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Grèce : Visa et enchères immobilières

Visa d’or et enchères immobilières en ligne attirent l’intérêt russe et chinois

Le malheur de l’un est la fortuité de l’autre. Les investisseurs russes et chinois montrent un grand intérêt pour l’acquisition de propriétés en Grèce, surtout maintenant que les banques grecques se débarrassent de leurs prêts non performants avec des enchères de propriétés en ligne. Il y a une forte demande pour le programme Golden Visa car il ouvre la voie aux citoyens non-européens pour un billet vers l’Europe.

Il existe un intérêt international croissant pour l’acquisition de propriétés en Grèce via des enchères en ligne, en particulier des pays qui pourraient bénéficier du programme Golden Visa , car la Grèce accorde des visas aux non-ressortissants de l’UE s’ils achètent des propriétés d’au moins 250 000 euros.

Les bas prix et la perspective de futures plus-values, ainsi que le calendrier de la sortie prévue du plan de sauvetage de la Grèce, ont accru l’attrait du marché immobilier local, non seulement aux yeux des fonds d’investissement étrangers, mais aussi des investisseurs étrangers. Russie et Chine.

George Kachmazov, directeur général de la plate-forme immobilière russe Tranio , a déclaré à Bloomberg la semaine dernière: «Nous souhaitons participer aux enchères immobilières grecques et acquérir des propriétés directement auprès des banques.

Il a déjà acheté un immeuble à Athènes et prévoit d’en acheter cinq autres dans le but de revendre les appartements à des investisseurs étrangers intéressés par l’obtention d’un permis de séjour grec grâce au programme Golden Visa. Étant donné que les prix du marché se sont stabilisés, les acheteurs peuvent s’attendre à des gains en capital grâce à l’intérêt croissant du tourisme pour la Grèce et à la hausse de la location à court terme via des plateformes de partage de logements.

Les investisseurs chinois regardent également le pays: Carrie Law, PDG du site immobilier chinois Juwai, a déclaré à Bloomberg: «Nous avons des acheteurs qui sont très intéressés par le processus d’enchères électroniques en Grèce. Ils croient qu’il offrira des opportunités d’achat au bas du marché. « 

Selon Kachmazov, le faible seuil d’un Visa d’Or en Grèce est un avantage supplémentaire: en Grèce, les investisseurs doivent dépenser au moins 250 000 euros, alors qu’au Portugal, par exemple, 500 000 euros (soit 350 000 euros pour les 30 ans).

Citant des données d’Enterprise Greece, l’agence d’État chargée de promouvoir les investissements et les exportations, Bloomberg note que la Grèce a attribué 2 053 visas d’or entre 2013 et octobre 2017, les investisseurs chinois représentant 43% d’entre eux. Les Russes arrivent en deuxième position avec 18,6% et les investisseurs de la Turquie voisine arrivent en troisième position avec 8,4%. La Grèce a levé plus de 513 millions d’euros d’investissements étrangers dans le programme de visas.

Les citoyens turcs ont également un grand intérêt à acquérir des biens en Grèce et obtenir un visa d’or néanmoins en raison de l’instabilité politique en Turquie et de la proximité géographique.

Spitogatos: Cette année, les recherches sur les biens grecs ont augmenté de la Chine (203%), de la Turquie (90%), de l’Allemagne (68%) et des États-Unis. Émirats arabes unis (50%).

Portugal, au pays de la gauche qui marche

Par Amélie Poinssot 28 décembre 2017 Médiapart

Depuis octobre 2015, les socialistes tiennent les rênes de l’exécutif portugais. Avec l’appui d’une coalition originale au Parlement : la gauche radicale du Bloco et le parti communiste. Un attelage qui pourrait être riche d’enseignements ailleurs en Europe. Premier volet de notre série de reportages.

Lisbonne (Portugal), envoyée spéciale.-  Ce jour-là, Mario Centeno, fraîchement élu à la présidence de l’Eurogroupe, est auditionné en session parlementaire. Le ministre des finances portugais à la tête de l’institution de la monnaie unique : une bonne nouvelle pour ce petit pays qui se relève doucement d’une longue cure d’austérité ? « Pas vraiment, tranche sèchement Catarina Martins, la « coordinatrice » du Bloco de Esquerda, le parti de gauche radicale portugais, qui soutient pourtant au parlement le gouvernement socialiste dont Mario Centeno est issu. Le changement en Europe ne viendra pas de l’Eurogroupe. Et Centeno est un libéral, il prônait entre autres la facilitation des licenciements. »

Nous sommes début décembre à Lisbonne et la députée Catarina Martins vient d’interpeller le ministre des finances à l’assemblée. « Oublions un instant que le Bloco ne croit pas en l’Eurogroupe. Oublions que l’Eurogroupe est un forum informel qui n’existe dans aucun traité européen et où l’Allemagne a toujours le dernier mot. Oublions que l’Eurogroupe a exclu le ministre grec des finances de ses réunions. Oublions que l’Eurogroupe a insulté le Portugal et imposé l’austérité dans plusieurs pays du Sud. Même si nous oublions tout cela, il y a un problème : vous avez dit en septembre que l’union monétaire était une zone de divergences… Si tout le monde est conscient de cela, au sein du Parti socialiste comme à Bruxelles, quelle est votre stratégie à la tête de l’Eurogroupe ? » lui a-t-elle lancé. Toute l’habileté du Bloco tient dans cette capacité à critiquer le gouvernement socialiste et à assurer le rôle d’un « parti minoritaire »… tout en le poussant, avec l’aide du Parti communiste portugais (PCP), à mettre en œuvre des mesures sociales.

Depuis octobre 2015, c’est cet attelage original qui préside aux destinées du Portugal. Les législatives n’ayant pas débouché sur une majorité claire, le Parti socialiste (PS), arrivé deuxième, a alors pris la main pour former l’exécutif. Il a obtenu le vote du Bloco et du PCP pour l’investiture, en échange de quoi son gouvernement, minoritaire, s’est engagé sur un certain nombre de mesures sociales afin de compenser les effets dévastateurs qu’ont produits la crise économique et la cure d’austérité imposée entre 2011 et 2015 par la droite au pouvoir et la Troïka (Commission européenne, FMI et Banque centrale européenne). « Ce n’est pas que nous soutenons ce gouvernement, nous ne gouvernons pas, corrige Miguel Tiago, élu du Parti communiste. Nous nous contentons de ne pas le faire tomber. »La nuance est de taille pour ces deux partis qui risquent de se brûler les ailes à voter d’une même voix aux côtés des élus socialistes. Comment convaincre ensuite leurs électeurs qu’ils sont toujours opposés à l’Union européenne dans sa forme actuelle, à la monnaie unique, à l’OTAN… et qu’ils sont accessoirement très différents l’un de l’autre, même s’ils se partagent la gauche de la gauche de l’échiquier politique ? Pour l’instant, le résultat des dernières élections municipales, en octobre dernier, n’est guère probant.

Le Bloco, qui n’est pas très bien implanté localement, a certes légèrement progressé dans certaines villes, comme à Lisbonne, où le PS gouverne désormais là aussi suivant un accord avec le Bloco. « Nous sommes aujourd’hui le troisième parti du Portugal », se targue Catarina Martins. Mais le Parti communiste recule ; il a perdu quelques-uns de ses bastions, comme la commune d’Almada qui, de l’autre côté du Tage, fait face à Lisbonne. Et ce malgré un « pacte de non-agression » conclu avec le PS local, qui y avait envoyé comme candidate une actrice sans lien avec le terrain. Elle a réussi à dépasser le PCP de quelque 400 voix…Celui qui semble le mieux profiter de cette alliance, finalement, c’est le Parti socialiste. Le ministre adjoint aux finances, Ricardo Mourinho Félix, s’en réjouit : les positions du Bloco et du Parti communiste « ont de manière évidente influencé notre manière de gouverner ces deux dernières années. Je ne le vois pas comme quelque chose qui s’impose à nous et nous met dans une situation inconfortable », dit-il. (L’intégralité de l’entretien sera à lire dans un prochain article.) En fait, pour une partie du PS, ce soutien est un soulagement…

En témoigne également le député socialiste et vice-président du groupe à l’assemblée Joao Galamba : « La crise a accru nos divergences avec la droite portugaise. La possibilité d’une alliance avec le Bloco et le PC est apparue comme une chance pour la gauche, qu’il ne fallait pas rater. Ne perdons pas de temps et concentrons-nous sur les points où nous pouvions tomber d’accord : telle a été notre philosophie. Nous n’étions pas à la recherche d’idéal, de consensus, de convergence absolue : nous voulions des changements concrets dans la vie quotidienne des gens. »

De fait, la liste de mesures mises en œuvre est impressionnante au regard de ce qu’ont fait – ou plutôt n’ont pas fait – les autres gouvernements sociaux-démocrates en Europe ces dernières années : augmentation du salaire minimum de 5 % par an jusqu’à atteindre 600 euros brut en 2019, allègement de l’impôt sur les plus bas revenus, hausse des petites pensions de retraite, rétablissement de quatre jours fériés qui avaient été supprimés…

Le dernier budget – le 3e voté par cet attelage PS-Bloco-PCP –, adopté fin novembre, s’inscrit lui aussi dans cette lignée : l’impôt sur le revenu est abaissé pour les premières tranches de revenus (1,6 million de foyers touchés au total) ; une nouvelle taxe est introduite pour les grandes entreprises qui dégagent plus de 35 millions d’euros de profits annuels ; les pensions de retraite sont augmentées de manière variable en fonction de leur niveau (de 1 à 10 %), et les livres scolaires deviennent gratuits jusqu’à la sixième année d’éducation.

Le grand écart du PC portugais

Jusqu’à présent, tous les termes du contrat ont été respectés : les mesures sociales sont bien mises en œuvre par l’exécutif, et entre les trois partenaires de circonstance, on ne parle pas des sujets qui fâchent. « Nous nous sommes mis d’accord sur quatre principes, explique Catarina Martins. Le premier, c’est la hausse, chaque année, d’une partie des salaires et des retraites afin de compenser les coupes des années précédentes. Le deuxième, c’est l’impossibilité de nouvelles baisses de revenus, et donc de hausse des prélèvements obligatoires pour les salariés ainsi que des taxes sur les biens essentiels. Le troisième, c’est l’arrêt définitif des privatisations, qui dans le passé avaient été décidées par le Parti socialiste lui-même. Et le quatrième, c’est l’impossibilité de retirer davantage de droits aux travailleurs. » Car le droit du travail, comme en Grèce et comme en France aujourd’hui, a été sérieusement entamé au Portugal pendant les années de Troïka.

« Sur ce plan-là, on ne reviendra pas en arrière avec ce gouvernement, regrette Jorge Costa, autre député du Bloco. C’est la limite de cet accord, et, me semble-t-il, le résultat d’un accord tacite avec le patronat, en contrepartie de la hausse du salaire minimum. » « Les socialistes sont trop compromis avec le système capitaliste pour qu’on puisse évoluer là-dessus », renchérit le communiste Miguel Tiago, qui regrette par ailleurs un blocage tout aussi complet sur le budget alloué à la culture, un budget « misérable, inacceptable », ainsi que l’impossibilité de faire baisser le prix du gaz domestique, « trop élevé pour quantité de foyers au Portugal ».

Autre zone d’ombre de l’accord : le travail précaire, de plus en plus répandu au Portugal. Un décret à venir doit permettre de titulariser 30 000 contractuels de la fonction publique au cours du premier semestre 2018. Une victoire à rajouter au compteur du Bloco. Mais dans le privé, rien ne change. Si l’emploi est reparti à la hausse, ces derniers temps, c’est le plus souvent au détriment des protections sociales élémentaires. Le système d’auto-entreprenariat, où le travailleur doit cotiser lui-même pour ses couvertures santé et retraite, devient en effet de plus en plus la règle… et rien ne permet aujourd’hui d’enrayer cette tendance.« Pour mieux protéger ces travailleurs dits indépendants, nous avons émis des propositions au sein d’un groupe de travail sur la précarité, explique le député du Bloco Jorge Costa. Notamment l’établissement d’un taux très réduit de cotisations sociales pour les bas revenus, le maintien de la protection sociale même si l’activité s’interrompt, et un accès à la caisse d’assurance chômage. » Le texte, présenté mi-décembre au parlement, est en bonne voie d’être adopté.

Restent des désaccords idéologiques de fond et tous les points qui sortent de l’accord avec le PS, sur lesquels les deux partis échouent à faire avancer les choses dans leur sens. Ainsi en est-il par exemple du coût de l’énergie portugaise, l’un des plus élevés du continent. Le Bloco a proposé que le secteur de l’énergie renouvelable – qui fait des profits ahurissants au Portugal – soit taxé au même niveau que le secteur conventionnel et que cette hausse permette au consommateur de payer un prix moins élevé. Échec total.

Face à ces divergences, Bloco comme PCP assurent maintenir une ligne idéologique claire. « Les socialistes et la droite s’entendent parfaitement sur la politique européenne. Ce qui fait que nous avons 80 % des députés engagés dans le statu quo européen, lâche Catarina Martins. Mais nous, notre engagement n’est pas aux côtés du PS. Il est aux côtés de nos électeurs. C’est pourquoi nous n’abandonnerons aucun de nos principes. » Parmi ces principes, il y a une franche hostilité à l’euro, « qui rend chaque jour les pauvres de plus en plus pauvres et l’Allemagne de plus en plus riche – sans que cela ne bénéficie toutefois aux travailleurs allemands », selon les mots de Catarina Martins, pour qui le vrai problème, en réalité, est la renégociation de la dette publique portugaise.

Le professeur d’économie Francisco Louça, membre fondateur du Bloco, ne voit quant à lui aucune contradiction entre cette opposition à l’euro et le fait de voter d’une même voix avec un gouvernement qui envoie son ministre des finances à la tête de l’Eurogroupe : « Ce que change, pour le Bloco, cette attitude de soutien au gouvernement, c’est son agenda. Cela l’inscrit dans la gestion politique d’un travail quotidien. Cela lui donne plus de poids, plus de profondeur. Mais on reste dans le cadre d’un contrat très clair : il s’agissait d’éviter le prolongement de la droite au pouvoir et d’ouvrir la porte aux mesures sociales. »

Le PCP, l’un des derniers partis communistes d’Europe avec le KKE grec à n’avoir pas rompu avec le marxisme-léninisme, fait de son côté le grand écart. Après avoir refusé pendant des années de dialoguer avec les autres partis (posture dans laquelle se trouve encore aujourd’hui le parti frère hellénique, qui agit dans un isolationnisme total, y compris sur le plan syndical), il affiche aujourd’hui un certain pragmatisme, sans rien abandonner de son corpus théorique.

« Le PS ne s’est pas engagé à exaucer tout ce que nous demandons en dehors de l’accord, et de notre côté, nous ne sommes pas obligés de voter ce qui sort de l’accord. Nous avons simplement trouvé un terrain commun sur une liste délimitée de sujets, justifie l’élu communiste Miguel Tiago. C’est pourquoi, par exemple, nous ne pouvons pas faire tomber le gouvernement parce qu’il refuse la nationalisation du système bancaire que nous voulons : cela sort de notre accord. Nous essayons pour le moment de tirer le meilleur de la situation dans laquelle nous nous trouvons, de construire avec les conditions que nous avons. Mais cela ne veut pas dire que nous abandonnons notre lutte. »

« Le PS a retrouvé son électorat traditionnel »

Et le député de rappeler les grèves que le parti a soutenues, les manifestations auxquelles les élus ont participé, la volonté de dissoudre l’euro, l’Union européenne et l’Otan. « Notre objectif n’est pas que le PS tourne le dos à l’Union européenne et se rapproche de nous. Notre objectif, c’est d’élargir notre base. » Le PS n’a d’ailleurs aucunement infléchi sa politique européenne et le gouvernement se targue même de remplir les critères de Bruxelles au-delà des objectifs fixés.

Toutefois, à écouter Miguel Tiago, le principal ennemi du PCP semble être à l’heure actuelle le Bloco… « parti bourgeois, au fonctionnement électoraliste, dont toutes les positions sur le plan international, comme la Corée du Nord, le Venezuela et l’Angola, ne font que suivre la tendance. Certes, nous avons des positions similaires sur le plan social. Mais tout nous sépare en réalité ».

Mais, au-delà de la rhétorique, difficile d’appréhender ces divergences, à l’exclusion de la politique étrangère où le Bloco est en effet beaucoup plus critique envers des régimes corrompus comme l’Angola que le Parti communiste qui, en raison de vieux liens historiques avec le MPLA au pouvoir, ne s’est jamais avancé à critiquer le régime de l’ancienne colonie portugaise. Les deux partis de gauche, d’ailleurs, ne discutent pas entre eux. Les négociations sur les mesures gouvernementales se font de manière parallèle, entre le PS et le PC, d’un côté, et le PS et le Bloco, de l’autre.

« Cette alliance au parlement est un défi, reconnaît de son côté le socialiste Joao Galamba. Il y a des tensions entre nous. Mais cela nous force à être créatifs. Et en général, nous arrivons à un compromis qui est meilleur que notre position de départ. De plus, les citoyens voient que les compromis sont possibles à l’intérieur du parlement : c’est bon pour la santé démocratique du pays… »

utre les bénéfices sociaux indéniables de cette configuration exceptionnelle pour le parlement portugais, cet attelage inédit instille, de fait, une nouvelle manière de faire de la politique à Lisbonne : à la fois un certain pragmatisme chez des partis tenus par un solide socle idéologique, et une recherche du compromis que l’on observe généralement plutôt dans les pays du nord de l’Europe, habitués des coalitions politiques.

« Il n’y avait jamais eu dans le passé de négociation entre les partis de gauche au Portugal, reconnaît Jorge Costa. C’est la première fois de l’histoire du pays qu’un budget est voté par le Parti communiste et la gauche radicale… Cela n’est pas le résultat d’une négociation qui aurait formé un gouvernement rigide. C’est au contraire le résultat de discussions permanentes, graduelles, qui nous permettent de faire la preuve que nous ne sommes pas seulement des partis de confrontation. Les électeurs voient que nous sommes aussi capables de gouverner et de trouver des compromis. »

Une expérience inspirante pour le reste du continent ? Tous nos interlocuteurs le disent : difficile de reproduire ailleurs ce qui a marché dans un contexte exceptionnel, dans un pays particulier. Mais chacun en tire des leçons à sa manière. Pour le député Joao Galamba, il en sort une évidence pour le Parti socialiste : « En se démarquant très clairement de la droite, en s’ouvrant à la gauche radicale, le PS portugais a retrouvé son électorat traditionnel. Il faut montrer à l’électorat qu’il existe une alternative franche aux politiques de droite et que des compromis avec la gauche sont possibles. Si ce choix est proposé aux électeurs, les sociaux-démocrates européens pourront se relever. Mais s’ils restent quelque part dans l’entre-deux, sans valeur claire, ou avec une action sans rapport avec les valeurs affichées, ça ne peut pas marcher. »

Pour le député du Bloco Jorge Costa, il faut rester modeste : « Il ne faut pas surestimer le succès de la gauche au Portugal. Cela ne change rien au rapport de force au niveau européen. Il ne faut pas croire non plus que le Parti socialiste portugais a viré à gauche… Il n’y a pas eu de révolution culturelle au PS. Ce dernier a été obligé, pour des raisons de survie politique, de trouver un accord avec sa gauche. Ce n’était pas un acte volontaire pour ce parti, qui était entré en campagne en 2015 avec le programme le plus à droite de son histoire. Il l’a fait de manière contrainte et forcée. »

Quant à l’éventualité de répéter une telle alliance dans le futur, aucun de nos interlocuteurs ne s’y est engagé. Rien ne dit qu’ils voudront, ni qu’ils pourront, reproduire cet attelage dans la prochaine législature. Se glisser momentanément dans les interstices d’un pouvoir socialiste affaibli : voilà ce qu’auront réussi, pour l’heure, Bloco de Esquerda et Parti communiste portugais

France : Immigration inquiétude sur la loi en préparation

Immigration : « Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n’avait osé aller jusque-là »
Patrick Weil, historien et politologue, spécialiste de l’immigration, s’inquiète de la posture adoptée par le gouvernement vis-à-vis des migrants, alors qu’une loi immigration est en préparation pour le début 2018.

INTERVIEW : ouvrir le lien ci-dessus pour écouter Patrick Weil qui dénonce  plus de choses (pas tout) que celles transcrites ci-dessous.
La nouvelle loi sur l’immigration agite l’opposition et les associatifs. Alors qu’une concertation doit démarrer en janvier, une circulaire validée par le ministère de l’Intérieur, permettant de contrôler les populations accueillies dans les centres d’hébergement, notamment pour identifier les migrants, a provoqué une levée de boucliers. « Aucun gouvernement depuis la Seconde Guerre mondiale n’avait osé aller jusque-là », s’indigne mercredi au micro de la matinale d’Europe 1 Patrick Weil, historien et politologue, spécialiste de l’immigration.

Un principe sacré. « On a un principe, qui nous vient peut-être de nos traditions chrétiennes : un enfant, on ne lui demande pas ses papiers quand on l’accueil à l’école, un malade, on ne lui demande pas ses papiers quand il a besoin d’être soigné à l’entrée de l’hôpital, et quelqu’un qui n’a pas de quoi se loger, on ne lui demande pas ses papiers à l’entrée d’un centre d’hébergement d’urgence. Monsieur Macron et monsieur Collomb ont violé ce principe », relève le chercheur. « Si le projet [de loi, ndlr] s’inscrit dans cette lignée, ce sera une régression dramatique », alerte-t-il.

Un président doux dans ses déclarations et violent dans ses actes ? « Monsieur Macron, c’est l’inverse de monsieur Sarkozy. Monsieur Sarkozy était violent verbalement, mais sur le terrain il était pragmatique. Monsieur Macron est doucereux verbalement, et sur le terrain c’est la dague. Il est un peu comme un chasseur à cour qui ferait des messages d’amour, le soir, pour les animaux. C’est ce qu’il fait pour les migrants : il leur souhaite des vœux, il dit bienvenue aux réfugiés et il signe la nuit des ordres qui les mettent dans la rue et les empêchent de se nourrir », estime Patrick Weil.

« On ne touche pas à ça ». Tant que les gens ne sont pas reconduits, notre devoir est de bien les traiter sur des points fondamentaux : l’accueil des enfants à l’école, la santé et l’hébergement d’urgence. On ne touche pas à ça. Après, s’ils sont en situation irrégulière, il faut les reconduire, mais on n’y arrivera pas de cette façon-là », conclut le politologue.

http://www.europe1.fr/politique/immigration-aucun-gouvernement-depuis-la-seconde-guerre-mondiale-navait-ose-aller-jusque-la-3531317

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Migrants: le médecin Raphaël Pitti a rendu sa Légion d’honneur

par la rédaction de Médiapart

Le spécialiste de la médecine de guerre proteste contre les « conditions indignes » dans lesquelles les migrants sont accueillis en France.

Le célèbre spécialiste de la médecine de guerre, et soutien d’Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle, Raphaël Pitti, a annoncé vendredi 29 décembre à l’AFP avoir rendu la Légion d’honneur que le président de la République lui avait remise l’été dernier pour protester contre le traitement des migrants en France.

Le médecin met ainsi à exécution sa décision, annoncée il y a une semaine dans une tribune publiée par Libération. Dans ce texte, intitulé « Pour un bon Noël, monsieur le Président », il expliquait qu’il entendait ainsi dénoncer les « conditions indignes de la République » dans lesquelles les migrants étaient accueillis en France.

« Votre accession cette année aux plus hautes responsabilités se fit à l’aune d’une situation sociale et politique imprévisible et unique », écrivait Raphaël Pitti. « Toutefois, poursuivait-il, huit mois après, la réponse de l’État n’est pas à la hauteur des enjeux. 60 000 migrants ont été accueillis en 2016 dans des conditions indignes de notre République. »

Dans sa lettre, le médecin dénonçait le traitement « dégradant » réservé aux migrants. « J’appelle “dégradant”, en cette fin d’année dans notre République française, les agressions que subissent des gens en transit sur notre sol et auxquels on ne permet pas de satisfaire les besoins les plus fondamentaux tels que l’accès à l’eau, à la protection et à la sécurité, aux toilettes, au chauffage, à un couchage », écrivait-il. « On préfère les reléguer au statut d’ombre, dans les jungles, les forêts, les montagnes, allant jusqu’à condamner ceux qui auraient la bienveillante idée de les secourir. »

Raphaël Pitti s’inquiétait également de la place prise par le ministère de l’intérieur dans la politique migratoire. « Le versant sécuritaire de ce ministère a aujourd’hui pris le pas sur l’accueil et l’intégration, ce qui va à l’encontre de nos valeurs et de notre histoire », estimait-il. « Des maires – ils vous l’ont rappelé récemment –, des autorités – comme le Défenseur des droits –, des associations et des bénévoles pourraient témoigner du mauvais sort fait aujourd’hui aux migrants sur notre sol. Recevez-les, monsieur le Président, écoutez-les : une simple tape dans le dos ou une accolade ne leur suffira pas. »

En annonçant sa décision de rendre la Légion d’honneur qui lui a été remise en juillet dernier, Raphaël Pitti demandait au chef de l’État « de décider durant cette période de grand froid de suspendre toute mesure coercitive et de prendre les mesures urgentes de mise à l’abri de toutes les personnes en situation de fragilité ».Une semaine plus tard, le médecin est donc passé à l’acte. « J’ai été en Belgique et en Allemagne, j’ai vu les conditions d’accueil et j’ai honte de mon pays », réaffirme-t-il à cette occasion à l’AFP. Raphaël Pitti, qui avait rejoint en septembre 2016 les soutiens d’Emmanuel Macron, explique aujourd’hui avoir constaté un virage dans la politique gouvernementale. Le chef de l’État « avait un discours très humaniste, tout ça allait dans le bon sens et voilà que tout a changé mi-décembre », estime le médecin.

Il explique avoir été particulièrement choqué par la circulaire prévoyant, dans le cadre du projet de loi sur l’immigration et l’asile, de recenser les migrants dans les centres d’hébergement d’urgence. « D’entendre le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, dire qu’un Érythréen ou un Syrien peut demander l’asile, mais pas un Sénégalais… ce n’est pas à lui de décider qui a le droit de demander l’asile », fustige Raphaël Pitti.

« Le mouvement migratoire s’est amorcé et va s’amplifier, il faut en faire une cause nationale », plaide le médecin qui demande l’organisation « d’assises nationales de l’émigration et de l’intégration ». Le médecin précise également qu’il doit être reçu le 3 janvier par des conseillers du président.

Raphaël Pitti est un médecin humanitaire qui a travaillé sur nombre de conflits armés, en Yougoslavie ou au Liban. Depuis 2012, il forme du personnel soignant en Syrie. Il est également élu au conseil municipal de Metz.

Droit du travail démantelé en Europe

Hold-up social : comment le droit du travail a été démantelé en Europe, sans aucun bénéfice sur l’emploi et les gens

par Elisa Simantke, Harald Schumann

L’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la Roumanie, ou encore l’Espagne… Et maintenant la France. Ces dix dernières années, la plupart des pays de l’Union européenne ont subi de profondes réformes du droit du travail. Officiellement, au nom de la lutte contre le chômage. Mais les études réalisées depuis, y compris par les institutions les plus libérales, sont unanimes : leur impact sur l’emploi a été minime. En revanche, ces politiques se sont traduites par une explosion de la précarité et une baisse des rémunérations pour les salariés. Basta !, en collaboration avec les journalistes d’Investigate Europe, vous propose une enquête grand format sur le hold-up des « réformes structurelles ».

La misère de l’emploi précaire a de nombreux visages. Elle peut prendre la forme de contrats de travail sans assurance maladie ni protection sociale. Il peut s’agir de temps partiels qui n’apportent pas un revenu suffisant pour vivre. Ceux et celles que cette misère affecte en sont aussi réduits à s’accrocher à un contrat temporaire après l’autre, ou sont contraints de gagner leur vie en tant qu’auto-entrepreneurs fictifs ou travailleurs prétendument indépendants. Les méthodes varient selon les législations nationales de chaque pays, mais le résultat est toujours le même : des millions d’Européens doivent se contenter d’emplois précaires et mal payés, qui ne leur offrent aucune perspective. Et le phénomène continue de s’étendre.

Le président français Emmanuel Macron souhaite renforcer cette tendance. Dans sa dernière réforme, son gouvernement a par exemple autorisé les employeurs à embaucher des travailleurs pour des projets ponctuels, avec des contrats qui prendront automatiquement fin à l’issue de leur réalisation. Dans le même temps, les accords collectifs nationaux, qui offraient jusqu’ici des protections importantes aux salariés, ont vu leur rôle fortement affaibli.

Un jeune européen sur deux en contrat précaire

Tout ceci à un moment où l’économie européenne se porte un peu mieux qu’elle ne l’a fait depuis dix ans. Dans la seule zone euro, 5,5 millions de personnes ont trouvé un nouvel emploi depuis la fin 2012. Mais selon les données collectées par Eurostat, l’agence de statistiques de l’Union européenne, 4 de ces nouveaux emplois sur 5 sont temporaires ou à temps partiel. Dans leur majorité, ils sont mal rémunérés. Pourtant, les deux tiers des personnes concernées souhaiteraient un emploi permanent à temps plein, comme le confirme la Commission européenne dans son dernier rapport sur le marché du travail dans l’UE. Conclusion du département recherche de la banque américaine Merrill Lynch elle-même : la supposée prospérité actuelle de l’Europe est « de mauvaise qualité ».

Les jeunes en sont de loin les premières victimes. Près de la moitié des travailleurs âgés de moins de 25 ans sont en contrat temporaire. En Espagne, ce chiffre dépasse les 70%. « C’est extrêmement problématique, reconnaît Marianne Thyssen, commissaire européenne à l’Emploi et aux Affaires sociales. Ils ne peuvent quitter la maison de leurs parents, acheter un logement, faire des projets. Cela affaiblit l’économie toute entière », avertit cette femme politique conservatrice belge. « Les gens qui sont en emploi précaire n’investissent pas dans leurs compétences, et leurs employeurs non plus, explique-t-elle. Plus les emplois sont précaires, moins l’économie est productive. »

Un diagnostic partagé par d’éminents économistes. « Toutes ces formes non-sécurisées d’emploi sont extrêmement coûteuses, à la fois pour les personnes concernées et pour la société dans son ensemble », explique par exemple Olivier Blanchard, longtemps économiste en chef au Fonds monétaire international (FMI).

Des dirigeants européens obsédés par la flexibilité

Mais pourquoi l’emploi précaire atteint-il de tels niveaux ? Que faire pour inverser la tendance ? Dans leur entreprise de dérégulation des marchés du travail, les gouvernements européens et la Commission se sont basés depuis des années sur des hypothèses et des théories qui se sont révélées fausses et irréalistes. Les commissaires et les ministres nationaux en charge de l’économie ont systématiquement cherché à démanteler ou affaiblir les accords sociaux collectifs, combattu les syndicats et, ce faisant, favorisé les inégalités et l’insécurité au travail. Les pays de l’Union européenne sont aujourd’hui pris dans une course au moins-disant en ce qui concerne les salaires et les droits des salariés, rendant toute réponse au seul niveau national encore plus difficile.

Le mot-clé qui résume ces développements est la « flexibilité », explique le syndicaliste français Thiébaut Weber, un économiste chargé de suivre ces questions au sein de la Confédération européenne des syndicats (CES). Les dirigeants européens sont « obsédés par l’idée que le marché du travail est un marché comme les autres et qu’il doit être rendu aussi flexible que possible », précise-t-il. Ce qui signifie permettre aux entreprises d’employer leurs salariés à leur propre discrétion, selon les conditions du marché, et au coût le plus bas possible. En d’autres termes, les employés sont les perdants. Selon Thiébaut Weber, les politiques sociales suivent le même principe à travers toute l’Europe, et « la précarité en est le résultat logique ».

451 réformes du droit du travail en dix ans

De fait, le droit du travail des pays de l’Union européenne a connu une vague de dérégulation depuis deux décennies, qui ne semble pas prête de s’arrêter. L’Organisation internationale du travail (OIT) a recensé, dans les pays dits « développés » et notamment dans l’UE, 451 réformes du droit du travail depuis l’année 2008. La plupart de ces réformes structurelles, comme elles sont appelées dans le jargon des économistes, suivent la même recette : si les travailleurs sont suffisamment flexibles et bon marché, alors les entreprises créent de l’emploi, le chômage baisse, et l’économie croît.

Telle est également la logique sous-jacente à l’« Agenda 2010 » mis en œuvre par l’ancien chancelier fédéral allemand Gerhard Schröder pour casser les prétendues « structures ossifiées » du marché du travail. Les emplois temporaires ont été « libérés des contraintes bureaucratiques » et la limitation de ces contrats temporaires dans les start-ups allongée à quatre ans. Les « mini jobs » et les emplois à bas salaire ont bénéficié d’un traitement fiscal de faveur, et les chômeurs ont été contraints d’accepter n’importe quelle offre d’emploi, aussi mal payée soit-elle. En parallèle, un grand nombre d’entreprises ont choisi de s’exempter des accords salariaux collectifs et de recourir à des travailleurs temporaires, contractualisés ou à temps partiel, pour réduire leurs coûts salariaux.

Le tableau catastrophique de l’emploi allemand

Aujourd’hui encore, ces réformes sont considérées dans l’Europe entière comme une réussite incontestée. Le taux de chômage allemand est tombé au plus bas depuis la réunification (2,5 millions d’Allemands seraient au chômage mais plus de 7 millions occupent un emploi à bas salaire, lire notre article ici). Les hommes politiques des autres pays se plaisent à évoquer le modèle allemand lorsqu’ils veulent déréguler un peu plus le marché du travail national. La chancelière Angela Merkel a elle aussi l’habitude de chanter les louanges des « réformes » allemandes. Ce n’est que grâce à ces réformes que l’Allemagne « a pu distancer la France », a-t-elle affirmé en mai 2017.

Pourtant, le mythe du miracle allemand de l’emploi est trompeur. Certes, le nombre de personnes actives a augmenté de plus de 10 % entre 2003 et fin 2016, passant de 39 à 43 millions. Mais ce résultat n’a été atteint que par le remplacement d’emplois à temps plein par des temps partiels et des mini jobs. En réalité, le nombre d’heures travaillées n’a pas du tout augmenté jusqu’en 2010 ; le travail a seulement été réparti entre davantage de personnes. En outre, depuis 2011, le nombre d’heures travaillées a augmenté beaucoup plus lentement que l’emploi, et reste en deçà du niveau du début des années 90.

Résultat : en 2016, 4,8 millions de personnes en Allemagne vivaient exclusivement de « mini jobs ». Et 1,5 million de personnes supplémentaires occupent des emplois à temps partiel imposé. Sans oublier environ un million d’employés temporaires ou intérimaires, et plus de deux millions de personnes auto-employées, dont la plupart n’a pas assez de travail.

Une « armée de sous-employés à temps partiel »

L’« armée industrielle de réserve » constituée par les chômeurs, d’après la célèbre expression forgée par Karl Marx, « n’a vu sa taille réduite qu’au prix de la croissance d’une armée de réserve de sous-employés à temps partiel ou de sur-employés qui doivent jongler entre plusieurs emplois pour survivre ». C’est ainsi que le sociologue et économiste Oliver Nachtwey, auteur du bestseller allemand La société du déclin [1], résume la situation.

Le prétendu miracle allemand a ainsi condamné des millions de gens à vivre à cheval sur le seuil de pauvreté. Ces personnes doivent se débrouiller avec moins de 60 % du revenu moyen, environ 1070 euros par mois. En dépit d’un taux de chômage très bas, cette catégorie sociale n’a cessé de s’étendre pour atteindre aujourd’hui 16 % de la population. Une grande partie de ceux qui bénéficient encore de contrats à temps plein ont eux-mêmes été laissé sur la touche.

Les plus modestes gagnent moins en 2016 qu’en 1996

En tenant compte de l’inflation, les 40 % les plus modestes des salariés allemands gagnaient moins en 2016 que vingt ans auparavant, comme le gouvernement fédéral a dû l’admettre dans un récent rapport sur la pauvreté et la richesse. Ce qui a conduit le Financial Times à qualifier le miracle allemand de « simple mythe ». Une conclusion partagée par Christian Odendahl, chef économiste du think tank patronal Center for Europe Reform, lequel a résumé la teneur du rapport à destination du public international.

Mais dans les faits, le concept de la flexibilisation du marché du travail s’est transformé en un puissant dogme économique. En Espagne, les contrats à durée déterminée de quelques mois sont devenus la norme. Les Pays-Bas ont également rendus leurs salariés plus « flexibles » à travers diverses formes de contrats à temps partiel. En Italie, le nombre de « faux travailleurs indépendants » a explosé après que les professions libérales comme celles d’avocat ou d’architecte aient été « ouvertes à la concurrence » en 2006, et que l’encadrement des tarifs ait été aboli.

La Pologne, championne de la précarité

Mais c’est peut-être en Pologne que la sécurité de l’emploi a été la plus durement frappée. Pour rendre le pays encore plus attractif vis-à-vis des investisseurs internationaux après son entrée dans l’UE, le gouvernement de Varsovie a apporté en 2004 sa propre innovation dans le secteur des contrats précaires : tous les salariés seraient désormais employés à durée déterminée, et pourraient être renvoyés à tout moment sans avoir à fournir de justification particulière.

En parallèle, le gouvernement polonais a favorisé une expansion massive des contrats limités à des projets particuliers, en dehors du droit du travail. Les personnes concernées se voient refuser toute assurance maladie et toute protection sociale. Elles ne bénéficient pas non plus du salaire minimum. Des multinationales aux PME, de nombreux employeurs se sont rués sur l’aubaine. De sorte qu’aujourd’hui, plus d’un tiers des actifs polonais travaille sans sécurité ou pour des salaires de misère, davantage que dans tout autre pays de l’Union européenne. La législation polonaise sur le travail constitue un « retour au 19ème siècle », s’indigne Adam Rogalezski, secrétaire pour l’Europe de la confédération syndicale polonaise OPZZ.

Mais la Pologne n’est pas un cas isolé. Lorsque la crise financière a entrainé de nombreux pays de l’UE dans la récession, provoquant une forte hausse de la dette publique et du chômage, la dérégulation du marché du travail a été présentée comme la solution magique à tous les maux par la Commission, alors dirigée par le très libéral José Manuel Barroso, et par les ministres des Finances de la zone euro.

La flexibilité salariale, « un dogme religieux »

Pour l’économiste Olivier Blanchard, qui dirigeait au même moment le département de recherche du FMI, ce soudain engouement a quelque chose d’énigmatique. « Avant 2009, les réformes structurelles étaient un sujet secondaire », se souvient-il. Mais elles se sont rapidement transformées en slogan ressassé dans toutes les conférences officielles. « L’idée que l’affaiblissement des syndicats et la flexibilité salariale étaient le moyen de sortir de la crise était exposée comme un dogme religieux. » Ce qui était aussi évidemment, ajoute-t-il, « une manière pour les ministres des Finances et les banques centrales de se défausser du problème sur d’autres. »

Le responsable des questions économiques dans la Commission Barroso, le finlandais Olli Rehn, a appelé les pays frappés par la crise à rechercher « une fixation flexible du salaire et davantage d’incitations à retrouver du travail pour les personnes sans emploi ». Dans le même temps, le patron de la Banque centrale Mario Draghi a mis la pression sur les gouvernements espagnol et italien. Afin de restaurer leur solvabilité, les deux pays devaient « réformer le système de négociation des accords salariaux, et privilégier les accords au niveau de chaque entreprise pour adapter les salaires et les conditions de travail à leurs besoins spécifiques », selon les termes d’une lettre adressées aux dirigeants italiens. De l’Espagne étaient parallèlement demandées « des mesures pour réduire les salaires dans le secteur privé », et l’autorisation de contrats de travail « ne proposant qu’une compensation minime en cas de licenciement ».

Limiter le pouvoir des syndicats

Les fonctionnaires travaillant sous l’égide d’Olli Rehn ont précisé ce qu’ils considéraient comme des réformes « favorables à l’emploi » dans un rapport sur le « développement du marché du travail ». Selon ce document, les réformes souhaitables sont celles qui « assouplissent les conditions des licenciements », « augmentent la durée maximale des contrats à durée déterminée ou d’intérim, ainsi que le nombre maximal de renouvellements », « réduisent le pouvoir de négociation ou la portée des accords collectifs » et « ont pour conséquence de limiter globalement le pouvoir des syndicats en matière de négociation salariale ».

C’est dans les pays les plus exposés à la crise, comme le Portugal, la Grèce ou la Roumanie, que les dirigeants européens ont favorisé de la manière la plus outrancière les intérêts des actionnaires. Les gouvernements de ces derniers pays étaient sous la dépendance des prêts en urgence des autres pays membres de la zone Euro et du FMI. Les fonctionnaires de la « troïka » formée par la Commission, le FMI et la Banque centrale européenne (BCE) ont mis à profit cette situation pour imposer – au nom des créanciers – une réforme radicale du droit du travail et des législations relatives au dialogue sociale, pour le plus grand bénéfice des employeurs.

Le droit social grec laminé sur commande

C’est ainsi qu’en octobre 2011, par exemple, Pierre Deleplanque, patron du producteur de ciment Heracles, lui-même filiale du leader mondial des matériaux de construction Lafarge, a pu transmettre directement ses exigences au chef de la délégation du FMI à Athènes, après un rendez-vous privé avec les fonctionnaires de la troïka. Le journal grec Efimerida ton Sinakton, partenaire d’Investigate Europe, a révélé la teneur de ce document confientiel. Le cadre de Lafarge y demande, outre « la suspension des accords salariaux de branche », l’abolition des accords salariaux en vigueur dans les grandes entreprises « afin de favoriser les accords individuels » et supprimer ainsi toute protection collective pour les employés (sur ce sujet, lire notre article ici).

Tous ces vœux ont été exaucés. Les contrats associés aux prêts d’urgence à la Grèce, intitulés « protocoles d’accord », stipulaient que désormais les salariés pourraient être licenciés en ne recevant qu’une compensation minimale. Les accords salariaux nationaux ou de branche qui avaient été la norme jusqu’alors furent abolis. Aujourd’hui, les négociations ont presque systématiquement lieu à l’échelle de chaque entreprise, le plus souvent directement avec les salariés, sans passer par les syndicats.

De nouvelles lois « ont donné aux employeurs le pouvoir de prendre des décisions unilatérales », comme « la conversion de contrats traditionnels à temps plein en contrats précaires », ont conclu des chercheurs de l’Université de Manchester dans une étude ultérieure, financée – ironiquement – par la Commission européenne. Selon cette étude, d’innombrables contrats permanents ont été transformés depuis 2011 en contrats à temps partiel et à durée déterminée, et dans quatre cas sur cinq sans l’accord des personnes affectées. Le projet visait à rendre l’emploi moins sécurisé, et les salaires ont chuté de 23 % en moyenne.

En Roumanie, les lobbies patronaux rédigent des lois

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la fin imposée des négociations salariales contrevenait pourtant aux conventions internationales. Ce qui n’a pas suscité d’états d’âme du côté de la Commission européenne. Au contraire, ses fonctionnaires ont décidé d’appliquer les mêmes réformes radicales au Portugal. Dans ce pays, ils ont mis fin à l’expansion des contrats faisant l’objet d’accords négociés au niveau national pour toutes les entreprises d’une même branche, qui étaient jusqu’alors la norme. Avec un succès retentissant. Jusqu’en 2008, environ 45 % des salariés portugais disposaient de contrats liés à des accords de branche nationaux. Six ans plus tard, ce chiffre était tombé à 5 %.

En Roumanie, les fonctionnaires de l’UE ont même excédé leur mandat pour imposer une libéralisation radicale. En posant comme condition à un prêt d’urgence, en 2009, le « dégraissage des enceintes institutionnelles de négociation salariale », ils se sont directement mis au service des intérêts des multinationales et de leurs lobbies.

« Le Council of Foreign Investors et l’US Chamber of Commerce [deux lobbys patronaux américains] ont été impliqués dans la rédaction même des nouvelles lois relatives au marché du travail, pour leur plus grand bonheur », explique la chercheuse Aurora Trif, de l’Université de Dublin, qui a étudié les acteurs impliqués pour une autre étude financée par l’Union européenne. Selon elle, ces deux institutions n’ont même pas cherché à cacher leur influence sur cette législation. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

40 % des employés roumains au salaire minimum : 318 euros par mois

Résultat : un droit du travail permettant aux entreprises de passer leurs employés à temps plein sous des contrats à temps partiel, de proposer des nouveaux contrats à durée déterminée, et de recourir sans aucune restriction aux intérimaires. Dans le même temps, à l’initiative de la Commission européenne, le gouvernement roumain a supprimé tout dialogue social à l’échelle nationale, laissant la négociation des nouveaux contrats à la discrétion des employeurs.

Le système de négociation collective qui prévalait jusqu’alors, s’appliquant à 90% des salariés, « a été pratiquement anéanti », déplore Petru Dandea, secrétaire de la confédération syndicale Cartel Alfa. Les représentants élus du personnel ont également perdu toute protection contre le licenciement, tout comme les employés qui osaient faire grève. En conséquence de ces réformes draconiennes, les salaires ont subi une telle dégringolade que désormais 40% des salariés roumains ne touchent que le minimum légal (318 euros mensuels). « Nous sommes payés comme si nous étions un pays de travailleurs non qualifiés », résume le syndicaliste roumain.

La Commission européenne en a pris bonne note. Lorsqu’un gouvernement ultérieur à Bucarest a annoncé en 2012 qu’il souhaitait encourager à nouveau les accords salariaux nationaux contraignants, les émissaires du commissaire Olli Rehn, avec ceux du FMI, ont mis leur veto. « Nous pressons fortement les autorités de s’assurer que les accords collectifs nationaux ne contiennent pas d’éléments relatifs aux salaires et ne remettent en cause les progrès obtenus avec le nouveau code du travail adopté en mai 2011 », ont-ils écrits au gouvernement. En plein accord avec la Chambre du Commerce des États-Unis, qui a elle aussi signé une lettre de protestation. Le gouvernement a dû faire machine arrière.

Des réformes qui n’ont aucun bénéfice mesurable pour l’économie

Cependant, en intervenant ainsi, Olli Rehn et ses fonctionnaires usurpaient une prérogative qui n’était pas la leur. L’article 153 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit explicitement que l’UE et ses organes n’ont aucune responsabilité quelle qu’elle soit en ce qui concerne les « rémunérations ». Olli Rehn siège aujourd’hui au conseil de la Banque centrale de Finlande. Ne souhaitant pas revenir sur son rôle dans la réforme du droit du travail d’autres pays, il a refusé nos demandes d’entretien. L’ancien ministre des Finances des Pays-Bas, Jeroen Dijsselbloem, qui a supervisé en tant que président de l’Eurogroupe la précarisation massive du travail au Portugal et en Grèce, n’a pas non plus souhaité nous répondre.

Ils n’ont peut-être pas eu tort. Il est en effet clair depuis longtemps que les « réformes structurelles » qui pénalisent les salariés n’ont aucun bénéfice mesurable pour l’économie. « La régulation du marché du travail n’a pas d’effet statistiquement significatif sur la productivité », confirme le rapport annuel 2015 du FMI. Même les économistes de l’OCDE, le club des nations les plus riches, traditionnellement très libéraux, ont dû concéder l’année dernière que « la plupart des études empiriques examinant les effets des réformes visant à flexibiliser le marché du travail suggèrent qu’elles n’ont qu’un impact très limité, voire pas d’impact, sur le niveau de l’emploi ».

Une étude de l’Institut syndical européen, think tank des syndicats du continent, s’est penchée sur la question à partir de sondages approfondis dans huit pays, dont l’Espagne, la Pologne et l’Allemagne. Ces données suggèrent « un résultat très clair », selon Martin Myant, chef économiste de l’Institut : il n’y a « aucune preuve empirique » que la « dérégulation a amélioré l’emploi ou réduit le chômage de certains groupes sociaux ». Mais ces réformes ont été « accompagnées par une augmentation de l’emploi précaire, en particulier dans les pays où la dérégulation a été la plus agressive », ont conclu Martin Myant et ses collègues.

Généralisation du dumping social

Même le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi, qui pressait naguère l’Espagne et l’Italie de modérer les salaires et d’affaiblir les syndicats, semble en proie au doute. Certes, l’économie européenne semble renouer avec la sacro-sainte croissance. Mais pas les salaires. Conséquence : l’inflation reste si basse, que Mario Draghi et ses collègues n’osent pas rétablir les taux d’intérêts à leur niveau traditionnel. « Les modes de fixation des salaires et des prix dans la zone euro ont changé durant la crise, a-t-il récemment déclaré. Par exemple, les réformes structurelles qui ont renforcé le rôle des négociations salariales au niveau des entreprises ont pu rendre les salaires plus flexibles à la baisse, mais pas nécessairement flexibles à la hausse. » Est-ce vraiment une surprise ?

Le mécanisme comporte un risque énorme : les réformes, qui n’ont pas apporté de résultats tangibles, ont enfermé les pays de l’UE dans une course au moins-disant social, en termes de salaires et de conditions de travail. C’est aujourd’hui en France que cette course se poursuit. Le pays compte moins de personnes piégées dans des contrats précaires et mal payés que ses voisins européens.

Pour les patrons français, c’est un désavantage, et ils réclament une « décentralisation » des négociations salariales et des contrats de travail plus flexibles. Emmanuel Macron a exaucé leurs vœux avec sa récente réforme « pro-business », selon les termes du Financial Times, du droit du travail (lire notre article : Priorité à la négociation d’entreprise : pourquoi les salariés ont tout à y perdre).

En France, le processus est en cours

Cette politique est menée en France alors qu’il « n’y a pratiquement aucune preuve que la libéralisation du marché du travail y réduira le taux de chômage », avertit l’économiste de Harvard Dani Rodrik. Cela ne semble pas inquiéter Emmanuel Macron et ses conseillers. Dans l’avenir, employés et patrons seront encouragés à négocier directement au niveau de l’entreprise, et le gouvernement a décidé de restreindre le champ d’application des accords collectifs nationaux. « Nous donnons aux employés et aux employeurs la liberté de s’organiser eux-mêmes », a expliqué un haut fonctionnaire du ministère du Travail, architecte en chef de la réforme d’Emmanuel Macron, dans le cadre d’une entrevue accordée à Investigate Europe. Il n’a cependant pas souhaité que son nom soit cité. Ce technocrate conteste que le but de la réforme soit de réduire les salaires, même les réformes similaires menées en Espagne ou au Portugal ont conduit à ce résultat.

Le gouvernement français a simultanément créé une nouvelle forme d’emploi précaire : à l’avenir, des travailleurs pourront être embauchés dans le cadre de « contrats d’opération » conclus pour un projet déterminé, sans limite formelle de durée, mais qui prendra automatiquement fin au terme de la réalisation du projet.

La France se dirige donc tout droit vers une aggravation de l’insécurité au travail, au moment même où c’est le contraire qui serait nécessaire. « Si nous voulons nous attaquer à la hausse des inégalités, c’est une re-régulation du droit du travail qui est requise, pour renforcer à nouveau le pouvoir de négociation des salariés », déclare par exemple Gustav Horn, dirigeant de l’Institut allemand de macro-économie (IMK), lié aux syndicats. « Les emplois précaires ne doivent pas devenir la norme », estime également Marianne Thyssen, commissaire européenne à l’Emploi et aux affaires sociales, qui déclare avoir abandonné les politiques de dérégulation qui étaient celles de ses prédécesseurs.

Face aux libéralisations, opposer un nivellement par le haut

Existe-t-il une voie pour sortir de l’impasse dans laquelle les dirigeants actuels nous ont précipité ? Une idée fréquemment avancée consisterait à augmenter significativement les contributions des employeurs à la sécurité sociale pour les emplois précaires. Les travailleurs concernés par ces contrats doivent recourir bien plus souvent que les autres aux assurances sociales. Il serait donc logique que les entreprises paient le juste prix de la « flexibilité » imposée à ces employés. « Nous ne voulons plus de profiteurs de nos systèmes sociaux », affirme la commissaire européenne. Serait-ce pour autant suffisant ?

Une autre piste consisterait à réformer la base même des législations européennes du travail, juge Claudio Treves, secrétaire général pour les professions libérale de la confédération syndicale italienne CGIL. Au lieu de réguler tous les types de contrats de travail qui existent au sein de l’UE, le but devrait être de créer une « charte européenne des droits fondamentaux des travailleurs » [2], qui garantisse à chacune et chacun le droit à l’assurance maladie et à l’assurance retraite, ainsi qu’à un salaire minimum décent, quel que soit le type de contrat de travail. Une revendication déjà soutenue par plus de 1,3 millions de personnes en Italie, souligne-t-il.

Les nouveaux défenseurs de la sécurisation du travail n’ont cependant pas encore suffisamment de poids et d’influence pour pousser une telle réforme. Seul un tout petit nombre de précaires sont aujourd’hui membres de syndicats. Mais la situation pourrait évoluer, car l’économie numérique entraine à son tour une explosion de la précarité. Les entreprises de l’économie des plateformes, telles Uber, Foodora ou Amazon, contournent le droit du travail à grande échelle, et leurs employés n’ont souvent aucune forme de protection sociale, de comité d’entreprise ou de protection contre les licenciements. Mais les nouveaux forçats du 21ème siècle pourraient bien vouloir en finir avec cet ordre des choses.

Harald Schumann et Elisa Simantke, pour Investigate Europe

(Traduction : Olivier Petitjean)

source https://www.bastamag.net/Hold-up-social-comment-le-droit-du-travail-a-ete-demantele-en-Europe-sans-aucun

SOS Méditerranée reportage envoyé spécial

Vous pouvez encore visionner en replay ce documentaire à bord de l’Aquarius. https://www.france.tv/france-2/envoye-special/355153-emission-du-jeudi-21-decembre-2017.html  ( voir à 1h28s)

Message de SOS Méditerranée

Cher(e) ami(e),

Ce jeudi 21 décembre, le documentaire d’Envoyé Spécial, l’Odyssée de l’Espoir sera diffusé à 20h55 sur France 2.

Réalisé par Hélène Eckmann, journaliste embarquée pendant 5 semaines à bord de l’Aquarius, il met en lumière le quotidien des équipes de SOS MEDITERRANEE, les opérations de sauvetage souvent complexes, mais également les témoignages poignants des rescapés qui fuient pour sauver leur vie.

Il nous tenait à coeur de partager avec vous ce moment, car c’est bien grâce à vous, et au soutien de milliers de citoyens que notre action est possible.

Toute l’équipe de SOS MEDITERRANEE vous remercie d’être là, et vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année !

Pour soutenir l’association https://don.sosmediterranee.org/b/mon-don

Le poids de la dette sur les économies mondiales

Samedi 25 novembre denier, dans le cadre du Festival des Solidarités, s’est tenu au «Carreau de Cergy» un colloque sur le thème « Démocratie Dette et Développement ».

Ce colloque  organisé par la Ville de Cergy en partenariat avec les associations ADERPI, ATTAC, CCFD-TERRE SOLIDAIRE, SOLIDARITE PLURIELLE, a proposé plusieurs  débats  dont celui  d’ Eric Toussaint « Le poids de la dette » sur les économies mondiales  :  https://www.youtube.com/watch?v=0mROIfFZOs4&t=370s

Tragédie à la grecque à la mairie de Madrid ?

20 décembre par Jérôme Duval CADTM 

L’éviction de l’adjoint aux finances à la mairie de la capitale espagnole, coupable d’avoir voulu résister à l’injonction à l’austérité par le pouvoir central, ouvre une nouvelle crise politique.

Balayant le Parti populaire au pouvoir depuis vingt-quatre ans dans la capitale, Ahora Madrid, la coalition dite du changement, avait pris d’assaut la municipalité lors des dernières élections municipales du 24 mai 2015, avec 31,85 % des voix et vingt sièges de conseillers. Le ministre espagnol des Finances et de la Fonction publique, Cristóbal Montoro, qui excelle dans la transposition des règles budgétaires européennes d’austérité au niveau municipal du royaume, obtient la soumission de la ville la plus endettée, jusqu’ici emblème des politiques alternatives au gouvernement central, tout en fissurant le nouveau pouvoir municipal Ahora Madrid, aujourd’hui en pleine crise politique.

Le ministre Montoro déclenche la polémique au sein de la coalition au pouvoir à Madrid

La maire, Manuela Carmena, a décidé lundi 18 décembre de destituer son adjoint aux finances, Carlos Sánchez Mato, quelques heures avant une session plénière d’une cruciale importance, celle devant décider l’approbation ou non du Plan économique et financier (PEF) 2017-2018 fixant les grandes lignes budgétaires de la ville. Or ce PEF inclut des coupes, exigées par le ministre des Finances Montoro, de plus de 533 millions d’euros, dont une grande partie dans les secteurs afférents aux droits sociaux, l’emploi et l’équité, soit 13 % du budget. Refusant de se soumettre, l’adjoint aux finances avait prévu de ne pas assister au vote, refusant de défendre un PEF contraire aux principes de solidarité qu’il défend.

Depuis qu’il est à son poste à la mairie, Sánchez Mato a toujours placé la population madrilène au cœur de sa politique économique, avant les intérêts financiers des créanciers. Voilà sans aucun doute la véritable raison de sa destitution, aboutissement d’une longue querelle avec le ministre Montoro. Pourtant, pendant ses deux années et demie de mandat, Sánchez Mato et son équipe ont démontré qu’une autre politique économique était possible : la municipalité a dégagé un surplus budgétaire de plus d’un milliard d’euros l’année passée et, malgré la gestion libérale calamiteuse du gouvernement précédent du Parti populaire qui avait fait exploser la dette municipale au sommet stratosphérique de 7,7 milliards d’euros en 2012, Sánchez Mato était parvenu à la réduire à 3,5 milliards au deuxième trimestre de cette année 2017, soit moitié moins. Une perspective de genre avait même été introduite dans les budgets. Mais l’augmentation de 73 % des dépenses sociales que Sanchez Mato s’évertuait à placer en priorité, n’était pas du goût du ministre et de son arsenal législatif |1|.

Discipline de vote lors de la session du 18 décembre

Manuela Carmena a été claire envers son équipe municipale, avertissant qu’elle accepterait uniquement les votes en faveur du PEF, les responsables allant contre cette décision devront en assumer les « conséquences ». Lors du vote ce même 18 décembre, le PEF a été approuvé grâce aux votes du Parti populaire (!) et de 14 conseillers de Ahora Madrid (un total de 34 Oui). Le PSOE et Ciudadanos ont voté contre (16 voix contre) et 6 conseillers de Ahora Madrid ont décidé de ne pas prendre part au vote, avec à leur tête Carlos Sánchez Mato. Parmi ces derniers, les conseillers Guillermo Zapata, Celia Mayer et Javier Barbero qui qualifient, dans un communiqué de leur organisation « Madrid 129 » (scission de Ganemos), les derniers événements de grave erreur à même de mettre en danger la confluence qui a porté au pouvoir le gouvernement de Madrid, et laissent entrevoir le possible abandon de leurs responsabilités à la mairie |2|. Car destituer Sánchez Mato revient à se soumettre aux règles illégitimes de Montoro et oblige Carmena à trahir son propre programme, impossible à réaliser dans de telles conditions.

Coup double pour Montoro

Montoro, avec sa gestion intrusive, peut s’enorgueillir de voir approuvé un PEF bien cantonné à sa doctrine libérale qui marquera d’une manière ou d’une autre l’avenir économique de la capitale. Il peut aussi se réjouir d’avoir réussi à ce que la mairie de Madrid, principal moteur du contre-pouvoir municipal avec Barcelone, soit prise dans une crise interne aux conséquences irréversibles à l’approche des prochaines élections municipales de 2019. La victoire est double comme le souligne le journaliste Andres Gil |3|.

Au-delà des résonances de tragédie à la grecque (rappelons-nous l’épisode fatal de la capitulation de Tsipras), la crise au sein du gouvernement municipal de Manuela Carmena, après la destitution de Carlos Sánchez Mato, fait planer la menace d’une rupture au sein de la coalition la plus importante de l’État espagnol, Unidos Podemos, formée en vue des élections générales de 2016 par les partis Podemos et Izquierda Unida au niveau national. En effet, Izquierda Unida n’apprécie guère le soutien du leader de Podemos, Pablo Iglesias, qui affirmait dans une interview à la radio Cadena Ser : « Il y a une loi sur les dépenses, celle de Montoro, à laquelle nous devons nous opposer au Parlement. Cependant, il est logique que les municipalités se conforment à la loi, même si nous ne l’aimons pas » |4|. Ce qui fait dire à Izquierda Unida qu’Iglesias « affirme une chose au Parlement et accepte son contraire à Madrid » |5|.

Réactions en cascade

S’il ne faut pas sous-estimer les dommages collatéraux du séisme politique, il ne faut pas non plus imaginer une soumission aveugle face à la capitulation de Madrid de la part de toutes les forces progressistes arrivées au pouvoir dans nombre de villes d’Espagne en 2015. Aussitôt les réactions ne se sont pas fait attendre : plusieurs adjoints aux finances de plusieurs villes (Cadix, Badalona, Oviedo, Puerto Real et Ripollet) ont publié une tribune « Moi aussi je suis Carlos Sánchez Mato », affichant leur solidarité et leur refus de soumission aux diktats austéritaires. Une rencontre du Réseau des municipalités contre la dette illégitime est prévue à Rivas, près de Madrid, début février et portera le débat sur les enjeux et limites des politiques municipales progressistes face à l’intransigeance d’un gouvernement central qui est prêt à tout pour en découdre avec toute proposition alternative qui émane de ces forces municipales.

Notes

|1| La Loi de rationalisation et soutenabilité de l’Administration locale (« Racionalización y Sostenibilidad de la Administración Local »), connue comme “loi Montoro” plafonne les dépenses des administrations locales et incite prioritairement au remboursement des dettes, fussent-elles illégitimes.

|2| Voir le communiqué de leur organisation « Madrid 129 » : http://madrid129.net/2017/12/18/sobre-el-pef/ et http://administracionpremios.com/zapata-mayer-y-barbero-se-plantean-salir-del-gobierno-de-carmena-tras-el-cese-de-mato/

|3| Andres Gil, « El Ayuntamiento de Madrid se agrieta ; Montoro se frota las manos », eldiario.es, 18 décembre 2017.

|4| « Hay una regla de gasto, la de Montoro, a la que tenemos que hacer oposición nosotros desde el Congreso. Mientras tanto, es lógico que los ayuntamientos tengan que cumplir la ley aunque no nos guste » Pablo Iglesias, Cadena Ser, 18 décembre 2018. http://cadenaser.com/programa/2017/12/18/hoy_por_hoy/1513594510_967705.html

|5| “decir una cosa en el Congreso y aceptar la contraria en Madrid”, citation prise dans « La alianza Podemos-IU salta por los aires tras el cese de Sánchez Mato », El Confidencial, 19 décembre 2017. https://www.elconfidencialdigital.com/politica/alianza-Podemos-IU-salta-Sanchez-Mato_0_3059694024.html

Auteur.e Jérôme Duval est membre du CADTM, Comité pour l’abolition des dettes illégitimes et de la PACD, la Plateforme d’audit citoyen de la dette en Espagne. Il est l’auteur avec Fátima Martín du livre Construcción europea al servicio de los mercados financieros, Icaria editorial 2016 et est également coauteur de l’ouvrage La Dette ou la Vie, (Aden-CADTM, 2011), livre collectif coordonné par Damien Millet

Inégalités et concentration de richesse

Au cœur des inégalités, la fin des politiques publiques

Par Martine Orange de Mediapart

Réalisé par une centaine d’économistes, le Rapport sur les inégalités mondiales 2018 pointe la révolution capitaliste de ces quarante dernières années, qui a conduit à une concentration inégalée de richesse. L’abandon des politiques publiques de redistribution, la remise en cause de l’État sont au centre de ce creusement des inégalités.

« Ils disaient il y a vingt ans que le capitalisme globalisé et financiarisé apporterait la prospérité au plus grand nombre. Quand il est devenu évident que le capital était de plus en plus concentré à l’échelle mondiale et encore plus agressif contre les non-possédants, ils ont déclaré que la lutte des classes était terminée. » Dans une de ses dernières tribunes, Yanis Varoufakis rappelle en quelques phrases les origines du malaise politique et social qui mine les sociétés occidentales : un creusement des inégalités sans précédent dans le monde, une lutte des classes qui ne dit pas son nom, qu’on refuse même de nommer. Et ce n’est pas par hasard que l’ancien ministre grec de l’économie appuie sa démonstration sur ce qui se passe au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ils ont été au centre de la grande transformation capitalistique mondiale de ces quarante dernières années.

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Rarement le monde a connu un tel changement et à une telle vitesse. Un des mérites du Rapport sur les inégalités mondiales 2018, réalisé par des chercheurs du World Wealth and Income Database (WID) travaillant sous la coordination des économistes Facundo Alvaredo, Lucas Chancel, Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, est de remettre ce bouleversement en perspective. S’inscrivant sur une longue période – de 1980 à 2016 –, ils ont dépouillé les statistiques fiscales et comptables d’une soixantaine de pays, pas seulement les pays occidentaux ou industrialisés mais aussi des pays d’Afrique ou du Moyen-Orient, afin d’examiner les évolutions des revenus et des patrimoines de toutes les catégories.

Leur constat est sans appel : même si l’ascension de la Chine a contribué statistiquement à réduire le niveau des inégalités au niveau mondial, les inégalités entre les pays, à l’intérieur des pays, entre les catégories les plus riches et les plus pauvres, n’ont cessé de se creuser, quelles que soient les régions du monde. Celles-ci ne sont pas encore au niveau atteint au début de XXe siècle, au moment de la première mondialisation. Mais pas loin.

Le constat n’est malheureusement pas nouveau. De rapport en rapport, les grandes institutions comme l’OCDE, des ONG comme Oxfam et même des acteurs financiers comme Crédit suisse chroniquent depuis plusieurs années ce phénomène de l’extrême concentration des richesses à laquelle nous assistons. Comme le rappelle Oxfam, la fortune des 388 premiers milliardaires dans le monde équivalait à la richesse de la moitié de la population mondiale la plus pauvre. En 2016, les huit premiers milliardaires dans le monde totalisaient une fortune égale à celle de la moitié de la population mondiale. À ce stade, il ne s’agit pas plus des 1 %, ni même des 0,1 %, voire des 0,001 %.

Une telle accumulation en si peu de mains était-elle inévitable ? Dans une récente étude, le FMI tentait d’expliquer que le creusement des inégalités dans le monde était d’abord le produit de la mondialisation et des ruptures technologiques. Chiffres à l’appui, les chercheurs du WID récusent totalement cette thèse : les politiques publiques ont un rôle déterminant dans l’évolution des inégalités.

La comparaison de ce qui s’est passé entre l’Europe et les États-Unis au cours des trente dernières années est assez éclairante. Au début des années 1980, les 1 % les plus riches de part et d’autre de l’Atlantique possèdent environ 10 % des revenus nationaux. Trente ans plus tard, la part de ces plus fortunés est montée à 12 % des revenus en Europe, tandis qu’elle dépasse les 20 % aux États-Unis.

La période a vraiment été faste pour les Américains les plus riches. Leur revenu annuel a augmenté de 205 % depuis 1980 pour les 1 % et de 636 % pour les 0,0001 %. Dans le même temps, le salaire moyen des 50 % a stagné depuis 1980 autour de 16 000 dollars par personne (13 500 euros environ), alors que le PIB américain était multiplié par dix ! Une génération a été exclue de toute croissance.Cette immense distorsion est le fruit des politiques qui ont été mises en œuvre. C’est à partir des années Reagan qu’une totale liberté est donnée à la finance, à la circulation sans frein des capitaux. Dans le même temps, les gouvernements américains successifs réforment leur politique fiscale au profit des plus riches, renoncent à tout salaire minimum au niveau fédéral. Les protections salariales sont démontées tandis que les syndicats disparaissent peu à peu. L’accès à l’éducation, aux services de santé devient de plus en plus coûteux, de plus en plus inégalitaire.

La même comparaison peut être faite au niveau des pays émergents. Comment expliquer en effet que la Chine et l’Inde, voire la Russie, affichent de telles différences dans les évolutions des inégalités ? D’un côté, la Chine a connu une croissance hors normes. Une nouvelle classe de millionnaires, voire de milliardaires, a émergé. Les inégalités se sont creusées mais elles sont sans comparaison avec celles qui sont apparues en Inde ou en Russie. La différence, pour les chercheurs du WID, s’explique par les politiques publiques menées.

Part de revenu des 10 % des plus riches dans le monde entre 1980 et 2016. Part de revenu des 10 % des plus riches dans le monde entre 1980 et 2016.

Le gouvernement chinois a veillé malgré tout à prendre des mesures pour l’ensemble de la population. Il a permis la naissance d’une classe moyenne. En Inde, par incapacité politique ou institutionnelle peut-être, rien n’a été fait pour corriger les écarts, au contraire : alors que les 10 % les plus riches captaient 30 % des revenus nationaux en 1980, ils en accaparent 60 % aujourd’hui. Quant à la Russie, c’est une véritable kleptocratie qui s’est constituée à la faveur de la chute de l’URSS. Les 10 % les riches, qui détenaient moins de 20 % des revenus nationaux en 1980, en ont accaparé près de 50 % dès 1995, pour ne rien lâcher par la suite.

L’effondrement des patrimoines publics

C’est à ce moment charnière des années 1980 que les économistes néolibéraux préconisent d’abandonner les principes d’égalité au profit des principes d’équité, bien plus féconds selon eux, surtout qu’ils ont l’immense mérite de délégitimer toute politique redistributive, de récuser par avance toutes les inégalités. Dans le même mouvement, la notion de politique publique, celle d’action de l’État, voire d’État tout court, sont remises en cause par les mêmes penseurs. L’État, selon eux, ne peut que perturber le marché, par nature efficient et parfait.

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C’est un des points les plus intéressants et les plus novateurs de ce rapport sur les inégalités. Il met en lumière les conséquences de cette délégitimation de l’État, le formidable transfert qui s’est organisé entre les patrimoines publics et privés.

En 1970, les patrimoines privés représentaient entre 200 et 350 % du revenu national dans les pays occidentaux. Aujourd’hui, ils atteignent entre 400 % et 700 %. « La crise financière de 2008 n’a pratiquement pas infléchi cette augmentation, pas plus que l’éclatement des bulles spéculatives qui s’étaient formées dans certains pays comme le Japon ou l’Espagne », relève le rapport. Les politiques monétaires, menées depuis 1987 par les banques centrales, si favorables à la finance et aux classes les plus aisées, ne sont sans doute pas pour rien dans cette évolution.

Dans le même temps, poursuit le rapport, « le patrimoine public a diminué dans presque tous les pays depuis les années 1980 ». Au Japon, en Allemagne et en France, il est à peine au-dessus de zéro. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il est même devenu négatif. « Cette situation ne peut que limiter les capacités d’action des États pour lutter contre les inégalités », constatent les chercheurs du WID.

Pendant ces quatre décennies, les responsables ont défendu ces ruptures au nom de l’efficacité économique. L’ennui est que ces affirmations ne résistent à l’examen des chiffres. Les pays qui ont accepté et entretenu les plus fortes inégalités ont eu des croissances sur le long terme qui ne diffèrent en rien des autres. La seule différence est que cette croissance a été répartie de façon très inéquitable. « Les 1 % les plus riches ont profité deux fois plus de la croissance mondiale que les 50 % les plus pauvres », rappelle le rapport.

Les cohésions sociales, elles, sont de plus en plus mises à mal. Le creusement des inégalités se paie en matière d’éducation, de santé, par une montée de la précarité et de l’exclusion à l’intérieur des pays entre les plus aisés et les plus pauvres, et entre les pays les plus riches et les plus pauvres. Demain, il faudra sans doute y ajouter les risques environnementaux et climatiques que les économistes ne savent pas encore chiffrer précisément mais dont ils pressentent l’importance. Les plus pauvres seront à nouveau les plus exposés.

En dépit de la multitude des signaux d’alarme, la remise en cause de cette politique ne semble pas être à l’ordre du jour. Bien au contraire. Le budget adopté par le Sénat américain, qui prévoit la diminution de toutes les taxes et les impôts, s’annonce comme un nouveau cadeau fait aux riches. La réforme fiscale lancée par le gouvernement Macron, proposant la suppression de l’ISF, une flat tax sur le capital, des allègements pour les plus riches, s’inscrit dans la même ligne.

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Plus généralement, les politiques d’austérité menées depuis la crise financière en Europe, marquées par des coupes dans tous les budgets publics, un démaillage des services publics, de santé, d’éducation, des allègements sur le capital, conduisent à un alignement sur les pratiques américaines et britanniques. Si l’Europe affiche encore dans les chiffres des différences moins marquées en matière d’inégalités en raison de ses politiques sociales, il n’est pas sûr que, au train où vont les évolutions, celles-ci subsistent encore dans quelques années.

Si rien n’est fait pour corriger la trajectoire exponentielle des inégalités, à terme, les 0,1 % les plus riches pourraient cumuler l’équivalent des patrimoines de l’ensemble des classes moyennes mondiales, avertissent les économistes du WID. Les inégalités risquent alors d’atteindre un niveau insupportable, dit le rapport. Les spasmes qui secouent l’ensemble des sociétés occidentales tendraient à prouver que ce niveau n’est pas loin d’être atteint.

Briançon : Les états généraux des migrations

Tous migrants

Les 16 et 17 décembre 2017 le collectif « Tous migrants » organisait à Briançon des « États généraux des Migrations ». Deux militants d’Attac-Isère ont participé à cette manifestation. Des débats, des échanges avec le journaliste Edwy Plenel, l’agriculteur activiste de la Roya Cédric Herrou, des avocats, des élus, des professionnels de la montagne, un chirurgien de l’hôpital de Briançon….« Nous voulons nourrir le débat sur notre devoir d’hospitalité, sur une autre politique migratoire, mais nous avons aussi un devoir face à une urgence humanitaire. Nous avons tous peur d’un drame sur nos cols. La militarisation massive de la frontière conduit les migrants à des prises de risques inconsidérées » déclarent les professionnels de la montagne, accompagnateurs, guides, pisteurs, moniteurs .

De 1 500 à 2 000 migrants arrivés d’Italie ont tenté une dangereuse traversée des Alpes depuis trois mois pour arriver à Briançon par les cols. Devant cette situation,les professionnels de la montagne et les villageois de la Clarée, de Briançon et des vallées alentour se sont organisés pour leur venir en aide. Une initiative SOS Alpes solidaires s’est mise en place, pour « ne pas laisser les migrants mourir dans les cols ».

Près de 130 professionnels de la montagne (guides, accompagnateurs, pisteurs, gardiens de refuge) ont invité les élus, les journalistes et les citoyens à « s’encorder » le dimanche 17 décembre 2017 pour une marche au col de l’Échelle. Objectif : alerter les pouvoirs publics sur les dangers encourus par les migrants au passage des cols, particulièrement en hiver. Sur le modèle de SOS Méditerranée, ils lancent un SOS Alpes solidaires avec la signature d’une pétition demandant au gouvernement de ne pas surexposer les migrants au danger par des opérations de surveillance de gendarmerie. Ils demandent d’appliquer comme en mer la notion d’assistance à personne en danger.

Par une température glaciale ce sont plus de 300 personnes qui ont participé à cette « cordée solidaire » partie de Névache près de Briançon en direction du col de l’Échelle, entre la France et l’Italie. Ce col routier, fermé à la circulation en hiver, est devenu depuis plusieurs mois un lieu de passage des migrants qui n’ont aucun équipement ni aucune connaissance des risques en montagne. Ce danger est aggravé par la présence permanente de forces de gendarmerie qui sans cesse traquent les migrants.

Les organisateurs de cette manifestation qui ne veulent pas que les Alpes deviennent une seconde Méditerranée ont lu un communiqué, déclarant notamment: « La Méditerranée, les barbelés, les armées, les murs ne stoppent pas des personnes qui fuient leur pays. La montagne ne les stoppera pas non plus, surtout qu’ils en ignorent les dangers. Les professionnels de la montagne refusent que les Alpes deviennent le cimetière de ces personnes en détresse, c’est pour cela que l’on lance un SOS Alpes solidaires ».

En complément aux actions de sauvetage des migrants, de nombreuses initiatives ont été projetées : états généraux des migrations en 2018, initiatives citoyennes européennes, actions en justice, chiffrage des ressources et travail fournis par les citoyens…

« Il y a une crise de l’accueil et non une crise des migrants »

Georges Veyet, Joëlle Prévost

Photos Briançon Marche solidaire

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Chers amis et camarades,

City Plaza, le “meilleur hôtel” dans une Europe aux barrières et au racisme croissants, fait aujourd’hui face à d’importantes difficultés financières. La campagne de collecte de fond internationale et les donations directes – qui ont été un succès durant la première année du projet – ont sévèrement diminué. C’est pourquoi, nous appelons une fois de plus à toutes les personnes et groupes qui ont rendu possible le projet de City Plaza à travers leurs contributions. Nous demandons aux groupes locaux et aux initiatives de diffuser le message et d’organiser des événements et soirées de solidarité. Nous demandons aux collectifs ou particuliers de se joindre à notre campagne, de partager nos vidéos et notre appel pour garder City Plaza en vie.Jusque ici, et depuis environ 20 mois, City Plaza a réussi à être une maison de dignité, de sécurité et de lutte pour plus de 1.700 personnes réfugiées – plus d’un tiers étant des bébés et enfants. Ceci est dû à l’effort infini d’une centaine d’activistes, à travers la solidarité et l’autogestion. Mais ce n’aurait pas été assez sans le support de nos donateurs et sans votre support.

City Plaza est entièrement basé sur le volontariat, sans aucun personnel rémunéré et fonds publics. Mais pour avancer, cela demande beaucoup de ressources. Pour le moment, City Plaza est à un important carrefour. Bien que les dépenses, quand on les compare aux camps officiels, soient plus basses de 1/5, les aliments frais et l’huile de cuisson prennent une grande portion du budget de City Plaza. Il y a aussi beaucoup d’autres dépenses – produits pour bébés, médicaments, lessive, matériel scolaire, produits de nettoyage et d’hygiène, etc.

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 Le 22 avril 2016, 250 activistes et personnes réfugiées ont pris l’hôtel City Plaza dans le centre d’Athènes. L’hôtel et beaucoup d’autres affaires commerciales ont fermé pour plus de 6 ans après l’effondrement économique et à cause de la politique d’austérité gouvernementale. Cet hôtel abandonné a été transformé en un Espace de Logement et de Solidarité pour Réfugiés. Depuis, cette initiative de solidarité, durant plus de 600 jours, a assuré un logement gratuit et décent à plus de 1700 personnes dans l’hyper centre d’Athènes, sans la demande de leur nationalité ou permis de résidence. Ces personnes sont logées dans les 120 chambres de l’hôtel, 350-400 individus dans un même temps.

City Plaza a émergé comme une réponse directe du mouvement solidaire suite aux effets désastreux du Deal UE-Turquie et la fermeture militaire de la Route des Balkans. City Plaza a été squatté pour assurer aux personnes déplacées une alternative avec sécurité et dignité par rapport aux misérables, non hygiéniques et cruelles conditions des camps de réfugiés, hot-spots et des centres de détention. En faisant ça, City Plaza lance un message politique clair : des conditions de vie décentes pour tout le monde sont possibles, même dans un pays touché par la crise comme la Grèce.

En même temps, City Plaza est devenu un lieu de solidarité transnational et de lutte contre le régime de la migration en UE. Un espace de vie commune mais aussi un espace de lutte contre les nouvelles formes d’exclusions et de répressions qui ont émergé après le “long été de la migration” en 2015. Nous nous levons pour la liberté de bouger et le droit de rester, contre la coopération de l’UE avec les régimes autoritaires et répressifs en Turquie et en Libye. Nous condamnons la réimplantation de la pratique illégale de repoussement par le gouvernement grec et nous nous battons contre et les horribles conditions de vie pour les personnes réfugiées à l’est des îles Aegean.

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