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La Grèce maintient le confinement des demandeurs d’asile sur les îles

AFP 23/04/2018

Le gouvernement grec va maintenir le confinement sur les îles de la mer Égée des demandeurs d’asile arrivés de Turquie, en contournant une décision de justice qui levait cette mesure, a indiqué lundi le ministère à la politique migratoire.

Ce maintien du confinement est permis par une nouvelle décision du service d’asile, justifiant cette mesure par un autre motif que celui retoqué par la justice mercredi, a précisé le ministère.

« Les demandeurs d’asile arrivant sur les îles se verront remettre une note précisant qu’ils doivent rester sur place pour faciliter le suivi de leur demande », a précisé à l’AFP une source du ministère.

A la suite d’un recours du Conseil grec des réfugiés, le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative, s’était prononcé mercredi contre les limitations à la libre circulation imposées aux arrivants sur les îles grecques depuis l’entrée en vigueur en mars 2016 du pacte UE-Turquie visant à couper la route migratoire en Égée.

Mais le Conseil s’était prononcé en jugeant infondée la justification alors apportée, soit des « motifs sérieux d’intérêt public ». Sa décision ne porte donc pas sur la nouvelle règle mise en place par le service d’asile, selon le ministère.

Le Conseil grec des réfugiés a dénoncé un « coup porté à l’État de droit », mettant en cause des pressions exercées par la Commission européenne. Le maintien du confinement « va continuer à exposer les réfugiés à des souffrances » et à alimenter les tensions avec les habitants des îles, a-t-il déploré dans un communiqué, se réservant de saisir à nouveau la justice.

La décision du Conseil d’Etat avait été salué par les ONG de défense des droits de l’homme, dont Amnesty international, qui s’alarment depuis des mois des conditions de vie des quelques 15.000 demandeurs d’asile parqués sur les îles.

L’annonce du gouvernement intervient alors que plus d’une dizaine de migrants et réfugiés ont été blessés dans la nuit de dimanche à lundi sur l’île de Lesbos lors d’affrontements avec des militants d’extrême droite. Ces derniers avaient attaqué près de 200 Afghans campant devant la place centrale de Mytilène, chef-lieu de l’île, depuis mardi dernier pour protester contre leur confinement

Le 23 avril projection-débat avec Yannis Youlountas et action de solidarité

Le collectif citoyen de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe – soutenu par Attac Isère et le Cadtm Grenoble

vous propose une projection-débat et une action de solidarité

<<<<<<<<<<<<<<<<<<< Projection – débat >>>>>>>>>>>>>>>>>
en présence du réalisateur

Lundi 23 avril 20h
Espace Aragon – 19 bis bd Jules Ferry Villard Bonnot

L’amour et la Révolution
Non, rien n’est fini en Grèce
réalisé par Yannis Youlountas

« Dix ans après les premières émeutes, les médias ne parlent plus de la crise grecque.Tout laisse croire que la cure d’austérité a réussi et que le calme est revenu.  Ce film prouve le contraire.
 A Thessalonique, des jeunes empêchent les ventes aux enchères de maisons saisies. En Crète, des paysans s’opposent à la construction d’un nouvel aéroport.  À Athènes, un groupe mystérieux inquiète le pouvoir en multipliant les sabotages. Dans le quartier d’Exarcheia, menacé d’évacuation, le cœur de la résistance accueille les réfugiés dans l’autogestion.
Un voyage en musique parmi celles et ceux qui rêvent d’amour et de révolution. »

 

<<<<<<<<<<<<<<<<<<< Action de solidarité >>>>>>>>>>>>>>>>>


Au mois de mai,
un fourgon partira de Grenoble pour la Grèce et se joindra au convoi solidaire, organisé par le collectif artistique et solidaire ANEPOS.

Notre action n’est pas humanitaire, mais politique et solidaire, sans intermédiaire : nous soutenons directement nos camarades grecs et les encourageons à continuer à résister et à s’entraider.

La liste des principaux besoin a été préparée avec eux pour des livraisons à Exarcheia (Athènes), Thessalonique et plusieurs îles.

La liste des besoins et tous les renseignements sur ce convoi : http://lamouretlarevolution.net/spip.php?rubrique15

 

Voici les prochains rendez-vous pour soutenir cette action solidaire et apporter votre contribution

<< Espace Aragon >>
(avant la projection du film L’Amour et la Révolution)
lundi 23 avril à partir de 19h

<< Devant le MIN (marché de gros) – 117 rue des Alliés – Grenoble >>
mercredi 25 avril de 17h à 19h
et

mercredi 2 mai de 17h à 19h

Les personnes qui ne pourraient vraiment pas se rendre à l’un de ces 4 rendez-vous peuvent adresser un message à greceausterite@hotmail.com, nous chercherons une solution.

Loi immigration en France : ils ont osé voter la rétention des enfants

Loi immigration: les députés LREM refusent d’interdire la rétention des enfants

Par Mathilde Mathieu

Les députés LREM ont voté, samedi 21 avril, le doublement de la durée légale de rétention des sans-papiers. Ils ont aussi repoussé tous les amendements visant à interdire l’enfermement des enfants, en annonçant un groupe de travail.

En prime, elle pouvait suivre à distance les « exploits » d’une centaine de militants d’extrême droite qui se sont improvisés gardes-frontière pour tout le week-end dans les Alpes, où ils ont déroulé 500 mètres de grillage dans la neige pour repousser les migrants, qui ont souvent risqué leur vie dix fois pour arriver jusque-là.

En guise d’anniversaire, surtout, les députés de la majorité ont voté samedi la mesure « phare » du texte de Gérard Collomb, qui allonge de 45 à 90 jours la durée légale d’enfermement des étrangers en centre de rétention administrative (les CRA), sorte de « sas » où les sans-papiers sont confinés sur décision des préfets en vue d’un embarquement en avion plus ou moins rapide, bien souvent hypothétique (absence de « laissez-passer » du pays d’origine, libération par un juge des libertés, etc.). Le plafond légal sera ainsi 7,5 fois plus long qu’en avril 2002.

Plus symbolique encore ? Samedi, les bancs LREM ont renoncé, sous la pression du ministre de l’intérieur, à prohiber le placement d’enfants dans ces centres de rétention, rejetant trois amendements successifs venus de leur gauche (PS, France insoumise et PCF), qui prétendaient en finir avec cette pratique en augmentation.

Les suppliques n’ont pourtant pas manqué. « Monsieur le ministre, trois mots : pas les enfants ! Plus les enfants ! a lancé Hervé Saulignac (PS). Ils sont par essence innocents. Un centre de rétention, c’est parfois des barbelés, des caméras, du mobilier scellé, des verrous, un univers carcéral qu’on réserve aux individus dangereux. » Du côté des communistes, Elsa Faucillon a interpellé tous les bancs : « C’est pour nous un moment grave, insupportable. Je vous en conjure, votez contre ! »

L’an dernier, sur 26 000 étrangers placés en CRA (hors outre-mer), le Défenseur des droits a encore comptabilisé 134 familles avec 275 enfants, un chiffre en augmentation – sachant qu’un mineur isolé n’est jamais enfermé. Dans une décision récente, il a surtout demandé aux autorités « de faire évoluer la législation pour proscrire [la rétention d’enfants] dans toutes les circonstances », avec une « préoccupation » particulière pour Mayotte où plus de 4 000 mineurs (venus des Comores) ont été privés de liberté l’an dernier.

« Ne tournons pas autour du pot, a résumé Jean-Luc Mélenchon, pour sa première prise de parole de la semaine sur le projet de loi. Nous sommes ici un certain nombre à être absolument, totalement, radicalement opposés à la rétention des enfants. (…) Nous allons être condamné à tour de bras par toutes les instances internationales ! »

À plusieurs reprises déjà (encore cinq fois en 2016), la France a en effet été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a certes pas sanctionné la rétention d’enfants en elle-même. Mais elle a constaté que « les conditions inhérentes à ce type de structures [avaient] un effet anxiogène sur les enfants en bas âge », et jugé que « seul un placement de brève durée » pouvait « être compatible » avec l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les « traitements inhumains et dégradants ». À la clé, des milliers d’euros de préjudice moral versés aux familles (tchétchènes, arméniennes, etc.).

Samedi, le PS était toutefois mal à l’aise pour donner des leçons à La République en marche. Alors que le candidat Hollande s’était engagé en 2011 à mettre fin à la rétention des enfants pour privilégier l’assignation à résidence, une circulaire de 2012 de Manuel Valls l’a seulement encadrée, provoquant certes une chute momentanée des statistiques, mais qui ont vite remonté.

En 2016, surtout, le gouvernement Valls a bel et bien inscrit, cette fois dans la loi, la possibilité de placer des familles en CRA, non seulement lorsqu’elles ont fui une première fois (ou fait échouer un embarquement), mais aussi lorsque les préfectures estiment qu’une courte rétention (« 48 heures avant un départ programmé ») sera moins brutale qu’une interpellation de la famille la nuit du départ. En ce 21 avril 2018, les socialistes ont trouvé la parade : haro sur Manuel Valls.

« Le premier ministre de l’époque, que vous avez longuement soutenu, a recouru allègrement à toutes les dérogations existantes ! » a ainsi lancé Valérie Rabault (PS), à l’adresse des bancs LREM. « Nous pouvons aujourd’hui les uns et les autres réparer ce qui ne l’a pas été jusqu’ici », a pour sa part déclaré Olivier Faure, le patron du PS.

Côté LREM, la quasi-totalité du groupe souhaitait arriver, il y a encore quelques semaines, à une prohibition. Le responsable du texte lui-même, Florent Boudié, nous confiait sa volonté de « l’interdire en tout cas en métropole », pour contourner les difficultés propres à Mayotte. Samedi, changement de pied : « Pourrions-nous nous permettre d’interdire la rétention des mineurs sur le territoire métropolitain et la maintenir sur les territoires ultramarins ? Au nom de quelle égalité républicaine ? » Un groupe de travail va plutôt se réunir, au sein du groupe LREM, pour plancher sur une future éventuelle proposition de loi… Au sein de la majorité, on explique réfléchir, entre autres voies, à des bâtiments dédiés à l’accueil des familles, en dehors des CRA mais tenus par les forces de l’ordre, à un plafonnement restreint du nombre de jours, etc

C’est qu’entre-temps, Gérard Collomb a dégainé quelques promesses : « Nous allons aménager de manière prioritaire certains CRA dans lesquels seront placées les familles » (c’est déjà le cas), « Nous investirons dans les conditions matérielles et sociales », « Nous ferons en sorte que la durée soit la plus brève possible », etc.

Mais sur le fond, le ministre en a fait un enjeu d’« efficacité ». « Si même les personnes qui fuient le droit, on ne peut pas les expulser », celles notamment « qui se sont déjà soustraites à une procédure d’éloignement », « alors on n’expulsera plus personne, a-t-il prévenu. La situation deviendra inextricable ». Son obsession ? Les familles albanaises et géorgiennes, autorisées à venir sans visa pendant trois mois, qui obtiennent rarement une protection, mais « font une demande d’asile à peine arrivées ». Et de glisser : « En Allemagne, la situation de ces familles est examinée en moins d’une semaine, nous devons nous aligner… »

À l’arrivée, seules trois députées LREM (dont Delphine Bagarry) et trois Modem ont voté les amendements d’interdiction, auxquels on peut ajouter onze abstentionnistes, tandis que le gros des troupes suivait Gérard Collomb, en compagnie de 70 LR, 2 UDI et 6 frontistes, dont Marine Le Pen.

Sur l’allongement du délai de rétention, le ministre n’a guère rencontré plus de résistance dans son camp. « La problématique qui existe est que nous ne revoyons pratiquement personne », a plaidé le ministre, rappelant que moins de 20 % des « obligations de quitter le territoire français » (OQTF) sont exécutées. Même une fois placées en CRA, 40 % « seulement » des étrangers sont renvoyés, notamment parce qu’ils restent au sol tant que leur consulat n’a pas signé un « laissez-passer ». Or celui-ci n’arrive parfois jamais, pour cause de lenteurs ou d’obstructions administratives dans les pays d’origine.

Mais comme Mediapart l’a déjà expliqué (voir notre analyse), une fois passés douze jours (durée moyenne de rétention), la probabilité de voir arriver des laissez-passer chute drastiquement. En 2017, 635 personnes seulement ont été libérées au bout de 45 jours en CRA, faute de laissez-passer. Le passage à 90 jours prévu par Gérard Collomb a paru tellement peu efficace au groupe LR que même ce dernier s’est abstenu, avec le FN. La majorité l’aura donc adoptée toute seule.

Source : https://www.mediapart.fr/journal/france/220418/loi-immigration-les-deputes-lrem-refusent-d-interdire-la-retention-des-enfants

Le salut du peuple La rubrique de Panagiotis Grigoriou

Panagiotis  Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif  et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.

Le salut du peuple

Il était une fois, comme bien souvent dans les contes, un Docteur Folamour, sa suffisante doxa et deux autres dirigeants… suiveurs. À cette époque on ne pouvait trouver attitude plus bilieuse sur la terre. Les prétextes, les leurs, ils ont été trouvés, tordus, voire au besoin fabriqués. Leurs missiles, à défaut de véritable mission, ils ont été pour l’essentiel interceptés et détruits avant de toucher le sol. Pauvres gens, piètres dirigeants. Voilà en résumé la vision grecque (non officielle) des événements qui ont frappé la Syrie il y a quelques jours. Et Athènes… c’est en quelque sorte l’Orient !

“Le salut du peuple est la loi suprême”. Athènes, avril 2018

En cette époque où comme bien souvent dans les contes, les… têtes d’âne semblent encore ordonner, on peut lire sur certaines parures de la ville d’Athéna, cette vieille maxime latine “Salus populi suprema lex est(o)”, formule généralement attribuée à Cicéron, et qui peut être traduite par “Le salut du peuple est la loi suprême”, devise également de l’État du Missouri.

Dans les cafés bien grecs, on se moque ainsi largement et volontiers de l’intervention tripartite occidentale contre la Syrie, et même la presse mainstream, en rajoute. “Eh bien voilà; ce n’est pas sans importance que d’autres pays, dont essentiellement l’Italie et l’Allemagne n’ont pas souhaité suivre… l’oncle d’Amérique, à l’exception normale de la Grande Bretagne… et cependant, à l’exception paradoxale de la France. C’est triste…”, fait remarquer Th., mon ami journaliste.

Dans nos chapelles et dans nos églises on célèbre toujours la Résurrection un peu fanée il faut admettre plus d’une semaine après Pâques, façon de parler comme manière de croire si possible, à l’hyperbole bien de notre temps, comme à celle de toujours. Hyperbole en grec, c’est cette une figure de style et autant manière de dire, consistant à exagérer l’expression d’une idée ou d’une réalité. Et pourtant l’espoir y réside toujours on dirait.

On célèbre la Résurrection. Athènes, avril 2018
La… Résurrection. Athènes, avril 2018
L’intervention contre la Syrie. “Quotidien des Rédacteurs”, avril 2018

Il fait beau et chaud en ce moment, et la Grèce est largement couverte de cette fine poussière d’Afrique, c’est aussi de saison. Sous ce soleil maladif, nos habituels badauds scrutent ainsi parfois les journaux, rien que par lassitude, la presse de la semaine a également et largement évoqué la disparition de Yórgos Baltadoros, enfant de la Thessalie montagneuse. Il était le pilote du Mirage 2000-5 de chasse grec qui s’est abîmé en mer Égée près de l’île de Skyros, après avoir participé à une opération d’interception de chasseurs turcs.

Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, le calendrier crisique grec s’enfonce de plus en plus dans sa géopolitique… finale. Telle avait été, il faut bien dire sa programmation dès le départ, sauf que durant les premières années de la crise, années en somme cruciales… et crucifiées par les charlatans de la Gauche SYRIZA, le peuple croyait que tout aurait pu se résumer en une affaire de luttes sociales. Plus maintenant.

Le pays (se) meurt ainsi dans la beauté, le chaos, la criminalité qui explose, autant qu’à travers cet ultime boom sélectif dans l’immobilier. Les étrangers d’abord, certains Grecs ensuite, ils investissent dans l’hôtellerie de luxe, ou sinon, dans la transformation des quatre murs athéniens… en Grande Muraille airbnb. Est-ce bien la mutation transitoire de la décennie ? Difficile à dire pour l’instant.

Et nos touristes défilent entre les ruines antiques et les ruinés contemporains… en comparant parfois les prix. Et rien que pour attirer l’œil, les images du passé, dont par exemple celles présentant la restauration traditionnelle rapide à la grecque dans toute sa splendeur, sont placées en avant-scène sur les façades des établissements.

On scrute les journaux. Athènes, avril 2018
La disparition de Yórgos Baltadoros. Presse grecque avril 2018
Image de jadis sur une façade. Athènes, avril 2018
Athènes et ses masques. Avril 2018

Le touriste, tout comme le Grec d’ailleurs, admirera ces faits authentiques de jadis, supposés alors générateurs de notre présent, belles images certes, mais seulement belles images. Car rien que les expressions des visages des travailleurs de cet autre temps sur ces posters grandeur nature, trahissent alors toute la distance qui nous sépare à jamais de cette période, lorsque même un certain Alexis Tsipras n’était pas encore né. Bella Grecia !

Il faut alors dire que dans la vrai vie, l’authentique d’aujourd’hui c’est plutôt ce 14% de la population grecque qui ne se soigne plus du tout, ce pourcentage dépasse alors 36%, lorsqu’il s’agit des classes les plus paupérisés (quotidien “Kathimeriní” du 16 avril 2018).

“Le prétendu accès au système de Santé, surtout pour ceux qui n’en bénéficient plus (30% de la population), reste lettre morte du fait de la non-gratuité d’un bon nombre d’actes ou thérapie, note le journal. Les Grecs n’ont pas les moyens, donc ils ne se soignent pas, et pour commencer, ils ne se rendent pas chez leur médecin.” Le salut du peuple… aurait pu être la loi suprême !

Dans le même ordre d’idées, les dépenses dans les supermarchés ne décollent vraiment pas, et seulement 3,8% des Grecs déclarent dépenser plus de 100€ à chaque fois qu’ils y font leurs courses, ils étaient pourtant plus de 6% à dépenser plus de 100€ il y a seulement une année (quotidien “Kathimeriní” du 16 avril 2018).

Le pays ne se relèvera pas que par son seul tourisme, dans les rues d’Athènes les sans-abri dorment dans les espaces verts, on y vend de plus en plus de leurs billets de loterie à la sortie du métro, tandis que les enseignes de type traiteur, inaugurent alors succursale après succursale. Splendides apparences, joyeux contrastes, où il y a certainement aussi… à manger et à boire.

Heureusement que nos animaux adespotes (sans maître), nous observent alors sans trop nous comprendre dans cet inique quotidien qui est le nôtre, cela, entre deux de leurs siestes si bien méritées.

Athènes, avril 2018
Nos animaux adespotes. Athènes, avril 2018
Un sans-abri. Athènes, avril 2018
Nouveaux traiteurs. Athènes, avril 2018
Billets de loterie. Athènes, avril 2018

Le peuple lui par contre, il ne dort pas. Il reste certes anesthésié par la para-normalité qui le gouverne, mais il ne dort pas. Mon ami Th., lequel vient de retrouver du travail dans un media inévitablement électronique pour 500€ par mois et pour un temps plus que plein, estime que par les temps qui courent, notre Occident n’a plus rien à générer de très constructif sur cette planète, ou sinon, que de la mise à mort et de la prédation.

“Notre époque se trouve plongée dans une étrange démence, et c’est cette même démence qui ordonne à la destruction de la Syrie et peut-être aussi, à la présumée préparation de la prochaine grande guerre contre la Russie, puissance il faut dire alors beaucoup plus logique, raisonnée et raisonnable que les méta-politiques qui gouvernent notre Occident en perte complet de sens”

Difficile d’en rajouter. Et à travers cette Grèce fort actuelle, cette perte de sens n’est pas sans rappeler d’autres moments dans l’histoire du pays: “Je suis revenu au centre d’Athènes à pied en compagnie de Theotokas. Nous évoquions en marchant la situation actuelle de la littérature et toutes nos conclusions elles ont été manifestement bien sombres. Tout reste suspendu au point mort, personne n’a la moindre idée de ce qui se passera alors demain. Theotokas, pourtant optimiste de tempérament, commence à douter de tout. J’évoque le problème qui se posera de manière implacable à tout un chacun parmi ceux qui écrivent, comment est-il alors possible que d’avancer au beau milieu de l’ouragan actuel. Il a rajouté: D’ici peu, nous nous demanderons si tout ce que nous avons pu écrire a encore un sens.”

Athènes, avril 2018
Athènes, avril 2018
L’hybris. Athènes, avril 2018

Le narrateur c’est le poète et diplomate Yórgos Séféris, Prix Nobel de littérature en 1963, Yorgos Theotokas, son ami, avait été un romancier issu du cadre du siècle précédant, et ce texte est un extrait du journal de Séféris, daté très exactement du 25 février 1940.

Ainsi, toujours à Athènes, le sacrifice du retraité pharmacien Dimitris Christoúlas lequel s’est suicidé en avril 2012 pour dénoncer le gouvernement Quisling d’alors (et finalement d’aujourd’hui), est toujours commémoré par les meilleurs des anonymes, pendant que dans les quartiers huppés de la Riviera d’Attique, les sans soucis se baigneront à souhait dans les eaux à 23 degrés du lac de Vouliagméni.

Mais tout n’est pas perdu. Fort heureusement, il nous est encore possible de voyager par exemple entre Paris, Constantinople et Bagdad… une promenade inévitablement musicale, voilà ce que l’homme sait encore faire en bien mieux que la guerre et la prédation.

Mémoire de Dimitris Christoúlas. Athènes, avril 2018
Lac de Vouliagméni. Athènes sud, avril 2018
Voyage musical. Athènes, avril 2018

Lors des tirs des missiles tirés contre la Syrie, Mimi et Hermès de Greek Crisis dormaient alors comme à leur habitude. Et quant à nous, ce n’est que par la suite des émissions inhabituellement matinales des radions que nous nous sommes réveillées en plein événementiel. Mais après-tout, les affaires des humains appartiennent définitivement à un certain au-delà, si l’on réfléchie bien.

Nos humains d’Athènes, le plus souvent jeunes aux vidages graves, certains d’être eux en tout cas, ils ont depuis manifesté cette semaine contre cette intervention en Syrie, laquelle espérons-le en tout cas ne préfigurera point le prochain “grand règlement”. Les manifestants, très déterminés il faut dire, ils ont même tenté à déboulonner la statue du Président Truman, sans succès ! Les forces de l’ordre (sous la “gouvernance” SYRIZA), ont aussitôt abordé nos jeunes manifestants issus des rangs du PC grec et de la gauche extrême avec toute la violence… nécessaire.

Mimi et Hermès de Greek Crisis. Athènes, avril 2018
Manifestants à Athènes. Avril 2018 (presse grecque)
Contre… la statue du Président Truman. Athènes, avril 2018 (presse grecque)

Le salut du peuple est la loi suprême, façon de parler ! Il était une fois, comme bien souvent dans les contes, un Docteur Folamour et toute sa funeste doxa, puis, deux autres dirigeants… suiveurs. Haute actualité.

Sinon, comme le remarquait notre poète Yórgos Séféris en son temps: “Toute la simplicité de la vie grecque: Deux rougets, des verdures bouillies, le tout servi sur une petite table entourée de chats”, (“Journal”, vendredi 9 août 1940). Bella Grecia !

Animal adespote. Athènes, avril 2018
* Photo de couverture: Vitrine. Athènes, avril 2018

mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !”   http://greece-terra-incognita.com/

France : on privatise… même pas à la demande de la troïka

Privatisations: une rente perpétuelle et sans risque pour le privé

Par martine orange Médiapart

C’est un programme de privatisation calqué sur celui imposé par la Troïka à l’Europe du Sud que prépare l’exécutif. Aéroports régionaux, ports, barrages… les actifs stratégiques, les monopoles naturels, les biens communs sont appelés à être dilapidés. Sous couvert de modernité, le gouvernement rétablit la rente perpétuelle pour le privé..

Le gouvernement français n’a même pas besoin des équipes de la Troïka. Il a décidé de mener ses fameuses réformes structurelles, en suivant à la lettre le programme de privatisations imposé dans toute l’Europe du Sud au moment de la crise de l’euro. Il va beaucoup plus loin que la cession de participations dans des entreprises industrielles ou de service (Engie, France Télécom). Toutes les sociétés qui sont considérées dans le domaine régalien de l’État, toutes les infrastructures essentielles, constituant des monopoles naturels, sont désignées pour être vendues. Ce sont les actifs qui intéressent le plus le capital privé : ils forment des passages obligés et sont sans risque. En un mot, le gouvernement prépare le grand bradage du patrimoine national, en confiant tout ce qui peut constituer une rente au privé.

À aucun moment dans sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron n’avait soufflé mot d’un tel projet, pas plus qu’il n’avait évoqué la réforme de la SNCF ou la privatisation de la RATP. Pour justifier une telle dilapidation des biens nationaux, le gouvernement, comme à son habitude, avance la nécessité de changer, de bouger avec son temps. L’argent tiré de ces privatisations devant servir à alimenter un fonds d’investissement public pour aider les sociétés de la « start-up nation ». Mais derrière cet affichage high-tech, il s’agit bien d’un vrai programme d’austérité volontaire, d’un asséchement des recettes publiques, d’une privation d’actifs essentiels.

À chaque début de plan d’aide, les équipes de la Troïka n’ont pas manqué d’exiger la vente des loteries nationales. Pour ces tenants acharnés du néolibéralisme, l’État n’a pas à conserver des entreprises juteuses, qui disposent souvent d’un monopole sur les jeux et apportent des recettes aux finances publiques. En Espagne, comme en Grèce, ils ont donc recommandé de vendre au plus vite ces sociétés de jeux.

Le gouvernement de Zapatero a renoncé en 2011, au dernier moment, à privatiser sa loterie nationale, jugeant l’opération trop préjudiciable aux intérêts publics : elle l’aurait privé de recettes, mais aurait aussi accentué les risques de corruption et de blanchiment sur un secteur toujours à la merci des mafias. Le gouvernement de Rajoy n’est pas revenu sur cette décision. Le gouvernement grec, lui, a dû s’incliner. Dès 2013, il a bradé la société qui avait le monopole des jeux de hasard en Grèce pour la laisser aux mains d’un milliardaire.

Pour sa première grande privatisation, le gouvernement français a naturellement choisi la Française des jeux. Une idée qui tient à cœur à Emmanuel Macron qui, lorsqu’il était ministre de l’économie, militait pour sa privatisation rapide. Mais son projet s’était heurté au refus du ministre du budget, Christian Eckert. Celui-ci ne voyait aucun intérêt pour l’État à se priver de rentrées d’argent assurées, ainsi que d’un contrôle et d’une capacité d’intervention sur ce secteur très vulnérable.

 © ADP © ADP

Les grincheux étant partis, les bonnes idées peuvent être reprises. Il y a quinze jours, le ministre des finances, par l’entremise du JDD, a donc annoncé la privatisation à venir de la société qui a le monopole des jeux de loto en France. Principal actionnaire de la société de jeux, avec 72 % du capital (le reste appartient pour l’instant aux salariés et aux distributeurs de loterie), il se propose d’en vendre une grande partie, pour ne garder que 25 à 30 %, choisissant ainsi de se priver d’une bonne centaine de millions d’euros de dividendes par an. Il est prévu que les taxes perçues sur les jeux – trois milliards par an environ à ce jour – doivent compenser ce manque à gagner. Quant à la surveillance du secteur, la réglementation existante est censée suffire.

 

En prévision de cette opération, la présidente de la Française des jeux, l’ex-socialiste Stéphane Pallez, a publié ses derniers résultats, en se félicitant de leur progression: une progression du montant des mises de 17% en 3 ans, un résultat net de 181 millions d’euros, en hausse de 2,8 % sur un an. Dans son grand plan de «transformation et de croissance», la Française des jeux se donne pour objectif de conquérir un million de clients supplémentaires d’ici à 2020. Il paraît que l’Etat met tout en œuvre pour lutter contre  l’addiction aux jeux

La deuxième privatisation annoncée, celle d’Aéroports de Paris (ADP), n’est pas plus surprenante. Là aussi, le gouvernement français marche dans les pas de la Troïka. À chaque fois, celle-ci a exigé que les gouvernements de l’Europe du Sud en difficulté cèdent ces infrastructures essentielles.

En 2012, Vinci a ainsi obtenu la concession des dix aéroports portugais sur cinquante ans, pour un peu plus de 3 milliards d’euros. La Grèce s’est vu imposer à son tour la privatisation de ses quatorze aéroports régionaux. Après avoir tenté de résister, le gouvernement d’Alexis Tsipras a fini par s’incliner face aux injonctions de la Troïka. Un consortium allemand, emmené par le groupe Fraport, a obtenu la concession des quatorze aéroports sur quarante ans pour 1,2 milliard d’euros. Une partie de cette somme a été avancée par la Banque européenne d’investissement, le reste est financé à crédit. Et le groupement est exempté de toute taxe locale et foncière. Il lui a fallu aussi céder ses ports, désormais aux mains des Chinois, ses autoroutes, ses réseaux de transport d’énergie.L’Espagne, une fois de plus, fait un peu de résistance. Sous la pression des créanciers, le gouvernement de Zapatero avait envisagé de privatiser la société publique qui gère les 46 aéroports du pays, l’AENA. Mais il avait dû renoncer à ce projet face à l’hostilité de l’opinion publique. Fin 2017, le gouvernement de droite a repris le projet, mais en précisant qu’il ne s’agissait que d’une privatisation partielle. Il entend conserver 51 % du capital de la société qui doit être introduite en Bourse.

La France en est déjà à l’étape suivante. Transformée en société anonyme en 2005, ADP a été introduite en Bourse l’année suivante et l’État n’en détient déjà plus que 50,6 %. Contre quelque 8 milliards d’euros, le gouvernement est prêt à céder l’ensemble de sa participation dans le cadre d’une concession exorbitante de tout droit commun, allant de 70 à 90 ans !

Le cadeau ne s’arrête pas là. Contrairement à ce qui a été fait en Grande-Bretagne, où le régulateur avait imposé lors de la privatisation des aéroports londoniens une scission entre Heathrow et les deux autres aéroports de la capitale afin de maintenir une concurrence, l’heureux gagnant aura la main à la fois sur l’ensemble du troisième aéroport du monde, Roissy-Charles-de-Gaulle, et sur Orly.

De plus, le bénéficiaire va hériter d’un contrat de concession rédigé par l’administration du ministère des transports, bâti sur le même modèle que les concessions autoroutières : l’augmentation du trafic et des tarifs, les investissements à réaliser, l’évolution des effectifs, la rémunération annuelle du capital. Les mécanismes d’indexation sont conçus de telle sorte que les tarifs, comme l’a dénoncé à plusieurs reprises la Cour des comptes pour les autoroutes, ne peuvent jamais baisser. En dix ans, les tarifs de redevances de Roissy et d’Orly ont augmenté de 49,5 %, alors que l’inflation n’a progressé que de 13,9 % et que le trafic passager a augmenté de 29 %.

Pas besoin d’être grand devin pour comprendre quelle sera la pente suivie par les tarifs dans les années qui viennent. On reparlera alors des difficultés économiques d’Air France, premier client d’ADP, et des nécessaires plans de réduction d’emplois pour l’aider à faire face.

Tout est à vendre

En outre, ADP bénéficiera des redevances des activités commerciales liées aux aéroports (boutiques, centres commerciaux). Celles-ci représentent désormais 83 % de son résultat opérationnel courant, mais ne sont jamais prises en compte dans le calcul des charges d’exploitation et des péages demandés aux compagnies aériennes qui, contrairement aux autres aéroports dans le monde, ont aussi assumé les charges de sécurité. Pour faire bonne mesure, le gouvernement s’apprête également à rétrocéder une partie des immenses emprises foncières (des milliers d’hectares) acquises au fil des années, à la suite d’expropriations imposées par l’État au nom de l’intérêt général et qui sont désormais la propriété d’Aéroports de Paris.

Le nom de l’heureux gagnant est déjà sur toutes les lèvres. Sans surprise, Vinci, qui a engagé la même tactique de grignotage du capital qu’il avait adoptée en 2005 pour la privatisation de autoroutes du Sud – il détient déjà 8 % d’ADP – devrait l’emporter. Il faut bien savoir récompenser les soutiens des premières heures : Xavier Huillard, PDG de Vinci, était au premier rang lors de la réunion Confluences à Lyon, à l’automne 2016, quand Emmanuel Macron se préparait à lancer sa campagne. Il faut aussi dédommager l’aventure avortée de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Officiellement, l’État doit au moins 200 millions d’euros à Vinci pour la rupture de la concession, bien que le groupe n’ait rien perdu dans cette affaire. Car en même temps que la concession de NDDL, où il a engagé très peu de frais, il avait obtenu, justement pour faire face aux travaux du nouvel aéroport, la concession de l’aéroport de Nantes, qui lui rapporte plusieurs dizaines de millions d’euros par an.

Le port du Havre. © Dr Le port du Havre. © Dr

Mais la grande braderie ne va pas s’arrêter là. Interrogé dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur Alstom, Martin Vial, président de l’Agence des participations de l’État (APE), a indiqué qu’une grande révision du portefeuille des participations de l’État avait été menée et qu’à l’avenir l’État se devait d’être plus sélectif.

Dans cette grande révision, ce n’est pas seulement le groupe ADP qui doit être cédé, mais toutes les grandes infrastructures stratégiques de la France. Poursuivant dans la foulée de la privatisation des aéroports de Nice et Lyon, ainsi que de la désastreuse vente de l’aéroport de Toulouse menée par Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, le gouvernement entend liquider les ports de Marseille, Fos, Le Havre, Dunkerque, Rouen, Saint-Nazaire et La Rochelle, comme les aéroports de Bordeaux, Mulhouse, Strasbourg et Montpellier.  La liste n’est pas exhaustive. Car tout est à vendre.

«L’Etat se prépare à vendre 25 des 81 participations qu’il détient», s’alarme le député LR Olivier Marleix, président de la commission d’enquête parlementaire sur Alstom, inquiet de ce désarmement économique en préparation.. Il faut aussi ajouter les barrages et sans doute, à terme, une partie du réseau ferroviaire pour les lignes destinées uniquement au fret, comme le gouvernement en caresse le projet.

Qu’est-ce qui peut justifier un tel bradage du patrimoine, des biens communs de la nation ? Cette politique ne peut qu’aboutir non seulement à assécher les finances publiques de toute rentrée financière supplémentaire en dehors de l’impôt, mais à priver l’État de tout levier de contrôle, de tout moyen sur des pans entiers du territoire, sur les actifs les plus économiquement indispensables, qui bénéficient d’un monopole naturel.

Dans ses explications devant les parlementaires, le directeur général de l’APE justifie l’évolution du portefeuille des actifs de l’État au nom des changements industriels, des ruptures technologiques, de la fameuse disruption provoquée par le numérique. Mais il existe des choses qui ne changent pas, justement dans ces périodes de bouleversement. Et ce sont justement les infrastructures jugées essentielles au nom de la sécurité de l’État et de la préservation du contrôle économique du territoire. Les États-Unis, censés être le modèle néolibéral par excellence, en sont si conscients qu’en 2007, le gouvernement américain a décidé d’élargir ses dispositifs de sécurité et de contrôle, qui lui donnent un droit de veto sur toutes les opérations, aux infrastructures jugées stratégiques ou d’importance vitale. D’ailleurs, les grands aéroports et les grands ports américains sont tous sous contrôle public.

Les notions mêmes d’actifs stratégiques et de souveraineté semblent être étrangères aux différents directeurs de l’APE, auditionnés par la commission d’enquête parlementaire (lire ici, ici ou ). La souveraineté ? Cela leur paraît un concept désuet, dans ces temps de mondialisation et de financiarisation. De toute façon, à les entendre, l’État a tous les « leviers en main » : il y a des régulateurs.

Compte tenu des expériences passées, il y a tout à craindre. L’exemple des autoroutes est là pour le rappeler. Contre l’avis des parlementaires qui souhaitaient la reprise en main étatique des autoroutes, Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, a imposé au contraire leur prolongation en leur concoctant de tels contrats qu’il n’a jamais voulu les rendre publics malgré le jugement du tribunal administratif.

La politique du gouvernement, censée être éclairée et de bon sens, va même à l’encontre de ses références économiques, à commencer par leur maître à tous, Adam Smith. Dans La Richesse des nations, celui-ci préconisait que les routes et les canaux appartiennent à l’État car ces voies de transport, infrastructures indispensables, ne pouvaient pas être soumises à la concurrence. Depuis, des centaines de travaux d’économistes ont cherché à cerner ce qu’étaient des monopoles naturels, des infrastructures indispensables. Une écrasante majorité d’entre eux aboutit à la même conclusion : il ne peut y avoir de concurrence dans de telles situations. Laisser de tels actifs aux mains du privé revient à lui accorder une rente indue, qui appauvrit l’ensemble des agents économiques.

Or c’est précisément ce que projette le gouvernement. Il décide de mettre aux mains du privé des moyens essentiels au pays, à commencer par Aéroports de Paris, des monopoles naturels comme les ports. Et compte tenu des conditions de concession qu’il prévoit – 40, 50, 90 ans –, c’est une rente perpétuelle et sans risque, puisqu’elle n’est constituée que par des passages obligés, qui est offerte au capital privé. Le gouvernement prenant tous les risques, en décidant de soutenir des activités à risque, les « start-uppers ». Le monde à l’envers.

Sous couvert de modernité, la présidence d’Emmanuel Macron « s’inscrit dans un temps de restauration », relève l’économiste Jean-Michel Servet, professeur à l’Institut des hautes études internationales et du développement à Genève. « En 1825 fut adoptée la loi dite du “milliard des émigrés”, une rente de 3 % payée par l’État, pour indemniser les émigrés “spoliés” par la confiscation et la vente de leurs biens fonciers trente ans plus tôt sous la Révolution », poursuit-il. Et c’est bien de cela qu’il s’agit derrière tous ces programmes de privatisation : indemniser le capital privé, qui s’estime « spolié » depuis des années des biens communs qui lui avaient échappé, et qui désormais réclame la reconstitution de sa rente.

Source https://www.mediapart.fr/journal/france/190418/privatisations-une-rente-perpetuelle-et-sans-risque-pour-le-prive

Projection débat et action de solidarité le 23 avril avec Yannis Youlountas

Le collectif citoyen de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe – soutenu par Attac Isère et le Cadtm Grenoble

vous propose une projection-débat et une action de solidarité

<<<<<<<<<<<<<<<<<<< Projection – débat >>>>>>>>>>>>>>>>>
en présence du réalisateur

Lundi 23 avril 20h
Espace Aragon – 19 bis bd Jules Ferry Villard Bonnot

L’amour et la Révolution
Non, rien n’est fini en Grèce
réalisé par Yannis Youlountas

« Dix ans après les premières émeutes, les médias ne parlent plus de la crise grecque.Tout laisse croire que la cure d’austérité a réussi et que le calme est revenu.  Ce film prouve le contraire.
 A Thessalonique, des jeunes empêchent les ventes aux enchères de maisons saisies. En Crète, des paysans s’opposent à la construction d’un nouvel aéroport.  À Athènes, un groupe mystérieux inquiète le pouvoir en multipliant les sabotages. Dans le quartier d’Exarcheia, menacé d’évacuation, le cœur de la résistance accueille les réfugiés dans l’autogestion.
Un voyage en musique parmi celles et ceux qui rêvent d’amour et de révolution. »

<<<<<<<<<<<<<<<<<<< Action de solidarité >>>>>>>>>>>>>>>>>

Au mois de mai, un fourgon partira de Grenoble pour la Grèce et se joindra au convoi solidaire, organisé par le collectif artistique et solidaire ANEPOS.

Notre action n’est pas humanitaire, mais politique et solidaire, sans intermédiaire : nous soutenons directement nos camarades grecs et les encourageons à continuer à résister et à s’entraider.

La liste des principaux besoin a été préparée avec eux pour des livraisons à Exarcheia (Athènes), Thessalonique et plusieurs îles.

La liste des besoins et tous les renseignements sur ce convoi : http://lamouretlarevolution.net/spip.php?rubrique15

Voici les rendez-vous pour soutenir cette action solidaire et apporter votre contribution

<< Place Félix Poulat – Grenoble (barnum rouge à côté de l’église) >>
samedi 21 avril de 15h à 17h

<< Espace Aragon >>
(avant la projection du film L’Amour et la Révolution)
lundi 23 avril à partir de 19h

<< Devant le MIN (marché de gros) – 117 rue des Alliés – Grenoble >>
mercredi 25 avril de 17h à 19h
et

mercredi 2 mai de 17h à 19h

Les personnes qui ne pourraient vraiment pas se rendre à l’un de ces 4 rendez-vous peuvent adresser un message à greceausterite@hotmail.com, nous chercherons une solution.

CR réunion du collectif du 16 avril 2018

Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe »
du 16/04/2018

Présents : Béatrice, Liliane, Bernard, Max
Excusés : Christine, Georges, Christophe, M Claude

– VIOME
Nous prévoyons de relancer une campagne de commandes pour le mois d’octobre.
Nous avons déjà passé le film sur les Viome (Next stop : Utopia) l’an dernier, le support du lancement de cette campagne pourrait être une soirée avec un petit film sur les scop avec intervention par exemple de quelqu’un de l’union régionale des scop et d’en profiter bien sûr pour parler de l’actualité des Viome.

– Film L’Amour et la Révolution à Villard Bonnot et convoi solidaire d’Anepos de mai 2018
Les 2 évènements vu leur proximité ont été réunis dans la même information qui a été largement relayée auprès des associations, syndicats et partis + personnes connues pour s’intéresser à ce qui se passe en Grèce. Quelques affiches et tracts en couleur ont été tirés pour affichage et dépôts (MDA, Espace Aragon, Grésivaudan …), ainsi que des tracts en noir et blanc pour distribution. Nous allons recevoir sous peu, d’Anepos, des affiches grand format du film.

Rappel des rendez-vous :
– rue Félix Poulat Grenoble samedi 21 avril de 15h à 17h information sur le film et le convoi (distribution du tract) + point de collecte pour le convoi
– Espace Aragon – lundi 23 avril à partir de 19h collecte – 20h film
Yannis et Maud ont prévu d’arriver vers 18h
Nous prévoyons un repas partagé, ce serait bien que chacun dise avant ce qu’il compte apporter (si possible végétarien)

– de
vant le MIN (marché de gros) 117 rue des Alliés à Grenoble de 17h à 19h les mercredis 25/4 et 2/5
– le 2/5 à partir de 19h tri des fournitures collectées
Liliane sera présente le 25/4 et Bernard et Béatrice le 2/5.

– 1er mai
– Liliane va proposer un tract sur le démantèlement du droit du travail en Grèce, ainsi que des slogans à afficher sur des panneaux. Nous pourrons aussi mettre sur la table, le tract de présentation du collectif, l’appel aux dons pour les dispensaires …

– Prochaine réunion du collectif

Lundi 14 mai 2018 de 17h à 19h salle 200 de la Maison des associations de Grenoble

Grèce : détérioration intentionnelle des services publics de l’eau

Communiqué d’Unité Populaire de Thessalonique concernant la détérioration intentionnelle des services publics de l’eau

LA PANNE PROLONGÉE DU RÉSEAU D’EAU À THESSALONIQUE EST LE RÉSULTAT D’UNE DÉTÉRIORATION INTENTIONNELLE DE LA SITUATION DE LA COMPAGNIE DES EAUX (EYATH). DES RESPONSABILITÉS POLITIQUES ET JURIDIQUES SONT À RECHERCHER.

Une coupure d’eau qui dure plusieurs jours et qui concerne une ville de 1,5 millions d’habitants apparaît de France comme une vision apocalyptique venant d’un monde lointain. Ce n’est cependant que le résultat des politiques de marchandisation et de détérioration conséquente des services publics imposées par l’Union Européenne. La publication de cette nouvelle vise notamment à sensibiliser l’opinion publique française sur ce sujet, à l’heure où la lutte des cheminot-e-s et des autres salarié-e-s pourrait endiguer le tsunami néolibéral de la politique Macron.

Au moment où nous publions la traduction de ce communiqué le procureur de Thessalonique s’est déjà saisi de l’affaire et l’alimentation en eau se rétablit dans les quartiers touchés. L’affaire n’est cependant pas terminée car ses causes sont toujours agissantes. Suez, dont le patron Jean-Louis Chaussade accompagnait Emmanuel Macron, lors de sa dernière visite officielles en Grèce, continue à convoiter le marché de l’eau de Thessalonique.  L’intérêt de cet épisode reste toujours d’actualité.

Source: https://rproject.gr/article/i-vlavi-stin-eyath-synepeia-tis-apaxiosis-tis-na-apodothoyn-oi-eythynes-politikes-kai

Communiqué d’Unité Populaire, section de Thessalonique, 1ère circo

Le 01/04/2018

Les cinq jours – comptés aujourd’hui – de coupure d’eau à Thessalonique, en raison de la panne de la principale conduite d’alimentation du réseau, en provenance d’Aravissos ( panne déclarée le jour du fiasco du Congrès sur le développement régional), marquent de manière fracassante, les conséquences dévastatrices des politiques des mémorandums et de privatisation, mises en œuvre par tous les gouvernements grecs successifs : Nouvelle Démocratie, PASOK, SYRIZA-ANEL.

Depuis que le gouvernement PASOK a introduit la Compagnie des Eaux et d’assainissement de Thessalonique (EYATH) à la Bourse d’Athènes, sa privatisation a été mise en route, et elle aurait déjà été achevée s’il n’y avait pas eu un grand mouvement populaire majeur dans la ville de Thessalonique s’y opposant, ainsi qu’un référendum citoyen local rejetant le projet à une majorité écrasante en 2014. Ces actions ont réussi à ce jour d’arrêter le processus.

Cependant, la marche vers la privatisation a eu pour conséquences, comme de coutume dans le néolibéralisme, des investissements minimes et la réduction accélérée du personnel de la Compagnie. À cela se sont rajoutées les politiques des mémorandums réduisant les budgets des ministères en charge du service, de sorte que le réseau d’eau potable et le réseau des égouts, ne soient pas rénovés depuis 1970 avec toutes les conséquences imaginables sur la salubrité de l’eau  et l’approvisionnement de la ville en eau de qualité et quantité acceptables. Une telle situation est davantage choquante, lorsqu’il est connu qu’EYATH SA a enregistré un bénéfice avant impôts de 24,9 millions d’euros en 2017 contre 21,77 millions d’euros l’année précédente, soit une augmentation de 14,52% et des réserves de trésorerie de 65,2 millions d’euros, augmentées de 15%!

Le gouvernement refuse donc d’investir et de rénover un réseau problématique et dangereux, il licencie les salarié-e-s contractuel-le-s pour livrer au futur investisseur une entreprise aux profits amplifiés, aux fonds de trésorerie augmentés, usant de la même stratégie appliquée à l’Organisme du port de Thessalonique.

Les  responsabilités de la précédente administration d’EYATH, comme de l’actuelle, ainsi que des ministres en charge du dossier sont énormes  car leur choix ont conduit une grande partie d’une ville très peuplée à la pénurie d’eau, engendrant des risques graves pour la santé publique, le marasme l’activité économique déjà en souffrance avant cela, l’augmentation des coûts pour nettoyage et la consommation d’eau potable. Ces responsabilités doivent être attribuées aux fautifs, aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique. Ce dernier aspect relève  de l’intervention directe du procureur. D’autant plus qu’un épisode similaire est susceptible de se reproduire, car la rénovation du réseau n’est pas prévue dans un proche avenir.

La réunion « urgente » organisée par la directrice du cabinet du Premier Ministre le cinquième (!!!) jour de la coupure d’eau, sa visite à la station de pompage de Dendropotamos pour s’assurer de la pureté de l’eau le cinquième (!!) jour de la coupure, les déclarations anodines de la ministre en charge Mme Kollias à la sortie de cette réunion, prétendant  qu’une solution du problème serait en route, ne font que susciter de l’exaspération chez nos concitoyen-ne-s déjà fatigué-e-s qui, au-delà de l’incurie à l’égard de ce service public, de l’évitement des responsabilités découlant de leurs politiques coupables, entendent de l’ironie à leur encontre de la part des dirigeants.

Unité Populaire exige du gouvernement et de l’administration d’EYATH l’arrêt de tout processus de vente du service. Elle déclare qu’elle continuera sans relâche sa lutte pour que l’eau, bien social, ne soit pas privatisée. Pour que la Compagnie des Eaux et d’assainissement de Thessalonique (EYATH) reste un service public, pour sa reconstruction et sa gestion sociale, dans l’intérêt des habitants de la ville, avec la protection du travail et l’amélioration de ses conditions.

La reconstruction démocratique l’administration publique mais aussi de tous les services publics est nécessaire, rejetant les  pratiques clientélistes, pour qu’ils puissent répondre efficacement aux besoins de la société et de la reconstruction de l’économie, au service de la qualité et non du profit.

Références :

Entretien avec Makis Anagnostou (Vio.Me)

« Lorsque nous avons décidé de remettre l’usine en marche à notre propre compte, une écrasante majorité des travailleur-Es y a été favorable »

NPA 8 avril 2018

Entretien. Nous avons rencontré Makis Anagnostou (membre du collectif des travailleurs de Vio.Me) et Marco Gastine (producteur du film Prochain Arrêt : Utopia) pour discuter avec eux de l’expérience de Vio.Me, une usine qui était menacée de fermeture par la crise grecque et que les travailleurEs, regroupés en collectif, on reprise en main.

Pouvez-vous brièvement raconter l’histoire de votre entreprise (grève, occupation, réouverture d’usine, etc.) ?

Les problèmes de Vio.Me, la petite entreprise de fabrication de colle pour carrelages située à Thessalonique, dans laquelle nous travaillons, ont commencé avec le début de la crise grecque en 2009 et l’effondrement du secteur du bâtiment. La direction de l’entreprise, volant au secours de la maison-mère, la fabrique multinationale de carreaux de céramique Philkeram-Johnson, en difficulté, a alors transféré une grosse partie de son capital à celle-ci. Elle en a fait payer le contrecoup à nous, ses ouvrierEs : suppression des primes, mise en disponibilité, licenciements et retard dans le paiement des salaires… En même temps, le bruit courait que l’usine allait fermer et que la direction amassait autant d’argent qu’elle le pouvait dans cette perspective. Nous en avons eu la preuve : elle ne payait plus ses fournisseurs de services (électricité, gaz, eau).

Dans l’usine il y avait une organisation syndicale, le syndicat des ouvriers de Vio.Me, qui avait une philosophie différente de celle des syndicats traditionnels : faire participer à l’action et aux prises de décision, non seulement ses membres, mais aussi touTEs les travailleurEs de l’usine. Cette philosophie a été mise en pratique lorsque la direction de l’entreprise a proposé au syndicat de négocier. Les patrons ont alors fait diverses propositions à la délégation du syndicat. Mais, au lieu de répondre immédiatement au nom de leurs adhérentEs comme le font d’habitude les directions syndicales, la délégation est retournée devant les travailleurEs de l’usine et leur a demandé de cesser le travail pour débattre des propositions de la direction. Ainsi tous les travailleurEs ont assumé la décision qui a été prise d’occuper l’usine. Ce mode de fonctionnement a permis à tout le monde de partager la responsabilité des décisions et de s’impliquer dans l’action. Ainsi, lorsque nous avons décidé en 2013, après un an d’occupation, de remettre l’usine en marche à notre propre compte, une écrasante majorité des travailleurEs y a été favorable.

Comment s’est déroulée la remise en marche ?

Auparavant, au vu des énormes retards de paiement des salaires, nous avions fait usage du droit de rétention (suspension du travail, accompagnée d’une indemnité financée par les revenus de l’entreprise), octroyé par la législation grecque aux travailleurEs en cas de non-paiement prolongé des salaires. Ceci nous a permis d’avoir une petite rémunération, de rester dans l’usine et de contrôler les ventes afin que la direction ne puisse profiter de celles-ci à nos dépens. Puis, voyant que la prime de rétention touchait à sa fin et qu’en conséquence nous n’aurions plus aucune source de revenus, nous avons fait appel à la solidarité à Thessalonique et alentour, pour assurer notre subsistance. Cela nous a permis, non seulement de recueillir suffisamment de nourriture pour tenir un bon bout de temps, mais également de rencontrer beaucoup de monde sur lequel nous nous sommes par la suite appuyé pour continuer notre lutte. De concert avec nos nouveaux amis, de membres de collectifs locaux et de militantEs politiques et syndicaux, nous avons créé un large comité de soutien à la lutte Vio.Me. Nous avons par la suite étendu le réseau de solidarité à l’ensemble de la Grèce et aussi en Europe.

Ceci nous a donné le courage de passer à la remise en marche de l’usine. Peu après la remise en état de l’outil de production, nous avons compris que les colles pour carrelages que l’entreprise produisait auparavant ne pourraient plus s’écouler sur le marché, vu l’effondrement du secteur du bâtiment. Nous avons alors décidé, sur les conseils du comité de solidarité, de nous lancer dans la production de nouveaux produits, des savons liquides et autres produits d’entretien naturels, puis des savons de Marseille. Ceux-ci répondaient aux besoins d’une grande partie de la population qui, en raison de la crise, avait beaucoup de difficultés à se les procurer à un prix raisonnable dans les supermarchés.

La production a réellement commencé en février 2013. En 2016, nous nous sommes lancés dans la production d’une version écologique de ces produits, avec l’aide d’un ingénieur chimiste solidaire. C’est ainsi que nous avons réussi à maintenir l’usine en activité. La production nous permet aujourd’hui de toucher un salaire, égal pour tous. Son montant est encore très modeste, mais nous sommes persuadés qu’une fois l’entreprise pleinement légalisée, les entraves à la production seront levées. Nous pourrons alors toucher un salaire plus décent que celui auquel le capital européen et mondial nous condamne actuellement. Dans le même temps, nous essayons de créer (avec d’autres travailleurEs et des étudiantEs) les conditions d’une autre économie, d’une « économie des travailleurEs ». Nous venons par exemple d’ouvrir un « dispensaire ouvrier » autogéré s’adressant à toute la population alentour.

Existe-t-il d’autres exemples d’usines occupées et/ou autogérées en Grèce ?

D’autres usines ont été occupées et les ouvrierEs ont essayé d’entrer dans un processus similaire au nôtre, comme la SEKAP (Coopérative hellénique des tabacs) ou les ciments Halkis. Mais l’État et la bureaucratie syndicale qui contrôlent encore largement la classe ouvrière grecque ont réussi à mettre des embûches et à faire échouer de telles expériences. En revanche, il existe en Grèce de nombreuses expériences de collectifs ou de coopératives autogérées fonctionnant sur les mêmes principes que les nôtres : égalité totale, solidarité et démocratie directe.

Quels sont les exemples de solidarité en Grèce et dans le monde ?

Nous avons des contacts avec divers mouvements en Grèce et à l’étranger. Notre lutte est coordonnée avec celle des habitantEs de Chalcidique qui se sont insurgés contre l’exploitation minière aurifère dans leur région, avec celle de sections syndicales qui croient encore en la classe ouvrière et de militantEs dévoués à la défense d’une société durement touchée par la crise. Nous avons des contacts avec des militantEs en Allemagne, des usines en Italie, des mouvements sociaux en Espagne, et les travailleurEs des usines récupérées d’Argentine, du Chili et d’Uruguay.

Quelles ont été les réactions des partis politiques et du gouvernement en Grèce ?

Nous nous sommes d’abord adressés au Parti communiste grec (KKE) où nous nous sommes vu répondre que le parti était en complet désaccord avec la philosophie de notre lutte, mais qu’il lui apporterait tout de même son soutien en tant que conflit du travail. Mais ils n’ont eu de cesse depuis lors de nous combattre en pratique et en théorie. Syriza a formellement décidé de nous soutenir lors de son congrès, mais en pratique son gouvernement en a fait le moins possible et n’a jamais appliqué ses promesses électorales de légaliser notre entreprise. Nous sommes par contre soutenus par une grande partie de la gauche extraparlementaire et de la mouvance anarchiste. Nous avons discuté avec tous les gouvernements qui se sont succédé ces six dernières années, aucun ne s’est déclaré opposé à nous, mais aucun n’a fait quoi que ce soit pour nous.

Avec qui êtes-vous en contact en France et comment peut-on vous aider ?

Nous sommes en contact étroit, dans votre pays, avec l’usine Fralib, ainsi qu’avec le mouvement contre l’aéroport de Notre-dame-des-Landes. Nous pensons que, dans un premier temps, il faut exiger du gouvernement grec qu’il résolve le problème du terrain sur lequel est implanté l’usine Vio.Me et qui est menacé d’être vendu aux enchères à des investisseurs privés. On peut également faire voter des motions de soutien par les syndicats et, enfin, faire connaître la lutte de Vio.Me dans les diverses organisations de travailleurEs pour réaliser des commandes collectives de nos produits (savons de Marseille ou produits d’entretien écologiques) afin de nous soutenir financièrement. Nous pensons que si vous pouviez faire cela, vous aideriez grandement notre lutte, et que vous contribueriez ainsi à rapprocher toutes celles et tous ceux qui luttent pour leurs droits. Dans le but de construire une nouvelle société, une société dans laquelle les humains compteront plus que les profits.

Propos recueillis par Alain Krivine

Le film vient de sortir en salle en France et est disponible pour des réunions/ventes de solidarité : www.filmsdesdeuxrives.com/

Source https://www.anti-k.org/2018/04/09/lorsque-nous-avons-decide-de-remettre-lusine-en-marche-a-notre-propre-compte-une-ecrasante-majorite-des-travailleures-y-a-ete-favorable/


Le collectif de Grenoble a déjà projeté le film en 2017 mais comme chaque année depuis la venue de Makis à Grenoble, une commande groupée des produits Vio.Me sera organisée à l’automne et une soirée consacrée à l’autogestion .

Grèce 2018 : La bataille de la dette privée et des habitations principales

GRÈCE 2018 : LA BATAILLE DE LA DETTE PRIVÉE ET DES HABITATIONS PRINCIPALES

10 avr. 2018 Par Emmanuel Kosadinos

L’accès au droit de se loger est un axe central de la lutte des mouvements citoyens, surtout en période de crise économique et sociale où ce droit est menacé par l’austérité et la dette. En Grèce, la bataille pour les habitations principales est aujourd’hui au centre de la lutte sociale et politique. Elle pourrait devenir un point de convergence des forces qui combattent l’austérité.

Repères d’histoire économique et sociale  

L’accès au droit au logement est un axe central de lutte des mouvements citoyens, surtout en période de crise économique et sociale où ce droit est menacé. Pour accéder à ce droit, des ménages appartenant aux classes populaires ont fait le choix de l’acquisition d’un bien contre crédit bancaire. Ceci est davantage fréquent dans des pays où les locataires sont moins protégés, où le coût de la construction est relativement faible, où les liens familiaux sont sacralisés, où le taux élevé d’inflation garantissait une part décroissante des remboursements par rapport aux revenus du foyer. La plupart de ces facteurs, voire tous, sont présents, ou le furent, dans les pays de l’Europe du Sud, dont la Grèce, pays où la bataille pour les résidences principales est aujourd’hui au centre de la lutte sociale et politique.

Image d’Épinal des "trente glorieuses" grecques...Image d’Épinal des « trente glorieuses » grecques…

Du côté des banques: l’octroi facile de crédits, prenant souvent l’allure d’un véritable « pousse à l’endettement », fut une opération juteuse ouvrant sur un marché quasi illimité d’investissements et sur l’anticipation de profits conséquents. Pour l’économie ce fut un moteur de croissance rapide, mais au détriment d’un développement harmonieux et durable, accordant au bâtiment une part disproportionnée de l’activité industrielle. Cette distorsion structurelle de l’économie grecque, présente dès le début des années 1970, avant même la chute de la dictature des colonels, a été fustigée par la Gauche, y compris social-démocrate (PASOK), comme la marque même de l’absence de planification d’un capitalisme grec improductif. Chose étrange (ou pas tant que ça) ni l’accès du PASOK au gouvernement, ni l’intégration par la Grèce de l’Union Européenne n’ont inversé cette tendance mais l’ont au contraire amplifiée. D’ailleurs, de telles tendances ont bien marqué le développement économique des autres pays du Sud de l’UE.

Pour les dirigeants grecs, dictateurs ou élus, de Droite ou de Gauche, le surinvestissement dans l’activité du bâtiment a été la voie facile pour le développement du pays et l’augmentation des revenus, sans passer par les difficultés de la planification et de l’intervention active de l’État. Pendant une première période (1970 – 1990) l’activité de construction a pris la forme « artisanale » d’un « capitalisme populaire » d’un genre particulier, favorisant l’épanouissement des classes moyennes et la hausse des revenus de la classe ouvrière du bâtiment, l’instauration d’une relative paix sociale.

Pendant une deuxième période (1990 – 2010) l’activité du bâtiment a davantage profité à des capitaux de plus en plus importants, voire orientés vers l’exportation, en synergie croissante avec le capital international. La classe ouvrière du bâtiment a été recomposée, la main d’œuvre d’origine étrangère constituant une part grandissante, travaillant sans couverture sociale et dans des conditions de sécurité déplorables. Le point d’orgue funeste de cette phase c’est le bilan de 37 morts d’accidents du travail lors de l’achèvement des travaux pour les Jeux Olympiques de 2004.

Dans les années 1990 les entreprises grecques du BTP se placent sur l'internationalDans les années 1990 les entreprises grecques du BTP se placent sur l’international

En parallèle, les bas taux de crédit garantis par l’adhésion de la Grèce à la zone euro ont propulsé l’endettement privé (toutefois inférieur à celui en Espagne ou en Italie) et ont davantage permis à une partie des classes populaires d’accéder à la propriété de leurs logements et accessoirement à d’autres biens de consommation. De nouveaux quartiers habitables ont émergé à la périphérie des villes grecques pour loger les nouvelles classes populaires, essentiellement salariées du secteur tertiaire. Le résultat positif c’est que, vers la fin de cette période, 80% des ménages habitaient dans des logements dont ils étaient propriétaires avec des superficies moyennes supérieures à celles en Europe du Nord. Cependant, même avant le déclenchement de la crise économique, la situation de plusieurs de ces ménages était particulièrement tendue car la part des remboursements exigés par les banques grecques « généreuses » laissait peu de marges pour finir les mois et les travaux de construction. Nombre de ménages ont du se satisfaire d’habitations inachevées pour y loger leur vie de famille. À noter que cette situation correspondait à une période où le chômage était encore autour des 10% et la croissance flirtait avec les 4%.

Or, si le capitalisme grec s’est pendant un temps senti droit dans des bottes en béton armé, il s’est avéré qu’il n’avait que des jambes en argile et une laisse au cou, celle de sa dépendance aux capitaux de l’Union Européenne et à ses banques. Pas la peine ici de refaire l’histoire de la crise grecque et de la mise du pays sous protectorat de la Commission européenne et du FMI. Tout cela a déjà été suffisamment médiatisé. Juste rappeler le taux de chômage autour de 25% de ces dernières années et un taux de décroissance de 10% par an en moyenne. Pendant ce temps les banques grecques ont bénéficié de la part des gouvernements grecs successifs et sous les auspices des « instances européennes », notamment par le biais de recapitalisations, de subventions cumulées d’une hauteur d’environ 240 milliards d’euros, 1,2 fois le PIB annuel, pour être finalement bradées par le gouvernement SYRIZA-ANEL, actuellement au pouvoir, contre une bouchée de pain à des investisseurs étrangers obscurs.

Il est facile d’imaginer dans un tel contexte la détresse et la colère des classes populaires et moyennes grecques, dont les revenus ont baissé les dernières années de 30% , et les menaces qui pèsent sur leur survie, notamment sur leur droit de se loger , car ni les remboursements, ni les taux d’intérêt, ni les prix des biens de consommation, ni l’imposition n’ont baissé de manière significative. Cette situation rend impossible pour une grande partie des ménages le remboursement des crédits empruntés.

Une société surendettée et saisie

Le surendettement des ménages grecs, notamment ceux à revenus modestes, est un fléau social sans précédent. Et la question globale de la dette privée grecque est une bombe économique et sociale dont nous sommes spectateurs de la projection au ralenti du film de son explosion.

Mises aux enchères...Mises aux enchères…

Aujourd’hui il est estimé qu’autour de 1,5 millions de contribuables grecs sont dans l’incapacité de régler leurs dettes, soit plus de 24% de l’ensemble. Il s’agit de dettes envers les banques pour prêts immobiliers et de consommation, mais aussi envers le guichet public, impôts et caisses d’assurances, et de particuliers à particuliers.

L’examen des données officielles sur la dette privée grecque nous révèle qu’environ 4,4 millions de contribuables (près de 70% de l’ensemble) ne sont pas à jour de leurs dettes.

Parmi eux, quasiment tous ont des dettes envers le guichet public (impôts et cotisations) alors que 2,7 millions (35% des contribuables) ne sont pas à jour pour des dettes envers les banques.

  • 420.000 ont des dettes en suspension de paiement pour des prêts immobiliers (7%)
  • 350.000 (6%) ont des dettes pour des prêts professionnels
  • 1,7 millions (27%) pour des prêts à la consommation.

L’ensemble de ces dettes appelées « dettes rouges » contractées par des particuliers, des professionnels et des entreprises (petites, moyennes, grandes) correspond à la somme de 200 milliards d’euros, supérieure au PIB annuel.

Il est important de noter que la grande majorité  (80%)  des prêts immobiliers «rouges » concerne des sommes de 10.000 à 100.000 euros, alors que près de 90% des dettes envers le guichet public concerne des sommes inférieures à 20.000 euros, parfois même des sommes dérisoires.

En termes de répartition du volume de la dette privée l’image s’inverse. En fait, 0,2% des débiteurs du guichet public pas à jour de leurs dettes doivent près de 80% de l’ardoise totale, soit 73 milliards ! En ce qui concerne les dettes envers les banques (environ 110 milliards) l’ascension de la courbe est moins brusque, mais la tendance est la même, les dettes des grandes et moyennes entreprises constituant près de 40% de cette dette !

Logo du plus gros débiteur de l'Etat grec, ancienne société de courtage en failliteLogo du plus gros débiteur de l’Etat grec, ancienne société de courtage en faillite

À l’inspection de ces données on observe que la dette privée grecque, au-delà du fait qu’elle est le résultat de la récession de l’économie, n’est pas une situation homogène, à l’égard de causes plus spécifiques, de ses conséquences sociales et économiques et des actions nécessaires pour la traiter.

On peut séparer deux groupes de débiteurs : des débiteurs trop démunis pour régler leurs dettes et des débiteurs puissants sur les plans social et économique capables de se dégager des conséquences du surendettement par la faillite, les arrangements politiques, la délocalisation et la fuite des capitaux.

Sur la liste des plus gros débiteurs de l’État figure en première place (10% de la dette totale) une société de courtage  débitrice d’une énorme amende (et des intérêts) imposée suite à une condamnation pour escroquerie dans une affaire de spéculation financière avec le patrimoine des caisses d’assurance sociale.

En deuxième place on retrouve « Olympic Air SA  » héritière de la compagnie publique « Olympic Airlines » privatisée en 2009.

La compagnie publique grecque des chemins de fer (OSE) avec ses filiales occupait jadis la première place sur la liste des gros débiteurs de l’État (taxes, cotisations sociales, amendes imposées par la Commission européenne pour non respect de la concurrence) mais sa dette a été effacée par ordonnance du gouvernement SYRIZA en 2018 à la suite de la vente de sa filiale  de transport passagers (TRAINOSE) à «Ferrovie dello Stato Italiane» compagnie italienne publique à statut de SA.

 Il devient évident que le traitement de la dette grecque « privée » est une question politique à l’égard de la répartition de sa charge parmi les classes sociales, parmi l’État, les « particuliers » et les banques, et les actions pour son recouvrement ou son effacement. Ce constat se situe à l’opposé de la vision néolibérale qui traite la question de la dette par des opérations strictement comptables et juridiquement formalistes dont la finalité ultime est la réduction maximale du service public et le transfert des richesses vers la finance et la spéculation au détriment des classes populaires et des travailleur-euse-s.

Le soulagement des foyers populaires et des petites entreprises surendettés était une des mesures phares annoncées dans le programme politique sur lequel SYRIZA a mené et gagné les élections de 2015, programme dit « de Thessalonique ». Parmi les dispositifs annoncés pour réaliser objectif, que SYRIZA à l’époque jugeait pragmatique, il y avait la création d’un réseau de commissions sous contrôle citoyen, censées procéder à l’étalement des dettes, leur effacement ou leur rachat par une agence publique ad hoc. Figurait aussi dans ce programme l’interdiction du rachat des prêts par des tiers spéculateurs, dits « fonds vautours ».

Depuis le début de l’application en Grèce des mémorandums de plus en plus de foyers modestes, de travailleurs indépendants et de très petites entreprises se sont trouvés face au risque de saisie de leurs habitations et de leurs comptes.

Une grande partie des familles saisies pourrait se retrouver dans la rue...Une grande partie des familles saisies pourrait se retrouver dans la rue…

Une grande partie des familles saisies pourrait se retrouver dans la rue. Avec des salaires et retraites réduits parfois jusqu’à 50%, ou parfois sans aucun revenu à cause du chômage, il devient pour elles très compliqué de retrouver un appartement à louer malgré une forte baisse des loyers. Ceci d’autant plus qu’après la vente aux enchères de l’habitation saisie il pourrait rester des sommes importantes à rembourser.

Pour confronter cette situation, le gouvernement du PASOK de Georges Papandréou avait promulgué en août 2010 une loi de dérogation des saisies des habitations principales des débiteurs en difficulté financière, dite « loi Katselis » du nom de la ministre de l’époque. Cette loi accordait le sursis d’un an à ces personnes et autorisait dans certains cas les tribunaux de procéder à des renégociations des dettes envers les banques, voire à leur effacement. La loi Katselis a été prorogée plusieurs fois pendant les premières années de la crise. La Troïka a exigé la modification de la loi dans un sens restrictif, ceci étant resté un point en suspens dans les négociations avec le gouvernement grec. De ce fait, la prorogation de la loi Katselis c’est arrêtée en décembre 2014, un mois et demi avant l’accès de SYRIZA au gouvernement. La loi Katselis avait toutefois été critiquée comme insuffisante par SYRIZA lorsqu’il était dans l’opposition.

L’inversion politique et sociale de SYRIZA

Le 15 janvier 2015, dix jours avant la tenue des élections anticipées, le quotidien de SYRIZA titrait en gros à la Une « Aucune habitation aux mains des banquiers » (!)

15/01/2015: « Aucune habitation aux mains des banquiers » (!)15/01/2015: « Aucune habitation aux mains des banquiers » (!)

Mais comme la plupart des mesures proposées par le programme « de Thessalonique », celles annoncées pour la crise de la dette privée sont passées aux oubliettes, mémorandum et Troïka obligent. Varoufakis avait déjà dit que « le programme de SYRIZA ne valait même pas le prix du papier sur lequel il était écrit ». Sa nomination au poste clé de Ministre des Finances aurait dû rendre plus méfiants les militants. En effet, dès la signature de l’accord du 20 février 2015, le gouvernement grec s’engageait à ne mettre en place « aucune mesure susceptible de menacer la stabilité du système financier et du crédit », selon les critères de la BCE bien entendu. Cette clause faisait directement référence aux mesures annoncées par SYRIZA avant les élections, pour renégociation des dettes privées.

Le 21 mars 2015 alors que la négociation était en cours, le gouvernement grec a promulgué, suite à l’initiative de la ministre Valavanis du courant de Gauche, une loi autorisant l’étalement du remboursement des dettes envers le guichet public, par le dispositif dit « des 100 tranches » qui, bien que relativement timide, a permis de soulager plusieurs débiteurs modestes et à l’État encaisser des recettes dues. La question des dettes envers les banques est cependant restée en souffrance, véritable épée de Damoclès au-dessus des têtes des foyers populaires.

Pire que ça, après la capitulation de juillet 2015, le 3e mémorandum et ses lois d’application ont légiféré, sous les recommandations des créanciers internationaux de la Grèce (BCE, FMI, Commission Européenne), la priorité au remboursement des banques en cas de faillite d’une entreprise. Cette priorité s’exerce au détriment de l’État, des caisses d’assurance et des particuliers, dont les salariés aux salaires dus. Pour valider cette mesure il a fallu réformer en un clin d’œil le Code Civil grec. Quand la Troïka ordonne et que Tsipras s’exécute, la régularité juridique passe au second plan.

En faisant fi de toute évidence, le gouvernement SYRIZA-ANEL n’a cessé de clamer sous tous les tons que, malgré sa capitulation (« compromis honorable » en novlangue syrizéenne) et son ralliement au camp des banquiers, les habitations principales des ménages modestes resteraient protégées des saisies. Cette désinformation a été relayée par ses alliés au sein des directions des partis du Parti de la Gauche Européenne (PGE), acculés par le besoin de sauver les apparences suite à cette terrible défaite.

La supposée protection des habitations principales des foyers modestes est celle de la « loi Katselis » mais bien rabotée suivant les recommandations des créanciers (BCE, FMI, Commission Européenne), par l’ajout de conditions à remplir par les débiteurs pour pouvoir en bénéficier. Il s’agit de  clauses de revenus du foyer et de valeur du bien hypothéqué. Il faut qu’une partie de la dette soit due aux banques et que le débiteur n’ait pas exercé d’activité à caractère commercial pendant l’année qui précède sa demande de bénéficier de la protection de la loi. Il est important de citer que la dérogation à la saisie de l’habitation principale qui pourrait être accordée a seulement un caractère de sursis car les effets de la loi prennent fin le 31 décembre 2018. Le nouveau format de la loi, dont SYRIZA fait mine de s’enorgueillir, promulgué en tant qu’article de la loi d’application du 3e mémorandum en août 2015 et  portant le nom « loi Katselis-Stathakis » (du nom du ministre actuel) est restrictif pour une grande partie des débiteurs modestes qui vivent toujours sous la menace de saisie de leurs logements.

Précisément, la loi protège les habitations principales d’une valeur inférieure à 180.000 euros, bonifiée par le nombre des membres du foyer. À noter que la valeur ainsi déterminée est la «valeur fiscale» fixée par le gouvernement, bien supérieure en temps de crise à la valeur du bien sur le marché.

Les revenus du débiteur susceptible de bénéficier de la protection de la loi ne doivent dépasser de 70% le montant des «frais raisonnables de vie».  Ce montant est aujourd’hui fixé par le gouvernement grec à 680 euros mensuels pour une personne seule, ce qui indique que le niveau des revenus du débiteur ne doit dépasser les 1150 euros mensuels, dont 470 euros obligatoirement alloués au remboursement  de sa dette. Ces sommes sont indexées sur le nombre des membres du foyer. Selon des sources proches du gouvernement la loi actuelle protégerait les habitations principales de 60% des ménages surendettés. En admettant même que cette estimation serait réaliste, la loi laisserait à découvert 168.000 foyers, dont la précarisation est susceptible de déclencher une nouvelle crise sociale majeure.

Grèce 2018: La pauvreté ne recule pas...Grèce 2018: La pauvreté ne recule pas…

Pour dorer la pilule, le gouvernement SYRIZA-ANEL précise que des allègements plus larges pourraient être accordés par négociations directes «de bonne foi», entre les débiteurs et les banques. Voilà encore un gouvernement « de gauche » qui délègue la politique sociale aux banquiers !

Un autre retournement du gouvernement SYRIZA concerne l’interdiction aux banques de revendre des emprunts problématiques aux « sociétés de gestion de dettes» ou fonds-vautours. L’activité de ces sociétés (grecques, européennes ou en provenance de pays tiers) est désormais officialisée par la loi du 16 décembre 2015. Ces sociétés ont le plein droit de racheter aux banques des prêts à prix jusqu’à 3% de leur valeur nominale de les revendre sous forme de paquets de titres ou d’exiger leur remboursement par des moyens d’intimidation et de harcèlement dont elles ont le savoir-faire. Les banques obtiennent aussi le droit de vendre aussi des prêts qui sont à jour dans des paquets mixtes. Les critiques de cette loi réclament la possibilité de rachat des prêts à une valeur raisonnablement inférieure à la nominale (pas moins de 50%) pour débiteurs eux-mêmes, mais le ministre Stathakis de SYRIZA rétorque qu’une telle disposition serait «un encouragement indirect à la fraude et à la mauvaise foi».

Concernant les saisies de logements à venir, le gouvernement SYRIZA soutient que leur mise en œuvre en masse « favorisera la reprise de l’économie grecque et la consommation car, si les banques se débarrassent des prêts problématiques elles pourront recommencer à prêter de l’argent » pour démarrer un nouveau cycle infernal identique au précédent, en ayant entre temps ponctionné des richesses aux classes populaires et moyennes.

Luttes pour la défense du logement des familles modestes

Les saisies et les ventes aux enchères s’intensifient aujourd’hui par le gouvernement Tsipras, coaché par la Troïka, s’efforçant de sauver les banques, une fois de plus en équilibre instable en Grèce. L’implémentation des mesures est « sous haute supervision » par le biais d’évaluations régulières de l’économie et de la politique grecques, dont la passation réussie est la condition pour le déblocage des tranches du financement à l’Etat grec. Pour les néolibéraux, la stabilisation en Grèce du système bancaire passe par l’expropriation et la précarisation des classes populaires et moyennes.

Notons que, même lorsque les débiteurs saisis sont des personnes fortunées, les conséquences se reportent directement sur les classes travailleuses, dans le cas locaux de production, la saisie marquant son arrêt. Ainsi, on ne s’étonne pas de voir le Parti Communiste de Grèce (KKE), qui ne s’est jamais positionné comme représentant des classes moyennes, ni comme partisan des mouvements citoyens horizontaux, rejoindre le mouvement populaire de lutte contre les saisies et les mises aux enchères.

Les militants font irruption dans les tribunauxLes militants font irruption dans les tribunaux

Dans le contexte catastrophique de la Grèce actuelle, la défense du logement des familles modestes passe par des luttes massives et polymorphes d’obstruction au travail de l’administration, des notaires et de la justice lors de procédures de saisie, d’expropriation et de mise aux enchères. Le mouvement populaire grec, dans ses diverses tendances, s’y est déployé depuis le début de la crise, car le fléau des expropriations était déjà à l’œuvre. Le grippage de la mécanique des expropriations est cependant une éventualité réaliste, compte tenu de l’énorme volume d’affaires.

La formation de Gauche Radicale "Unité Populaire" a une place centrale dans le mouvement pour la défense du logement des familles modestesLa formation de Gauche Radicale « Unité Populaire » a une place centrale dans le mouvement pour la défense du logement des familles modestes

Les mobilisations massives devant et dans les tribunaux organisées par des collectifs citoyens ont été soutenues très activement par Unité Populaire, ANTARSYA, KKE et d’autres formations de Gauche Radicale. Je profite pour faire un clin d’œil aux camarades français présents lors de certaines de ces mobilisations. Elles ont réussi d’empêcher les tribunaux de tenir audience et de rendre les décisions des mises aux enchères, faisant trainer les saisies de report en report. La répression policière violente déployée par le gouvernement SYRIZA, a davantage attisé la combativité les militants plutôt que de décourager le mouvement. Des dizaines d’audiences ont été empêchées.

Le gouvernement de SYRIZA, cavalier du jeu d’échecs néolibéral,  avance en biais pour se  préserver de la chute de popularité, mission impossible ! Ainsi, cette mécanique infernale que la Droite avait échoué de mettre en place, est pleinement déployée aujourd’hui, deux ans et demi après la capitulation de juillet 2015. La cerise sur le gâteau sera le démarrage des saisies électroniques par l’administration publique le 1er mai 2018, une manière très ironique de  SYRIZA de célébrer la fête des travailleurs !

Afin de contourner cette résistance populaire le gouvernement SYRIZA implémente la mise aux enchères par voie électronique des biens saisis, notamment des logements des familles modestes. Ce dispositif avait initialement rencontré l’opposition des notaires grecs, surtout des petites villes de province, refusant de se connecter à la plateforme. Par la « loi-valise » d’application du mémorandum de janvier 2018, SYRIZA rend obligatoire et exclusif, à partir du 21/02/18, le recours à la voie électronique avec la possibilité de délocaliser la procédure en cas de situation locale compliquée. L’objectif est d’effectuer des mises aux enchères par centaines, et par milliers si possible. Il n’empêche que l’étude du notaire, certes moins repérable que la salle d’audience du Tribunal d’Instance, est un lieu physique, possible lieu de rendez-vous du mouvement populaire qui s’est déjà manifesté activement depuis l’application du nouveau dispositif.

Usage de gaz asphyxiants dans la salle du tribunalUsage de gaz asphyxiants dans la salle du tribunal

La poursuite et intensification de la répression des militant-e-s reste donc un recours nécessaire au gouvernement SYRIZA qui veut mener le projet néolibéral jusqu’au bout et à tout prix. Un amendement de loi a donc été déposé, arguant dans le rapport préalable que les actions d’obstruction aux mises aux enchères « nuisent à l’intérêt budgétaire suprême de l’État, à la stabilité du système financier et à l’approvisionnement des banques en liquidités » (!) Il devient donc possible de poursuivre d’office ces militant-e-s et de les juger en comparution immédiate. L’entrave donc aux mises aux enchères est considérée comme un délit spécifique, sui generis. Auprès de l’opinion publique grecque, les dispositifs légaux d’exception ont très mauvaise presse, faisant écho au droit de la dictature des colonels et des suites de la guerre civile.

Le tableau se complète par l’usage immodéré de la force brute et vile : faux témoignages, matraquages, gazages, traumatismes infligés aux militant-e-s-qui manifestent.

Avec "Unité Populaire" contre l'austérité et le néolibéralisme, pour les droits du peuple!Avec « Unité Populaire » contre l’austérité et le néolibéralisme, pour les droits du peuple!

Selon les propos des porte-paroles de la formation de Gauche radicale « Unité Populaire » :

« Ni les intimidations, ni la violence, ni la désinformation massive, ni les lois sui generis  n’arriveront à faire fléchir le mouvement de résistance des citoyen-ne-s grec-que-s face aux saisies et mises aux enchères des logements. Le recours du gouvernement SYRIZA aux plateformes électroniques pour désamorcer concrètement la contestation fera émerger de nouvelles formes efficaces de combat, notamment par l’essaimage du mouvement dans les quartiers populaires… »

La bataille pour les habitations principales des classes populaires pourrait devenir aujourd’hui un point de convergence des forces qui combattent l’austérité en Grèce.

Il y a besoin d'un large mouvement unitaire citoyen Il y a besoin d’un large mouvement unitaire citoyen
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