitsas défendait également activement la nécessité de créer une commission d’audit. Dans un de ses papiers, il affirme : « La Commission internationale d’audit pourrait jouer le rôle de catalyseur contribuant à la transparence requise. Cette commission internationale, composée d’experts de l’audit des finances publiques, d’économistes, de syndicalistes, de représentants des mouvements sociaux, devra être totalement indépendante des partis politiques. Elle devra s’appuyer sur de nombreuses organisations qui permettront de mobiliser des couches sociales très larges. C’est ainsi que commencera à devenir réalité la participation populaire nécessaire face à la question de la dette. » (article publié le 5 décembre 2010 par le quotidien Eleftherotypia |4|).

Le 9 janvier 2011, le troisième quotidien grec en termes de tirage (à l’époque), Ethnos tis Kyriakis m’interviewe et titre « Ce n’est pas normal de rembourser les dettes qui sont illégitimes. Les peuples de l’Europe ont aussi le droit de contrôler leurs créanciers » |5|. Le quotidien explique que « Le travail du Comité en Équateur a été récemment mentionné au Parlement grec par la députée Sofia Sakorafa. ».

En effet, Sofia Sakorafa, qui a rompu avec le Pasok quand celui-ci a accepté le mémorandum de 2010, était intervenue en décembre 2010 au parlement pour proposer la création d’une commission d’audit de la dette grecque en s’inspirant de l’expérience équatorienne. Le parlement ne l’avait pas suivie.

Costas Lapavitsas, qui résidait à Londres où il enseignait et dont les positions trouvaient un écho important en Grèce, prend alors contact avec moi et me propose de collaborer au lancement d’une initiative internationale pour la création d’une commission d’audit, ce que j’accepte immédiatement.

Simultanément Giorgos Mitralias du CADTM Grèce prenait contact avec Leonidas Vatikiotis qui était en pointe dans l’activité pour faire avancer sur le terrain en Grèce la création d’une telle commission.

Costas Lapavitsas m’a consulté sur le contenu de l’appel international de soutien à la constitution du comité, j’ai fait quelques amendements. Après quoi, nous avons commencé à chercher des appuis parmi des personnalités susceptibles de nous aider à augmenter l’écho et la crédibilité de cette initiative. Je me suis chargé de collecter un maximum de signatures de personnalités internationales en faveur de la mise en place du comité d’audit. Je connaissais plusieurs d’entre elles depuis des années comme Noam Chomsky avec qui j’étais en contact sur la thématique de la dette depuis 1998, Jean Ziegler, à l’époque rapporteur des Nations unies sur le droit à l’alimentation, Tariq Ali ainsi que de nombreux économistes, …

Dans ma recherche de signatures je n’ai essuyé qu’un seul refus, celui de James Galbraith. Je dialoguais avec lui depuis plusieurs années à l’occasion de conférences sur la globalisation financière où nous nous retrouvions. Plus tard, j’ai reçu une partie de l’explication de ce refus, lorsque Yanis Varoufakis a expliqué publiquement pourquoi il refusait de souscrire à l’appel de la création de la commission d’audit |6|. Il raconte qu’il a été contacté par Galbraith qui lui demandait s’il fallait signer cet appel ou non. Il déclare qu’il lui a recommandé de ne pas le faire. Dans cette longue lettre, Y. Varoufakis justifie son refus de soutenir la création du comité citoyen d’audit (ELE). Il déclare que si la Grèce suspendait le paiement de la dette, elle devrait sortir de la zone euro et se retrouverait du coup à l’âge de pierre. Varoufakis explique que, par ailleurs, les personnes qui ont pris cette initiative sont bien sympathiques et bien intentionnées et qu’en principe, il est favorable à l’audit mais que dans les circonstances dans lesquelles la Grèce se trouve, celui-ci n’est pas opportun. Dans ce long texte, Varoufakis donne également son avis critique sur le documentaire Debtocracy.

En mars 2011 était lancé le comité grec d’audit de la dette (ELE). C’est le résultat de gros efforts de convergence entre des personnes qui se connaissaient à peine ou pas du tout quelques semaines ou mois auparavant. Le processus de création a été stimulé par l’ampleur de la crise en Grèce.

Le documentaire Debtocracy diffusé à partir d’avril 2011 et dans lequel Hugo Arias (économiste équatorien qui a été l’un des principaux animateurs de la commission d’audit créée en 2007 par le président Rafael Correa) et moi-même intervenons longuement, a permis de donner un très grand écho à la proposition d’audit citoyen de la dette et à la nécessité et au bienfondé d’annuler la partie illégitime et odieuse de celle-ci |7|. Dans les 6 premières semaines de la sa diffusion sur internet, Debtocracy a été téléchargé par plus d’un million et demi de Grecs.

Parmi les personnalités grecques qui ont signé l’appel en 2011, on retrouve Euclide Tsakalotos (devenu ministre des finances du gouvernement Tsipras, en remplacement de Yanis Varoufakis, à partir de début juillet 2015, il a gardé ce portefeuille ministériel dans le deuxième gouvernement Tsipras mis en place fin septembre 2015), Panagiotis Lafazanis (un des principaux dirigeants de la plate-forme de gauche dans Syriza, ministre de l’énergie dans le gouvernement Tsipras entre janvier et le 16 juillet 2015, leader de l’Unité populaire, créée fin août 2015 par le secteur qui a quitté Syriza en s’opposant au 3e mémorandum), Nadia Valavani (membre également de la plate-forme de gauche, vice-ministre des finances du 27 janvier au 15 juillet 2015, membre également de l’Unité populaire), Sofia Sakorafa (élue eurodéputée Syriza en mai 2014 et siégeant comme indépendante depuis septembre 2015 car en désaccord avec la capitulation), Georges Katrougalos (vice-ministre de la réforme administrative de janvier 2015 à juillet 2015, devenu ensuite ministre du travail à partir de août 2015, reconduit dans les mêmes fonctions dans le cadre du 2e gouvernement formé par Alexis Tsipras. A partir de novembre 2016, il a occupé la fonction de vice-ministre des affaires étrangères), Notis Maria (élu eurodéputé en mai 2014 sur la liste du parti souverainiste de droite Anel, siégeant comme indépendant depuis janvier 2015).

Varoufakis ne mentionne pas non plus la conférence internationale réalisée à Athènes en mars 2011 par Synaspismos (la principale composante de Syriza présidée par Alexis Tsipras) et par le Parti de la Gauche européenne, à laquelle il a pourtant lui-même participé. Au cours de cette conférence ont pris la parole Alexis Tsipras, Oskar Lafontaine (ex-ministre social-démocrate des Finances en Allemagne, un des fondateurs de Die Linke), Pierre Laurent (dirigeant du PCF et du Parti de la Gauche Européenne), Mariana Mortagua du Bloc de Gauche au Portugal, Euclide Tsakalotos, Yannis Dragasakis, moi-même et plusieurs autres invités.

À cette conférence, ma communication a porté sur les causes de la crise, l’importance vitale de réduire radicalement la dette par des mesures d’annulation liées à la réalisation d’un audit de la dette avec participation citoyenne |8|.

Il y avait 600 ou 700 participants et plusieurs des communications ont été rassemblées dans un livre publié en anglais par l’institut Nikos Poulantzas sous le titre The Political Economy of Public Debt and Austerity in the EU |9|. Si je mentionne cette conférence, c’est pour indiquer qu’à l’époque, il était évident de mettre au programme une intervention sur la nécessité de l’audit de la dette, thème qui est totalement évacué par Varoufakis, tant dans l’orientation qu’il a défendu que dans la narration de ce qui s’est passé en 2011.

En mai 2011, la conférence internationale d’appui à l’audit citoyen de la dette grecque qui s’est tenue à Athènes a remporté un franc succès, avec l’affluence de près de 3 000 personnes réparties sur les 3 jours. Le CADTM faisait partie des organisations qui ont convoqué cette réunion. Pendant cette conférence, j’ai coordonné le premier panel de discussion auquel ont participé notamment Nadia Valavani |10|, qui est devenue plus tard vice-ministre des Finances du gouvernement Tsipras 1, et Leonidas Vatikiotis. Le CADTM avait contribué, avec les organisateurs grecs et d’autres mouvements non grecs, à convaincre un nombre significatif d’organisations d’Europe de soutenir la conférence et d’adopter collectivement une déclaration qui garde toute sa valeur (voir encadré).

Déclaration de la Conférence d’Athènes sur la dette et l’austérité adoptée en mai 2011 (extraits)Nous appelons à soutenir :

• L’audit démocratique des dettes comme un pas concret en direction de la justice en matière d’endettement. Les audits de la dette avec participation de la société civile et du mouvement syndical, tels que l’Audit citoyen de la dette au Brésil, permettent d’établir quelle part de la dette publique sont illégales, illégitimes, odieuses ou simplement insoutenables. Ils offrent aux travailleurs/euses les connaissances et l’autorité nécessaires au refus de payer la dette illégitime. Ils encouragent également la responsabilité, la reddition de comptes et la transparence dans l’administration du secteur public. Nous exprimons notre solidarité avec les audits en Grèce et en Irlande et nous tenons prêts à y apporter notre aide en termes pratiques.

• Des réponses souveraines et démocratiques à la crise de la dette. Les gouvernements doivent répondre en premier lieu à leur peuple, et non aux institutions de l’UE ou au FMI. Les peuples de pays comme la Grèce doivent décider quelles politiques sont à même d’améliorer leurs chances de reprise et de satisfaire leurs besoins sociaux. Les États souverains ont le pouvoir d’imposer un moratoire sur le remboursement si la dette détruit les moyens de subsistance des travailleurs/euses. L’expérience de l’Équateur en 2008-9 et de l’Islande en 2010-11 montre qu’il est possible de donner des réponses radicales et souveraines au problème de la dette, y compris en répudiant sa part illégitime. La cessation de paiements justifiée par l’état de nécessité est même reconnue légale par des résolutions de l’ONU.

• Une restructuration économique et une redistribution, pas d’endettement. La domination des politiques néolibérales et le pouvoir de la finance internationale ont mené à une croissance faible, des inégalités croissantes, et à des crises majeures tout en sapant les processus démocratiques. Il est impératif de changer les fondements des économies par des programmes de transition qui comprennent le contrôle sur les capitaux, une régulation stricte des banques et même leur transfert au secteur public, des politiques industrielles qui reposent sur des investissements publics, le contrôle public des secteurs stratégiques de l’économie et le respect de l’environnement. Le premier objectif doit être de protéger et d’augmenter l’emploi. Il est aussi crucial que les pays adoptent des politiques redistributives radicales. La base d’imposition doit être étendue et devenir plus progressive en taxant le capital et les riches, permettant ainsi la mobilisation de ressources internes comme alternative à l’endettement. La redistribution doit aussi inclure la restauration des services publics de santé, d’éducation, de transport et des retraites ainsi que renverser la pression à la baisse sur les salaires.

Il s’agit là des premiers pas vers la satisfaction des besoins et aspirations des travailleurs/euses, mesures qui par ailleurs renverseraient le rapport de forces au détriment du grand capital et des institutions financières. Elles permettraient aux peuples d’Europe, et plus largement du monde entier, de maîtriser davantage leurs moyens de subsistance, leurs vies et le processus politique. Elles offriraient également de l’espoir à la jeunesse d’Europe dont l’avenir semble aujourd’hui bien sombre, avec peu d’emplois, des salaires bas et l’absence de perspectives. Pour ces raisons, soutenir la lutte contre la dette en Grèce, en Irlande, au Portugal et dans d’autres pays d’Europe est dans l’intérêt des travailleurs/euses, où qu’ils/elles se trouvent.

Athènes, le 8 mai 2011

La déclaration est signée par : Initiative pour une Commission d’audit grecque (ELE)
European Network on Debt and Development (Eurodad)
Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM)
The Bretton Woods Project, Grande-Bretagne
Research on Money and Finance, Grande-Bretagne
Debt and Development Coalition Irlande
Afri – Action from Ireland
WEED – World Economy Environment Development, Allemagne
Jubilee Debt Campaign, Grande-Bretagne
Observatorio de la Deuda en la Globalización, Espagne

Source : http://www.cadtm.org/Declaration-de-la-Conference-d

Lors d’une discussion que Varoufakis et moi avons eue le 9 novembre 2016 à Athènes |11|, je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas soutenu l’initiative d’audit citoyen de la dette à partir de 2011. Il m’a répondu que cette initiative n’était pas bonne car elle remettait en cause la légitimité et la légalité de la dette. Selon lui, il n’y avait pas lieu de remettre en cause la légalité ou la légitimité de la dette grecque.

Varoufakis a adopté une position d’économiste borné qui ne voit la dette qu’en termes de soutenabilité financière et d’accès aux sources de financement. Il n’a pas du tout saisi l’importance de l’audit citoyen. Alors que dans son livre il insiste sur l’importance du mouvement d’occupation des places qui a eu lieu en juin-juillet 2011 en Grèce, il ne s’est pas aperçu de l’écho que l’initiative d’audit citoyen a obtenu au cours de ce puissant mouvement.

J’ai donc été témoin direct du refus de Varoufakis de soutenir l’audit citoyen en 2011 et j’ai constaté sa capacité à convaincre James Galbraith de ne pas signer l’appel international que nous avions lancé avec Costas Lapavitsas. Après avoir lu attentivement le livre de Varoufakis, je suis convaincu qu’il est intervenu activement pour convaincre Tsipras, au moins à partir de mai-juin 2012, d’abandonner le soutien à l’audit de la dette et à la revendication de la suspension du paiement de la dette pendant la réalisation de l’audit.

Au sein de la direction de Syriza et des conseillers économiques de Tsipras, plusieurs personnes clés étaient également opposées à l’audit de la dette et à la suspension de paiement. Yannis Dragasakis, un des responsables de Syriza en matière économique (devenu vice-premier ministre dans les gouvernements Tsipras I et II) n’y était pas favorable, il l’avait déclaré à Giorgos Mitralias lorsque celui-ci avait tenté de le convaincre dès 2010 de soutenir la perspective de la création d’une commission d’audit. Georges Stathakis de l’équipe d’économistes qui entourait Tsipras avait, de son côté, déclaré à la presse qu’il n’y avait pas de quoi soulever la question de la dette odieuse dans le cas de la Grèce car la partie odieuse ne représentait pas plus de 5 % de la dette totale. Stathakis est ministre de l’Economie du gouvernement Tsipras II.

Fin 2011, renforcement de la collaboration de Varoufakis avec Tsipras et Pappas

Fin 2011, Varoufakis a été recontacté par Pappas pour avoir un nouvel entretien.

  • « Ce deuxième rendez-vous, comme ceux qui allaient suivre, m’a surpris en bien : Alexis était transformé. Finies la complaisance, les luttes internes de Syriza qui l’obsédaient et la désinvolture vis-à-vis du Grexit. Il avait fait ses devoirs […]. Il m’a même annoncé fièrement qu’il avait engagé un professeur d’anglais et progressait. […] L’avantage le plus évident de ces discussions fut la clarification et la mise au point de notre objectif commun. »

2012, Varoufakis aide Tsipras à trouver un écho dans le milieu démocrate aux États-Unis

Varoufakis, alors qu’il travaillait aux États-Unis, a tenté d’ouvrir des portes à Tsipras dans les milieux Démocrates.

Varoufakis explique que son séjour au Texas « [lui] a aussi permis de construire un pont entre Washington et [ses]nouveaux amis de Syriza, qui n’étaient pas des alliés naturels des États-Unis. » Il explique : « Comme il y avait des chances qu’un gouvernement Syriza provoque un affrontement violent avec l’Allemagne, la Commission européenne et la BCE, la dernière chose dont Alexis et Pappas avaient besoin était de se retrouver face à une administration américaine hostile. De 2012 à 2015, grâce à l’aide de Jamie Galbraith et à son réseau, j’ai tout fait pour convaincre les leaders d’opinion américains et l’administration Obama qu’ils n’avaient rien à craindre d’un éventuel gouvernement Syriza, dont la priorité serait de libérer la Grèce d’une dette écrasante. »

Varoufakis contre le programme électoral de Syriza de mai-juin 2012

Varoufakis résume sa position :

  • « Je voulais que Syriza présente un programme simple, progressiste, pro-européen, cohérent et non populiste, un socle sur lequel on pourrait bâtir l’image d’un gouvernement crédible, qui négocierait un autre plan avec l’UE et le FMI. Alexis et Pappas inclinaient vers un programme politique différent, qui optimisait les gains électoraux à court terme aux dépens (d’après moi) d’une cohérence logique à long terme. En 2012, quand j’ai découvert la partie politique économique du manifeste électoral de Syriza, j’étais tellement irrité que je ne suis pas allé jusqu’au bout. Le lendemain, un journaliste de la télévision grecque m’a demandé de le commenter. J’ai dit que j’aurais tendance à soutenir Syriza, mais je ne voterais pour eux que si je pouvais modifier le programme économique. »

Que contenait le programme électoral de Syriza qui irritait tant Varoufakis ?

Le programme de Syriza en 40 points pour les élections du 6 mai 2012

Le programme de Syriza était clairement radical, il contenait une quarantaine de points. Le premier point portait sur la dette et était libellé comme suit : Audit de la dette publique, renégociation des intérêts à payer et suspension des paiements jusqu’à ce que la croissance économique et la création d’emplois aient repris.

Parmi les autres mesures, on peut mettre en exergue, à côté d’une série de mesures d’urgence pour faire face à la crise humanitaire : l’augmentation de l’impôt sur le revenu à 75 % de prélèvement sur tous les revenus supérieurs à 500 000 euros ; l’augmentation des impôts sur les grandes entreprises ; l’abolition des privilèges financiers de l’Église et des armateurs ; la réduction drastique des dépenses militaires ; l’augmentation du salaire minimum afin de le ramener au niveau d’avant le mémorandum de 2010 (soit 750 euros par mois) ; l’utilisation des bâtiments du gouvernement, des banques et de l’Église pour les sans-abri ; la nationalisation des banques ; la nationalisation des entreprises publiques qui ont été privatisées dans des secteurs stratégiques pour la croissance du pays ; des mesures pour restaurer les droits des travailleurs et les améliorer ; l’adoption de réformes constitutionnelles pour garantir la séparation de l’Église et l’État ; la réalisation de référendums sur les traités et autres accords avec l’Europe ; l’abolition des privilèges pour les députés ; la suppression de l’immunité pour les ministres et l’autorisation pour les tribunaux d’engager des poursuites contre des membres du gouvernement ; des mesures de protection des réfugiés et des migrants ; l’augmentation du financement de la santé publique de manière à l’amener à la moyenne européenne (la moyenne européenne est de 6 % du PIB tandis qu’en Grèce elle était de 3 %) ; la gratuité des soins de santé publics nationaux ; la nationalisation des hôpitaux privés ; l’élimination de la participation du secteur privé dans le système national de santé ; le retrait des troupes grecques de l’Afghanistan et des Balkans ; l’abolition de la coopération militaire avec Israël ; le soutien à la création d’un État palestinien dans les frontières de 1967 ; la négociation d’un accord stable avec la Turquie et last but not least : la fermeture de toutes les bases étrangères en Grèce et retrait de l’OTAN |12|.

Avec ce programme, Syriza, qui ajoute le mot d’ordre « Pas de sacrifice pour l’euro », voit multiplier par 4 son résultat électoral entre 2009 et mai 2012, passant de 4 % à 16 %.

Le programme de Syriza de 2012 est tout à fait intéressant et utile. Il contient les principales mesures à mettre effectivement en pratique.

Il y avait néanmoins des points faibles :

- Il n’y a pas de hiérarchisation dans les 40 points, or il s’agit d’avancer ce qu’un gouvernement fera en premier (disons dans les 100 ou les 200 premiers jours). Le programme n’est pas présenté de manière opérationnelle. Or il est important de présenter une feuille de route précisant comment ce gouvernement prévoyait de réaliser les objectifs fixés. Dans ce cas, il est aussi important de présenter un plan A et un plan B. Le plan A est le premier qui sera appliqué et le plan B est une solution de recours si plusieurs obstacles empêchent la réalisation du plan A. Exemple : le plan A propose une réduction très importante de la dette passant par un accord à l’amiable avec les créanciers (c’est ce que proposait le programme de Thessalonique adopté en 2014 – voir plus loin). Si les créanciers du pays refusent cette réduction radicale de la dette, il s’agit de dire dans les grandes lignes ce que ferait le gouvernement dans le cadre d’un plan B (suspension du paiement de la dette, audit de la dette à participation citoyenne, mesures ciblées de répudiation de dette – voir plus loin).

- On y affirme la nécessité de réformes constitutionnelles, mais sans dire s’il faut convoquer des élections générales pour élire une assemblée constituante. Or, se prononcer sur la manière de réaliser des réformes constitutionnelles est très important. Ce n’est pas du tout la même chose de trouver une majorité qualifiée à l’intérieur du parlement tel qu’il est constitué que de d’initier une démarche ouverte à toute la société en passant par la convocation d’une assemblée constituante.

Les élections de mai 2012 en Grèce ne permettent pas à un parti ou à une coalition de partis de constituer un gouvernement, ce qui conduit à de nouvelles élections dès le mois de juin 2012. Entre les deux élections, Tsipras avance 5 propositions concrètes pour entamer des négociations avec les partis opposés à la Troïka (sauf Aube dorée qui, bien qu’opposé au mémorandum, est exclu) : 1. l’abolition de toutes les mesures antisociales (y compris les réductions des salaires et des retraites) ; 2. l’abolition de toutes les mesures qui ont réduit les droits des travailleurs en matière de protection et de négociation ; 3. l’abolition immédiate de l’immunité des parlementaires et la réforme du système électoral ; 4. un audit des banques grecques ; 5. la mise sur pied d’une commission internationale d’audit de la dette combinée à la suspension du paiement de la dette jusqu’à la fin des travaux de cette commission.

Lors des élections de juin 2012, Syriza a obtenu 26,5 % des voix avec cette orientation radicale que remettait en cause Varoufakis.

Malgré le désaccord de Varoufakis avec le programme de Syriza de 2012, Tsipras et Pappas lui demandent de rédiger un programme de gouvernement

Entre les deux élections, Varoufakis a été recontacté par Pappas et une nouvelle rencontre a lieu avec Tsipras. Pappas lui déclare :

  • « – Tu te rends compte, que, si on gagne, c’est toi qui va mener les négociations avec l’UE et le FMI ! »

Pappas demande à Varoufakis de préparer un document expliquant les grandes lignes de la meilleure stratégie de négociation au cas où Syriza remporterait les élections le 17 juin, trois semaines plus tard.
Varoufakis se met au travail le soir même et il développe l’idée que le capital des banques grecques doit passer sous contrôle européen.

Selon Varoufakis, il convenait de transformer « les contribuables européens en propriétaires des banques grecques : de facto les banques ne seraient plus sous la responsabilité de l’Etat, mais soutenues par le peuple européen ; et en demandant aux institutions européennes de les gérer pour eux. C’était la seule façon de restaurer la confiance dans les banques. » Comme indiqué dans la première partie de cette série, en proposant de transférer à l’UE les actions détenues par les pouvoirs publics grecs dans les banques du pays, Varoufakis réalisait un pas supplémentaire et dramatique vers l’abandon complet de souveraineté.

Selon Varoufakis, cela faciliterait la restructuration de la dette publique.

Il ajoutait une seconde proposition : « Deuxièmement, tout remboursement de la dette à l’UE et au FMI devait être soumis à une condition : que la relance du pays soit un minimum avérée. C’était la seule façon de permettre à l’économie nationale de redémarrer. »

Il est important de préciser que pour Varoufakis la suspension du paiement de la dette envisagée plus haut fait partie de la négociation. Cette suspension devait être autorisée par les créanciers et ne pas constituer un acte souverain. Varoufakis poursuit l’évocation de sa chimère : « S’ils étaient activés de concert, ces deux leviers de restructuration annonceraient une nouvelle ère : l’UE et le FMI ne seraient plus comme Ebenezer Scrooge, l’avare du Conte de Noël de Dickens. Ce seraient de vrais partenaires, engagés à promouvoir le rétablissement de la Grèce, sans lequel leurs prêts de renflouement seraient de toute façon largement décotés. »

Au lieu de suspendre unilatéralement le paiement de la dette, Varoufakis propose de refuser tout nouveau crédit : « si vous êtes prêts à proposer des conditions raisonnables et sensées, tout en refusant de nouveaux prêts […], l’UE et le FMI accepteront de s’asseoir autour d’une table avec vous – ça leur coûtera trop cher de refuser, financièrement et politiquement. »

Tsipras dubitatif face à la proposition de Varoufakis concernant les banques grecques

  • « – Tu voudrais que j’annonce qu’on file les banques grecques aux étrangers ? Comment veux-tu que je vende ça à Syriza ? » lui a demandé Tsipras au cours d’une rencontre ultérieure au QG du parti.
  • « – C’est exactement ce que tu dois faire. » (…)
  • Alexis a pigé. Ce qui ne veut pas dire que l’idée lui plaisait. D’autant que le comité central de Syriza penchait naturellement vers la nationalisation des banques. »
  • Tsipras objecta quand même qu’ « un gouvernement qui n’aurait aucun pouvoir sur les banques commerciales opérant en Grèce ne pourrait jamais mettre en œuvre une politique industrielle ni un plan de développement et de reconstruction. Comment faire avaler la pilule au comité central ? »
  • Varoufakis, voyant que Tsipras « avait marqué un point », rétorqua : « Comme nous sommes de vrais internationalistes et de vrais Européens progressistes, nous arracherons les banques en faillite aux Grecs corrompus pour les confier aux Européens ordinaires, aux citoyens qui injectent leur argent dans ces banques. »

Les contacts décrits par Varoufakis ont eu lieu après les élections générales qui se sont tenues le 6 mai 2012.

Vu l’impossibilité de constituer un gouvernement, de nouvelles élections générales ont été convoquées pour le 17 juin 2012.

Varoufakis explique que, lorsqu’il prend connaissance du discours de Tsipras du 24 mai dans lequel celui-ci détaille la politique économique de Syriza, il se rend compte qu’un abîme sépare ce qui était proposé et ce qui pouvait être concrètement mis en œuvre dans la zone euro. « Dans l’heure qui a suivi, j’ai envoyé un mail cuisant à Alexis et Pappas en soulignant tous les défauts de construction de leurs promesses […]. »

Tsipras prend un tournant à droite qui le rapproche un peu plus de Varoufakis après les élections de mai – juin 2012

J’apporte ma contribution au récit de Varoufakis sur la base du contact direct que j’ai eu avec Tsipras en octobre 2012.

En l’espace de quelques mois, l’engagement à réaliser un audit de la dette et à suspendre le paiement pendant sa réalisation a progressivement disparu du discours de Tsipras et des autres dirigeants de Syriza. Cela s’est fait discrètement et la cinquième mesure proposée par Tsipras en mai 2012 a été remplacée par la proposition de réunir une conférence européenne pour, notamment, réduire la dette grecque.

Au cours d’une entrevue avec Tsipras, début octobre 2012, mes doutes sur son changement d’orientation ont été confirmés. Deux jours avant, le Wall Street Journal avait publié les notes secrètes de la réunion du FMI du 9 mai 2010 qui indiquaient explicitement qu’une dizaine de membres de la direction du FMI (comprenant 24 membres) était contre le Mémorandum en assumant que cela n’allait pas marcher, parce que c’était un sauvetage des banques françaises et allemandes et non un plan d’aide à la Grèce. J’ai dit à Tsipras et à son conseiller économique : « Vous avez là un argument en béton pour aller contre le FMI, parce que si on a la preuve que le FMI savait que son programme ne pouvait pas marcher et savait que la dette ne serait pas soutenable, on a le matériau permettant de porter le fer sur l’illégitimité et l’illégalité de la dette. » Tsipras m’a répondu : « Mais écoute… le FMI prend ses distances par rapport à la Commission européenne. » J’ai bien vu qu’il avait en tête que le FMI pourrait être un allié de Syriza au cas où Syriza accéderait au gouvernement.

J’ai également dit à Tsipras que j’avais constaté qu’il ne parlait plus des cinq propositions qu’il avait avancées comme prioritaires après les élections de mai 2012 et que la question de l’audit n’était plus mise en avant. Il m’a répondu sans conviction qu’il maintenait ces cinq propositions et qu’il ne fallait pas s’en faire là-dessus.

Le lendemain, Tsipras et moi avons donné une conférence publique devant 3 000 personnes lors du premier festival de la jeunesse de Syriza. Je me suis rendu compte que mon discours qui insistait sur la nécessité d’adopter une orientation radicale à l’échelle européenne n’était pas apprécié par lui |13|.

Je suis convaincu que c’est après les élections de mai-juin 2012 que Tsipras et Pappas ont vraiment fait le choix de miser sur Varoufakis pour faire partie d’un gouvernement. Jusque-là, ils le rencontraient pour puiser des idées et ensuite réfléchir tous les deux sur la façon de s’émanciper des décisions de Syriza.

Varoufakis revient sur sa collaboration avec Tsipras et Pappas début 2013

Varoufakis raconte qu’il a rédigé le discours que Tsipras a prononcé à la Brookings Institution, un think tank basé à Washington, assez proche des Démocrates. Varoufakis résume le discours en deux points. Premièrement, Syriza était un parti pro-européen qui ferait tout pour que la Grèce reste dans la zone euro ; pour rester dans la zone euro et pour que celle-ci survive, il fallait un nouveau plan dont la priorité des priorités était la restructuration de la dette, suivie par des réformes qui mineraient l’emprise de l’oligarchie grecque sur l’économie. Deuxièmement, les États-Unis n’avaient rien à craindre de la politique économique ou étrangère d’un éventuel gouvernement Syriza.

Cette orientation défendue par Varoufakis et assumée par Tsipras était clairement en opposition au programme de Syriza qui promettait la sortie de la Grèce de l’Otan.

Varoufakis rencontre l’équipe des économistes de Syriza en mai 2013

En mai 2013, à Athènes, Varoufakis fait connaissance avec l’équipe d’économistes de Tsipras.

  • « Outre Pappas et Dragasakis, ministre des Finances fantôme, elle comprenait deux autres députés Syriza que je connaissais et que j’aimais bien : Euclide Tsakalotos, collègue et ami de l’Université d’Athènes, et George Stathakis, professeur d’économie de l’Université de Crète. »

Il explique qu’il leur a soumis la proposition de programme que Tsipras lui avait demandée.

  • « Ils étaient tous en ébullition, ce qui montrait que j’avais réussi à dissuader Alexis de viser le Grexit et de le brandir comme une menace. J’ai perdu beaucoup d’amis de la gauche au sens large et de Syriza, qui ne m’ont jamais pardonné d’avoir contribué à exclure le Grexit des objectifs de Syriza. En revanche, la garde rapprochée des économistes d’Alexis avait à cœur de trouver une solution viable au sein de la zone euro. »

Une nouvelle « conférence de Londres » ? L’espoir de coopération internationale versus « l’action souveraine unilatérale »

Je reviens avec un témoignage personnel qui a trait à la deuxième réunion de travail que j’ai eue avec Tsipras. Elle s’est déroulée à Athènes fin octobre dans son bureau de député dans l’enceinte du parlement grec. Une des initiatives que souhaitait prendre Alexis Tsipras était de convoquer une grande conférence internationale sur la réduction de la dette à Athènes en mars 2014. Tsipras, sous la pression de Sofia Sakorafa, qui était députée Syriza depuis 2012, m’a rencontré une nouvelle fois en octobre 2013 et m’a demandé de contribuer à la tenue d’une telle conférence en convaincant une série de personnalités internationales de répondre positivement à l’invitation. J’ai dressé une liste de participants et nous en avons discuté avec Alexis Tsipras, Sofia Sakorafa et Dimitri Vitsas, secrétaire général de Syriza à l’époque. J’avais proposé d’inviter à cette conférence des personnalités comme Rafael Correa, Diego Borja (ex-directeur de la Banque centrale de l’Équateur), Joseph Stiglitz, Noam Chomsky, Susan George, David Graeber, Naomi Klein… ainsi que des membres de la commission d’audit de la dette équatorienne qui avaient travaillé avec moi en 2007 et 2008. J’ai remarqué que sur la liste que j’avais dressée, Rafael Correa ne l’intéressait pas du tout. Par contre, il aurait voulu l’ex-président du Brésil, Lula, et la présidente de l’Argentine, Cristina Fernandez. Pour lui, l’Équateur, c’était trop radical. Et, bien sûr, il voulait Joseph Stiglitz et James Galbraith, ce qui était justifié. Mais, dans sa tête, ce n’était pas du tout pour créer une commission d’audit, c’était pour convoquer les différents pays membres de l’Union européenne à une conférence européenne sur la dette, à l’image de l’accord de Londres de 1953, lorsque les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont concédé une réduction de dette très importante à l’Allemagne de l’Ouest et des conditions de remboursement très avantageuses. Je lui ai dit qu’il n’y avait aucune chance que cela se réalise. Comme dirigeant de Syriza, il avait parfaitement la légitimité d’avancer ce plan A, mais il était impensable que Draghi, Hollande, Merkel, Rajoy y consentent. Je lui ai dit qu’il fallait un plan B, dans lequel il devait y avoir la commission d’audit. Je l’ai également déclaré dans la presse grecque. Voici un extrait de mon interview que le Quotidien des Rédacteurs, proche de Syriza, a publié en octobre 2014 quasiment le jour où la réunion avec Tsipras a eu lieu. Le journaliste m’avait demandé ce que je pensais de la conférence européenne sur la dette que proposait Alexis Tsipras en se basant sur la conférence de Londres de 1953 et j’ai répondu : « Il s’agit donc d’une demande légitime […] mais vous ne pourrez pas convaincre les gouvernements des principales économies européennes et les institutions de l’UE de le faire. Mon conseil est le suivant : la dernière décennie nous a montré qu’on peut arriver à des solutions équitables en appliquant des actes souverains unilatéraux. Il faut désobéir aux créanciers qui réclament le paiement d’une dette illégitime et imposent des politiques qui violent les droits humains fondamentaux, lesquels incluent les droits économiques et sociaux des populations. Je pense que la Grèce a de solides arguments pour agir et pour former un gouvernement qui serait soutenu par les citoyens et qui explorerait les possibilités dans ce sens. Un tel gouvernement populaire et de gauche pourrait organiser un comité d’audit de la dette avec une large participation citoyenne, qui permettrait de déterminer quelle partie de la dette est illégale et odieuse, suspendrait unilatéralement les paiements et répudierait ensuite la dette identifiée comme illégitime, odieuse et/ou illégale |14|. »

Finalement, Alexis Tsipras m’a proposé de préparer avec lui et Pierre Laurent, président à l’époque du Parti de la Gauche européenne, une conférence européenne dont un des thèmes serait la dette. Elle devait se tenir en mars 2014 à Athènes. Cela ne s’est pas concrétisé car, lors d’une réunion tenue en décembre 2013 à Madrid, le Parti de la Gauche européenne a décidé de convoquer une conférence à Bruxelles, à la place d’Athènes, au printemps 2014.

Lors de cette conférence de Bruxelles qui a eu très peu de répercussions et où étaient présents entre autres Alexis Tsipras, Pierre Laurent ainsi que Gabi Zimmer (membre de Die Linke et présidente du groupe parlementaire de la GUE/NGL au parlement européen), j’ai participé comme conférencier à un panel avec Euclide Tsakalotos qui allait devenir le ministre des Finances d’Alexis Tsipras à partir de juillet 2015 |15|. Je me suis rendu compte dès ce moment que Tsakalotos n’était absolument pas favorable à un plan B portant sur la dette, les banques, la fiscalité. Son plan était de négocier à tout prix avec les institutions européennes pour obtenir une réduction de l’austérité sans recourir à la suspension de paiement de la dette et à l’audit. Lors de cette conférence, j’ai de nouveau argumenté en faveur d’un plan B qui devait inclure l’audit et la suspension de paiement de la dette.

La discussion sur la nécessité d’un plan B ne date donc pas de 2015, elle remonte clairement aux années 2013-2014. Le noyau dirigeant autour de Tsipras a décidé d’exclure la préparation d’un plan B et s’est accroché à un plan A irréalisable.

Revenons au récit présenté par Varoufakis. Quelques jours après la rencontre que j’ai eue fin octobre à Athènes avec Tsipras, celui-ci s’est rendu au Texas à un séminaire organisé par Varoufakis et son ami et collègue James Galbraith.

Novembre 2013, Varoufakis organise la venue de Tsipras à l’université Lyndon B. Johnson à Austin, au Texas

  • « En novembre 2013, Jamie et moi avons organisé un colloque de deux jours à l’Université du Texas sur le thème « La zone euro peut-elle être sauvée ? » Alexis, Pappas et Stathakis, très attendus, devaient intervenir. Le but était de présenter les trois dirigeants de Syriza à quelques figures des élites européenne et américaine, à des dirigeants de syndicats, des universitaires et des journalistes. […]
  • Au cours du colloque, Pappas et lui ont assisté à un débat particulièrement houleux entre ma pomme et Heiner Flassbeck, un économiste allemand de gauche, ancien ministre des Finances du gouvernement Schroeder. Flassbeck affirmait qu’il était impossible de libérer la Grèce de sa prison pour dettes tout en la maintenant dans la zone euro. Un gouvernement Syriza devait viser le Grexit, disait-il, en tout cas c’était la meilleure menace à brandir contre ses créanciers – c’était d’ailleurs le point de vue de la Plateforme de gauche, une faction de Syriza qui comptait parmi ses membres un tiers du comité central du parti. Ce jour-là, à Austin, j’ai acquis la conviction qu’Alexis n’était pas d’accord avec cette analyse ; si quelqu’un menaçait le pays du Grexit, ça devait être la troïka, pas Syriza. »

Juin 2014, nouvelle rencontre avec l’équipe des économistes de Tsipras

« Ce mois de juin 2014, rentré en Grèce pour les vacances d’été, j’ai retrouvé Alexis et sa petite bande d’économistes pour les prévenir qu’une nouvelle menace se profilait. » Varoufakis explique qu’il les a mis en garde contre l’action que la BCE comptait mener à partir de début 2015 : fermer le robinet des liquidités aux banques de certains pays de la zone euro et ne leur ouvrir que le robinet des liquidités d’urgence. Cela visait notamment la Grèce.

  • « Deux jours plus tard, j’ai eu un nouveau rendez-vous avec Alexis et Pappas.
  • – Tu te rends compte que tu es le seul à pouvoir superviser la mise en œuvre de la stratégie que tu proposes ? m’a demandé Pappas. Tu es prêt ? »
  • Varoufakis continue : « Une semaine plus tard, Wassily Kafouros, un ami que j’avais connu quand j’étais étudiant en Angleterre, a semé de nouveaux doutes dans mon esprit. D’après lui, j’étais la dernière personne à ignorer que Dragasakis était extrêmement proche des banquiers.
  • – Quelle preuve tu as, Wassily ?
  • – Je n’ai pas de preuves mais ça se sait, il est connu pour entretenir d’excellentes relation avec les banquiers, depuis son passage au Parti.
  • Je pensais que c’était une accusation infondée »

Varoufakis montrait clairement sa méconnaissance de Syriza et de ses dirigeants. En effet, Dragasakis avait depuis des années des liens avec les banquiers. Lui-même avait été administrateur d’une banque commerciale de taille moyenne. Il fait en quelque sorte le pont entre Tsípras et les banquiers. Syriza était une formation nouvelle, et donc ses leaders politiques avaient relativement peu d’enracinement dans les sphères étatiques – contrairement, par exemple, au PASOK dont l’histoire est liée à la République et à la gestion des affaires de l’État. Alors qu’avant janvier 2015, parmi les dirigeants de Syriza, aucun n’avait occupé une fonction dans l’État, le seul à avoir été ministre à un moment donné, pendant quelques mois en 1989, était… Dragasakis. Il s’agissait d’un gouvernement de coalition entre le parti de droite Nouvelle démocratie et le Parti communiste (KKE) dont Dragasakis faisait partie à l’époque. Dragasakis était clairement opposé à ce qu’on touche aux intérêts des banques privées grecques, il était également opposé à l’audit de la dette et à une suspension de paiement. Il était favorable au maintien dans la zone euro.

Août 2014, les doutes sur Dragasakis et la volonté de changer le programme de Syriza

En août 2014, Varoufakis finit par faire part de ses doutes sur Dragasakis.

  • « – Ecoute, Alexis, j’ai entendu dire que Dragasakis est extrêmement proche des banques. Et, plus généralement, qu’il ferait semblant de trouver une issue, alors qu’il cherche à maintenir le statu quo.
  • Il ne m’a pas répondu tout de suite. Il a regardé au loin vers le Péloponnèse avant de se retourner en lâchant :
  • – Non, je ne pense pas. C’est bon.
  • J’étais déconcerté par son laconisme. Est-ce parce qu’il avait aussi des doutes mais préférait croire à la probité d’un camarade plus âgé ? Était-ce une façon d’ignorer ma question ? Aujourd’hui encore je ne sais pas. Sur le moment il m’a dit que je n’avais pas le choix : de toute façon, je serais amené à jouer un rôle essentiel dans les négociations. »

Varoufakis confirme que Tsipras peut compter sur lui mais pose une condition : il veut pouvoir intervenir dans l’élaboration du programme économique de Syriza avant les élections. Tsipras accepte.

Varoufakis : contre le programme de Thessalonique de septembre 2014

« Un mois plus tard, j’étais à Austin quand j’ai entendu aux informations qu’Alexis avait présenté les grandes lignes de la politique économique de Syriza dans un discours à Thessalonique. Surpris, je me suis procuré le texte et je l’ai lu. Une vague de nausée et d’indignation m’a submergé. » Varoufakis fait une déclaration publique pour critiquer durement le programme et s’attend à ce que cela mette fin à la collaboration avec Tsipras.

Coup de théâtre, Pappas lui téléphone, gai comme un pinson, comme si de rien n’était en lui proposant une nouvelle rencontre. Varoufakis exprime son étonnement et Pappas lui répond : « – Arrête, ça ne change rien. Le Programme de Thessalonique était un cri de ralliement pour nos troupes. Pas plus. On compte sur toi pour mettre en forme le vrai programme économique de Syriza. » Varoufakis consent dans ces conditions à poursuivre la collaboration et finira par accepter de devenir ministre des Finances. Il explique qu’à la réunion au cours de laquelle il a donné son accord, l’échange suivant a eu lieu :

  • « – Comme vous le savez, j’ai de sérieuses réserves sur le Programme de Thessalonique. J’ai même très peu de respect pour ce programme. Puisqu’il a été présenté au peuple grec comme votre profession de foi économique, je ne vois pas comment je pourrais, en toute honnêteté, endosser la responsabilité de le mettre en œuvre en tant que ministre des Finances.
  • Pappas a sauté sur l’occasion pour me dire et me redire qu’en aucun cas je ne devais considérer ce programme comme une contrainte.
  • – Tu n’es même pas membre de Syriza.
  • – D’accord, mais vous ne vous attendez pas à ce que je le devienne si j’accepte le poste ?
  • – Non, en aucune façon, est intervenu Alexis, dont la réponse était très étudiée. Je ne veux pas que tu sois membre de Syriza. Je ne veux pas que tu pâtisses des prises de décision collectives longues et alambiquées du parti. »

Conclusion

Varoufakis était un électron libre, sans influence dans Syriza (il n’en était pas membre). Tsipras considérait qu’il pourrait, en cas de nécessité, le démissionner sans provoquer de grands remous dans le parti. Le profil de Varoufakis correspondait au casting défini par Tsipras et Pappas : économiste universitaire, brillant, bon communicateur maniant la provocation et la conciliation avec le sourire, dominant parfaitement l’anglais.

Alexis Tsipras a décidé de fonctionner en petit comité dans le dos de son propre parti plutôt que de mettre en pratique une orientation politique décidée de manière collective au sein de Syriza et approuvée démocratiquement par la population grecque. Nommer Yanis Varoufakis ministre des Finances et lui recommander de ne pas devenir membre de Syriza correspondait à une logique de gouvernance technocratique selon laquelle la responsabilité de Varoufakis ne pourrait être engagée ni devant Syriza, ni devant les électeurs grecs, mais uniquement devant Alexis Tsipras et son petit cercle. Il est évident que l’absence de participation populaire et de mécanismes démocratiques dans l’élaboration de l’orientation politique allait à l’encontre de la nécessité, pour un gouvernement de gauche, de faire appel à la mobilisation populaire afin de mettre en pratique le programme politique radical sur lequel il s’était fait élire. Le rappel des événements intervenus entre 2011 et fin 2014 est indispensable pour comprendre ce qui s’est passé après la victoire électorale de Syriza en janvier 2015.

Fin de la troisième partie de la série « Le récit de la crise grecque par Yanis Varoufakis : un témoignage accablant pour lui-même »


Partie 1 : Les propositions de Varoufakis qui menaient à l’échec
Partie 2 : Le récit discutable de Varoufakis des origines de la crise grecque et ses étonnantes relations avec la classe politique

Notes

|1| Y. Varoufakis, Adults in the Room, Bodley Head, London, 2017, chap. 3, p. 57. Toutes les citations proviennent des chapitres 3 et 4. Le livre va paraître à l’automne 2017 en français chez l’éditeur Les Liens qui Libèrent. N’hésitez pas à passer commande chez votre libraire.

|2| Voir le texte de cette lettre dans James K. Galbraith, Crise grecque, tragédie européenne, Le Seuil, 2016, http://www.seuil.com/ouvrage/crise-…

|3| « Ouvrez les livres de comptes de la dette publique ! » http://cadtm.org/Ouvrez-les-livres-de-compte-de-la

|4| http://cadtm.org/Commission-Internationale-d-audit

|5| En 2011, Ethnos tis Kyriakis, de centre-gauche, était le troisième quotidien grec en termes de tirage (100 000 exemplaires). Version en grec de l’interview publiée le 9 janvier 2011 : http://www.ethnos.gr/article.asp?ca… Voir la version française : http://cadtm.org/Les-peuples-de-l-Europe-ont-aussi

|6| Voir en grec : ΣχόλιαΓιάνης Βαρουφάκης Debtocracy : Γιατί δεν συνυπέγραψα http://www.protagon.gr/?i=protagon…. , publié le 11 avril 2011

|7| Voir à propos de Debtocracy : « Dette : les Grecs et la Debtocracy ». http://cadtm.org/Dette-les-grecs-et-la-Debtocracy, publié le 13 juillet 2011.

|8| Voir le diaporama de mon exposé : Eric Toussaint, Greece : Symbol of Illegitimate Debt, publié le 12 mars 2011, http://www.cadtm.org/IMG/pdf/Debt_C… . Les principales propositions qui ressortaient de mon exposé sont exprimées dans ce texte : Éric Toussaint, « Huit propositions urgentes pour une autre Europe », publié le 4 avril 2011, http://www.cadtm.org/Huit-propositions-urgentes-pour

|9| Elena Papadopoulou and Gabriel Sakellaridis (eds.), The Political Economy of Public Debt and Austerity in the EU, Athens : Nissos Publications 2012, 290 p., ISBN : 9-789609-535465
Il est utile de reproduire la table des matières de ce livre intéressant car les noms d’acteurs clés de Syriza y apparaissent. Table des matières :
Elena Papadopoulou, Gabriel Sakellaridis (Gabriel S. a été porte-parole du groupe Syriza au parlement grec en 2015. Il a démissionné en décembre 2015 en désaccord avec l’application du 3e mémorandum. Il n’est plus membre de Syriza) :
Introduction. Section 1 – Understanding the European Debt Crisis in a Global Perspective
George Stathakis (George S. est ministre de l’économie dans le gouvernement Tsipras 2, il faisait partie de l’aile droite de Syriza et était totalement opposé à l’audit de la dette grecque. Fin 2015, la presse a révélé qu’il aurait omis de déclarer au fisc 1,8 million d’euros et 38 biens immobiliers) : The World Public Debt Crisis. Brigitte Unger : Causes of the Debt Crisis : Greek Problem or Systemic Problem ?
Euclide Tsakalotos (ministre des finances depuis juillet 2015) : Crisis, Inequality and Capitalist Legitimacy. Dimitris Sotiropoulos : Thoughts on the On-going European Debt Crisis : A New Theoretical and Political Perspective

Section 2 – The Management of the Debt Crisis by the EU and the European Elites. Marica Frangakis : From Banking Crisis to Austerity in the EU – The Need for Solidarity. Jan Toporowski : Government Bonds and European Debt Markets. Riccardo Bellofiore : The Postman Always Rings Twice : The Euro Crisis inside the Global Crisis.

Section 3 – Facets of the Social and Political Consequences of the Crisis in Europe. Maria Karamessini : Global Economic Crisis and the European Union – Implications, Policies and Challenges
Giovanna Vertova : Women on the Verge of a Nervous Breakdown : The Gender Impact of the Crisis. Elisabeth Gauthier : The Rule of the Markets : Democracy in Shambles

Section 4 – The PIGS as (Scape) Goats. Portugal – Marianna Mortagua
Ireland – Daniel Finn
Greece – Eric Toussaint
Spain – Javier Navascues
Hungary – Tamas Morva

Section 5 – Overcoming the Crisis : The Imperative of Alternative Proposals. Yannis Dragasakis (vice-premier ministre des gouvernements Tsipras 1 et 2) : A Radical Solution only through a Common Left European Strategy. Kunibert Raffer : Insolvency Protection and Fairness for Greece : Implementing the Raffer Proposal. Pedro Páez Pérez : A Latin-American Perspective on Austerity Policies, Debt and the New Financial Architecture
Nicos Chountis (ex vice-ministre des relations avec les institutions européennes dans le gouvernement Tsipras1, a été démissionné par Tsipras pour son refus de la capitulation et est eurodéputé de l’Unité Populaire depuis septembre 2015) : The Debt Crisis and the Alternative Strategies of the Left. Yanis Varoufakis (ministre des finances de janvier à juillet 2015) : A Modest Proposal for Overcoming the Euro Crisis.

Section 6 – The Crucial Role of the European Left – Political Interventions. Alexis Tsipras : A European Solution for a European Problem : The Debt Crisis as a Social Crisis.
Pierre Laurent : People Should Not Pay for the Crisis of Capitalism.

Le livre est disponible en PDF : http://www.cadtm.org/Public-Debt-an…

|10| Nadia Valavani est une personnalité publique grecque respectée, notamment pour le courage dont elle a fait preuve dans la lutte contre la dictature des colonels. Elle soutient Unité populaire depuis août-septembre 2015.

|11| Daniel Munevar a également participé à cette discussion. Il a fait partie de l’équipe des conseillers de Varoufakis lorsque celui-ci était ministre des Finances.

|12| Source http://links.org.au/node/2888 (traduction en français à partir de l’anglais)

|13| Voir Éric Toussaint : « Le peuple grec se trouve aujourd’hui à l’épicentre de la crise du capitalisme », http://www.cadtm.org/Eric-Toussaint-Le-peuple-grec-se

|14| Voir « L’appel d’Alexis Tsipras pour une Conférence internationale sur la dette est légitime », http://www.cadtm.org/Eric-Toussaint-L-appel-d-Alexis, publié le 23 octobre 2014.

|15| Euclide Tsakalotos, qui en 2014 était professeur d’économie au Royaume-Uni, a remplacé à partir de juillet 2015 Varoufakis au poste de ministre des Finances. Il occupait toujours cette fonction début 2017 dans le gouvernement Tsipras II.

http://www.cadtm.org/Comment-Tsipras-avec-le-concours

Sur les réfugiés migrants semaine 36

7/9/17 https://alencontre.org/europe/union-europeenne-migration-la-cour-de-justice-deboute-le-recours-de-la-hongrie-et-de-la-slovaquie.html

1/9/17 https://alarmphone.org/fr/2017/09/01/38-personnes-en-situation-de-detresse-urgente-laissees-pres-de-24-heures-en-mer-les-gardes-cotes-nont-pas-reagi/

31/8/17  Orban veut que l’UE règle 50% de ses clôtures frontalières BUDAPEST (Reuters) – Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, va demander à l’Union européenne de financer la moitié du coût des mesures de protection des frontières prises par Budapest pour empêcher l’arrivée de migrants, a déclaré jeudi un de ses collaborateurs.

Le chef du gouvernement comptait écrire ce jeudi au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour demander à l’exécutif européen de contribuer à hauteur de 400 millions d’euros, a déclaré le secrétaire général du gouvernement hongrois, Janos Lazar.

La Hongrie, qui a érigé des clôtures à ses frontières avec la Serbie et la Croatie, « protège tous les Européens d’un flux de migrants illégaux » et il est temps que l’UE aide la Hongrie comme elle l’a fait avec l’Italie, la Grèce et la Bulgarie, a ajouté Janos Lazar.

« On ne peut pas faire deux poids deux mesures », a dit Lazar au cours d’une conférence de presse.

Ces revendications sont formulées quelques jours avant la décision attendue de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le rejet par la Hongrie des quotas de répartition des migrants décidés par l’UE.

Il y a actuellement moins de 700 migrants en Hongrie, dont 430 sont maintenus dans deux camps de rétention étroitement surveillés à la frontière serbe.

(Krisztina Than; Eric Faye pour le service français)

https://www.challenges.fr/monde/orban-veut-que-l-ue-regle-50-de-ses-clotures-frontalieres_496407

29/8/17 De l’Europe aux Etats-Unis, ces villes qui s’opposent à leurs gouvernements pour mieux accueillir les migrants

Aux Etats-Unis, des centaines de municipalités ont fait le choix de ne pas contribuer à la chasse aux sans-papiers lancée par Donald Trump. En Europe, des communes s’engagent pour un accueil digne des migrants. « Villes sanctuaires », « villes refuges »… De l’Italie à la Grande-Bretagne, de Barcelone à Grande-Synthe, ces communes tentent de se constituer en véritables contre-pouvoirs face aux politiques indignes et xénophobes.

A peine élu président des États-Unis, Donald Trump adoptait un décret pour couper les fonds fédéraux aux centaines de municipalités qui ont critiqué sa politique anti-migrants. Face au programme de Trump, à sa volonté d’expulser manu militari les sans-papiers quel que soit le nombre d’années de résidence, et à son souhait d’ériger un mur à la frontière mexicaine, de nombreuses villes se sont rapidement déclarées « villes sanctuaires ». Ces municipalités « ont adopté des politiques qui promettent de protéger et de servir tous leurs résidents, quel que soit leur statut migratoire »explique la puissante association American Civil Liberties Union (l’Union américaine pour les libertés civiles, ACLU).

Dans les faits, ces villes refusent de coopérer avec les forces de l’ordre fédérales, lorsque celles-ci leur demandent de mettre des sans-papier en détention. Elles n’exigent pas forcément de leurs habitants de produire un certificat de naissance ou de séjourner légalement pour accéder aux services publics locaux. Certaines municipalités sanctuaires décident même de reconnaître comme valables sur leur territoire des papiers d’identité non états-uniens ou de distribuer leurs propres papiers d’identité municipaux à tous leurs résidents, quelle que soit leur nationalité.

De New York à Milan, en passant par Barcelone

Les métropoles parmi les plus importantes des États-Unis, comme New York, Los Angeles, Chicago, Boston ou Washington, ont adopté cette position. Et n’ont pas perdu la bataille face à Donald Trump, puisqu’un juge fédéral a bloqué en avril dernier le décret du président qui voulait leur couper les vivres [1].

En Europe aussi, confrontée à une crise historique de la gestion des migrations, des collectivités locales prennent le contrepied de la politique de fermeture menées par les États de l’Union européenne. Quand la plupart des gouvernements européens misent sur une gestion sécuritaire et des accords avec des pays aussi peu démocratiques que la Libye et la Turquie, (lire notre article Les envoyer en détention ou les livrer à une dictature : voilà comment l’Europe « délocalise » ses réfugiés), à Milan, le 20 mai dernier, 100 000 personnes ont manifesté à l’initiative du maire de gauche de la ville pour promouvoir l’accueil des migrants.

En février, c’était la maire de Barcelone Ada Colau, alliée du parti Podemos, qui appelait à une manifestation pour l’accueil des migrants. Là aussi, plus de 100 000 personnes ont répondu présentes. La capitale catalane a aussi initié un réseau international de villes engagées dans l’aide et l’accueil des migrants, Solidarity Cities(villes solidaires). Une impulsion également destinée à pousser le gouvernement espagnol à accélérer l’accueil des réfugiés arrivés en Europe, et qui devaient être relocalisés vers l’Espagne.

Crise du modèle d’accueil italien

« Il faut faire la différence entre les réseaux de villes solidaires en Europe et le mouvement de villes sanctuaires aux États-Unis, souligne cependant Filippo Furri, cherchceur membre du réseau Migreurop et doctorant à l’université de Montréal. En Europe, les municipalités se constituent en ville-refuge sur la question de l’asile. Aux États-Unis, le mouvement s’est plutôt construit pour protéger des personnes qui retombent dans l’irrégularité administrative après avoir déjà vécu un moment dans le pays. »

Filippo Furri connaît bien le cas italien, en particulier celui de Venise : « Avec les guerre des Balkans dans les années 1990, il y a eu une vague de réfugiés. À Venise, un élan de solidarité citoyenne et associative s’est joint à une volonté politique pour organiser un accueil digne. Un système d’accueil organisé s’y est mis en place dans la foulée, au début des années 2000. Venise est devenue une sorte de prototype du système d’asile qui s’est développé ensuite en Italie, et qui est en train de péricliter avec la situation d’urgence actuelle. »

Aux côtés de la Grèce, l’Italie est l’un des deux principaux pays d’arrivée pour des centaines de milliers de personnes qui débarquent chaque année en Europe par la mer, pour y chercher l’asile et la sécurité. Plus de 360 000 personnes sont arrivées par la mer Méditerranée en Europe en 2016. Plus de 98 000 depuis le début de l’année 2017 (plus de 2000 personnes migrantes sont déjà mortes en mer Méditerranée cette année [2]). L’Italie est donc l’un des pays qui doit gérer en urgence et en grand nombre l’accueil des migrants, en plus des sauvetages en mer. Début juillet, son gouvernement a appelé à l’aide les autres pays européens pour faire face aux nécessité de prise en charge des nouveaux arrivants. Mais loin de prendre le parti de l’hospitalité, Rome a aussi menacé dans le même temps de fermer ses ports aux migrants.

Aide au développement face à des États défaillants

« L’Italie, comme la Grèce, est en train de devenir un véritable territoire de rétention, déplore Filippo Furri. Il y existe des formes d’hospitalité et d’accueil dans la société civile. C’est une réponse face à une gestion de la part des États qui vise avant tout à contrôler les flux, à trier les gens, et à disperser les centres d’accueil en les imposant aux collectivités locales. Il y a conflit entre l’accueil local des municipalités, et le contrôle étatique. » De la même manière que des ONG prennent le relais des États et des autorités européennes pour sauver des vies en mer Méditerranée, des communes italiennes s’organisent pour faire ce que l’État italien refuse : organiser un accueil digne, et favoriser les échanges entre la population locale et les nouveaux arrivants.

Le réseau des « Communes de la terre pour le monde », fondé en 2003 en Italie, réunit aujourd’hui plus de 300 municipalités de tout le pays. L’association organise par exemple un festival interculturel à Riace, village de Calabre devenu l’un des points d’entrée de nombreux migrants dans l’UE (voir notre article Ces villages qui choisissent tant bien que mal d’accueillir les migrants). L’association de communes mène aussi des projets de solidarité internationale, comme un projet de développement de l’énergie solaire au Sahel. « Le réseau Recosol est organisé sur une logique de solidarité qui dépasse la question des migrations, précise Filippo Furri. C’est un réseau d’entraide entre communautés locales. »

Se constituer en associations de solidarité, au delà du seul objectif de gérer l’urgence, voilà ce qui fait sûrement la spécificité des réseaux des villes-refuges face aux politiques migratoire des États. « L’État laisse en partie seules les municipalités italiennes pour l’organisation de l’accueil des migrants. Ce sont les municipalités qui organisent le logement, les cours de langue et l’intégration locale, expliquent les coordinateurs du réseau de communes Recosol. La politique du gouvernement italien souffre de l’absence d’une vision globale et d’un plan national pour l’accueil et l’intégration des migrants. Ce sont donc les associations et les citoyens, sur le territoire, qui font la différence. »

City of Sanctuary au Royaume-Uni

En Grande-Bretagne aussi, des citoyens et des communes prennent le contrepied de la politique xénophobe du gouvernement conservateur. « Le réseau City of Sanctuarya été créé à Sheffield, en 2005, par un petit groupe de personnes qui voulaient mieux accueillir les réfugiés », explique Forward Maisokwadzo, porte-parole de ce réseau britannique. Le maire de cette ville de 500 000 habitants du nord de l’Angleterre avait pleinement soutenu l’initiative, et pris l’engagement public d’accueillir les demandeurs d’asile et réfugiés dans sa ville. « Puis le mouvement est devenu très important, en terme de nombre de personnes et de communes impliquées. Il compte aujourd’hui une centaine de municipalités. L’idée est de travailler avec tout le monde : les citoyens, les associations, les autorités locales. »

Pour le mouvement City of Sanctuary, la clé de l’accueil est dans ce travail collectif. « Les actions menées par le mouvement varient selon les endroits. Elles peuvent par exemple consister à sensibiliser les gens à la question de l’accueil des demandeurs d’asile, précise Forward Maisokwadzo. À Bristol, la ville s’est attaquée au problème du dénuement des demandeurs d’asile, qui reçoivent très peu de soutien financier et n’ont pas le droit de travailler pendant l’étude de leur demande. Une douzaine d’autres villes se sont engagées sur la question. Leur travail est aussi de pousser le gouvernement à se pencher sur ce problème. »

« La France n’est pas dans une démarche d’accueil »

Et en France ? Il y a bien l’exemple de Grande-Synthe, une ville du Nord de 20 000 habitants, où la municipalité a pris le parti de l’accueil des migrants en route vers l’Angleterre (voir notre article Conjuguer accueil des migrants, écologie et émancipation sociale : l’étonnant exemple de Grande-Synthe), notamment en construisant avec Médecin sans frontières un centre d’accueil permettant des conditions de vie décentes (repris en main par la préfecture, le centre a été détruit par un incendie en avril dernier). Des citoyens s’engagent aussi évidemment, de Calais à la frontière italienne, et se trouvent parfois traîné en justice pour « délit de solidarité » (lire notre article À la frontière franco-italienne, les habitants de la vallée de la Roya risquent la prison pour avoir aidé les migrants).

À Paris, où des milliers de migrants débarqués dans la capitale se retrouvent à la rue sans aucune prise en charge et harcelés par la police, la maire Anne Hidalgo a annoncé l’ouverture d’un premier centre d’accueil en mai. Le centre a ouvert six mois plus tard. Prévu pour 500 personnes, il est pourtant sous-dimensionné et saturé en permanence. Selon l’association France Terre d’asile, plus de 1000 personnes migrantes dormaient encore à la rue début juillet à proximité du centre d’accueil. L’association Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés) a aussi dénoncéles violences policières dont sont victimes les migrants dans les files d’attentes du centre. Malgré des initiatives bien réelles mais dispersées (lire ici notre article), « la France n’est pas dans une démarche d’accueil », regrette Filippo Furri. Les villes française prendront-elles le relais d’un État défaillant ?

Rachel Knaebel

https://www.bastamag.net/De-l-Europe-aux-Etats-Unis-ces-villes-qui-s-opposent-a-leurs-gouvernements-pour

Grèce : Accidents de travail mortel

31/08/2017 par Constant Kaimakis 16 Accidents de travail mortels en 2 mois, l’Hécatombe estivale en Grèce :

Cet été, à la lecture quotidienne des médias grecs , j’avais ce sentiment d’une répétition d’accidents du travail mortels qui revenaient souvent dans les divers articles.

Les journalistes du « Rizopastis » et de « The Press Project » viennent malheureusement confirmer ce fait : pas moins de 16 travailleurs sont morts à la tâche depuis 2 mois.
Rien que ces 3 derniers jours, 3 accidents mortels sont survenus à Marathon, au Pirée, en Chalkidiki. Un autre travailleur a succombé à ses blessures de son accident survenu le 1 er août à Skala (Laconie). Le journal « RIZOPASTIS » fait ainsi état de 16 morts au boulot qui « montre encore une fois que les zones de travail et les conditions de travail, le manque de mesures d’hygiène et de sécurité, l’ intensification, la généralisation de la « flexibilité » pose d’ énormes risques pour la santé, la sécurité et la vie même des travailleurs. » .

Le lourd tribu a été payé notamment par les services de nettoyages municipaux . Là, la tension est à son comble avec le conflit qui dure depuis des mois sur la question des contrats de travail où bon nombre de maires avec leur municipalité refusent de titulariser des contractuels qui accumulent non seulement les contrats de quelques mois mais aussi la fatigue et le non paiement ou le retard de salaires. On compte ainsi les décès des travailleurs des municipalités de Zografou et Marathon et des blessés graves chez les entrepreneurs de la municipalité de Thessalonique.
Se référant à la situation dans les municipalités de l’Attique, le syndicat des employés municipaux OTA a déclaré :     « La situation des accidents dans les services de nettoyage des municipalités est tragique. Le fonctionnement 24 heures sur 24 porte préjudice à la sécurité des collègues qui sont stressés et exposés à une série de sérieux dangers. Il y a une grande responsabilité de l’autorité municipale qui utilise la législation anti-travail pour envoyer des travailleurs à 2 ou 3 heures du matin pour ramasser les ordures. Le fait est , que ce travail pénible et dangereux de la collecte des ordures est de plus en plus fait par des travailleurs ayant des formes de travail flexibles, sans expérience et sans formation , ce qui est le résultat des politiques de l’UE que ce gouvernement met également en œuvre et développe. Le ministre de l’Intérieur Skourletis ose dire ainsi qu ‘il a résolu la question des contrats, au même moment , où les travailleurs vivent dans l’insécurité et dans l’incertitude. Nous demandons au gouvernement de prendre enfin des mesures pour la santé et la sécurité des employés dans le secteur du nettoyage. Cela ne peut plus durer! Les employés ne /doivent pas accepter comme « normalité » qu’on aille travailler pour une bouchée de pain, en risquant de ne pas rentrer chez soi, et en sachant que demain, nous serons au chômage. Grâce à notre lutte organisée, nous devons réclamer des conditions de travail humaines, des mesures pour notre santé et la sécurité, l’emploi permanent et stable pour tous ».

Autre secteur, même situation. Sur le Port du Pirée , COSCO fait mener des cadences infernales à ses travailleurs au nom du profit. Pire, l’accident mortel d’un employé dimanche soir a révélé que COSCO n’a pas d’ ambulance moderne pour couvrir les besoins accrus des travailleurs portuaires qui travaillent sous pression. Le syndicat des employés portuaires DEL a ainsi déclaré : « La tragédie mortelle de ce collègue est la suite de l’intensification du travail qui vise à accroître la compétitivité et la rentabilité de COSCO. Il fait suite à la grande masse des accidents du travail, les blessures et les maladies enregistrées au cours des dernières années en raison de l’intensification du travail dans les zones portuaires ».

Le lundi précédent, 21 août, c’est la mort d’un bucheron de 45 ans à SKOURIES au Lac Karatzas, qui est mort écrasé par un arbre dans le chantier de la déforestation qui a lieu dans la région pour le compte de la Société Hellas Gold. Il existe une coopérative de forestiers dans la région, mais « Hellas Gold » travaille avec des entrepreneurs privés. Les coopératives forestières de la région ont annoncé depuis deux ans qu’elles refusent de coopérer avec l’entreprise en protestant contre la destruction de l’environnement. Et à Skouries aussi on connait bon nombre d’accidents mortels notamment dans les mines…

Pour terminer, le « panorama » de cette hécatombe estivale, début Août, un employé de l’aéroport de Corfou (aujourd’hui géré par la Sté Allemande Fraport) est aussi décédé au travail. L’employé chargé de faire rentrer et sortir les appareils des places de stationnement, travaillait dans des conditions extrêmes de chaleur, a eu un malaise et a succombé lors de son transfert à l’hôpital . Selon les rapports de la presse locale, il y a des dizaines de plaintes concernant l’évanouissement des nettoyeurs d’aéronefs et d’autres travailleurs aéroportuaires, en particulier au milieu d’une vague de chaleur. Fraport se dédouane de ces situations en disant que la responsabilité en incombe aux sociétés aéronautiques, ici en l’occurrence SWISSPORT qui a fait la réponse suivante «Nous ne considérons pas qu’il soit utile de commenter»…. Et la société Fraport répondant à une question sur le traitement de plaintes semblables concernant les conditions de travail pour les entreprises coopérantes, a rajouté que, surtout dans les jours de vague de chaleur à Corfou et dans d’autres îles … » Nous offrons de l’eau à tous les employés dans des incidents similaires appartenant à notre entreprise ou à une autre société. »

Prenant la parole quelques jours après drame, George Mavronas, président du Syndicat des travailleurs de l’aéroport se plaignait que l’aéroport ne compte pas de médecin permanent et des conditions de travail désespérantes quelques mois seulement après réception de l’aéroport par les Allemands de Fraport. « Est-il possible pour un aéroport qui dessert 3 millions de passagers par an de ne pas avoir de médecin permanent à l’aéroport? Nous voyons constamment des collègues à nos côtés qui subissent des insolations, qui s’évanouissent, tombant sous le surmenage… Il n’y a pas d’air conditionné dans la plupart des zones aéroportuaires, la climatisation est constamment endommagée, en particulier dans les autobus transportant des touristes, des citoyens et des travailleurs d’aéronefs », a-t-il ajouté.

Cela se passe aujourd’hui en Grèce , en août 2017 …

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