Grèce: Surpeuplement dangereux, accès à la santé insuffisant à Moria
4 mai 2018
Alors que le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, se rend à Lesbos, en Grèce, pour une conférence régionale, Médecins Sans Frontières (MSF) prévient que la situation à Lesvos atteint, une fois de plus, un point de rupture. Suite à la politique continue du gouvernement grec de contenir à tout prix les migrants et les réfugiés dans les îles grecques, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à Lesbos vivent dans des conditions sordides et surpeuplées, sans accès aux soins de santé. Avec environ 500 nouvelles personnes arrivant à Lesvos chaque semaine, le surpeuplement, ainsi que la demande accrue de soins de santé et d’autres services, poussent le camp à la rupture. MSF appelle les autorités grecques à transférer immédiatement les personnes de Lesvos vers le continent et, en outre, à étendre immédiatement la fourniture de soins de santé sur l’île.
Dans le camp gouvernemental de la Moria, il y a actuellement plus de 7 000 personnes dans un camp qui a été construit pour un maximum de 2 500 personnes. Les conditions de vie et la réduction des soins médicaux représentent un risque élevé pour la santé et la vie des personnes prises au piège sur l’île.
« Le camp de la Moria est à la fois dangereux et insalubre, en particulier pour les enfants. Chaque jour, nous traitons de nombreuses conditions d’hygiène telles que les vomissements, la diarrhée, les infections cutanées et d’autres maladies infectieuses, et nous devons ensuite retourner ces personnes dans les mêmes conditions de vie à risque. C’est un cercle vicieux insupportable », explique Declan Barry, coordinateur médical de MSF. «Le mélange de conditions de vie insalubres et dangereuses qui augmentent le taux de maladies infantiles, les obstacles à l’obtention de conditions de récupération appropriées pour les enfants malades et l’accès insuffisant aux services de santé représentent une tempête parfaite pour la santé et le bien-être des enfants. «
MSF – qui fournit des soins pédiatriques et des soins de santé sexuelle et reproductive aux femmes vivant dans le camp de la Moria depuis la fin de 2017 – a vu la demande de services pédiatriques doubler au cours des deux derniers mois. La demande pour notre service de santé sexuelle et reproductive ce mois-ci est le double de celle du mois précédent. Au cours des dernières semaines, les équipes de MSF ont traité 60 patients pédiatriques par jour et ont également refoulé environ 15 patients par jour, incapables de répondre aux besoins médicaux croissants des enfants dans le camp. Ceci est extrêmement alarmant étant donné que l’accès aux soins de santé est limité la nuit et le week-end dans le camp de la Moria, et que les enfants ayant besoin de soins médicaux sont très vulnérables.
En outre, la fourniture de soins de santé primaires pour les adultes dans le camp de Moria est extrêmement limitée, avec très peu d’autres consultants médicaux fournissant des soins de santé pendant la semaine et une seule organisation bénévole fournissant un service de santé réduit pendant la nuit et le week-end. Le seul hôpital public de Lesvos est débordé et en sous-effectif, et les patients ont du mal à accéder aux services spécialisés qu’il fournit.
« Pendant des mois, nous avons mis en garde contre une détérioration dramatique de la santé et de la santé mentale à Lesbos. Les autorités n’ont pas répondu à ce besoin très clair et actuel, et la souffrance de la population continue de se dégrader: chaque jour dans notre clinique, nous voyons des patients ayant des besoins urgents, y compris de nombreux cas de tentatives de suicide et d’automutilation », explique Katerina Katopodi, infirmière MSF à Lesvos. « Nous exhortons le gouvernement grec à mettre un terme à cette politique de confinement inhumaine et insoutenable sur les îles et à augmenter immédiatement la fourniture de soins médicaux à ces familles poussées à leurs limites ».
Panagiotis Grigoriou est Ethnologue et historien, chroniqueur, analyste, initiateur d’un concept de tourisme alternatif et solidaire en Grèce. Le regard de l’historien et de l’anthropologue sur l’actualité et le vécu de la crise grecque.
Problème technique
Les démocraties dont on n’use plus depuis longtemps deviennent ridicules. C’est dans l’air du temps. Les “gouvernants”, à l’instar de la marionnette Tsakalotos au ministère des Finances, évoquent cet énième “accord technique” entre eux et la Troïka. Il ne s’agit pas d’un accord car c’est un dictat, et il n’y a rien de technique car c’est de la politique, ou plus exactement de la métapolitique. On habille les termes comme on déshabille leur sens.
Dans Athènes, ceux qui manifestent. Mai 2018
Et lorsqu’il n’y a guère d’autre langage et encore moins de logos, de raison à opposer face à l’hybris, voilà que Boutaris, le pauvre maire de Thessalonique et très largement “open socaty”, il se fait tabasser par la foule dans sa ville même. Désaccord… technique !
Dans Athènes, rue Hermès, il y a ceux qui manifestent pour dénoncer “le scandale de la viande, lié à la souffrance animale”. Et à Thessalonique le 19 mai, lors de la commémoration du génocide des Grecs du Pont Euxin (en Mer Noire) par la Turquie des années 1915 à 1923 (plus de 350.000 victimes), Yannis Boutaris, le maire dont la présence avait été jugée scandaleuse par les nombreux descendants des Pontiques à cause de certaines positions du maire considérées comme pro-turques chez les Pontiques, il a été frappé par une foule déchainée.
La situation sur le terrain grec appauvri alors dégénère et c’est alors comme un bien triste avertissement on dirait, ainsi lancé aux politiciens dont d’abord ceux de la bande à Tsipras. Les démocraties dont on n’use plus depuis longtemps deviennent même dangereuses.
Pays aux apparences pourtant paisibles, à ses concerts bien du moment, ville d’Athena aux ruines contemporaines, où on y expose les photographies d’antan. Pays ainsi splendide, aux belles matinées, lorsque par exemple celles et ceux du service de la voirie ne chôment pas, sous le curieux regard des animaux adespotes et finalement authentiques maîtres des lieux.
Ruines contemporaines. Athènes, mai 2018
Concerts du moment. Athènes, mai 2018
Sous le regard des adspotes. Athènes, mai 2018
En attendant… Athènes, mai 2018
Les eaux territoriales du tourisme de masse débordent déjà pour un mois de mai, entre les voiliers au départ des marinas de la capitale et surtout les très nombreux Airbnbiens et si fiers de l’être. Sinon, bien au cœur vidé du pays réel, les autoroutes, d’ailleurs parfois récentes sont alors désertes, la terre est en friche et les cafés… plutôt remplis !
Au pays mordu, ses messages sont ainsi de plus en plus mordants. Au bout de huit années de dite “crise grecque” le pays se transforme rapidement d’après une programmation riche en mutations et pourtant si pauvre en harmonie et en sagesse, toute proportion gardée, à l’image de notre si bas monde, lequel se représente alors même Pallas Athéna, déesse de la sagesse, de la stratégie militaire, des artisans, des artistes et des maîtres d’école, de manière fort caricaturale.
C’est ainsi un univers fort en contrastes qui est formé, dont même nos touristes finissent parfois par en saisir les dynamiques, entre autres, demeures d’il y a un siècle à Athènes, aux côtés de commerces chinois. “Athènes, ville des Arts et de l’espoir” peut-on alors lire sur un mur près de l’Acropole. Pas si certain !
Voiliers en Attique. Mai 2018
Voiliers en Attique. Mai 2018
Messages mordants. Athènes, mai 2018
Pallas Athéna. Athènes, mai 2018.
Contrastes. Athènes, mai 2018
“Athènes, ville des Arts et de l’espoir” Athènes, mai 2018
Puis, aux dernières nouvelles… si peu contrastées finalement, le “gouvernement Tsipras” se prépare à dorer la pilule de cette énième diminution des montants des retraites décidée il faut préciser en toute… technicité avec l’aimable participation de la Troïka. D’où toute… cette utopie instable quant à la date probable des futures élections législatives, entre l’automne prochain et l’année 2019, au moment le supposé mandat démocratique des Tsiprosaures irait à son terme et le pays avec.
Ces décisions de toute sorte sont ainsi adoptées actuellement et d’ailleurs en accéléré depuis que Tsipras et son cirque de SYRIZA/ANEL règnent alors en rois bouffons au pouvoir des marionnettes. Sans la moindre consultation démocratique, au détriment du pays, des droits, des règles en matière d’environnement, les gouvernants alors salissent et détruisent tout, laissant derrière eux l’odeur si nauséabonde de l’hybris.
Leur dernière décision en date, si peu présente à travers la presse, tient de ce terrible décret du ministrion de l’Énergie, ayant provoqué déjà l’indignation chez habitants et aux collectivités locales à Agrafa, région montagneuse dont l’autonomie et l’autogestion furent même respectées sous les Ottomans, c’est pour dire.
Le décret, impose sans la moindre consultation la construction de deux immenses parcs d’éoliennes, et un scandale d’après le Mouvement des citoyens pour la protection de l’environnement de la région Evritania/Agrafa. Faisant suite à plusieurs ajournements et rejets, le ministère de l’Environnement et de l’énergie, a finalement accordé la licence d’installation pour deux projets éoliens géants dans cette région d’Agrafa, ces décisions ont été signées par le ministre par simple ordonnance adressée au… Gestionnaire des Énergies, un certain Alexopoulos.
Montagnes de Thessalie. Mai 2018
Thessalie profonde. Mai 2018
Thessalie profonde. Trikala, mai 2018
Thessalie. Ville de Trikala, mai 2018.
Ceux du Mouvement des citoyens pour la protection de l’environnement de la région Evritania/Agrafa rappellent d’abord, que pour ce qui est du grand ensemble montagneux du Pinde, son cœur se situe très exactement à Agrafa. Ainsi, une économie viable et surtout intelligente dans la région, n’est alors possible qu’en mettant l’accent entre autres, sur le tourisme alternatif, sur l’agriculture et sur certaines autres activités traditionnelles.
“Seule une telle option viable peut redonner vie et ainsi espoir aux réalités humaines de la région, pour la maintenir même dans la mesure du possible au sein d’une économie nationale ayant enfin du sens.” Pauvre pays, dévasté durant la décennie 1940 entre l’Occupation et la Guerre Civile, Grèce des montagnes alors vidée de plus de 700.000 habitants et dont le coup de grâce se concrétise sous les escrocs politiques actuels.
Ces derniers, largement téléguidés (et très probablement… concrètement et correctement remerciés) par les constructeurs des éoliennes, éventuellement Allemands ; marionnettes politiques grecques faisant alors de leur… mieux. Deux grandes installations éoliennes doivent être construites aux sommets vierges de la région d’Agrafa et cela à une altitude d’ailleurs inhabituelle en Grèce comme dans le reste monde, se situant entre 1600 et 2000 mètres. L’Hybris et la démesure… qui atteignent des sommets jusque-là inimaginables.
Le tout, dans une zone très protégée et classée Natura… aux conséquences désastreuses alors incalculables, (“Quotidien des Rédacteurs” du 16 mai 2018).
Sur le pont central. Trikala, mai 2018
Vendeur de billets de loterie. Trikala, mai 2018
Souvenir du bus automatisé. Trikala, mai 2018
Pendant ce temps, à Athènes, on exhibe encore les tissus devant les dernières boutiques du genre encore ouvertes entre la rue Éole et la rue Hermès. Notre Hermès bien à nous chez Greek Crisis, fort de ses neuf mois préfèrera ainsi souvent dormir, presque autant que notre Mimi et ses quatorze ans de vie féline. Au village thessalien, Hercule, l’autre chat presque adespote, vient de retrouver mon cousin Kostas, tout juste rentrée d’Allemagne. Il n’y retournera plus, les enfants doivent se débrouiller seuls, ils n’ont guère le choix pense-t-il. Des trois enfants Kostas, deux vivent en Allemagne et le troisième près de Londres depuis la crise. C’est ainsi, en se promenant dans le village, on constate que près de la moitié des habitations sont alors fermées.
D’autres se débrouillent alors comme ils le peuvent, dans la région, certains proposent à la vente du miel trafiqué et acheté au département voisin, tout prétexte est bon pour faire vendre, la parentèle, les supposées amitiés, les devoirs largement familiaux. Survivre, c’est autant faire feu de tout bois… familial au risque même d’aggraver encore davantage certains liens. Travail… famille, patrie !
Survivalisme et clientélisme toujours, l’administration régionale s’apprête à embaucher pour quelques mois seulement, près de mille employés payés moins de 400€ par mois, histoire de faire tomber les chiffres du chômage. Ces gens… travailleurs nouveaux, seront envoyés de manière désordonnée et au-delà des supposées compétences aux différents services… lesquels n’ont même pas les chaises et les bureaux nécessaires pour les installer à ne rien faire. Revenus en sorte… d’existence !
Dans Athènes, marchands de tissu. Mai 2018
Hermès de Greek Crisis. Athènes, mai 2018
Mimi de Greek Crisis. Athènes, mai 2018
Haute actualité, drapeaux exotiques et alors réclames pour ce petit vin grec à boire si possible et seulement… en cas de grand besoin. Les démocraties dont on n’use plus depuis longtemps deviennent ridicules. C’est dans l’air du temps. Pour faire court, rappelons ici ce que le poète Yorgos Séféris avait écrit dans son journal à la date du 1er septembre 1940:
“Pour un homme de l’esprit, lorsqu’il ne peut pas dire la vérité, il devrait peut-être se résoudre au silence”. En exil durant l’Occupation des années 1940, le poète rêvait des paysages d’Attique, pendant que depuis l’Égypte ou l’Afrique du Sud constatait déjà… la mort de la civilisation européenne, occidentale. Nous y sommes toujours et pour tout dire… de manière aggravée car mondialisée.
Séféris, vivait alors avec l’exil au cœur de lui, voyageant souvent, regardant autour de lui et en lui : “J’ai maintenu ma vie, j’ai maintenu ma vie en voyageant – Parmi les arbres jaunes, selon les pentes de la pluie – Sur des versants silencieux, surchargés de feuilles de hêtre. – J’ai maintenu ma vie, en chuchotant dans l’infini silence”.
D’après une bien belle et alors juste analyse, “la terre grecque lui tend ses deux mains pour lui dire ses chimères, lui en exil au cœur de la lumière. Il apparaît dans la poésie grecque comme un solstice d’été et dans son souffle passe la douleur et la grandeur de la résurrection de l’histoire de la Grèce, antique et contemporaine”.
Drapeaux exotiques. Athènes, mai 2018
Petit vin. Athènes, mai 2018
En Attique, mai 2018
Pluie brève et fine sur Athènes dimanche soir, nos touristes n’apprécient pas vraiment il faut dire. Le pauvre maire de Thessalonique a quitté l’hôpital, dimanche soir, fort heureusement rien de bien grave tandis que deux hommes sont en état d’arrestation en rapport avec l’agression. Dans la presse, tout le monde condamne cet acte, dans la rue… c’est alors plus délicat.
Votre blog Greek Crisis, aux difficultés survivalistes que vous connaissez et qui refont alors surface en ce moment, se maintenant alors coûte que coûte, autant à travers sa phase actuelle, où d’ailleurs un problème réellement technique rend sa rédaction encore plus délicate et surtout deux fois plus demandeuse en termes de temps. J’espère le résoudre… et me résoudre à cette technicité avant la fin du mois de mai.
Les démocraties dont on n’use plus depuis longtemps deviennent ainsi ridicules. C’est dans l’air du temps, sous le regard… de notre Hermès, dit parfois le Trismégiste !
Notre Hermès, dit parfois le Trismégiste !. Athènes, mai 2018
20 mai 2018 publié par Panagiotis Grigoriou voir et soutenir son site http://www.greekcrisis.fr
mais aussi pour un voyage éthique, pour voir la Grèce autrement “De l’image à l’imaginaire: La Grèce, au-delà… des idées reçues !” http://greece-terra-incognita.com/
Oiseaux migrants et fonds vautours : la Grèce trois ans après l’espoir
Publié par dimitris alexakisle
Crise(s) : la Grèce à l’été 2015 sera passée en quelques jours de la «crise de la dette» à la «crise des réfugiés» sans que le marchandage auquel ce passage a donné lieu («programme d’aide» contre transformation du pays en camp de rétention ou zone d’attente à ciel ouvert, appui politique et financier apporté dans le même temps au régime dictatorial de Recep Tayyip Erdoğan) ne fasse ciller grand-monde [1].
Pour certains, la «crise des réfugiés» aura été l’occasion de faire oublier la «crise grecque», une crise chassant l’autre. Pour d’autres, le principal point commun entre ces deux événements aura été le gaspillage de fonds communautaires par l’administration hellénique [2].
Dans les deux cas, la réponse apportée par les institutions européennes révèle un usage pour le moins vicié des termes d’aide, de sauvetage, de solidarité. «Programme d’assistance» entraînant le démantèlement d’une économie, la mise en vente des actifs d’un pays, la précarisation massive de sa jeunesse et de ses classes populaires, le placement sous tutelle de son gouvernement ; «fonds d’aide» destinés à des réfugiés par ailleurs condamnés à croupir indéfiniment dans un État en faillite, à mourir en mer ou à être remis entre les mains de régimes tortionnaires ou esclavagistes [3].
Crise grecque, crise des réfugiés comme si, aussi, la partie menaçait le tout, la périphérie le centre et comme si les Grecs et les exilés (les premiers s’étant introduits dans l’Union en maquillant leurs comptes, les seconds y ayant pénétré sans titres) étaient comme tels fauteurs de trouble, porteurs de crise.
Mais de quelle(s) crise(s) parle-t-on? Si crise il y a, ne s’agit-il pas de celle du processus politique de construction européenne? La «crise des réfugiés» n’est-elle pas crise des politiques de migration et d’asile et, à travers elles, d’une certaine conception de l’État de droit? La crise grecque ne s’inscrit-elle pas par ailleurs dans le fil de la crise financière mondiale qui a éclaté en 2008? Mêmes outils et mêmes montages financiers, mêmes incitations à l’endettement des ménages, des entreprises et des États, causes aux effets semblables [4]. Une des études les plus pénétrantes consacrées à la fabrication de la «crise grecque» dans l’opinion pointe la façon dont la presse est passée en quelques semaines «d’une critique des spéculateurs à une critique des citoyens grecs» [5].
Tout se passe comme si les dirigeants européens (gouvernements, Commission, Eurogroupe, Banque centrale) avaient décidé de repousser la crise vers la périphérie géographique de l’Union et de répondre par plus de désunion et de divisions aux fractures existantes. Les expressions de «crise grecque» et de «crise des réfugiés» font apparaître comme un feuilleton périphérique ce qui est plus structurellement crise de l’Europe et crise de la finance : crise d’une Europe dont les institutions, les modes de décision [6] et les objectifs n’ont cessé, depuis le tournant de la rigueur du début des années 80 puis l’abrogation du Glass-Steagall Act et la fusion des banques de dépôt et d’investissement (1993), de se caler sur les institutions, les modes de décision et les intérêts du système financier international ; émergence conjointe d’une gouvernance cynique, tablant sur l’indifférence, la division, le repli, réduisant la politique au management [7] et ne parvenant à maintenir un statu quo fragile que par la force, comme l’atteste de nouveau depuis octobre le traitement policier et carcéral réservé aux élus catalans.
Contrairement à ce qui s’est produit aux États-Unis, la réponse politique à la crise financière a pris en Europe un accent étonnamment moral, plaçant au centre du débat les notions de devoir, de faute, de réparation, de responsabilité, de culpabilité ; à une époque de généralisation du recours aux mécanismes d’optimisation fiscale, d’opacité croissante des opérations financières, de multiplication des produits dérivés toxiques [8] et de corruption structurelle des élites, il est remarquable que des notions de cet ordre aient été engagées à propos d’opérations bancaires — comme si le système financier et politique s’efforçait de se refaire une moralité sur le dos des peuples. L’explication de ce phénomène peut également être recherchée dans l’histoire allemande. La position actuelle d’une Grèce à la souveraineté limitée n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, celle de l’Allemagne mise sous tutelle par les gouvernements alliés et soumise à la politique dite de «rééducation». «Par cette expression dépréciative, les citoyens de la République fédérale (…), fondée en 1949 sur les ruines du nazisme, vilipendaient les efforts de dénazification imposés par les Alliés», rappelait un article récent du Monde [9] consacré au philosophe Jürgen Habermas, qui se définissait lui-même comme un «enfant de la rééducation». Les «enfants de la rééducation» que sont Wolfgang Schäuble et Angela Merkel se sont apparemment estimés en droit d’exiger que des mesures de redressement particulièrement cruelles soient prises à l’encontre d’un pays tiers, comme si la rationalité économique était là surdéterminée ou supplantée par une tout autre logique, celle de la punition et de la faute [10].
Le parallèle ne vaut que dans la mesure où il permet d’avancer une explication, psychologique et culturelle, à l’intransigeance de la position allemande [11], qui aura déterminé toutes les autres sur l’échiquier européen. Le parallélisme ne va pas au-delà. Les «fautes» de la Grèce ne sont en rien comparables à celles de l’Allemagne de la Seconde guerre. Ajoutons, comme le rappelait Éric Toussaint dès octobre 2014, qu’il était illusoire, en termes de stratégie politique, de penser qu’une conférence sur la dette grecque pût être organisée sur le modèle de la conférence de 1953 qui entraîna aux premiers temps de la guerre froide la décision d’annuler la dette de l’Allemagne [12].
Reste que l’on sera passé, au nom de la bonne gestion et de l’assainissement des finances publiques, d’une question bancaire à une question morale ; c’est cette dimension (entre «morale de l’épargne» et «éthique du travail») qui a alimenté le racisme particulier de la «crise grecque», lui a aussi donné ses accents d’indignation sincère (à l’épicerie du coin, à table, où chacun se déclarait offensé par la paresse des Grecs, leur «refus de payer leur part» : Nord vertueux et économe contre Sud dépensier, fourmis contre cigales, citoyens européens de plein droit contre «cochons» improductifs de la périphérie, etc.). Le sort de la Grèce s’est joué là : dans l’irrésolution ou la sidération initiales des dirigeants politiques, leur décision de transformer une dette privée en dette publique, dans la facilité avec laquelle les médias dominants ont ensuite relayé une lecture nationale et culturelle de l’événement au détriment d’une analyse systémique.
Ce qui est certain, c’est qu’à partir de 2015 les antagonismes de l’Union éclatent au grand jour ; l’UE apparaît chaque mois davantage comme un champ de rapports de domination et de forces, de coercition, de dépendance et d’humiliation entre pouvoir central et nations ou régions subalternes. Sans doute est-ce sous cet angle, d’abord, qu’il y a crise, dans un sens quasi-lacanien : la crise est ce moment où le semblant (unité de façade de l’Europe, déclarations de principes) ne tient plus et où le réel éclate au grand jour (mise en place par la BCE d’un chantage à l’accès à la liquidité, non-reconnaissance des scrutins, abandon criminel des réfugiés fuyant la guerre, création d’une Europe de 3e zone destinée à faire tampon entre les frontières officielles de l’UE et ses frontières réelles [13]). Le success story du gouvernement Tsipras apparaît aujourd’hui comme une énième tentative de recouvrir ce réel d’un semblant qui ne trompe plus, comme un étrange ballet de patinage artistique sur un lac dont la glace se fendille de part en part.
«Excellentes relations» entretenues entre les institutions européennes et le gouvernement hellénique, «sortie de crise» et «sortie des mémorandums», «retour sur les marchés», «efforts du peuple grec» salués par le secrétaire général de l’OCDE, «amélioration de la situation budgétaire du pays observée à la faveur de la reprise de son économie», «ensemble de réformes ambitieux» [14]… En Grèce, l’actualité est depuis plusieurs mois ponctuée par les annonces optimistes des officiels européens et du gouvernement. Si ces communiqués ont un effet certain sur les opinions publiques européennes, leur impact est bien moindre sur place, dans les quartiers populaires et les camps de réfugiés — sur celles et ceux pour qui ces politiques ne correspondent pas à des chiffres ou des déclarations mais à des données d’expérience et des problèmes d’économie ou de survie quotidiennes. Chacun sait par ailleurs que la ritournelle d’une «sortie des mémorandums» masque le fait que le gouvernement SYRIZA-ANEL a engagé la mise sous tutelle du pays jusqu’en 2060 et que la dette, après l’application de trois plans d’austérité successifs, se monte toujours à près de 180% du PIB national.
Politique-fiction. Il s’agit désormais beaucoup moins de répondre au surendettement abyssal du pays que de profiter des opportunités que ce surendettement génère en termes d’accès à la main-d’œuvre [15] et d’acquisitions à bons prix (infrastructures industrielles ou touristiques, parcs, entreprises [16]). Il s’agit dans le même temps de produire une fiction dont le seul but est d’escamoter le réel.
Les réalités dissimulées sont celles du sacrifice et de l’exploitation des classes populaires, d’une grande partie de la jeunesse, des exilés, et de l’appropriation des actifs grecs par de grands conglomérats ou des fonds vautours [17], à la faveur notamment de la politique de restructuration des banques nationales et de mise sur le marché des créances douteuses. Cette dernière opération fait bien apparaître les aboutissants du marché de la dette ; en entrant en possession de paquets de créances douteuses (les «emprunts rouges»), les dirigeants de ces fonds visent la livre de chair de l’économie réelle derrière l’abstraction et l’opacité apparentes des opérations financières ; l’objectif est de s’approprier des terrains, des immeubles, des maisons, des infrastructures et des routes. Dans le droit fil des privatisations entamées dès la capitulation de 2015 [18], la «crise grecque» et sa gestion continuent d’apparaitre comme une gigantesque opération, à l’échelle d’un pays entier, de transferts de biens, publics d’abord, mais aussi privés (résidences principales). L’intérêt de ces dettes est précisément qu’elles ne peuvent être remboursées et qu’elles devraient permettre à ces fonds vautours de faire main basse sur une partie de la fortune mobilière et immobilière nationale qui, dans ce pays à fort capital touristique, constitue souvent une véritable rente. C’est compter sans la résistance indigène : lutte menée par les collectifs s’opposant aux saisies, à Thessalonique ou Athènes, et dont les créanciers exigent du gouvernement grec la répression sans failles [19] ; combat de longue haleine des habitants de Chalcidique contre l’entreprise d’extraction Eldorado Gold, qui dépend d’un des plus grands fonds d’investissements au monde, la société BlackRock ; apparition de groupes activistes aux actions éminemment symboliques (contre, par exemple, les registres du fonds de privatisation des actifs publics, TAIPED).
Le «non» grec du 7 juillet 2015 apparaît rétrospectivement comme un geste éminemment éthique ; un geste qui, plutôt que de peser et de mesurer précisément le contexte et les risques, s’en affranchit pour affirmer un principe supérieur. Les raisons de ce refus apparaissent même peut-être plus clairement aujourd’hui ; au point où nous en étions arrivés, ce qui était en jeu était rien de moins que la possibilité de changer les choses, de cesser d’aller de concession en concession, chaque concession ouvrant la porte à la suivante et la rendant possible, définissant le terrain ou le rapport de forces sur lequel la concession suivante serait immédiatement engagée, dans un recul sans fin, à tous les niveaux de la vie sociale. Cette situation est précisément décrite à l’échelle d’une entreprise de textile par l’auteur de théâtre Stefano Massini dans la pièce 7 minutes, comité d’usine [20] : arrive un moment où l’on comprend (confusément, intuitivement) que chaque concession n’a pour objet que d’ouvrir le champ à la prochaine, qu’il n’y a pas de négociations ; le glissement conduisant à défaire l’un après l’autre tous les droits (sociaux, économiques, humains) ne connaît pas de terme.
Le jeu ne s’arrête pas à 2015 ni à la «sortie des mémorandums» annoncée aujourd’hui. Le jeu bien sûr ne s’arrête pas non plus à la Grèce. J’avais dans un texte publié il y a deux ans essayé de montrer que la capitulation de juillet 2015 agissait de manière rétroactive, pernicieuse mais malheureusement efficace sur la mémoire même de l’événement qui venait d’avoir lieu. Do not walk outside this area ; le chantage contre la Grèce, la répression contre la ZAD de Notre-Dame-des-Landes [21] ont pour objectif de mettre le possible hors-la-loi ; de démontrer, comme il est écrit sur l’aile des avions, qu’il est interdit de marcher au-delà de cette zone définie par les institutions de marché ; de prouver qu’il n’est pas d’autres institutions possibles que cet assemblage complexe de centres de décision politiques et financiers, européens et internationaux qui, en Grèce, dès la fin de la première phase du gouvernement Tsipras, se sont significativement autoproclamés «les Institutions» comme s’il ne pouvait y en avoir d’autres, comme s’il n’y en avait pas d’autres — ni dans le réel, ni dans le possible.
Le chantage financier auquel le peuple grec a été soumis du mois de janvier au mois de juillet 2015 n’apparaît rétrospectivement comme rien d’autre qu’une attaque massive contre le possible. Cette attaque se poursuit, aujourd’hui, partout où le possible réapparaît, s’affirme, conteste les procédures, les façons de produire, de penser, de faire et de vivre dominantes — au nom de la justice et de l’hospitalité mais aussi, trait d’une époque et d’une civilisation en bout de course, de la préservation de la nature et de l’espèce ; chacun a conscience de vivre désormais dans un monde sapant systématiquement les bases de sa propre reproduction. Comme quelques fictions nous le font entrevoir [22], la fuite en avant adoptée en guise de réponse par les tenants du statu quo n’a pas d’autre horizon que celui d’une société violente et inégalitaire, fragmentée en blocs sociaux étanches et dont les frontières (géographiques et sociales) seront (sont déjà) gardées par la violence des armes. La situation dessinée par la relégation de la Grèce et la violence faite aux migrants et aux voix dissidentes est celle d’une gestion de crise continue où les garanties et le droit peuvent être à tout moment balayés ; paysage morcelé où des formes de vie protégées coexistent (parfois sur le même trottoir, dans la même rue, le même périmètre urbain) avec des situations d’arbitraire et de violence nue. Cette «coexistence» est le trait de notre époque et ce que les intellectuels, outsiders, amateurs et perturbateurs de l’ordre établi [23] doivent s’attacher à formuler et à décrire.
La question de la dissidence est aussi celle de la création artistique, de la production de récits, de fictions et de symboles, l’époque n’étant pas seulement marquée par une confrontation des corps (émeutes, affrontements) et une confrontation d’arguments mais aussi, plus profondément, par une confrontation d’imaginaires. «La culture, énonce un graffiti photographié récemment dans le XVIIIe arrondissement de Paris, est le lieu où le pouvoir trouve toujours des complices.» Cet énoncé recoupe l’assertion de Wilfred Owen rappelée par Edward Saïd dans l’introduction à Des intellectuels et du Pouvoir : «les scribes devant la terre entière récriminent / et face à l’Etat, font allégeance.» [24] Dans la Grèce des mémorandums, les sources de financement du travail artistique sont passées en quelques années de la sphère publique aux fondations privées créés par de grandes entreprises multinationales de marine marchande ou des personnalités emblématiques de l’industrie d’avant-crise [25]. Dans ce contexte, aucune réflexion sur l’art et la pensée critique ne peut faire l’économie d’une analyse des ressources et d’une recherche de modes de financement alternatifs, démocratiques et garants d’indépendance — d’une économie de la société, radicalement distincte du modèle étatique comme de celui de l’économie de marché. Cette recherche passe aussi par une forme de précarité ou d’austérité non pas subie mais assumée et orientée selon nos désirs : une autre précarité, une autre austérité qui, au lieu de nous jeter dans les filets du travail inutile et servile, contribue à enrichir réflexion et imaginaire, à tisser des liens, des façons de vivre, de penser et de faire société éloignées du modèle consumériste. Dans un contexte post-démocratique où la langue du pouvoir est, de plus en plus, celle d’un cynisme cru, la fonction des artistes ne peut être que d’œuvrer parmi d’autres à la construction d’un autre imaginaire — d’un autre imaginaire commun, d’un imaginaire du commun, imaginaire qui n’est peut-être qu’un autre nom du possible — tension vers le futur ayant pourtant déjà une actualité et une effectivité propres.
Dans cette Europe «d’après l’espoir» et à la recherche du possible qu’évoque dans un article récent Christos Giovanopoulos [26], l’espoir est plus que jamais porté par les structures de solidarité, les collectifs locaux en réseaux, les zones à défendre ; un appel récent engageant les cinéastes à se rendre à Notre-Dame-des-Landes et à «filmer et défendre ce territoire qui bat et se bat», ce «lieu réel qui lutte pour construire des imaginaires», est à cet égard éclairant. Le théâtre peut et doit s’inscrire dans ce mouvement parti d’initiatives concrètes (dans les domaines de l’éducation, de l’alimentation, de la santé, de la culture) et d’un refus des formes verticales de délégation politique traditionnelles qui ont en Grèce démontré leur inanité. Il n’est pas certain que l’art ait en l’occurrence, contrairement aux crédos avant-gardistes d’autrefois, la moindre prééminence ; peut-être ses contours apparaissent-ils mieux lorsqu’il se positionne comme une sorte de chambre d’écho ou d’enregistrement de l’intelligence collective à l’œuvre partout où des êtres humains résistent.
Fait-on la démonstration qu’aucun autre réel n’est possible en détruisant systématiquement toutes les alternatives? La violence et la destruction ont-elles valeur de preuve? Face à cette violence et cette gouvernance de non droit, le pessimisme est-il forcément de mise? La conviction qui anime les collectifs de résistance ne peut-elle sortir paradoxalement renforcée du constat que ce système politico-financier gangrené par la corruption se trouve aujourd’hui le dos au mur et n’a plus d’autres alternatives que celles du mensonge et de la force brute?
Il est intéressant de se souvenir aujourd’hui, comme nous y invitait l’intellectuel serbe Vojin Dimitrijević au printemps 1991 [27], du pessimisme qui animait la plupart des critiques du socialisme réel avant l’effondrement du mur. Tous ces textes, écrit l’auteur en substance, étaient imprégnés d’un certain pessimisme, presque de la conviction que le système était éternel et indestructible. «Lorsqu’il y avait dans les utopies littéraires un happy end, c’était toujours pour voir les héros s’enfuir dans une oasis mystérieuse et cachée (…). Mais on n’assistait jamais à la faillite de ce système. Dans les études de politologie, les choses n’en allaient pas autrement. (…) Cette faillite était rarement envisagée comme la conséquence de facteurs intérieurs et surtout pas comme la débâcle d’un système victime de sa propre incapacité, de son inefficacité et de son abandon.»
Dans leur aveuglement et leur arrogance, les tenants du néo-libéralisme ont peut-être tendance à oublier ou à omettre que l’origine de leur pouvoir sans partage vient de l’effondrement, comme un château de cartes, d’un système qui paraissait, quelques mois encore avant son effondrement, aussi éternel et aussi indestructible que le leur. À nous d’imaginer les voies que pourrait prendre l’effondrement de l’édifice néo-libéral à partir de notre expérience, de nos besoins et de nos luttes : le néo-libéralisme est dans les faits battu en brèche et contesté à la racine partout où la société s’organise, partout où des êtres humains s’attachent à préserver le futur et la vie.
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[1] À l’exception notable de Stathis Kouvelakis dont le texte La Grèce, la frontière, l’Europe, un des plus complets et des plus éclairants de la période, relève notamment l’importance du terme de périphérie dans l’articulation entre crise grecque et crise des réfugiés et la nécessité de penser ces deux événements simultanément.
[2] C’est en particulier un des chevaux de bataille du journal Libération.
[4] Crédits à la consommation et prêts immobiliers, création d’une bulle de la construction aux États-Unis, en Espagne comme, sous des modes différents, en Grèce, explosion des créances non-recouvrables, déstabilisation des banques à l’origine de cette politique de généralisation du crédit (auprès des classes moyennes mais aussi, comme dans le cas de la crise des subprimes, des plus pauvres).
[8] L’exemple de la Deutsche Bank, institution bancaire la plus exposée au monde à ces avoirs potentiellement explosifs, est à cet égard particulièrement frappant.
[14] «La Grèce respire», titrent Les Échos dès le 25 septembre 2017 ; «les finances grecques sont en bien meilleur état», déclare le ministre des Finances estonien, dont le pays assure alors la présidence tournante de l’UE, tandis que Pierre Moscovici, Commissaire européen aux Affaires économiques, évoque avec une émotion feinte «la reconnaissance des terribles efforts et des sacrifices réalisés par les Grecs pour redresser leurs finances publiques». Remarquons que le terme de «réformisme» (efforts réformistes) est dans nombre de ces communiqués synonyme de casse sociale.
[15] Jeunesse formée dans les universités grecques et employée, notamment, dans le Nord de l’Europe, massivement précarisée et employée au rabais en Grèce.
[19] Par des opérations policières dans l’enceinte des tribunaux mais surtout par la dématérialisation des audiences désormais appelées à se tenir sur Internet.
[20] L’Arche Editeur (2018) pour la traduction française.
[26]La Grèce après l’espoir : en attendant le possible, réflexions sur le mouvement des solidarités locales, Christos Giovanopoulos, Vacarme, numéro 83.
[27]Lettre Internationale, «C’est l’autre le coupable», printemps 1991.
Réunion du collectif « Citoyens de Grenoble contre l’austérité en Grèce et en Europe »
du 14/05/2018
Béatrice, Liliane, Bernard, Christine, Christophe, Marie-Claude, Georges, Max
– Retour sur la projection-débat « L’amour et la révolution » du 23 avril à l’Espace Aragon Accueil très apprécié de la responsable du cinéma .Très bon film et débat intéressant, 150 personnes présentes. Retours d’une manière générale très positifs.
Le repas partagé devant le cinéma a connu un beau succès. La collecte pour le convoi solidaire a été importante.
– Convoi solidaire d’Anepos de mai 2018 Le camion de Christophe est quasiment plein, avec outils, imprimantes, photocopieuses, frigo, lait pour bébé, alimentation, jouets, couches … le tout dans des cartons étiquetés.
Un autre camion conduit par Patrick partira du nord Isère.
– VIOME Le catalogue en anglais est paru avec des produits nouveaux. La version en français nous parviendra bientôt. On reverra lors d’une prochaine réunion si on retient la liste complète ou si on fait une sélection.
Une soirée sera organisée en support de la commande groupée. Elle aura pour thème les Scoop une autre manière de gérer les entreprises (titre provisoire). Elle s’articulera autour des Viome (extrait du film de Yannis Youlountas « Ne vivons plus comme des esclaves », avec son autorisation), d’apports sur les Scoop en général (union régionale des Scoop) et des exemples pratiques dans la région.
Cette soirée aura lieu le mercredi 7 novembre à la Maison des associations de Grenoble à 20h et sera proposée dans le cadre du prochain festival des solidarités. Christine en informera la coordination lors de la prochaine réunion prévue le 25/5.
Voir possibilité de se procurer des produits VioMe pour mettre sur la table ( Matheos ou CSPG Lyon?)
– Médicaments pour les dispensaires autogérés en Grèce Ceux qui vont en Grèce peuvent toujours contacter Jeanne. Une 1ere livraison est faite cette semaine.
– Prochaine réunion du collectif
Lundi 11 juin 2018 de 17h à 19h salle 200 de la Maison des associations de Grenoble
À l’occasion des Rendez-vous de printemps FMI-Banque mondiale 2018
7 mai par CADTM
Hommage au pharmacien Christoulas, suicidé politique à Syntagma. Avril 2012 – Photo MLCK.
Grèce : Bien que le Fonds monétaire international (FMI) ne soit pas entré officiellement dans le troisième mémorandum, il y a pesé de tout son poids à travers ses experts qui siègent dans les équipes d’évaluations, en imposant nouvelles baisses de retraite et de salaires et nouvelles réductions du droit du travail, en pleine communion avec le Mécanisme européen de stabilité (MES).
Une bonne politique fiscale selon le FMI suppose de faire contribuer davantage les plus faibles revenus afin de soulager les plus riches
En témoigne le commentaire de Poul Thomsen, directeur danois de la zone Europe au FMI, interrogé sur l’avenir de la Grèce après la fin du 3e programme, lors des Rendez-vous de printemps du FMI et de la Banque mondiale d’avril 2018 à Washington. « Nous n’avons pas d’objectifs précis et nous ne jouerons aucun rôle pour dire « Faites ceci ou cela », mais l’important pour le FMI est que la politique menée par la Grèce soit suffisamment compatible avec la croissance. Le redressement spectaculaire du pays a été atteint grâce à l’augmentation des impôts, mais au détriment de la croissance. Il importe donc d’élargir significativement la base d’imposition ».
« Élargissement de la base d’imposition » est un euphémisme en IMFese, l’étrange langue parlée entre eux par les experts du FMI, pour réclamer la baisse du seuil minimum d’imposition, dès fin 2018, soit une année avant la date prévue [1] par l’une des multi-lois votées par le parlement grec depuis 2015, celle de juillet 2016.
Une bonne politique fiscale selon le FMI suppose donc de faire contribuer davantage les plus faibles revenus afin de soulager les plus riches, trop sollicités fiscalement pour vouloir investir, dixit Poul Thomsen.
C’est au prix de politiques antisociales mortifères que la Grèce a réussi à afficher un excédent primaire de 4% pour 2017
Dans un pays où une personne sur deux vit désormais en danger de pauvreté, avec un seuil de pauvreté descendu à 376 € par mois [2], les remèdes du FMI vont contribuer à accentuer encore l’étau des impôts sur les foyers pauvres. Pourtant les dettes des contribuables augmentent chaque mois de plus d’un milliard, ainsi que le nombre de contribuables en incapacité d’honorer leurs impôts. C’est au prix de politiques antisociales mortifères que la Grèce a réussi à afficher un excédent primaire de 4% pour 2017 [3]. C’est dire combien la pression fiscale s’exerce violemment et injustement puisque, selon les déclarations du gouvernement, et comme le montrent les chiffres, les objectifs sont largement atteints, pour la troisième année consécutive.
En 2008 les créances douteuses n’étaient que de 5,5% du total des créances privées, pour exploser à partir des memoranda à 45,9% de l’ensemble des créances en 2016
Parallèlement, le FMI souligne l’importance de résoudre le problème des crédits en suspension de paiement depuis au moins 3 mois (NPL) des banques grecques, qui s’élèvent à 46,7 % de leurs actifs, en estimant que c’est le principal obstacle à la reprise du financement de la production « et à l’effacement des dernières conséquences de la crise ». Le FMI presse donc depuis le début pour accélérer les mises aux enchères, censées lutter contre la fameuse « culture du non-paiement » supposée caractériser les Grecs. Or en 2008 les créances douteuses n’étaient que de 5,5% du total des créances privées, passant à 7% en 2009 pour exploser à partir des memoranda à 45,9% de l’ensemble des créances en 2016, neuf fois plus que la moyenne de l’UE (5,1%) [4].
La guerre déclarée aux « mauvais payeurs », qui « gardent un revenu mais ne donnent pas la priorité au remboursement de leurs emprunts ou au paiement de leurs impôts », est le cheval de bataille du ministre de l’économie Tsakalotos pour justifier la mise aux enchères des résidences principales, des surfaces agricoles et des outils de production de petites entreprises, désormais chose courante au bénéfice de l’Agence autonome des recettes publiques. Cette Agence sous influence des créanciers, qui remplace le service des Impôts et le service des douanes, gère désormais les budgets des ministères. Elle procède aussi à la saisie des comptes en banque et à la mise aux enchères des biens de contribuables endettés, pour des dettes même peu importantes envers l’administration. Mais ce ne sont pas les gros fraudeurs qui sont visés, ce sont des centaines de milliers ou des millions de petits contribuables qui sont la cible de ces mesures [5] .
La docilité du gouvernement grec est garantie, sous peine de voir activer le ’sécateur’ (koftis), voté en juillet 2016
Commentant la situation grecque, Poul Thomsen a laissé en suspens la question de l’entrée ou non du FMI dans le 3e mémorandum qui arrive à sa fin en août 2018. Selon lui, le FMI doit intervenir suffisamment à temps pour bénéficier d’une évaluation (la quatrième doit démarrer en mai) qui conditionnera le versement de sa contribution. Cela lui permettrait d’augmenter la pression sur le gouvernement grec pour l’application des nouvelles mesures d’austérité, juste avant la fin officielle du troisième programme. La docilité du gouvernement grec est garantie, sous peine de voir activer le ’sécateur’ (koftis), voté en juillet 2016. Ce sécateur permet d’imposer de nouvelles mesures d’austérité sans passer par une décision ministérielle ou un vote préalable du parlement grec, en cas de non-respect de l’objectif d’un excédent primaire (hors service de la dette) de 3,5% en 2018 et après – et donc indépendamment de la composition du gouvernement [6]. La tutelle sur la Grèce n’est pas près de se relâcher.
[2] Le seuil de pauvreté est indexé sur le salaire minimum qui a été réduit de 751 € en 2009 à 586 € en 2011. Il a donc été rabaissé de 598 € par mois en 2010 à 376 €, rendant un peu moins dramatiques les statistiques sur la néo-pauvreté des Grecs. Voir en grec
[6] « La pleine mise en œuvre des dispositions pertinentes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, notamment en rendant opérationnel le conseil budgétaire avant la finalisation du protocole d’accord et en introduisant des réductions quasi automatiques des dépenses en cas de dérapages par rapport à des objectifs ambitieux d’excédents primaires, après avoir sollicité l’avis du conseil budgétaire et sous réserve de l’accord préalable des institutions. » Extrait du IIIe Memorandum of Understanding (MoU) paru dans L’Humanité du 16/07/2015, « Yanis Varoufakis met en lumière les appétits des liquidateurs de la Grèce ».
Le collectif Grèce-austérité vous invite à assister
à la conférence et discussion avec Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France.
Mardi 22 mai de 20h à 22h
à la Maison des associations 6 rue Berthe de Boissieux à Grenoble
Une plongée dans les affaires Cahuzac, LuxLeaks, Panama Papers, Paradise Papers, et leurs conséquences politiques. Les scandales financiers se succèdent, révélant les stratégies des multinationales, des grandes fortunes et des puissants pour échapper à l’impôt. Si les plus riches s’affranchissent de leur contribution au bien commun et aux services publics, c’est le consentement général à l’impôt qui est affaibli. Pourquoi payer si les riches peuvent s’en dispenser ?
Soirée co-organisée par Les amis du monde diplomatique et Attac Isère
à la conférence-débat autour du livre » le système dette »
La dette …La payer ? L’auditer ? La répudier ?
Éric TOUSSAINT présente son dernier livre
Samedi 26 mai 14h
à la Maison des associations 6 rue Berthe de Boissieux à Grenoble
Entrée gratuite
De l’Amérique latine à la Chine en passant par la Grèce, la Tunisie et l’Égypte, la dette a été utilisée comme une arme de domination et de spoliation.
Le recours à l’endettement extérieur et l’adoption du libre échange constituent à partir du XIXe siècle un facteur fondamental de la mise sous tutelle d’économies entières par les puissances capitalistes.
La Grèce des années 2010 est un exemple supplémentaire d’un pays et d’un peuple privés de liberté sous le prétexte de rembourser une dette illégitime.
Cette dictature de la dette n’est pas inéluctable. En deux siècles, plusieurs États ont annulé leurs dettes avec succès.
L’auteur analyse les répudiations réalisées par le Mexique, les États-Unis, Cuba, le Costa Rica et la Russie des soviets. Il met en lumière et actualise la doctrine de la dette odieuse.
Ce récit captivant donne les clés indispensables pour comprendre la mécanique implacable de la dette et l’évolution du monde capitaliste au cours des deux derniers siècles.
Éric Toussaint est historien et docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris 8, porte parole du CADTM international (Comité pour l’abolition des dettes illégitimes). Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont Bancocratie (Éditions Aden). Il a notamment coordonné les travaux de la Commission pour la vérité sur la dette publique de la Grèce, créée en 2015 par la présidente du Parlement grec.
Organisée par les amis du Monde diplomatique avec le soutien du CADTM/Grenoble
Comme le révèle le média local ThessNews, les centres d’accueil de la région de Thessalonique ( Diavata et Lagkadikia) sont au bord de l’explosion car plein à craquer.
Ces derniers temps, un flux continu de réfugiés ont passé la rivière Evros en provenance de Turquie. Il semblerait que Erdogan joue de sa capacité à ouvrir le robinet des flux migratoires pour peser dans ses relations avec l’UE… Ces centaines de migrants et réfugiés ont pour résultat de venir exploser la capacité grecque en matière d’hébergement. Cela a eu pour résultat de créer des tensions inter-ethniques parmi eux avec parfois des affrontements.
Les journalistes du média local ThessNews ont mené une enquête que nous rapportons ici :
Dans le centre de Diavata, les réfugiés dorment à même le sol sur des couvertures…les uns sur les autres et on a érigé plus de 60 tentes dans la cour intérieure de la structure. Ces tentes prévues pour 3, accueillent 5 personnes. Le long de la clôture, où il y a des arbres, vivent plus de 100 réfugiés au cours des dix derniers jours, qui sont venus dans leur majorité de Afrin. Les témoignages sont accablants: « Nous sommes partis il y a un mois d’ Afrin et ces 10 derniers jours, nous sommes arrivés à Thessalonique. Nous avons traversé la frontière par la rivière, l’eau était à la taille. Nous étions trois familles, 13 personnes avec de jeunes enfants. Nous avons payé des trafiquants 1.500 euros chacun. Nous vivons dans les tentes jusqu’à 5 personnes ensemble. C’ est très difficile… » raconte Ntelal du camp de Diavata, tenant dans ses bras un bébé de six mois.
Même situation dans le camp de Lagkadikia où on a monté à la va vite des petites tentes ou des petits préfabriqués. Ce camp initialement devait accueillir 400 personnes. Après les dernières arrivées, les réfugiés, principalement des Kurdes, vivent dans un bâtiment d’environ 50 mètres carrés, à plus de 50-60 personnes tous ensemble, femmes, hommes et enfants. Ils dorment sur le sol sur des couvertures et ceux qui ne rentrent pas, dans des tentes.
« Nous sommes ici depuis 10 jours. Je suis enceinte et la situation est très difficile. Nous dormons sur le sol sur des couvertures et nous n’avons pas encore commencé les procédures d’asile. On ne peut pas rester dans un si petit espace tous ensemble « décrit Nazir.
Ces centaines de réfugiés et de migrants qui traversent la frontière ont récemment triplé et les structures d’accueil sont insuffisantes.
Selon des données récentes, seulement en Avril 2018, plus de 2900 personnes ont franchi l’Evros.
Le porte-parole du ministère Nikos Ragos, a déclaré la semaine dernière à ThessNews qu’on ne va pas créer de nouvelles structures d’hébergement, mais une expansion des capacités dans ceux qui existent déjà.
La région d’Evros est très préoccupée. Le maire de Orestiada, Vassilis Mavridis, fait remarquer que le renforcement des forces de police ne résoudra pas le problème si on ne renforçe pas le département d’asile. « Nous savons que de nombreuses personnes sont arrivées à l’aéroport d’Istanbul, en particulier des pays d’Afrique sub-saharienne. Tous ceux-ci trouveront leur chemin vers la Grèce. Nous ne pouvons pas être un vignoble non clos, en particulier pour les migrants économiques. Le bouclier de l’Èvros est difficile, il est une réalité. Il devrait y avoir un flux normal en fonction des capacités du pays d’accueillir ces gens » , a déclaré le maire à Radio Thessalonique.
Selon le maire, l’Èvros est un passage attrayant pour les réfugiés et les migrants, car le coût est faible par rapport au passage par les îles, et l’Èvros est exclu de l’accord UE-Turquie et des déportations de migrants. Les 120 policiers supplémentaires envoyés ces jours-çi par l’État, ne résolvent pas le problème. Selon le Maire, il faut un vrai service d’asile.
Près d’un million de réfugiés en quatre ans :
A partir de 2014, le pays vit avec le grand problème des réfugiés. Près d’un million de personnes sont passées ces dernières années via l’Evros ou la mer Égée en Grèce. Plus précisément en 2014 sont arrivés dans le pays 41 038 personnes, et cela a plus que quadruplé au cours des deux dernières années, avec 173 450 personnes, c’est tombé à 29,718 en 2017 après l’accord UE-Turquie, alors que les trois premiers mois de l’année on a compté 7.145 arrivées. Au total depuis 2014 jusqu’au premier trimestre de 2018 ont été enregistrés pour avoir pénétré dans le pays, 856 723 réfugiés et immigrants.
En ce qui concerne la nationalité, depuis le début de 2017 jusqu’à aujourd’hui sont venus 14 419 Syriens , 7.281 Irakiens, 4069 Afghans , 1158 Congolais, 939 Algériens, 902 Palestiniens, 802 Iraniens, 530 Pakistanais, 451 Koweitiens et 626 apatrides.
La Grèce sous tutelle jusqu’au remboursement des prêts
11 mai par Marie-Laure Coulmin Koutsaftis
Tag sur l’immeuble de l’Académie D’Athènes. CC MLCK
La fin annoncée du 3e mémorandum signé par Tsipras en août 2015 ne doit pas faire illusion : les conversations entre l’Eurogroupe et le Ministre des Finances grec Tsakalotos portent sur l’aménagement de la nécessaire « tutelle » législative et budgétaire qui va être imposée pendant des années à la Grèce par ses créanciers, dans le but d’effectuer les « réformes » non encore accomplies après le 28 août 2018, date prévue officiellement pour la fin du troisième programme « d’aide ».
L’Eurogroupe de janvier 2018 a précisé à nouveau la liste des 88 prérequis encore en suspens, à régler pour le bouclage de la 4e évaluation, qui doit avoir lieu au plus tard en juin 2018, pour la délivrance de la dernière tranche de 11,7 milliards d’euros, quatrième et dernier versement du programme. Selon le Ministre Tsakalotos « il n’y aura pas de nouvelles mesures [1] », seules les « promesses » non réalisées sont concernées : le cadastre, les privatisations – en particulier dans le domaine de l’énergie – la « réforme » de la fonction publique et l’attribution des permis des maisons de jeu électronique et de casinos sont en première ligne, la baisse du seuil minimum d’imposition. À noter que le programme électoral de Syriza énoncé à Thessalonique en septembre 2014 [2] prévoyait la restauration du seuil de non-imposition à 12 000 €/an. Le seuil de non-imposition a été fixé après de multiples négociations à 8.600 pour une personne seule, à 9000 euros annuels pour un couple avec deux enfants à charge. La situation va se dégrader car, sous la pression de la Troïka, le gouvernement s’est engagé en juin 2017 à rabaisser ce seuil à 5.700 euros et 6130 euros respectivement à partir du 01/01/2019 [3]. Et encore, la réalisation des mises aux enchères par internet, l’application de la TVA à 24% dans toutes les îles dès juillet 2018 (dont celles où sont confinés un grand nombre de réfugiés), la modification des critères de calcul de l’impôt ENFIA sur les bâtiments [4] …
Sur les 86 milliards prévus du 3e accord de prêt d’aout 2015, la Grèce n’a reçu que 58,6 milliards € ; il est prévu que les 27,4 milliards restants seront attribués après mai 2018, une fois leur utilisation précisée. Précisons que la majeure partie de la somme est repartie immédiatement vers les créanciers sous la forme de remboursement de la dette, tandis que 45,4 milliards d’Euros, résultant de ces différents accords de prêt ont été injectés depuis 2010 dans la recapitalisation des banques privées [5] . Pour recevoir le reste, le pays doit donc matérialiser une série de réformes avant le mois d’août 2018. D’après le Mécanisme Européen de Stabilité s’exprimant au nom des institutions, cette dernière tranche du prêt devra permettre principalement de régler les dettes du pays en suspens.
« L’espoir arrive » – Stand électoral Syriza au soir des élections de janvier 2015. cc mlck.
Comme Dijsselbloem le déclarait en janvier 2018 au Financial Time, « le Premier Ministre Tsipras et le ministre Tsakalotos ont entièrement changé le ton des rapports avec les partenaires communautaires. Tout est désormais beaucoup plus facile, c’est une situation tout à fait différente » [6] . CQFD.
L’ombre menaçante du FMI
Trois ans après la signature du 3e mémorandum, le FMI ne tranche toujours pas sur sa possible contribution financière à celui-ci. Une participation souhaitée par les créanciers européens, l’Allemagne en tête, mais appréhendée par le gouvernement Tsipras depuis le début. En effet, le FMI sans participer n’en continue pas moins en tant que créancier (des précédents plans « d’aide ») à exiger de nouvelles coupes dans les retraites et les salaires, au nom du service de la dette externe. Surtout, le FMI considère la dette grecque comme insoutenable et en réclame un aménagement par les créanciers européens. Mais ceux-ci, menés par l’Allemagne, sont opposés à une réduction de leurs créances sur la Grèce. Le FMI a toujours refusé la réduction de ses propres créances en prétextant que ses membres des Pays en développement ne comprendraient pas qu’un tel traitement de faveur soit accordé à la Grèce.
Le FMI aurait dû se prononcer fin janvier 2018 pour une seule et unique évaluation d’un programme (Memorandum of Economic and Financial Policies, MEFP) signé en juillet 2017 avec la Grèce [7] , qui prévoyait l’éventualité d’un versement de 1,6 milliard d’Euros, sous condition entre autres que les créanciers européens prennent des décisions essentielles pour la viabilité de la dette grecque. La Grèce, ne souhaitant pas que le FMI s’implique dans le programme par ce versement, a fait appel au marché en émettant des obligations pour faire face à ses problèmes de liquidité, en utilisant ce « retour sur les marchés » comme outil de propagande.
Bien qu’elles soient régulièrement annoncées comme « imminentes d’ici quelques semaines » depuis août 2015, les discussions entre les créanciers sur un réaménagement de la dette grecque ne sont pas toujours pas au programme dans l’immédiat.
En tant que créancier des deux premiers memoranda, le FMI siège au sein de la troïka devenue quartet En tant que créancier des deux premiers memoranda, le FMI siège au sein de la troïka devenue « quartet » [8] et son poids pèse lourd sur certains des prérequis exigés par les créanciers dans le cadre du 3e mémorandum. Ainsi, on reconnait la marque du FMI sur des mesures « débloquées » par la loi mammouth votée en procédure d’urgence en janvier 2018, comme la mise aux enchères des résidences principales par voie électronique, la réduction du droit de grève à travers une modification des procédures à respecter pour pouvoir faire grève, la révision à la baisse des droits aux allocations familiales pour les familles nombreuses (à partir de trois enfants). Mais aussi l’impunité pour les membres du TAIPED [9] et du super-fonds de privatisation [10] : la multi-loi de janvier 2018 prévoit que les experts profitent aussi désormais de l’asile juridique, y compris quand le résultat d’une privatisation a porté gravement tort au secteur public grec. C’est la réponse au scandale qui a mené devant les tribunaux grecs six membres du TAIPED [11] , malgré les protestations de la Troïka.
La dictature fiscale instaurée par le troisième mémorandum
Les mesures d’austérité du troisième mémorandum ont fait augmenter les dettes d’impôts de 20 milliards d’euros en créant 500.000 endettés fiscaux supplémentaires entre 2015 et 2017. Des dettes qui s’élevaient à 40 % du PNB fin 2014. Pourtant Tsipras avançant les chiffres officiels annonçait en janvier 2017 que les objectifs fiscaux avaient été atteints pour les deux années précédentes. C’est la démonstration que les objectifs fiscaux fixés par l’État grec sont bien supérieurs à ses besoins budgétaires mais surtout, qu’ils dépassent largement la capacité de paiement des contribuables grecs [12].
Résultat, pendant le seul mois de février 2018, 2,5 milliards d’euros supplémentaires se sont ajoutés aux dettes d’impôts non honorées. L’Agence Autonome des Recettes Publiques se prépare à procéder à des saisies, tandis que les mises aux enchères par internet pour dettes envers l’État seront mises en route, à partir du 27 avril 2018, en particulier pour contenter les créanciers qui en ont fait un prérequis sine qua non [13].
En août 2017, l’ensemble des dettes d’impôts impayés s’élevaient à 95,65 milliards d’euros, dont 5,48 milliards pour la seule année 2017, pour un total de 3,8 millions de contribuables endettés. Parmi eux, 2,4 millions de contribuables endettés, personnes physiques ou morales, sont incapables de payer aux impôts une somme inférieure à 500 euros, représentant un total de 340 millions d’euros. [14]
Ce sont donc 1,4 millions de contribuables qui sont exposés à des mesures de rétorsion de l’Agence Autonome des Recettes publiques [15] . (Rappelons que lors du recensement de 2011, la Grèce comptait 11 millions d’habitants.)
Dans le détail :
11,7% du total des contribuables doivent moins de 10 euros chacun pour un total de 1 million d’€ (505.202 personnes physiques et morales)
398.004 doivent moins de 50 euros, pour un total de 11,5 millions d’euros
34,5% du total des contribuables (1.485.693) doivent de 50 à 500 euros, pour un total de 327,8 millions d’euros [16].
Avec la même multi-loi de janvier 2018, le numéro fiscal (AFiMi) personnel qui conditionne toutes les opérations commerciales et nombre de procédures administratives pourra être supprimé par l’Agence Autonome des Recettes publiques. Par ailleurs elle pourra attribuer un numéro fiscal à quiconque, personne physique ou morale, pourvu qu’elle dispose de quelques éléments clé, ce qui lui permettra de verbaliser ou d’agir en représailles de supposées infractions, y compris en réclamant à une nouvelle personne morale les arriérés dus par un des membres de son Conseil d’administration si celui-ci est un contribuable qui s’est endetté dans les cinq dernières années, pour une hauteur minimale de 15 000 euros, dans le cadre de la lutte contre l’évasion et l’échappement fiscal [17] .
La Grèce s’était engagée à appliquer une baisse du seuil minimum d’imposition prévue après 2020. En effet le FMI et le reste des Institutions invoquent la nécessité de produire un excédent budgétaire de 3,5% du PIB dès 2019. Le gouverneur de l’Autorité Autonome des Recettes Publiques, contrôlée par les Institutions européennes et qui remplace le Trésor en Grèce a annoncé en mars 2018 que la baisse du minimum d’imposition interviendrait plus tôt que prévu, sous peine de voir activer le « sécateur » (koftis), voté par la multi-loi de mai 2016. Ce sécateur permet d’imposer de nouvelles mesures d’austérité sans passer par une décision ministérielle ou un vote préalable du parlement grec, en cas de non-respect de l’objectif d’un excédent primaire (hors service de la dette) de 3,5% en 2018 et après – et donc indépendamment de la composition du gouvernement [18].
Comme le journaliste économique Romaric Godin le faisait remarquer au moment de son adoption, « Pour éviter d’avoir recours à ce mécanisme-sécateur, le gouvernement grec devra de toutes façons poursuivre la baisse de ses dépenses. Toute richesse grecque sera donc ponctionnée tant qu’il faudra rembourser la dette [19]. »
Sur la politique fiscale, le FMI continue donc à peser de tout son poids, en plein accord avec le MES, comme en témoigne le commentaire du responsable de la zone Europe au FMI, Poul Thomsen, interrogé sur l’avenir de la Grèce après la fin du 3e programme. « Nous n’avons pas d’objectifs précis et nous ne jouerons aucun rôle pour dire »Faites ceci ou cela« , mais l’important pour le FMI est que la politique menée soit bien compatible avec la reprise. Le redressement spectaculaire de la Grèce a été atteint grâce à l’augmentation des impôts, mais au détriment du développement. Il importe donc d’élargir significativement la base d’imposition [20]. »
Une bonne politique fiscale selon le FMI suppose de baisser le seuil de non-imposition pour faire contribuer davantage les plus faibles revenus et soulager les plus riches, trop sollicités fiscalement pour vouloir investir.
De nouvelles baisses de retraite de 20% à venir avant 2019
Dans le cadre du 3e mémorandum, de nouvelles baisses des retraites et la modification du système des cotisations de retraite ont été imposées par la loi Katrougalos en 2016, mais par la suite le gouvernement grec a été obligé de corriger partiellement certains points qui accentuent particulièrement la pauvreté. Ainsi il a été institué en 2017 une indemnité sociale pour les plus pauvres, et on a ouvert aux sans-abris et aux migrants la possibilité de s’inscrire en demandeurs d’emploi. Pour le dire autrement, les gens qui auront perdu leur résidence principale pourront néanmoins s’enregistrer comme demandeurs d’emploi : une des mesures « sociales » du gouvernement Tsipras.
Les modifications dans les pensions de retraite amenés par la loi Katrougalos s’appliquent pour 2,7 millions de retraités avec de nouvelles baisses allant jusqu’à 40% [21]. D’après l’OCDE, entre 2010 et 2016 les Grecs avaient déjà subi une perte de 36% de leurs revenus ; celle-ci va encore être accentuée par les nouvelles baisses de retraite. Les plus faibles revenus sont particulièrement affectés par la hausse des taxes et des impôts et la suppression progressive des indemnités destinées à compenser la précarité (EKAS, etc…) [22]
Parmi les plus touchés par les baisses de retraite du troisième mémorandum, les veuves dont les pensions de réversion ont pu baisser de 47,4%, puisque la pension initiale du défunt a baissé significativement après la Loi Katrougalos. Il n’y aura aucune allocation de réversion pour les nouveaux retraités. Les pensions de réversion aux enfants mineurs ou aux étudiants de moins de 24 ans sont désormais conditionnées par des critères très serrés, pour l’obtention d’une petite retraite inférieure à 300 euros délivrée par la caisse agricole OGA.
Les grandes modifications votées en 2016 et en 2017 ne seront appliquées et visibles dans les relevés de pension qu’à partir de décembre 2018. Pour les nouveaux retraités, qui toucheront moins que ceux ayant posé leur dossier en 2017, les baisses de retraites seront limitées à 20% puisque leur retraite démarre de plus bas. Les futurs pensionnés arrivant à l’âge de la retraite à partir de janvier 2019 verront les nouvelles baisses s’appliquer immédiatement [23].
Enfin, l’indemnité EKAS qui constituait un complément pour les pensions les plus faibles est en voie de suppression progressive [24], au cœur des économies qui permettent de dégager un « excédent primaire » par la réduction des dépenses publiques.
Résultat, début 2018, un Grec sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté fixé depuis 2015 à 376 €. Plus d’un million de retraités survivent avec moins de 360 € mensuels. Rappelons que le seuil de pauvreté en Grèce a été abaissé à plusieurs reprises par Eurostat [25] : en 2010 on risquait la pauvreté avec moins de 598 € par mois, alors que ce seuil rabaissé de 37% élimine statistiquement toute une tranche de nouveaux pauvres, dont les retraités [26].
« Pablo Picasso : La croissance en Grèce – (Détail) » – Dessin satyrique de Yannis Kalaïtzis.
La reprise économique, un leurre de plus en plus lointain
Alors que l’on nous parle pour la Grèce de « bout du tunnel » de « reprise économique après des années d’effort », l’économiste Costas Lapavitsas propose une toute autre analyse de la situation grecque : « La réduction de la consommation publique explique le brutal excédent primaire poursuivi par M. Tsakalotos … La stagnation de la consommation privée est due au chômage, aux bas salaires et aux lourdes taxes. ../.. En particulier, la consommation alimentaire diminue constamment. Le pire c’est que même la consommation des pâtes a baissé de 10%. »
« Le gouvernement Syriza en mai 2017 s’est à nouveau engagé sur le principe d’une austérité particulièrement cruelle, s’engageant à diminuer encore les retraites et à imposer de nouvelles taxes dans le but d’obtenir des excédents primaires annuels supérieurs à 3,5% du PIB annuellement jusqu’en 2022. Et ensuite ils se sont engagés à assurer des excédents annuels de 2% jusqu’en 2060 ! [27] »
« La hausse de l’impôt et la forte augmentation des cotisations d’assurance affectent l’attrait pour l’investissement. Dans le même temps, la réduction continue des prêts bancaires et les taux d’intérêt élevés ont restreint l’accès au crédit. Le système bancaire grec est totalement incapable de financer le retour aux investissements. Comment pourrait-il en être autrement lorsque 45% des actifs bancaires sont constitués de crédits en défaut de paiement ? En y ajoutant la dette publique et l’absence continue de crédit commercial, il n’y a aucun mystère sur la faiblesse de l’investissement qui en 2017 n’a été que de 25 milliards. Il convient de noter que les investissements antérieurs à la crise étaient d’environ 60 milliards par an. [Costas Lapavitsas, Le temps d’attente pour le gouvernement est terminé – 14/03/2018] »
Et la fin du 3e programme ne changera pas la donne, bien au contraire : « En août 2018, lorsque le troisième programme de renflouement prendra fin, la Grèce devra emprunter sur les marchés des sommes substantielles. Rien que pour financer l’essentiel en 2019, le pays aura besoin de plus de 12 milliards d’euros. Aussi le gouvernement prévoit-il d’accumuler un »oreiller » de plus de 15 milliards d’euros sous forme de garantie pour les prêteurs étrangers.
C’est extraordinaire pour un pays qui manque cruellement d’investissements – conserver près de 10% de son PIB d’argent mort en stock. Même ainsi, les prêteurs internationaux devront être rassurés sur le fait que l’austérité sera maintenue et la Grèce aura besoin, le cas échéant, du soutien implicite ou explicite des créanciers de l’UE, ce qui implique bien entendu un prolongement de la mise sous tutelle de la Grèce, comme sur les autres pays endettés de l’UE. La Grèce restera effectivement dans un statut néocolonial. [28]«
Les memoranda : des programmes réussis
La constante application des créanciers à imposer des mesures qui semblent systématiquement produire des effets contraires aux buts affichés pose la question : quels étaient à l’origine les objectifs des « plans d’aide » qui se sont succédés depuis 2010 ?
Les travaux de la Commission Vérité sur la dette publique grecque [29] ont démontré notamment que le premier mémorandum avait eu pour but de financer l’État grec en faillite à cause de la recapitalisation des banques grecques, suite à la crise des subprimes, ce qui a permis que les banques étrangères, françaises et allemandes principalement, se dégagent alors qu’elles avaient prêté abondamment de l’argent sur le marché bancaire grec [30]
Les plans suivants ont servi à recapitaliser de nouveau les banques grecques et à continuer de dégager les créanciers privés, remplacés par les États de l’UE et les institutions européennes, financées par l’argent des contribuables européens.
Mais tout l’intérêt de l’affaire n’était-il pas dans la destruction du droit du travail, le démantèlement des services publics par la réduction des dépenses publiques, leur privatisation, la mise à l’encan des biens du pays en commençant par les ressources minières des sous-sols souterrains et sous-marins, les ressources énergétiques, tous les services de transports publics, la santé, l’eau … mais aussi les aéroports, marinas et des portions de bandes côtières, et maintenant la vente des biens privés de la population, habitations et terrains agricoles ou à construire, imposés par les memoranda ?
L’écrasement systématique des catégories les plus faibles de la population (pauvres, malades, personnes âgées ou dépendantes) par leur réduction progressive à la misère, à travers la baisse ou la suppression des pensions de retraite, la dégradation de l’accès à la santé et aux programmes d’aide aux personnes « handicapées » soumettent les populations à ce qui ressemble à une « guerre de basse intensité » telle que décrite par Jules Falquet [31] dans son livre Pax Neoliberalia [32], plus qu’à une « mauvaise gestion » par un État souffrant de « mauvaise gouvernance ».
Les scandales impliquant les hommes politiques au pouvoir à tous les niveaux, comme le scandale Novartis, et leurs va-et-vient entre les institutions publiques nationales et européennes et les grandes institutions financières privées ne laissent guère planer d’ambiguïté. La docilité des gouvernements envers les grands groupes financiers au détriment des intérêts vitaux des populations mais aussi de l’indépendance souveraine de leur propre pays montre combien les programmes mis en place par l’Union européenne à travers le MES, la BCE et le FMI n’ont qu’un seul but. Il s’agit d’en finir avec l’état social et de fermer le chapitre « bons salaires/bonnes retraites/bonne fin de vie confortable » qui fait de l’Europe un endroit « peu concurrentiel ». C’est d’ailleurs ce qu’a exprimé Schäuble devant Varoufakis [33].
En Grèce, l’austérité imposée au prétexte de la dette publique est menée aux extrêmes. L’hémorragie démographique qui s’ensuit contribue à régler les problèmes démographiques de l’Europe du Nord, avant que celle-ci se voie à son tour imposer des mesures renforcées d’austérité.
Dans la Grèce néolibérale mémorandaire, l’entreprise minière Eldorado Gold se contente d’un rendement d’extraction de l’or très faible car après avoir éventré des collines et des forêts classées en zone Natura 2000, sur 700 m de diamètre, 200 m de profondeur, en procédant à un mode inédit d’exploitation au cyanure aux conséquences encore inconnues sur l’environnement, rien d’autre ne compte pour l’entreprise canadienne que sa valeur boursière. Gagner un procès devant la Cour Constitutionnelle grecque fait remonter immédiatement le cours de l’action de la maison-mère [34] . Peu importe finalement qu’il y ait de l’or à la clé et à quel prix. Peu importe que le bassin hydrologique d’une région entière soit dévasté, ainsi que tout son système écologique.
C’est le système dette qui a justifié cette évolution en Grèce, en transformant ce pays en colonie de la dette.
C’est le système dette qui, après avoir agenouillé les pays du Sud pour siphonner leurs richesses, s’étend à travers l’Europe, multipliant les friches industrielles, outil principal de l’oligarchie pour instituer un ordre néolibéral à coup d’état d’urgence et de guerre de basse intensité, au nom desquels les constitutions mêmes sont modifiées, rejetant dans une histoire lointaine les conquêtes des peuples.
Merci à Anouk Renaud et à Éric Toussaint pour leur relecture attentive
[4] ENFIA ou « taxe consolidée sur la propriété immobilière ». En fait, la Grèce dispose d’une quarantaine de taxes et de timbres sur la construction, les loyers, l’héritage, le transfert ou la légalisation des constructions sans permis, mais aucune taxe n’imposait jusqu’en août 2011 les ménages modestes sur leurs biens. Par l’établissement définitif de la taxe ENFIA passé dans la loi grecque en janvier 2014, le gouvernement espère des revenus supplémentaires de 3,5 milliards d’€, contre 500 millions € auparavant. Source en grec
[8] Les créanciers de la Grèce sont la BCE, la Commission Européenne, le FMI et le MES, qui est intervenu en aout 2015 à l’occasion du 3e mémorandum, transformant la Troïka (Commission, BCE et FMI) des deux premiers memoranda en « quartet ».
[9] TAIPED, en anglais Hellenic Republic Asset Development Fund, le Fond de privatisation des biens publics grecs, créé en 2011. Voir Sucer la Grèce jusqu’à la moelle sur le site du CADTM
[18] « La pleine mise en œuvre des dispositions pertinentes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, notamment en rendant opérationnel le conseil budgétaire avant la finalisation du protocole d’accord et en introduisant des réductions quasi automatiques des dépenses en cas de dérapages par rapport à des objectifs ambitieux d’excédents primaires, après avoir sollicité l’avis du conseil budgétaire et sous réserve de l’accord préalable des institutions. » Extrait du IIIe Memorandum of Understanding (MoU) paru dans L’Humanité du 16/07/2015, « Yanis Varoufakis met en lumière les appétits des liquidateurs de la Grèce ».
[25] Le seuil de pauvreté, indexé sur le salaire minimum qui a été réduit de 751 € en 2009 à 586 € en 2011, a été rabaissé, rendant un peu moins dramatiques les statistiques sur la néo-pauvreté des Grecs. Voir en grec
[26] Le danger de pauvreté parmi les plus de 65 ans était de 28,4% de la population en 2004, de 23,6% en 2011. Depuis, il n’a cessé de baisser, en 2012 à 17,2%, en 2013 à 15,1%, en 2014 à 14,9% et en 2015 à 13,7%.
[31] Maîtresse de conférences en sociologie HDR, Université Paris 7- Denis Diderot.
[32] Pax Neoliberalia, Perspectives féministes sur (la réorganisation de) la violence, Éditions Racine de iXe, 2016
[33] « Mais Schäuble n’était pas intéressé et passe au sujet qui est au cœur de toute sa stratégie et de ses motivations profondes : « Sa théorie suivant laquelle le modèle social européen « trop généreux » était intenable et bon à jeter aux orties. Comparant le coût du maintien des États-providences avec ce qu’il se passe en Inde ou en Chine, où il n’y a aucune protection sociale, il estimait que l’Europe perdait en compétitivité et était vouée à stagner si on ne sabrait pas massivement dans les prestations sociales. Sous-entendu, il fallait bien commencer quelque part, et ce quelque part pouvait être la Grèce. » in Varoufakis-Tsipras vers l’accord funeste avec l’Eurogroupe du 20 février 2015
Le collectif de Grenoble qui a participé à la collecte pour le prochain convoi solidaire organisé par le collectif Anepos relaie l’appel de Yannis Youlountas qui alerte sur le niveau faible de remplissage des camions et des dons.
Grèce : appel urgent à solidarité
A quelques jours du départ, le taux de remplissage des 17 fourgons atteint péniblement 60% et, pire encore, les dons ne sont qu’à 30% de l’objectif nécessaire. Alerte rouge.
GRÈCE : APPEL URGENT À SOLIDARITÉ
Le tri et chargement de la collecte dans le sud-est de la France a été effectué ce mercredi près de Marseille (photo). Celui du sud-ouest vient de commencer ce week-end près d’Albi.
Le bilan est le même : alors que les billets de ferry ne sont plus échangeables, les 17 fourgons peinent à se remplir ! Le taux de remplissage vient seulement de dépasser la moitié de la capacité totale et approche lentement des deux tiers. Nous attendons les toutes dernières collectes pour en savoir plus.
Côté dons, c’est l’alerte rouge : ils sont beaucoup plus bas que précédemment (30% de l’objectif) alors que les besoins sont encore plus importants, tant la situation est difficile : cuisines sociales gratuites, dispensaires médicaux autogérés, squat de réfugiés, collectifs solidaires et de luttes, etc.
La raison est simple. Elle est logique et légitime. Cette année, en France, vous avez été très sollicités par d’autres actions de solidarité, nombreuses et importantes, telles que :
– caisses de grève (cheminots, postiers, etc.) ;
– soutien aux victimes des violences policières ;
– collectes pour la ZAD ;
– collectes pour les migrants (à la frontière italienne et ailleurs).
On comprend très bien et on vous en félicite. Mais la Grèce reste la ligne de front principale contre le durcissement du capitalisme en Europe, ainsi que le grand piège à ciel ouvert des migrants. Beaucoup de nos lieux autogérés sont exsangues. Les collectifs de luttes sont écrasés de procès (parfois des dizaines, comme pour Rouvikonas). Les stocks de vivres sont au plus bas, six mois après le convoi de novembre 2017.
Les 45 camarades prêts à partir (de France et de Belgique) partent bénévolement et se déplacent à leurs frais. Ils prennent également le risque d’être harcelés par les autorités policières et inquiétés par les groupes fascistes (qui la dernière fois n’avaient pas manqué de nous menacer et de titrer à notre sujet dans leurs journaux en Grèce).
Nous comptons donc sur vous pour un petit coup de pouce, aussi modeste soit-il. La somme des petits (ou grands) gestes nous permettra peut-être d’atteindre l’aide nécessaire ou, au moins, de s’en rapprocher.
SI VOUS NE DEVEZ DONNER QU’UNE SEULE FOIS EN 2018 POUR NOS LIEUX ET ACTIONS EN GRÈCE, C’EST MAINTENANT QU’IL EST ESSENTIEL DE LE FAIRE.
Vu l’urgence et la proximité du départ, choisissez le soutien par virement ou par Paypal plutôt que par chèque (temps d’envoi postal + temps de traitement + temps d’encaissement).
[Mise à jour à 13h00] Si vous choisissez Paypal, sachez que ce site demande désormais d’ajouter aussi les chiffres après la virgule : ne vous trompez pas (une camarade qui voulait donner 200 euros tout à l’heure a donné 2,00 euros avant de s’en rendre compte par hasard).
« La lutte continue pour que les réfugiéEs ne soient pas isolés dans des camps de rétention dans les îles »
NPA : Les articles de la rubrique Idées n’expriment pas nécessairement le point de vue de l’organisation mais de camarades qui interviennent dans les débats du mouvement ouvrier. Certains sont publiés par notre presse, d’autres sont issus de nos débats internes, d’autres encore sont des points de vue extérieurs à notre organisation, qui nous paraissent utiles.
Crédit Photo: Manifestation de Keerfa. DR
Entretien. Alors que 35 migrantEs sont jugés par la justice grecque en raison de leur participation à une manifestation contre leurs conditions de détention sur l’île de Lesbos, nous avons rencontré Petros Constantinou, coordinateur de la Keerfa (Mouvements unis contre le racisme et la menace fasciste), et conseiller municipal Antarsya à Athènes.
Avec la Keerfa, vous dénoncez notamment « l’Europe forteresse ». Concrètement, de quoi s’agit-il ?
Les gouvernements des pays de l’UE appliquent des politiques racistes envers les immigréEs, en fermant les frontières, en abolissant les droits des réfugiéEs et l’asile, transformant l’Europe en une forteresse remplie de barrières et de camps de concentration, et la Méditerranée en tombe pour des milliers qui fuient l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique. Ces politiques ouvrent la voie à une nouvelle montée de l’extrême droite et des partis fascistes en Europe.
Des interventions impérialistes, comme la dernière attaque de l’alliance États-Unis-France-Grande-Bretagne contre la Syrie, déracinent encore plus de personnes de leur pays. Les gouvernements eux-mêmes qui se présentent comme les sauveurs du peuple syrien, ferment leurs frontières aux réfugiéEs et renforcent les discriminations envers eux. Soixante-dix ans après la signature de la Convention de Genève, le droit à l’asile est miné au nom de politiques de loi, d’ordre et de sécurité et des choix ouvertement racistes avec l’islamophobie en tant qu’expression dominante. Les accords UE-Turquie-Libye depuis mars 2016 tentent de bloquer les réfugiés hors de l’UE en finançant des camps sur le territoire de la Turquie et la Libye, où réapparaît le commerce d’esclaves. Ils militarisent la garde des frontières avec Frontex et l’OTAN. En Grèce, ils imposent l’isolement des réfugiés dans les îles.
Ils désorientent les travailleurEs en accusant les immigrés d’être responsables de la pauvreté et du chômage.
Comment se manifeste la solidarité avec les migrantEs en Grèce ?
La résistance en Grèce est massive. En 2015, les réfugiéEs, avec un énorme mouvement de solidarité dans un pays de travailleurEs appauvris par les mémorandums et la troïka, ont réussi à briser les frontières et arriver partout en Europe. En 2016, les gouvernements de l’UE, notamment avec les accords avec la Libye et la Turquie, se sont retournés contre ce mouvement.
Des milliers de travailleurEs et de jeunes, avec leurs syndicats et leurs collectifs, ont soutenu les réfugiéEs. Aucun n’est resté sans nourriture ni sans toit. Ils ont revendiqué et imposé au gouvernement que les enfants des réfugiéEs soient inscrits dans les écoles publiques.
Comment réagit l’extrême droite ?
Les néonazis d’Aube dorée, derrière le masque du parent indigné, ont essayé d’organiser une réaction à l’inscription des enfants dans les écoles. Ils ont échoué quand les syndicats d’enseignantEs, les associations de parents d’élèves, mais aussi tous les partis de la gauche, le Parti communiste, Antarsya, Unité populaire, ainsi que des gens de Syriza, ont défendu les écoles et fait plier les fascistes.
Le mouvement en Grèce après l’assassinat de Pavlos Fyssas en 2013 par les néonazis d’Aube dorée, avec un soulèvement massif et une grève générale, a imposé le procès d’Aube dorée et l’emprisonnement de plusieurs de ses cadres.
Les fascistes sont isolés et les attaques contre les immigréEs provoquent la colère. Le gouvernement Syriza-Anel fait face à d’importantes critiques en raison de la poursuite des politiques racistes. Le 17 mars des milliers de gens ont manifesté à Athènes avec les réfugiéEs, exigeant l’abolition de l’accord raciste UE-Turquie. Dans les îles de Lesbos, Chios et Samos, des réfugiéEs entament des grèves de la faim et organisent des manifestations pour gagner la liberté de circulation ; la police attaque les mobilisations et des réfugiéEs se retrouvent en procès. La lutte continue pour que les réfugiéEs puissent s’installer dans les villes et non dans des lieux-ghettos hors des villes, et pour qu’ils ne soient pas isolés dans des camps de rétention dans les îles.
Comment s’articulent les luttes de solidarité avec les migrantEs et le reste des mobilisations sociales ?
Le mouvement ouvrier, avec ses luttes et ses revendications, construit le front contre le racisme et contre les fascistes. Les travailleurEs municipaux, les écoles, les hôpitaux revendiquent des fonds et le renforcement des services de santé, d’éducation et de protection sociale, avec plus de personnel afin de pouvoir prendre soin de tous, locaux et immigrés. Ils demandent le droit à l’hébergement pour touTEs, ainsi que le droit au travail sans discriminations.
En mai 2017, des travailleurEs immigrés d’une usine de plastique ont fait grève pendant 19 jours quand le patron a frappé un des ouvriers qui demandait ses droits. Ils ont créé un syndicat et ont eu le soutien de toute la gauche. En bravant les intimidations racistes du patron, ils l’ont obligé à accepter un accord.
Et quand à nouveau les fascistes ont commencé à organiser des pogroms et des attaques contre des travailleurs agricoles à Aspropyrgos, des manifestations massives ont été organisées dans la région, obligeant la police à cesser de couvrir les fascistes qui ont été ensuite envoyés en prison et les attaques ont cessé.
Quel rôle pour la Keerfa ?
Unis dans l’action commune de toute la gauche et des syndicats, la Keerfa mobilise beaucoup de monde qui peut barrer la route au racisme et aux fascistes. Cela a une importance énorme pour que les fascistes ne puissent pas profiter du mécontentement et gagner des gens à cause des compromis du gouvernement Syriza avec les capitalistes, avec son implication dans les antagonismes militaires dans la région, avec l’accord avec Israël et l’Égypte pour le contrôle de nouveaux gisements d’hydrocarbures. La voie reste ouverte pour que les gens qui se sont battus contre les mémorandums continuent de s’orienter vers la gauche même si cette lutte a été trahie par Syriza.